Animalisme
L'animalisme est un courant de l'Ă©thique qui s'appuie sur les avancĂ©es de l'Ă©thologie et qui dĂ©fend les droits des animaux. Ce courant soutient que les animaux non humains sont des ĂȘtres sensibles capables de souffrir, et par-lĂ mĂȘme dignes de considĂ©ration morale de la part des ĂȘtres humains.
L'animalisme conteste la confusion entre l'« agence » et la « patience » morales : ce n'est pas parce qu'un animal n'est pas agent moral, responsable de ses actes, qu'il n'a pas de droits, qu'il n'est pas patient moral et que les agents moraux sont dispensés de devoirs envers lui.
Histoire et fondements
L'animalisme peut ĂȘtre compris soit comme l'Ă©largissement des valeurs humanistes Ă toutes les autres espĂšces animales capables de ressentir de la souffrance, soit comme une intĂ©gration de l'humanisme dans une doctrine morale plus globale, contestant la centralisation de la morale sur l'ĂȘtre humain adulte (ce qui induit que les enfants, nourrissons, sont considĂ©rĂ©s de facto respectables uniquement parce que en croissance, hypothĂ©tiquement adultes responsables de leurs actes, et non en tant que tel).
MĂȘme si le terme est nouveau, l'optique que dĂ©fend l'animalisme est en rĂ©alitĂ© ancienne, prĂ©historique (pĂ©riode d'oĂč est issue le jaĂŻnisme), et redĂ©couverte aujourd'hui du fait de la dĂ©construction effective de la civilisation occidentale post-humaniste (ou post-chrĂ©tienne) confrontĂ©e Ă son histoire et Ă d'autres civilisations, cultures, religions, nĂ©es pourtant au sein de l'humanitĂ©.
Le juriste et philosophe amĂ©ricain Gary Francione distingue deux types : les animalistes qui veulent amĂ©liorer le bien-ĂȘtre des animaux (welfarists) et ceux qui veulent abolir toute exploitation des animaux (abolitionists)[1].
Ăvolutions juridiques
En France, depuis le , la commission des lois de lâAssemblĂ©e nationale a reconnu dĂ©finitivement aux animaux la qualitĂ© « dâĂȘtres vivants douĂ©s de sensibilitĂ© », alors quâauparavant le code civil les considĂ©rait comme « des biens meubles »[2]. Cette formule est cependant symbolique, car en droit civil, l'absence de statut de personne juridique implique un statut de « chose »[3]. Au QuĂ©bec, en vertu du cĂŽte civil, la Loi sur le bien-ĂȘtre et la sĂ©curitĂ© de l'animal (Loi BĂSA) reconnait depuis 2015 l'animal comme Ă©tant un ĂȘtre douĂ© de sensibilitĂ© ayant des impĂ©ratifs biologiques et a pour objet dâĂ©tablir des rĂšgles pour assurer la protection des animaux dans une optique visant Ă garantir leur bien-ĂȘtre et leur sĂ©curitĂ© tout au long de leur vie[4]. Plusieurs exceptions sont toutefois permises dans le cas dâactivitĂ©s dâagriculture, de mĂ©decine vĂ©tĂ©rinaire, dâenseignement ou de recherche scientifique[5].
Partis politiques animalistes
Représentation dans des parlements
Des partis prĂŽnant spĂ©cifiquement la dĂ©fense des droits des animaux existent dans plusieurs pays tels le Parti de protection des animaux en Allemagne, le Parti australien de la justice animale en Australie, le parti DierAnimal en Belgique, le Parti animaliste en France, le Parti animaliste contre la maltraitance animale en Espagne, le Parti pour les animaux aux Pays-Bas, le parti Personnes-Animaux-Nature (PAN) au Portugal, le Parti pour la protection des animaux du Canada ou le Parti du bien-ĂȘtre animal au Royaume-Uni[6] - [7] - [8]. Si le Parti de protection des animaux a Ă©tĂ© fondĂ© en 1993 en Allemagne, la plupart de ces partis ont Ă©tĂ© fondĂ©s au XXIe siĂšcle[6]. Aux Pays-Bas, le Parti pour les animaux obtient pour la premiĂšre fois un siĂšge au parlement national en 2006 et y est reprĂ©sentĂ© depuis lors[6]. Lors des Ă©lections europĂ©ennes de 2014, les partis allemand et nĂ©erlandais entrent au Parlement europĂ©en[6]. En 2015, le PAN fait son entrĂ©e au parlement portugais[6]. En 2019, le Parti australien de la justice animale entre au parlement de Nouvelle-Galles du Sud, tandis que le PAN passe de un Ă quatre siĂšges au parlement portugais[6]. Lors des Ă©lections europĂ©ennes qui se tiennent la mĂȘme annĂ©e, les partis allemand, nĂ©erlandais et portugais font Ă©lire chacun un dĂ©putĂ© au Parlement europĂ©en[6].
