AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

ZAD de Notre-Dame-des-Landes

La ZAD de Notre-Dame-des-Landes (oĂč ZAD signifie « zone Ă  dĂ©fendre ») est une expĂ©rimentation sociale montĂ©e dans les annĂ©es 2010 par les opposants au projet d'aĂ©roport du Grand Ouest, Ă  Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique, en France. Ses occupants souhaitent dĂ©fendre une zone humide prĂ©servĂ©e, Ă  l'origine de plusieurs riviĂšres : bassins versants du Gesvres, du Hocmard et de l'Isac. Ils s'opposent au projet d'aĂ©roport considĂ©rĂ© comme un « grand projet inutile et imposĂ© ». L'expression Zone Ă  DĂ©fendre est un dĂ©tournement du terme Zone d'amĂ©nagement diffĂ©rĂ© (ZAD) utilisĂ© par l'administration.

ZAD de Notre-Dame-des-Landes
Carte de la ZAD.
Construction de cabanes en bois sur la ZAD le 17 novembre 2012.
Histoire
Fondation
Cadre
Type
Mouvement
Pays
Coordonnées
47° 20â€Č 57″ N, 1° 41â€Č 55″ O
Organisation
Idéologie
Localisation sur la carte de la Loire-Atlantique
voir sur la carte de la Loire-Atlantique
Localisation sur la carte de France
voir sur la carte de France

Si l'opposition à ce projet d'aménagement du territoire se manifeste dÚs les années 1970, c'est avec la relance du projet dans les années 2000 que se structure la lutte contre l'aéroport. La ZAD naßt lorsque les habitants locaux sont rejoints à partir de 2009 par des militants suite à un appel international lancé pour occuper les lieux.

En octobre 2012, l'opération César est menée par les forces de l'ordre pour expulser la ZAD. Pendant plusieurs mois, les occupants, rejoints par de nombreux militants, s'opposent à la police et à l'armée, des bùtiments sont successivement détruits et reconstruits et d'importantes manifestations ont lieu. Finalement, en avril 2013, policiers et militaires quittent les lieux.

La ZAD devient une zone d'expérimentation anti-capitaliste et anti-autoritaire, une nouvelle façon d'habiter le territoire et de faire société. Une pluralité d'activités sont mises en place, notamment d'agriculture vivriÚre.

En janvier 2018, le gouvernement Édouard Philippe abandonne le projet d'aĂ©roport et propose une rĂ©gularisation des habitants Ă  travers la signature de baux ruraux. Quelques mois plus tard, les forces de l'ordre procĂšdent Ă  l'Ă©vacuation des habitants de la ZAD qui ont refusĂ© la rĂ©gularisation.

GĂ©ographie

Localisation

La ZAD de Notre-Dame-des-Landes est un territoire de 1 650 hectares situĂ©e en Loire-Atlantique, dans l'Ouest de la France. Elle se trouve Ă  25 kilomĂštres au nord de Nantes, entre les communes de Grandchamp-des-Fontaines, HĂ©ric, TreilliĂšres, Vigneux-de-Bretagne et Notre-Dame-des-Landes[A 1]. La zone est composĂ©e de bocages humides et est utilisĂ©e essentiellement pour le pĂąturage[A 1]. Plusieurs fermes et bĂątiments s'y trouvent, ainsi que de nombreux habitats lĂ©gers.

Axes de circulation

Une des chicanes sur la D281, le 17 novembre 2012.

La ZAD est traversĂ©e par trois routes du nord au sud : la D81 (qui relie Ă  Vigneux de Bretagne), la D281 (qui relie Fay-de-Bretagne Ă  La Paquelais), surnommĂ©e la « la route des chicanes »[1] et la D42, qui relie le bourg de Notre-Dame-des-Landes Ă  La Paquelais. Le carrefour de la Saulce, croisement de la D81 avec une route qui traverse la ZAD d'est en ouest, est un lieu important de la zone, oĂč se sont dĂ©roulĂ©s d'importantes manifestations et combats entre zadistes et forces de l'ordre[A 2].

