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Akira Kurosawa

Akira Kurosawa (黒柀 明, Kurosawa Akira) est un rĂ©alisateur, producteur, scĂ©nariste et monteur japonais, nĂ© le Ă  Tokyo, oĂč il est mort le . Il est considĂ©rĂ© comme l’un des cinĂ©astes les plus cĂ©lĂšbres et influents de l’histoire du cinĂ©ma. En cinquante-sept ans de carriĂšre cinĂ©matographique, il a rĂ©alisĂ© plus de trente films.

Akira Kurosawa
黒柀 明
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Akira Kurosawa vers 1953.
Surnom AK, Sensei, l’Empereur[1]
Naissance
Shinagawa, Tokyo (Japon)
Nationalité Drapeau du Japon japonaise
DĂ©cĂšs (Ă  88 ans)
Setagaya, Tokyo (Japon)
Profession Réalisateur, producteur, scénariste et monteur
Films notables Rashƍmon
Les Sept SamouraĂŻs
Barberousse
Dersou Ouzala
Kagemusha, l’Ombre du guerrier
Ran

AprĂšs une brĂšve expĂ©rience de peintre, Akira Kurosawa entre dans l’industrie cinĂ©matographique japonaise en 1936 en tant qu’assistant rĂ©alisateur et scĂ©nariste. Il fait ses dĂ©buts en tant que rĂ©alisateur pendant la Seconde Guerre mondiale avec le film d’action populaire La LĂ©gende du grand judo (槿侉曛郎, Sugata Sanshirƍ, 1943). Son huitiĂšme long mĂ©trage, L’Ange ivre (é…”ă„ă©ă‚Œć€©äœż, Yoidore tenshi), sort en 1948 et est acclamĂ© par la critique, consolidant sa rĂ©putation. Ce film marque les dĂ©buts de sa collaboration avec l’acteur Toshirƍ Mifune, qui va tourner dans seize de ses films.

Pour Rashƍmon (矅生門), dont la premiĂšre a lieu Ă  Tokyo en , Akira Kurosawa reçoit le Lion d’or de la Mostra de Venise. Cette rĂ©compense inattendue permet au film d’ĂȘtre diffusĂ© en Europe et en AmĂ©rique du Nord. Son succĂšs public et critique ouvre les portes de l’Occident au cinĂ©ma japonais et permet Ă  d’autres cinĂ©astes japonais d’obtenir une reconnaissance internationale. Des annĂ©es 1950 au dĂ©but des annĂ©es 1960, Kurosawa rĂ©alise environ un film par an, dont Vivre (生きる, Ikiru, 1952), Les Sept SamouraĂŻs (䞃äșșăźäŸ, Shichinin no samurai, 1954) et Le Garde du corps (ç”šćżƒæŁ’, Yƍjinbƍ, 1961). Au dĂ©but des annĂ©es 1970, il devient beaucoup moins prolifique, mais ses Ɠuvres tardives — dont Kagemusha, l’Ombre du guerrier (ćœ±æ­Šè€…, Kagemusha, 1980) et Ran (äč±, 1985) — continuent de remporter des prix, dont la Palme d’or au Festival de Cannes pour Kagemusha.

En 1990, il reçoit l’Oscar d’honneur dĂ©cernĂ© par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences « pour l’ensemble de ses rĂ©alisations qui ont inspirĂ©, ravi, enrichi et diverti le public mondial et influencĂ© les cinĂ©astes du monde entier ». En 1999, il est nommĂ© Ă  titre posthume « PersonnalitĂ© asiatique du siĂšcle » dans la catĂ©gorie « Arts, littĂ©rature, et culture » par le magazine Asiaweek et CNN, prĂ©sentĂ© comme « l’une des cinq personnes ayant le plus contribuĂ© Ă  l’épanouissement de l’Asie durant les cent derniĂšres annĂ©es ».

Biographie

Enfance et éducation cinématographique (1910-1935)

Kurosawa naĂźt le [2] dans le quartier de Higashiƍi (arrondissement de Shinagawa) Ă  Tokyo. Son pĂšre Isamu, descendant d’une famille de samouraĂŻs de la prĂ©fecture d’Akita, est directeur de l’école secondaire de l’Institut d’éducation physique de l’armĂ©e, tandis que sa mĂšre vient d’une famille de marchands d’Osaka[3]. Il est le benjamin d’une lignĂ©e de sept enfants. Deux d’entre eux sont presqu’adultes Ă  sa naissance, et une de ses sƓurs meurt peu de temps aprĂšs. Kurosawa ne grandit alors qu’avec trois de ses frĂšres et sƓurs[3] - [4].

En plus de promouvoir l’exercice physique, son pĂšre, Isamu Kurosawa, considĂšre la culture occidentale — et plus particuliĂšrement le cinĂ©ma et le thĂ©Ăątre — comme un point essentiel de l’éducation : le jeune Akira dĂ©couvre le cinĂ©ma Ă  l’ñge de 6 ans[5]. Sous l’influence d’un de ses professeurs d’école Ă©lĂ©mentaire, M. Tachikawa, il se passionne pour la peinture et le dessin[6]. À cette Ă©poque, il Ă©tudie Ă©galement la calligraphie et le kendo[7].

L’enfance d’Akira Kurosawa est Ă©galement trĂšs influencĂ©e par son frĂšre Heigo, de quatre ans son aĂźnĂ©. Kurosawa rapporte qu’à la suite du sĂ©isme du Kantƍ de 1923, Heigo l’emmĂšne dans les quartiers les plus dĂ©truits de la capitale et que lorsqu’il tente de dĂ©tourner les yeux des cadavres jonchant les rues, son frĂšre l’en empĂȘche pour l’obliger Ă  affronter ses peurs. Pour certains critiques, cet Ă©vĂ©nement a fortement influencĂ© la sensibilitĂ© de Kurosawa[8] - [9].

Heigo est un Ă©lĂšve brillant, mais Ă©choue Ă  son examen d’entrĂ©e au lycĂ©e. À la suite de cet Ă©chec, il se dĂ©tache peu Ă  peu de sa famille, et se concentre sur la littĂ©rature Ă©trangĂšre[4]. À la fin des annĂ©es 1920, Heigo devient benshi (commentateur de films muets) et se fait connaĂźtre sous le nom de Suda Teimei. Akira, qui veut alors devenir peintre de style occidental[10], emmĂ©nage avec son frĂšre[11]. GrĂące Ă  Heigo, Akira dĂ©couvre non seulement le cinĂ©ma, mais Ă©galement le thĂ©Ăątre et le cirque[12]. Dans le mĂȘme temps, il expose ses toiles et travaux dans le cadre des expositions de la Ligue des artistes prolĂ©tariens. Mais il n’arrive pas Ă  vivre de sa peinture et finit par s’en lasser. Il se dĂ©tourne aussi de la politique alors que la rĂ©pression policiĂšre s’est accentuĂ©e[13].

Avec l’avĂšnement du cinĂ©ma parlant au dĂ©but des annĂ©es 1930, il devient difficile pour les benshi comme Heigo de trouver du travail, et Akira retourne chez ses parents. En , Heigo se suicide avec sa compagne. Kurosawa dĂ©crit cette mort comme un sentiment durable de perte[14], et l’évoque dans le chapitre intitulĂ© « Une histoire dont je ne veux pas parler » de son autobiographie[15]. Seulement quatre mois aprĂšs la mort de Heigo, son frĂšre aĂźnĂ© meurt Ă©galement[11] - [15].

Apprentissage de la réalisation (1935-1941)

Photographie en noir et blanc d’un jeune homme japonais en costume au premier plan devant un autre homme quelques mùtres derriùre lui. Un chñteau se trouve à l’arriùre-plan.
Akira Kurosawa, assistant rĂ©alisateur de Mikio Naruse (Ă  droite) durant le tournage d’Avalanche. En arriĂšre-plan, le chĂąteau de Nagoya.

En 1935, le nouveau studio de cinĂ©ma « Photo Chemical Laboratories » — abrĂ©gĂ© PCL, et qui devient par la suite le studio Tƍhƍ — recherche des assistants rĂ©alisateurs. Bien qu’il n’ait jamais envisagĂ© de travailler dans le cinĂ©ma et qu’il ait dĂ©jĂ  un travail d’illustrateur de livres, Kurosawa rĂ©pond Ă  l’annonce du studio, qui demande aux candidats de rĂ©diger un essai sur les dĂ©fauts fondamentaux des films japonais et les moyens d’y remĂ©dier. Kurosawa explique dans son papier que si ces dĂ©fauts sont fondamentaux, alors il n’y a aucun moyen de les corriger. Cette lettre au ton moqueur lui permet de passer les examens suivants. Le rĂ©alisateur Kajirƍ Yamamoto, qui fait partie des recruteurs, insiste pour que Kurosawa soit embauchĂ©. En , Ă  l’ñge de 25 ans, Kurosawa entre chez PCL[16] - [17].

Au cours de ses cinq annĂ©es en tant qu’assistant, Kurosawa travaille pour un nombre important de rĂ©alisateurs diffĂ©rents, mais celui qui lui apporte le plus reste Kajirƍ Yamamoto. Sur ses vingt-quatre films en tant qu’assistant rĂ©alisateur, dix-sept sont rĂ©alisĂ©s par Yamamoto, la plupart Ă©tant des comĂ©dies jouĂ©es par l’acteur Ken’ichi Enomoto, plus connu sous le nom de « Enoken »[18]. Yamamoto cultive le talent de Kurosawa et le fait passer en une annĂ©e de troisiĂšme assistant Ă  « assistant rĂ©alisateur en chef »[19]. Les responsabilitĂ©s de Kurosawa s’accroissent, et son travail va de l’élaboration des scĂšnes et du dĂ©veloppement du film aux repĂ©rages des lieux de tournage, en passant par la finition du scĂ©nario, les rĂ©pĂ©titions, l’éclairage, le doublage, le montage et la direction de la seconde Ă©quipe[20]. Dans son dernier film en tant qu’assistant rĂ©alisateur, Cheval (銏, Uma, 1941), Kurosawa prend en charge l’essentiel de la production, Yamamoto Ă©tant dĂ©jĂ  occupĂ© par le tournage d’un autre film[21].

Yamamoto confie Ă  Kurosawa qu’un bon rĂ©alisateur doit avant tout ĂȘtre un excellent scĂ©nariste[22]. Kurosawa comprend alors qu’il peut ĂȘtre davantage rĂ©munĂ©rĂ© en Ă©crivant des scĂ©narios plutĂŽt qu’en restant assistant rĂ©alisateur[23]. Par la suite, il Ă©crit ou coĂ©crit tous ses films, et Ă©crit frĂ©quemment des scĂ©narios pour d’autres rĂ©alisateurs, comme celui du film Le Triomphe des ailes (çżŒăźć‡±æ­Œ, Tsubasa no gaika, 1942) de Satsuo Yamamoto. L’écriture de scĂ©narios pour d’autres rĂ©alisateurs est pour Kurosawa une activitĂ© lucrative, qui dure jusque dans les annĂ©es 1960, bien aprĂšs qu’il soit devenu cĂ©lĂšbre[24].

Guerre, censure et mariage (1942-1945)

Durant les deux ans suivant la sortie de Cheval en 1941, Kurosawa est en quĂȘte d’une histoire qui pourrait lancer sa carriĂšre de rĂ©alisateur. Vers la fin de l’annĂ©e 1942, environ un an aprĂšs le dĂ©but de la guerre entre le Japon et les États-Unis, le romancier Tsuneo Tomita publie Sugata Sanshirƍ, un roman sur la naissance du judo Ă©crit dans le style de Miyamoto Musashi. IntriguĂ© par le livre, Kurosawa l’achĂšte le jour de sa publication ; aprĂšs l’avoir lu d’une traite, il demande immĂ©diatement Ă  la Tƍhƍ d’en acquĂ©rir les droits d’adaptation. Son intuition s’est avĂ©rĂ©e juste puisque, en l’espace de quelques jours, trois autres grands studios japonais proposent Ă©galement d’acheter les droits. La Tƍhƍ finit par les obtenir, et Kurosawa entame la prĂ©production de son premier film en tant que rĂ©alisateur[25] - [26].

Affiche d’un film avec des inscriptions en japonais. En haut de l’affiche, un homme et une femme regardent devant eux. Le bas de l’affiche montre plusieurs hommes dans un champ.
Affiche de La LĂ©gende du grand judo lors de la ressortie du film au Japon en 1952.

