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MĂšres de la place de Mai

Les MĂšres de la place de Mai (en espagnol : AsociaciĂłn Madres de la Plaza de Mayo) est une association de mĂšres argentines dont les enfants ont « disparu », assassinĂ©s pendant la « guerre sale » livrĂ©e en particulier par la dictature militaire (1976-1983). Leur nom provient de la place de Mai (en espagnol : Plaza de Mayo), en face de la Casa Rosada du gouvernement Ă  Buenos Aires, oĂč elles effectuent des rondes hebdomadaires depuis le .

MĂšres de la place de Mai
Histoire
Fondation
Organisation
Fondatrices
Azucena Villaflor, Esther Ballestrino, MarĂ­a Ponce (en), Josefina GarcĂ­a de Noia (d)
RĂ©compenses
Site web
Les MÚres avec le président Néstor Kirchner, le 9 février 2005.

Depuis la chute du rĂ©gime dictatorial en 1983, 11 000 disparus ont Ă©tĂ© formellement identifiĂ©s par l’État argentin, mais les historiens et les MĂšres de la place de mai Ă©valuent Ă  30 000 le nombre total de disparus.

Les MĂšres de la place de Mai sont, en Argentine, l’unique organisation de dĂ©fense des droits de la personne composĂ©e exclusivement de femmes durant la dictature [1]. Depuis quarante ans, elles se sont battues pour retrouver leurs enfants enlevĂ©s par la dictature militaire (1976-1983). Plusieurs des fondatrices ont Ă©tĂ© assassinĂ©es Ă  leur tour en , en compagnie des religieuses françaises LĂ©onie Duquet et Alice Domon, par un commando dirigĂ© par le colonel Alfredo Astiz.

À la fin des annĂ©es 1970 et au dĂ©but des annĂ©es 1980, le gouvernement dictatorial voulait faire passer pour « folles » ces mĂšres et grands-mĂšres parties Ă  la recherche de leurs enfants disparus. La junte les affublait de ce sobriquet pour tenter de discrĂ©diter —comme s'il Ă©tait une aberration sans objet— leur mouvement, lequel, s'exprimant au grand jour et de maniĂšre non violente, uniquement par des femmes pour la plupart dĂ©jĂ  d'un certain Ăąge, Ă©tait difficile Ă  rĂ©primer frontalement. L’expression des « folles de la Place de Mai » fit dĂšs lors le tour du monde et devint, Ă  l’inverse de l’effet recherchĂ© par la dictature militaire, synonyme de rĂ©sistance[2], et mĂȘme d'un certain "hĂ©roĂŻsme revendicatif" comme l'appelle Mercedes LĂłpez-Baralt (de l’UniversitĂ© de Puerto Rico)[3]. Comme le dit Estela Barnes de Carlotto, l'actuelle PrĂ©sidente des « Abuelas de la Plaza de Mayo » [grand-mĂšres de la Place de Mai] dans une interview de 2016 :

« La dictature nous appelait « les folles de la Place de Mai » ou « les mĂšres de terroristes », et ces noms, au dĂ©but, ont beaucoup Ă©tĂ© repris. Nous avons continuĂ© Ă  chercher des explications, Ă  frapper aux portes, pour nos fils et pour les fils de nos fils, et Ă  force d’insister, nos voix ont commencĂ© Ă  se faire entendre. Quarante ans aprĂšs le coup d’état civico-militaire en Argentine, plus personne aujourd’hui ne nous traite de « folles », ou seulement affectueusement. Ce qu’on rĂ©clame aujourd’hui, c’est ranger sous un mĂȘme drapeau tous ceux qui ont compris que la mĂ©moire, la vĂ©ritĂ© et la justice sont les piliers sur lesquels nous nous devons de construire, jour aprĂšs jour, une dĂ©mocratie meilleure[2]. »

Le Parlement europĂ©en leur a dĂ©livrĂ© en 1992 le prix Sakharov pour la libertĂ© de pensĂ©e. En 2006, tout en continuant les marches hebdomadaires sur la place de Mai, les MĂšres ont cessĂ© les « Marches de la RĂ©sistance » entamĂ©es en 1981, considĂ©rant que le gouvernement de NĂ©stor Kirchner (Front pour la victoire-Parti justicialiste) avait dĂ©montrĂ© une volontĂ© vĂ©ritable de faire juger les responsables de violations des droits de l’homme.