Programmes
Une Ă©tude publiĂ©e en 2020 analysant les programmes de sept partis animalistes en Allemagne, Australie, France, Espagne, aux Pays-Bas, au Portugal et au Royaume-Uni montre que la plupart d'entre eux ont un programme qui va au-delĂ de l'animalisme et intĂšgre aussi bien des considĂ©rations environnementales plus larges et des politiques Ă©conomiques ou sociales[6]. La compassion peut-ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme le concept-clĂ© de ces programmes animalistes, les notions de valeur intrinsĂšque, d'Ă©galitĂ© des droits et d'interdĂ©pendance jouant Ă©galement un rĂŽle important[6]. Ces partis ne souhaitent pas seulement amĂ©liorer le bien ĂȘtre animal, mais bien abolir toute exploitation des animaux, ce qui inclut une interdiction de la chasse, l'abolition Ă long terme de l'Ă©levage, la fin des expĂ©rimentations sur les animaux, l'interdiction des animaux dans les cirques et la transformation des zoos en rĂ©serves sans public, tandis que le bien-ĂȘtre des animaux de compagnie doit lui ĂȘtre mieux protĂ©gĂ©[6]. La quasi-totalitĂ© de ces partis demandent que des droits soient attribuĂ©s aux animaux et soulignent les interdĂ©pendances entre l'ensemble des ĂȘtres vivants[6]. La lutte pour les droits animaux est prĂ©sentĂ©e par plusieurs partis comme la suite de la lutte pour l'abolition de l'esclavage au XIXe siĂšcle et pour l'Ă©mancipation des femmes au XXe siĂšcle[6]. Dans le domaine environnemental, les sept partis Ă©tudiĂ©s s'engagent tous pour freiner le rĂ©chauffement climatique et la diminution de la biodiversitĂ©, en plus de partager une opposition Ă l'Ă©nergie nuclĂ©aire et une volontĂ© d'interdire le gĂ©nie gĂ©nĂ©tique[6]. Au niveau des politiques socio-Ă©conomiques, ces partis soulignent la nĂ©cessitĂ© de politiques en faveur des couches de la population les plus vulnĂ©rables et dĂ©fendent ainsi l'existence d'un Ătat-providence, sans ĂȘtre anticapitalistes[6].
Les partis animalistes se distinguent des partis Ă©cologistes par des demandes plus radicales dans le domaine des droits des animaux, les Ă©cologistes ne demandant par exemple pas une abolition de l'Ă©levage, mais simplement une limitation de la consommation de viande[6]. Les Ă©cologistes prennent pour point de dĂ©part les limites des Ă©cosystĂšmes, tandis que les animalistes se basent sur la compassion pour tous les ĂȘtres vivants[6]. Les animalistes et les Ă©cologistes constituent donc deux familles politiques distinctes, malgrĂ© l'attention que les deux portent Ă la durabilitĂ© et Ă l'Ă©cologie[9] - [6].
Références
- (en) Gary Francione, « Animal rights: an incremental approach », dans Robert Garner, Animal Rights. The Changing Debate, Basingstoke, Macmillan Press, (ISBN 978-0814730973)
- Benjamin Brame, « Les animaux sont des ĂȘtres vivants et douĂ©s de sensibilitĂ© », sur www.village-justice.com, .
- « LâEXISTENCE JURIDIQUE DE LA PERSONNE », sur editions-ellipses.fr
- « Loi sur le bien-ĂȘtre et la sĂ©curitĂ© de lâanimal », sur legisquebec.gouv.qc.ca,
- « Loi sur le bien-ĂȘtre et la sĂ©curitĂ© de lâanimal », sur legisquebec.gouv.qc.ca,
- (en) Paul Lucardie, « Animalism: a nascent ideology? Exploring the ideas of animal advocacy parties », Journal of Political Ideologies, vol. 25, no 2,â , p. 212â227 (ISSN 1356-9317 et 1469-9613, DOI 10.1080/13569317.2020.1756034, lire en ligne, consultĂ© le )
- Voir article de Catherine Vincent, « Le bien-ĂȘtre animal, au dĂ©triment des droits de lâhomme », Le Monde du 25 novembre 2016.
- « Partis politiques enregistrés et partis politiques admissibles pour enregistrement », sur elections.ca,
- (en) Constanza Adonis Villalon, The Animal Advocacy Parties: Part of the Green Party Family?, Bruxelles, Université libre de Bruxelles,
- Pierre Deshusses, « « La Vache », de Beat Sterchi, du prĂ© Ă lâabattoir », sur lemonde.fr, (consultĂ© le )
- Léon-Marc Lévy, « La Vache, Beat Sterchi (par Léon-Marc Levy) », sur lacauselitteraire.fr, (consulté le )
- Linda LĂȘ, « La fiertĂ© des foires », sur en-attendant-nadeau.fr, (consultĂ© le )
Voir aussi
Ouvrages
- Peter Singer, La Libération animale, Payot et Rivages, 2012
- Christian Delahaye, Des animaux et des dieux, essai de théologie animaliste, Golias et Empreinte Temps présent, 2022
Articles spécialisés
- « Le bien-ĂȘtre animal, au dĂ©triment des droits de lâhomme » par Catherine Vincent, Le Monde du .
- Louis-Gilles Francoeur, « De l'animalisme primaire », Le Devoir, .
- Jean-Baptiste JeangÚne Vilmer, « De l'anti-animalisme primaire », Le Devoir, .
Articles connexes
- Théories
- Partis politiques
- Parti animaliste (France)
- Parti animaliste contre la maltraitance animale (Espagne)
- Parti pour les animaux (Pays-Bas)
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :