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Attaque du Prince of Wales et du Repulse

L'attaque du Prince of Wales et du Repulse est un engagement naval de la Seconde Guerre mondiale qui eut lieu au nord de Singapour, au large de la cĂŽte est de la Malaisie, prĂšs de Kuantan, dans l'État de Pahang. Le cuirassĂ© britannique de la Royal Navy HMS Prince of Wales et le croiseur de bataille HMS Repulse furent coulĂ©s par des bombardiers terrestres et des bombardiers-torpilleurs de la marine impĂ©riale japonaise, le 10 dĂ©cembre 1941. En japonais, l'engagement est dĂ©signĂ© comme la « bataille navale au large de la Malaisie » (ăƒžăƒŹăƒŒ æȖ 攷戊 Mare-oki kaisen).

Attaque du Prince of Wales et du Repulse
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Le Prince of Wales (à gauche au premier plan) et le Repulse (à gauche à l'arriÚre-plan) lors de l'attaque aérienne japonaise. Un destroyer est présent au premier plan, rajouté par un artiste japonais[1].
Informations générales
Date 10 décembre 1941
Lieu Mer de Chine méridionale
Issue Victoire décisive japonaise
Commandants
Sir Tom Phillips†
John Leach†
William Tennant
Niichi Nakanishi
Shichizo Miyauchi
Hachiro Shoji
Forces en présence
1 cuirassé
1 croiseur de bataille
4 destroyers
88 avions
(34 bombardiers-torpilleurs,
51 bombarbiers,
3 avions de reconnaissance)
Pertes
1 cuirassé coulé
1 croiseur de bataille coulé
840 morts
3 avions abattus,
28 avions endommagés[2]
2 hydravions portés disparus
18 morts[note 1]

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CoordonnĂ©es 3° 33â€Č 36″ nord, 104° 28â€Č 42″ est

L'objectif de la Force Z, qui se composait d'un cuirassĂ©, d’un croiseur de bataille et de quatre destroyers, Ă©tait d'intercepter la flotte d'invasion japonaise au nord de la Malaisie. Cependant, cette force naviguait sans appui aĂ©rien, qui avait Ă©tĂ© rejetĂ© par l'amiral Sir Tom Phillips, le commandant de la Force Z, au profit du maintien de silence radio[3]. Bien que les Britanniques rencontrĂšrent les unitĂ©s de surface lourdes japonaises, la force ne rĂ©ussit pas Ă  trouver et dĂ©truire le convoi principal. Durant leur retour vers Singapour, le cuirassĂ© britannique HMS Prince of Wales et le croiseur de bataille HMS Repulse furent coulĂ©s par des bombardiers moyens japonais Ă  long rayon d’action.

Avec l'Ă©pisode de Pearl Harbor, trois jours plus tĂŽt, cette attaque fut un nouveau coup dur pour les forces alliĂ©es et dĂ©montra une nouvelle fois la puissance de frappe de l'aviation japonaise. L'engagement en Malaisie illustra Ă©galement l'efficacitĂ© des attaques aĂ©riennes contre des navires de guerre, mĂȘme les plus gros et mĂȘme les plus modernes, s'ils ne sont pas protĂ©gĂ©s par une couverture aĂ©rienne. Il conduisit les AlliĂ©s Ă  accorder de l'importance Ă  leurs porte-avions par rapport Ă  leurs cuirassĂ©s. Le naufrage des deux navires affaiblit gravement la Flotte britannique d'Orient (Eastern Fleet) Ă  Singapour, et la flotte d'invasion japonaise fut engagĂ© par des sous-marins jusqu'Ă  la bataille d'Endau le 27 janvier 1942.

Contexte

Le cuirassĂ© britannique HMS Prince of Wales et le croiseur de bataille HMS Repulse avaient Ă©tĂ© envoyĂ©s Ă  Singapour en dĂ©cembre 1941 comme moyen de dissuasion Ă  l'expansion territoriale japonaise qui avait rĂ©cemment envahi l'Indochine française. Le First Sea Lord Sir Dudley Pound pensait que Singapour ne pouvait ĂȘtre dĂ©fendu efficacement que si la Royal Navy envoyait la majoritĂ© de ses navires de ligne lĂ -bas, pour atteindre la paritĂ© avec une force estimĂ©e d'environ neuf cuirassĂ©s japonais. Cependant, l'envoi d'une telle force Ă©tait impossible pour les Britanniques car ils Ă©taient en guerre avec l'Allemagne et l'Italie. NĂ©anmoins, le Premier ministre Winston Churchill s'Ă©tait montrĂ© optimiste sur l'amĂ©lioration de la situation dans l'Atlantique Nord et la MĂ©diterranĂ©e. Il plaida pour l'envoi de deux navires de ligne accompagnĂ©s d’un porte-avions pour dĂ©fendre la Malaisie, BornĂ©o et les Ă©tablissements des dĂ©troits.

Churchill fut critiquĂ© pour avoir montrĂ© « son ignorance considĂ©rable » et sa « croyance exagĂ©rĂ©e dans le pouvoir du cuirassĂ© » avec « une tendance Ă  interfĂ©rer dans les affaires navales »[4]. Ce qui l’avait peut-ĂȘtre amenĂ© Ă  proposer une petite escadre de trois navires modernes : un cuirassĂ©, un croiseur et un porte-avions[5]. Sa position Ă©tait que ces navires formeraient une flotte de dissuasion pour prĂ©venir les actions japonaises, comme le cuirassĂ© allemand Tirpitz, navire jumeau du disparu Bismarck, l’était dans la mer du Nord[5]. Cependant, il n'y avait aucun plan solide pour une telle situation[6]. La proposition britannique initiale prĂ©voyait notamment le nouveau porte-avions HMS Indomitable pour la couverture aĂ©rienne, mĂȘme si le plan avait dĂ» ĂȘtre rĂ©visĂ© lorsque l’Indomitable s'Ă©tait Ă©chouĂ© dans la mer des CaraĂŻbes[7].

L'envoi de navires de ligne Ă  destination de Singapour faisait partie de la planification stratĂ©gique de l'AmirautĂ© depuis que la base navale avait Ă©tĂ© crĂ©Ă©e. L'ampleur de ce dĂ©ploiement prĂ©vu avait Ă©tĂ© rĂ©duite au cours des annĂ©es 1930, lorsque l'Allemagne et l'Italie avaient prĂ©sentĂ© de nouvelles menaces pour les intĂ©rĂȘts britanniques dans l'Atlantique et la MĂ©diterranĂ©e. NĂ©anmoins, il avait Ă©tĂ© toujours supposĂ© qu’une force importante de vaisseaux de ligne dissuaderait l'expansion japonaise. Le plan de Churchill prĂ©sumait[8] que les États-Unis seraient d'accord pour envoyer leur flotte du Pacifique, dont huit cuirassĂ©s, Ă  Singapour, en cas d'hostilitĂ©s avec le Japon, ou que la force britannique ajouterait Ă  la valeur dissuasive de la flotte des États-Unis, devrait-elle rester Ă  Pearl Harbor[9].

Les gouvernements de l'Australie et la Nouvelle-ZĂ©lande, qui avaient envoyĂ© le gros de leurs forces armĂ©es participer Ă  la campagne d'Afrique du Nord, avaient Ă©galement soulignĂ© l'importance de la prĂ©sence d'une grande force Ă  Singapour pour calmer les ambitions territoriales japonaises. L’engagement australien dans la guerre en Europe avait faibli en 1939 et 1940[4], et serait mis Ă  rude Ă©preuve Ă  la suite d'attaques japonaises : attaque de Pearl Harbor, bataille de Hong Kong, bombardement de Darwin et la longue bataille de Kokoda Track[8]. Ainsi la dĂ©cision de Churchill, bien qu'un Ă©chec militaire, fut peut-ĂȘtre une nĂ©cessitĂ© politique[4].

DĂ©ploiement

L'amiral Sir Tom Phillips (à droite), commandant de la Force Z, et son adjoint, le contre-amiral Arthur Palliser, sur le quai de la base navale de Singapour, le 2 décembre 1941.

La Force G, composé du cuirassé moderne HMS Prince of Wales, du croiseur de bataille HMS Repulse, construit au cours de la PremiÚre Guerre mondiale, et des quatre destroyers HMS Electra, Express, Encounter et Jupiter, arriva à Singapour le 2 décembre 1941. Elle fut ensuite renommée « Force Z ».

Le nouveau porte-avions HMS Indomitable fut affectĂ© Ă  la Force G, mais en partant de la JamaĂŻque, il s’était Ă©chouĂ© Ă  l'entrĂ©e du port de Kingston le 3 novembre 1941[10].

L’Indomitable avait besoin de 12 jours de rĂ©paration en cale sĂšche Ă  Norfolk en Virginie, et n’était plus en mesure de prendre part Ă  l'action. Il transportait une escadrille constituĂ© de Fairey Fulmar et de Hawker Sea Hurricane. Un autre porte-avions, l’HMS Hermes (qui Ă©tait avec le Prince of Wales au Cap), Ă©tait sur le chemin pour Singapour pour rejoindre la Force Z, mais ne fut pas rattachĂ© Ă  cause de sa faible vitesse[11].

Le 1er dĂ©cembre, Sir Thomas Phillips fut promu au grade d’amiral et nommĂ© commandant en chef de la Flotte orientale. Quelques jours plus tard, le Repulse partit pour l'Australie avec le HMAS Vampire et le HMS Tenedos, mais la force fut rappelĂ©e Ă  Singapour pour d'Ă©ventuelles opĂ©rations contre les Japonais[12].

Également Ă  Singapour se trouvaient les croiseurs lĂ©gers HMS Durban, Danae, Dragon et Mauritius, et les destroyers HMS Stronghold, Encounter et Jupiter. Le croiseur lourd HMS Exeter, le croiseur lĂ©ger nĂ©erlandais HNLMS Java, deux autres destroyers britanniques (Scout et Thanet), et quatre destroyers de la marine amĂ©ricaine (Whipple, John D. Edwards, Edsall et Alden) devaient y rester les trois jours suivants.

Bien que le Durban et le Stronghold fussent disponibles, l'amiral Philips les laissa Ă  Singapour parce qu'ils n'Ă©taient pas aussi rapides que les autres unitĂ©s. En outre, le Danae, le Dragon, le Mauritius, l’Encounter et le Jupiter Ă©taient Ă©galement Ă  Singapour, mais Ă©taient en rĂ©paration et n’étaient pas prĂȘt Ă  naviguer.

Les préparatifs japonais

Churchill avait annoncĂ© publiquement que le Prince of Wales et le Repulse avaient Ă©tĂ© envoyĂ©s Ă  Singapour pour dissuader les Japonais. En rĂ©ponse, l'amiral Isoroku Yamamoto envoya 36 bombardiers Mitsubishi G4M pour renforcer les KƍkĆ«tai Kanoya et Genzan, Ă©quipĂ©s de Mitsubishi G3M, dont les pilotes avaient commencĂ© l’entrainement pour une attaque contre les deux navires de ligne[13]. Genzan Ă©tait commandĂ© par le Lt Cdr Niichi Nakanishi, Kanoya par le Lt Cdr Shichizo Miyauchi et Mihoro par le lieutenant Hachiro Shoji[14].

Les hostilités commencent

Bombardiers Mitsubishi G4M Betty du Kanoya KƍkĆ«tai.
Mitsubishi G3M Nell du Genzan KƍkĆ«tai. Ce type d’appareil fut Ă©galement mis en Ɠuvre par le Mihoro KƍkĆ«tai.

TĂŽt dans la matinĂ©e du 8 dĂ©cembre 1941, les bombardiers du Mihoro KƍkĆ«tai attaqua Singapour[14]. Le Prince Of Wales et le Repulse rĂ©pondirent avec leurs artilleries antiaĂ©riennes ; aucun avion ne fut abattu, et les navires ne subirent aucun dommage. Les Japonais atterrirent sur Kota Bharu, en Malaisie, le 8 dĂ©cembre (heure locale), et les forces terrestres britanniques furent mises Ă  rude Ă©preuve.

À peu prĂšs au mĂȘme moment, des nouvelles arrivĂšrent signalant que Pearl Harbor avait Ă©tĂ© attaquĂ© et que huit cuirassĂ©s amĂ©ricains avait Ă©tĂ© coulĂ©s ou Ă©taient dĂ©semparĂ©s. Les plans d'avant-guerre avaient prĂ©sumĂ© que la flotte amĂ©ricaine du Pacifique aurait fait route pour Singapour pour renforcer les Britanniques lorsque la guerre Ă©claterait. C'Ă©tait maintenant impossible. Philips avait conclu d’une discussion plus tĂŽt avec le gĂ©nĂ©ral amĂ©ricain Douglas MacArthur et l'amiral Thomas C. Hart que ses deux vaisseaux amiraux avaient une puissance insuffisante pour faire face aux Japonais[9]. Cependant, avec les Japonais menaçant d'envahir la Malaisie, Philips fut pressĂ© d’utiliser ses navires dans un rĂŽle offensif, il rassembla donc sa flottille pour tenter d'intercepter et de dĂ©truire les convois d'invasion japonais dans la mer de Chine mĂ©ridionale.

L'amiral Philips pensait que la Royal Air Force ne pouvait pas garantir une couverture aĂ©rienne suffisante Ă  ses navires, car elle Ă©tait Ă©quipĂ©e d’un nombre limitĂ© de chasseurs vieillissants. L'escadron no 453 de la RAAF, constituĂ© de Brewster Buffalos basĂ©s sur la base de la RAF de Sembawang, Ă©tait disponible pour fournir une couverture rapprochĂ©e[15]. Ils furent dĂ©signĂ©s « escadron de dĂ©fense de la flotte » pour cette tĂąche, le lieutenant Tim Vigors leur ayant donnĂ© les procĂ©dures radios utilisĂ©s par la Force Z[3].

NĂ©anmoins, Phillips choisit d’intervenir. Quatre facteurs auraient influencĂ© sa dĂ©cision : (1) il pensait que les avions japonais ne pourraient pas intervenir si loin des cĂŽtes, (2) il pensait que ses navires Ă©taient relativement Ă  l'abri des dommages fatals d’une attaque aĂ©rienne, (3) il n'Ă©tait pas au courant de la qualitĂ© des bombardiers et des avions torpilleurs japonais[15] et (4), comme de nombreux officiers de la Royal Navy, Phillips sous-estimait les capacitĂ©s de combat des Japonais[4]. Jusqu'alors, aucun navire de ligne n’avait Ă©tĂ© coulĂ© en mer par une attaque aĂ©rienne. Le croiseur lourd italien Pola avait Ă©tĂ© dĂ©semparĂ© par une torpille d'un Fairey Swordfish de la Fleet Air Arm lors de la bataille du cap Matapan le 29 mars 1941, et avait Ă©tĂ© coulĂ© par une torpille du destroyer HMS Jervis[16].

Le navire portant sa marque, le Prince of Wales, disposait de l'un des systĂšmes navals anti-aĂ©riens les plus modernes de l'Ă©poque, le systĂšme de contrĂŽle d’altitude (HACS), avec son radar prĂ©cis Ă  longue portĂ©e dirigeant l’artillerie antiaĂ©rienne, avait dĂ©montrĂ© sa prĂ©cision, lors de l'opĂ©ration Halberd en aoĂ»t et septembre 1941[17]. Toutefois la chaleur et l'humiditĂ© extrĂȘme dans les eaux malaises rendirent ses radars inutilisables et ses munitions de 2 livres s'Ă©taient dĂ©tĂ©riorĂ©es Ă©galement[10]. Des techniciens de la Royal Air Force avaient Ă©tĂ© appelĂ©s pour examiner les radars du Prince of Wales, mais avaient besoin d'une semaine pour effectuer des rĂ©parations, alors que la Force Z serait en opĂ©ration dans seulement quelques jours[9].

L’escadron no 453 de la RAAF, qui devait assurer la couverture aĂ©rienne de la Force Z, ne fut pas tenu informĂ© de la position des navires. Aucune demande par radio de couverture aĂ©rienne ne fut envoyĂ©e jusqu'Ă  ce qu'un appel fĂ»t lancĂ© par le commandant du Repulse une heure aprĂšs le dĂ©but de l’attaque japonaise. Le lieutenant Tim Vigors avait proposĂ© un plan pour garder six avions au-dessus de la Force Z pendant la journĂ©e, mais cela avait Ă©tĂ© refusĂ© par Phillips. AprĂšs la guerre, Vigors resta amer pour son refus Ă  demander un appui aĂ©rien Ă  temps[3]. Il ajouta plus tard : « Je pense cela doit avoir Ă©tĂ© la derniĂšre bataille dans laquelle la marine pensait qu'elle pouvait se passer de la RAF. Un moyen sacrĂ©ment coĂ»teux d’apprendre. Phillips savait qu'il s’éclipsait la nuit d’avant, et Ă©galement Ă  l'aube ce jour-lĂ . Il ne demanda pas de soutien aĂ©rien. Il fut attaquĂ© et n'appela toujours pas Ă  l'aide[18]. » Une couverture aĂ©rienne de jour au large des cĂŽtes avait Ă©galement Ă©tĂ© offerte par le commandant d’escadrille Wilfred Clouston de l'escadron no 488 de la RNZAF, mais son plan, « opĂ©ration Mobile », fut Ă©galement rejetĂ©[19].

À propos de la dĂ©cision de Phillips d’opĂ©rer sans couverture aĂ©rienne, l’historien naval Samuel Eliot Morison a Ă©crit :

« Ceux qui prennent des dĂ©cisions en temps de guerre pĂšsent constamment les risques avĂ©rĂ©s et les gains possibles. Au dĂ©but des hostilitĂ©s, l’amiral [amĂ©ricain] Hart pensait envoyer sa petite force de frappe au Nord de Luçon pour perturber les communications japonaises, mais estima que le risque pour ses navires dĂ©passait le gain possible parce que l'ennemi avait gagnĂ© la suprĂ©matie aĂ©rienne. L’amiral Phillips avait exactement le mĂȘme problĂšme en Malaisie. Devait-il faire route vers le golfe de Siam et exposer ses navires aux attaques aĂ©riennes des appareils basĂ©s en Indochine dans l'espoir de briser les communications ennemies avec leur force de dĂ©barquement ? Il dĂ©cida de prendre le risque. Avec la Royal Air Force et l'armĂ©e de terre britanniques engagĂ©es dans un combat Ă  mort, la Royal Navy ne pouvait pas ne pas ĂȘtre fidĂšle Ă  sa tradition, en restant les bras croisĂ©s Ă  l'ancre[20]. »

DĂ©part

L’HMS Prince of Wales en train de quitter Singapour le 8 dĂ©cembre 1941.

AprĂšs avoir reçu la confirmation d’un convoi japonais Ă  destination de la Malaisie, la Force Z, constituĂ© du Prince of Wales, du Repulse, de l’Electra, de l’Express, du Vampire et du Tenedos, partit de Singapour le 8 dĂ©cembre Ă  17 h 10. Phillips espĂ©rait attaquer au large de Singora le 10 dĂ©cembre. S’il avait levĂ© l’ancre un jour plus tĂŽt, il aurait atteint son objectif sans subir d'attaque aĂ©rienne, les escadrilles japonaises n'Ă©taient pas encore arrivĂ©es[8].

Le 9 dĂ©cembre Ă  7 h 13, la Force Z dĂ©passa les Ăźles Anambas vers l'Est, et pris un nouveau cap au 330 (degrĂ©s), puis inflĂ©chit sa course au cap 345. La Force Z fut survolĂ©e par deux avions de reconnaissance japonais, sans ĂȘtre signalĂ©e[4], avant d'ĂȘtre repĂ©rĂ©e par le sous-marin japonais I-65, le 9 dĂ©cembre Ă  14 h, qui fila les navires britanniques pendant cinq heures, rapportant par radio leur position. Phillips ignorait qu'un sous-marin les suivait. AprĂšs ce rapport, le vice-amiral Jisaburƍ Ozawa, commandant de la force d'invasion, ordonna Ă  la plupart de ses navires de guerre d’escorter les transports de troupe vides dans la baie de Cam Ranh, au Sud du ViĂȘt Nam.

L’HMS Repulse quittant Singapour, le 8 dĂ©cembre 1941.

Le rapport de l'I-65, confirmant la prĂ©sence de navires de guerre britanniques, atteignit le quartier gĂ©nĂ©ral de la 22e flottille aĂ©rienne deux heures plus tard. À ce moment-lĂ , ses appareils chargeaient des bombes pour une attaque sur le port de Singapour, mais ils furent immĂ©diatement approvisionnĂ©s avec des torpilles. Les bombardiers ne furent pas prĂȘts avant 18 h[21].

Vers 17 h 30, juste une demi-heure avant le coucher de soleil, la force britannique fut repĂ©rĂ©e par trois hydravions Aichi E13A, catapultĂ©s par les croiseurs japonais Yura, Kinu et Kumano, qui escortaient les transports de troupes[22]. Ces avions continuĂšrent l'observation. Vers 18 h 30, le Tenedos fut dĂ©tachĂ© pour retourner Ă  Singapour, parce qu'il Ă©tait Ă  court de carburant, avec des instructions pour contacter le contre-amiral Arthur Palliser, pour agir comme agent de liaison avec la RAF en Malaisie[23], l’intention de Phillips n'Ă©tait plus d'attaquer Singora, mais changea de cap Ă  19 h 0 en direction de Singora, pour tromper l'avion observation, puis au sud vers Singapour Ă  20 h 15, quand l'obscuritĂ© l’eut enveloppĂ©e[23]. Le Tenedos fit son rapport consciencieusement Ă  20 h, prĂ©servant ainsi le secret de la position de Phillips.

Une attaque aĂ©rienne nocturne fut tentĂ©e par les Japonais parce qu'ils craignaient que les Britanniques ne trouvent le convoi[21], mais le mauvais temps les empĂȘcha de trouver les navires et ils retournĂšrent Ă  leurs aĂ©rodromes Ă  Thủ Dáș§u Một et SaĂŻgon vers minuit[24].

Retour Ă  Singapour

Cette nuit-lĂ , l'un des hydravions japonais lança une fusĂ©e Ă©clairante Ă  proximitĂ© du croiseur lourd japonais Chƍkai, l'ayant pris pour le Prince of Wales. AprĂšs cela, la force japonaise, constituĂ©e de six croiseurs et de plusieurs destroyers, se dĂ©routa vers le nord. La fusĂ©e fut Ă©galement vue par la force britannique, qui craignit d’avoir Ă©tĂ© identifiĂ©e et qui fit alors route vers le sud. À cet instant, les forces Ă©taient distantes l'une de l'autre d'environ 5 milles (km), mais aucune ne vit l'autre, et la force japonaise ne fut pas repĂ©rĂ©e par le radar du Prince of Wales. À 20 h 55, l'amiral Philips annula l'opĂ©ration, estimant qu'il avait perdu l'Ă©lĂ©ment de surprise, et ordonna Ă  sa force de retourner Ă  Singapour.

Sur le chemin du retour, elle fut repérée et signalée par le sous-marin japonais I-58 à 3 h 40[22]. Le I-58 reporta avoir tiré cinq torpilles sans succÚs, puis perdu de vue la flotte ennemie trois heures plus tard. La force britannique ne vit pas les torpilles, et ne sut rien de l'attaque. Le rapport du I-58 parvint au quartier général de la 22e flottille aérienne à 3 h 15, et dix bombardiers du groupe aérien Genzan furent envoyés à 6 h pour effectuer une recherche par secteur des bùtiments[21]. Beaucoup d'autres avions, dont certains étaient armés de bombes et d'autres de torpilles, suivirent bientÎt. Le groupe Genzan décolla à 7 h 55, le groupe Kanoya à 8 h 14, et le groupe Mihoro à 8 h 20[22]. Ils reçurent l'ordre de se diriger vers la meilleure position estimée des bùtiments[21].

