Biochar
Le biochar est un amendement du sol issu de la pyrolyse de biomasse. Il est utilisé en agriculture pour augmenter la qualité des sols, et donc leur productivité ; il est également utilisé dans la lutte contre le réchauffement climatique comme solution de séquestration à long terme de carbone atmosphérique dans les sols.
Le biochar se diffĂ©rencie du charbon de bois par sa composition car il ne contient pas de HAP (Hydrocarbures aromatiques polycycliques, classĂ©s dans la liste des polluants prioritaires par lâagence de protection de l'environnement des Ătats-Unis). Il se diffĂ©rencie aussi du charbon de bois par son utilisation (comme intrant plutĂŽt que comme combustible) et donc par son impact environnemental (non polluant, il agit comme un puits de carbone plutĂŽt que de libĂ©rer du CO2 dans l'atmosphĂšre lors de la combustion).
Ătymologie
Le mot biochar est un néologisme anglais, composé du préfixe bio- (au sens de : d'origine végétale) et du début du mot charcoal qui signifie charbon de bois, c'est-à -dire la partie solide résultant de la pyrolyse d'un combustible solide. Il faut le traduire par : charbon à usage agricole. Une appellation moins courante mais moins ambiguë est celle d'agrichar. L'idée est qu'il s'agit d'un charbon utilisé pour améliorer ou restaurer les sols, qu'il soit issu de bois ou de résidus végétaux inexploités.
L'expression biocharbon, parfois employée comme équivalent de biochar, est impropre. En effet, la quasi-totalité des charbons, y compris ceux fossiles, ont une origine biologique. De plus, biocharbon désigne plutÎt le charbon de bois, simple combustible.
Histoire
Ă la fin du XXe siĂšcle, des pĂ©dologues, archĂ©ologues et Ă©cologues ont Ă©tudiĂ© un type de sol particulier, trĂšs noir et riche, trouvĂ© en Amazonie et dit Amazonian dark earth ou terra preta de Ăndio.
Ils ont dĂ©couvert que ce sol n'Ă©tait pas naturel mais transformĂ© par l'homme entre -800 et 500 â raison pour laquelle on le qualifie parfois d'anthrosol. Les AmĂ©rindiens de l'Ă©poque prĂ©colombienne auraient en effet utilisĂ© (sciemment ou non, la question reste dĂ©battue) l'enrichissement du sol en charbon de bois pour amĂ©liorer sa stabilitĂ© et sa fertilitĂ©[1] - [2] - [3]. Divers auteurs ont montrĂ© qu'intĂ©grer du charbon de bois dans des sols tropicaux fortement Ă©rodĂ©s ou Ă©rodables amĂ©liorait significativement leurs propriĂ©tĂ©s physiques, chimiques et biologiques[4].
L'analyse moléculaire des restes de charbon du sol laisse penser que si une partie du carbone provenait du bois brûlé lors du défrichement, une autre partie, significativement mieux représentée en profondeur, provenait de la combustion incomplÚte de déchets agricoles ou de bois dans les foyers domestiques[5].
Lorsqu'ils ont Ă©tĂ© dĂ©couverts par les colons europĂ©ens, ces sols ont Ă©tĂ© appelĂ©s terra preta de Ăndio.
Depuis quelques années, le biochar est à nouveau utilisé pour améliorer des sols agricoles dans divers pays tropicaux. Les techniques modernes permettent de produire ce charbon en utilisant certaines formes de pyrolyse, chauffant la biomasse à relativement haute température en l'absence d'oxygÚne dans des fours spéciaux[6].
