Comtois (cheval)
Le Comtois est une race de chevaux de trait de taille moyenne, propre à la Franche-Comté. D'origine germanique et peut-être bourguignonne, elle est surtout présente en France et en Suisse. Monture de bataille réputée sous l'Ancien Régime, le Comtois est le premier exemple d'élevage florissant d'un cheval de traction lourde en France. Décimé durant les guerres napoléoniennes, il se confond alors, sous le nom de « cheval du Jura », avec le futur cheval des Franches-Montagnes suisse. Côté français, son élevage est relancé au début du XXe siècle.
Comtois
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Comtois au col des Saisies en Savoie. | |
Région d’origine | |
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Région | Franche-Comté, France |
Caractéristiques | |
Morphologie | Cheval de trait |
Registre généalogique | Standard français |
Taille | 1,50 à 1,65 m |
Poids | 650 à 800 kg |
Robe | Généralement bai avec expression du gène Silver |
Tête | Profil rectiligne |
Pieds | De taille moyenne |
Caractère | Doux et docile |
Statut FAO (conservation) | Non menacé |
Autre | |
Utilisation | Principalement la viande, l'attelage et le débardage |
Sélectionné pour les travaux des champs, le Comtois devient un cheval de trait rustique, capable de vivre à l'extérieur toute l'année. Alors qu'il était de robe baie, il acquiert après la Seconde Guerre mondiale sa robe particulière aux crins de couleur claire, qui fait désormais son succès. Face à la concurrence du tracteur, le Comtois est reconverti en animal de boucherie. Dans les années 1980, il devient ainsi la seule race de trait française dont les effectifs connaissent une légère augmentation.
Le Comtois est désormais la race de chevaux de trait la plus présente en France, grâce à la rentabilité de son élevage extensif en zone montagneuse. Bien que la viande constitue, et de loin, le premier débouché de la race, le Comtois est aussi utilisé dans les loisirs, le spectacle et les travaux attelés.
Histoire
L'histoire du cheval de trait Comtois (prononcé [ʃə.val də tʁɛ kɔ̃.twa] ) est intimement liée à celle de sa région d'origine, dont il forme l'une des richesses. Historiquement, la Franche-Comté (Comté de Bourgogne) a profité d'une assez grande autonomie, en particulier sous les Habsbourg, avant d'être annexée par la France en 1678[1]. Le cheval y est élevé depuis 1 500 ans[2]. Le berceau historique de la race se situe dans le centre du Jura, limitrophe de la Suisse[3]. Si l'on ne peut forcément parler de race sur toute cette période, il est certain qu'une population de chevaux y existe au moins depuis l'époque Burgonde[4].
Origine
L'origine exacte du Comtois est lointaine et imprécise[3]. Il provient d'un tronc commun avec le cheval des Franches-Montagnes suisse[5]. Ces deux races se séparent au milieu du XIXe siècle en prenant des orientations différentes, le Franches-Montagnes évoluant vers le trait léger demi-sang et le Comtois vers le trait lourd, par croisement avec des Ardennais[6].
La théorie la plus répandue veut que les ancêtres du Comtois soient germaniques, et aient été importés par les Burgondes au IVe siècle[7], Ve siècle[2] - [1] ou VIe siècle, dans les montagnes jurassiennes du Doubs, à l'actuelle frontière entre la France et la Suisse[7]. Des descriptions de chevaux sont connus par des documents de l'époque romaine ; il s'agissait peut-être d'une introduction d'étalons qui auraient fait souche avec des juments locales[8]. Selon la thèse de Patrick Wadel consacrée à l'élevage des paysans francs-comtois sous l'Ancien Régime, au moins une partie au moins de ces chevaux ne remonte pas aux races germaniques, mais est issue du cheval bourguignon, « que les chroniques disent s'être répandu du côté des Franches-Montagnes suisses, après les défaites de Charles le Téméraire »[9].
Marcel Mavré évoque en faveur de l'origine germanique une ordonnance de Charles Quint, le 1er décembre 1554, disant que le comté de Bourgogne devrait être peuplé « de bons chevaux du Saint-Empire »[10] - [7]. Le Comtois possède enfin peut-être une ascendance arabe en raison de son profil rectiligne[11], les sources attestant de quelques croisements avec des étalons orientaux et espagnols. Durant la suzeraineté espagnole de la Franche-Comté, particulièrement la guerre de trente ans, ces étalons orientaux auraient selon certains éleveurs apporté à la race comtoise une « distinction qui la caractérise toujours »[1]. Un inventaire des chevaux du comte de Cantecroix, établi en 1608, montre une forte présence de chevaux de selle d'origine espagnole[12].
De l'Antiquité au XVIIe siècle
Exportés en Suisse et en Italie[1], les chevaux Comtois du XVIIe siècle sont d'un modèle différent de l'actuel. Plus petits, ils portent une robe noire ou baie[13]. L'écuyer Antoine de Pluvinel cite le « cheval bourguignon », et « surtout le Comtois », comme un animal excellent pour la traction et le harnais, mais peu fin « et sujet à devenir aveugle »[13]. Sous l'Ancien Régime, l'élevage paysan franc-comtois joue un grand rôle dans l'économie du pays[14]. La monarchie place ses espoirs dans la production de ces animaux. En 1695, des étalons royaux sont envoyés aux garde-haras francs-comtois[9].
XVIIIe siècle
Il existe peu de sources anciennes au sujet du cheval Comtois. Il est peut-être la monture des chevaliers médiévaux lors des joutes[2] - [Note 1]. Le cheval Comtois aurait « porté les Croisés jusqu'aux royaumes d'Athènes et d'Achaïe, et fait la gloire de la noblesse comtoise du XVIe siècle »[15]. Il sert d'animal de guerre[13] grâce à ses talents de cheval d'artillerie, d'attelage et de trait, mais il est également monté par la cavalerie, et notamment les dragons[2], de l'époque de Louis XIV jusqu'à celle de Napoléon Ier. Il aurait été considéré comme un cheval améliorateur dans tout le duché de Bourgogne[8].
Le cheval Comtois du XVIIIe siècle est essentiellement un animal de transport et d'artillerie, peu réputé sous la selle[16]. Deux types sont distingués, le cheval de plaine et le cheval de montagne, le second étant plus réputé que le premier[17]. Le haras national de Besançon est établi en 1754. Le marquis de Voyer met en place, jusqu'en 1759, une réforme qui permet de se rendre compte de la nécessité d'élever ce cheval de trait[18]. Elle permet à l'élevage paysan de s'épanouir[19]. La race franc-comtoise, dont l'élevage s'organise durant tout ce siècle, annonce le développement des chevaux de travail du siècle suivant dans les autres régions françaises. L'organisation entre les naisseurs des montagnes, les paysans rouliers, les garde-étalons et les marchands de chevaux, est en effet précoce[20]. La zone de diffusion et d'influence de ces animaux est telle qu'ils sont trouvés jusque dans la Puisaye (où a lieu une tentative de naturalisation de la race, d'après O. Delafond) et le Donziais[21] (où des juments comtoises sont introduites et gagnent tout le plateau nivernais[22]), des régions géographiquement plus proches de l'influence du Poitou et du Perche, et qui possèdent aussi des races de chevaux de trait.
En Lorraine, les animaux de trait sont probablement issus d'un mélange entre les races Ardennais et Comtois[23]. Une source de 1715 atteste que le Berry élève aussi des chevaux francs-comtois. Ces chevaux, dont la réputation est « ancienne et excellente »[24], restent populaires dans leur berceau d'origine. Les rouliers d'Orgelet, dans le Jura, achètent à bas prix les juments poulinières de réforme pour transporter à moindre coût leur fromage et d'autres denrées dans la région[21].
Il existe une opposition historique entre l'administration des haras et l'élevage paysan, ces derniers refusant les croisements préconisés par les autorités du pays et préférant sélectionner leurs chevaux dans l'indigénat[20]. Les discours « partisans » des auteurs de la fin du XVIIIe siècle en révèlent les enjeux[13]. Le but des administrateurs est d'ôter toute possibilité de choix et d'initiative aux éleveurs paysans pour leur faire produire des chevaux de guerre, mais ces derniers recherchent un « cheval de paix » pour travailler la terre[25]. Alfred Gallier parle des « petits chevaux du Jura » tirant les diligences et les charrois à la fin du XVIIIe siècle, particulièrement dans la vallée du Rhône[26].
XIXe siècle
Le cheval du Jura est largement mis à contribution lors de la Révolution française, puis durant les guerres du consulat, de l'Empire[1] et du Second Empire[7]. La campagne de Russie, en particulier, est un désastre pour la race. Il reste très peu d'animaux en Franche-Comté après les réquisitions des armées. Le cheval Comtois connaît ainsi une période de recul au XIXe siècle[27]. Il est possible, d'après Bernadette Lizet, qu'il ait souffert à cette époque de ne pas être élevé près de Paris, car les documents attestent en parallèle de la progression des races du Percheron et du Boulonnais, soutenues par une excellente réputation et très présentes dans la capitale, tandis que les chevaux Flamands, Poitevins et Comtois seraient « de qualité inférieure »[28].
L'itinéraire d'une famille du Bazois, qui a diffusé le cheval Comtois dans sa région entre 1800 et 1830, est connu par le vétérinaire Delafond. Il s'agit d'une des premières grandes dynasties d'éleveurs de chevaux de trait[29]. Les juments comtoises sont, d'après lui, bien supérieures aux populations équines traditionnelles du Bazois, mais elles perdent du terrain face à l'émergence de la race percheronne sur la même période[30]. Entre les années 1830 et 1850, les chevaux du Nivernais sont de plus en plus métissés Comtois-Percheron[31], les éleveurs de Comtois sont ensuite repoussés vers le sud[32].
Le cheval Comtois est également confondu, sous le nom de « cheval du Jura », avec le futur Franches-Montagnes de Suisse. Les deux races possèdent à l'époque un modèle comparable[33]. Les croisements entre elles sont fréquents et il n'est pas rare que des marchands de chevaux suisses s'approvisionnent en France puis revendent leur produits comme étant des chevaux des Franches-Montagnes[34]. Inversement, les chevaux suisses font souvent la monte en Franche-Comté, comme l'attestent de nombreux rapports d'inspecteurs des haras[35]. Un étalon suisse figure parmi les 25 reproducteurs répertoriés à Besançon en 1811. Dès 1840, le croisement entre la jument comtoise et l'étalon suisse des Franches-Montagnes est une pratique courante parmi les éleveurs[5].
Au milieu du XIXe siècle, les poulains de trait franc-comtois se vendent tout de même entre 350 et 400 francs à l'âge de quinze à dix-huit mois, selon l'hippologue Eugène Gayot. Ils ont une excellente réputation pour les travaux des champs et les charrois[36]. Il ajoute que tout le monde, dans la première partie du XIXe siècle, connait le chariot comtois de 2 000 kg tracté par le cheval du même pays[37], et détaille la morphologie jadis avantageuse de l'animal, à la robe baie ou grise pour une taille de 1,50 à 1,60 m, avant de regretter « le délaissement de la race »[38]. Les chevaux francs-comtois sont en effet croisés avec des chevaux Normands, Boulonnais, Percherons et Ardennais sans contrôle[7], si bien que vers 1850 « il n'existe pas, ou plus à proprement parler de race franc-comtoise », la population équine de la région étant devenue très hétéroclite à force de croisements inopportuns[39] avec des chevaux de sang[26]. Un ancien type de ce cheval, assez proche du Poitevin mulassier selon certains observateurs, disparaît à cette époque[40].
En 1863, le conseil général du Jura souhaite l'envoi d'étalons « améliorateurs » dans le pays comtois[41]. Une nouvelle réquisition de chevaux intervient durant la guerre de 1870[1]. E. Lavalard affirme en 1894 que « Les chevaux comtois actuels méritent à peine d'être signalés »[42] en laissant la race bien épuisée. Les éleveurs français sont contraints de s'approvisionner en reproducteurs à Porrentruy et dans les Franches-Montagnes suisses en raison du peu de bons étalons restants en Franche-Comté[43]. L'ingénieur agronome Paul Diffloth pense alors que « cet élevage n'a pas les garanties nécessaires pour un développement d'avenir »[26].
Renaissance de la race
Au début du XXe siècle, la race est menacée de disparition alors que l'usage du cheval de trait par l'armée va en diminuant. Parallèlement, la traction hippomobile agricole remplace de plus en plus la traction bovine, et le cheval de trait est en faveur. C'est pourquoi quelques passionnés reprennent l'élevage du Comtois en choisissant les meilleurs chevaux dans l'indigénat[26] et en complétant avec des étalons reproducteurs Ardennais[2] bais et sans marques blanches[Note 2]. Ces chevaux vifs de format moyen font prendre de l'ampleur aux Comtois, tout en conservant leurs allures[44]. Grâce à l'application d'une politique d'élevage complète et saine[26], la race est régularisée dès 1905[1], notamment sous l'influence d'un petit étalon reproducteur Ardennais venu de Lorraine[7]. En 1910, un premier concours a lieu à Maîche, dans le Doubs, d'où le surnom de « Maîchard » donné aux chevaux[2] - [3].
En 1919 est créé le Syndicat du cheval comtois[2] ainsi que le stud-book, ouvert le 16 septembre de la même année[45]. Le cheval, dont la population ne cesse de s'accroître[7] et qui se diffuse aux départements voisins du Doubs (Jura, Territoire de Belfort et surtout Haute-Saône[3]), devient l'auxiliaire des paysans qui lui font effectuer divers travaux des champs[1], et son élevage remplace parfois celui des bovins[46]. Il fait partie, avec le Postier breton, des petites races de trait rustiques qui émergent durant le premier tiers du XXe siècle. Ce cheval vif, pesant 650 kg de muscles, fait le bonheur des petites et moyennes exploitations[26]. En 1926, il est qualifié d'« excellent type de cheval de montagne » lors d'un concours régional face à plusieurs races[47]. En 1936, son stud-book est fermé aux apports de sang étrangers et la race se perpétue dans l'indigénat[1]. Dans les années 1940, ce cheval est « revenu sur le devant de la scène nationale » et fait son entrée dans les nomenclatures de races[26]. Les foires aux chevaux se sont multipliées, entre autres à Longwy-sur-le-Doubs où, d'après les souvenirs d'enfance d'un auteur franc-comtois, « viennent se fournir les officiers militaires de l'artillerie et du train »[48]. La population de la race est estimée à environ 70 000 têtes vers 1950, alors qu'elle subit déjà la concurrence de la traction motorisée[49].
Fin de l'utilisation au travail
Alors même que la race comtoise reprend de l'ampleur, la disparition de la traction hippomobile utilitaire fait qu'il est trop tard pour envisager des exportations[50]. La commercialisation à grande échelle du tracteur et de la moissonneuse-batteuse provoque le déclin de l'élevage du cheval Comtois[51]. Dès les années 1930, les plus fortunés des paysans comtois commencent à acheter « de petits tracteurs à la fiabilité douteuse »[52]. La première moissonneuse-lieuse arrive dans les années 1920, et dans les années 1950 la majorité des agriculteurs francs-comtois en sont équipés, même si certaines de ces machines restent mues par la traction hippomobile[53]. Les gros propriétaires qui se consacraient à l'élevage du cheval Comtois pour le vendre à l'armée avant la guerre changent d'activité[54].
L'un des derniers emplois du Comtois est une courte transition entre la traction bovine et le tracteur au sud de la Loire, des années 1950 aux années 1960[26]. Quelques vieilles personnes gardent encore un souvenir ému du retour des champs quand, enfant, elles avaient l'occasion d'être hissées sur le large dos de ce cheval par leurs parents[8]. En 1966, la race est « très réduite numériquement »[55], et en 1969, le chiffre de 8 000 à 10 000 têtes est annoncé, face aux 250 000 têtes que représentent encore ensemble les races de l'Ardennais, du trait du Nord et de l'Auxois[56].
Relance bouchère
Au début des années 1970, les effectifs de chevaux de trait ont très fortement baissé en France[57]. À la même époque, Henry Blanc est nommé à la direction des haras nationaux français et organise la reconversion des neuf races de chevaux de trait en animaux de boucherie. Jusqu'en 1982, il freine les importations de viande et finance une recherche de l'INRA, près de Clermont-Ferrand sur l'engraissement des poulains de trait. Il encourage les éleveurs français, qui ne parviennent plus à trouver d'acheteurs pour leurs animaux, à engraisser ceux-ci pour les revendre au poids aux abattoirs. C'est l'hippophagie qui assure, paradoxalement, une partie de la sauvegarde du Comtois en gardant son capital génétique intact, mais aussi en transformant le modèle des animaux concernés, autrefois taillés pour le travail, en celui de « bêtes à viande ». Un arrêté du 24 août 1976, paru dans le journal officiel, renomme toutes les races de « chevaux de trait » françaises en « chevaux lourds » et pousse les éleveurs à sélectionner des étalons reproducteurs les plus lourds possibles. Les haras nationaux achètent et approuvent ce type d'étalon destiné à donner naissance à des poulains qui s'engraissent rapidement, ces derniers étant abattus vers l'âge de 18 mois pour produire de la viande[57].
Le cheval Comtois est ainsi la seule race de trait française dont les effectifs connaissent, dès la fin des années 1970, une légère augmentation pour les besoins de la boucherie[11] - [58]. En 1981, il est la deuxième race de trait française en termes d'effectifs, après le Breton[59]. Néanmoins le marché de la viande de cheval ne suit pas[51]. L'INRA et l'Institut national agronomique effectuent différentes analyses démographiques et génétiques quant aux populations de chevaux de trait, toutes menacées de disparition. En 1981, les chercheurs en concluent que la race comtoise est victime de consanguinité, de dérive génétique, et de la disparition de ses structures de coordination. L'âge avancé de ses éleveurs rend sa situation précaire[60]. En 1985, la Franche-Comté ne recèle plus que 7 000 à 8 000 chevaux, soit dix fois moins qu'en 1950, les élevages perpétuant la race pour des raisons affectives et sentimentales plutôt qu'économiques[49].
Renouveau de l'utilisation au travail et dans les loisirs
Les effectifs de la race comtoise connaissent toutefois une forte progression dans les zones de montagne entre les années 1980 et les années 2000, et ils sont désormais relativement stables[61]. En 1992, l'Association de Développement Économique du Doubs (ADED) reconnaît dans le cheval Comtois un atout pour la compétitivité du territoire. En 1995, la région franc-comtoise met en place une politique de bassin de vie en faveur du porc et du cheval Comtois, visant à diversifier les activités agricoles locales tout en mettant en place une synergie avec le secteur du tourisme[62]. En 1997, le Comtois fait partie des races de chevaux dont les éleveurs peuvent bénéficier de la « Prime aux races menacées d'abandon » (PRME), d'un montant de 100 à 150 €[63]. Depuis les années 2000, la race connaît un « renouveau inattendu »[64].
Description
L'impression générale est celle d'un cheval de trait trapu, compact et dense, aux membres courts et puissants et de taille petite à moyenne[1] soit une hauteur au garrot de 1,50 à 1,65 m pour un poids de 650 à 800 kg. Pour être admis à la reproduction, le cheval Comtois doit répondre à un standard morphologique et se faire apposer une marque sur le plat gauche de l'encolure au fer rouge, représentant les lettres T et C entrelacées, pour Trait Comtois, après passage devant une commission. L'apposition de la marque n'est possible que si les quatre grands-parents du cheval la portent également, et si l'animal répond aux objectifs de sélection[65] - [66].
L’insémination artificielle et le transfert d'embryons sont autorisés pour la reproduction chez la race, mais pas le clonage[66].
Standard morphologique
Tête
La tête, carrée au profil rectiligne, a une certaine distinction, avec un front large, un toupet fourni, de petites oreilles mobiles bien plantées, et un œil vif et expressif[1] - [7] - [65] - [67]. L'os au-dessus de l’œil ne doit pas tomber sur celui-ci.
Avant-main
L'encolure, courte et droite, est surmontée d'une crinière abondante, musclée et bien attachée à un garrot bien sorti, large, musclé et bien attaché. Le poitrail est assez large, la poitrine profonde, l'épaule longue, large et oblique[1] - [7] - [65] - [67].
Corps et arrière-main
Les tissus sont denses, le corps compact, la ligne du dessus est soutenue, longue et droite, les côtes arrondies. L'arrière-main est musclée, les reins droits et bien attachés au dos, courts et larges, la croupe oblique (ou arrondie), large et musclée, la queue bien fournie en crins et attachée bas[1] - [7] - [65] - [67].
Membres
La cuisse est bien descendue, les articulations sont fortes, les membres courts, secs et bien trempés, les aplombs corrects, les jarrets nets et sans tares, les tendons bien détachés. Les pieds, de taille moyenne, doivent être solides et bien conformés. Les fanons sont relativement légers pour un cheval de trait[1] - [7] - [65] - [67].
Le Comtois est, comme le trait belge et le Breton, parfois victime de l'épidermolyse bulleuse jonctionnelle ou « maladie des pieds rouges du poulain », une maladie génétique des chevaux de trait qui provoque la naissance de poulains sans peau au bas des membres et sans sabots, qui meurent peu de temps après la naissance. Un test de dépistage génétique est mis en place depuis 2005 pour écarter les étalons porteurs de la reproduction[66].
Robe
Le cheval Comtois possède une robe baie avec des crins noirs à l'origine, qui forme quasiment l'unique couleur de robe de la race jusqu'à l'époque de la Seconde Guerre mondiale[65]. Sa robe est désormais différente, caractérisée par une crinière et une queue de couleur jaune-argentée claire, ainsi que des fanons clairs qui remontent au niveau des tendons[68]. La robe de ces chevaux, dite (à tort) « alezan crins lavés » (la majorité des chevaux Comtois étant, à l'origine, bais), est due à l'introduction du gène Silver[Note 3] par un unique étalon nommé Questeur, qui dans les années 1950 s'est imposé comme étalon reproducteur. Le gène Silver étant dominant, une immense majorité de chevaux Comtois arborent désormais cette robe, même si le bai reste autorisé par le standard de la race[65]. La robe dite alezan brulé est interdite.
Cette robe est devenue si fréquente chez le Comtois que d'autres chevaux de robe bai silver sont venus à être décrits comme des « alezans comtois »[65]. Les éleveurs ont peut-être tenté d'éliminer volontairement la robe baie parce qu'elle leur rappelle les croisements effectués avec l'Ardennais, race de robe baie, et pour fixer cette caractéristique originale presque unique chez les races de trait[44]. La robe élégante du Comtois est pour beaucoup dans son succès comme cheval de loisir, et dans le phénomène de mode qui l'accompagne.
Les marques blanches doivent être limitées selon le standard de race[65]. Ainsi, les listes plus larges que la moitié du chanfrein et les balzanes qui dépassent la mi-canon sont interdites, tout comme les robes aux crins roux ou mélangées de blanc[69].
Tempérament et entretien
Endurant, résistant et rustique, le cheval Comtois est habitué aux conditions climatiques rigoureuses de sa région d'origine. Il n'exige que peu d'entretien et s'adapte à une grande variété de climats, ce qui le rend parfaitement adapté à l'exploitation des pâturages de montagne en plein air intégral. De plus, il est doux et docile, ce qui permet à ses éleveurs de pratiquer la monte en liberté, laissant l'étalon avec les juments sans intervention humaine, et sans risquer d'accident[11] - [2] - [70] - [71]. Enfin, ce cheval est réputé pour vivre vieux[3].
Sélection
L’Association nationale du cheval de trait comtois s'occupe de l’organisation de concours et d'expositions, de la tenue du stud-book, de la formation de juges pour l’appréciation de la race et du type, des renseignements, de la vente, du programme d’élevage, de la promotion de la race et de la formation des éleveurs[61]. Traditionnellement, son assemblée générale annuelle donne lieu à la dégustation d'un « bourguignon de poulain de trait » pendant le repas des éleveurs, lesquels se retrouvent ensuite au haras national de Besançon[72].
Aptitudes et utilisations
Ce cheval a des aptitudes historiques à la traction, et participe aux fêtes et épreuves d'attelage. La race a d'ailleurs remporté le grand prix de Paris du cheval de trait en 2004 et 2005[2], et un Comtois a enlevé la finale nationale d'attelage jeunes chevaux à Compiègne les 1er et 2 octobre 2011[73].
Élevage hippophagique
Le Comtois est majoritairement élevé pour sa viande. L'association nationale de la race soutient que ce marché est essentiel pour toute la filière équine française. Constatant que les grandes surfaces importent de la viande de cheval sans traçabilité, le syndicat d’élevage et l'organisation de producteurs Franche-Comté Élevage proposent en novembre 2001 un label régional « poulain laiton comtois » malgré les réticences des cavaliers. Ce label porte sur la viande de poulains Comtois de moins de 22 mois nés et élevés en Franche-Comté, vendue dans les supermarchés de la région[74]. Diverses opérations de promotion, comme des dégustations gratuites, ont été menées[75]. Le président du syndicat du cheval Comtois s'est exprimé en disant que « Nous voulons nous défendre par rapport aux importations de viande pour des questions sanitaires, prouver aux gens qui veulent manger de la viande qu’elle est bien de chez nous ». Le cahier des charges impose « une viande avec une couleur et une tendreté constante pour fidéliser les consommateurs »[76].
Cette initiative est un échec[77]. En 2003, 73 poulains ont été commercialisés sous ce label, contre 58 en 2004, en suivant le cahier des charges. L'immense majorité des poulains Comtois de boucherie sont exportés vers l'Italie, pays consommateur de viande de poulain. Les Français sont plutôt consommateurs de viande de chevaux réformés. Une étude en conclut que « le cheval passe lentement mais sûrement vers l'interdit alimentaire » en France[78] - [77].
Travail
Il a servi historiquement de cheval carrossier, et bien sûr effectue les travaux des champs[7], c'est un cheval de traction avant tout autre emploi[79]. Les documents du XVIe siècle au XVIIIe siècle attestent d'un fort emploi au débardage des bois de montagne et au transport des troncs, la race comtoise étant toujours réputée pour son aptitude à tracter une tonne de cette façon[80]. Le Comtois reste employé au débardage des bois et à divers travaux forestiers[2], notamment pour extraire les grumes des terrains difficiles ou délicats que le tracteur endommagerait. Malgré une certaine désaffection pour le débardage équin en France, le cheval Comtois est employé avec succès dans les zones périurbaines pour éviter le bruit et l'endommagement des sols par des engins, notamment au Mans où, vers 2003, le débardeur Jean-Baptiste Ricard utilise deux de ces chevaux[81]. En agriculture, il arrive d'en voir attelés à des machines de labour, de hersage ou de fenaison, et dans l'entretien des vignes[82], essentiellement en agriculture biologique. Une équipe attelée de chevaux Comtois a d'ailleurs remporté le premier concours européen de labour équin, organisé à Strasbourg le 17 septembre 2011[83]. En ville, certains Comtois sont employés au ramassage des ordures ou à divers travaux municipaux, La commune lorraine de Maxéville a lancé un « équitram » attelé à trois Comtois en 2009[84], et le parc de la gare d'eau de Besançon est entretenu par des tondeuses hélicoïdales hippotractées, ces chevaux tirent également un broyeur de débroussaillage, entretiennent la voie verte[85], et une jument demi-comtoise effectue le ramassage des ordures[86].
Le Centre européen de ressources et de recherche en traction animale (CERRTA), basé à Villers-sous-Chalamont dans le Doubs, promeut l'usage du Comtois grâce à ses spectacles de voltige cosaque, et à ses formations et recherches en bourrellerie[87].
Loisir et spectacles
Le Comtois peut être monté en randonnée ou en loisir grâce à son calme, sa douceur, sa patience et sa taille relativement rassurante. Il est de ce fait employé en équithérapie, dans les centres de réadaptation pour handicapés ou personnes en difficulté[74] - [88], enfin, il tire des calèches pour le tourisme, ou les mariages[74]. La robe flatteuse du cheval Comtois lui vaut d'être mis en scène sur des spectacles, Querido joue ainsi dans « Comtois en folie », présenté à Cheval Passion en 2010[89], et le haras national de Besançon propose régulièrement les spectacles de trois troupes avec les chevaux du pays[90].
Production de lait de jument
Les juments comtoises sont aussi, mais encore rarement, élevées pour leur lait. La recherche de débouchés pour ce cheval a conduit les éleveurs à une réflexion entre 2004 et 2007, sur la possibilité de mettre en place une filière régionale qui produirait, transformerait et commercialiserait du lait de juments comtoises[91]. Quelques éleveurs de chevaux Comtois en ont fait leur spécialité, à Foucherans (Doubs)[92] - [93], Chaniers (Charente-Maritime)[94], ou encore Calmels-et-le-Viala (Aveyron), cette fois en agriculture biologique[95].
Diffusion de l'élevage
Le Comtois est considéré comme une race locale à diffusion transfrontière, qui n'est pas menacée d'extinction[96]. L'évaluation de la FAO réalisée en 2007 signale aussi cette absence de risque d'extinction[97]. Par ailleurs, l'ouvrage Equine Science (4e édition de 2012) le classe parmi les races de chevaux de trait peu connues au niveau international[98]. L'élevage français reste traditionnellement présent autour de Maîche, sur les plateaux aux forêts de sapins du Doubs dans le massif jurassien, même s'il s'est étendu à toute la région franc-comtoise. Les herbages permettent d'y élever des chevaux de qualité. En 2010, le Doubs est, avec la Haute-Loire, le premier département en termes d'élevages et d'étalons reproducteurs[71].
En raison de son adaptation au climat montagnard, l'élevage du Comtois est apprécié dans toutes les régions de moyenne montagne comme le Massif central, les Pyrénées et les Alpes, mais aussi en Alsace et en Bourgogne. Il n'est absent que dans le quart Nord-Ouest du pays[71].
Année | 1992 | 1996 | 2000 | 2004 | 2005 | 2006 | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 |
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Nombre de poulinages en France[61]. | 2070 | 2781 | 4037 | 4262 | 4324 | 4473 | 4651 | 4632 | 4821 | 4518 | 4117 |
En 2006, près d'un quart des naissances de chevaux de trait sur le territoire français concernent des Comtois. Les étalons reproducteurs servent principalement à l'élevage en race pure[2]. En 2009, avec 32 % du total des immatriculations de chevaux de trait, 973 étalons en activité et 3 648 éleveurs, le Comtois représente la première race de cheval de trait française en termes d'effectifs[61].
En 2002, une vingtaine de chevaux Comtois est exportée chaque année ailleurs que sur le marché de la viande, surtout en Allemagne, aux Pays-Bas, en Espagne et en Belgique, pour le loisir (ce qui constitue sa principale utilisation), l'élevage et le débardage[99] - [71]. La Belgique comptabilise désormais, en 2008, 80 naissances de poulains chez la race[72].
Manifestations
Ce cheval est mis à l'honneur lors de manifestations festives, surtout en été. Des concours sont organisés à Gray et Villersexel, depuis 1990, le Festi'Cheval à Houtaud et également en dehors du berceau de race comme en Rhône-Alpes. Il y a aussi des foires aux chevaux[100]. Mi-septembre, les 500 plus beaux sujets de la race sont sélectionnés à Maîche pour les haras nationaux[101]. Les chevaux Comtois participent chaque année au salon international de l'agriculture, au salon du cheval de Paris[61], à la Route du Poisson, à la route des vins et du Comté, au sommet de l’élevage de Cournonet et aux Journées du Cheval de Trait en Seine-Saint-Denis. Ponctuellement, ils sont présents à Fieracavalli, à Equita'Lyon ou encore à la foire agricole de Libramont en Belgique[102].
Dans la culture
Le cheval de trait Comtois est l'un des symboles de la Franche-Comté. Son iconographie est assez rare sous l'Ancien Régime, incluant deux tableaux allégoriques du XVIIe siècle[13]. Dans Les trois époques de la Franche-Comté des Habsbourg, Charles Quint chevauche un Comtois militaire[13]. Les peintres de bataille qui peignent la région franc-comtoise, comme Jacques Courtois, ne se préoccupent pas de rendre le modèle du cheval du pays[13]. En 1995, le roman régional Les comtois de la liberté met en scène les chevaux du pays[103]. Un cheval Comtois fait une très courte apparition dans le livre Un loup est un loup, de Michel Folco[104].
En 2004 et 2005, à l'occasion de deux expositions pour le 250e anniversaire du haras national de Besançon, l'ouvrage Le cheval comtois: évolution et renouveau d'une race ; éleveurs et haras est publié par les Archives départementales du Doubs[105].
Un « musée relais du cheval de trait Comtois » existe à Levier, dans la vallée du Lison. Ouvert d'avril à septembre et pendant les vacances scolaires, il se veut une vitrine économique de la race, présente l'élevage et ses savoir-faire, les métiers du cheval, et des témoignages dans un pôle multimédia. Des promenades en calèche ainsi que des visites d'élevages sont possibles sur réservation[106] - [107].
Notes et références
Notes
- Il est peu probable que les montures des chevaliers médiévaux ont ressemblé aux chevaux de trait actuels. Voir l’article cheval au Moyen Âge.
- En raison de cette influence de la race ardennaise, certains spécialistes considèrent le cheval Comtois, à l'instar du trait du Nord et de l'Auxois, comme une variété de l'Ardennais. Voir la Revue de médecine vétérinaire de l'école nationale vétérinaire de Toulouse, volume 104, 1953, p. 287.
- Par tradition, la robe des chevaux Comtois est décrite comme « alezane aux crins lavés », ce qui est génétiquement une erreur car les crins lavés de l'alezan, en anglais flaxen, sont d'origine récessive et n'agissent pas sur la robe baie. Il y a souci de terminologie en français, aucun équivalent n'existant pour le terme de gène Silver, d'où l'emploi de « crins lavés ».
Références
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Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Association Nationale du Cheval de Trait Comtois
- Concours de la race comtoise vidéo d'un concours cantonal de la race comtoise
- [DAD-IS] (en) « Comtois / France (Horse) », Domestic Animal Diversity Information System of the Food and Agriculture Organization of the United Nations (DAD-IS) (consulté le )
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