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Poursuites judiciaires contre les crimes commis lors de la dictature argentine

Les poursuites judiciaires en Argentine contre les crimes commis lors de la dictature ont connu deux phases principales. La premiÚre, sous la présidence de Raul Alfonsin (1983-89) s'est concrétisée dans le Juicio a las Juntas, au cours duquel furent condamnés les plus hauts dignitaires de la dictature militaire ainsi que plusieurs guérilleros. En revanche, deux lois, la loi du Point final du , et la loi d'Obéissance due du , couvrirent le reste des militaires de toute poursuite (à l'exception du vol de bébés), invoquant l'amnistie jugée politiquement nécessaire et le principe de hiérarchie militaire[1]. En 1989 et 1990, le président Carlos Menem amnistia l'ensemble des personnes condamnées lors du ProcÚs à la Junte.

Le général et gouverneur de Tucumån Antonio Domingo Bussi, condamné à la peine perpétuelle pour crimes contre l'humanité en août 2008, peine modifiée en surveillance à domicile.

Les poursuites furent ainsi bloquées tout au long des années 1990 et ne furent rouvertes qu'aprÚs l'impulsion internationale donnée par l'arrestation de l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet à Londres en . Plusieurs hauts responsables avaient alors fait l'objet de procÚs et de condamnation en Europe (Allemagne, Italie, France). En , le président Nestor Kirchner abrogea certains décrets d'amnistie, soumettant la non-extradition des militaires argentins requise par le magistrat espagnol Baltasar Garzon à leur inculpation en Argentine. Puis, en 2005, la Cour constitutionnelle déclara anti-constitutionnelles les deux lois d'amnistie de 1986 et 1987, ouvrant ainsi la possibilité de nouveaux procÚs.

Si la rĂ©ouverture des affaires concernait presque exclusivement des faits commis lors de la dictature militaire de 1976-1983, certains faits commis avant firent aussi l'objet d'enquĂȘtes, en particulier le massacre de Trelew de 1972 et les « dĂ©crets d'annihilation de la subversion » signĂ©s par la prĂ©sidente Isabel MartĂ­nez de PerĂłn et Italo Luder en 1975.

Une soixantaine de condamnations pour crimes contre l'humanitĂ© furent prononcĂ©es entre 2005 et fin 2009, le crime de disparition forcĂ©e (les desaparecidos) Ă©tant expressĂ©ment qualifiĂ© de tel. Par ailleurs, les tribunaux condamnĂšrent Ă  maintes reprises la prĂ©tendue « guerre sale » comme un vĂ©ritable « plan systĂ©matique d'extermination » visant tant les civils que les personnes accusĂ©es d'ĂȘtre impliquĂ©es dans la lutte armĂ©e. La justice argentine parla pour la premiĂšre fois de « gĂ©nocide » lors du procĂšs de Miguel Etchecolatz, ex-directeur des enquĂȘtes de la police de la province de Buenos Aires, jugĂ© pour crimes contre l'humanitĂ© en 2006. Deux tĂ©moins payĂšrent de leur vie, dans les annĂ©es 2000, leur dĂ©position en justice : Julio LĂłpez, desaparecido en 2006, et Silvia Suppo, assassinĂ©e en .

Le ProcĂšs Ă  la Junte (1985) et l'amnistie de Menem

Les chefs de la junte Jorge Rafael Videla et Emilio Eduardo Massera furent ainsi condamnés, en , à la prison perpétuelle pour crimes contre l'humanité ; l'amiral Roberto Eduardo Viola fut condamné à 17 ans de prison ; Armando Lambruschini à 8 ans de prison ; Orlando Ramón Agosti à 4 ans de prison. Omar Graffigna, les amiraux Leopoldo Galtieri et Jorge Isaac Anaya, et Basilio Lami Dozo bénéficiÚrent de non-lieux « faute de preuves ».

Plusieurs guĂ©rilleros furent Ă©galement condamnĂ©s et des personnalitĂ©s politiques pĂ©ronistes furent Ă©galement inculpĂ©es, en vertu de la « thĂ©orie des deux dĂ©mons », qui prĂ©tendaient mettre sur un mĂȘme plan les actes des Montoneros et de l'ERP avec le terrorisme d'État. Ainsi, l'ex-gouverneur pĂ©roniste Ricardo ObregĂłn Cano (en) fut arrĂȘtĂ© sur ordre du juge Siro de Martini (qui Ă©tait restĂ© en poste sous la dictature [2], et qui dĂ©fendit par la suite le capitaine Alfredo Astiz[3]) et condamnĂ© lors du ProcĂšs Ă  la junte pour « association illicite » avec les Montoneros.

Également visĂ© par cette inculpation, l'ex-gouverneur Oscar Bidegain repartit en exil peu aprĂšs ĂȘtre revenu Ă  la faveur du retour au pouvoir des civils [2], avant d'ĂȘtre amnistiĂ© par Menem.

En effet, en 1989 et 1990, à la suite, en particulier, des velléités putschistes des carapintadas, les secteurs les plus extrémistes de l'armée, le président Carlos Menem amnistia l'ensemble des personnes condamnées (es) pour des crimes commis lors de la dictature.

Les poursuites hors d'Argentine

ConfrontĂ© Ă  l'amnistie en Argentine, les organismes de droits de l'homme et les associations de familles de desaparecidos cherchĂšrent de l'aide hors d'Argentine pour obtenir la vĂ©ritĂ© et la justice. Ils contribuĂšrent ainsi Ă  la formulation du principe de compĂ©tence universelle limitĂ©e, selon lequel des actes commis Ă  l'Ă©tranger par des Ă©trangers peuvent ĂȘtre jugĂ©s par des tribunaux nationaux si les victimes sont ressortissants de ce dernier pays.

Depuis 1985, des informations judiciaires ont été ouvertes en Italie pour les desaparecidos dotés de la citoyenneté italienne. Le premier procÚs s'est conclu à Rome le avec la condamnation à perpétuité des généraux Carlos Guillermo Suårez Mason et Santiago Omar Riveros. Lors de ce jugement, le tribunal de Rome condamna également à 24 ans de prison Juan Carlos Gerardi, José Luis Porchetto, Alejandro Puertas, Héctor Oscar Maldonado et Roberto Julio Rossin, coupables d'homicide dans l'affaire Martino Mastinu.