Durant les pĂ©riodes de forte prĂ©sence policiĂšres (2012-2013 et 2018), certains axes font l'objet de barrages de police oĂč les contrĂŽles sont frĂ©quents[A 3]. D'autres routes comme la D281 sont marquĂ©es par des chicanes, pour ralentir la circulation des vĂ©hicules ; en cas d'intervention de la gendarmerie, elles peuvent ĂȘtre rapidement transformĂ©es en barricades[A 3]. Le reste du temps, « les dĂ©placements et les mouvements sont faciles »[A 3], tant Ă  pied qu'Ă  vĂ©lo.

Histoire

Contexte

La ZAD de Notre-Dames-des-Landes est créée dans le cadre d'une lutte populaire contre le Projet d'aéroport du Grand Ouest[A 4].

En 1970, le projet de construction d'un aĂ©roport au nord de Nantes est annoncĂ© dans la presse aux habitants de Notre-Dame-des-Landes[A 1]. L'objectif poursuivi est de moderniser la rĂ©gion, favoriser la dĂ©concentration industrielle et l'intĂ©gration Ă©conomique de la France dans le marchĂ© europĂ©en[A 1]. L'État français lance un programme de modernisation agricole, qui passe par la mĂ©canisation, le remembrement, le passage Ă  la monoculture et l'utilisation d'intrants chimiques. Un certain nombre de paysans s'opposent Ă  ces changements, qui entraĂźnent endettement et inĂ©galitĂ©s parmi les agriculteurs (dans les annĂ©es 1970, ces luttes paysannes en France s'illustrent notamment au Larzac)[A 5].

Une zone de 1 650 hectares est dĂ©signĂ©e comme « zone d'amĂ©nagement diffĂ©rĂ© » en 1974 pour la construction du futur aĂ©roport. Il s'agit d'une zone oĂč l’État peut prĂ©empter les terres et les bĂątiments Ă  un prix qu'il fixe lui-mĂȘme, souvent bien infĂ©rieur aux prix du marchĂ©. L'Association de DĂ©fense des Exploitants ConcernĂ©s par l’AĂ©roport (ADECA) est lancĂ©e en 1972 pour organiser l'opposition au projet. NĂ©anmoins, dans le contexte des premier et deuxiĂšme chocs pĂ©troliers, le projet n'est pas poursuivi[A 6].

Fresque humaine contre l'aéroport en juin 2006.

Le projet d'aéroport est relancé en 2000 par Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes et député de Loire-Atlantique, avec le soutien du premier ministre Lionel Jospin[A 6]. Les opposants se fédÚrent autour de l'Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA), qui regroupe une cinquantaine d'associations, syndicats et collectifs. Des manifestations, recours juridiques et actions de blocage se multiplient. Une déclaration d'utilité publique est signée en 2008 par le premier ministre François Fillon, ouvrant la voie à la répression contre les opposants et les premiers forages exploratoires débutent[A 6].

Création de la ZAD (2009)

Barricade avec le slogan « contre l'aéroport et son monde » le 21 novembre 2012.

Un appel Ă  occuper les terres est lancĂ© par le collectif « Les habitant·es qui rĂ©sistent »[A 7] lors d'un camp action climat et une Semaine des RĂ©sistances en aoĂ»t 2009. Une vingtaine de maisons sont occupĂ©es[A 8]. L'objectif est Ă  la fois d'empĂȘcher les travaux et crĂ©er une « grande zone d'autonomie »[A 8], fondĂ©e sur une « logique anti-capitaliste et anti-autoritaire »[A 7]. Deux ans plus tard, en 2011, l'ACIPA et la confĂ©dĂ©ration paysanne rejoignent le mouvement et dĂ©frichent un hectare et demi de terres qui sont de nouveau cultivĂ©es. Un camp No-G s'installe sur les lieux, contribuant Ă  ancrer la ZAD dans les luttes altermondialistes internationales[A 8].

Opération César (octobre 2012 - avril 2013)

Construction de cabanes sur la ZAD le 17 novembre 2012, lors de l'opération de réoccupation des lieux.
Chaßne humaine le 13 mai 2013 autour de la ZAD, contre le projet d'aéroport.

Le 13 janvier 2012, l’État dĂ©clare l'expulsion des terrains occupĂ©s illĂ©galement. La prĂ©fecture de police de Loire-Atlantique, soutenue par le gouvernement de François Hollande, lance le 16 octobre 2012 l'opĂ©ration CĂ©sar afin de chasser les occupants[A 4]. Elle mobilise 1 500 personnes parmi les forces de l'ordre[2]. Les cabanes et la plupart des fermes squattĂ©es sont dĂ©truites. Un mois plus tard, le 17 novembre, une grande manifestation de rĂ©occupation des lieux rassemble 40 000 personnes[A 9]. La chat-teigne, un espace d'accueil et de rĂ©union, est Ă©rigĂ© dans la forĂȘt de Rohanne et protĂ©gĂ© de la police par une quarantaine de tracteurs. D'importants combats ont lieu entre les occupants, dĂ©sormais dĂ©nommĂ©s zadistes, et les policiers et militaires[A 9]. De nombreux militants convergent sur les lieux et de plus en plus de personnes s'installent sur la ZAD. DĂ©but janvier 2013, le festival FestiZAD rĂ©unit 20 000 participants[A 9]. Des cabanes sont reconstruites, des fermes rĂ©occupĂ©es. Le 13 avril, le mouvement SĂšme ta ZAD est lancĂ© Ă  travers une action de remise en culture de plusieurs terrains. Cela occasionne de nouveaux affrontements avec les forces de l'ordre. Le 19 avril 2013, la police et l'armĂ©e se retirent des lieux : le siĂšge de la ZAD prend fin[A 10].

Un an aprÚs cette opération, les Zadistes commémorent leur premiÚre victoire[3].

Parabellum à la ZAD, dans un concert de soutien en août 2013.

AprÚs l'évacuation manquée de cette ZAD à l'automne 2012, des ZAD se sont multipliées en France[4].

De l'abandon du projet Ă  l'expulsion de la ZAD

Cabane de la Boßte Noire à l'Est de la ZAD, détruite en avril 2018.

Le 17 , sous la prĂ©sidence d'Emmanuel Macron, le premier ministre Édouard Philippe annonce l'abandon officiel du projet d'aĂ©roport[1]. L'État souhaite le dĂ©part des zadistes, tandis que de nombreux habitants souhaitent rester sur les lieux qu'ils occupent et sur lesquels ils ont dĂ©veloppĂ© des activitĂ©s, notamment agricoles. L'État lance une procĂ©dure de rĂ©gularisation, aux conditions « restrictives »[A 11] ; cette dĂ©marche est loin de faire l'unanimitĂ© parmi les habitants, entre ceux qui acceptent d'y participer et ceux qui refusent toute nĂ©gociation avec l'administration[1].

Deux mois et demi plus tard, le gouvernement ordonne l'expulsion des habitants et la destruction des constructions qui n'ont pas Ă©tĂ© rĂ©gularisĂ©s. L'opĂ©ration commence le [1], dĂšs 3 heures du matin. Toutes les cabanes de l'Est de la zone sont dĂ©truites dans cette temporalitĂ©. AprĂšs quatre jours d'affrontements, l'opĂ©ration s'interrompt[1]. Une deuxiĂšme opĂ©ration d'Ă©vacuation a lieu Ă  partir du jeudi [5]. 1 800 hommes, des dizaines de fourgons et quatre vĂ©hicules blindĂ©s sont rassemblĂ©s pour cette opĂ©ration[6]. En avril, 11 000 grenades sont lancĂ©es dont 8 000 grenades lacrymogĂšnes et 3 000 grenades assourdissantes, dont un lot datant de 2005 et donc pĂ©rimĂ© depuis 2015[7].