L'attaque aérienne japonaise

Photo aĂ©rienne japonaise de l'attaque initiale sur le Prince of Wales (en haut) et le Repulse. Un court et Ă©pais panache de fumĂ©e noire est visible Ă©manant du Repulse, qui vient d'ĂȘtre frappĂ© par une torpille et encadrĂ© par au moins six torpilles Ă©vitĂ©es de justesse. Le Prince of Wales peut ĂȘtre vu en train de manƓuvrer. La fumĂ©e blanche provient des cheminĂ©es, les navires tentant d'augmenter la vitesse.

Le matin mĂȘme, le 10 dĂ©cembre Ă  0 h 50, Phillips reçut un rapport de Palliser Ă  propos de dĂ©barquements japonais Ă  Kuantan, sur la cĂŽte est de la Malaisie, Ă  mi-chemin entre Singapour et Kota Bahru. Phillips se dirigea dans cette direction, sans toutefois signaler Ă  Palliser ses intentions (ce qui aurait rĂ©vĂ©lĂ© sa position)[15]. Palliser n'avait pas prĂ©vu cela et demanda une couverture aĂ©rienne sur Kuantan aux F2A de la base de Sembawang[15]. Comme il fut avĂ©rĂ©, aucun message radio ne fut envoyĂ© Ă  la RAF jusqu'Ă  ce qu'un message du Repulse fĂ»t Ă©mis, une heure aprĂšs la premiĂšre attaque japonaise. À 5 h 15, des objets furent repĂ©rĂ©s sur l'horizon ; pensant qu'il s’agissait de la force d'invasion, la Force Z mit cap sur eux. Il s'avĂ©ra que ce n’était qu’un chalutier remorquant des barges. À 6 h 30, le Repulse rapporta avoir vu un avion d’observation. À 7 h 18, le Prince of Wales catapulta un avion de reconnaissance Supermarine Walrus qui vola jusqu’à Kuantan, ne vit rien, fit son rapport au Prince of Wales et mit le cap sur Singapour. L’Express, envoyĂ© pour enquĂȘter sur la zone, ne trouva rien. Phillips n'Ă©tait pas au courant qu'une grande force japonaise de bombardiers terrestres recherchait ses navires mais, n’ayant pas prĂ©vu son dĂ©tour par Kuantan, elle le recherchait beaucoup plus au sud. Aux environs de 10 h, le Tenedos, aprĂšs avoir Ă©tĂ© dĂ©tachĂ© de la force principale la veille et se trouvant Ă  environ 140 miles au sud-est de la Force Z, commença Ă  signaler qu’il Ă©tait attaquĂ© par des avions japonais[25] - [26]. L'attaque fut menĂ©e par neuf Mitsubishi G3M Nell, des avions-bombardiers moyens bimoteurs du Genzan KƍkĆ«tai, de la 22e flottille aĂ©rienne, basĂ©e Ă  SaĂŻgon, armĂ©s chacun d'une bombe anti-blindage de 500 kg. Ils prirent le destroyer pour un cuirassĂ© et gaspillĂšrent leurs bombes sans en mettre une seule au but. À 10 h 15, un avion de reconnaissance, au nord de la plupart des avions japonais, pilotĂ© par l’enseigne Masato Hoashi repĂ©ra la Force Z et envoya un message donnant sa position exacte[27] - [28].

Les avions japonais restants convergĂšrent sur la force britannique alors en retraite. Les avions avaient Ă©tĂ© Ă©parpillĂ©s pour rechercher les navires de guerre britanniques, de sorte qu'ils arrivĂšrent sur la cible par petits groupes. Comme ils commençaient Ă  ĂȘtre Ă  court de carburant, les Japonais attaquĂšrent aussitĂŽt plutĂŽt que de se rassembler pour lancer une attaque coordonnĂ©e. La premiĂšre vague, comprenant huit bombardiers Nell du Mihoro KƍkĆ«tai, attaqua Ă  11 h 13, en se concentrant uniquement sur le Repulse. Sept bombes de 250 kg furent Ă©vitĂ©es de justesse par le Repulse[29] - [30], une fit mouche et pĂ©nĂ©tra le pont supĂ©rieur et le hangar, et explosa dans le mess[31] - [32]. La bombe ne causa pas de dommages graves et fit relativement peu de victimes. Le Repulse continua Ă  25 nƓuds (46 km/h), luttant toujours[33]. Cinq des huit bombardiers furent touchĂ©s par des tirs antiaĂ©riens, et deux furent contraints de retourner Ă  leur base.

Aux alentours de 11 h 40, 17 avions-torpilleurs Nell (deux escadrons du Genzan KƍkĆ«tai) approchĂšrent les deux vaisseaux de ligne. Huit se concentrĂšrent sur le Repulse, tandis que neuf attaquĂšrent le Prince of Wales, envoyant huit torpilles vers le vaisseau amiral (un avion manqua son attaque sur le Prince of Wales et la reporta sur le Repulse)[34] - [35] Cette premiĂšre vague de bombardiers-torpilleurs, bien qu’unique, fut finalement catastrophique, une torpille frappa le Prince of Wales (et aucune ne toucha le Repulse), lĂ  oĂč son arbre d'hĂ©lice sort de la coque (certains comptes-rendus de l’époque[36] firent Ă©tat de deux coups au but lors de cette attaque, mais une vaste enquĂȘte en 2007 sur la coque de l'Ă©pave par des plongeurs prouva qu'il n'y eut qu’un seul)[37]. Tournant Ă  sa vitesse maximale, l'arbre se tordit et dĂ©tĂ©riora l’étoupe qui empĂȘchait l'eau de mer d'entrer dans le bateau. Rapidement, le vaisseau amiral embarqua 2 400 tonnes d'eau et sa vitesse chuta Ă  16 nƓuds (30 km/h)[33]. Le tĂ©moignage du lieutenant Wildish[38], responsable de la salle des machines « B », indiqua que l'arbre avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©, mais lors de son redĂ©marrage, l'eau se prĂ©cipita par le passage de l'arbre endommagĂ©, inondant la salle et forçant son Ă©vacuation. Le long passage de l’arbre fut Ă©galement inondĂ©, ainsi que la salle des machines « Y », la salle des dynamos diesel, la chaufferie « Y », le central auxiliaire des machines et un certain nombre d'autres compartiments arriĂšre[39].

L'Ă©quipage du Prince of Wales en train d'abandonner le navire qui sombre et embarquant sur le destroyer Express. Quelques instants plus tard, l’inclinaison du Prince of Wales augmenta soudainement, forçant l’Express Ă  se retirer. Les futs des canons de 5,25 pouces Ă©taient incapables d'avoir un azimut suffisamment bas pour engager les attaquants Ă  cause de la gĂźte.

Ce coup au but d’une torpille unique eut trois effets dĂ©vastateurs. Tout d'abord, il provoqua une gite de 11,5 degrĂ©s[33], ce qui rendit les tourelles anti-aĂ©riennes de 5,25 pouces du cĂŽtĂ© tribord incapables d'avoir un azimut suffisamment bas pour engager les bombardiers-torpilleurs. En outre, l’alimentation des doubles tourelles de 5,25 pouces Ă  l’arriĂšre du Prince of Wales[33] fut coupĂ©e, le laissant incapable de lutter efficacement contre de nouvelles attaques. La perte de l’alimentation de ses pompes le rendit incapable d’étaler le flux se prĂ©cipitant Ă  l’intĂ©rieur de la coque endommagĂ©e. DeuxiĂšmement, il mit hors service une grande partie de son alimentation Ă©lectrique auxiliaire, vitale pour les communications internes, la ventilation, le gouvernail et les pompes, tout comme l'Ă©lĂ©vation des affĂ»ts de canon de 5,25 pouces et de 2 livres. Toutes, sauf les tourelles S1 et S2 de 5,25 pouces, Ă©taient presque ingĂ©rables, un facteur aggravĂ© par la gite, ce qui rendit leurs servants incapables de les faire pivoter manuellement Ă  l'aide de chaĂźnes. Les Ă©quipages eurent aussi des difficultĂ©s pour manƓuvrer les lourdes montures des canons de 2 livres en mode manuel. TroisiĂšmement, l'inondation interne et les importants dĂ©gĂąts Ă  l'arbre causĂšrent l’arrĂȘt de l'arbre d'hĂ©lice intĂ©rieur, ne laissant seulement au navire que la puissance des moteurs tribords, en mesure de propulser le navire Ă  15 nƓuds au mieux, et avec son gouvernail Ă©lectrique ne rĂ©pondant pas, le navire Ă©tait pratiquement ingouvernable.

Une autre attaque Ă  la torpille fut conduite par des bombardiers-torpilleurs Betty du Kanoya KƍkĆ«tai Ă  environ 12 h 20[40], le Prince of Wales fut touchĂ© par trois autres torpilles sur son cĂŽtĂ© tribord (certains comptes-rendus de l’époque[36] font Ă©tat de quatre coups au but, mais un vaste enquĂȘte en 2007 sur la coque de l'Ă©pave par des plongeurs prouva qu'il y en avait eu seulement trois), une trĂšs Ă  l'avant, une en face de la tourelle principale B[note 2] et une Ă  l’arriĂšre de tourelle Y qui non seulement perça la coque mais aussi tordit l’arbre extĂ©rieur de l'hĂ©lice tribord en plus de l'arbre intĂ©rieur, stoppant immĂ©diatement le navire[41].

En mĂȘme temps que cette derniĂšre attaque Ă  la torpille contre le Prince of Wales, les avions du Kanoya KƍkĆ«tai attaquĂšrent Ă©galement le Repulse Ă  la fois par tribord et bĂąbord. Le Repulse, qui avait esquivĂ© 19 torpilles jusqu'Ă  prĂ©sent, pris en tenaille, fut frappĂ© sur le cĂŽtĂ© bĂąbord par une torpille. En quelques minutes, d'autres attaques mirent au moins trois torpilles au but[41]. Le Repulse n'avait pas de blindage anti-torpille, au contraire de son navire jumeau le Renown, et n'avait pas non plus de cloisonnements internes Ă©tanches et les subdivisions d'un cuirassĂ© moderne. Il avait Ă©tĂ© sĂ©rieusement touchĂ©, si bien que le capitaine William Tennant ordonna bientĂŽt Ă  l’équipage d'Ă©vacuer. Le Repulse gita fortement sur bĂąbord pendant six minutes environ[42], puis se retourna et coula Ă  12 h 33, avec de lourdes pertes[43].

Le Prince of Wales Ă©tait maintenant propulsĂ© par un seul arbre d'hĂ©lice, mais Ă©tait encore capable de tirer sur les bombardiers-torpilleurs attaquant Ă  haute altitude qui arrivĂšrent Ă  12 h 41, mais seulement avec les tourelles S1 et S2 de 5,25 pouces. Bien que la plupart des bombes l’aient encadrĂ©, une bombe atteignit le milieu du navire. Elle pĂ©nĂ©tra dans le pont supĂ©rieur et explosa parmi les blessĂ©s rassemblĂ©s au cinĂ©ma au-dessous, causant de fortes pertes. BientĂŽt le Prince of Wales commença Ă  chavirer sur bĂąbord (mĂȘme s’il avait encaissĂ© plus d’explosions de torpilles Ă  tribord) et Le HMS Express l’accosta Ă  couple pour embarquer les blessĂ©s et les non-combattants. L'ordre d'abandonner le navire fut ensuite donnĂ© et peu de temps aprĂšs le Prince of Wales chavira sur bĂąbord. Il coula Ă  13 h 18. Alors qu’il chavirait, il frotta l’Express, se tenant Ă  cĂŽtĂ© pour embarquer les survivants, avec sa quille manquant presque d'emporter le destroyer avec lui[44]. Le grondement des attaques fut entendu Ă  Singapour[45].