Le tournage de La LĂ©gende du grand judo (槿侉曛郎, Sugata Sanshirƍ) dĂ©bute Ă  Yokohama en . La production du film ne pose pas de problĂšme, mais la censure, qui avait donnĂ© son accord en amont conformĂ©ment Ă  la loi sur le cinĂ©ma de 1939[27], juge le rĂ©sultat du tournage trop « anglo-saxon ». La LĂ©gende du grand judo doit finalement sa sortie le au rĂ©alisateur Yasujirƍ Ozu, qui dĂ©fend le film. NĂ©anmoins, dix-huit minutes de la version initiale sont censurĂ©es. La plupart de ces coupes sont aujourd’hui considĂ©rĂ©es comme dĂ©finitivement perdues[28] - [29]. La LĂ©gende du grand judo est un film caractĂ©ristique de l’idĂ©ologie de l’époque. Il exalte les vertus morales et l’abnĂ©gation du petit peuple, par opposition Ă  l’égoĂŻsme et Ă  la mĂ©chancetĂ© des bourgeois occidentalisĂ©s, reprĂ©sentĂ©s par le personnage de Gennosuke.

Kurosawa s’intĂ©resse ensuite au sujet des femmes ouvriĂšres en temps de guerre dans Le Plus Beau (侀ç•ȘçŸŽă—ă, Ichiban utsukushiku), un film de propagande tournĂ© dans un style semi-documentaire au dĂ©but de l’annĂ©e 1944. Le scĂ©nario, Ă©crit par Kurosawa, met en scĂšne un groupe de jeunes ouvriĂšres dans une usine de lentilles optiques Ă  usage militaire qui fait tout son possible malgrĂ© les difficultĂ©s pour augmenter sa productivitĂ©. Pour obtenir des performances rĂ©alistes de la part des actrices, Kurosawa les fait vivre dans une vĂ©ritable usine pendant le tournage, manger la nourriture de l’usine et s’appeler les unes les autres par les noms de leurs personnages. Il utilise des mĂ©thodes similaires avec ses interprĂštes tout au long de sa carriĂšre[30] - [31].

Au cours de la production, Yƍko Yaguchi[alpha 1], l’actrice interprĂ©tant la meneuse du groupe d’ouvriĂšres, est choisie par ses collĂšgues pour prĂ©senter Ă  Kurosawa leurs exigences. Paradoxalement, alors qu’ils s’opposent en permanence, Yaguchi et Kurosawa se rapprochent. Ils se marient le , alors que Yƍko est enceinte de deux mois. Ils restent mariĂ©s jusqu’à la mort de Yƍko en 1985[32] - [33]. Ils ont ensemble deux enfants : un fils, Hisao, nĂ© le , producteur de quelques-uns des derniers projets de son pĂšre, et une fille, Kazuko, nĂ©e le , chef costumiĂšre[34].

Photographie en noir et blanc prise en plongĂ©e lors du tournage du film, l’équipe technique est au premier plan et les acteurs au second plan.
Tournage des Hommes qui marchĂšrent sur la queue du tigre en .

Juste avant son mariage, Kurosawa est pressĂ© par le studio de donner une suite Ă  La LĂ©gende du grand judo. Le film de propagande La Nouvelle LĂ©gende du grand judo (çșŒć§żäž‰ć››éƒŽ, Zoku Sugata Sanshirƍ) sort en , et est souvent considĂ©rĂ© comme l’une des Ɠuvres les moins abouties de Kurosawa[35] - [36] - [37] - [38] - [39].

Dans le contexte de pĂ©nurie des derniers mois de la guerre, Kurosawa dĂ©cide d’écrire le scĂ©nario d’un film moins onĂ©reux Ă  produire que les prĂ©cĂ©dents. Les Hommes qui marchĂšrent sur la queue du tigre (è™Žăźć°Ÿă‚’èžă‚€ç”·é”, Tora no o o fumu otokotachi), basĂ© sur la piĂšce de kabuki Kanjinchƍ, avec Enoken, est achevĂ© en . À cette date, le Japon vient de capituler, et l’occupation du pays par les AlliĂ©s a commencĂ©. Le systĂšme de censure mis en place par les AmĂ©ricains, Ă  l’encontre de tous les films japonais rĂ©alisĂ©s pendant la guerre, bloque la diffusion du film, estimant qu’il dĂ©fend des valeurs « fĂ©odales ». Le film avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© critiquĂ© par les censeurs japonais en temps de guerre, qui le jugeaient trop occidental et « dĂ©mocratique ». Ils regrettaient notamment le rĂŽle du porteur comique interprĂ©tĂ© par Enoken. Le film n’aurait donc probablement pas vu le jour mĂȘme si la guerre s’était poursuivie plus longtemps. Il ne sort finalement qu’en 1952, sept ans aprĂšs son tournage[40] - [41].

Travaux d'aprĂšs-guerre (1946-1950)

Au lendemain de la guerre, Kurosawa est inspirĂ© par les idĂ©aux dĂ©mocratiques du nouveau rĂ©gime nĂ© de l’occupation. Le premier film rĂ©sultant de cette inspiration est Je ne regrette rien de ma jeunesse (ă‚ăŒé’æ˜„ă«æ‚”ăȘし, Waga seishun ni kuinashi), sorti en 1946, basĂ© sur l’incident de Takigawa de 1933 et l’affaire de l’espion Hotsumi Ozaki, dans lequel le rĂ©alisateur critique le rĂ©gime japonais d’avant-guerre[alpha 2]. Le personnage central du film est une femme, Yukie (interprĂ©tĂ©e par Setsuko Hara), qui cherche sa place dans un contexte de crise politique. Le scĂ©nario original, Ă©crit par Eijirƍ Hisaita, doit ĂȘtre revu et corrigĂ© de façon importante en raison de ses thĂšmes politiques. Le film divise la critique, tant par son sujet controversĂ© que par le sexe de son personnage principal. En revanche, le succĂšs auprĂšs du public est prĂ©sent, et le titre du film devient une phrase culte d’aprĂšs-guerre[43] - [44] - [45] - [46].

Son film suivant, Un merveilleux dimanche (çŽ æ™Žă‚‰ă—ăæ—„æ›œæ—„, Subarashiki nichiyƍbi), sort en et reçoit un accueil critique mitigĂ©. Il s’agit de l’histoire d’amour relativement simple d’un couple appauvri par la guerre qui souhaite profiter de son jour de repos. Pour ce film, Kurosawa est influencĂ© par les Ɠuvres de Frank Capra, D. W. Griffith et F. W. Murnau, des cinĂ©astes qu’il admire profondĂ©ment[47] - [48]. En 1947 sort La Montagne d’argent (銀ć¶șăźæžœăŠ, Ginrei no hate), un film de Senkichi Taniguchi et Ă©crit par Kurosawa. Ce film marque les dĂ©buts du jeune acteur Toshirƍ Mifune. C’est Kurosawa, avec l’aide de Yamamoto, qui insiste pour que le studio Tƍhƍ engage Mifune[49].

Photographie en noir et blanc d’un homme en costume avec des lunettes en train de parler à un interlocuteur en face de lui et non visible.
Dans L’Ange ivre, Takashi Shimura incarne le mĂ©decin dĂ©vouĂ© qui aide le gangster incarnĂ© par Mifune.

L’annĂ©e suivante sort L’Ange ivre (é…”ă„ă©ă‚Œć€©äœż, Yoidore tenshi). Bien que le scĂ©nario doive ĂȘtre rĂ©Ă©crit Ă  cause de la censure de l’occupation, Kurosawa a le sentiment de pouvoir enfin s’exprimer librement. Le film raconte l’histoire d’un mĂ©decin tentant de sauver un yakuza de la tuberculose. Il s’agit de la premiĂšre collaboration entre le rĂ©alisateur et Mifune. Cette collaboration se poursuit durant les seize films suivants du cinĂ©aste (hormis Vivre), oĂč Mifune joue les premiers rĂŽles. À l’origine, Mifune n’est pas censĂ© jouer le personnage principal de L’Ange ivre, mais sa prestation de yakuza est telle qu’il domine le film et Ă©clipse le rĂŽle du docteur alcoolique tenu par Takashi Shimura. Kurosawa dĂ©cide alors de ne pas gĂȘner la montĂ©e en puissance du jeune acteur. Le jeu de rebelle de Mifune conquiert aussitĂŽt le public. L’avant-premiĂšre a lieu en , et le film est Ă©lu meilleur film de l’annĂ©e par la prestigieuse revue Kinema Junpƍ. Au total, trois films de Kurosawa seront ainsi rĂ©compensĂ©s[50] - [51] - [52] - [53].

Avec le producteur Sƍjirƍ Motoki et les rĂ©alisateurs Kajirƍ Yamamoto, Mikio Naruse et Senkichi Taniguchi, Kurosawa fonde l’Association artistique cinĂ©matographique (æ˜ ç”»èŠžèĄ“ć”äŒš, Eiga Geijutsu Kyƍkai). Pour les dĂ©buts de cette organisation, et pour son premier film pour Daiei, Kurosawa adapte avec Taniguchi une piĂšce contemporaine de Kazuo Kikuta. Le Duel silencieux (静かăȘるæ±ș闘, Shizukanaru kettƍ) a pour tĂȘte d’affiche Toshirƍ Mifune en jeune mĂ©decin idĂ©aliste luttant contre la syphilis. Il s’agit d’une tentative dĂ©libĂ©rĂ©e de Kurosawa de sortir Mifune des rĂŽles de gangsters. Sorti en , le film est un succĂšs au box-office, mais est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ© comme l’un des moins bons du cinĂ©aste[54] - [55] - [56] - [57].

Son second film de l’annĂ©e 1949, Ă©galement produit par l’Association artistique cinĂ©matographique et distribuĂ© par la Shintƍhƍ, est Chien enragĂ© (é‡Žè‰ŻçŠŹ, Nora inu), l’un de ses films les plus cĂ©lĂšbres. Ce film policier raconte l’histoire d’un jeune dĂ©tective (interprĂ©tĂ© par Mifune) obsĂ©dĂ© par son pistolet volĂ© par un dĂ©muni qui s’en sert pour commettre des crimes. Il est chargĂ© d’assister le commissaire Sato, dont la perspicacitĂ© pour remonter jusqu’au coupable rappelle celle du commissaire Maigret. AdaptĂ© d’un roman de Kurosawa lui-mĂȘme, et Ă©crit dans le style de l’un de ses auteurs favoris — en l’occurrence Georges Simenon —, il s’agit avant tout de sa premiĂšre collaboration avec le scĂ©nariste RyĆ«zƍ Kikushima. L’une des sĂ©quences les plus cĂ©lĂšbres du film, d’une durĂ©e de huit minutes et sans dialogues, reprĂ©sente le jeune dĂ©tective dĂ©guisĂ© en pauvre vĂ©tĂ©ran errant dans les rues Ă  la recherche de son arme ; cette sĂ©quence utilise des plans d’un documentaire sur la ville de Tokyo ravagĂ©e par la guerre, rĂ©alisĂ© par Ishirƍ Honda, un ami de Kurosawa et futur rĂ©alisateur de Godzilla (ă‚Žă‚žăƒ©, Gojira)[58] - [59] - [60].

Scandale (醜聞, ShĆ«bun), produit par la Shƍchiku et sorti en , est inspirĂ© d’une expĂ©rience personnelle du rĂ©alisateur avec la presse Ă  scandale. Le film mĂȘle drame judiciaire et problĂšmes sociaux sur fond de libertĂ© d’expression et de responsabilitĂ©s personnelles. Mais Kurosawa juge le travail flou et peu satisfaisant, rejoignant ce que s’accorde Ă  dire la majoritĂ© des critiques[61] - [62] - [63] - [64]. Cependant, c’est avec son second film de 1950, Rashƍmon (矅生門), que Kurosawa finit par gagner un tout nouveau public.

Reconnaissance internationale (1950-1958)

AprĂšs la sortie de Scandale, Kurosawa est approchĂ© par les studios Daiei, afin qu’il rĂ©alise un deuxiĂšme film pour eux aprĂšs Le Duel silencieux. Le rĂ©alisateur choisit alors le script d’un jeune scĂ©nariste, Shinobu Hashimoto, basĂ© sur la nouvelle de RyĆ«nosuke Akutagawa intitulĂ©e Dans le fourrĂ© (è—Șた䞭, Yabu no naka) qui narre le meurtre d’un samouraĂŻ et le viol de sa femme. Kurosawa voit dans cette nouvelle un potentiel cinĂ©matographique, et dĂ©cide de la dĂ©velopper avec l’aide de Hashimoto. Daiei accueille le projet avec enthousiasme d’autant que le budget requis semble faible avec ses deux uniques dĂ©cors et un tournage majoritairement en extĂ©rieur[65]. Matsutarƍ Kawaguchi, alors cadre Ă  la Daiei, se plaindra plus tard auprĂšs de Kurosawa d’avoir Ă©tĂ© roulĂ© tant l’imposant dĂ©cor de la porte Rashƍ a Ă©tĂ© couteux[66].

Le tournage de Rashƍmon se dĂ©roule du au dans les grands espaces montagneux de la forĂȘt de Nara puis dans la forĂȘt qui longe le Konkai kƍmyƍ-ji Ă  Kyoto. La post-production du film dure une seule semaine, et est gĂȘnĂ©e par un incendie dans les studios. L’avant-premiĂšre a lieu le au thĂ©Ăątre impĂ©rial de Tokyo, la sortie nationale le lendemain. Les critiques sont partagĂ©es, intriguĂ©es par le thĂšme unique du film. Il s’agit nĂ©anmoins d’un succĂšs financier modĂ©rĂ© pour la sociĂ©tĂ© Daiei[66] - [67] - [68].

Photographie en noir et blanc d’un homme barbu, assis en costume noir. L’individu regarde Ă  droite de l’objectif de la camĂ©ra.
L’Idiot est adaptĂ© du roman de Fiodor DostoĂŻevski, Ă©crivain prĂ©fĂ©rĂ© de Kurosawa et influence majeure de son Ɠuvre.

Le film suivant de Kurosawa, pour Shƍchiku, est L’Idiot (癜痎, Hakuchi), une adaptation du roman de l’écrivain prĂ©fĂ©rĂ© du rĂ©alisateur, Fiodor DostoĂŻevski. Le cinĂ©aste dĂ©localise l’histoire de la Russie Ă  Hokkaidƍ, mais reste trĂšs fidĂšle Ă  l’Ɠuvre originale, ce que de nombreuses critiques jugent dommageable pour le film. JugĂ© trop long, le film de Kurosawa est raccourci, passant de 265 minutes (prĂšs de 4 h 30) Ă  166 minutes, ce qui rend l’histoire difficilement comprĂ©hensible. À sa sortie, les critiques sont trĂšs mauvaises, mais le film rencontre un succĂšs modĂ©rĂ© auprĂšs du public, essentiellement grĂące Ă  la prĂ©sence de Setsuko Hara[69] - [70] - [71] - [72].

Pendant ce temps, Ă  l’insu de Kurosawa, Rashƍmon est sĂ©lectionnĂ© Ă  la Mostra de Venise grĂące aux efforts de Giuliana Stramigioli, une reprĂ©sentante basĂ©e au Japon d’une sociĂ©tĂ© de production italienne. Le , Rashƍmon reçoit la plus haute distinction du festival, le Lion d’or. Cette rĂ©compense surprend l’ensemble du monde du cinĂ©ma, qui Ă  l’époque ignorait quasiment tout de la tradition cinĂ©matographique du Japon[73].

Daiei exploite alors briĂšvement le film Ă  Los Angeles jusqu’à ce que RKO rachĂšte les droits de distribution sur le sol des États-Unis. Le risque est grand pour RKO : Ă  l’époque, un seul film sous-titrĂ© est sur le marchĂ© amĂ©ricain, et le seul film japonais ayant Ă©tĂ© distribuĂ© Ă  New York, une comĂ©die de Mikio Naruse en 1937, a Ă©tĂ© un Ă©chec critique et commercial. Pourtant, l’exploitation de Rashƍmon est un succĂšs, aidĂ©e par de nombreux critiques dont Ed Sullivan : lors des trois premiĂšres semaines, le film engrange 35 000 $, et ce dans un seul cinĂ©ma de New York. Le public français quant Ă  lui dĂ©couvre le film en salles en [74]. Ce succĂšs entraĂźne un regain d’intĂ©rĂȘt pour les films japonais en Occident dans les annĂ©es 1950, Ă©clipsant le cinĂ©ma nĂ©orĂ©aliste italien[75]. GrĂące Ă  cette renommĂ©e, les films d’autres cinĂ©astes japonais commencent Ă  recevoir des rĂ©compenses et Ă  ĂȘtre distribuĂ©s en Occident, comme ceux de Kenji Mizoguchi, et plus tard ceux de Yasujirƍ Ozu, des cinĂ©astes reconnus au Japon mais totalement inconnus dans cette partie du monde[76].

Affiche d’un film avec des inscriptions en japonais. Elle prĂ©sente deux individus, un homme ĂągĂ© en costume et une jeune femme en train de jouer Ă  la balançoire, souriants.
Affiche japonaise de Vivre (1952).

Sa carriĂšre gonflĂ©e par sa reconnaissance internationale, Kurosawa retourne chez Tƍhƍ et travaille sur son prochain film, Vivre (生きる, Ikiru). Le film met en scĂšne Watanabe (Takashi Shimura), un fonctionnaire atteint d’un cancer qui cherche Ă  donner un dernier sens Ă  sa vie. Pour le scĂ©nario, Kurosawa s’allie Ă  Hashimoto et Ă  l’écrivain Hideo Oguni, avec qui il coĂ©crit douze films. MalgrĂ© le sujet grave, les scĂ©naristes abordent le rĂ©cit d’une maniĂšre satirique, ce que certains comparent au travail de Bertolt Brecht. Cette stratĂ©gie leur a permis d’éviter ce sentimentalisme commun qui rĂšgne habituellement autour de personnages atteints de maladies incurables. Vivre sort en , Kurosawa est rĂ©compensĂ© de son deuxiĂšme « meilleur film » de Kinema Junpƍ, et le film remporte un grand succĂšs au box-office[77] - [78] - [79].

En , Kurosawa s’isole durant 45 jours avec les deux scĂ©naristes de Ikiru, Shinobu Hashimoto et Hideo Oguni. Ensemble, ils Ă©crivent le scĂ©nario du prochain film du cinĂ©aste, Les Sept SamouraĂŻs (䞃äșșăźäŸ, Shichinin no samurai). Il s’agit du premier vĂ©ritable chanbara de Kurosawa, genre pour lequel il est aujourd’hui le plus connu. L’histoire, celle d’un pauvre village de l’époque Sengoku qui fait appel Ă  un groupe de samouraĂŻs afin de se dĂ©fendre des bandits, est traitĂ©e par Kurosawa d’une maniĂšre totalement Ă©pique, et l’action est mĂ©ticuleusement dĂ©taillĂ©e durant les trois heures et demie. Le film s’appuie sur une distribution d’ensemble impressionnante, composĂ©e notamment d’acteurs ayant dĂ©jĂ  tournĂ© avec Kurosawa[80].

Trois mois sont nĂ©cessaires pour la prĂ©production, un mois pour les rĂ©pĂ©titions. Le tournage dure 148 jours Ă©talĂ©s sur prĂšs d’un an, interrompu entre autres par des difficultĂ©s de production et d’ordre financier, ainsi que par les problĂšmes de santĂ© de Kurosawa. Le film sort finalement en , soit 6 mois aprĂšs la date prĂ©vue. Le film coĂ»te trois fois plus que prĂ©vu, et devient alors le film japonais le plus cher jamais rĂ©alisĂ©. Les critiques sont positives, et le succĂšs au box-office permet de rentrer rapidement dans les frais. AprĂšs de nombreuses modifications, il est distribuĂ© sur le marchĂ© international. Au fil du temps, et grĂące aux versions non modifiĂ©es diffusĂ©es par la suite, le film accroĂźt sa notoriĂ©tĂ©. En 1979, un vote parmi des critiques japonais le classe comme Ă©tant le meilleur film japonais de tous les temps. Aujourd’hui encore, il est considĂ©rĂ© comme tel par certains critiques[80] - [81] - [82].

Affiche d’un film avec des inscriptions en japonais. Un homme avec des lunettes au visage terrifiĂ© pointe du doigt quelque chose devant lui, qu’on ne voit pas. Il se situe devant un fond jaune et devant le Soleil.
Affiche du film Vivre dans la peur.

En 1954, des tests nuclĂ©aires militaires dans le Pacifique crĂ©ent des incidents aux consĂ©quences dĂ©sastreuses, comme celui impliquant le thonier japonais Daigo FukuryĆ« Maru. C’est dans cette anxiĂ©tĂ© ambiante que Kurosawa conçoit son film suivant, Vivre dans la peur (ç”Ÿăă‚‚ăźăźèš˜éŒČ, Ikimono no kiroku). Le propos porte sur un riche industriel (Toshirƍ Mifune) terrifiĂ© Ă  l’idĂ©e d’une attaque nuclĂ©aire, et qui dĂ©cide d’emmener sa famille dans une ferme au BrĂ©sil pour ĂȘtre en sĂ©curitĂ©. La production est moins chaotique que lors du film prĂ©cĂ©dent, mais Ă  quelques jours de la fin du tournage, Fumio Hayasaka, compositeur et ami de Kurosawa, meurt de la tuberculose. La bande originale est alors achevĂ©e par l’assistant de Hayasaka, Masaru Satƍ, qui travaille sur les huit films suivants de Kurosawa. Vivre dans la peur sort en , mais l’accueil des critiques et du public est timide et rĂ©servĂ©. Le film devient alors le premier de Kurosawa Ă  ne pas rentrer dans ses frais durant son exploitation en salle. Aujourd’hui, il est considĂ©rĂ© comme le meilleur film traitant des effets psychologiques de la paralysie nuclĂ©aire mondiale[83] - [84] - [85].

Le projet suivant de Kurosawa, Le ChĂąteau de l’araignĂ©e (èœ˜è››ć·ŁćŸŽ, Kumonosu-jƍ), est une adaptation du Macbeth de William Shakespeare, dont l’histoire est transposĂ©e en Asie Ă  l’époque Sengoku. Kurosawa donne pour instruction aux acteurs, et notamment Ă  l’actrice principale Isuzu Yamada, d’agir et de jouer comme s’il s’agissait d’un classique de la littĂ©rature japonaise et non occidentale. Le jeu des acteurs s’apparente alors aux techniques et styles du thĂ©Ăątre nĂŽ. Le film est tournĂ© en 1956 et sort en . Le succĂšs en salle est lĂ©gĂšrement moins mauvais que pour Vivre dans la peur. À l’étranger, le film devient rapidement une rĂ©fĂ©rence parmi les adaptations cinĂ©matographiques de Shakespeare[86] - [87] - [88] - [89].

La production d’une autre adaptation d’un classique europĂ©en suit immĂ©diatement celle du ChĂąteau de l’araignĂ©e. Les Bas-fonds (どんćș•, Donzoko), adaptĂ© de la piĂšce du mĂȘme nom de Maxime Gorki, est rĂ©alisĂ© en mai et . Bien que l’adaptation soit trĂšs fidĂšle Ă  la piĂšce de thĂ©Ăątre russe, l’exercice de transposition Ă  l’époque d’Edo est considĂ©rĂ© comme une rĂ©ussite artistique. La premiĂšre a lieu en , et le film reçoit un accueil partagĂ©, similaire Ă  celui reçu par Le ChĂąteau de l’araignĂ©e. Certains critiques le classent parmi les Ɠuvres les plus sous-estimĂ©es de Kurosawa[90] - [91] - [92] - [93].

Les trois films suivant Les Sept SamouraĂŻs n’ont pas connu le mĂȘme succĂšs auprĂšs du public japonais. Le travail de Kurosawa est de plus en plus sombre et pessimiste, et le rĂ©alisateur aborde les questions de la rĂ©demption. Kurosawa, qui s’aperçoit de ces changements, dĂ©cide dĂ©libĂ©rĂ©ment de retourner Ă  des films plus lĂ©gers et divertissants. À cette mĂȘme Ă©poque, le format Ă©cran large devient trĂšs populaire au Japon. En rĂ©sulte La Forteresse cachĂ©e (隠し砩ぼ侉æ‚Șäșș, Kakushi toride no san-akunin), film d’action et d’aventure mettant en scĂšne une princesse, son fidĂšle gĂ©nĂ©ral et deux paysans devant traverser les lignes ennemies pour pouvoir rejoindre leurs foyers. Sorti en 1958, La Forteresse cachĂ©e est un Ă©norme succĂšs au box-office, et est chaudement accueilli par les critiques. Aujourd’hui, le film est considĂ©rĂ© comme l’un des films les plus lĂ©gers et accessibles de Kurosawa, mais reste trĂšs populaire pour ses nombreuses influences, notamment sur Star Wars, le space opera de George Lucas sorti en 1977[94] - [95] - [96] - [97].

Naissance d'une entreprise et fin d'une Ăšre (1959-1965)

Depuis Rashƍmon, les films de Kurosawa atteignent un public plus large, et la fortune du rĂ©alisateur augmente. Tƍhƍ propose alors au rĂ©alisateur de financer lui-mĂȘme une partie de ses films, et ainsi de limiter les risques financiers pour la sociĂ©tĂ© de production, en Ă©change de quoi Kurosawa aurait davantage de libertĂ© artistique en tant que coproducteur. Kurosawa accepte, et la Kurosawa Production Company naĂźt en , avec Tƍhƍ comme actionnaire principal[98].

Alors qu’il met maintenant en jeu son propre argent, Kurosawa choisit de rĂ©aliser un film critiquant plus ouvertement la politique et l’économie japonaise que ses prĂ©cĂ©dentes Ɠuvres. Les salauds dorment en paix (æ‚Șă„ć„Žă»ă©ă‚ˆăçœ ă‚‹, Warui yatsu hodo yoku nemuru), basĂ© sur un scĂ©nario de Mike Inoue, neveu de Kurosawa, raconte la vengeance d’un jeune homme grimpant dans la hiĂ©rarchie d’une entreprise corrompue afin de dĂ©masquer les responsables de la mort de son pĂšre. Son thĂšme se rĂ©vĂšle d’actualitĂ© : pendant la production, de grandes manifestations ont lieu pour dĂ©noncer le traitĂ© de coopĂ©ration mutuelle et de sĂ©curitĂ© entre les États-Unis et le Japon. Ce traitĂ© est considĂ©rĂ©, notamment par la jeunesse, comme une menace pour la dĂ©mocratie du pays car il donne plus de pouvoir aux entreprises et aux politiciens. Le film sort en sous une critique positive, mais le succĂšs au box-office est modeste. La sĂ©quence d’ouverture de 25 minutes, dĂ©crivant une cĂ©rĂ©monie d’entreprise interrompue par des journalistes et la police, est considĂ©rĂ©e comme l’une des plus savamment orchestrĂ©es de Kurosawa, mais, par comparaison, le reste du film déçoit. Le film est Ă©galement critiquĂ© pour son hĂ©ros conventionnel luttant contre un mal social qui ne peut ĂȘtre rĂ©solu par des individualitĂ©s[99] - [100] - [101] - [102].

Le Garde du corps (ç”šćżƒæŁ’, Yƍjinbƍ), le second film de Kurosawa Productions, est centrĂ© sur le samouraĂŻ SanjĆ«rƍ qui pousse Ă  s’entretuer deux clans se disputant violemment le contrĂŽle d’une ville du XIXe siĂšcle. Le rĂ©alisateur joue avec les conventions de genre, en particulier le western, et se permet un portrait artistique de la violence sans prĂ©cĂ©dent au Japon. Sanjurƍ est parfois perçu comme un personnage fantaisiste qui renverse par magie le triomphe historique des marchands corrompus sur les samouraĂŻs. Le film sort en et obtient un immense succĂšs au box-office, rapportant plus d’argent que tous les films prĂ©cĂ©dents de Kurosawa. Le film dĂ©montre une influence importante du genre au Japon, et inaugure une nouvelle Ăšre pour les zankoku eiga, films de samouraĂŻs ultraviolents. Le film et son humour noir sont largement imitĂ©s Ă  l’étranger — Pour une poignĂ©e de dollars de Sergio Leone en est par exemple un remake scĂšne-par-scĂšne non autorisĂ©. —, mais beaucoup s’accordent Ă  dire que l’original de Kurosawa est supĂ©rieur aux imitations[103] - [104] - [105].

À la suite du succĂšs de Le Garde du corps, Kurosawa se retrouve sous la pression de la Tƍhƍ, qui dĂ©sire une suite. Il s’oriente alors vers un scĂ©nario qu’il Ă©crivit avant Le Garde du corps et le retravaille pour y inclure le hĂ©ros. Sanjuro (æ€żäž‰ćéƒŽ, Tsubaki SanjĆ«rƍ) est le premier des trois films de Kurosawa Ă  ĂȘtre adaptĂ© des travaux de l’écrivain ShĆ«gorƍ Yamamoto (les deux autres sont Barberousse et Dodes’kaden). Le film est plus lĂ©ger et plus conventionnel que Le Garde du corps, bien que l’histoire de lutte de pouvoir au sein d’un clan de samouraĂŻs est dĂ©crite avec des nuances trĂšs comiques. Le film sort le et surpasse rapidement Le Garde du corps au box-office[106] - [107] - [108].

Photographie d’un homme qui regarde l’objectif de la camĂ©ra avec un sourire. Il se situe devant un fond rose.
Entre le ciel et l’enfer a Ă©tĂ© inspirĂ© par le roman Rançon sur un thĂšme mineur d’Ed McBain, ici en 2001.

Pendant ce temps, la Tƍhƍ acquiert Ă  la demande de Kurosawa les droits d’adaptation de Rançon sur un thĂšme mineur (King's Ransom, 1959), roman policier de la sĂ©rie 87e District d’Ed McBain. Kurosawa veut en effet rĂ©aliser un film dĂ©nonçant le kidnapping, qu’il considĂšre comme l’un des pires crimes. Le thriller Entre le ciel et l’enfer (ć€©ć›œăšćœ°ç„, Tengoku to jigoku) est tournĂ© fin 1962 et sort en sous des critiques Ă©logieuses. Le film devient le plus gros succĂšs de Kurosawa au box-office, et le plus gros succĂšs de l’annĂ©e au Japon. Cependant, son succĂšs est quelque peu terni lorsque, ironiquement, le film entraĂźne une hausse du nombre d’enlĂšvements aprĂšs sa sortie. Kurosawa lui-mĂȘme reçoit des menaces d’enlĂšvement visant sa fille Kazuko. Entre le ciel et l’enfer est considĂ©rĂ© par de nombreux critiques comme l’une des Ɠuvres les plus importantes du cinĂ©aste[109] - [110] - [111] - [112].

Kurosawa enchaĂźne rapidement avec son film suivant Barberousse (蔀ăČげ, Akahige). Il se base pour cela sur des nouvelles de ShĆ«gorƍ Yamamoto, ainsi que sur HumiliĂ©s et OffensĂ©s de DostoĂŻevski. Ce film d’époque qui se dĂ©roule dans un hospice du milieu du XIXe siĂšcle permet Ă  Kurosawa de mettre en avant les thĂšmes humanistes qui lui sont chers. Yasumoto, un jeune mĂ©decin formĂ© Ă  l’étranger, vaniteux et matĂ©rialiste, est contraint de devenir interne dans la clinique pour pauvres du docteur Niide, surnommĂ© Akahige (Barberousse) et interprĂ©tĂ© par Mifune. Au dĂ©but rĂ©ticent, Yasumoto finit par admirer Barberousse et Ă  respecter les patients qu’il mĂ©prisait Ă  son arrivĂ©e[113]. YĆ«zƍ Kayama, l’interprĂšte du personnage de Yasumoto, est Ă  l’époque une star de films et de musiques populaires. Cette cĂ©lĂ©britĂ© permet Ă  Kurosawa de garantir un certain succĂšs Ă  son film. Le tournage, le plus long jamais effectuĂ© par le rĂ©alisateur, s’étale sur prĂšs d’une annĂ©e aprĂšs 5 mois de prĂ©production, et s’achĂšve au printemps 1965. Barberousse sort en , devient le plus grand succĂšs de l’annĂ©e au Japon et remporte le trophĂ©e du meilleur film de Kinema Junpƍ, le troisiĂšme et dernier pour Kurosawa. Le film reste l’un des plus connus et des plus apprĂ©ciĂ©s de Kurosawa au Japon. À l’étranger, les critiques sont plus partagĂ©es. La plupart des critiques reconnaissent sa maĂźtrise technique (certains le situent mĂȘme parmi les meilleures rĂ©alisations de Kurosawa), tandis que d’autres insistent sur son manque de complexitĂ© et de puissance narrative. D’autres prĂ©tendent enfin que ce film reprĂ©sente un recul de Kurosawa dans ses engagements politiques et sociaux[114] - [115] - [116] - [117].

Barberousse marque la fin d’une Ăšre pour Kurosawa. Le rĂ©alisateur lui-mĂȘme le reconnaĂźt Ă  la sortie du film, et dĂ©clare au critique Donald Richie qu’un cycle vient de se terminer, et que ses films Ă  venir et ses mĂ©thodes de production seront diffĂ©rents[118]. À la fin des annĂ©es 1950, la tĂ©lĂ©vision se dĂ©veloppe et domine les audiences du cinĂ©ma. Les revenus des studios de cinĂ©ma chutent et ne sont plus investis dans des productions coĂ»teuses et Ă  risques comme celles de Kurosawa[119]. Barberousse marque aussi chronologiquement la moitiĂ© de la carriĂšre du cinĂ©aste. Au cours de ses 29 premiĂšres annĂ©es dans l’industrie du cinĂ©ma, il rĂ©alise 23 films, tandis que lors des 28 annĂ©es suivantes il n’en rĂ©alise que 7 de plus. En outre, pour des raisons jamais rĂ©ellement exposĂ©es, Barberousse est le dernier film de Kurosawa avec Toshirƍ Mifune. YĆ« Fujiki, un acteur ayant travaillĂ© sur Les Bas-fonds, dĂ©clare Ă  propos de la complicitĂ© des deux hommes sur le plateau que « le cƓur de M. Kurosawa Ă©tait dans le corps de M. Mifune »[120]. Donald Richie dĂ©crit leurs rapports comme une symbiose unique[121].

Passage par Hollywood (1966-1968)

Quand le contrat d’exclusivitĂ© entre Kurosawa et Tƍhƍ arrive Ă  son terme en 1966, le rĂ©alisateur, alors ĂągĂ© de 56 ans, prend un virage important dans sa carriĂšre. Les problĂšmes rencontrĂ©s par l’industrie cinĂ©matographique japonaise et les douzaines d’offres Ă©manant de l’étranger l’incitent en effet Ă  travailler pour la premiĂšre fois hors du Japon[122].

Pour son premier projet Ă©tranger, Kurosawa s’inspire d’un article du magazine Life. Ce thriller produit par Embassy Pictures, qui aurait dĂ» ĂȘtre tournĂ© en anglais et titrĂ© Runaway Train, aurait Ă©tĂ© le premier film en couleur de Kurosawa. Toutefois, la barriĂšre de la langue est un problĂšme majeur pour cette production, et la traduction en anglais du scĂ©nario n’est pas achevĂ©e Ă  l’automne 1966, alors que le tournage est censĂ© dĂ©buter. Le tournage nĂ©cessitant de la neige, il est reportĂ© Ă  l’automne 1967, puis annulĂ© en 1968. PrĂšs de vingt ans plus tard, AndreĂŻ Kontchalovski, un autre Ă©tranger Ă  Hollywood, rĂ©alise finalement Runaway Train, un film au scĂ©nario totalement diffĂ©rent des travaux de Kurosawa[123].

Photographie en noir et blanc d’un jeune homme au premier plan en train de filmer un porte-avions.
Tournage de Tora ! Tora ! Tora !, en .

MalgrĂ© cet Ă©chec, Kurosawa est par la suite impliquĂ© dans des projets hollywoodiens beaucoup plus ambitieux. Tora ! Tora ! Tora !, produit par la 20th Century Fox et Kurosawa Production, est une description de l’attaque de Pearl Harbor selon les points de vue amĂ©ricain et japonais. La partie japonaise du film est initialement confiĂ©e Ă  Kurosawa, la partie amĂ©ricaine Ă  un rĂ©alisateur anglophone. Kurosawa passe plusieurs mois Ă  travailler sur le scĂ©nario en compagnie de RyĆ«zƍ Kikushima et Hideo Oguni, mais, rapidement, le projet commence Ă  se dĂ©sagrĂ©ger. Le rĂ©alisateur choisi pour les passages amĂ©ricains n’est pas comme prĂ©vu le cĂ©lĂšbre anglais David Lean, ce que les producteurs avaient fait croire Ă  Kurosawa, mais Richard Fleischer, un expert en effets spĂ©ciaux beaucoup moins connu que Lean. Le budget initial subit Ă©galement des coupes, et la durĂ©e de film allouĂ©e aux sĂ©quences japonaises ne doit pas excĂ©der 90 minutes, ce qui se rĂ©vĂšle un gros problĂšme pour Kurosawa, dont le script dĂ©passe les 4 heures. En , aprĂšs une multitude de modifications, un accord est trouvĂ© pour un scĂ©nario tronquĂ© et plus ou moins fini. Le tournage dĂ©bute en dĂ©cembre, mais Kurosawa reste Ă  peine trois semaines en tant que rĂ©alisateur. Son Ă©quipe et ses mĂ©thodes de travail sont peu familiĂšres aux exigences d’une production hollywoodienne et laissent perplexes les producteurs amĂ©ricains, qui en concluent que Kurosawa est un malade mental. Au NoĂ«l 1968, les producteurs annoncent que Kurosawa quitte la production, officiellement pour « fatigue ». Officieusement, il en est congĂ©diĂ©. Finalement, il est remplacĂ© par les deux rĂ©alisateurs Kinji Fukasaku et Toshio Masuda[124].

Tora ! Tora ! Tora ! sort finalement en sous des critiques peu enthousiastes, et reste une vĂ©ritable tragĂ©die dans la carriĂšre du cinĂ©aste. Kurosawa consacra en effet plusieurs annĂ©es de sa vie sur un projet Ă  la logistique cauchemardesque, pour finalement ne pas rĂ©aliser un seul mĂštre de film. De plus, son nom est enlevĂ© des crĂ©dits, alors que le script des sĂ©quences japonaises reste celui qu’il a coĂ©crit. Par la suite, il se dĂ©tache de son collaborateur de longue date, l’écrivain RyĆ«zƍ Kikushima, et ne travaille plus jamais avec lui. Le projet met Ă©galement au grand jour une affaire de corruption au sein de sa propre sociĂ©tĂ© de production — une situation proche d’un de ses films, Les salauds dorment en paix. Sa santĂ© mentale fut remise en question. Enfin, le milieu du cinĂ©ma japonais commence Ă  le suspecter de vouloir mettre un terme Ă  sa carriĂšre[125] - [126].

Une décennie difficile (1969-1977)

Sachant que sa rĂ©putation est en jeu aprĂšs la dĂ©bĂącle du trĂšs mĂ©diatisĂ© Tora ! Tora ! Tora !, Kurosawa passe rapidement Ă  un nouveau projet. Keisuke Kinoshita, Masaki Kobayashi et Kon Ichikawa, trois amis de Kurosawa, viennent Ă©pauler le rĂ©alisateur. En , ils crĂ©ent Ă  eux quatre une sociĂ©tĂ© de production qu’ils nomment le Club des Quatre Chevaliers (Yonki no kai). Bien que l’idĂ©e de base de cette sociĂ©tĂ© est de permettre aux quatre rĂ©alisateurs de crĂ©er un film chacun, il est parfois Ă©voquĂ© que la vĂ©ritable motivation des trois autres rĂ©alisateurs est d’offrir plus facilement Ă  Kurosawa la possibilitĂ© de mener Ă  terme un film, et ainsi de signer son retour dans l’industrie du cinĂ©ma[127] - [128].

Le premier projet proposĂ© est un film historique appelĂ© Dora-Heita, mais il est jugĂ© trop coĂ»teux, et Kurosawa se tourne alors vers Dodes’kaden (どですかでん, Dodesukaden), nouvelle adaptation d’une Ɠuvre de Yamamoto portant Ă  nouveau sur les pauvres et les dĂ©munis. Kurosawa voulant dĂ©montrer qu’il est toujours capable de travailler rapidement et efficacement avec un budget restreint, le film est rapidement tournĂ© en neuf semaines. Pour son premier travail en couleur, il laisse de cĂŽtĂ© le montage dynamique et les compositions complexes et se concentre davantage sur la crĂ©ation d’une palette de couleurs primaires audacieuse, quasi surrĂ©aliste, afin de mettre en valeur la toxicitĂ© de l’environnement des personnages. Le film sort en au Japon, oĂč il rencontre un succĂšs limitĂ© auprĂšs des critiques et une totale indiffĂ©rence du public. L’échec financier important cause la dissolution du Club des Quatre Chevaliers. À sa sortie Ă  l’étranger, le film est relativement bien accueilli par la critique, mais est depuis considĂ©rĂ© comme incomparable avec les meilleurs travaux du rĂ©alisateur[129].

AprĂšs avoir connu des difficultĂ©s pendant la production de Dodesukaden, Kurosawa se tourne vers la tĂ©lĂ©vision l’annĂ©e suivante, pour la seule fois de sa carriĂšre, avec Uma no uta (éŠŹăźè©©), un documentaire sur les chevaux de course pur-sang[130]. Il comporte une voix off narrĂ©e par un homme et un enfant fictifs, interprĂ©tĂ©s par les mĂȘmes acteurs que le mendiant et son fils dans Dodesukaden. Kurosawa retrouve aussi son collaborateur habituel Masaru Satƍ, qui compose la musique. Il s’agit du seul documentaire dans la filmographie de Kurosawa, et du seul film qu’il n’a pas montĂ© lui-mĂȘme, dans la mesure oĂč un monteur est crĂ©ditĂ©[131].

Incapable d’obtenir des financements pour les projets Ă  venir et souffrant de problĂšmes de santĂ©, Kurosawa semble atteindre un point de rupture : le , il se tranche la gorge et les poignets Ă  plusieurs reprises. Cette tentative de suicide Ă©choue, et Kurosawa guĂ©rit assez rapidement. Il dĂ©cide alors de se rĂ©fugier dans sa vie privĂ©e, ne sachant pas s’il rĂ©alisera de nouveaux films[132].

Photographie en noir et blanc de deux hommes avec des fusils devant des habitations.
Vladimir Arseniev et Dersou Ouzala en mission d’exploration en 1906.

Au dĂ©but de l’annĂ©e 1973, le studio soviĂ©tique Mosfilm souhaite travailler avec le rĂ©alisateur. Kurosawa leur propose alors l’adaptation d’une autobiographie de l’explorateur russe Vladimir Arseniev, intitulĂ©e Dersou Ouzala, qu’il souhaite rĂ©aliser depuis les annĂ©es 1930. Le roman traite d’un chasseur Hezhen vivant en harmonie avec la nature avant qu’elle ne soit dĂ©truite par la civilisation. En , Kurosawa, alors ĂągĂ© de 63 ans, part s’installer un an et demi en Union SoviĂ©tique avec quatre de ses plus proches collaborateurs. Le tournage commence en en SibĂ©rie dans des conditions naturelles extrĂȘmement difficiles, et se termine en . Kurosawa, alors Ă©puisĂ© et souffrant du mal du pays, retourne au Japon dĂšs le mois de juin. La premiĂšre mondiale de Dersou Ouzala (ăƒ‡ăƒ«ă‚čăƒ»ă‚Šă‚¶ăƒŒăƒ©, Derusu Uzāra) a lieu le . Alors que la critique japonaise reste muette, le film est chaleureusement accueilli Ă  l’étranger, remportant le Prix d’Or du Festival international du film de Moscou ainsi que l’Oscar du meilleur film en langue Ă©trangĂšre[alpha 3]. Le succĂšs au box-office est Ă©galement au rendez-vous. Aujourd’hui, la critique reste divisĂ©e : certains y voient un exemple du dĂ©clin de Kurosawa, tandis que d’autres comptent le film parmi ses travaux les plus aboutis[134] - [135].

Bien qu’il reçoive des propositions de projets pour la tĂ©lĂ©vision, Kurosawa ne manifeste aucun intĂ©rĂȘt Ă  sortir du monde du cinĂ©ma. NĂ©anmoins, en 1976, il accepte d’apparaĂźtre dans une sĂ©rie de publicitĂ©s tĂ©lĂ©visĂ©es pour le whisky Suntory. Craignant qu’il ne puisse plus rĂ©aliser de nouveau film, le rĂ©alisateur continue nĂ©anmoins de travailler sur divers projets, d’écrire de nouveaux scĂ©narios, et crĂ©e des illustrations dĂ©taillĂ©es de ses travaux dans l’intention de laisser derriĂšre lui une empreinte visuelle de ses plans, au cas oĂč il ne pourrait les filmer[136].

Deux grandes épopées (1978-1986)

En 1977, le rĂ©alisateur amĂ©ricain George Lucas sort le premier Ă©pisode de la saga Star Wars, un film de science-fiction au succĂšs planĂ©taire influencĂ© par La Forteresse cachĂ©e de Kurosawa. Lucas, qui vĂ©nĂšre Kurosawa et le considĂšre comme un modĂšle, est choquĂ© d’apprendre que le Japonais est incapable de trouver les fonds nĂ©cessaires pour un nouveau film. En , Lucas et Kurosawa se rencontrent Ă  Los Angeles pour Ă©voquer le projet le moins risquĂ© du rĂ©alisateur japonais : Kagemusha, l’Ombre du guerrier (ćœ±æ­Šè€…, Kagemusha), une Ă©popĂ©e racontant l’histoire d’un voleur qui devient le double d’un seigneur japonais. Lucas est passionnĂ© par le scĂ©nario et les illustrations de Kurosawa et use alors de son influence pour convaincre la 20th Century Fox de produire le film, dix ans aprĂšs l’échec de Tora ! Tora ! Tora !. Lucas parvient Ă©galement Ă  engager Francis Ford Coppola — un autre fan de Kurosawa — en tant que coproducteur[137].

La production de Kagemusha dĂ©bute en avec un Kurosawa de bonne humeur. Le tournage s’étale de Ă  et n’est pas Ă©pargnĂ© de problĂšmes, avec notamment le renvoi de l’acteur principal Shintarƍ Katsu. Katsu est remplacĂ© par Tatsuya Nakadai, qui joue alors le premier de ses deux rĂŽles principaux avec Kurosawa. Le film est terminĂ© avec quelques semaines de retard et sort Ă  Tokyo en . Kagemusha devient rapidement un succĂšs au Japon. Il s’agit Ă©galement d’un succĂšs Ă  l’étranger, tant au niveau des critiques qu’au box-office. Le film remporte la Palme d’or au Festival de Cannes 1980 en mai. MalgrĂ© tout, certains critiques dĂ©noncent Ă  l’époque et encore aujourd’hui une certaine froideur dans le film. Kurosawa passe le reste de l’annĂ©e 1980 Ă  promouvoir son film, Ă  recevoir des rĂ©compenses et Ă  exposer ses peintures, qui ont servi de storyboards[138] - [139].

Photographie d’un homme avec des lunettes souriant en train d’échanger avec un individu qu’on ne voit pas.
Sidney Lumet a fait en sorte que Kurosawa soit nommé dans la catégorie du meilleur réalisateur pour son film Ran lors de la 58e cérémonie des Oscars, récompense finalement obtenue par Sydney Pollack.

Le succĂšs international de Kagemusha permet Ă  Kurosawa d’entamer son projet suivant, Ran (äč±), une autre Ă©popĂ©e. Le scĂ©nario, en partie fondĂ© sur la tragĂ©die Le Roi Lear de William Shakespeare, dĂ©peint un sanguinaire daimyo (interprĂ©tĂ© par Tatsuya Nakadai) qui, aprĂšs avoir banni son seul fils loyal, lĂšgue son royaume Ă  ses deux autres fils, qui ne tardent pas Ă  le trahir, plongeant alors le royaume tout entier dans une guerre fratricide. Les studios japonais sont rĂ©ticents pour produire un des films les plus coĂ»teux de l’histoire du pays, et un financement Ă©tranger est une nouvelle fois nĂ©cessaire. Cette fois-ci, c’est le producteur français Serge Silberman qui vient en aide Ă  Kurosawa. Le tournage ne commence qu’en , et dure plus d’un an[140].

En , la femme de Kurosawa, Yƍko, tombe malade, et la production de Ran est stoppĂ©e. Yƍko meurt le Ă  l’ñge de 64 ans. La premiĂšre du film a lieu le au Festival international du film de Tokyo. Le film est un succĂšs financier modeste au Japon, mais beaucoup plus important Ă  l’étranger. Comme prĂ©cĂ©demment pour Kagemusha, Kurosawa commence un tour d’Europe pour la promotion de son film jusqu’à la fin de l’annĂ©e[141].

Ran remporte plusieurs rĂ©compenses au Japon, mais n’est pas aussi acclamĂ© que d’autres travaux de Kurosawa des annĂ©es 1950 et 1960. Le monde du cinĂ©ma est trĂšs surpris lorsque le Japon dĂ©cide de ne pas sĂ©lectionner le film pour l’Oscar du meilleur film en langue Ă©trangĂšre en 1986[alpha 3]. Mais Kurosawa et les producteurs attribuent ce choix Ă  une incomprĂ©hension : Ă  cause de la complexitĂ© du rĂšglement de l’Academy, personne ne sait si le film peut concourir pour le Japon, pour la France (par son financement), ou bien pour les deux. En rĂ©ponse Ă  ce petit scandale, le rĂ©alisateur Sidney Lumet milite pour que Kurosawa soit nommĂ© Ă  l’Oscar du meilleur rĂ©alisateur (remportĂ© cette annĂ©e-lĂ  par Sydney Pollack pour Out of Africa). La costumiĂšre de Ran, Emi Wada, reçoit finalement le seul Oscar du film[142] - [143].

Kagemusha et Ran sont souvent citĂ©s parmi les films les plus aboutis d’Akira Kurosawa. AprĂšs sa sortie, Kurosawa Ă©voque Ran comme son meilleur film, contrairement Ă  son attitude habituelle qui consistait Ă  rĂ©pondre « le prochain » lorsqu’on lui demandait de citer son meilleur film[144] - [145].

Derniers travaux et mort (1987-1998)

Pour son film suivant, Kurosawa choisit un sujet trĂšs diffĂ©rent de ce qu’il a pu aborder tout au long de sa carriĂšre. RĂȘves (怹, Yume), un film profondĂ©ment personnel, est entiĂšrement basĂ© sur les propres rĂȘves du rĂ©alisateur. Pour la premiĂšre fois depuis prĂšs de quarante ans, Kurosawa s’attelle seul Ă  l’écriture du scĂ©nario. Bien que le budget prĂ©visionnel soit plus faible que Ran, les studios japonais restent rĂ©ticents Ă  produire un nouveau film de Kurosawa. Le cinĂ©aste se tourne alors vers un autre de ses admirateurs cĂ©lĂšbres, le rĂ©alisateur amĂ©ricain Steven Spielberg, qui persuade la Warner Bros. de racheter les droits du film. Ce rachat permet Ă  Hisao Kurosawa, le fils d’Akira, coproducteur et futur dirigeant de Kurosawa Productions, de nĂ©gocier plus facilement un prĂȘt au Japon permettant de couvrir les frais de production. Le tournage dure plus de huit mois, et RĂȘves est projetĂ© pour la premiĂšre fois en au Festival de Cannes. L’accueil au Festival est poli mais discret, et il en est de mĂȘme lors de sa diffusion internationale[146].

Kurosawa se tourne ensuite vers une histoire plus conventionnelle, Rhapsodie en aoĂ»t (ć…«æœˆăźç‹‚è©©æ›Č, Hachi-gatsu no kyƍshikyoku), qui s’intĂ©resse aux cicatrices du bombardement nuclĂ©aire de Nagasaki Ă  la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le scĂ©nario est une adaptation du roman de Kiyoko Murata, mais les rĂ©fĂ©rences au bombardement viennent du rĂ©alisateur et non du livre. Le film, le premier entiĂšrement produit au Japon depuis Dodes’kaden, est Ă©galement le premier film de Kurosawa dans lequel apparaĂźt une star du cinĂ©ma amĂ©ricain, en l’occurrence Richard Gere dans le petit rĂŽle du neveu de l’hĂ©roĂŻne. Le tournage a lieu dĂ©but 1991 et sort le de la mĂȘme annĂ©e. Les critiques sont trĂšs mauvaises, notamment aux États-Unis oĂč Kurosawa est accusĂ© d’antiamĂ©ricanisme[147] - [148].

Kurosawa ne perd pas de temps et passe trĂšs rapidement Ă  son projet suivant, Madadayo (ăŸă‚ă ă ă‚ˆ, Mādadayo). BasĂ© sur les essais autobiographiques de Hyakken Uchida, le film suit la vie d’un Japonais professeur d’allemand durant la Seconde Guerre mondiale et l’aprĂšs-guerre. Le rĂ©cit est centrĂ© sur les cĂ©lĂ©brations d’anniversaires avec ses Ă©lĂšves, au cours desquelles le protagoniste rĂ©pĂšte son refus de mourir tout de suite — un thĂšme de plus en plus rĂ©current dans les travaux du rĂ©alisateur alors ĂągĂ© de 81 ans. Le tournage dĂ©bute en et se termine en septembre. Le film sort le , mais rĂ©colte des critiques encore plus mauvaises et dĂ©cevantes que ses deux films prĂ©cĂ©dents[149].

Cet Ă©chec n’empĂȘche toutefois pas Kurosawa de continuer Ă  travailler. En 1993, il Ă©crit le scĂ©nario original de La mer regarde (æ”·ăŻèŠ‹ăŠă„ăŸ, Umi wa miteita), suivi en 1995 du script de AprĂšs la pluie (雹あがる, Ame agaru). Alors qu’il finalise ce dernier en 1995, Kurosawa chute et se brise la base de la colonne vertĂ©brale. À la suite de cet accident, il doit utiliser un fauteuil roulant pour le reste de sa vie, mettant fin aux espoirs de le revoir un jour rĂ©aliser un nouveau film[150]. Son souhait rĂ©pĂ©tĂ© de mourir sur le tournage d’un film[148] - [151] ne se rĂ©alise pas.

Tombe avec des inscriptions en japonais.
Tombe de Kurosawa au temple An’yƍ-in de Kamakura.

AprĂšs cet accident en 1995, la santĂ© d’Akira Kurosawa commence Ă  se dĂ©tĂ©riorer. Alors que son esprit est toujours vif et fort, son corps l’abandonne, et pour les six derniers mois de sa vie, le cinĂ©aste reste chez lui, au lit, Ă  Ă©couter de la musique et regarder la tĂ©lĂ©vision. Le , Akira Kurosawa meurt d’une attaque cĂ©rĂ©brale Ă  Setagaya (Tokyo) Ă  l’ñge de 88 ans[152].

Au moment de sa mort, Kurosawa a deux enfants, son fils Hisao, qui a Ă©pousĂ© Hiroko Hayashi, et sa fille Kazuko Kurosawa, qui a Ă©pousĂ© Harayuki Katƍ, ainsi que plusieurs petits-enfants[34]. L’un de ses petits-enfants, l’acteur Takayuki Katƍ, fils de Kazuko, joue un second rĂŽle dans deux films dĂ©veloppĂ©s Ă  titre posthume Ă  partir de scĂ©narios Ă©crits par Kurosawa et restĂ©s sans suite de son vivant, AprĂšs la pluie (雹あがる, Ame agaru) de Takashi Koizumi et La mer regarde (æ”·ăŻèŠ‹ăŠă„ăŸ, Umi wa miteita) de Kei Kumai, sortis respectivement en 1999 et 2002[153].

MĂ©thodes de travail

Toutes les sources biographiques s’accordent Ă  dire que Kurosawa est un rĂ©alisateur de terrain, passionnĂ©ment impliquĂ© dans chacun des aspects de la production de ses films. Comme le rĂ©sume un journaliste, « il (co)Ă©crit ses scĂ©narios, supervise la conception, fait rĂ©pĂ©ter les acteurs, met en place tous les plans et monte le film »[154]. Sa participation active s’étend du concept initial du film Ă  sa finalisation.

Écriture du scĂ©nario

Kurosawa aime Ă  rĂ©pĂ©ter que le scĂ©nario est le fondement absolu d’un bon film et que, si un mauvais rĂ©alisateur peut parfois faire d’un bon scĂ©nario un film correct, un grand rĂ©alisateur ne pourra jamais faire un bon film Ă  partir d’un mauvais scĂ©nario[155]. Au cours de la pĂ©riode d’aprĂšs-guerre, il commence Ă  collaborer avec un groupe de cinq scĂ©naristes : Eijirƍ Hisaita, RyĆ«zƍ Kikushima, Shinobu Hashimoto, Hideo Oguni, et Masato Ide[156]. Quels que soient les membres de ce groupe Ă  travailler sur un film, ils se rĂ©unissent autour d’une table, souvent dans une station thermale, oĂč ils ne peuvent ĂȘtre distraits par le monde extĂ©rieur. Par exemple, Les Sept SamouraĂŻs est Ă©crit de cette façon[157]. En gĂ©nĂ©ral, en dehors d’Oguni qui agit comme arbitre, ils travaillent tous sur les mĂȘmes pages et Kurosawa choisit alors la meilleure version de chacune des scĂšnes concernĂ©es[158]. Cette mĂ©thode est choisie « afin que chaque contributeur puisse se mettre en valeur, contrĂŽlant la domination du point de vue de chacun »[159].

Souvent, en plus du vĂ©ritable script, Kurosawa rĂ©dige Ă  ce stade de nombreuses notes trĂšs dĂ©taillĂ©es afin d’élaborer, de prĂ©ciser sa pensĂ©e. Ainsi, pour Les Sept SamouraĂŻs, il Ă©crit six cahiers dans lesquels il crĂ©e, entre autres, les biographies dĂ©taillĂ©es des samouraĂŻs, comprenant par exemple ce qu’ils portent et mangent, leur maniĂšre de marcher, de parler, de se comporter, et mĂȘme leur façon de lacer leurs chaussures[157] - [160]. Pour les 101 personnages de paysans du film, il crĂ©e un registre de 23 familles et demande aux acteurs de vivre et travailler dans le cadre de ces « familles » pour toute la durĂ©e du tournage[161].

Tournage

Photographie en noir et blanc d’un groupe de jeunes hommes en cercle. Certains sont habillĂ©s Ă  la maniĂšre de samouraĂŻs, avec des sabres dans la main.
Tournage des Sept SamouraĂŻs en .

Pour ses premiers films, Kurosawa utilise des objectifs standards et une profondeur de champ Ă©tendue. À partir des Sept SamouraĂŻs (1954), ses techniques de prises de vues changent radicalement, avec l’utilisation d’objectifs de longue focale et de plusieurs camĂ©ras. Kurosawa affirme que l’utilisation de ces objectifs et de plusieurs camĂ©ras en simultanĂ© offre la possibilitĂ© de filmer Ă  une distance plus Ă©levĂ©e sans que les acteurs ne sachent quelle camĂ©ra sera utilisĂ©e au montage final, ce qui leur permet de jouer beaucoup plus naturellement[162]. Tatsuya Nakadai reconnaĂźt d’ailleurs que les camĂ©ras multiples l’aident lors de ses interprĂ©tations avec le rĂ©alisateur[163]. Ces changements ont Ă©galement un impact important sur l’aspect des scĂšnes d’action du film, en particulier lors de la bataille finale sous la pluie. Selon Stephen Prince, « Il peut utiliser les tĂ©lĂ©objectifs pour passer sous les chevaux, entre leurs sabots, et ainsi nous plonger dans le chaos de cette bataille d’une maniĂšre visuellement sans prĂ©cĂ©dent, que ce soit dans son propre travail ou dans le cinĂ©ma de samouraĂŻs en gĂ©nĂ©ral »[164].

ProcĂ©dĂ© anamorphique : l’image est comprimĂ©e dans sa largeur sur la pellicule, puis Ă©tirĂ©e dans les mĂȘmes proportions par un Hypergonar lors de la projection.

Dans La Forteresse cachĂ©e, Kurosawa utilise pour la premiĂšre fois de sa carriĂšre le format large anamorphosĂ©[165]. Ces trois techniques (objectifs de longue focale, camĂ©ras multiples et format large) sont par la suite pleinement exploitĂ©es par Kurosawa, mĂȘme lors de scĂšnes ne prĂ©sentant pas ou peu d’action. Par exemple, l’utilisation de ces techniques dans les premiĂšres scĂšnes de Entre le ciel et l’enfer permet d’intensifier et de dramatiser les tensions et relations de pouvoir entre les diffĂ©rents personnages, le tout dans un espace trĂšs confinĂ©[166].

Pour tous ses films, et plus particuliĂšrement pour ses jidai-geki (æ™‚ä»ŁćŠ‡), Kurosawa insiste sur l’authenticitĂ© absolue des dĂ©cors, costumes et accessoires. Ainsi, dans Le ChĂąteau de l’araignĂ©e, dans la scĂšne ou Washizu (Mifune) est attaquĂ© par ses propres hommes, le rĂ©alisateur fait tirer des flĂšches rĂ©elles (Ă©vidĂ©es et guidĂ©es par des fils) en direction de Mifune Ă  une distance d’environ 3 mĂštres. Des marques au sol permettent Ă  l’acteur de ne pas ĂȘtre touchĂ©. Certaines flĂšches atterrissent cependant Ă  quelques centimĂštres seulement de Mifune, qui souffre par la suite de cauchemars. Celui-ci admet plus tard qu’il n’a pas eu Ă  forcer son talent pour paraĂźtre apeurĂ© Ă  l’écran[167] - [168].

Dans Barberousse, afin de construire la porte d’enceinte de la clinique, Kurosawa demande Ă  ses assistants de dĂ©monter d’anciens dĂ©cors et d’utiliser leur bois pourri afin de crĂ©er une porte paraissant ravagĂ©e par le temps[169]. Dans le mĂȘme film, pour les tasses qu’utilisent les personnages, Kurosawa ordonne Ă  son Ă©quipe de verser l’équivalent de cinquante ans de thĂ© dans les tasses pour qu’elles soient suffisamment colorĂ©es[170].

Dans Ran, le directeur artistique Yoshirƍ Muraki, qui construit le troisiĂšme chĂąteau sous la supervision du rĂ©alisateur, crĂ©e les pierres de l’ouvrage Ă  partir de photographies d’un cĂ©lĂšbre chĂąteau : il peint des blocs de polystyrĂšne en suivant scrupuleusement ces photographies puis les colle selon une technique d’empilement particuliĂšre appelĂ©e moellonage qui prend plusieurs mois. Plus tard, avant de filmer la scĂšne du chĂąteau en feu, il apparaĂźt nĂ©cessaire d’empĂȘcher les « pierres » de fondre. Pour cela, elles sont recouvertes de quatre couches de ciment puis doivent de nouveau ĂȘtre peintes[171].

Montage

Photographie d’un celluloïd en gros plan.
Celluloïd du film Entre le ciel et l’enfer (1963).

Tout au long de sa carriĂšre, Kurosawa fait souvent remarquer qu’il tourne un film dans l’unique but d’avoir de la matiĂšre pour le montage, car il s’agit pour lui de la partie la plus importante et artistiquement la plus intĂ©ressante dans la production d’un film[172]. L’équipe crĂ©ative de Kurosawa considĂšre le montage comme le plus grand talent du cinĂ©aste. Hiroshi Nezu, un superviseur de production, dĂ©clare : « Entre nous, nous pensons qu’il est le meilleur rĂ©alisateur de Tƍhƍ, le meilleur scĂ©nariste du Japon, et le meilleur monteur du monde. Ce qui le prĂ©occupe le plus est la qualitĂ© du dĂ©roulement, du rythme qu’un film doit avoir. [
] Le film de Kurosawa s’écoule en quelque sorte le long des raccords »[173].

Teruyo Nogami, membre rĂ©currente de l’équipe du cinĂ©aste, confirme ce point de vue : « Le montage d’Akira Kurosawa Ă©tait exceptionnel, l’Ɠuvre d’un gĂ©nie. [
] Personne ne l’égalait »[174]. Elle raconte que Kurosawa peut se remĂ©morer prĂ©cisĂ©ment chaque prise, et que si, dans la salle de montage, elle lui tend la mauvaise prise d’une scĂšne, il le remarque immĂ©diatement, alors que, contrairement Ă  elle, il ne prend pas de notes dĂ©taillĂ©es. Elle compare son cerveau Ă  un ordinateur, qui fait avec les morceaux de films ce qu’un ordinateur rĂ©alise de nos jours[175].

Contrairement aux standards hollywoodiens qui consistent Ă  rĂ©aliser le montage aprĂšs la fin du tournage, Kurosawa a pour habitude de monter ses films de façon quotidienne, au fur et Ă  mesure. Cette mĂ©thode l’aide beaucoup dans son travail lorsqu’il commence Ă  utiliser plusieurs camĂ©ras simultanĂ©ment et se retrouve avec une quantitĂ© importante de rushes Ă  assembler. « J’ai toujours montĂ© le soir si nous avions une quantitĂ© suffisante d’images dans la boĂźte. AprĂšs avoir visionnĂ© les prises, je vais gĂ©nĂ©ralement dans la salle de montage et travaille »[176]. En raison de cette mĂ©thode de travail, la postproduction peut ĂȘtre Ă©tonnamment courte. Par exemple, l’avant-premiĂšre de Yojimbo a lieu le , soit quatre jours seulement aprĂšs la fin du tournage le [177].

Le « Kurosawa-gumi »

Photographie en noir et blanc d’une dizaine d’individus habillĂ©s en blanc autour d’une Jeep, devant un chĂąteau.
Photo de l’équipe du ChĂąteau de l’araignĂ©e prise en 1956, montrant (de gauche Ă  droite) Shinjin Akiike, Fumio Yanoguchi, Kuichirƍ Kishida, Samaji Nonagase, Takao Saitƍ, Toshirƍ Mifune (dans la jeep), Minoru Chiaki, Takashi Shimura, Teruyo Saitƍ, Yoshirƍ Muraki, Akira Kurosawa, Hiroshi Nezu, Asakazu Nakai et Sƍjirƍ Motoki.

Kurosawa travaille constamment avec un cercle fermĂ© de personnes qu’il s’est lui-mĂȘme constituĂ© tout au long de sa carriĂšre, communĂ©ment appelĂ© le « Kurosawa-gumi » (黒柀甄). Voici une liste partielle des membres de ce groupe, rĂ©partis par profession. Les informations suivantes sont basĂ©es sur les pages IMDb des films d’Akira Kurosawa[178] et sur la filmographie Ă©tablie par Stuart Galbraith IV, biographe de Kurosawa[179].

Style

Une grande majoritĂ© des observateurs qualifient le style de Kurosawa d’audacieux et de dynamique, et le comparent au style narratif hollywoodien traditionnel, qui met l’accent sur la pensĂ©e linĂ©aire, chronologique, causale et historique[182]. Ils considĂšrent aussi que, depuis son tout premier film, Kurosawa dĂ©gage un style trĂšs distinct du style classique et sans faille d’Hollywood : Kurosawa n’hĂ©site pas Ă  perturber la scĂšne reprĂ©sentĂ©e Ă  l’écran par l’utilisation de nombreuses prises de vues diffĂ©rentes, et s’oppose ainsi au traditionnel raccord 180° dĂ©veloppĂ© par Hollywood. Kurosawa, par l’utilisation de mouvements fluides de camĂ©ra plutĂŽt que d’un montage conventionnel, tend Ă©galement Ă  intĂ©grer une dimension spatiale dans la narration temporelle[183].

Raccord dans l'axe

Dans ses films des annĂ©es 1940 et 1950, Kurosawa utilise frĂ©quemment le raccord dans l’axe. La camĂ©ra se rapproche ou s’éloigne du sujet, non pas par le biais d’un travelling ou d’un fondu enchaĂźnĂ©, mais par une sĂ©rie de plans rapprochĂ©s. Par exemple, dans La Nouvelle LĂ©gende du grand judo, le hĂ©ros prend congĂ© de la femme qu’il aime, mais aprĂšs s’ĂȘtre Ă©loignĂ© un peu, il se retourne et s’incline devant elle, puis, aprĂšs s’ĂȘtre Ă©loignĂ© encore, il se retourne et s’incline Ă  nouveau. Les trois plans ne sont pas reliĂ©s dans le film par des mouvements de camĂ©ra ou des fondus, mais par une sĂ©rie de deux coupes rapides. Cela a pour effet de souligner la durĂ©e du dĂ©part de Sanshiro[184].

Dans la sĂ©quence d’ouverture des Sept SamouraĂŻs dans le village de paysans, le raccord dans l’axe est utilisĂ© Ă  deux reprises. Lorsque les villageois sont Ă  l’extĂ©rieur, rĂ©unis en cercle, pleurant et se lamentant sur l’arrivĂ©e imminente des bandits, ils sont aperçus d’en haut dans un plan extrĂȘmement long ; puis, aprĂšs un raccord, ils sont filmĂ©s en plan beaucoup plus rapprochĂ©, puis dans un plan encore plus rapprochĂ© au niveau du sol. Ce n’est qu’à ce moment-lĂ  que le dialogue commence. Quelques minutes plus tard, lorsque les villageois se rendent au moulin pour demander conseil Ă  l’ancien du village, il y a un long plan du moulin, avec une roue qui tourne lentement dans la riviĂšre. Les plans se succĂšdent ainsi : un long plan du moulin, avec une roue qui tourne lentement dans la riviĂšre, un plan plus rapprochĂ© de cette roue, et un plan encore plus rapprochĂ© de celle-ci. Comme le moulin est l’endroit oĂč vit l’ancien, ces plans permettent au spectateur d’associer ce personnage au moulin[185].

Raccord dans le mouvement

Plusieurs spĂ©cialistes ont soulignĂ© la tendance de Kurosawa Ă  utiliser le raccord dans le mouvement. Par exemple, dans une sĂ©quence du film Les Sept SamouraĂŻs, le samouraĂŻ ShichirĂŽji, debout, tente de consoler le paysan Manzo, assis par terre. ShichirĂŽji met alors un genou Ă  terre pour lui parler. Kurosawa choisit de filmer cette simple action en deux prises au lieu d’une, en les raccordant juste aprĂšs que ShichirĂŽji commence Ă  s’agenouiller, dans le but de mettre en avant l’humilitĂ© du samouraĂŻ. Les exemples sont nombreux dans ce mĂȘme film. Couper l’action, la fragmenter, est un moyen trĂšs utilisĂ© par Kurosawa pour crĂ©er de l’émotion[186].

Volet

Photographie d’images successives effectuant une transition de gauche à droite (volet).
Exemple de volet.

Le style de Kurosawa est Ă©galement marquĂ© par son usage du volet (wipe en anglais). Il s’agit d’un effet crĂ©Ă© par une tireuse optique, qui consiste, Ă  la fin d’une scĂšne, Ă  faire apparaĂźtre une ligne ou une barre qui se dĂ©place sur l’écran, effaçant l’image et rĂ©vĂ©lant simultanĂ©ment la premiĂšre image de la scĂšne suivante. En tant que dispositif de transition, il est utilisĂ© comme substitut de la coupe directe ou du fondu enchaĂźnĂ© (bien qu’il arrive souvent qu’il utilise ces deux dispositifs ensemble). Dans ses Ɠuvres les plus abouties, Kurosawa utilise le volet si frĂ©quemment qu’il en devient une sorte de signature. L’Ange ivre compte ainsi pas moins de douze volets[187].

Il existe un certain nombre de thĂ©ories concernant l’objectif de ce dispositif courant dans le cinĂ©ma muet mais plus rare dans le cinĂ©ma sonore et rĂ©aliste[188]. Goodwin affirme que les volets dans Rashƍmon, par exemple, remplissent l’un des trois objectifs suivants : accentuer le mouvement dans les travellings, marquer les changements narratifs dans les scĂšnes de cour et marquer les ellipses temporelles entre les actions (par exemple entre la fin du tĂ©moignage d’un personnage et le dĂ©but de celui d’un autre)[188]. Il note Ă©galement que pour Les Bas-fonds, dans lequel Kurosawa n’utilise Ă  aucune reprise le volet, il manie habilement les personnes et les accessoires dans le cadre afin de faire apparaĂźtre et disparaĂźtre de nouvelles images, comme le fait un volet[189].

Kurosawa utilise aussi le volet comme dispositif satirique dans Vivre. Un groupe de femmes se rend au bureau du gouvernement local pour demander aux bureaucrates de transformer un terrain vague en terrain de jeu pour les enfants. Le spectateur est alors confrontĂ© Ă  une sĂ©rie de plans subjectifs de diffĂ©rents bureaucrates, reliĂ©s par des transitions rapides, chacun d’entre eux renvoyant le groupe Ă  un autre service. L’utilisation du volet rend la sĂ©quence plus drĂŽle, les images de bureaucrates sont empilĂ©es comme des cartes, chacune plus rigide que la prĂ©cĂ©dente[190].

Bande-son

De l’avis gĂ©nĂ©ral, Kurosawa accorde toujours une grande attention Ă  la bande-son de ses films (les mĂ©moires de Teruyo Nogami en donnent de nombreux exemples)[191]. À la fin des annĂ©es 1940, il commence Ă  utiliser la musique comme contrepoint du contenu Ă©motionnel d’une scĂšne, plutĂŽt que pour simplement renforcer l’émotion, comme le fait le cinĂ©ma hollywoodien. Cette approche de la musique de ses films lui est inspirĂ©e par une tragĂ©die familiale. Lorsque Kurosawa apprend la mort de son pĂšre en 1948, il se met Ă  errer sans but dans les rues de Tokyo. Son chagrin est amplifiĂ© lorsqu’il entend soudain la chanson gaie Gökvalsen (Valse du coucou, 1918) composĂ©e par Johan Emanuel Jonasson. Il s’empresse alors d’échapper Ă  cette « musique affreuse ». Il demande ensuite Ă  son compositeur, Fumio Hayasaka, avec qui il travaille sur L’Ange ivre, d’utiliser cette chanson comme une sorte d’accompagnement ironique de la scĂšne dans laquelle le gangster mourant, Matsunaga, tombe au plus bas[192].

Cette approche de la musique se retrouve Ă©galement dans Chien enragĂ©, sorti un an aprĂšs L’Ange ivre. Dans la scĂšne finale, le dĂ©tective Murakami se bat furieusement contre le meurtrier Yusa dans un champ boueux. On entend soudain un morceau de Mozart, jouĂ© au piano par une femme dans une maison voisine. La sĂ©rĂ©nitĂ© de la musique de Mozart semble d’un autre monde et contraste avec la violence primitive de la scĂšne, et en renforce la puissance. De la mĂȘme façon, dans Les Sept SamouraĂŻs, des oiseaux gazouillent en arriĂšre-plan durant les Ă©pisodes de meurtre et de mutilation comme dans la premiĂšre scĂšne oĂč les fermiers se lamentent sur leur sort[193].

ThÚmes récurrents

Dans ses Ɠuvres, Akira Kurosawa s’attache Ă  dĂ©crire ou Ă  faire une parabole de la sociĂ©tĂ© humaine. Il dĂ©peint ainsi au long de ses films la pauvretĂ© (Les Bas-fonds, Dodes’kaden), la violence urbaine (Chien enragĂ©), la maladie et l’immobilitĂ© des fonctionnaires (Vivre), la destruction de l’environnement (RĂȘves), ou encore la vieillesse (Madadayo).