Le 14 mai 2018, le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert annonce que quinze des 29 projets agricoles déposés par les zadistes de Notre-Dame-des-Landes sont éligibles à la signature de conventions d'occupation précaire[8].

Violences policiĂšres lors de l'Ă©vacuation

Le , lors de l'Ă©vacuation par la gendarmerie de la ZAD, les gendarmes dĂ©versent une quantitĂ© record de grenades sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, un homme a la main arrachĂ©e par une grenade GLI-F4[9] qu'il a ramassĂ© pour la rejeter sur les gendarmes[10]. Cet homme a Ă©tĂ© Ă©vacuĂ© par les gendarmes. Une procĂ©dure est lancĂ©e le , au tribunal administratif de Nantes, de cinq blessĂ©s de « requĂȘtes en rĂ©fĂ©rĂ©s expertises », afin de dĂ©montrer la responsabilitĂ© de ces grenades de blessures ayant provoquĂ© fractures, brĂ»lures au 3e degrĂ© ayant nĂ©cessitĂ© une greffe de peau, des Ă©clats de grenade dĂ©finitivement sous la peau, Ă  2 journalistes et 3 habitants de la ZAD (maraĂźcher, cuisinier et Ă©tudiant). Le but est de prouver la liaison devant un tribunal administratif pour ensuite faire reconnaĂźtre la responsabilitĂ© de l'État, via le ministre de l'intĂ©rieur et le prĂ©fet pour cette pratique[11]. 106 gendarmes ont Ă©tĂ© blessĂ©s lors de l'opĂ©ration selon la gendarmerie[12].

RĂ©gularisation

Le conseil départemental de la Loire-Atlantique, propriétaire d'une grande partie des terres, finit par accorder des baux de fermages de neuf ans renouvelables à différents habitants de la ZAD afin de régulariser leur situation. Deux cents personnes résident sur la zone, dans multiples lieux de vie, vivant notamment de l'agriculture vivriÚre et paysanne[1].

L'expulsion en avril 2018 a eu un impact important sur la zone et ses habitants, menant à « une recomposition démographique, sociologique et géographique » de la ZAD[A 11].

Le 29 fĂ©vrier 2020, un hangar est en partie brĂ»lĂ© par le feu sur l'ex-zad[13]. Par la suite une coordination d'organisations soutenant les projets sur la ZAD publie un communiquĂ© expliquant que « cet acte a lieu dans un contexte de conflits d’usage difficiles »[14].

Université des Tritons

En janvier 2021, 3 ans aprĂšs l’abandon du projet de deuxiĂšme aĂ©roport de Nantes, 500 ouvriers ont construit avec du bois durable l'UniversitĂ© des Tritons, une universitĂ© consacrĂ©e Ă  la sauvegarde du vivant (faune et flore), Ă  l’apprentissage des liens avec les vĂ©gĂ©taux et les animaux puis Ă  la sauvegarde du patrimoine naturel[15].

Activités sur la ZAD

BibliothÚque du Taslu (août 2018).

Différentes activités agricoles ont été développées sur la ZAD. Des bùtiments sont créés avec des techniques d'autoconstruction.

En 2014, 200 personnes ont organisĂ© leur lieu de vie sur 1 600 hectares, et une soixantaine de sites, vieilles fermes rĂ©amĂ©nagĂ©es, des maisons squattĂ©es, et des cabanes sont construites, en bois ou torchis. Des activitĂ©s sont dĂ©veloppĂ©es ; caravane internet, boulangerie, une vingtaine de projets agricoles, parmi lesquels l'Ă©levage de vaches laitiĂšres, de l’apiculture, du maraĂźchage, et la culture de plantes mĂ©dicinales, ainsi qu'un verger. Les zadistes visent l'autosuffisance alimentaire et fabriquent Ă©galement du beurre et du fromage[A 12].