La dictature

Le chĂąle blanc des mĂšres de la place de Mai, peint sur le sol de la place de Mai, Ă  Buenos Aires.

En signe de protestation, les MĂšres portent des foulards blancs (Ă  l’origine : les langes en tissu de leurs bĂ©bĂ©s) pour commĂ©morer la disparition de leurs enfants. Le nom des organisations vient de la place de Mai (Plaza de Mayo) au centre de Buenos Aires et devant le siĂšge du gouvernement, la Casa Rosada. Elles se rassemblent tous les jeudis aprĂšs-midi et tournent sur la place pendant une demi-heure, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, remontant ainsi symboliquement le temps et critiquant l’impunitĂ© des militaires responsables des massacres et des tortures.

L'association des mĂšres de la place de Mai avait Ă©tĂ© formĂ©e dans l’espoir de trouver les fils et filles disparus, enlevĂ©s par des agents du gouvernement argentin pendant la « guerre sale » des annĂ©es 1970-1980. La plupart ont Ă©tĂ© torturĂ©s et tuĂ©s. Les 14 fondatrices de l'association, Azucena Villaflor, Berta Braverman, HaydĂ©e GarcĂ­a Buelas, MarĂ­a Adela Gard de Antokoletz, Julia Gard, MarĂ­a Mercedes Gard et CĂĄndida Gard (quatre sƓurs), Delicia GonzĂĄlez, Pepa Noia, Mirta Baravalle, Kety Neuhaus, Raquel Arcushin, et De Caimi, ont commencĂ© les manifestations sur la place de Mai, devant la Casa Rosada le 30 avril 1977, un peu plus d'un an aprĂšs le coup d'État militaire, espĂ©rant alors obtenir une entrevue avec le chef de la junte, Jorge Videla. Les militaires leur ayant ordonnĂ© de « circuler » en raison de l’état de siĂšge, les mĂšres ont tournĂ© en rond sur la place. Le vendredi suivant, d'autres mĂšres vinrent, dont Hebe de Bonafini, de La Plata. Villaflor avait passĂ© six mois Ă  chercher l’un de ses fils et sa niĂšce avant la crĂ©ation de l'association.

Entre les 8 et 10 dĂ©cembre 1977, un « groupe de travail » de l’ESMA, dirigĂ© par le colonel Alfredo Astiz, enleva douze personnes liĂ©es aux MĂšres, dont les fondatrices Azucena Villaflor, MarĂ­a Ponce de Bianco et Esther Ballestrino, ainsi que les religieuses françaises LĂ©onie Duquet et Alice Domon. Les trois fondatrices Ă©taient des piliers du mouvement, ayant plus d’expĂ©rience que les autres (nombre des mĂšres Ă©taient analphabĂštes) : Villaflor venait ainsi d'une famille pĂ©roniste combative et avait militĂ© dans un syndicat auparavant ; MarĂ­a Ponce avait militĂ© au sein de l'Église du Tiers-monde et Esther Ballestrino Ă©tait une bio-chimiste d’origine paraguayenne[4].

Le groupe, qui se faisait connaĂźtre par bouche-Ă -oreille, devint cĂ©lĂšbre avec la Coupe du monde de football de 1978, la tĂ©lĂ©vision hollandaise dĂ©cidant un jeudi de montrer leur marche (qui avait Ă©tĂ© dĂ©calĂ©e Ă  ce jour) plutĂŽt que de diffuser un match. On leur permit alors de voyager, Amnesty International finançant un voyage en 1979 aux États-Unis et en Europe afin qu'elles puissent faire connaĂźtre les agissements de la junte[4].

30e anniversaire de la fondation des MÚres de la place de mai, en présence de Cristina Kirchner, alors sénatrice.

En 1980, le Prix Nobel de la paix Adolfo Pérez Esquivel et Emilio Mignone commencÚrent à rendre publiques leurs convictions intimes selon lesquelles les « disparus » auraient tous été morts, que les camps de détention auraient été vidés lors du passage de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies en 1979 et qu'on ne pouvait par conséquent plus rien faire[4]. Alors en SuÚde, les MÚres, dont Hebe de Bonafini, lancÚrent alors le slogan « Apparition en vie! » (ou « Qu'ils ré-apparaissent en vie! »), refusant d'admettre la mort des disparus sans preuve de celle-ci, ni déclaration officielle à leur sujet, ni certificat de décÚs, ni dépouille[4].

À partir de 1981, les MĂšres commencĂšrent, en pleine dictature, les « Marches de la RĂ©sistance » rĂ©clamant le respect des droits de la personne[4]. Celles-ci continuĂšrent lors de la transition dĂ©mocratique afin de revendiquer le jugement des responsables des crimes contre l'humanitĂ©, et ne cessĂšrent qu'en 2006, les MĂšres et Grands-mĂšres considĂ©rant alors que le gouvernement de NĂ©stor Kirchner s'impliquait suffisamment dans la volontĂ© de faire juger les responsables de la rĂ©pression systĂ©matique.

En 1982, les MÚres refusÚrent de soutenir la guerre des Malouines, affirmant qu'il s'agissait d'une autre entreprise mortifÚre de la junte et que les morts de la guerre seraient aussi leurs morts, avec le slogan « les Malouines sont argentines, les disparus aussi[4] ». Il s'agissait-là d'une posture rare, la majorité des organisations politiques ayant soutenu par patriotisme la revendication contre la souveraineté britannique sur ces ßles.

Transition démocratique, scission, actions actuelles et controverses

Manifestation des MĂšres de la place de Mai (14 octobre 2005).

Ces derniĂšres annĂ©es, l’association s’est agrandie, et est devenue plus insistante dans ses demandes de rĂ©ponses sur les disparitions forcĂ©es pendant la « guerre sale », aprĂšs que les militaires eurent abandonnĂ© le pouvoir au profit d’un gouvernement civil en 1983.

En 1986, aprĂšs le ProcĂšs de la junte, le mouvement s’est scindĂ© en deux, avec d'un cĂŽtĂ© les « MĂšres de la place de Mai, ligne fondatrice » et de l’autre l’« Association des mĂšres de la place de Mai », en raison de divergences concernant l’attitude Ă  suivre face au gouvernement de RaĂșl AlfonsĂ­n, Ă©lu en 1983, ainsi qu’à divers enjeux politiques.

D’abord, les « MĂšres de la place de Mai, ligne fondatrice » ont acceptĂ© les dĂ©dommagements versĂ©s Ă  certaines familles par le gouvernement d’AlfonsĂ­n (200 000 dollars[5]), alors que les autres refusaient des compensations pĂ©cuniaires et affirmaient que celles-ci allaient interfĂ©rer avec les procĂšs et prĂ©pareraient la voie Ă  des amnisties ultĂ©rieures (votĂ©es en 1986-87 avec la loi du point final et la loi de l'obĂ©issance due, et suivies par les grĂąces accordĂ©es par Carlos Menem et Eduardo Duhalde dans les annĂ©es 1990)[4]. Par ailleurs, la « ligne fondatrice » refusait Ă  l’origine les prises de parole en public des MĂšres sur la place de Mai, vers 1984-85, prĂ©fĂ©rant les marches silencieuses[4]. Enfin, les mĂšres qui font aujourd’hui partie de la « ligne fondatrice » s’opposaient en 1986, quand une prĂ©sidente de l’Association devait ĂȘtre Ă©lue, Ă  ce que des femmes ne provenant pas de Buenos Aires participent Ă  l’association, et se sont alors retirĂ©es.

Par la suite, la « ligne fondatrice » s’est dĂ©clarĂ©e en faveur de l’exhumation des corps et de l’identification des victimes effectuĂ©e grĂące aux travaux de l’Equipe argentine d'anthropologie judiciaire (es) (EAAF, fondĂ©e en 1986). Elles veulent Ă  la fois faire le deuil et faire juger les responsables des violations des droits de l’homme[5].

Inauguration du jardin des MĂšres-et-Grands-MĂšres-de-la-Place-de-Mai Ă  Paris (15e arrondissement, angle rue Balard et quai AndrĂ©-CitroĂ«n), le 7 avril 2008. De gauche Ă  droite : la prĂ©sidente des Grands-mĂšres de la place de Mai, Estela B. de Carlotto, la prĂ©sidente de l’Argentine Cristina Kirchner, le maire de Paris, Bertrand DelanoĂ«, et le maire d’arrondissement du 15e arrondissement de Paris Philippe Goujon[6].

En revanche, l’Association des MĂšres de la place de Mai se montre davantage politisĂ©e, et essaie de faire survivre les rĂȘves, et les idĂ©es politiques des enfants disparus. Elles refusent tout hommage ou commĂ©moration qui ferait abstention de l'engagement politique et « rĂ©volutionnaire » de leurs enfants disparus[4]. Par ailleurs, autour de l'idĂ©e d'une « socialisation de la maternitĂ© », elles ont transformĂ© les luttes individuelles pour leurs enfants en luttes collectives pour toutes les victimes de la dictature et, en gĂ©nĂ©ral, pour tous les acteurs des mouvements sociaux Ă  travers le monde[4]. Sa prĂ©sidente, Hebe de Bonafini, dĂ©clare ainsi :

« Nous n'acceptons aucune charge politique, mais nous faisons de la politique. Nous ne sommes pas un organisme des droits de l'homme ni une ONG, mais une organisation politique, sans parti[4]. »

L'Association est composée de femmes convaincues que leurs enfants sont morts, et conscientes que la plupart ont été torturés et assassinés, mais qui éprouvent plus de difficulté à admettre l'exhumation des corps, qu'elles ressentent comme un traumatisme[5]. Revendiquant ainsi l'apparition « en vie » des disparus qu'elles savent pourtant décédés[5], elles s'opposent à toute négociation avec le pouvoir et à toute indemnisation. Bonafini déclare ainsi devant l'UNESCO:

« Nous ne vendrons jamais le sang de nos enfants. Il n’y a pas d’argent qui puisse payer la vie de ceux qui l’ont donnĂ©e pour le peuple. Les rĂ©parations Ă©conomiques nous rĂ©pugnent, nous voulons la justice. Nous voulons la prison pour les assassins, qu’ils soient incarcĂ©rĂ©s. (...) Nous ne voulons pas non plus de monuments, tout est sur la mort, monument aux morts, rĂ©paration pour les morts, exhumation des morts, musĂ©e des morts. Nous les MĂšres avons luttĂ© toute la vie pour la vie : nous n’avons jamais imaginĂ© que nos enfants pouvaient ĂȘtre morts[5]. »

Un spĂ©cialiste du mouvement, M. G. Bouvard, a Ă©crit que l'Association veut une « complĂšte refonte de la culture politique en Argentine », et embrasse une « vision d'un systĂšme socialiste, libĂ©rĂ© de la domination des intĂ©rĂȘts individuels ». L'Association a participĂ© par la suite Ă  plusieurs voyages, visitant Cuba en 1988, puis le Mouvement des sans-terre au BrĂ©sil, le PĂ©rou, le Chiapas, la Yougoslavie, IsraĂ«l et la Palestine, l'Irak[4]... Le Journal des mĂšres de la place de Mai est entrĂ© en 2005 dans le rĂ©seau de presse « non-alignĂ©e » du RĂ©seau Voltaire . Le , l'Association mit fin aux Marches de la RĂ©sistance, Bonafini dĂ©clarant alors en rĂ©fĂ©rence Ă  la politique du prĂ©sident Kirchner: « il n'y a plus d'ennemi Ă  la Casa de Gobierno[7]. » Les artistes LeĂłn Gieco et VĂ­ctor Heredia Ă©taient invitĂ©s Ă  cette derniĂšre marche. Celles de la Place de mai continuent toutefois, tandis que la prĂ©sidente des Grands-mĂšres a rappelĂ© « qu'on ne savait toujours pas oĂč Ă©taient passĂ©s les 30 000 disparus[7] ».

