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Facteur antinutritionnel

Les facteurs antinutritionnels (ou parfois antinutriments) sont des composĂ©s chimiques, naturels ou synthĂ©tiques, qui interfĂšrent avec l'absorption des nutriments chez l'homme et les animaux[1]. Ils peuvent ĂȘtre spontanĂ©ment prĂ©sents dans la plante ou sa partie consommĂ©e, ou provenir de contaminations fongique ou depuis le sol [2].

L'acide phytique, naturellement présent dans les graines, est un exemple de facteur antinutritionnel.

Les modes de prĂ©paration des aliments, notamment la cuisson ou le traitement par la chaleur, sont la façon la plus efficace de les inactiver[3] (d'autres mĂ©thodes sont le trempage des aliments pour solubiliser les facteurs solubles, la fermentation naturelle ou induite
). Les substances antinutritionnelles, parfaitement hĂ©tĂ©rogĂšnes, sont parfois classĂ©es selon leur rĂ©sistance Ă  la chaleur[4]. L'Ă©limination de ces facteurs antinutritionnels est un objectif permanent de l'amĂ©lioration variĂ©tale des vĂ©gĂ©taux cultivĂ©s [5].

Ces composés sont principalement des molécules de défense des plantes contre leurs phytophages (lectines, oxalates, phytates, goitrigÚnes, saponines, phytoestrogÚnes, tanins et galactosides) qui altÚrent la digestibilité des nutriments (antiprotéases, chélateurs qui diminuent la biodisponibilité des minéraux, molécules indigestes voire toxiques)[6]. Toutefois, ils présentent aussi dans certains cas des effets bénéfiques sur la santé[6], de sorte qu'il n'est pas recommandé de les éliminer complÚtement de l'alimentation[7].

État des connaissances

La dĂ©termination des effets des antinutriments est en 2020 un secteur en pleine phase de recherches, et les Ă©tudes en rĂ©sultant peuvent montrer des rĂ©sultats contradictoires, indiquant que des recherches complĂ©mentaires chez l'ĂȘtre humain sont nĂ©cessaires. Le rĂ©sultat d'Ă©tudes montrant des effets nocifs Ă  haute dose avec des isolats ne se retrouve pas toujours lorsque ces substances sont ingĂ©rĂ©es en combinaison avec d'autres et dans des conditions normales d'alimentation[6] - [7]. Il existe toutefois un trĂšs rentable phĂ©nomĂšne de vulgarisation de certains de ces effets nocifs, qui a donnĂ© lieu Ă  une abondante production de best-sellers et de vente de complĂ©ments alimentaires censĂ©s lutter contre ces effets, par exemple dans le cas des lectines[8].

Le haricot de Lima contient plusieurs facteurs antinutritionnels : lectines et phaséolunatine (ou linamarine). Ils se mangent impérativement trempés et cuits.

Sensibilité au mode de préparation des aliments et aux cultivars

La cuisson, la prĂ©paration et le traitement des aliments impactent la teneur en oxalate ou en lectines, l’ébullition et la cuisson Ă  la vapeur sont les solutions les plus efficaces pour rĂ©duire la teneur en oxalate soluble dans l'eau [6]. Lors de tests rĂ©alisĂ©s sur 9 types de lĂ©gumes, l'Ă©bullition rĂ©duit considĂ©rablement la teneur en oxalate soluble (30 Ă  87%) davantage que la cuisson Ă  la vapeur (5 Ă  53%) [9]. Chez le haricot et le soja la cuisson rĂ©duit les facteurs antinutritionnels sauf l'acide phytique [10].

Le trempage réduit les niveaux de lectines, phytates et d'oxalates, mais pas toujours le niveau d'acide phytique [10].

La teneur en facteurs antinutritionnels varie selon les cultivars de végétaux cultivés et aussi selon leur degré de maturité [11].

Mode d'action

Composés non directement toxiques

Les facteurs antinutritionnels sont Ă  distinguer des composĂ©s toxiques susceptibles d'ĂȘtre naturellement prĂ©sents dans les aliments, comme les glycosides cyanogĂšnes (phytotoxines que l'on retrouve par exemple dans le sorgho, le manioc ou les amandes). Le point clĂ© Ă©tant que les antinutriments interfĂšrent avec l'absorption de composĂ©s d'intĂ©rĂȘt, mais ne sont a priori pas toxiques par eux-mĂȘmes. Ces composĂ©s sont cependant souvent Ă©tudiĂ©s ensemble en raison des problĂ©matiques similaires vis Ă  vis de l'alimentation et des effets dĂ©lĂ©tĂšres sur la santĂ©[12] - [13].