Les zadistes rejettent la loi de l'offre et de la demande et donc les rapports marchands en vendant à prix libre ou gratuitement par exemple du pain, des fruits ou encore des légumes[A 13] - [16]. Des boucs sont utilisés pour débroussailler les fossés et les haies[17]. Les zadistes échangent également avec les paysans des environs. Le journal « ZAD News » était pendant longtemps distribué le lundi aprÚs-midi par une équipe de facteurs, des projections, débats et concerts sont réguliÚrement organisés.

Au niveau social, un groupe accueille les personnes en souffrance psychologique ou rencontrant des problÚmes avec les drogues[17]. Dans le cadre de la convergence des luttes, des migrants africains sont également accueillis, des cours de français et de l'aide pour remplir les demandes d'asile sont fournies en relation avec No Border de Calais.

Elle est composée de douze habitants, tirés au sort pour un mois et renouvelés de moitié tous les quinze jours[18]. La Smala accueille des enfants vivant sur zone ou dans les bourgs alentour depuis 2016[19].

La sociologue GeneviĂšve Pruvost dĂ©crit ces zadistes comme ayant crĂ©Ă© des fermes en autogestion et une agriculture alternative, l’expĂ©rimentation de la vie en « habitat lĂ©ger », opposĂ©e au bĂ©tonnage mais utilisant au contraire des matĂ©riaux de rĂ©cupĂ©ration ou biosourcĂ©s afin de rĂ©duire l'empreinte humaine. Une expĂ©rience Ă©galement de vie libertaire et anticapitaliste, le rejet d’un chef potentiel, renvoyant Ă  une contestation du progrĂšs industriel et des sociĂ©tĂ©s pyramidales, comme le furent autrefois les anarchistes, puis les nĂ©oruraux des communautĂ©s des annĂ©es 1970. On y trouve la cohabitation politique de groupes d'agriculteurs et d'artisans travaillant en interdĂ©pendance[20]. Parmi les pratiques, de la ZAD elle note l’autoproduction, la limite des dĂ©penses et d'adopter et un fonctionnement coopĂ©ratif[21].

La lutte contre l'aĂ©roport a Ă©tĂ© l'occasion pour une cinquantaine de naturalistes (appelĂ©s « Les Naturalistes en Lutte ») de rĂ©pertorier faune et flore de la zone, afin de la dĂ©fendre avec des arguments de protection de la biodiversitĂ©. Des espĂšces protĂ©gĂ©es jusqu'alors non rĂ©pertoriĂ©es ont ainsi Ă©tĂ© dĂ©couvertes dans la rĂ©gion. comme la musaraigne d'eau et le triton de Blasius (hybride du triton crĂȘtĂ© et du triton marbrĂ©), et dans le rĂšgne vĂ©gĂ©tal, Pulicaria vulgaris, Exaculum pusillum (inscrite dans la liste rouge de l'UICN des espĂšces quasi-menacĂ©es[22]) et des plantes du genre Sibthorpia[23]. Ce recensement participatif a permis de noter 1 500 espĂšces vivantes sur ce territoire[17].

Organisation

Refus d'une autorité politique

La ZAD est fondĂ©e sur une logique « anti-capitaliste et anti-autoritaire »[A 7]. Les occupants cherchent Ă  s'Ă©manciper des diffĂ©rentes dominations (Ă©conomiques et politiques) et refusent toute forme de reprĂ©sentation politique, afin d'Ă©viter l'Ă©mergence d'une autoritĂ© politique qui pourrait imposer sa volontĂ©[A 7]. Par consĂ©quent, il n'y a pas d'organe de gouvernance collective. La sociologue Margot Verdier estime ainsi que « l’organisation du mouvement d’occupation de la zad s’apparente Ă  une collection d’individus qui se coordonnent Ă  travers des « fragments » de structures collectives »[A 7].

