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Écoterrorisme

L'écoterrorisme est un néologisme controversé utilisé par certains médias, gouvernements et personnalités politiques pour désigner les menaces, intimidations et actes de violence contre des biens ou des personnes (civiles, policières ou militaires) commis au nom de l'écologisme.

Le terme a été forgé en 1983 et a commencé à être utilisé par les autorités, dont le FBI, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis pour qualifier certaines actions des mouvements des droits des animaux.

Depuis 2020, le terme est parfois utilisé en Europe par certains médias et personnalités politiques pour qualifier des actions de désobéissance civile, manifestations, sabotages ou destructions de certaines outils agricoles.

L'utilisation de ce terme est critiquée par les scientifiques et chercheurs, pour qui ces actions, bien que troublant parfois l'ordre public, ne peuvent pas être assimilées à du terrorisme car elles n'ont causé aucun mort. Certaines personnalités estiment ainsi que le terme est utilisé à des fins de « guerre sémantique »[1] pour « préparer le terrain pour une répression disproportionnée »[2].

DĂ©finition

Le terme est forgé en 1983 par l'écrivain américain Ron Arnold, président du Center for the Defense of Free Enterprise (centre pour la défense de la libre entreprise) et fondateur autoproclamé du mouvement américain Wise Use qui promeut la dérégulation de la propriété privée. Il l'utilise pour la première fois dans un article du mensuel libertarien Reason et le définit comme un « crime pour sauver la nature »[3].

La section antiterroriste du Federal Bureau of Investigation (FBI) définit l'écoterrorisme[4] comme

« l'usage ou la menace d'utiliser la violence physique ou morale de manière criminelle, contre des victimes innocentes ou des biens, par un groupe d'orientation écologique interne à l'état, pour des raisons politiques liées à l'environnement, ou visant une audience dépassant cette cible, souvent de nature symbolique. »

Les autorités britanniques incorporent dans leur loi de sécurité intérieur des dispositions visant à protéger spécifiquement les chercheurs des actions des mouvements des droits des animaux et, aux États-Unis, des lois spécifiques telles l'Animal Enterprise Terrorism Act sont adoptées en 2006[5]. En France, le droit ne prévoit aucune distinction des actions écoterroristes des incriminations classiques de "menaces sous conditions" ou "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste"[5].

Historique

En Amérique du Nord

La mouvance écologique radicale apparue en Grande-Bretagne entre la fin des années 1960, notamment en lien avec les mouvements anti-chasse, se déplace au Etat-Unis au début des années 1970 et donne lieu à la naissance des groupes comme Environmental Life Force ou Earth First![6]. Xavier Raufer, criminologue et ancien militant d'extrême droite[7] considère que les premières actions pouvant être qualifiées d'écoterrorisme débutent dans l'Ouest des Etats-Unis par « par un activisme anti industriel-immobilier », mais que la mise en place du Patriot Act après le (précisant que tout sabotage devient un acte terroriste, sanctionné de 10 ans de prison minimum), en marquerait la fin[8].

En juin 2001, Jeffrey Luers[9] - [10] est condamnĂ© Ă  22 ans et 8 mois de prison pour avoir brĂ»lĂ© trois SUV Ă  Eugene, dans l'Oregon, avec l'aide d'un ami, pour attirer l'attention sur la consommation excessive de gazole aux États-Unis et le rĂ©chauffement climatique. Les dĂ©gâts sont estimĂ©s Ă  environ 40 000 dollars. Un expert assure que Luers a pris soin de ne blesser personne. Sa libĂ©ration intervient au bout de dix ans, en [11].

Le FBI estime en 2002 que l'Animal Liberation Front (ALF) et l'Earth Liberation Front (ELF) ont entre 1996 et 2002 commis plus de 600 actes criminels aux États-Unis, entraĂ®nant des dĂ©gâts estimĂ©s Ă  plus de 43 millions de dollars[4] - [12]. En 2008 il considère encore les actions Ă©coterroristes et des extrĂ©mistes des mouvements pour les droits des animaux comme Ă©tant l'une des sources de terrorisme interne les plus importantes avec plus de 2000 crimes en 30 ans pour un montant de plus de 100 millions de dollars de pertes matĂ©rielles[13].