En , Sting chanta sur scĂšne They dance alone en hommage aux MĂšres, ce qui initia un mouvement chez les musiciens argentins pour Ă©voquer les droits de la personne (dont le groupe de rock Todos Tus Muertos dont le nom mĂȘme est explicite, ainsi que la couverture de leur album reprĂ©sentant les photos des « disparus »). Un nouveau concert organisĂ© par Amnesty lors de la tournĂ©e Human Rights Now! (en) eut lieu en 1988, en prĂ©sence de Charly GarcĂ­a et de LeĂłn Gieco aux cĂŽtĂ©s de diverses stars internationales.

Depuis, les MÚres de la Place de mai ont ouvert une librairie et café littéraire dénommée Osvaldo Bayer, d'aprÚs l'historien des mouvements sociaux auteur d'un livre célÚbre sur l'anarchisme en Argentine, et organisées à partir de 2000 des Universités populaires[4]. Le soutien des MÚres au gouvernement Kirchner a conduit à diverses tensions avec des proches, dont notamment le journaliste Herman Schiller (es), qui a enseigné jusqu'en 2007 l'histoire des mouvements ouvriers à l'Université populaire et qui s'est présenté sur les listes de la Gauche unie aux élections municipales de Buenos Aires en 2000 et 2003[8], ou Nestor Kohan[9]. Par ailleurs, les MÚres ont une radio depuis 2005 (La voz de las Madres (es)), qui diffuse par les ondes et sur Internet[10]. Enfin, en février 2010, l'association s'est jointe à la plainte déposée contre le maire de Buenos Aires, Mauricio Macri, à la suite de sa décision de doter la police métropolitaine de Buenos Aires d'armes Taser; Hebe de Bonafini qualifie l'engin d'« instrument de supplice électrique[11] ».

Sur le plan international, Hebe de Bonafini affiche des positions extrĂȘmement polĂ©miques[12]. Elle s'est ainsi publiquement rĂ©jouie des attentats du World Trade Center du 11 septembre 2001. Elle a Ă©galement affichĂ© de maniĂšre virulente son rejet des migrants boliviens en Argentine et a apportĂ© son soutien Ă  l'ETA conduisant plusieurs municipalitĂ©s espagnoles Ă  cesser leur soutien Ă  l'association des MĂšres de la Place de Mai.

En 2019, elle prend la défense du régime de Nicolas Maduro au Venezuela en le qualifiant de "pure démocratie"[13] alors que le pays était secoué par d'importantes manifestations.

Exhumation des corps des mĂšres disparues

Stand des MĂšres Ă  la 33e fĂȘte internationale du livre Ă  Buenos Aires (2007).

En , le cadavre de la religieuse française Léonie Duquet, enlevée en 1977 avec les fondatrices par le groupe d'Alfredo Astiz, a été exhumé, sans que son identité fut alors établie. Les tests ADN ont ensuite bien conclu, le , que le corps exhumé était celui de Duquet.

Les corps d'Azucena Villaflor, d'Esther Careaga et de María Eugenia Bianco, ont aussi été identifiés mi-2005. Les cendres de Villaflor ont été enterrées au pied de la pyramide de Mai, sur la Place de Mai, le . Le 29 novembre 2017, Astiz est inculpé dans le méga-procÚs de l'ESMA pour crimes contre l'humanité.