Justice

De mĂȘme, il n'y a pas d'organe centralisĂ© de gestion des conflits. La plupart des diffĂ©rends mineurs se rĂšglent de maniĂšre privĂ©e entre les individus ou groupes concernĂ©s[A 7]. Toutefois, certains conflits plus importants et ancrĂ©s dans la durĂ©e (violences sexistes, distribution de fermes vacantes...) n'ont pas pu ĂȘtre rĂ©solus par une simple conciliation. En consĂ©quence, les habitants de la ZAD mettent en place en 2016 le cycle des douze, un outil inspirĂ© des pratiques juridiques des Zapatistes au Chiapas[A 7]. Cette instance est composĂ©e de douze habitants, tirĂ©s au sort pour un mois et renouvelĂ©s en partie tous les quinze jours parmi des volontaires. Le cycle des douze ne peut pas s'auto-saisir, mais il peut ĂȘtre sollicitĂ© en cas de conflit. Il suggĂšre des rĂ©parations ou peut interdire Ă  un agresseur d'approcher sa victime[A 7]. Dans le cas de « violences graves » identifiĂ©es par les occupants de la ZAD, la conciliation privĂ©e ne suffit pas. C'est le cas des actes qui peuvent mettent en danger l'ensemble des habitants de la ZAD (comme l'agression physique, ou le vol rĂ©pĂ©tĂ© chez un habitant d'un village proche, qui risquait de dĂ©grader les relations avec le voisinage). Dans ces cas-lĂ , « un processus de mise Ă  l’épreuve » de la personne accusĂ©e est lancĂ© : Ă  travers des rĂ©unions, des tĂ©moignages et preuves sont recueillis, les faits sont reconstituĂ©s et une dĂ©cision est prise, qui est ensuite signifiĂ©e Ă  la personne. Cette derniĂšre doit regagner la confiance du groupe, dans une logique de rĂ©habilitation plutĂŽt que de punition[A 7]. Dans les cas les plus graves (comme les violences sexuelles), le bannissement de la personne peut ĂȘtre prononcĂ©[A 7]. Cela est considĂ©rĂ© comme un Ă©chec des processus de conciliation, et son efficacitĂ© est limitĂ©e pour Ă©viter une rĂ©cidive dans un autre endroit. Une des solutions mises en place est la circulation de listes d'agresseurs sexuels rĂ©cidivistes parmi les diffĂ©rents lieux de lutte[A 7]. Ce systĂšme de justice communautaire prend fin en 2018 aprĂšs l'expulsion d'une partie des occupants de la ZAD[A 7].

Controverse autour de la notion de victoire

Le dialogue d'une partie des opposants avec la préfecture de Nantes[24] et la normalisation de la ZAD est sujette à controverse au sein du mouvement de lutte historique. Une partie des opposants dénonce une « stratégie administrative et son lot de fiches qui ne porte aucun message politique émancipateur »[25]. Dans un reportage de France 24 présentant les deux parties[26], un occupant s'indigne : « les gens qui sont dans la logique de légalisation font le travail de la préfecture et de la police, c'est-à-dire qu'ils leur demandent de partir et de leur laisser les lieux pour qu'ils puissent en faire ce qu'ils veulent ». De l'autre cÎté, les partisans de la signature des conventions d'occupation précaire ne se considÚrent plus comme des « zadistes », mais comme des nouveaux habitants de Notre-Dame-des-Landes[27].

