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Peter Singer

Peter Albert David Singer dit Peter Singer, nĂ© le Ă  Melbourne, est un philosophe utilitariste australien. Il est titulaire de la chaire d'Ă©thique de l'universitĂ© de Princeton (États-Unis) et professeur Ă  l'universitĂ© Charles-Sturt (Melbourne) en Australie.

Peter Singer
Peter Singer professant Ă  Oxford.
Naissance
Nationalité
Formation
Université de Melbourne (baccalauréat universitaire et maßtrise Ús arts) (jusqu'en )
University College (licence de philosophie (en)) (jusqu'en )
Scotch College (en)
Preshil, The Margaret Lyttle Memorial School (en)
École/tradition
Principaux intĂ©rĂȘts
Idées remarquables
ƒuvres principales
Influencé par
Distinctions

Il a travaillĂ© deux fois dans la chaire de philosophie de l'universitĂ© Monash (Melbourne), oĂč il a crĂ©Ă© le centre de bioĂ©thique humaine. En 1996, il se prĂ©senta sans succĂšs en tant que candidat Vert pour le SĂ©nat australien. En 2004, il fut reconnu comme l'humaniste australien de l'annĂ©e par le Conseil des sociĂ©tĂ©s humanistes australiennes. En dehors du milieu universitaire, Singer est surtout connu pour son livre La LibĂ©ration animale, considĂ©rĂ© comme le livre fondateur des mouvements modernes de droits des animaux. Ses positions sur des questions de bioĂ©thique dĂ©veloppĂ©es dans Rethinking Life and Death : The Collapse of Our Traditional Ethics et Questions d'Ă©thique pratique ont Ă©galement suscitĂ© la controverse, notamment aux États-Unis et en Allemagne. Singer est partisan de l'altruisme efficace dont il dĂ©crit les principes dans The Life You Can Save (2009) et The Most Good You Can Do (2015 - paru en français sous le titre L'Altruisme efficace en 2018).

Vie et carriĂšre

Les parents de Singer, juifs viennois, Ă©chappĂšrent Ă  l'annexion de l'Autriche et prirent la fuite en Australie en 1938. Ses grands-parents paternels furent dĂ©portĂ©s Ă  ƁódĆș et il n’y eut plus aucune nouvelle d'eux. Son grand-pĂšre maternel mourut dans le camp de concentration de Theresienstadt.

Son pÚre importait du thé et du café, tandis que sa mÚre exerçait la médecine.

Peter Singer Ă©tudie au Scotch College de Melbourne, puis se dirige vers des Ă©tudes de droit, d'histoire et de philosophie Ă  l'universitĂ© de Melbourne oĂč il obtient un BaccalaurĂ©at Ăšs lettres en 1967, et un Master of Arts pour son mĂ©moire intitulĂ© « Why should I be moral? » (« Pourquoi devrais-je ĂȘtre moral ? ») en 1969. Il reçoit alors une bourse d'Ă©tudes pour l'universitĂ© d'Oxford ; son travail sur la dĂ©sobĂ©issance civile, supervisĂ© par R.M. Hare, est sanctionnĂ© par un Bachelor of Philosophy en 1971, et publiĂ© en livre en 1973 sous le titre Democracy and Disobedience.

Singer se dit lui-mĂȘme vĂ©gĂ©tarien, dans une interview donnĂ©e en 2006 au magazine amĂ©ricain Mother Jones :

« Je ne mange pas de viande. Je suis végétarien depuis 1971[1]. »

La Libération animale

Son livre La Libération animale de 1975[2] a influencé les mouvements modernes de protection des animaux. Dans son ouvrage, il argumente contre le spécisme : la discrimination arbitraire entre les espÚces animales sur la seule base de leur appartenance d'espÚce[3].