En France aussi, un procĂšs eut lieu pour l'enlĂšvement et l'assassinat des deux nonnes françaises, LĂ©onie Duquet et Alice Domon. Le lieutenant de frĂ©gate Alfredo Astiz, surnommĂ© « L'ange de la mort Â», fut condamnĂ© par contumace Ă  la prison Ă  perpĂ©tuitĂ© ; un nouveau procĂšs fut ouvert en Argentine, en sa prĂ©sence.

En Espagne, les procÚs débutÚrent en 1996. Au bout de plus de huit ans, le verdict rendu le condamna à la prison à perpétuité l'ancien capitaine de frégate Adolfo Francisco Scilingo, qui avait décrit les « vols de la mort » auxquels il avait participé.

En Allemagne, le , le tribunal de Nuremberg Ă©mit un mandat d'arrĂȘt international pour le gĂ©nĂ©ral Carlos Guillermo SuĂĄrez Mason, inculpĂ© de l'assassinat de la sociologue allemande Elisabeth Kaesemann en Ă  Buenos Aires. Plus tard, le , le mĂȘme tribunal ordonna l'arrestation de l'amiral Emilio Eduardo Massera, du colonel Pedro Alberto DurĂĄn Saenz et du gĂ©nĂ©ral Juan Bautista Sasiain, pour leur responsabilitĂ© dans l'assassinat d'Elisabeth Kaesemann.

Cependant, les demandes d'extradition furent rejetées par la justice argentine. Le , à la demande de la Cour de Nuremberg, le tribunal ordonna l'arrestation de l'ex-président de la junte, Jorge Videla, de l'amiral Massera et de Carlos Guillermo Suårez Mason, inculpés de l'assassinat des citoyens allemands Elisabeth KÀsemann et Claus Zieschank.

Les jugements en Europe jouĂšrent un rĂŽle important de pression sur le pouvoir judiciaire et sur le gouvernement argentin, qui finirent par annuler, 30 ans aprĂšs le coup d'État, les lois d'impunitĂ©, pour juger dans leur propre pays les accusĂ©s de crime contre l'humanitĂ© sous la dictature militaire, et ainsi Ă©viter les extraditions rĂ©clamĂ©es par d'autres pays comme l'Italie, la France, l'Espagne ou l'Allemagne.

Les « procÚs pour la vérité »

Les ProcĂšs pour la vĂ©ritĂ© (Juicio por la Verdad) sont un dispositif juridique Ă©tabli en 2000, Ă  la suite d'un accord Ă  l’amiable entre l’Argentine et la Commission interamĂ©ricaine des droits de l'homme, visant Ă  Ă©tablir les faits sans toutefois entraĂźner de sanctions judiciaires. Le Centre d'Ă©tudes lĂ©gales et sociales (CELS), crĂ©Ă© en 1979 et qui fut tout au long de ces annĂ©es l’un des acteurs majeurs, avec les MĂšres de la place de Mai, de la lutte contre l’impunitĂ©, participa Ă  ce procĂšs et aux suivants.

Le tournant de 2005

MalgrĂ© la mobilisation, dĂšs les annĂ©es de la dictature, des MĂšres de la place de Mai, les militaires argentins Ă©chappĂšrent ainsi Ă  toutes poursuites jusqu’en 2005, date Ă  laquelle la Cour constitutionnelle argentine dĂ©clara anti-constitutionnelle les lois d’amnistie passĂ©es sous Menem. Cette dĂ©cision s'appuya sur l'arrĂȘt de la Cour interamĂ©ricaine des droits de l'homme (CIDH) concernant le massacre de Barrios Altos de 1991 au PĂ©rou [4].

L'inculpation d'Augusto Pinochet par l'Espagne, en 1998, puis l'arrivĂ©e au pouvoir de Nestor Kirchner, qui abrogea en juillet 2003 certains dĂ©crets d'amnistie, ne furent pas Ă©trangĂšres Ă  ce revirement. Kirchner rĂ©voqua Ă©galement le commandant suprĂȘme des forces armĂ©es, le lieutenant-gĂ©nĂ©ral Juan Carlos Mugnolo (remplacĂ© par Jorge Alberto Chevalier[5]), et mis Ă  la retraite les trois-quarts de l'Ă©tat-major, Ă©purant ainsi les forces armĂ©es, de mĂȘme que la police fĂ©dĂ©rale, oĂč de nombreux responsables avaient Ă©tĂ© en fonction sous la dictature ; ces derniers Ă©taient aussi impliquĂ©s dans de nombreuses affaires de corruption[6]. Enfin, il rompit avec la logique souverainiste, qui prĂ©valait jusque-lĂ  en matiĂšre d'extradition[6].

Par ailleurs, Kirchner nomma en Esteban Righi, l'ex-ministre de l'Intérieur d'Héctor Cåmpora (mai-), procureur de la Nation[7], donnant ainsi un signal fort de son engagement dans la politique des droits de l'homme.

Une soixantaine de personnes ont ainsi été condamnées, entre 2005 et , pour violation des droits de l'homme (contre 277 au Chili) [8], le premier étant Miguel Etchecolatz, main droite du général Ramón Camps, chargé de la Police de la province de Buenos Aires, qui avait déjà été inculpé et amnistié dans les années 1980, l'amnistie n'ayant toutefois pas couvert le « vol de bébés ». Sa condamnation à la prison perpétuelle, en 2006, s'accompagna de la « disparition » choquante du témoin principal, Jorge Julio López, qui n'a à ce jour pas été retrouvé.

Carte des zones militaires de l'Argentine sous la dictature. Les généraux suivants ont été, à un moment ou un autre, chef d'une de ces zones: Guillermo Suårez Mason (zone 1); Ramón Genaro Díaz Bessone, Leopoldo Fortunato Galtieri, Luciano Adolfo Jåuregui (zone 2) ; Luciano Benjamín Menéndez, Antonio Domingo Bussi, José Antonio Vaquero (zone 3); José Montes, Cristino Nicolaides, Santiago Omar Riveros, Fernando Humberto Santiago (zone 4) ; Abel Teodoro Catuzzi, José Antonio Vaquero (zone 5).

L'ex-ministre de l'Économie, JosĂ© Alfredo MartĂ­nez de Hoz, inculpĂ© de la disparition forcĂ©e d'un fonctionnaire et d'avoir pris part Ă  l'organisation du coup d'État, demeure Ă  ce jour amnistiĂ© par le dĂ©cret de Menem, lequel est contestĂ© devant la justice argentine[9].