En Europe

En France, selon le directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, Eric Denécé, les actions de fauchage d'OGM au début du XXIe siècle et d'Extinction Rebellion démarrées au début des années 2020 sont « des groupes actifs, dont les actions relèvent régulièrement de la violation de l’ordre public, mais ce n’est pas de l’action terroriste »[14]. Le politologue[15] Eddy Fougier estime en 2016 que les actions des associations animalistes et néo-luddistes menacent certes la sécurité des entreprises en France (notamment celles du secteur des organismes génétiquement modifiés ou celles qui pratiquent l'expérimentation animale), mais ne constituent pas pour autant un « écoterrorisme »[16].

Au début des années 2020, plusieurs actions menées en France, de désobéissance civile, manifestations (entrainant parfois des oppositions violentes avec les forces de l'ordre), sabotages et destructions de certaines outils agricoles (bassines, champ de muguet, etc) sont cependant qualifiées d'écoterroristes dans les médias[6] et par plusieurs personnalités politiques[17] telles que Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur[18]. Ce rapprochement avec le terrorisme est critiqué par des personnalités politiques, majoritairement de gauche, qui le voient comme « une insulte aux militants écologistes et aux victimes du terrorisme »[19]. Noël Mamère, ancien homme politique écologiste, décrit l'usage de ce terme « infamant » pour définir des militants écologistes comme étant le début d'une « guerre sémantique »[1]. Selon le journaliste Pascal Riché ce terme conduit à banaliser le véritable terrorisme et « prépare le terrain pour une répression disproportionnée[2]. » En 2023, des militants du collectif Soulèvements de la Terre sont arrêtés par la sous-direction anti-terroriste pour le sabotage de la cimenterie Lafarge[20] - [21].

Durant la même période, des actions de désobéissance civiles principalement liées à la lutte contre le réchauffement climatique, menées par des groupes comme Last Generation (perturbations d'aéroports, barbouillage de peintures célèbres, etc) sont qualifiés en Allemagne de « terrorisme climatique » (Klimaterroristen), écoterroristes voire RAF-climatique par les médias[22]. Ces termes sont critiqués par une partie du public et certains politiciens[22]. Le mouvement Ende Gelände, qui encadre ses actions par un consensus d'action, tend dans les actions prévues en fin 2022, à accepter des dégâts aux propriétés tout en refusant encore les affrontements avec la police[23]. Un de ses co-fondateur indique que si « la société ne veut pas changer, on doit imposer son cout sur la société »[23].

Le livre How to Blow Up a Pipeline (en) de l'universitaire Andreas Malm sorti en 2021 influence le glissement des groupes Ă©cologiques (notamment en faveur d'une justice climatique) vers des actions qui ne sont plus uniquement non-violentes[23].

Analyse sociologie du phénomène

Pour Myriam Benraad, l’écoterrorisme, « terrorisme environnemental » ou « terrorisme animalier », est une violence politique qui puise ses sources et justifications dans le registre de la vengeance : « des groupes comme le "Front de libération des animaux" et le "Front de libération de la Terre", créés en 1979 concernant le premier et en 1992 pour le second, affirment "venger", par leurs actions directes ou clandestines, une vie animale et un environnement exploités et détruits par un capitalisme sans foi, ni loi »[24].

Pour le Dr. Simon TUenne, spécialiste des contestations et des mouvements politiques de l'Université libre de Berlin beaucoup de mouvements écologiques reconnaissent le besoin d'évoluer et que malgré les grandes manifestations comme les Grève étudiante pour le climat rassemblant des millions de personnes à travers le monde, peu de réponses satisfaisantes à la lutte contre le réchauffement climatique ont été apportées, nécessitant donc des actions plus impactantes[23]. Selon lui, personne dans ces mouvements ne diffuse des idées de violence envers la police ou ceux responsables des crises climatiques, mais le manque d'actions des gouvernements devient de plus en plus insupportable pour ceux qui voient la crise arriver[23]. Il pressent donc que les individus et collectifs choisiront des moyens plus drastiques à l'avenir[23].

Écoterrorisme dans l'art et la culture

Le sujet d'actions armées et violentes pour défendre des causes environnementales est prégnant dans de nombreux récits.

Littérature

Le roman d'Edward Abbey,Le Gang de la clef à molette (The Monkey Wrench Gang) coïncide avec le début des activités qualifiées d'écoterrorismes aux Etats-Unis, principalement caractérisées par des sabotages de sites industriels comme le raconte le récit. Dès 1998, Tom Clancy, romancier et spécialiste du renseignement américain et de la CIA, y a consacre son livre Rainbow Six[5]. Autres romans

Cinéma

Télévision

Jeux vidéo

On retrouve la même thématique jusque dans les récits vidéoludiques: ainsi le jeu Final Fantasy VII est centré autour du combat entre le groupe « Avalanche » considéré comme écoterroriste et une organisation appelée la « Shinra »[25].