Les effets nĂ©fastes des facteurs anti-nutritionnels sur les animaux d'Ă©levage ne sont pas tous inventoriĂ©s, notamment chez les poissons oĂč l'action des phytates est nette [14].

Inhibiteurs enzymatiques

Certains composés végétaux, présents notamment dans le riz et les graines de céréales[15], peuvent inhiber l'activité de certaines enzymes, et ainsi compromettre la digestion. Cet effet antinutrionnel est parfois exploité plutÎt qu'évité : des compléments alimentaires à base de phaséolamine sont ainsi proposés en tant qu'aide au régime, pour limiter l'absorption des glucides lents.

Le grain du haricot niébé contient moins de facteurs antinutritionnels que le haricot commun . (Le mangeur de haricot par Annibal Carrache)

Les principaux facteurs antinutritionnels

Lectines

Se liant avec les oses, les lectines peuvent interfĂ©rer avec le mĂ©tabolisme des glucides[12] - [16]. En expĂ©rimentation animale de fortes doses de lectines de lĂ©gumineuses ou farines de lĂ©gumineuses crues altĂ©raient la muqueuse intestinale, augmentent la permĂ©abilitĂ© intestinale et en activant le systĂšme immunitaire [17]. On les trouve facilement dans les cĂ©rĂ©ales (germe de blĂ©), les lentilles, fĂšves ou pois, mais elles peuvent ĂȘtre prĂ©sentes dans un grand nombre d'autres vĂ©gĂ©taux. Elles sont suspectĂ©es modifier le mĂ©tabolisme intestinal et ĂȘtre inflammatoires [6] - [18]. La phytohĂ©magglutinine du haricot rouge reprĂ©sentait 40% des intoxications par plantes toxiques en Chine de 2004 Ă  2013 [11].

Les lectines sont irrĂ©versiblement dĂ©truites par le trempage, l'autoclavage, la fermentation et l'Ă©bullition : faire bouillir les lĂ©gumineuses (les haricots) pendant une heure Ă  95 ◩C a rĂ©duit l'activitĂ© hĂ©magglutinante de 93,77 Ă  99,81% [19] - [18]. En revanche, la cuisson au four Ă  micro-ondes des fĂšves, pois, pois chiches, du soja, des lentilles qui dĂ©truit parfaitement leurs hĂ©magglutinines et inhibiteurs de la trypsine, ne parvient pas Ă  dĂ©truire les facteurs antinutritionnels du haricot commun [20].

Oxalates

Présents sous forme hydrosoluble ou de sels d'oxalate insolubles (principalement sous forme d'oxalate de calcium) dans les épinards, bette à carde, l'oseille, la betterave (feuille et racine), la rhubarbe, les noix, les patates douces et la pomme de terre, les oxalates solubles réduisent l'absorption du calcium par les intestins et le cÎlon et induisent la formation de calculs rénaux calciques [21] - [6]. Ils sont détruits par la cuisson et la consommation de quantités adéquates de calcium et de potassium, rare sont les intoxications humaines, quelques cas sont notés chez le bétail [6].

La germination Ă©limine les phytates des haricots mungo [22]

Phytates

L'acide phytique et ses sels sont susceptibles de complexer les ions métalliques et ainsi d'en limiter l'absorption intestinale. Si la réalité de cet effet n'est plus discutée, son ampleur est encore étudiée, notamment pour le cuivre, qui semble peu, voire pas, affecté[23], le fer dont la malabsorption paraßt contrebalancée par un apport trÚs biodisponible dans les céréales, le zinc et le calcium [24] - [6].

Le trempage réduit les phytates du mil (28%), du maïs (21%), du riz (17%) et du soja (23%), la cuisson dans l'eau de trempage permet de réduire la perte de minéraux [25]. La germination des aliments peut réduire davantage les phytates : 60% chez le pois chiche tout en préservant la teneur en minéraux [26].

Les effets négatifs des repas riches en phytates sur l'absorption de certains minéraux sont compensés par la consommation d'aliments riches en acide ascorbique et en bactéries probiotiques .

GoitrigĂšnes

Typique des Brassiceae (choux, feuilles de navet, chou chinois, etc.) et dans une moindre mesure du millet et du manioc, ils inhibent l'absorption de l'iode et provoquent une hypothyroïdie et/ou le goitre [6]. Les goitrigÚnes alimentaires comprennent 120 glucosinolates dont l'apport pour la santé est également positif (anti cancéreux) [27]. Parmi ces composés la goitrine et le thiocyanate produit par la digestion auraient des effets indésirables démontrés expérimentalement chez l'animal [28] - [29].

Le consensus actuel (2020) est d'attirer l'attention des personnes atteintes ou susceptible d'atteinte d'une maladie thyroïdienne afin qu'elles cuisent leurs choux, brocoli, etc. dans une eau additionnée de sel iodé [6].

Le bois de Panama est trÚs riche en saponines et en tanins. Il est depuis toujours utilisé dans les médicaments et comme complément alimentaire (E 999) sous réserve du respect des dosages [30]. Il est létal chez les poissons à faible dose [31].

Saponines

Les saponines sont décrites dans plus de 90 familles de plantes dont notamment le soja, l'olive, la peau de raisin, la figue de Barbarie, etc.[32] Elles ont chez l'homme des propriétés allélopathiques, anti-inflammatoires, hémolytiques, hypocholestérolémiantes et anticancéreuses démontrées, la saponine du soja B supprime l'élévation de la glycémie chez le diabétique, en revanche elles inhibent l'absorption des lipoprotéines ou du cholestérol de haute densité nécessaires dans l'alimentation [15] - [12] - [33] - [34].

Ces saponines sont un facteur antinutritionnel chez les ruminants (rĂ©duction de leur digestibilitĂ©), la luzerne en contient qui limite son utilisation comme fourrage [35]. Les saponines sont gĂ©nĂ©ralement toxiques pour les animaux Ă  sang froid, les insectes et les poissons d'oĂč l'usage des plantes riches en saponines pour la pĂȘche [36].

PhytoestrogĂšnes

Principalement rencontrĂ©s chez le soja et les graines de lin[6]. Ces molĂ©cules prĂ©sentent une similitude structurelle avec le 17-ÎČ-estradiol importante hormone sexuelle fĂ©minine ont des effets discutĂ©s sur la santĂ©, elles perturberaient l'action du systĂšme endocrinien fĂ©minin et feraient courir un risque accru de cancers sensibles aux ƓstrogĂšnes [37]. Les donnĂ©es Ă©pidĂ©miologiques suggĂšrent que la consommation d'aliments riches en phytoestrogĂšnes dans le cadre d'un rĂ©gime alimentaire variĂ© n'est pas prĂ©occupante, mais bĂ©nĂ©fique [6].

Les phyto-estroglycosides sont hydrolysées en aglycones assimilables par l'ébullition et la cuisson à la vapeur et aussi par la fermentation par Lactobacillus et Bifidobacteria [38] - [39]. La conversion est quasi complÚte dans les laits de soja fermentés qui est traditionnelle en Asie (cheonggukjang coréen, le natto japonais, thai thua) [40].

La concentration en tanins des thés est variable selon la variété et le temps d'infusion

Tanins

Les tanins, sont frĂ©quents dans l'alimentation, on les trouve dans les cĂ©rĂ©ales, le thĂ©, le cacao, le raisin, les pommes, les fruits Ă  noyau, les noix, etc. Les tanins condensĂ©s (proanthocyanidines) sont des polyphĂ©nols vĂ©gĂ©taux abondants parmi lesquels : la catĂ©chine, l'Ă©picatĂ©chine, l'Ă©pigallocatĂ©chine [41]. Ils peuvent former des complexes avec les protĂ©ines et en rĂ©duire la digestibilitĂ© et impactent nĂ©gativement l'absorption du fer, du cuivre et du zinc ainsi que des rĂ©serves de ces mĂ©taux [15] - [6] - [42]. On observe des carences ferriques dans les pays oĂč les haricots sont un aliment de base [43].

Chez les personnes qui ont de faibles réserves de fer, en particulier certaines femmes, il est conseillé de limiter la consommation des aliments riches en tanin. La cuisson diminue la teneur en catéchine de certains aliments (la rhubarbe, les fÚves et les poires), retirer la peau des fruits à coque réduit leur teneur en phénol jusqu'à 90%[44]. La teneur en catéchine du thé est variable selon les variétés, les provenances, elle augmente avec la durée d'infusion [45].

Galactosides

Les galactosides sont les sucres solubles les plus abondants dans le rÚgne végétal aprÚs le saccharose[46]. Ces composés fermentescibles sont en grande partie à l'origine des flatulences qui accompagnent souvent la consommation des aliments riches en galactosides (légumineuses)[47]. Ils ont également d'autres effets négatifs : diminution de la quantité d'énergie métabolisable en raison de la fermentation anaérobie, effets osmotiques dans l'intestin à l'origine de diarrhées, interférence avec la digestion d'autres nutriments[48].

Sinapine

La sinapine se trouve dans les Brassicaceae, le colza, la moutarde, les tourteaux de soja, elle peut provoquer la prĂ©sence de trimĂ©thylamine dans les Ɠufs de poule d'Ă©levage[49] - [50].

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