Agriculture vivrière
L'agriculture vivrière est une agriculture essentiellement tournée vers l'autoconsommation et l'économie de subsistance. La production, rarement excédentaire, n'est destinée ni à l'industrie agroalimentaire ni à l'exportation. Elle est en grande partie auto-consommée par les paysans et la population locale. Cette forme d'agriculture, courante dans les jardins du monde entier, demeure d'une importance capitale dans les pays les moins avancés où elle permet aux populations rurales, sans autre ressource, de se nourrir. Ses faibles rendements, générant peu d'excédent, ne permettent toutefois pas à ces populations de sortir de la pauvreté. Elle impose également d'accepter de ne consommer que des produits de saison et de gérer la période de soudure. Le caractère localisé de la production, sans accès aux marchés mondiaux, rend en outre les agriculteurs vivriers particulièrement vulnérables aux conséquences des événements climatiques locaux (sécheresse, catastrophe naturelle, saison des pluies tardive ou précoce, etc.). Elle représente environ 20 % de la production alimentaire mondiale[1]. Par l'importance qu'elle accorde aux semences paysannes — on estime à environ 1,4 milliard les agriculteurs utilisant des procédés traditionnels de sélection — elle favorise fortement la biodiversité[1].
Agriculture vivrière, une activité encore importante au niveau mondial
L'agriculture vivrière se situe souvent dans des pays à forte densité de population active agricole (les paysans), par exemple sur le sous-continent indien, où elle fait cependant face à une agriculture plus moderne depuis la Révolution verte menée sous Indira Gandhi. Elle demeure la forme d'agriculture la plus répandue dans le monde, faisant appel aux connaissances traditionnelles locales. Ce mode d'agriculture représente environ 80 % de l'agriculture des pays en voie de développement (PVD)[2]. En Tanzanie, par exemple, pays en grande majorité rural, l'agriculture vivrière produit de 99 % du bétail, 85 % de la volaille et plus de 90 % des semences plantées[2]. La FAO estime ainsi que sa disparition risquerait de faire disparaître 30 % de la biodiversité génétique animale[2].
La plupart des paysans sont des femmes, celles-ci produisant plus de la moitié de la production alimentaire mondiale, allant jusqu'à 75 % voire 80 % dans certaines régions du globe[1].
Espèces cultivées
Visant à l'autosuffisance alimentaire des populations, c'est le plus souvent de l'agriculture dite polyculture-élevage. Les espèces les plus cultivées sont :
- le blé, base alimentaire de 35 % de la population mondiale[1] ;
- le riz, cultivé et consommé à 90 % en Asie, mais étant aussi important en Amérique latine et dans les Caraïbes où un million d'agriculteurs dépendent de cette plante[1] ;
- et le maïs, la moitié étant produite en Asie — dans le sud de l'Asie, les trois quarts de la production sont destinées à l'alimentation humaine, le quart restant étant destiné à l'alimentation animale — le maïs représente aussi 40 % de la production céréalière, pratiquement exclusivement destinée à l'auto-consommation (85 % du maïs d'Afrique de l'Est et du Sud est destinée à l'alimentation humaine)[1].
D'autres espèces représentent aussi dans certaines régions un apport majeur de calories, notamment le manioc, qui représente la moitié de l'apport végétal alimentaire en Afrique centrale. D'autres espèces, ne faisant guère l'objet de recherche agronomique, représentent un apport alimentaire important pour les populations les plus modestes, en particulier les noix de terre, le pois d'Angole, les cowpeas (Vigna unguiculata), les lentilles, l'igname, la banane et la banane plantain[1]. Enfin, les plantes sauvages fournissent un apport important en vitamines et minéraux, et permettent aussi d'enrichir la biodiversité (des dizaines de variété ont été développées à partir du chou sauvage ou Brassica oleracea)[1]. La biodiversité n'est pas seulement l'effet d'une exploitation raisonnée mettant toutes ses chances de son côté, au cas où une espèce serait sévèrement affectée par le climat (sécheresse, etc.), mais est également intégrée dans les coutumes locales : par exemple, au Népal, on offre certaines variétés de riz tandis que d'autres sont utilisées en médecine traditionnelle[1].
Agriculture vivrière et économie de subsistance
L'agriculture vivrière et extensive s'intègre largement dans le cadre d'une économie de subsistance, contrastant avec l'agriculture industrielle et intensive, qui livre sa production comme matière première à l'agro-industrie et à l'agro-alimentaire, et aussi à l'agriculture commerciale, qui est insérée dans un système de commercialisation à l'échelle nationale et internationale, et suppose une logistique adaptée (transport, silos de stockage...). Elle permet aux exploitants de survivre mais, en raison du faible rendement à l'hectare inhérent à ce modèle, elle ne peut pas générer de surplus suffisant pour leur permettre de sortir de la pauvreté.
On parle d'agriculture vivrière d'autoconsommation lorsque la production est principalement consommée par le paysan qui la met en œuvre et d'agriculture vivrière commerciale lorsque la production est principalement vendue sur les marchés locaux, mais il est toutefois difficile de définir telle ou telle pratique d'agriculture vivrière.
Autosuffisance alimentaire et commerce mondial
L'agriculture vivrière est parfois prônée dans les pays les moins avancés et présentée comme garante de l'autosuffisance alimentaire des populations. Quand elle est commerciale, sa portée internationale est limitée pour plusieurs raisons : l'agriculture vivrière qui a un rendement à l'hectare faible n'est généralement pas compétitive face aux prix du marché, les pays qui la pratiquent peuvent être exposés à de forts aléas climatiques et aux variations de l'offre et de la demande qui conditionnent les prix sur les marchés de manière plus importante que les grandes puissances agricoles qui protègent leur agriculture par exemple en fixant des prix minimums.
L'agriculture vivrière des pays les moins avancés qui n'est pas tournée vers la rentabilité de l'exploitation agricole, ne permet généralement pas aux exploitants d'accéder aux financements bancaires ni de sortir de la pauvreté. Ils consomment presque l'intégralité de leur production et ne l'exportent pas ou très peu tout en important les produits alimentaires qui leur manquent ce qui rend leur balance commerciale déficitaire .
Tout en restant attentif à la dégradation des termes de l'échange et à l'alimentation de leurs populations, ces pays cherchent à trouver la solution la plus adéquate : seuls des capitaux en devises telles le dollar leur permettent d'importer les marchandises qu'ils sont, pour l'instant, incapables de produire eux-mêmes (cf. machines-outils, biens transformés, technologie de pointe et transfert de technologie, etc.).
Notes et références
- « Fait et chiffres sur l’alimentation et la biodiversité », sur idrc.ca, Centre de recherches pour le développement international (consulté le ).
- (en) Edda Tandi Lwoga, Patrick Ngulube, Christine Stilwell, « Managing indigenous knowledge for sustainable agricultural development in developing countries: Knowledge management approaches in the social context », in The International Information & Library Review, vol. 42, no 3, septembre 2010, p. 174-185.
Voir aussi
Bibliographie
- Marcel Mazoyer et Laurence Roudart,, Histoire des agricultures du monde : du Néolithique à la crise contemporaine, 1997 (rééditions en 1998 et 2002).