Notes et références

Sources universitaires

  1. Verdier 2016, p. 7
  2. Verdier 2016, p. 19
  3. Julien Gaillard et Delphine Saurier, « En quĂȘte d’hĂ©tĂ©rotopie. La zad de Notre-Dame-des-Landes et la prison », Études de communication, no 59,‎ , p. 219–243 (ISSN 1270-6841 et 2101-0366, DOI 10.4000/edc.15458, lire en ligne, consultĂ© le )
  4. FrĂ©dĂ©ric Barbe, « La « zone Ă  dĂ©fendre » de Notre-Dame-des-Landes ou l’habiter comme politique », Norois, nos 238-239,‎ , p. 109–130 (ISSN 0029-182X et 1760-8546, DOI 10.4000/norois.5898, lire en ligne, consultĂ© le )
  5. Verdier 2016, p. 8-9
  6. Verdier 2016, p. 10
  7. Margot Verdier, « À la zad, l’expĂ©rience d’une justice anti-autoritaire: », DĂ©libĂ©rĂ©e, vol. N° 15, no 1,‎ , p. 32–36 (ISSN 2555-6266, DOI 10.3917/delib.015.0032, lire en ligne, consultĂ© le )
  8. Verdier 2016, p. 11
  9. Verdier 2016, p. 13
  10. Verdier 2016, p. 15
  11. Madeg Leblay, « Fuir les mĂ©tropoles : les habitats alternatifs en milieu rural comme espaces de refuge et de contestation », MĂ©tropoles, no 28,‎ (ISSN 1957-7788, DOI 10.4000/metropoles.7864, lire en ligne, consultĂ© le )
  12. Verdier 2016, p. 23
  13. Verdier 2016, p. 20

Sources de presse

  1. Emmanuel Clévenot, « Notre-Dame-des-Landes : sous Macron, une victoire et des déchirements », sur Reporterre, le média de l'écologie, (consulté le )
  2. Tara Schlegel, « Notre-Dame-des-Landes : au cƓur de la ZAD », Le Magazine de la rĂ©daction, France culture,‎ (lire en ligne)
  3. Fabienne BĂ©ranger, « Nantes : il y a un an, l'opĂ©ration CĂ©sar sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes », France 3, Pays de la Loire,‎ (lire en ligne)
  4. « D’une ZAD Ă  l’autre, tour d’horizon des conflits environnementaux », Le Monde,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  5. AFP, « Notre-Dame-des-Landes : la deuxiĂšme opĂ©ration d'expulsion reprend dans la ZAD », LibĂ©ration,‎ (lire en ligne)
  6. Pierre-Henri Allain, « Notre-Dame-des-Landes : «Je suis dĂ©goĂ»tĂ©, on s'est fait dĂ©foncer» », LibĂ©ration,‎ (lire en ligne)
  7. Moran Kerinec, « Les gendarmes ont dĂ©versĂ© une quantitĂ© record de grenades sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes », Reporterre,‎ (lire en ligne)
  8. « NDDL: quinze projets agricoles "Ă©ligibles" Ă  un bail prĂ©caire », Le Point,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  9. « Maxime P., mutilĂ© par une grenade GLI F4 Ă  Notre Dame des Landes le 22 mai 2018 », DĂ©sarmons-les,‎ (lire en ligne)
  10. « Notre-Dame-des-Landes : un homme griĂšvement blessĂ© dans la ZAD en ramassant une grenade », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  11. Nicolas de la CasiniĂšre, « Des victimes de la grenade GLI-F4 - dont une journaliste de Reporterre - lancent une procĂ©dure judiciaire », Reporterre,‎ (lire en ligne)
  12. Sirpa Gendarmerie, Gendarmerie nationale, « [RETEX] Évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes », sur www.gendinfo.fr (consultĂ© le )
  13. « Notre-Dame-des-Landes. Un hangar en partie dĂ©truit par le feu sur l’ex-Zad », Ouest France,‎ (lire en ligne)
  14. « CommuniquĂ©s suite Ă  I’incendie du hangar de l’avenir Ă  Bellevue »
  15. « Notre-Dame-des-Landes. L’école des Tritons prend forme », Ouest France,‎ (lire en ligne)
  16. « Sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, deux boulangeries cĂŽte Ă  cĂŽte, deux statuts », L'Ă©claireur,‎ (lire en ligne)
  17. Sylvain Mouillard, « A Notre-Dame-des-Landes, on rĂȘve d'une «commune libre de la ZAD» », LibĂ©ration,‎ (lire en ligne)
  18. Guiillaume Frouin, « Le «cycle des douze», la police des zadistes de Notre-Dame-des-Landes », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  19. « ZADenVIES & la Smala : semaine enfants / familles », sur ZAD.nadir.org,
  20. Blanche Ribault, « La non-violence de l’Etat devrait redevenir un dĂ©bat », TĂ©lĂ©rama,‎ (lire en ligne)
  21. Catherine Vincent, « GeneviĂšve Pruvost : « La ZAD de Notre-Dame-des-Landes rend visible toute une palette de modes de vie » », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  22. (en) Référence UICN : espÚce num 164355
  23. LoĂŻc Chauve, « 5 espĂšces vĂ©gĂ©tales et animales qu'on avait oubliĂ©es Ă  Notre-Dame-des-Landes », Sciences et Avenir,‎ (lire en ligne)
  24. [vidĂ©o] France 3 TV, Notre Dame des Landes : La reconquĂȘte sur YouTube, A la 56e minute du reportage on peut voir des occupants de la ZAD accueillir Nicole Klein, prĂ©fĂšte de Nantes chargĂ©e du dossier
  25. « Zadissidences 3 », Voir article: Quant à la stratégie administrative et au fonds de dotation de la ZAD, sur infokiosques.net,
  26. [vidéo] France 24, Notre-Dame-des-Landes : que reste-t-il des idéaux de la ZAD ? sur YouTube,
  27. « Ils pensent l’avenir de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes », Vice,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )

Voir aussi

Ouvrages

Articles universitaires

  • Philippe Coutant, « RĂ©inventer le politique : autour de la zad de Notre-Dame-des-Landes », ChimĂšres, no 83,‎ , p. 149-158 (ISSN 0986-6035, e-ISSN 2111-4412, DOI 10.3917/chime.083.0149, prĂ©sentation en ligne) (point de vue militant)
  • (en) Anne-Laure Pailloux, « Deferred Development Zone (ZAD) versus ‘Zone to be protected’. Analysis of a struggle for autonomy in/of rural space », justice spatiale - spatial justice, UniversitĂ© Paris Ouest Nanterre La DĂ©fense, Laboratoire MosaĂŻques, no 7 « Right to the Village »,‎ (lire en ligne) 〈halshs-01512403〉
  • FrĂ©dĂ©ric Barbe, « La « zone Ă  dĂ©fendre » de Notre-Dame-des-Landes ou l’habiter comme politique », Norois, nos 238-239,‎ , p. 109-130 (ISBN 9782753552227, ISSN 0029-182X, prĂ©sentation en ligne)
  • CĂ©cile Rialland-Juin, « Le conflit de Notre-Dame-des-Landes: les terres agricoles, entre rĂ©alitĂ©s agraires et utopies fonciĂšres », Norois, nos 238-239,‎ , p. 133–145 (ISSN 0029-182X, DOI 10.4000/norois.5907, lire en ligne, consultĂ© le )
  • Margot Verdier, « “Une lutte en zones” : l’occupation illĂ©gale et la production de l’espace Ă  la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, France », Anuari del conflicte social,‎ (lire en ligne)
  • GeneviĂšve Pruvost, « Critique en acte de la vie quotidienne Ă  la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (2013-2014) », Politix, no 117,‎ , p. 35-62 (DOI 10.3917/pox.117.0035, prĂ©sentation en ligne)

Filmographie

  • Le tarmac est dans le prĂ©, documentaire de Thibault FĂ©riĂ©, Point du jour, 52 min, 2013 (diffusĂ© en sur France 3).
  • Des tracteurs contre des avions, documentaire de Christian Baudu, Canal automedia NopubNosub, 31 min, .
  • Notre-Dame-des-Landes, au cƓur de la lutte, documentaire de Pierrick Morin, 70 min, .
  • SĂšme ton western, 23 min, super 8, cinĂ©ma artisanal, Les Scotcheuses, 2014
  • No ouestern, 27 min, super 8, cinĂ©ma artisanal, Les Scotcheuses, 2015
  • Zad, Lande habitĂ©e, Camille Camille, en cours de tournage en 2018.

Articles connexes

Lien externe

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.