Avant l'arrĂȘt de la Cour suprĂȘme, Adolfo Scilingo avait Ă©tĂ© jugĂ© et condamnĂ© pour crimes contre l'humanitĂ© en Espagne — le juge Baltasar Garzon, le mĂȘme qui avait inculpĂ© Pinochet Ă  Londres en 1998, ayant Ă©tĂ© chargĂ© de l'affaire.

Plusieurs hauts militaires ont depuis été condamnés pour crimes contre l'humanité, dont le général Antonio Domingo Bussi en (qui purge sa peine à domicile), le général Santiago Omar Riveros, chargé du centre clandestin de détention de Campo de Mayo, condamné à la prison perpétuelle pour crimes contre l'humanité en , ou le général Luciano Benjamín Menéndez, commandant du 3e Corps de l'Armée de 1975 à 1979, basé à Córdoba, et condamné en 2008 à la prison perpétuelle pour la disparition forcée de trois militants du Parti révolutionnaire des travailleurs (PRT) à La Perla, et re-condamné (pour la troisiÚme fois), en [10].

En , la prĂ©sidente Cristina Kirchner se dĂ©clara scandalisĂ©e par la dĂ©cision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, qui avait ordonnĂ© la libĂ©ration de 21 militaires accusĂ©s de crimes contre l'humanitĂ©, dont le gĂ©nĂ©ral DĂ­az Bessone[11], Jorge Acosta et le capitaine Alfredo Astiz, au motif que la dĂ©tention provisoire avait excĂ©dĂ© une durĂ©e de trois ans. Ce faisant, elle rejoignait le sentiment des organisations de dĂ©fense des droits de l'homme. Finalement, le secrĂ©taire aux droits de l'homme Eduardo Luis Duhalde sollicita le Conseil de la magistrature pour qu'il initie une procĂ©dure de destitution des magistrats ayant votĂ© cet arrĂȘt (en particulier de Guillermo Yacobucci et de Luis GarcĂ­a), tandis que le procureur RaĂșl PleĂ© faisait un appel suspensif de la dĂ©cision [12]. La dĂ©cision judiciaire ne couvre de toute façon pas l'ensemble des affaires concernant les militaires, qui demeurent donc en dĂ©tention [12].

DĂ©classification des archives (janvier 2010)

DĂ©but , Cristina Kirchner signa le dĂ©cret no 4-2010 avec les ministres Julio Alak (Justice) et Nilda GarrĂ© (DĂ©fense) qui dĂ©classifiait l'ensemble des archives entre 1976 et 1983 (Ă  l'exception de ceux concernant la guerre des Malouines et tout conflit interĂ©tatique), permettant leur utilisation par les magistrats ; le dĂ©cret pourrait couvrir des violations des droits de l'homme commises par la suite, et, peut-ĂȘtre, avant[13].

L’échec de la procĂ©dure contre Isabel PerĂłn

Inauguration du Jardin des MÚres et Grands-mÚres de la place de Mai à Paris (XVe arrondissement, angle rue Balard et quai André Citroën), le . De gauche à droite : la présidente des Grands-mÚres de la place de Mai, Estela Barnes de Carlotto, la présidente Cristina Kirchner, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, et le maire du XVe Philippe Goujon[14].

ExilĂ©e en Espagne, Isabel PerĂłn, prĂ©sidente de l’Argentine de 1974 Ă  1976, fut arrĂȘtĂ©e sur demande d’un juge argentin en , inculpĂ©e de la disparition forcĂ©e d’Hector Fagetti, et son extradition a Ă©tĂ© demandĂ©e par Buenos Aires. Toutefois, l’Audiencia Nacional espagnole rejeta en cette demande, affirmant que les crimes dont Ă©tait inculpĂ©e Isabel PerĂłn ne constitueraient pas un « crime contre l’humanitĂ© » et seraient donc prescrit [15]. Pourtant, selon le statut de Rome de la Cour pĂ©nale internationale et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcĂ©es de 2006, le crime de disparition forcĂ©e constitue bel et bien un crime contre l’humanitĂ©.

Le procÚs de Luis Maria Mendia et les « vols de la mort »

En , lors de son procĂšs, en Argentine, pour crimes contre l’humanitĂ©, l’amiral Luis Maria Mendia, idĂ©ologue des « vols de la mort », demanda la prĂ©sence de ValĂ©ry Giscard d’Estaing, de l’ancien Premier ministre Pierre Messmer, de l’ex-ambassadrice Ă  Buenos Aires Françoise de la Gosse et de tous les officiels en place Ă  l’ambassade de France Ă  Buenos Aires entre 1976 et 1983, pour qu'ils comparaissent devant la cour en tant que tĂ©moins.

Tout comme Alfredo Astiz, l’« ange de la mort », avant lui, Luis Maria Mendia fit en effet au documentaire de la journaliste Marie-Monique Robin, Les escadrons de la mort – l’école française, qui montrait comment la France — et notamment des anciens de la guerre d’AlgĂ©rie —, par un accord secret militaire en vigueur de 1959 Ă  1981, avait entraĂźnĂ© les militaires argentins. Ils demandĂšrent par ailleurs la prĂ©sence d'Isabel Peron (arrĂȘtĂ©e en Espagne dĂ©but 2007), Italo Luder, Carlos Ruckauf et Antonio Cafiero.

Luis Maria Mendia accusa un ancien agent français, membre de l'OAS, d'avoir participĂ© Ă  l'enlĂšvement des nonnes LĂ©onie Duquet et Alice Domon. Celui-ci, rĂ©fugiĂ© en ThaĂŻlande, nia les faits, tout en admettant avoir fui en Argentine aprĂšs les accords d'Évian de [16] - [17] - [18].

Par ailleurs, dĂ©but , l'ex-pilote militaire Julio Alberto Poch, dĂ©tenu en Espagne, accepta d'ĂȘtre extradĂ© pour rĂ©pondre des accusations l'impliquant dans les « vols de la mort », dans lesquels il nie avoir eu la moindre participation [19].

Le Ie Corps de l'armée et la province de Buenos Aires

L'Ă©crivain Haroldo Conti, l'une des victimes du Vesubio.