Le spĂ©cisme est en gĂ©nĂ©ral en faveur des membres de l'espĂšce humaine et en dĂ©faveur des animaux non-humains. La thĂšse de Singer est que l'appartenance Ă  une espĂšce particuliĂšre n'est pas une propriĂ©tĂ© moralement pertinente. Singer propose que la sensibilitĂ© soit le critĂšre pertinent d'appartenance Ă  la communautĂ© morale : tous les ĂȘtres sensibles doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme moralement Ă©gaux, en ce sens que leurs intĂ©rĂȘts doivent ĂȘtre pris en compte de maniĂšre Ă©gale.

Il conclut en particulier que le fait d'utiliser des animaux pour se nourrir est injustifié car cela entraßne une souffrance disproportionnée par rapport aux bienfaits que les humains tirent de cette consommation ; et qu'il est donc moralement obligatoire de s'abstenir de manger la chair des animaux (végétarisme), voire de consommer tous les produits issus de leur exploitation (véganisme).

Cela ne l'empĂȘche pas d'apporter son soutien Ă  la firme McDonalds dans sa quĂȘte du bien-ĂȘtre animal — aprĂšs avoir longtemps dĂ©fendu le vĂ©gĂ©tarisme contre cette entreprise. Selon lui, puisqu'il est impossible de faire disparaĂźtre les systĂšmes industriels du jour au lendemain, d’une part du fait de leur puissance mais aussi de leurs capacitĂ©s Ă  nourrir le monde et Ă  fournir les hamburgers que les gens sont supposĂ©s vouloir manger et sont en mesure d’acheter, le mieux pour tout le monde est que ces systĂšmes soient moins mauvais. Agrandir les cages est donc considĂ©rĂ© par Peter Singer comme une avancĂ©e[4].

Positions d'Ă©thique

Altruisme efficace et extrĂȘme pauvretĂ©

Singer préconise l'altruisme efficace. Il considÚre que les habitants des pays développés ont le devoir d'utiliser une part de leur richesse pour réduire les souffrances des personnes vivant dans la pauvreté absolue, et que de plus ils devraient donner cette richesse de la maniÚre la plus efficace possible, c'est-à-dire celle qui réduirait le plus de souffrance. Comme il le note dans son essai Famine, Affluence, and Morality (non traduit en français mais que l'on pourrait traduire ainsi: Famine, richesse et moralité (1972),

« s’il est en notre pouvoir d’éviter que des choses mauvaises arrivent, sans pour cela sacrifier quoi que ce soit d’importance morale comparable, nous devons, moralement, le faire. [
] si je marche Ă  cĂŽtĂ© d’un Ă©tang peu profond et que je vois un enfant qui s’y noie, je dois entrer dans l’eau et en sortir l’enfant. Cela voudra dire salir mes vĂȘtements, mais c’est insignifiant[5]. »

Ainsi, dit Singer, si l'on accepte de salir ses vĂȘtements pour sauver l'enfant de la noyade, l'on devrait aussi accepter de donner de l'argent pour rĂ©duire les souffrances des personnes vivant dans la pauvretĂ© au lieu d'acheter des habits ou d'autres biens non essentiels. Il poursuit :

« La frontiĂšre traditionnelle entre devoir et charitĂ© ne peut pas ĂȘtre tracĂ©e [
] Ă  la place oĂč nous la traçons habituellement. Donner de l’argent [Ă  des organisations caritatives] est considĂ©rĂ© comme un acte de charitĂ© dans notre sociĂ©tĂ©. [
] Les gens ne se sentent honteux ou coupables d’aucune maniĂšre dans le fait de dĂ©penser de l’argent pour de nouveaux vĂȘtements ou une nouvelle voiture au lieu de le donner pour le secours Ă  la famine. Cette façon de considĂ©rer le sujet ne peut pas ĂȘtre justifiĂ©e. Quand nous achetons de nouveaux vĂȘtements, pas pour avoir chaud mais pour ĂȘtre “bien habillĂ©â€, nous ne satisfaisons aucun besoin important. Nous ne sacrifierions rien de significatif si nous continuions Ă  porter nos anciens vĂȘtements, et donnions l’argent au fond de secours pour la famine. En faisant cela, nous empĂȘcherions que quelqu’un meure de faim. »

Avortement

Peter Singer se prononce pour le droit Ă  l'avortement, en utilisant cependant une approche qui le distingue de l'argumentation classique : en cohĂ©rence avec sa thĂ©orie Ă©thique, il propose que le droit d'un ĂȘtre Ă  la vie est fondamentalement liĂ© Ă  la capacitĂ© qu'il a Ă  manifester des prĂ©fĂ©rences, elles-mĂȘmes liĂ©es Ă  la possibilitĂ© de ressentir du plaisir ou de la douleur[6].