Principaux usages
Amendement
DestinĂ© Ă restaurer ou amĂ©liorer les sols, le biochar, en tant qu'amendement, est alors intĂ©grĂ©, sous forme de poudre ou de petits fragments, dans des sols de pĂ©piniĂšre, de forĂȘt, agricoles, de jardin ou horticoles (pots de fleur), dans le but d'amĂ©liorer les propriĂ©tĂ©s pĂ©dologiques (physiques, chimiques, biologiques) du substrat. Le biochar est Ă©tudiĂ© et recommandĂ© par un nombre croissant d'auteurs pour amĂ©liorer et stabiliser les sols tropicaux, naturellement acides et pauvres, donc fragiles, qui ont Ă©tĂ© fortement dĂ©gradĂ©s par l'agriculture et/ou la dĂ©forestation, et sont actuellement Ă©rodĂ©s ou menacĂ©s par l'Ă©rosion[7].
Fixation du carbone dans les sols
Le biochar, en tant que produit riche en carbone, stable et durable, a aussi une fonction de puits de carbone, ce qui explique qu'il suscite un intĂ©rĂȘt croissant dans le contexte des prĂ©occupations concernant le rĂ©chauffement climatique d'origine humaine. Il pourrait ĂȘtre une des solutions immĂ©diates Ă l'impact globalement nĂ©gatif des activitĂ©s agricoles, car l'agriculture, si elle n'utilise que peu de carbone fossile sous la forme de carburants (environ 1 % de la consommation totale en France, Ă titre d'exemple), est fortement Ă©mettrice de gaz Ă effet de serre (18 % du total environ en France), et le travail du sol a dĂ©gradĂ© le puits de carbone que constitue l'humus. De plus, une grande partie des palmiers Ă huile, du soja et des agrocarburants ont Ă©tĂ© cultivĂ©s depuis la fin du xxe siĂšcle en dĂ©truisant les forĂȘts tropicales (par le feu le plus souvent, c'est-Ă -dire en libĂ©rant le carbone stockĂ© dans la biomasse ligneuse), en dĂ©gradant les sols protĂ©gĂ©s et enrichis en carbone par la forĂȘt. Le biochar, piĂšge Ă humus, permet de restaurer la capacitĂ© des sols Ă stocker une partie du carbone produit par la biomasse vĂ©gĂ©tale[8].
Substitut du charbon et du charbon actif dans la filtration
L'introduction de biochar dans un sol améliore la qualité de l'eau qui y circule. Il joue le rÎle de filtre, fonction d'habitude laissée au charbon actif, et pourrait ainsi accroßtre la productivité des cours d'eau et des zones humides, en améliorant la ressource halieutique et en favorisant le retour d'un bon état écologique des masses d'eau superficielles et souterraines.
Alternative au charbon de bois minier
Certains espĂšrent que la production de biochar pourra rĂ©duire la pression sur les derniĂšres forĂȘts anciennes[9].
Diminution de la bioaccumulation de métaux lourds dans les plantes
Le biochar a rĂ©cemment Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© en vue d'Ă©valuer sa capacitĂ© Ă fixer des contaminants dans le sol, afin d'Ă©viter la contamination de la chaine trophique. Les rĂ©sultats sont encourageants, mĂȘme s'il faut effectuer rĂ©guliĂšrement des amendements pour pallier sa minĂ©ralisation (minĂ©ralisation qui entraĂźnerait une remise en biodisponibilitĂ© de mĂ©taux lourds)[10].
On a comparĂ© les effets (seuls et combinĂ©s) d'apports de compost de dĂ©chets verts et d'un amendement au biochar sur un sol minier hautement polluĂ© par du cuivre (Cu) et du plomb (Pb) [respectivement 600 et 21 000 mg/kg ou ppm] dans le Cheshire (Royaume-Uni). Ces deux amendements montrent un effet, mais diffĂ©rents sur la mobilitĂ© et l'absorption de ces deux polluants dans l'ivraie (Lolium perenne L. var. Cadix). L'apport de compost rĂ©duit mieux (< 5 mg/l) que le biochar le taux de Pb dans l'eau interstitielle du sol (> 80 mg/l avant traitement) , tandis mais le biochar se montre plus efficace pour diminuer le taux de Cu dans l'eau interstitielle. Un amendement biochar + compost fait diminuer le taux de Cu et de Pb des pousses de ray-grass au fur et Ă mesure des rĂ©coltes successives. Le compost de dĂ©chets verts seul, et additionnĂ© de biochar, amĂ©liore nettement les rendements en biomasse. Le taux de Pb des pousses de plante testĂ©es n'a Ă©tĂ© significativement rĂ©duit que par l'amendement au compost. Avec le biochar la biomasse de ray-grass rĂ©coltĂ©e est faible, ce qui in fine limite la quantitĂ©s de Cu rĂ©coltable. Les effets de ces amendements sont donc complexes et peuvent s'opposer selon le mĂ©tal concernĂ© et le fait qu'ils soient utilisĂ©s seuls ou ensembles. Dans certaines conditions l'effet de rĂ©duction de la concentration de mĂ©tal dans le tissus vĂ©gĂ©tal peut ĂȘtre « contrĂ© » ou limitĂ© par une augmentation de la biomasse et donc de la biodisponibilitĂ© du mĂ©tal[11].
Bénéfices pour les sols
Des expĂ©riences scientifiques rĂ©centes[7] laissent penser que le biochar (surtout s'il est associĂ© Ă un apport de matiĂšre organique) peut contribuer Ă restaurer de nombreux types de sols tropicaux, mĂȘme trĂšs acides et trĂšs altĂ©rĂ©s. Il pourrait ainsi jouer un rĂŽle dans la restauration des forĂȘts tropicales, mais aussi un rĂŽle agronomique. PlutĂŽt qu'un amendement (car il est trĂšs pauvre en nutriments), le biochar se comporterait comme un (re)structurateur[7] du sol et peut-ĂȘtre comme un catalyseur, via des mĂ©canismes d'action encore mal compris. Le taux de matiĂšre organique joue un rĂŽle important dans la stabilitĂ© et la fertilitĂ© des sols, notamment pour ceux fortement exposĂ©s aux pluies tropicales[12]. Il semble par exemple pouvoir amĂ©liorer les cultures de cĂ©rĂ©ales, Ă©peautre notamment[13].
PrĂšs de Manaus (BrĂ©sil), des scientifiques[7] ont rĂ©cemment testĂ© l'application combinĂ©e d'engrais organiques et de charbon de bois, en diffĂ©rentes proportions, sur des parcelles de sols acides et trĂšs altĂ©rĂ©s, en les comparant Ă des parcelles tĂ©moins. Le charbon de bois utilisĂ© a Ă©tĂ© produit Ă partir d'arbres d'une forĂȘt secondaire locale, puis broyĂ© en fragments de 2 mm maximum, incorporĂ©s au sol Ă raison de 11 tonnes par hectare (soit une dose de 1,1 kg de biochar par m2), ce qui correspond au taux attendu Ă la suite d'une culture sur brĂ»lis dans une forĂȘt secondaire moyenne poussant sur un sol ferralitique de l'Amazonie centrale[14]. Quinze combinaisons d'amendements ont Ă©tĂ© testĂ©es, apportant dans chaque cas une quantitĂ© Ă©gale de carbone (C), mais avec des proportions diffĂ©rentes de fumier de volaille, de compost, de charbon de bois ou de litiĂšre forestiĂšre. Ces sols ont ensuite subi quatre cycles de culture de riz (Oryza sativa L.) et de sorgho (Sorghum bicolor L.). L'expĂ©rience a dĂ©montrĂ© qu'on pouvait fortement augmenter les stocks d'Ă©lĂ©ments nutritifs dans la rhizosphĂšre (zone racinaire), tout en rĂ©duisant le lessivage des Ă©lĂ©ments nutritifs du sol et en augmentant la productivitĂ© agricole.
- La production de biomasse vĂ©gĂ©tale a fortement chutĂ© dĂšs la seconde rĂ©colte lĂ oĂč seuls des engrais minĂ©raux avaient Ă©tĂ© appliquĂ©s, bien que pouvant perdurer plus longtemps avec apport de matiĂšre organique. Une seule application de compost a quadruplĂ© le rendement par rapport aux parcelles seulement fertilisĂ©es par des engrais minĂ©raux[7] ;
- Dans les sols fertilisés avec des fientes de volaille, les teneurs initialement élevées en azote (N) et potassium (K) ont chuté au cours des quatre cycles de culture mais les fientes de poulet ont néanmoins augmenté le rendement par rapport à un sol n'en ayant pas reçu, et ce au cours de quatre saisons, en élevant le pH du sol et les teneurs en phosphore (P), calcium (Ca) et magnésium (Mg). Et ce sol est resté plus fertile aprÚs la 4e récolte[7] ;
- La hausse de rendements entraĂźne une exportation accrue d'Ă©lĂ©ments nutritifs. Mais mĂȘme si un taux significatif de nutriments (P, K, Ca, Mg et N) a Ă©tĂ© exportĂ© des parcelles ayant reçu du charbon de bois, les teneurs en Ă©lĂ©ments nutritifs du sol n'ont pas diminuĂ© de la mĂȘme maniĂšre selon que le sol a reçu ou non un apport d'engrais minĂ©raux ou organiques[7] ;
- C'est l'effet sur la stabilité du taux de carbone du sol qui a été le plus spectaculaire : les pertes en carbone des parcelles testées ont été les plus élevées sur les sols amendés par les fientes de volaille (- 27 %) et par le compost (- 27 %), suivies par les sols ayant reçu de la litiÚre forestiÚre (- 26 %) puis par la parcelle témoin (- 25 %), alors que les parcelles ayant reçu du charbon de bois n'ont perdu que 8 % de leur carbone pour la parcelle ayant aussi initialement reçu un engrais minéral et 4 % pour la parcelle n'ayant été enrichie qu'en charbon de bois[7] ;
- Dans tous les cas, le biochar a significativement amélioré la croissance des plantes, et il a réduit la quantité d'engrais requise. La productivité des céréales a doublé sur la parcelle traitée par le charbon de bois en plus des engrais NPK, par rapport à la parcelle ayant reçu les engrais NPK sans charbon de bois.
Le charbon de bois augmente donc bien la fertilitĂ© du sol, surtout si une autre source de nutriments est ajoutĂ©e, mais par un mĂ©canisme encore mal connu. Les auteurs Ă©mettent l'hypothĂšse qu'il contribue Ă mieux fixer les nutriments ajoutĂ©s par ailleurs, en les empĂȘchant d'ĂȘtre lessivĂ©s (donc perdus) dans les sols soumis Ă une pluviomĂ©trie importante et par ailleurs pauvres en argile.
Les auteurs concluent donc qu'un apport combiné en matiÚre organique et en biochar pourrait produire un sol imitant les propriétés favorables des terra preta[7].
HypothĂšses explicatives
Cycle de l'eau amélioré
Notamment grĂące Ă sa grande surface spĂ©cifique et ses capacitĂ©s Ă amĂ©liorer la vie du sol, le charbon de bois augmente indirectement la rĂ©tention d'eau des sols, probablement Ă la suite de l'enrichissement secondaire des sols macroporeux en matiĂšre organique[4]. Tryon[15] a montrĂ© dĂšs 1948 que l'impact d'apports de charbon de bois sur l'eau disponible de sols forestiers variait selon la texture du sol : seuls les sols sableux voyaient leur teneur en eau fortement augmentĂ©e (plus que doublĂ©e). Cet auteur n'observait aucun changement dans les sols limoneux, et les sols argileux perdaient mĂȘme un peu de leur capacitĂ© Ă retenir l'eau, vraisemblablement en raison de l'hydrophobicitĂ© du charbon de bois. Les sols Ă texture grossiĂšre (sableuse ou caillouteuse) seraient donc les seuls Ă profiter des bĂ©nĂ©fices hydriques permis par le biochar. Une expĂ©rience a par exemple montrĂ© que la teneur en eau d'un sol sableux passait de 18 % Ă plus de 45 % (en volume) Ă la suite de l'apport de charbon de bois. Comme les sols sableux protĂ©gĂ©s par le couvert forestier, ces sols sableux enrichis en biochar sont aussi plus rĂ©sistants Ă l'Ă©rosion. Cependant, si on prĂ©lĂšve des sols sableux et qu'on les fait sĂ©cher puis qu'on les rĂ©humidifie, ils ne retrouvent pas cette stabilitĂ© avant un certain temps (plusieurs mois en gĂ©nĂ©ral), mĂȘme artificiellement rĂ©humidifiĂ©s. Ceci laisse supposer que les sols superficiels exposĂ©s au soleil et Ă une dĂ©shydratation complĂšte pourraient ne pas bĂ©nĂ©ficier des effets positifs du biochar, au moins en surface.
Cycle de l'azote amélioré
La fixation microbienne de l'azote (celui captĂ© dans l'air) expliquerait pour partie la conservation de la richesse du sol et celle des ions nitrate (NO3â), normalement trĂšs lessivables car solubles dans l'eau[16] - [17].
Cycle du carbone amélioré
Une disponibilité suffisante en carbone (permise ou restaurée par le biochar) stimulerait l'activité microbienne du sol, et sur une plus grande profondeur, en améliorant par là le cycle de l'azote, avec une moindre lixiviation des nitrates. Steiner et al. (2004) avaient montré[18] que la croissance microbienne était améliorée par ajout de glucose dans un sol enrichi en charbon de bois, sans augmentation du taux de respiration du sol. Ce contraste entre une faible émission de CO2 par le sol et un fort potentiel de croissance microbienne est justement l'une des caractéristiques des terres noires amazoniennes ou terra preta[18].
DĂ©toxification
Le biochar grùce à sa grande surface spécifique fixe aussi divers toxiques présents dans l'eau du sol, et facilite l'épuration bactérienne de l'eau et des gaz du sol. Par exemple, de nombreux sols tropicaux ont des teneurs en aluminium et en mercure beaucoup plus élevées qu'en zone tempérée. La présence de charbon de bois diminue la biodisponibilité de ces toxiques[19]. Sur les sols ferralitiques testés par Steiner et al. (2004), riches en aluminium libre, l'apport en charbon de bois a aussi diminué le taux d'ions aluminium échangeables dans le sol, par un mécanisme encore mal compris. Steiner et al. (2004) note que l'aluminium était le mieux fixé quand des engrais minéraux étaient appliqués conjointement au charbon de bois (de 4,7 à 0 mg·kg-1)[7]. L'aluminium libre est un facteur toxique limitant la croissance des plantes[20].
Effet-tampon sur l'acidité du sol
Un pH trop acide limite la production agricole[21]. L'aciditĂ© excessive est en soi un problĂšme direct pour le dĂ©veloppement des vĂ©gĂ©taux mais aussi indirect parce que l'aciditĂ© rend de nombreux toxiques â les mĂ©taux notamment â plus biodisponibles. L'auteure StĂ©phanie Topoliantz[22] a montrĂ© que le charbon de bois amĂ©liorait la culture lĂ©gumiĂšre sur un sol tropical acide, en diminuant le taux d'aluminium biodisponible, mais aussi en diminuant l'aciditĂ© du sol. Indirectement, le biochar favorise Ă©galement la fixation de l'ion carbonate qui tamponne le pH du sol, facilitant ainsi le dĂ©veloppement bactĂ©rien et limitant la biodisponibilitĂ© des toxiques naturels du sol[23].
RĂ©humification
Une augmentation du taux de matiÚre organique (humus) fait suite à l'oxydation lente du charbon de bois[24] - [25]. Cette augmentation pourrait aussi stimuler la désorption des phosphates et sulfates utiles aux plantes en libérant ces anions[26].
D'autres aspects (catalytiques ou synergiques) font l'objet de recherches en cours.