Le Ie Corps de l'armĂ©e, dirigĂ© par le gĂ©nĂ©ral Guillermo SuĂĄrez Mason (en), avait juridiction sur toute la province de Buenos Aires, qui, du fait de sa population importante, fut l'une des plus massivement touchĂ©es par la rĂ©pression illĂ©gale. Les centres clandestins de dĂ©tention les plus importants — l'ESMA, le Vesubio, le garage Orletti, fonctionnant comme base de l'opĂ©ration Condor, etc. — y Ă©taient situĂ©s. Outre la ville de Buenos Aires et ses alentours (La Plata, etc.), elle englobe notamment Mar del Plata, oĂč la rĂ©pression prĂ©cĂ©da le coup d'État du .

Le procĂšs du Vesubio

Défendue par maßtre William Bourdon, Elena Alfaro, survivante du centre clandestin de détention du Vesubio déposa plainte, en 1998, en France, contre les militaires argentins, aux cÎtés de la famille Dauthier [20].

AprĂšs l'annulation des lois d'amnistie, la justice argentine ordonna en 2006 l'inculpation et l'arrestation de huit militaires qui avaient eu des activitĂ©s au Vesubio : le gĂ©nĂ©ral (R) Hector Gamen, alias "Beta", le colonel Pedro DurĂĄn SĂĄenz, ou “Delta”, chef direct du centre, le garde JosĂ© NĂ©stor Maidana, le colonel Hugo Pascarelli, RamĂłn ErlĂĄn, Roberto Carlos Zeolitti, Diego Chemes, Alberto Neuendorf, membre de la Triple A qui travaillait au camp depuis 1975[21].

Le procÚs du Vesubio s'ouvrit fin , cinq gardes [22] et trois colonels, Humberto Gamen, Pedro Alberto Durån Saenz, et Hugo Ildebrando Pascarelli étant accusés de 156 délits pénaux, dont 75 disparitions forcées et 17 personnes sommairement fusillées [23]. Parmi les victimes, l'écrivain Haroldo Conti, le cinéaste Raimundo Gleizer (es) et le scénariste de BD Héctor Oesterheld [23].

L'Allemagne était partie civile à ce procÚs en raison de la présence de ressortissants allemands parmi les victimes [23]. En France, le Quai d'Orsay fit savoir que

« la France se [félicitait] de la décision prise par la justice argentine le [2010], visant à inculper trois ex-militaires et un ancien geÎlier argentins, directement impliqués dans la détention de quelque 150 personnes dans le centre de triste mémoire « El Vesubio » [24]. »

Le procÚs était à la charge des juges Leopoldo Oscar Bruglia, Jorge Luciano Gorini et Pablo Daniel Bertuzzi, qui remplaça María Cristina San Martino aprÚs son départ en retraite [23].

Le procĂšs de l'ESMA

Le méga-procÚs de l'ESMA (Escuela superior de mecånica de la armada, camp de concentration majeur de la Marine), entamé fin 2009, impliqua 19 personnes, dont le capitaine Alfredo Astiz, le général Antonio Domingo Bussi, et Jorge Eduardo Acosta (alias Tigre[25]), accusées de la disparition forcée et de la torture de 85 victimes [26]. Ce procÚs incluait celui relatif à l'assassinat des nonnes françaises Léonie Duquet et Alice Domon et du journaliste Rodolfo Walsh[27] - [28].

Il eut lieu au Tribunal Oral Federal no 5, composé des magistrats Daniel Obligado, Oscar Hergott et Ricardo Farías [29].

Astiz renonça à se défendre [30], tandis qu'Acosta prétendit que la guerre ne serait pas finie et qu'elle se continuerait sous une forme « gramscienne » (sic) [29]...

En , le sous-officier de la Marine Carlos GaliĂĄn, inculpĂ© pour crimes contre l'humanitĂ© dans 600 affaires, fut arrĂȘtĂ© sur l'ordre du juge fĂ©dĂ©ral Sergio Torres[27] ; il devait ĂȘtre jugĂ© dans le cadre du procĂšs de l'ESMA - [31].

Les autres inculpĂ©s dans le procĂšs de l'ESMA Ă©taient Juan Azic, Carlos Capdevilla, Ricardo Miguel Cavallo, Julio CĂ©sar Coronel, Adolfo Donda, Juan Carlos Fotea, Manuel GarcĂ­a Tallada, Pablo GarcĂ­a Velazco, Alberto GonzĂĄlez, Antonio PernĂ­as, Jorge Radice, Juan Carlos RolĂłn, RaĂșl Scheller et Ernesto Weber[27], ainsi que le vice-amiral Oscar Montes [29] - [32]. Enfin, Julio Alberto Poch (es), devenu pilote de ligne commerciale, fut ajoutĂ© Ă  ce procĂšs Ă  la suite de tĂ©moignages de collĂšgues selon lesquels il se vantait d'avoir participĂ© aux « vols de la mort »[33]. L'Espagne autorisa son extradition en [34].

L'Église et la condamnation du pùre von Wernich (2007)

Jusqu'Ă  prĂ©sent, l'Église catholique a refusĂ© de reconnaĂźtre son rĂŽle dans la lĂ©gitimation de la dictature, fortement influencĂ©e par l'idĂ©ologie national-catholique, et des crimes commis par celle-ci.

À l'issue de la condamnation, en , du prĂȘtre Christian von Wernich, accusĂ© d'avoir activement participĂ© aux interrogatoires au cours desquels la torture Ă©tait employĂ©e, le cardinal Jorge Bergoglio, qui Ă©tait membre de l'organisation pĂ©roniste OUTG dans les annĂ©es 1960-70, dĂ©clara ainsi : « si un membre quelconque de l'Église avait cautionnĂ©, par recommandation ou par complicitĂ©, la rĂ©pression violente, il aurait agi sous sa responsabilitĂ©, pĂȘchant ainsi gravement contre Dieu, l'humanitĂ© et sa conscience » [35]. Le pĂšre Ruben Capitanio, lui-mĂȘme victime de la dictature, fut l'un des rares Ă  avouer la responsabilitĂ© de la hiĂ©rarchie ecclĂ©siastique [35].

Selon le journaliste HernĂĄn Brieza, une trentaine d'autres prĂȘtres, certains Ă©tant dĂ©jĂ  morts, auraient pu ĂȘtre inculpĂ©s d'actes de torture [36].