Pour se faire comprendre, Singer Ă©nonce d'abord le syllogisme suivant qui peut, selon lui, traduire l'argument central des opposants au droit Ă  l'avortement :

« Il est mal de tuer un ĂȘtre humain innocent.
Un fƓtus humain est un ĂȘtre humain innocent.
En consĂ©quence, il est mal de tuer un fƓtus humain[7]. »

Il observe dans ses ouvrages Rethinking Life and Death (Repenser la vie et la mort) et Practical Ethics (Questions d'Ă©thique pratique) que si l'on accepte sans discuter les prĂ©misses, l'argument est valide par dĂ©duction. Les dĂ©fenseurs du droit Ă  l'avortement dont parle Singer remettent traditionnellement en cause la deuxiĂšme prĂ©misse : le fƓtus ne serait pas humain ou vivant avant la naissance. Singer oppose que le dĂ©veloppement est un processus progressif, dont il n'est pas possible d'extraire un instant particulier Ă  partir duquel la vie humaine commencerait.

Peter Singer au MIT.

L'argument de Singer en faveur du droit à l'avortement est en ce sens original : plutÎt que de s'attaquer à la deuxiÚme prémisse, il interroge la premiÚre, niant qu'il est nécessairement mal d'interrompre la vie d'un humain innocent[8] :

« [The argument that a fetus is not alive] is a resort to a convenient fiction that turns an evidently living being into one that legally is not alive. Instead of accepting such fictions, we should recognise that the fact that a being is human, and alive, does not in itself tell us whether it is wrong to take that being's life »

« [L'argument selon lequel le fƓtus ne serait pas vivant] recourt Ă  une fiction commode qui fait d'un ĂȘtre Ă  l'Ă©vidence vivant un ĂȘtre lĂ©galement non vivant. Au lieu d'accepter une telle fiction, nous devrions reconnaĂźtre que le caractĂšre humain, et vivant, d'un ĂȘtre ne nous dit pas en soi s'il est mal ou non de prendre sa vie. »

Singer soutient que la dĂ©fense ou l'opposition au droit Ă  l'avortement devraient reposer sur un calcul utilitariste qui pondĂšre les prĂ©fĂ©rences de la femme et celles du fƓtus, la prĂ©fĂ©rence Ă©tant tout ce qui est de nature Ă  ĂȘtre recherchĂ© ou Ă©vitĂ© ; Ă  tout bĂ©nĂ©fice ou dommage causĂ© Ă  un ĂȘtre correspond directement la satisfaction ou la frustration d'une ou plusieurs de ses prĂ©fĂ©rences.

La capacitĂ© Ă  ressentir de la douleur ou de la satisfaction Ă©tant un prĂ©requis pour avoir une prĂ©fĂ©rence de quelque nature que ce soit, et un fƓtus ĂągĂ© de 18 semaines ou moins n'ayant selon Singer pas la capacitĂ© de ressentir de la douleur ou de la satisfaction, il n'est pas possible pour un tel fƓtus de manifester la moindre prĂ©fĂ©rence. Dans ce calcul utilitariste, rien ne vient donc peser contre la prĂ©fĂ©rence d'une femme Ă  avoir un avortement. En consĂ©quence, l'avortement est moralement permis.

Infanticide

À propos de l'infanticide, Singer considĂšre que les nouveau-nĂ©s ne possĂšdent pas encore les caractĂ©ristiques essentielles qui font une personne : la rationalitĂ©, l'autonomie et la conscience de soi[9]. Le meurtre d'un nouveau-nĂ© n'est donc pas Ă©quivalent Ă  celui d'une personne, c'est-Ă -dire Ă  celui d'un ĂȘtre qui veut continuer Ă  vivre[10].