Production contemporaine de biochar
Plusieurs types de production artisanales et industrielles coexistent :
- Production traditionnelle de biochar à partir de techniques séculaires (combustion lente de bois en meule recouverte de terre)[27].
- Production industrielle (pyrolyse contrĂŽlĂ©e) : l'industrie le produit sous forme de granulĂ©s (dĂ©bris de bois recyclĂ©s ou rĂ©sidus vĂ©gĂ©taux ayant subi un traitement thermique de type thermolyse), prĂ©sentĂ©s comme une source intĂ©ressante dâĂ©nergie renouvelable[28] (aspect parfois discutĂ© Ă cause du risque de priver la forĂȘt du bois mort nĂ©cessaire au cycle sylvigĂ©nĂ©tique et Ă la prĂ©servation de la biodiversitĂ©[29]).
- Coproduction industrielle dans l'industrie de la canne Ă sucre, utilisant la bagasse comme biomasse pour valorisation Ă©nergĂ©tique. L'Ă©cume, sous-produit de cette combustion, peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un biochar. Elle est valorisĂ©e en agriculture.
Le biochar peut aussi ĂȘtre fabriquĂ© Ă partir de poussiĂšres de charbon de bois alors agglomĂ©rĂ©es avec environ 20 % d'argile[30].
- Production combinée à un cycle de production de biocarburant ou d'agrocarburant, avec production d'énergie via des processus (exothermiques) permettant aussi une production de chaleur (voire d'électricité, en cogénération) produisant plus d'énergie que l'énergie investie[31].
L'énergie nécessaire pour produire du charbon de bois reste plus importante que celle nécessaire pour produire des agrocarburants de type éthanol à partir de maïs[31]. - La production de biochar à usage agricole reste marginale.
Potentiel de séquestration de carbone
Les sols de la planÚte (sols naturels relictuels + sols cultivés) contiendraient aujourd'hui 3,3 fois plus de carbone que l'atmosphÚre, soit 4,5 fois plus que la biomasse des plantes et des animaux terrestres n'en renferme hors-sol[32], ce qui fait du sol un bon levier pour le stockage du carbone (voir aussi l'initiative 4p1000). Lorsque des écosystÚmes naturels sont labourés et mis en culture, la plus grande partie du carbone piégé dans ces sols est libérée dans l'atmosphÚre sous la forme de CO2 ou de méthane, deux gaz à effet de serre, ou dans l'eau sous forme d'acide carbonique. Des millions d'hectares de sols naturels, forestiers notamment, sont mis en culture tous les ans, notamment pour la production de biocarburants[33].
Le biochar et la terra preta qu'il peut former peuvent contribuer à la séquestration du carbone dans les sols végétalisés (cultivés ou forestiers) durant des centaines voir des milliers d'années[34] - [35].
Le GIEC évalue le stockage de carbone grùce au biochar à entre 0,2 et 3 GtCO2/an soit beaucoup moins que les estimations précédentes datant de 2010[36].
Non seulement le biochar peut enrichir les sols en y augmentant fortement et durablement le taux de carbone (150 g C/kg de sol par rapport Ă 20-30 g C/kg dans les sols environnants), mais les sols enrichis par du biochar se dĂ©veloppent naturellement plus en profondeur; ils sont, en moyenne, plus de deux fois plus profonds que les sols environnants. Par consĂ©quent, le carbone total stockĂ© dans ces sols peut ĂȘtre d'un ordre de grandeur plus Ă©levĂ© que les sols adjacents[37] - [38].
Autre intĂ©rĂȘt pour la lutte contre les Ă©missions de gaz Ă effet de serre
Le biochar diminue les Ă©missions du sol en CO2 et mĂ©thane, mais aussi en protoxyde d'azote (N2O ou oxyde nitreux), trois gaz Ă effet de serre prĂ©occupants pour le climat[39]. Yanai et ses collaborateurs ont mĂȘme constatĂ© en conditions de laboratoire une suppression partielle, sous certaines conditions trĂšs dĂ©pendantes de l'humiditĂ©, des Ă©missions de N2O quand du biochar a Ă©tĂ© ajoutĂ© au sol[40].
Le piégeage et le stockage à long terme du carbone par le biochar ne nécessitent ni progrÚs technique ni recherche fondamentale car ses outils de production sont robustes et simples, ce qui le rend approprié pour de nombreuses régions du monde[6]. Dans sa publication dans le journal Nature Johannes Lehmann, de l'université Cornell, a estimé que la pyrolyse du bois sera rentable quand le coût de la tonne de CO2 atteindra 37 dollars US[6].
Utiliser la pyrolyse du bois pour la production de bioĂ©nergie est dĂ©jĂ possible, mĂȘme si elle est encore aujourd'hui plus chĂšre que l'usage d'Ă©nergies fossiles.
Mesure de la surface spécifique
Elle reste difficile. Selon une Ă©tude rĂ©cente (2018), les mĂ©thodes disponibles de mesure de cette surface (y compris le standard BET et la mĂ©thode Ă lâiode) ne sont pas fiables, notamment pour les biochars trĂšs statiques, les biochars trĂšs fins et ceux qui contiennent un peu plus dâhuile que les autres. En outre, les auteurs ont constatĂ© que cette surface spĂ©cifique augmente avec la durĂ©e dâimmersion du biochar dans l'eau[41].
Aspects et avantages sanitaires
En termes d'Ă©cobilan Ă©cotoxicologique, les avantages semblent l'emporter sur les inconvĂ©nients et doivent encore ĂȘtre prĂ©cisĂ©s par la recherche. Parmi les inconvĂ©nients, il faut citer les goudrons et le monoxyde de carbone produits lors de la production de biochar, qui sont des polluants et des toxiques ou cancĂ©rigĂšnes avĂ©rĂ©s. Mais cet aspect nĂ©gatif est Ă mettre en balance avec le fait que le charbon de bois contribue Ă dĂ©toxifier l'eau[42] et Ă la diffĂ©rence du fumier et des fientes non compostĂ©s, le biochar ne pose a priori pas de problĂšmes d'introduction de germes pathogĂšnes. Ceci prĂ©sente notamment un avantage pour les cultures de lĂ©gumes frais ou plantes Ă croissance rapide et se mangeant crus (radis, carottes, salades, etc.) qu'il ne vaut mieux pas mettre en contact direct avec des fumiers pour limiter les Ă©pidĂ©mies et le risque zoonotique.
Limites et précautions
L'utilisation du biochar peut aussi présenter certains risques pour l'eau, l'air, les sols, la santé ou la biodiversité[43] ;
- Si ce biochar est produit, non pas Ă partir de dĂ©chets agricoles, mais Ă partir de bois issu de forĂȘts anciennes ou primaires ou de vastes coupes rases, son bilan Ă©cologique est nettement moins bon (il est aussi source de CO2, et la dĂ©forestation qu'il pourrait induire si on le produit Ă partir d'arbres forestiers pourrait aggraver l'Ă©rosion, la perte d'eau utile et la perte de biodiversitĂ©) ;
- S'il est utilisĂ© sur des sols naturellement trĂšs acides et trĂšs oligotrophes oĂč la biodiversitĂ© est dĂ©pendante de la pauvretĂ© du sol, ou sur des sols dĂ©gradĂ©s mais localement devenus des refuges pour les espĂšces des milieux oligotrophes menacĂ©es par l'eutrophisation gĂ©nĂ©rale de l'environnement, le biochar peut ĂȘtre un facteur de recul de la biodiversitĂ© ;
- De mĂȘme, certains projets visant Ă collecter le petit bois et les rĂ©manents des forĂȘts pour produire du biochar pourraient ĂȘtre contre-productifs et appauvrir la forĂȘt en la privant d'une partie de sa litiĂšre et du bois mort, qui constituent une source naturelle de carbone issue de la biomasse/nĂ©cromasse, nĂ©cessaire au cycle sylvogĂ©nĂ©tique[44] ;
- Enfin, divers matĂ©riels ont Ă©tĂ© rĂ©cemment produits ou amĂ©liorĂ©s, parfois avec l'aide d'ONG environnementales, pour valoriser des dĂ©chets agricoles ou des roseaux (balle de riz, Typha) en biocharbon vendu en plaquettes substituables au charbon de bois domestique, qui est coĂ»teux et contribue Ă la dĂ©forestation. L'Ă©cobilan de ce biocharbon reste Ă faire, car il peut â s'il Ă©tait produit Ă grande Ă©chelle â priver les sols agricoles de la matiĂšre organique qui leur est nĂ©cessaire. De plus, la biomasse issus d'herbacĂ© agricole est parfois trĂšs riche en chlore (fĂ©tuque, 0,65 % de la matiĂšre sĂšche) qui pourraient produire des dioxines et furanes lors de la fabrication du charbon et/ou lors de sa combustion en cuisine, cendres et fumĂ©es pouvant alors ĂȘtre Ă©galement contaminĂ©es[45] - [46] ;
- De mĂȘme, toute utilisation intense des roseliĂšres priverait de nombreux oiseaux, amphibiens, mollusques, etc. de leur habitat et d'une plante qui contribue Ă fixer les berges et Ă©purer les sĂ©diments.
C'est donc (dans les limites évoquées ci-dessus) une solution localement utile et recommandée par un nombre croissant de chercheurs et agronomes (par exemple pour des plans de restauration de sols), mais qui pourrait aussi dans certains cas avoir des effets négatifs, éventuellement irréversibles sur certains sols naturellement pauvres en nutriments et pour cette raison riches en biodiversité, en particulier des milieux abritant des espÚces endémiques rares. Une de ses utilisations les plus immédiates et avantageuses est de permettre de passer de la culture sur brûlis à une agriculture plus sédentaire gérant et protégeant ses sols (en association avec des jachÚres tournantes sur les sols les plus fragiles) pour stopper ou freiner la déforestation et la dégradation des sols conformément aux objectifs de l'ONU et de la FAO.
Notes et références
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Voir aussi
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Articles connexes
Liens externes
- Site du projet international de l'Initiative biochar (en)
- International Network for Environmental Compliance & Enforcement (en)
- Carbon-negative primary production: Role of biocarbon and challenges for organics in Aotearoa/New Zealand, Journal Organic systems (en) [PDF]
- Page consacrée à la recherche sur le Biochar (université Cornell) (en)
- Conférence 2007 International Agrichar Initiative (en)
- Eprida Home Page (consulté 2006-05-08)(en)
- Best Energies (site de production d'Agrochar) (consulté 2008-07-10) (en)
- Biochar Energy Corporation (en)
- Terra Preta (« Hypography discussion forum » (consulté 2006-05-08) (en)
- Putting the carbon back: Black is the new green Nature (journal Nature, consulté 2008-07-10) (en)
- Enhancing soil productivity with char pdf (consulté 2008-01-11) (en)
- Pyrolysis char rejunevates tired soils (Biomass Magazine, consulté 2008-01-11) (en)
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- Liste de discussion (anglais) sur la Terra preta (consulté 2008-07-10) (en)
- Page (anglaise) sur le Biochar (en)
- "Special Report: Inspired by Ancient Amazonians, a Plan to Convert Trash into Environmental Treasure" par Anne Casselman, in journal Scientific American ; mai 2007 ; (consulté 007-05-30) (en)
- Biochar as a Soil Amendment - A review of the Environmental Implications, par D. Woolf ; 2008 (consulté 2008-04-15) (en) [PDF]
- Documentaire australien TV sur le biochar (en)
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- Le biochar est-il vert ? par Antoine Cornet et Richard Escadafal, Comité scientifique français de la désertification (CSFD) (fr)