ProcÚs de Junín et "méga-procÚs" du Ier Corps de l'armée

L'enquĂȘte judiciaire concernant la rĂ©pression Ă  JunĂ­n (province de Buenos Aires, sous la juridiction du Ie corps de l'armĂ©e : sous-zone 1,3 de la zone 1[37]) mit au jour quatre centres clandestins de dĂ©tention [38]. Cinq officiers, dont l'ex-colonel Edgardo Mastandrea, devenu « expert en sĂ©curitĂ© publique », deux commissaires et un mĂ©decin de la police furent arrĂȘtĂ©s en avril 2010 pour l'enlĂšvement et la sĂ©questration de douzaines de personnes, dont trois demeurent Ă  ce jour « disparues ». Il s'agit entre autres de syndicalistes et d'hommes politiques locaux, ainsi que des membres de la Coordinadora de Arte (COART, Coordination des Arts)[38].

Pour les mĂȘmes faits, le juge fĂ©dĂ©ral Daniel Rafecas avait inculpĂ©, le , Miguel Angel AlmirĂłn, sous-inspecteur de la Bonaerense, et Francisco Silvio Manzanares, sous-officier inspecteur du commissariat de JunĂ­n[38].

Le procĂšs de Campo de Mayo

Le gĂ©nĂ©ral Cristino Nicolaides en 1983. Il fut chef du Bataillon d'intelligence 601, un escadron de la mort notamment impliquĂ© dans l'OpĂ©ration Condor, et responsable de l'Institut de Campo de Mayo, avant d'ĂȘtre nommĂ© commandant en chef de l'armĂ©e aprĂšs la guerre des Malouines, devenant Ă  ce titre membre de la junte.

Ce procÚs, concernant le centre clandestin de détention Campo de Mayo, vit comparaßtre, en octobre-, le général Santiago Omar Riveros, déjà condamné en pour crimes contre l'humanité, aux cÎtés du général Reynaldo Bignone, chef de la junte. Ils étaient inculpés de la disparition forcée de 56 personnes [39] - [40].

En avril 2010, les généraux Riveros, Bignone, José Montes et Cristino Nicolaides furent condamnés à 25 ans de prison dans un centre pénitentiaire de droit commun pour cette affaire [41]. L'ex-chef du Bataillon d'intelligence 601 Carlos Alberto Roque Tepedino fut lui condamné à 20 ans de réclusion criminelle.

Campo de Mayo fut aussi le dernier lieu oĂč l'on vit, vivants, deux Montoneros prĂ©sumĂ©s, Horacio Campiglia et Susana Binstock, capturĂ©s par le Bataillon d'intelligence 601, en coopĂ©ration avec les services de renseignement de la dictature brĂ©silienne, selon un mĂ©morandum du RSO James Blystone Ă  l'ambassadeur Castro (en) du [42].

Le , le magistrat Claudio Bonadio dĂ©livra des mandats d'arrĂȘts contre Leopoldo Galtieri et une trentaine d'autres militaires pour leur implication prĂ©sumĂ©e dans la disparition forcĂ©e d'une douzaine de Montoneros, dont Campiglia et Binstock [42].

Le procÚs du garage El Olimpo, du Club Atlético et du Banco

Le « procÚs ABO » (initiales des trois centres clandestins de détention) commença en .

Quinze personnes, dont l'ex-agent des renseignements RaĂșl Guglielminetti, l'ex-commissaire Samuel Miara, Oscar RolĂłn et l'ex-sous officier de la police fĂ©dĂ©rale Julio SimĂłn (es), Ă©taient inculpĂ©s, au total, de 158 accusations de crimes contre l'humanitĂ©[43]. Le procĂšs concernait 181 victimes ainsi que l'assassinat de Carlos Fassano et de LucĂ­a RĂ©vora de De Pedro [44].

En , le procureur exigra la prison Ă  perpĂ©tuitĂ© pour quatre d'entre eux (Carlos Alberto Roque Tepedino, ex-chef du Bataillon d'intelligence 601 ; Mario Alberto GĂłmez Arenas, ex-vice chef de la Central de ReuniĂłn del BatallĂłn ; Enrique JosĂ© Del Pino, capitaine de l'armĂ©e, et l'ex-officier du Service pĂ©nitentiaire fĂ©dĂ©ral Juan Carlos Avena), accusĂ©s d'un double homicide (effectuĂ© le Ă  l'encontre de Carlos Guillermo Fassano et de Lucila RĂ©vora) et du kidnapping du bĂ©bĂ© des victimes. Quelque 150 000 dollars furent volĂ©s lors de ce « massacre de BelĂ©n Â» [43].

En septembre, la perpĂ©tuitĂ© fut requise Ă  l'encontre de RaĂșl Guglielminetti, d'Oscar RolĂłn et de Julio SimĂłn (dit el Turco JuliĂĄn, il se promenait avec une swastika et avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  25 ans de prison pour crimes contre l'humanitĂ© en 2006 et pour l'assassinat de JosĂ© Poblete et de Gertrudis Hlaczik [45]), la dĂ©fense insistant sur les agressions sexuelles commises lors des sĂ©ances de torture[44].

Le procĂšs de BahĂ­a Blanca (l'Escuelita)

Un autre procĂšs (n°05/07 violations droits de l'homme) concerne le CCD de l'Escuelita de BahĂ­a Blanca (province de Buenos Aires). Une dizaine de gardes de ce centre clandestin de dĂ©tention furent arrĂȘtĂ©s en [46] - [47].

Les commandants du centre, les généraux Abel Teodoro Catuzzi (es), second commandant du Ve corps de l'armée en 1979, et Osvaldo René Azpitarte, commandant du Ve corps [48] étaient décédés, ainsi que le colonel Losardo, avant 2006 [48].

Prison de La Plata

Le procÚs des gardiens de la prison de La Plata a commencé en avril 2010, avec notamment l'inculpation de son directeur, Abel Dupuy. Le procÚs se tient devant le tribunal oral fédéral n°1 de La Plata, présidé par Carlos Rozanski. Les inculpés sont accusés de deux homicides aggravés (effets de tortures) et de plus de 60 cas de torture. Ils sont également accusés d'avoir torturé et arbitrairement privé de leur liberté plus de 80 prisonniers politiques, dont le maire de Quilmes, Francisco "Barba" Gutiérrez (es), Carlos Slepoy, Juan Miguel Scatolini, Eduardo Jozami, Eduardo Anguita (es) et le prix Nobel de la paix Adolfo Pérez Esquivel [49].

