Les Soulèvements de la Terre
Les Soulèvements de la Terre est un collectif d'écologie politique et contestataire français. Fondé en , ce mouvement est opposé à l'accaparement des terres et lutte contre certains projets d'aménagement, notamment les « méga-bassines », des autoroutes, ou encore le projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin. Il exprime ses revendications par le biais de manifestations et mène des actions de désobéissance civile et de sabotage d'infrastructures industrielles qu'il considère comme polluantes. Il rassemble une centaine d'associations ou de collectifs et plus de 140 000 personnes revendiquent leur appartenance au mouvement.
Fondation | |
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Dissolution |
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Forme juridique | |
Mouvement |
Mouvement pour le climat (en), Ă©cologie politique |
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Le , le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin annonce la dissolution du mouvement, provoquant de vives réactions, notamment de la part d'Amnesty International et de la Ligue des droits de l'homme.
Création
Les Soulèvements de la Terre est un collectif fondé en à Notre-Dame-des-Landes[1], en France, par des anciens membres de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes[2] - [3]. Il se décrit dans un communiqué comme une « coalition qui regroupe des dizaines de collectifs locaux, de fermes, de sections syndicales, d'ONGs à travers le pays ». Socialter le décrit comme une « nébuleuse activiste », tandis que certains membres insistent sur le fait que Les Soulèvements de la Terre sont avant tout une « campagne d'actions »[1]. Il regroupe des militants du mouvement climat, de la mouvance autonome et des paysans[1].
Le premier appel des Soulèvements de la Terre est signé par des chercheurs (Christophe Bonneuil, Jean-Baptiste Fressoz, Anselm Jappe, François Jarrige, Kristin Ross, Sophie Wahnich), des écrivains (Alain Damasio, Baptiste Morizot, Alessandro Pignocchi, Nathalie Quintane) et des figures politiques (José Bové, Corinne Morel Darleux)[4].
Il apparait dans un contexte de diversification du mouvement climat en France et à l'international, avec de nombreux groupes comme Scientifiques en Rébellion, Dernière Rénovation[5] ou Terres de Luttes[6], qui s'ajoutent aux mouvements citoyens proches de la désobéissance civile comme Youth for Climate, Fridays for Future ou Extinction Rebellion[6]. Ces mouvements ont en commun une critique des projets d'aménagement, appelés « grands projets inutiles et imposés », et remettent en cause le productivisme. Les Soulèvements de la Terre, pour Nicolas Celnik et Fabien Benoit, s'inscrivent ainsi dans les « techno-luttes »[7].
En juin 2023, le mouvement regroupe une centaine d'associations et collectifs et plus de 110 000 personnes revendiquent leur appartenance aux Soulèvements de la Terre[8].
Revendications et actions
Protagonistes
Les Soulèvements de la Terre sont rapidement rejoints par des militants issus d'autres organisations écologistes, comme Extinction Rebellion ou Youth for Climate[9]. Plusieurs associations, syndicats et collectifs écologistes, notamment la Confédération paysanne, l'Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne (ATTAC), Alternatiba, ou encore l'Union syndicale Solidaires, s'y agrègent.
Une note des renseignements, publiée par la revue lundi matin fin , précise que « Les SLT sont ainsi parvenus à séduire largement et à rassembler, sur des mêmes actions, des individus aux profils et aux méthodes très éloignées, en procédant à l’articulation de pratiques militantes, pour qu’elles soient complémentaires »[9].
Les policiers reconnaissent aux activistes, leur « ingéniosité », leur « intelligence » et « la communication parfaitement maîtrisée » du collectif qui ont su devenir « un acteur majeur de la contestation écologique radicale » et s'attacher la sympathie d'intellectuels, d'associations et syndicats pour créer un véritable mouvement[10].
Alors qu'à ses débuts, Les Soulèvements de la Terre sont principalement composés de militants issus de « l'ultragauche », les renseignements indiquent qu'ils sont rejoints par des activistes d'organisations écologistes comme Extinction Rebellion, « désabusés par les manifestations et actions de désobéissance civile jugées stériles [et] enclins à basculer dans la radicalité »[11], passant de la désobéissance civile à la « résistance civile »[9].
C'est dans ce contexte, et après la première manifestation contre la « méga-bassine » de Sainte-Soline en [12], que le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin accuse les organisateurs d'« écoterrorisme »[11] - [13] - [14].
Revendications
Les Soulèvements de la Terre s'oppose à « l'accaparement foncier et la bétonisation »[15]. Le groupe lutte également contre l'agro-industrie, l'accaparement des terres et veut défendre l'eau comme un bien commun[1] et revendique dans son texte fondateur lutter « pour produire une nourriture saine, à la fois financièrement accessible et garantissant une juste rémunération »[16]. La question de la terre et du foncier est centrale dans l'ensemble des mobilisations et actions organisées[1]. Ils dénoncent certaines infrastructures (comme les centrales à béton ou les « méga-bassines ») comme étant des « armes de destruction massive du vivant »[11].
Des manifestations et actions de protestations contre des projets liés notamment à l'agro-industrie et à l'artificialisation des sols sont organisées ou relayées par Les Soulèvements de la Terre[17] - [18]. Les Soulèvements de la Terre s'opposent ainsi aux « méga-bassines » dans l'Ouest de la France, avec d'autres organisations comme Bassines non merci ou la Confédération paysanne[1].
Corinne Lepage, ancienne ministre de l'environnement, pointe dans Le Point la responsabilité politique d'Emmanuel Macron[19]. La prise de position du président avec son slogan « Make our planet great again » et la débâcle de la Convention citoyenne pour le climat illustre une posture de greenwashing auprès de certains militants[19]. Face à l'état d'urgence climatique et critiquant l'inaction climatique du gouvernement français, malgré la condamnation de l'État[20], certains militants désertent[21] et se radicalisent pour tenter de se faire entendre[13] - [19] - [22] - [23] - [24].
Modes d'action
Le collectif cherche à faire converger les luttes des zadistes, des militants écologistes et des paysans, en s'appuyant sur les luttes locales[1]. Cette stratégie diffère des modes d'action du mouvement climat (en), qui organise généralement des manifestations dans les grandes villes, érige la non-violence comme principe fondamental, et est jugée « hors-sol » par plusieurs militants des Soulèvements[1]. Les Soulèvements de la Terre justifient leurs méthodes par l'urgence d'agir face à la crise écologique, et estiment que les autres modes d'action du mouvement climat ont échoué[11] - [25].
Les Soulèvements de la Terre ont recours à une « pluralité des tactiques »[9], parmi lesquelles la désobéissance civile, la résistance[26] et l'action directe[11]. Les manifestations et actions collectives de blocage ou de sabotage font partie des modes d'action[27]. Les Soulèvements de la Terre revendiquent la radicalité dans leurs modes d'actions. La question du sabotage fait néanmoins l'objet de débats parmi les militants aux sensibilités différentes[1]. Le sabotage est appelé « désarmement d'infrastructures », et présenté comme une méthode de défense face à un système qui détruit le vivant[28], une manière de légitimer ce mode d'action[10].
En , une note des services de renseignement français décrit le mouvement comme « vecteur de radicalité des luttes écologistes » et indique que des activistes écologistes s'y réapproprient les techniques du black bloc, notamment lors d'affrontements avec les forces de l'ordre[19] - [11].
Actions et manifestations
Entre et , une vingtaine d'actions sont organisées par le mouvement[10] - [29].
En mars 2021[30] - [31], des manifestations sont organisées pour lutter contre la destruction de bocages par une carrière de sable à Saint-Colomban en Loire-Atlantique[32] et de jardins populaires à Besançon[15], contre la construction d'une route à Le Pertuis ou le projet de technopole du plateau de Saclay[4].
Durant l'automne 2021 et l'hiver 2022[33], des protestations contre la bétonisation des terres agricoles d'Île-de-France, des occupations dans les centrales à béton du port de Gennevilliers[15] et la société Monsanto à Lyon ont lieu.
Des actions sont ensuite menées contre une retenue d'eau à La Clusaz et l'artificialisation de terres agricoles à Pertuis dans le Vaucluse[34].
Le , une centaine d'activistes masqués et vêtus de combinaisons blanches pénètrent dans l'usine du cimentier Lafarge à Bouc-Bel-Air dans les Bouches-du-Rhône. L'action dure moins d'une heure, pour des dégâts estimés à 4 millions d'euros[35].
À l'automne 2022, une lutte contre la « méga-bassine » de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, rassemble plusieurs milliers de personnes[19] - [36].
Une autre manifestation à Sainte-Soline le , réunissant plusieurs dizaines de milliers de participants, dont Les Soulèvements de la Terre est co-organisateur avec la Confédération paysanne et le collectif Bassines non merci. Elle est réprimée par la gendarmerie et la confrontation entre manifestants et forces de l'ordre entraîne de nombreux blessés[37].