En 1989 et 1990, un cours donnĂ© Ă  l'UniversitĂ© de Duisbourg et Essen par le professeur Hartmut Kliemt fut annulĂ© Ă  la suite de manifestations contre l'inclusion de questions d'Ă©thique pratique dans le matĂ©riel du cours. Les manifestants condamnaient le point de vue de Singer sur le fait que l'euthanasie de nourrissons souffrant des formes les plus graves de spina bifida devrait ĂȘtre lĂ©galement autorisĂ©e si les parents le dĂ©sirent[11].

Euthanasie

Singer distingue l'euthanasie volontaire, qui se fait avec le consentement du sujet, de l'euthanasie involontaire ou non volontaire. « Soucieux de promouvoir sa conception d’un utilitarisme vouĂ© Ă  la maximisation des prĂ©fĂ©rences, il a dĂ©fendu la nĂ©cessitĂ© de l’euthanasie non volontaire de nouveau-nĂ©s, enfants et personnes handicapĂ©es ou malades dans les cas oĂč la somme des souffrances pour la personne et ses proches excĂ©derait celle des plaisirs[12] ».

Dans Rethinking Life and Death, il approfondit les dilemmes créés par les avancées de la médecine. Il traite notamment de la valeur de la vie humaine et de l'éthique de la qualité de vie.

Singer a vĂ©cu personnellement la complexitĂ© de certaines de ces questions. À propos de sa mĂšre, touchĂ©e par la maladie d'Alzheimer, il expliquait partager avec sa sƓur la responsabilitĂ© des dĂ©cisions Ă  prendre, mais que s'il Ă©tait seul arbitre, sa mĂšre ne continuerait peut-ĂȘtre pas Ă  vivre[13].

Personnisme

Singer ne croit pas à la notion d'humanisme. Il lui préfÚre l'utilitarisme des préférences qu'il appelle personnisme[14].

Prix

Publications traduites en français

Textes de Peter Singer

Références

  1. (en) Mother Jones, 3 mai 2006 : « I don't eat meat. I've been a vegetarian since 1971. » [lire en ligne]
  2. 2e édition en 1990 ; traduction française, Grasset, 1993 ; nouv. éd. Petite BibliothÚque Payot, 2012.
  3. Dardenne, É., Giroux, V., & Utria, E. (Eds.). (2017). Peter Singer et la libĂ©ration animale: quarante ans plus tard. Presses universitaires de Rennes.
  4. Voir Jocelyne Porcher, DĂ©fendre l’élevage, un choix politique », 2012.
  5. « “Famine, richesse et moralitĂ©â€ traduit par Fanny Verax », sur utilitarianism.com (consultĂ© le ).
  6. Voir sur ce sujet : Questions d'Ă©thique pratique (Practical Ethics), ouvrage de Peter Singer paru en 1979.
  7. « Abortion » sur utilitarian.net, 1995.
  8. Rethinking Life and Death, p. 105.
  9. « Taking Life: Humans », dans Practical Ethics, 2e édition, 1993.
  10. Singer, Peter. Peter Singer FAQ, Princeton University. Lien vérifié le 8 mars 2009.
  11. https://www.nybooks.com/articles/1991/08/15/on-being-silenced-in-germany/
  12. Fabien CarriĂ©, « Histoire sociale de la « vĂ©gĂ©phobie » dans le mouvement animaliste français », Biens symboliques, no 2,‎ (lire en ligne)
  13. « The Pursuit of Happiness », entretien avec Ronald Bailey dans le magazine Reason, décembre 2000.
  14. Pablo Stafforini, « Utilitarian.net », Utilitarian.net (consulté le )
  15. (en-US) Jennifer Schuessler, « Peter Singer Wins $1 Million Berggruen Prize », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consultĂ© le )
  16. Sur tahin-party.org.

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes


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