Le procĂšs de TucumĂĄn

Le procÚs de Tucumån, qui concerne les responsables du centre clandestin de détention situé dans l'ex-préfecture de police de la province, implique plusieurs inculpés de crimes contre l'humanité, dont le général Antonio Domingo Bussi, le général Luciano Benjamín Menéndez, Roberto Heriberto Albornoz, Luis de Cåndido, Carlos de Cåndido et Alberto Cattåneo. Albino Mario Alberto Zimmermann, également inculpé, est décédé d'un cancer lors du procÚs [50].

Le vol de bébés

En , le premier procÚs intenté par l'enfant clandestinement adopté d'un couple lié au pouvoir a eu lieu, les faux parents de María Eugenia Sampallo Barragån ayant écopé de 7 et 8 ans de prison et le militaire leur ayant donné le bébé de 10 ans [51] - [52].

Le , neuf dirigeants et exécutants de haut-rang dont deux anciens dictateurs sont condamnés dans l'affaire du vol de bébés d'opposantes détenues[53].

Province de CĂłrdoba

Le procĂšs de Videla, du gĂ©nĂ©ral Luciano BenjamĂ­n MenĂ©ndez et de 26 autres inculpĂ©s dans l'affaire UP1 ou « Alsina, Gustavo Adolfo et autres » a commencĂ© fin . Il concerne l'assassinat de 29 prisonniers politiques de la prison de San MartĂ­n (province de CĂłrdoba), dĂ©tenus avant le coup d'État de , et fusillĂ©s entre avril et . Ce procĂšs met en lumiĂšre la coopĂ©ration de l'institution judiciaire avec les militaires [54].

Province de Mendoza

Plus de 200 desaparecidos ont Ă©tĂ© recensĂ©s Ă  Mendoza [55], la justice ayant Ă©tĂ© accusĂ©e d'avoir dĂ©libĂ©rĂ©ment travailler avec les organismes de rĂ©pression Ă©tatique afin d'enterrer les plaintes et les demandes d'habeas corpus [55], ceci y compris avant le coup d'État. Aucun militaire inculpĂ©, jusqu'Ă  prĂ©sent, n'a effectuĂ© de dĂ©tention prĂ©ventive Ă  Mendoza [55].

Les enseignements de l'armée américaine

Lors d'un procĂšs Ă  San Rafael (Mendoza), un sous-officier retraitĂ© de l'armĂ©e, Roberto Francisco Reyes, dĂ©clara que l'armĂ©e amĂ©ricaine, en particulier des unitĂ©s des Rangers, avaient entraĂźnĂ© 200 soldats argentins Ă  Salta en 1967 (soit un an aprĂšs le coup d'État ayant Ă©tabli la dictature de la RĂ©volution argentine), leur enseignant l'usage de la torture (dont celle de la gĂ©gĂšne et de plusieurs techniques d'asphyxie) [56].

Les accusĂ©s de ce procĂšs incluent RaĂșl Alberto Ruiz Soppe (ex-chef de la Unidad Regional II de la police de Mendoza), AnĂ­bal Alberto Guevara (colonel de l'armĂ©e), JosĂ© MartĂ­n Mussere (agent de liaison entre la police et l'armĂ©e), Juan Roberto Labarta (membre du service D2 Ă  San Rafael) et Ruiz Pozo, en phase terminale d'une maladie [56].

Le procĂšs des juges Miret, Romano et al.

Les organismes de dĂ©fense des droits de l'homme ont dĂ©posĂ© plainte le devant le Conseil de la magistrature contre plusieurs magistrats, accusĂ©s d'avoir collaborĂ© sciemment avec la dictature, et mĂȘme avant avec les forces policiĂšres lors d'arrestations arbitraires[55]. Ce processus a Ă©tĂ© appuyĂ© par le gouverneur de Mendoza, Celso Jaque (en) (PJ) [57].

Cette plainte a suscitĂ© l'ouverture d'un procĂšs devant le juge Walter Bento: deux magistrats de la Chambre fĂ©dĂ©rale (tribunal) de Mendoza ont ainsi Ă©tĂ© inculpĂ©s. On accuse en effet Luis Francisco Miret (qui se vantait, lors d'un juicio por la verdad du gĂ©nĂ©ral Juan Pablo SaĂĄ, chargĂ© de la rĂ©pression Ă  Mendoza, d'ĂȘtre son ami personnel) et Otilio Romano d'avoir dĂ©libĂ©rĂ©ment classĂ© des plaintes, en toute connaissance de cause, concernant des arrestations arbitraires, des cas de torture et des enlĂšvements d'enfants[58].

Romano est par exemple accusé d'avoir classé une plainte concernant la séquestration d'un couple, accompagné du vol de ses affaires (électroménager, etc.), en déclarant que le tribunal n'était pas un « bureau des affaires perdues » [55].

Ces faits concernent, entre autres, des actes commis avant le coup d'État, notamment la sĂ©questration d'Hugo RenĂ© Tomini le , accompagnĂ©e, au mĂȘme moment, de celle de Luz Faingold (16 ans), violĂ©e lors de sa captivitĂ©[58]. Les deux furent ensuite dĂ©fĂ©rĂ©s devant le juge Miret, qui leur avait rendu visite alors qu'ils Ă©taient en captivitĂ©[58]. On l'accuse d'avoir avalisĂ© la dĂ©tention de la mineure, dans un centre clandestin de dĂ©tention (D2), et d'avoir enterrĂ© toute plainte concernant les agressions sexuelles Ă  son Ă©gard [55] ; le juge Romano est soupçonnĂ© d'avoir Ă©tĂ© lui aussi au courant de cette dĂ©tention illĂ©gale [55]. Le premier tĂ©moignage de Tomini a Ă©tĂ© filmĂ© en 2000 par le journaliste Rodrigo SepĂșlveda [57].

En tout, Miret est inculpé de 31 cas de disparitions forcées, vols et homicides [58]. Miret est aussi accusé d'avoir délibérément classé, en 1987, la plainte concernant l'appropriation illégale de Rebeca Celina Manrique Terrera, fille d'un couple disparu en 1977 ; celle-ci a depuis récupéré son identité véritable [58].

L'ex-juge Gabriel Fernando Guzzo, accusĂ© d'avoir classĂ© 108 demandes d'habeas corpus, a Ă©galement Ă©tĂ© inculpĂ© dans cette affaire [55]. Un autre juge, Carlos MartĂ­n Pereyra GonzĂĄlez, secrĂ©taire du juge fĂ©dĂ©ral Eduardo Allende sous la dictature, a dĂ©missionnĂ© en de la Chambre fĂ©dĂ©rale de Mendoza, aprĂšs avoir Ă©tĂ© accusĂ© par la Chambre de San Luis (Tribunal oral federal) d'avoir Ă©tĂ© tĂ©moin de sĂ©ances de torture [55]. Le juge Carlos Otero Alvarez a Ă©galement dĂ©missionnĂ© pour les mĂȘmes raisons [59].

Les avocats de la partie civile, membres du Mouvement ƓcumĂ©nique pour les droits de l'homme Mendoza (MEDH), ont dĂ©noncĂ© des menaces, des pressions et un harcĂšlement judiciaire menĂ©s contre eux par un avocat de militaires et de civils soupçonnĂ©s de crimes contre l'humanitĂ© : ce dernier les a accusĂ©s d'entraver le cours de la justice par leur requĂȘte visant Ă  demander que les juges Miret et Roqueto soient dĂ©mis de leurs fonctions [60].

Depuis la condamnation en de l'ex-juge VĂ­ctor Brusa pour crimes contre l'humanitĂ© (cf. infra), plusieurs autres magistrats ont Ă©tĂ© inculpĂ©s en Argentine pour complicitĂ© avec le terrorisme d'État. L'ex-juge fĂ©dĂ©ral de La Rioja, Roberto CatalĂĄn, a Ă©tĂ© inculpĂ© dans le cadre du procĂšs de l'ex-gĂ©nĂ©ral MenĂ©ndez [59] - [61]. Dans le Chaco, deux magistrats, Roberto Mazzoni (secrĂ©taire du juge fĂ©dĂ©ral de Resistencia entre et ), et l'ex-procureur Carlos Flores Leyes (dĂ©cĂ©dĂ© le peu avant l'ouverture du procĂšs concernant l'affaire Caballero [62]), ont Ă©tĂ© inculpĂ©s par le procureur Esteban Righi [59].

Le premier juge condamné (décembre 2009) et l'assassinat de Silvia Suppo (mars 2010)

Le , VĂ­ctor Brusa fut le premier juge Ă  ĂȘtre condamnĂ© pour crimes contre l'humanitĂ©, Ă©copant de 21 ans de prison. Le tribunal de Santa Fe l'avait inculpĂ© dans huit affaires distinctes, qui avaient eu lieu lors de la dictature militaire, lorsque Brusa Ă©tait la main droite du magistrat Fernando MĂĄntaras, un nazi notoire [63]. Cinq ex-policiers furent Ă©galement condamnĂ©s lors du mĂȘme procĂšs, Ă©copant de peines entre 19 et 23 ans de prison [63].

Sous Menem, Brusa avait succĂ©dĂ© en tant que juge fĂ©dĂ©ral Ă  MĂĄntaras[63]. DĂ©noncĂ© Ă  la CONADEP en 1984, il avait ensuite fait l'objet d'une plainte dĂ©posĂ©e devant le juge Baltasar Garzon, qui avait requis en 1998 son extradition aprĂšs avoir dĂ©posĂ© un mandat d'arrĂȘt international [63].

AprÚs avoir témoigné contre le juge Brusa en , l'une de ses victimes, Silvia Suppo, a été assassinée le à Rafaela (Santa Fe)[64] - [65] - [66]. Suppo témoignait aussi dans l'instruction en cours concernant la disparition forcée de son compagnon, Reinaldo Hammeter, en 1977, dont deux des quatre inculpés résidaient à Rafaela [67] - [68].

Perpétuité pour cinq officiers (avril 2010)

Cinq officiers (le lieutenant-colonel Pascual Guerrieri, l'ex-major Jorge Fariña, l'ex-lieutenant Daniel Amelong et les agents civils des services de renseignement Walter Pagano et Eduardo Costanzo) ont été condamnés à prison à perpétuité en par le Tribunal oral fédéral de Rosario, pour la « persécution, disparition et torture » d'entre 16 et 24 personnes. Amelong fut expulsé de la salle aprÚs avoir affiché une pancarte « Prisonnier politique » [69].

Le procĂšs de l'Uruguayen Manuel Cordero

Le Tribunal fĂ©dĂ©ral suprĂȘme du BrĂ©sil a accordĂ©, le , l'extradition du colonel uruguayen Manuel Cordero vers l'Argentine, oĂč celui-ci a Ă©tĂ© inculpĂ© dans le cadre d'une enquĂȘte conduite par le magistrat Norberto Oyarbide relative Ă  l'opĂ©ration Condor [70]. Cordero est notamment inculpĂ© de la disparition forcĂ©e de Washington Cram, Alberto Mechoso, LeĂłn Duarte, Ruben Prieto, Ary Cabrera, Adalberto Soba, Hugo MĂ©ndez, Francisco Candia, MarĂ­a Islas Gatti de Zaffaroni et Jorge Zaffaroni (un couple sĂ©questrĂ© en Argentine le par le Bataillon 601, soupçonnĂ© d'ĂȘtre des Tupamaros, et dĂ©livrĂ© Ă  l'OCOA uruguayenne [71]) et MarĂ­a Claudia GarcĂ­a de Gelman, la belle-fille du poĂšte Juan Gelman [70].

Cette décision judiciaire brésilienne constituerait un précédent important, en déclarant le crime de disparition forcée imprescriptible, ce qui permettrait une nouvelle mise en examen des colonels brésiliens Carlos Alberto Brilhante Ustra, condamné en 2008 pour torture, et d'Audir Santos Maciel, tous deux membres de la police politique DOI-CODI (pt) [72].

L'assassinat des Argentins Ă  Lima (1980)

Les colonels Luis Arias et Waldo Carmen RoldĂĄn, du Bataillon d'Intelligence 601, furent condamnĂ©s en respectivement Ă  25 et 23 ans de prison pour la sĂ©questration et l'assassinat d'Argentins Ă  Lima (PĂ©rou) en 1980, assassinats commis dans le cadre de l'OpĂ©ration Condor [73]. Le colonel Julio CĂ©sar Bellene, inculpĂ© dans la mĂȘme affaire, dĂ©cĂ©da le [73]. Parmi les victimes, NoemĂ­ Gianetti de Molfino, des Grands-mĂšres de la Place de mai[73].

L'assassinat du capitaine Paiva

Fin , la justice argentine a ouvert de nouveau le dossier sur l'assassinat du capitaine Miguel Angel Paiva, assassinĂ© le , lequel avait Ă©tĂ© provisoirement fermĂ© en faute de suspects identifiĂ©s. Cette dĂ©cision se fonde sur les dĂ©clarations de la fille du colonel, qui a demandĂ© en 2008 la rĂ©ouverture de l'enquĂȘte, s'appuyant sur des coupures de presse de l'Ă©poque contredisant les Ă©lĂ©ments officiels de l'enquĂȘte, en citant, notamment, des dĂ©clarations du chef de la police fĂ©dĂ©rale, Alberto Villar (Ă©lĂ©ment clĂ© de l'opĂ©ration Condor), accusant nominalement trois membres de l'ERP [74].

Le capitaine Paiva aurait Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© lors de reprĂ©sailles contre le massacre de Capilla del Rosario (es), organisĂ©es par l'ERP. 17 guĂ©rilleros furent exĂ©cutĂ©s sommairement dĂ©but aoĂ»t 1974 lors du massacre de Capilla del Rosario (es) aprĂšs s'ĂȘtre rendus.

Province de Salta

Le premier procÚs pour crimes contre l'humanité dans la province de Salta commença en novembre 2009, aboutissant en avril 2010 à une condamnation à 20 ans de prison, dictée par le tribunal oral fédéral de Salta, contre Carlos Alberto Arias et Luis Angel Zírpolo, pour la disparition forcée de Aldo Melitón Bustos le à Tartagal [75].

Le massacre de Trelew

Les crimes commis lors du massacre de Trelew, qualifiĂ©s de crimes contre l'humanitĂ©, font Ă©galement l'objet d'une enquĂȘte actuelle. Ce massacre, commis en 1972 sous la dictature de la « RĂ©volution argentine » (1966-73), est considĂ©rĂ© comme fondateur du terrorisme d'État argentin [76]. Cette affaire se distingue nĂ©anmoins des autres, puisqu'il concerne un Ă©vĂ©nement antĂ©rieur Ă  la dictature militaire de 1976-1983. Plusieurs guĂ©rilleros avaient alors Ă©tĂ© sommairement exĂ©cutĂ©s, de nuit, dans une prison en Patagonie, aprĂšs une tentative d'Ă©vasion ratĂ©e.

La famille d'une des victimes de Trelew, María Angélica Sabelli, a déposé plainte en devant le tribunal fédéral de Rawson, suivie par d'autres familles [76]. Le juge Hugo Sastre est chargé du dossier, et qualifie les faits de crimes contre l'humanité, donc imprescriptibles [77].

Carlos Guillermo Roberto Bravo, Luis Emilio Sosa, Ruben Paccagnini, RaĂșl Herrera et Emilio del Real sont inculpĂ©s de:

  • privation prĂ©sumĂ©e de libertĂ© et la commission de tortures (19 faits)
  • homicides doublement aggravĂ©s (16 cas) et
  • tentatives d’homicides (3 cas) [77].

Le juge Sastre ordonna fin 2007 la dĂ©tention des cinq militaires accusĂ©s d’ĂȘtre les auteurs directs du massacre. Trois des accusĂ©s, Emilio del Real, Ruben Paccagnini et Luis Emilio Sosa, sont arrĂȘtĂ©s dĂ©but [77]. La procĂ©dure contre le capitaine Herrera s'arrĂȘte aprĂšs sa mort. Quant au lieutenant Carlos Bravo, nommĂ© attachĂ© militaire aux États-Unis peu de temps aprĂšs les faits, oĂč il a ouvert depuis une entreprise de sĂ©curitĂ© privĂ©e, RGB Group Inc., qui a des contrats avec le Pentagone, il nie toutes les allĂ©gations et refuse, jusqu'Ă  prĂ©sent, de se rendre pour rĂ©pondre de ses actes devant un tribunal [77].

Le procÚs a commencé le [77]. Au cours de celui-ci, le juge a constaté que les services de renseignement de la Marine continuaient, aujourd'hui encore, à espionner les familles des victimes et les militants des droits de l'homme ; neuf soldats de la Marine ont été inculpés d'espionnage, d'abus d'autorité et révoqués de leur poste [78].

Aux États-Unis, un tribunal de Floride a retardĂ© en le jugement d'extradition de Carlos Roberto Bravo, qui venait de voyager au camp de GuantĂĄnamo en qualitĂ© de... chef du groupe de travail sur le traitement des « combattants ennemis » de l'American Bar Association [79]!

Autres personnes poursuivies

  • l'ex-colonel Luis Alberto Sarmiento (nĂ© en 1925, il est atteint du Parkinson), ministre du gouvernement de Misiones de Ă  , accusĂ© de la disparition forcĂ©e de 43 personnes, aux cĂŽtĂ©s de 8 autres militaires et policiers, dont le gĂ©nĂ©ral Cristino Nicolaides [80]; Sarmiento est le pĂšre de la juge MarĂ­a JosĂ© Sarmiento, qui prononça l'arrĂȘt contre le dĂ©cret de Cristina Kirchner, crĂ©ant, en , le Fonds du bicentenaire, et qui suspendit aussi le dĂ©cret dĂ©mettant, dĂ©but , le prĂ©sident de la Banque centrale MartĂ­n Redrado [81]. Sarmiento est Ă©galement accusĂ© d'avoir torturĂ© l'Ă©tudiant Angel Enrique Brandazza en 1972 (dĂ©cĂ©dĂ© le des suites de la torture), sous la dictature de la RĂ©volution argentine [80]; il est par la suite devenu agent de la SIDE, Ă©tant Ă©galement nommĂ© en tant que chef du « groupe antisubversif » au ministĂšre de la Justice [81].

Notes et références

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  2. Roberto Baschetti, Compañero Oscar RaĂșl Bidegain, biographie-chronologie, mis en ligne le 1er septembre 2005
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Voir aussi

Liens externes

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