Des survivants du Prince of Wales et du Repulse dans l'eau alors qu’un destroyer manƓuvre pour les secourir.

Les Japonais avaient portĂ© huit coups au but avec leurs torpilles, quatre sur le Prince of Wales[41] et quatre sur le Repulse[46] - [47], sur 49 torpilles lancĂ©es, tout en ne perdant que trois avions au cours de l'attaque (un avion-torpilleur Nell du Genzan KƍkĆ«tai et deux bombardiers-torpilleurs Betty du Kanoya KƍkĆ«tai) et un quatriĂšme avion fut tellement endommagĂ© qu'il s'Ă©crasa Ă  l'atterrissage. Une Ă©tude des deux Ă©paves confirma qu'il n'y avait que quatre coups au but de torpilles sur le Prince of Wales, et qu’on ne pouvait que confirmer deux coups au but sur le Repulse, car le milieu du bateau oĂč les deux autres coups au but furent signalĂ©s Ă©tait enterrĂ© sous les fonds marins. L’expĂ©dition Job 74 du Club de l'explorateur, une inspection sous-marine par des plongeurs, fut achevĂ©e le [48].

La couverture aĂ©rienne affectĂ©e Ă  la Force Z, dix chasseurs Buffalo de l’escadron no 453 de la RAAF[21], arriva sur le champ de bataille Ă  13 h 18[44], alors que le Prince of Wales coulait. Ils accrochĂšrent l’avion de reconnaissance pilotĂ© par l’enseigne Masato Hoashi, qui avait dĂ©couvert la Force Z plus tĂŽt et qui Ă©tait retournĂ© pour confirmer les naufrages[49] - [50], mais il parvint Ă  s'Ă©chapper alors qu’ils donnaient la chasse[21]. S’il avait Ă©tĂ© abattu, les Japonais auraient considĂ©rĂ© que les deux navires avaient survĂ©cu Ă  l'attaque, les obligeant Ă  effectuer une autre frappe[14].

AprĂšs la bataille

Les destroyers Electra et Vampire firent mouvement pour sauver les survivants du Repulse, tandis que l’Express sauvait ceux du Prince of Wales. 840 marins furent perdus, 513 du Repulse et 327 du Prince of Wales. AprĂšs avoir Ă©tĂ© sauvĂ©s, quelques survivants du Repulse prirent les postes de combat pour libĂ©rer les marins de l’Electra afin qu’ils puissent sauver d'autres survivants. En particulier, les artilleurs du Repulse prirent les postes des tourelles X et Y de 4,7 pouces (120 mm), et le dentiste du Repulse aida les Ă©quipes mĂ©dicales de l’Electra pour soigner les blessĂ©s. Au total, prĂšs de 1 000 survivants du Repulse furent secourus, dont 571 par l’Electra. Le Vampire rĂ©cupĂ©ra neuf officiers, 213 matelots, et un correspondant de guerre civil du Repulse, et deux marins de Prince of Wales.

Parmi les officiers de haut rang Ă  bord du Prince of Wales, l'amiral Phillips et le capitaine de vaisseau John Leach choisirent de couler avec leur navire ; le principal survivant des officiers supĂ©rieurs Ă©tait le Lt Cdr A. G. Skipwith, le first lieutenant du navire, qui fut sauvĂ© par l’Express. Le capitaine de vaisseau William Tennant[51] du Repulse fut secouru par le Vampire[note 3].

Selon le compte rendu du London Gazette par le Flight Lieutenant Vigors :

« Il Ă©tait Ă©vident qu’il faudrait des heures aux trois destroyers pour repĂȘcher ces centaines d'hommes accrochĂ©s Ă  des dĂ©bris de l'Ă©pave et nageant autour dans l’eau crasseuse et huileuse. En plus de tout cela, la menace d'un autre bombardement et d’un mitraillage Ă©tait imminente. Chacun de ces hommes devaient l’avoir rĂ©alisĂ©. Pourtant, lorsque je survolais la scĂšne, chaque homme que je survolais me saluait et levait son pouce. AprĂšs une heure, le manque d'essence me força Ă  partir, mais pendant cette heure, j'avais vu beaucoup d'hommes en grand danger saluant, applaudissant et plaisantant, comme s’ils Ă©taient des vacanciers Ă  Brighton survolĂ© par un avion volant Ă  basse altitude. Cela me secoua, car il s'agissait lĂ  de quelque chose transcendant la nature humaine[52]. »

Sur le chemin du retour vers Singapour avec les survivants, l’Express dĂ©passa le Stronghold et les quatre destroyers amĂ©ricains allant vers le nord. L'Express signala que le sauvetage Ă©tait terminĂ©, mais les navires procĂ©dĂšrent Ă  la fouille de la zone Ă  la recherche d’autres survivants. Aucun ne fut trouvĂ©. En revenant Ă  Singapour de cette recherche, l’Edsall arraisonna le chalutier de pĂȘche observĂ© par la Force Z le matin. Le chalutier, identifiĂ© comme le Shofu Fu Maru, fut conduit Ă  Singapour, oĂč l'Ă©quipage japonais fut internĂ©.

Alors que les bombardiers japonais retournaient à leurs aérodromes en Indochine française, une deuxiÚme vague était préparée pour une autre attaque sur la Force Z. Ils n'avaient pas reçu d'informations précises sur la progression de la bataille. L'attaque fut annulée dÚs qu'ils reçurent confirmation des naufrages grùce à l'enseigne Hoashi[14].

Le lendemain, le lieutenant Haruki Iki s'envola pour le site de la bataille, et jeta Ă  la mer deux couronnes de fleurs dans la mer pour honorer les combattants des deux cĂŽtĂ©s qui Ă©taient morts dans la bataille. La premiĂšre Ă©tait pour les membres de son groupe aĂ©rien (le Kanoya KƍkĆ«tai), tandis que l'autre Ă©tait pour les marins britanniques dont la bravoure dans la dĂ©fense des bĂątiments avait suscitĂ© la plus grande admiration de tous les pilotes de son escadron[9].

Conséquence du naufrage

La cloche rĂ©cupĂ©rĂ©e sur l’épave du Prince of Wales

Le lendemain matin, aprÚs la bataille, le premier ministre Winston Churchill reçut un coup de téléphone à son chevet de Sir Dudley Pound, le First Sea Lord.

« Pound : Monsieur le premier ministre, je dois vous signaler que le Prince of Wales et le Repulse ont tous deux Ă©tĂ© coulĂ©s par les Japonais — nous prĂ©sumons par des avions. Tom Phillips s'est noyĂ©.
— Churchill : Êtes-vous sĂ»r que c'est exact ?
— Pound : Il n'y a aucun doute.
Churchill raccrocha.

Durant toute la guerre, je n'ai jamais reçu de choc plus direct
 Comme je me retournais et me tordais dans mon lit, toute l'horreur de ces nouvelles coula sur moi. Il n'y avait pas de navires britanniques ou amĂ©ricains dans l'ocĂ©an Indien ou le Pacifique Ă  l'exception des bĂątiments amĂ©ricains ayant survĂ©cu Ă  Pearl Harbor, et qui se hĂątaient vers la Californie. Dans toute cette vaste Ă©tendue d’eau, la suprĂ©matie du Japon Ă©tait totale, et nous Ă©tions partout faibles et nus[53]. »

Churchill annonça la nouvelle des naufrages à la Chambre des communes le 11 décembre avant midi, qui fut suivie par un examen complet de la situation en Malaisie le lendemain[53]. Singapour était essentiellement réduite à une base terrestre aprÚs que les deux vaisseaux de ligne eurent été perdus. La flotte orientale allait passer le reste de l'invasion à retirer ses navires sur Ceylan et les Indes orientales néerlandaises[2]. Elle ne fut pas renforcée par des cuirassés avant mars 1942, avec l'arrivée du HMS Warspite et quatre cuirassés de la classe Revenge[54]. Bien que les cinq navires de guerre survécurent au raid sur Ceylan, leur service dans le Pacifique se déroula sans incident et ils furent ensuite retirés vers l'Afrique de l'Est et la mer Méditerranée[55].

Le Prince of Wales et le Repulse furent les premiers navires de ligne se dĂ©fendant eux-mĂȘmes Ă  ĂȘtre coulĂ©s en haute mer uniquement par une force aĂ©ronavale. Pourtant, les deux cuirassĂ©s Ă©taient des navires relativement rapides, par rapport aux cuirassĂ©s amĂ©ricains coulĂ©s lors de l'attaque de Pearl Harbor. En outre, le Prince of Wales Ă©tait un cuirassĂ© rĂ©cent avec des dĂ©fenses anti-aĂ©riennes passives et actives contre les aĂ©ronefs modernes, Ă©tant Ă©quipĂ© du HACS, bien qu’il fĂ»t en grande partie inutilisĂ© pendant la bataille[9] - [17] - [10].

CombinĂ© avec le raid sur Pearl Harbor, ceci ne laissa aux AlliĂ©s que quatre navires de ligne opĂ©rationnels sur le thĂ©Ăątre du Pacifique : trois porte-avions, l'USS Enterprise, l’USS Lexington et l’USS Saratoga, et un cuirassĂ© opĂ©rationnel, l’USS Colorado[6]. Cependant, ces Ă©vĂ©nements firent rĂ©aliser aux AlliĂ©s et Ă  la marine amĂ©ricaine en particulier la puissance de l'avion. Leurs porte-avions seraient l’élĂ©ment essentiel Ă  la contre-attaque. Le Genzan KƍkĆ«tai tenterait une attaque Ă  la torpille sur l’USS Lexington le 20 fĂ©vrier 1942, perdant dix-sept avions par la chasse embarquĂ©e et Ă  la dĂ©fense antiaĂ©rienne.

Les navires aujourd'hui

Les Ă©paves des deux navires ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es aprĂšs la guerre, le Repulse gisant par 56 m de fond, et le Prince of Wales sous 68 m d’eau. Tous les deux sont dans une position presque sens dessus dessous. Des bouĂ©es sont arrimĂ©es aux lignes d'arbres, et, jusqu'en 2016, des pavillons de la Royal Navy (White Ensign) Ă©taient fixĂ©s aux hĂ©lices et rĂ©guliĂšrement changĂ©s par des plongeurs. Ces Ă©paves de la Royal Navy sont la propriĂ©tĂ© de la Couronne britannique. La cloche du Prince of Wales a Ă©tĂ© retirĂ©e de l'Ă©pave en 2002 par une Ă©quipe de la Royal Navy et des plongeurs civils britanniques de crainte qu'elle ne fĂ»t volĂ©e par des plongeurs non autorisĂ©s. La cloche est exposĂ©e au musĂ©e maritime de Merseyside Ă  Liverpool. Par tradition, tous les navires de la Royal Navy de passage effectuent un service commĂ©moratif sur le site des Ă©paves[56].

Notes et références

Notes

  1. Trois avions furent abattus pendant l'attaque, un s'est écrasé à l'atterrissage, et deux avions de reconnaissance ne parvinrent pas à revenir de leurs missions.
  2. Sur les bĂątiments britanniques, les tourelles d’artillerie principales sont nommĂ©es par des lettres. "A", "B", voire "C", pour celles placĂ©es Ă  l’avant ("A" Ă©tant la plus en avant), "X", "Y", voire "Z", pour celles de l’arriĂšre ("X" Ă©tant la moins Ă  l’arriĂšre).
  3. William Tennant, promu contre-amiral commandera deux croiseurs britanniques, détachés par l'Eastern Fleet lors de l'opération Vigourous, tentative de ravitaillement de Malte qui n'aboutira pas en juin 1942. Il finira sa carriÚre amiral aprÚs la guerre.

Références

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Annexes

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Liens externes

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