Documentaires

  • Philippe Borrel, Les InsurgĂ©s de la Terre, Arte[26] France, 2010, 54 min[27]
  • Peter Jay Brown, Confessions of an Eco-Terrorist, 2010, 90 min

Notes et références

  1. https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/04/noel-mamere-ecoterrorisme-un-parallelisme-de-langage-qui-releve-de-l-indecence-du-cynisme-et-de-l-irresponsabilite_6148431_3232.html
  2. Pascal Riché, « "Ecoterrorisme" : un mot choisi par Darmanin pour délégitimer les écologistes et justifier la répression à venir », L'Obs, 31 octobre 2022.
  3. “Ecoterrorism”: Terrorist Threat or Political Ploy? par Hirsch-Hoefler, Sivan, Mudde, Cas, Studies in Conflict & Terrorism, Jul. 2014, Vol. 37, Edition 7.
  4. « "The Threat of Eco-Terrorism" » (sur Internet Archive), Testimony of James F. Jarboe, Domestic Terrorism Section Chief, Counterterrorism Division, FBI, Before the House Resources Committee, Subcommittee on Forests and Forest Health, February 12, 2002.
  5. Isabelle Mandraud, « Ces écoterroristes qui inquiètent l'Europe », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. « D’un jet de soupe à l’écoterrorisme: ces actions militantes vues par les médias », sur La Drenche, (consulté le )
  7. « [VIDEO] Perpignan : Louis Aliot recrute un criminologue, ancien militant d'extrême droite, pour une expertise sur la sécurité », sur lindependant.fr (consulté le ).
  8. Xavier Raufer, « éco-terrorisme : effet de loupe, pétard mouillé », Sécurité globale,‎ , p. 73-90 (lire en ligne).
  9. « The U.S. Goes on Green Alert, When is a vandal a terrorist? When he's also an environmentalist », sur nrdc.org.
  10. « Ecoterrorism as a career », a Jeffrey Luers's interview.
  11. (en) « Jeff's Story », sur le site de soutien.
  12. Cédric Gouverneur, « Les guérilleros de la cause animale », sur Le Monde diplomatique, (consulté le ).
  13. https://archives.fbi.gov/archives/news/stories/2008/june/ecoterror_063008
  14. https://www.radiofrance.fr/franceculture/ecologie-de-la-desobeissance-civile-a-l-ecoterrorisme-3711809
  15. https://www.lesechos.fr/@eddy-fougier
  16. Eddy Fougier, « Animalistes, zadistes, néo-luddites : nouvelles menaces pour la sécurité des entreprises en France », Sécurité et stratégie,‎ , p. 32-39 (lire en ligne).
  17. https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/ecoterroristes-contre-vrais-ecolos-de-droite-au-conseil-regional-des-pays-de-la-loire-35f3282a-10d4-11ee-a6c1-52654847d406
  18. « Pourquoi le mot "écoterrorisme" fait débat », sur 20minutes.fr, (consulté le ).
  19. « "Écoterrorisme": pourquoi Gérald Darmanin hausse le ton face aux manifestants de Sainte-Soline », sur BFMTV (consulté le ).
  20. https://www.liberation.fr/societe/police-justice/soulevements-de-la-terre-plusieurs-militants-interpelles-par-la-police-20230620_OPMGIBO4QNFRLB7A4V75XCZQXY/
  21. https://www.liberation.fr/environnement/pollution/une-cimenterie-a-larret-apres-une-action-de-militants-ecolos-lafarge-et-la-majorite-denoncent-une-operation-criminelle-20221212_ISKHFZD2ORCKDBXKQ4XHOU3FI4/
  22. https://www.thelocal.de/20230110/klimaterroristen-named-worst-german-word-of-2022
  23. https://www.exberliner.com/politics/eco-terrorism-green-army-faction-raf-ende-gelande-opinion/
  24. Myriam Benraad, Terrorisme : les affres de la vengeance. Aux sources liminaires de la violence, Paris, Le cavalier bleu, (lire en ligne), p. 199-204.
  25. https://arstechnica.com/gaming/2021/07/how-final-fantasy-vii-radicalized-a-generation-of-climate-warriors/
  26. Présentation sur Arte.
  27. Voir en ligne sur YouTube.

Annexes

Articles connexes

Liens externes


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