Les grands-mĂšres

L’association des Grands-MĂšres de la place de Mai a Ă©tĂ© fondĂ©e en 1977, pour tenter de retrouver les petits-enfants enlevĂ©s pendant la rĂ©pression et les renvoyer vers leurs familles. Leur travail a permis d’identifier 119[14] des 500 enfants enlevĂ©s ou nĂ©s en dĂ©tention durant la pĂ©riode militaire et clandestinement adoptĂ©s par les familles des militaires, policiers ou de proches du pouvoir[5]. Elles rĂ©clament notamment que les deux enfants d'Ernestina Herrera de Noble, la PDG du puissant groupe de presse ClarĂ­n, dĂ©livrent Ă  la justice des Ă©chantillons ADN afin d'assurer qu'ils ne font pas partie des bĂ©bĂ©s sĂ©questrĂ©s, ce qui est soupçonnĂ© par les enquĂȘteurs[14].

Le 10 dĂ©cembre 2003, la fondatrice et prĂ©sidente de l’association, Estela Barnes de Carlotto, a reçu le Prix des droits de l'Homme de l'ONU[15]. Le , Estela Barnes de Carlotto annonce Ă  la presse avoir retrouvĂ© Guido nĂ© de sa fille Laura. Laura Carlotto avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e le Ă  Buenos Aires alors qu'elle Ă©tait enceinte de deux mois et demi, avant d'ĂȘtre assassinĂ©e par ses tortionnaires[16] - [17].

HIJOS

En 1995, HIJOS (« les fils », acronyme de Hijos por la Identidad y la Justicia contra el Olvido y el Silencio (es), ou « Fils pour l'identité et la justice contre l'oubli et le silence ») se sont constitués pour lutter contre l'amnistie politique des responsables des violations des droits de l'homme et réclamer l'ouverture de poursuites judiciaires contre les agents de la dictature. Ils ont organisé des scratch (manifestations bruyantes) prÚs des domiciles des bourreaux, afin de dévoiler leur nouvelle identité au voisinage et pour attirer l'attention publique sur l'impunité dont ils bénéficiaient.

HIJOS Ɠuvre aussi en faveur d'une reconstitution exacte de l'histoire de l'Argentine et contre la censure. L'association est composĂ©e d'enfants des victimes de la dictature et prĂ©sente dans 17 autres pays. Toutes les dĂ©cisions sont prises collectivement lors des assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales.

Hommage

Daniel Balavoine a écrit et composé une chanson en leur hommage. Elle est nommée Revolución et fait partie de l'album Loin des yeux de l'Occident.

Sting, le chanteur et bassiste de Police, leur a aussi comme on l'a vu rendu hommage dans un thĂšme de l'un des plus cĂ©lĂšbres de ses albums solo : 
Nothing Like the Sun [...Rien comme le Soleil[18]], sorti en 1987 et rĂ©Ă©ditĂ© en 2016[19]. Ce thĂšme s'appelle « They Dance Alone (Cueca Solo) » [Elles dansent seules (Cueca en solo)], et selon Christian LarrĂšde (2019 Music Story), il brosse le « portrait de ces "folles de la Place de Mai", qui brandissaient dans ces annĂ©es 1980 Ă  la face du monde le portrait des victimes et des disparus de la dictature » argentine. Ce thĂšme « rappelle l’investissement de l’artiste dans les causes humanitaires – en particulier au sein d’Amnesty International -, et que l’Anglais a trĂšs tĂŽt souhaitĂ© ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un chanteur engagĂ©[20]. »

Le groupe de rock irlandais U2 dédie le titre Mothers of the Disappeared à ce sujet dans leur album à succÚs The Joshua Tree, sorti en 1987. Lors d'un concert à Santiago du Chili le 11 février 1998, le groupe invite sur scÚne de nombreuses mÚres de la place de Mai, Bono leur permet de dire les noms de leurs proches pendant la chanson[21].

Au cinéma

Notes et références

  1. Eric Sarner, MĂšres et "folles" sur la place de Mai: Argentine 1976-2000, Paris, ddb, 177 p. (ISBN 9782220048215)
  2. Voir la traduction de l'interview d’Estela Barnes de Carlotto, PrĂ©sidente des « Grand-mĂšres de la Place de Mai », extrait de la revue MĂ©moires 2016/2 (N° 67), page 23, ici : JosĂ©phine Vuillard, « Les folles de la Place de Mai, Interview d’Estela Barnes de Carlotto », sur CAIRN.INFO, (consultĂ© le ).
  3. (es) Mercedes LĂłpez-Baralt, « El retorno del Inca rey en la memoria colectiva andina : Del ciclo de InkarrĂ­ a la poesĂ­a quechua urbana de hoy » [« Le retour de l'Inca roi dans la mĂ©moire collective andine : du cycle d'InkarrĂ­ Ă  la poĂ©sie quechua urbaine d'aujourd'hui »], AmĂ©rica, Cahiers du CRICCAL n°31, Centre de Recherches Interuniversitaire sur les Champs Culturels en AmĂ©rique Latine, Presses de la Sorbonne Nouvelle-Paris III,‎ , p. 25 (lire en ligne, consultĂ© le )
  4. Entretien avec Hebe de Bonafini, Pagina digital, février 2002
  5. Martine DĂ©otte, « L’effacement des traces, la mĂšre, le politique », Socio-anthropologie no 12, 2002, mis en ligne le 15 mai 2004
  6. Dossier de presse de la mairie de Paris et Discours d'inauguration du jardin des MĂšres-et-Grands-MĂšres-de-la-Place-de-Mai Ă  Paris, par le maire du XVe Philippe Goujon (3 avril 2008)
  7. Las Madres de Plaza de Mayo realizaron la Ășltima Marcha de la Resistencia, ClarĂ­n, 26 janvier 2006.
  8. NicolĂĄs Mavrakis, "Bonafini pasĂł a la historieta", Revista Noticias, 2007
  9. Carta de despedida de Nestor Kohan a Ebe de Bonafini. Por Nestor Kohan - Tuesday, Jun. 19, 2007 at 11:28 PM, Indymedia Argentine.
  10. Radio La voz de las Madres
  11. Hebe de Bonafini reclamó ser querellante en la causa por las pistolas Taser, Pågina/12, 15 février 2010
  12. « Denuncian a Bonafini por insultar a bolivianos en la Plaza de Mayo | Argentina | elmundo.es », sur www.elmundo.es (consulté le )
  13. (es) « Hebe de Bonafini apoyó a Nicolås Maduro: "Es una democracia pura" », sur Perfil.com, (consulté le )
  14. «Apareció el nieto 119: su madre aun esta viva». RosarioPlus. Consultado el 30 de noviembre de 2015.
  15. StĂ©phanie SchĂŒler, Dictature : justice pour des « bĂ©bĂ©s volĂ©s », RFI, 4 avril 2008
  16. Jean-Louis Buchet, « BĂ©bĂ©s volĂ©s en Argentine: le petit-fils d’Estela de Carlotto retrouvĂ© », RFI,
  17. « La leader des Grands-mÚres de la Place de Mai retrouve son petit-fils », AFP/NouvelObs,
  18. Titre inspiré par le sonnet 130 de William Shakespeare (My mistress's eyes are nothing like the sun), sonnet tendre et humoristique en forme de "contre-blason" qui se retourne en déclaration d'amour sur la fin, dont on trouvera le texte entier et des traductions diverses en français ici : Natalie Roulon, « Le sonnet 130 de Shakespeare et ses traductions françaises », sur Shakespeare en devenir, (consulté le ).
  19. Double album vinyle sous label Polydor, 19 octobre 1987 / 23 septembre 2016, (ASIN B000091P8U). On pourra en entendre des extraits ici : « ...Nothing Like the Sun », sur Amazon.fr (consulté le ).
  20. Christian LarrÚde / Music Story, « ...Nothing Like the Sun », sur Amazon.fr (consulté le ).
  21. « U2 - Mothers of the Disappeared - Live Popmart Santiago 1998 - YouTube », sur www.youtube.com (consulté le )

Articles connexes

Liens externes

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