Des mobilisations contre le projet d'autoroute A69 entre Toulouse et Castres[38] ou encore le projet de contournement routier de Rouen sont prévues en 2023[19] - [39].
En , lors d'une marche itinérante en Loire-Atlantique, à l'initiative de collectifs militants tels que Les Soulèvements de la Terre, pour dénoncer l'utilisation intensive de sable dans les cultures ainsi que le maraîchage industriel, 3 600 mètres carrés de parcelles de terres expérimentales appartenant à la Fédération des maraîchers nantais sont vandalisées. Il s'agit de terrains où depuis trois ans, des ingénieurs engagés sur les thématiques environnementales qui pourtant « partagent les revendications des collectifs militants » mènent des essais. Le préjudice est estimé à « plusieurs dizaines de milliers d'euros ». L'action suscite de nombreuses réactions politiques négatives[40]. Le collectif rétorque qu'il s'agit de « muguet qui ne se mange pas et de la mâche exportée » et dénonce les « mensonges » de la fédération des maraîchers nantais. Les Soulèvements de la Terre dénoncent à travers cette action l'accaparement des terres par le maraîchage industriel ainsi que des ressources en eau, au détriment des petites installations paysannes. Plusieurs paysans bio participent à cette action[41].
Une mobilisation internationale contre la ligne ferroviaire Lyon-Turin est organisée dans la vallée de la Maurienne le 17 juin 2023[42]. Environ 4 000 personnes manifestent pour l'arrêt des travaux de cette ligne au budget de 26 milliards qui, selon elles, risque de porter de graves atteintes à l'environnement alpin[43] - [44] - [45].
Dissolution
Projet de dissolution
À la suite de la manifestation à Sainte-Soline du , marquée par de nombreux blessés tant chez les manifestants (200) que chez les forces de l'ordre (27)[46], le gouvernement exprime, le , son souhait de dissoudre le collectif Les Soulèvements de la Terre, qu'il estime « responsable de plusieurs envahissements d’entreprises, de plusieurs exactions fortes contre les forces de l’ordre, de plusieurs destructions de biens, de centaines de gendarmes ou de policiers blessés, de plusieurs appels à l'insurrection »[47]. Le gouvernement reproche au collectif, des infractions pénales, notamment des « sabotages », des « dégradations matérielles », des « modes opératoires violents » et des « provocations à la violence »[48]. L'annonce est faite par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à l'Assemblée nationale[2] - [49], et ce, malgré le fait qu'il ne s'agisse pas d'une structure ayant une personnalité morale[50]. Aucune procédure de ce type n'a été menée envers une association écologiste auparavant[51].
Le média Reporterre souligne « l'importance des moyens mis en œuvre [par les services de renseignement] pour surveiller le mouvement[10]. »
Plusieurs partis de gauche, comme La France insoumise et Europe Écologie Les Verts, critiquent la volonté de dissolution du gouvernement[52]. Une tribune de soutien de 300 personnalités et de plusieurs milliers de personnes est publiée le [53], en parallèle de manifestations de soutien[54]. Elle a recueilli, mi-juin, une centaine de milliers de signatures[55], incluant des « syndicalistes, artistes, scientifiques, élus, et des dizaines d'organisations politiques, associatives et syndicales en France et à l'international »[56] - [57].
Plusieurs médias, comme Reporterre, Blast, Socialter et Terrestres participent à une soirée de soutien face à ce qui constitue pour eux « une atteinte grave aux libertés publiques »[58].
Le , dans une tribune de Libération, les co-présidents[note 1] d'une association finançant le mouvement revendiquent leur soutien « aux luttes territoriales qui tentent de préserver les possibilités minimales d’un avenir viable. »[59].
Toujours en avril, l'association publie un communiqué dans lequel elle s'indigne du prétexte présenté par le ministre de l'Intérieur afin de la dissoudre[60], le tribunal administratif de Poitiers ayant validé, dans le même temps, la construction de bassines, dont celle contre laquelle s'est battue l'association[61].
En soutien au mouvement, une soirée proposant des concerts, retransmise en direct sur les réseaux sociaux, est organisée le . Elle est soutenue notamment par les médias Blast et Reporterre[62]. Celle-ci réunit des figures telles que Alain Damasio, Philippe Descola, Inès Léraud ou Cyril Dion. La climatologue Valérie Masson-Delmotte, s'interroge sur :
« La contestation de certains projets est perçue comme une menace à l’ordre public. Quelle est la menace la plus grave ? La poursuite de tendances non soutenables ? L’aggravation des impacts du changement climatique qui touche de plein fouet les plus fragiles ? Ou bien est-ce cette contestation qui dérange, face à l’inertie, face à l’inadéquation des réponses institutionnelles et politiques ? »
Elle y affirme le droit de s'opposer à un projet écologiquement dangereux, l'utilité des mouvements sociaux en tant que catalyseurs de la transition écologique et le droit à la liberté d'expression[63].
Un mois et demi après l'annonce du projet de dissolution, aucune procédure n'est encore engagée, ce qui illustre à nouveau selon les journalistes du Monde la « doctrine de l’hyperprésence assumée [par Gérald Darmanin] », et sa tendance à multiplier les déclarations, comme dans le cas du projet de loi relative à l'asile et à l'immigration, ou de l'opération Wuambushu, sans s’assurer de la faisabilité des mesures envisagées[64].
Le , en réaction au projet de dissolution, le collectif publie un livre aux éditions du Seuil, On ne dissout pas un soulèvement - 40 voix pour Les Soulèvements de la Terre. L'ouvrage, sous forme d'abécédaire, est écrit par des universitaires (Alessandro Pignocchi, Philippe Descola, Jérôme Baschet, François Jarrige, etc.), des militants (Léna Lazare, Alix F...) et des artistes (Virginie Despentes)[65] - [66]. Les bénéfices sont reversés au collectif.
Dissolution
Alors que les services de la Première ministre Élisabeth Borne hésitent devant la complexité juridique du dossier, Les Soulèvements de la Terre n'étant pas une association mais un collectif regroupant des « comités locaux »[note 2], sans chefs identifiés et sans vrais statuts[67], Emmanuel Macron exige, lors du conseil des ministres du , que la dissolution du collectif soit lancée[68].
D'après Reporterre, le gouvernement prend cette décision sous la pression de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), après l'action des Soulèvements en Loire-Atlantique durant laquelle des serres de maraîchage industriel sont dégradées[69]. Mediapart indique que la dissolution des Soulèvements de la Terre est une revendication de la FNSEA depuis plusieurs mois, et est révélatrice des tensions grandissantes entre agro-industrie et agriculture écologique[70].
Le décret de dissolution est présenté par Gérald Darmanin au conseil des ministres du , qui justifie sa décision à cause de la « violence » du mouvement, notamment à Sainte-Soline. La gauche et les écologistes dénoncent une « dérive autoritaire » du gouvernement[71] - [72] - [73]. Juste avant une vague d'arrestations de militants écologistes menées par la sous-direction anti-terroriste[74]. Les Soulèvements de la Terre annoncent le début d'une « bataille juridique »[16] - [75]. Pour les avocats du mouvement, il s'agirait d'un détournement de procédure, « aucune des personnes se déclarant officiellement des Soulèvements de la Terre, ou même pointée par [le]s services de renseignements comme appartenant audit mouvement, n'a fait l'objet de poursuites et condamnations pour des faits en lien avec les activités du mouvement[16] ».
RĂ©actions
En réaction, des rassemblements de soutien ont lieu dans toute la France, rassemblant plusieurs milliers de personnes[76], des élus d'EELV ou de La France insoumise et des personnalités, comme Greta Thunberg à Paris[77].
À Toulouse des violences sont commises en marge d'un de ces rassemblements envers le maire Jean-Luc Moudenc et d'autres élus. Elles font un blessé léger et six interpellations ont lieu[78].
Amnesty International condamne cette décision qu'elle juge « contraire au droit international » et la Ligue des droits de l'homme dénonce une « remise en cause des libertés d'association, de manifestation, d'expression, ainsi que des droits de la défense[79]. »
Des personnalités médiatiques et culturelles telles que le prix Nobel de littérature 2022, Annie Ernaux, condamnent la dissolution et apportent leur soutien au mouvement[80].
Notes et références
Notes
- Christophe Bonneuil, Isabelle Cambourakis, Philippe Descola, François Jarrige, Baptiste Morizot, Isabelle Stengers, Geneviève Azam, Audrey Vernon, Marie Pochon, Alessandro Pignocchi, Maxime Laisney, Corinne Morel Darleux, Jérôme Baschet.
- Selon la dénomination utilisée par le collectif ; cf. communiqué du 15 juin 2023 sur lessoulevementsdelaterre.org.
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