Relation maĂźtre-disciple

De nombreux commentateurs notent chez Kurosawa la redondance du lien complexe entre un homme ĂągĂ© et un autre plus jeune entretenant une relation de maĂźtre-disciple. Ce sujet est clairement tirĂ© de l’expĂ©rience personnelle du cinĂ©aste. Selon Joan Mellen, « Kurosawa vĂ©nĂ©rait ses professeurs, en particulier Kajirƍ Yamamoto, son mentor Ă  Tƍhƍ. [
] L’image salutaire d’une personne plus ĂągĂ©e enseignant Ă  un jeune Ă©voque toujours dans les films de Kurosawa de grands moments d’émotions »[112]. Le critique Tadao Satƍ considĂšre le personnage rĂ©current du maĂźtre comme un pĂšre de substitution, dont le rĂŽle est de guider le jeune protagoniste et de l’aider Ă  mĂ»rir, Ă  grandir[194].

Dans son tout premier film, La LĂ©gende du grand judo, aprĂšs que Yano, le maĂźtre judoka, est devenu le professeur et le guide spirituel du personnage principal, le rĂ©cit est une chronique de l’évolution, Ă©tape par Ă©tape, de la maĂźtrise et de la maturitĂ© grandissantes du hĂ©ros Sanshiro Sugata[195]. Les relations maĂźtre-Ă©lĂšve qui apparaissent dans les films d’aprĂšs-guerre — tels L’Ange ivre, Chien enragĂ©, Les Sept SamouraĂŻs, Barberousse et Dersou Ouzala — utilisent trĂšs peu l’enseignement direct et thĂ©orique, mais beaucoup l’apprentissage par l’expĂ©rience et l’exemple. Certains attribuent cette caractĂ©ristique Ă  la nature silencieuse et privĂ©e de l’illumination zen[196].

Avec Kagemusha, l’Ombre du guerrier, cette relation Ă©volue. Un voleur choisi pour jouer le double d’un grand seigneur continue son imitation aprĂšs la mort de son maĂźtre. La prĂ©sence du maĂźtre est alors fantomatique, et la relation entre les deux personnages est entretenue depuis l’au-delĂ . Contrairement aux prĂ©cĂ©dents films, la fin de cette relation n’amĂšne alors pas au renouvellement de la vie et de ses engagements, mais Ă  la mort[197]. Toutefois, dans son tout dernier film Madadayo — qui Ă©voque la relation entre un professeur et ses anciens Ă©lĂšves — une vision plus joyeuse rĂ©apparaĂźt. La fĂȘte dĂ©peinte par Kurosawa met en avant les joies simples que peuvent procurer les relations professeurs-Ă©lĂšves, les liens de parentĂ© et le simple fait d’ĂȘtre en vie[198].

HĂ©ros

Le cinĂ©ma de Kurosawa est un cinĂ©ma Ă©pique, hĂ©roĂŻque, dont les films sont emmenĂ©s par un hĂ©ros unique dont les actes et le destin comptent plus que sa propre vie. L’émergence chez Kurosawa de ce hĂ©ros unique coĂŻncide avec la pĂ©riode d’aprĂšs-guerre et l’objectif de l’occupation du Japon par les États-Unis de remplacer le fĂ©odalisme japonais par l’individualisme. L’évolution politique du pays n’est pas sans dĂ©plaire au cinĂ©aste, qui cherche alors Ă  dĂ©velopper son propre style cinĂ©matographique[199]. Selon le critique Tadao Satƍ, le peuple japonais a beaucoup souffert de la dĂ©faite militaire du pays et s’est rendu compte que le gouvernement n’était ni juste ni fiable. Pendant cette pĂ©riode de doutes et d’incertitudes, Kurosawa rĂ©alise une sĂ©rie de films soutenant l’opinion du peuple selon laquelle le sens de la vie n’est pas dictĂ© par le pays ou la nation, mais qu’il s’agit lĂ  de quelque chose que chaque individu doit dĂ©couvrir dans la souffrance[200]. Le rĂ©alisateur lui-mĂȘme se rend compte de ce lien entre son Ă©tat d’esprit et celui du peuple : « Je sentais que, sans l’instauration du soi comme valeur positive, il ne pouvait y avoir ni libertĂ© ni dĂ©mocratie »[201].

Le premier de ces hĂ©ros d’aprĂšs-guerre fut une hĂ©roĂŻne, Yukie Yagihara, interprĂ©tĂ©e par Setsuko Hara dans Je ne regrette rien de ma jeunesse. Cette hĂ©roĂŻne n’hĂ©site pas Ă  fuir sa famille et son milieu social, persĂ©vĂšre face aux obstacles qu’elle rencontre, prend en main sa vie et celle des autres, et fait face Ă  une solitude existentielle. Tous ces Ă©lĂ©ments forment le premier exemple cohĂ©rent de l’hĂ©roĂŻsme selon Kurosawa[202]. Cette solitude existentielle est Ă©galement illustrĂ©e par le docteur Sanada (interprĂ©tĂ© par Takashi Shimura) dans L’Ange ivre : Sanada s’oppose Ă  la tradition et se bat, seul, pour un monde meilleur[203].

Les Sept SamouraĂŻs est considĂ©rĂ© comme la reprĂ©sentation ultime du hĂ©ros idĂ©al de Kurosawa. Selon Joan Mellen, « [le film] est avant tout un hommage Ă  la classe des samouraĂŻs dans ce qu’elle a de plus noble [
]. Pour Kurosawa, les samouraĂŻs reprĂ©sentent le meilleur de la tradition et de l’intĂ©gritĂ© japonaises »[204]. C’est Ă  cause, et non en dĂ©pit, de la guerre civile chaotique dĂ©peinte dans le film que les sept samouraĂŻs accĂšdent Ă  la grandeur. « Kurosawa identifie les avantages inattendus, tout autant que la tragĂ©die de ce moment historique. Ce bouleversement contraint les samouraĂŻs Ă  utiliser l’altruisme de leur credo de service loyal au service des paysans »[205]. Cependant, cet hĂ©roĂŻsme est vain car « il y a dĂ©jĂ  une classe marchande qui supplante l’aristocratie guerriĂšre »[206]. Ainsi, le courage et l’habiletĂ© suprĂȘme des personnages centraux n’empĂȘcheront pas leur destruction finale ni celle de leur classe[206].

À mesure que la carriĂšre de Kurosawa progresse, il semble avoir de plus en plus de mal Ă  soutenir l’idĂ©al hĂ©roĂŻque. Comme le note Prince, « Kurosawa a une vision essentiellement tragique de la vie, et cette sensibilitĂ© [
] l’empĂȘche de rĂ©aliser un cinĂ©ma socialement engagĂ© »[207]. De plus, l’idĂ©al d’hĂ©roĂŻsme du rĂ©alisateur est subverti par l’histoire elle-mĂȘme : « Lorsque l’histoire est articulĂ©e comme elle l’est dans Le ChĂąteau de l’araignĂ©e, comme une force aveugle [
] l’hĂ©roĂŻsme cesse d’ĂȘtre un problĂšme ou une rĂ©alitĂ© »[208]. Selon Prince, la vision du cinĂ©aste est finalement devenue si sombre qu’il en est venu Ă  considĂ©rer l’histoire simplement comme une rĂ©pĂ©tition sans fin de violence, au sein de laquelle l’individu est dĂ©peint non seulement comme non hĂ©roĂŻque, mais aussi comme totalement impuissant[208].

Nature

La nature est un Ă©lĂ©ment crucial dans les films d’Akira Kurosawa. Comme de nombreux artistes japonais, le rĂ©alisateur est trĂšs sensible aux subtilitĂ©s et Ă  la beautĂ© des saisons et des paysages[209]. Il n’hĂ©site pas Ă  utiliser le climat et la mĂ©tĂ©o comme des Ă©lĂ©ments parfois actifs de l’intrigue. Ainsi, dans Chien enragĂ© et Vivre dans la peur, la chaleur accablante est omniprĂ©sente : elle reprĂ©sente notamment le monde oppressĂ© par l’effondrement Ă©conomique et la menace nuclĂ©aire[210]. Kurosawa lui-mĂȘme dĂ©clare : « J’aime les Ă©tĂ©s chauds, les hivers froids, les fortes pluies, les fortes neiges, et je pense que la plupart de mes films le montrent. J’aime les extrĂȘmes, car je les trouve plus vivants »[211].

Dans Le ChĂąteau de l’araignĂ©e, le brouillard permet de renforcer l’ambiance du film. Il produit un effet d’incertitude, d’hĂ©sitation, de menace et de peur chez le spectateur, sentiments vĂ©cus par les personnages eux-mĂȘmes[212]. Kurosawa dĂ©clare sur les dĂ©cors : « Nous avons construit le chĂąteau au pied du mont Fuji. J’ai voulu du brouillard. Contrairement au chĂąteau habituel, je l’ai fait de forme plate de sorte qu’il serpente au ras du terrain, pour donner une impression terrifiante afin que l’on pressente un Ă©vĂ©nement de mauvais augure »[213].

Le vent est Ă©galement un symbole puissant dans la filmographie de Kurosawa, il est la mĂ©taphore persistante du changement, du destin et de l’adversitĂ©[214]. Dans Le Garde du corps, lors de la bataille finale, les vents soufflent, crĂ©ant des nuages de poussiĂšres, gĂȘnant les combats[215].

Enfin, la pluie n’est jamais neutre chez le cinĂ©aste : il n’est jamais question d’une pluie faible, d’un petit filet, d’une bruine, mais toujours d’averses frĂ©nĂ©tiques, violentes, de tempĂȘtes[216]. Dans Les Sept SamouraĂŻs, la bataille finale se dĂ©roule sous une pluie battante, aveuglante, permettant Ă  Kurosawa de fusionner les diffĂ©rentes classes sociales. Mais cette fusion de l’identitĂ© sociale est chaotique, symbolisĂ©e par une bataille qui se transforme peu Ă  peu en un vortex de pluie et de boue[217].

Violence

Avec Le ChĂąteau de l’araignĂ©e (1957) apparaĂźt une obsession pour les cycles historiques Ă  la violence sauvage et inexorable[218]. Dans le film, la libertĂ© n’existe pas, la seule loi existante est celle de cause Ă  effet[219] dont les Ă©vĂ©nements qui en dĂ©coulent sont inscrits dans un cycle qui se rĂ©pĂšte indĂ©finiment[220]. En effet, le seigneur de Washizu qui — contrairement au bienveillant roi Duncan de la piĂšce de Shakespeare — assassine son propre seigneur des annĂ©es auparavant pour s’emparer du pouvoir, est lui-mĂȘme assassinĂ© par Washizu (Macbeth) pour les mĂȘmes raisons[220]. Selon Prince, « Le caractĂšre fatal de l’action de Macbeth [
] a Ă©tĂ© repris par Kurosawa qui a mis l’accent sur l’action prĂ©dĂ©terminĂ©e et l’écrasement de la libertĂ© humaine sous la loi du karma »[220].

Prince affirme que les deux Ă©popĂ©es Kagemusha et Ran marquent un tournant majeur dans la vision du monde de Kurosawa. Dans Kagemusha, « alors qu'auparavant [
] [le hĂ©ros] pouvait s’emparer des Ă©vĂšnements et les modeler selon ses impulsions, il n’est plus que l’épiphĂ©nomĂšne d’un processus impitoyable, sanglant, qui le rĂ©duit en poussiĂšre sous le poids et la force de l’histoire »[221]. L’épopĂ©e suivante, Ran, est « une chronique implacable de la soif de pouvoir, de la trahison d’un pĂšre par ses fils, de guerres et de meurtres omniprĂ©sents »[222]. Le cadre historique du film est utilisĂ© comme « un commentaire sur ce que Kurosawa perçoit dĂ©sormais comme l’intemporalitĂ© des impulsions humaines vers la violence et l’autodestruction »[222]. « L’histoire cĂšde la place Ă  une perception de la vie comme une roue de souffrance sans fin, tournant sans cesse, se rĂ©pĂ©tant sans cesse », qui est comparĂ©e Ă  de nombreuses reprises dans le scĂ©nario Ă  l’enfer[223]. « Kurosawa a trouvĂ© que l’enfer Ă©tait Ă  la fois le rĂ©sultat inĂ©vitable du comportement humain et la visualisation appropriĂ©e de sa propre amertume et de sa dĂ©ception »[224].

Postérité

Reconnaissance

Photographie d’un buste entourĂ© d’arbustes.
Ingmar Bergman, dont on voit ici un buste situĂ© Ă  Kielce, en Pologne, Ă©tait un admirateur de l’Ɠuvre de Kurosawa.

De nombreux cinĂ©astes disent avoir Ă©tĂ© influencĂ©s par l’Ɠuvre de Kurosawa. Ingmar Bergman qualifie son propre film La Source d’« imitation minable de Kurosawa ». Il ajoute qu’à la sortie du film, en 1960, son admiration pour le cinĂ©ma japonais Ă©tait Ă  son comble[225]. Federico Fellini considĂ©rait Kurosawa comme « le plus grand exemple vivant de tout ce qu’un auteur de cinĂ©ma devrait ĂȘtre »[226]. Steven Spielberg a soulignĂ© l’importance du cinĂ©ma de Kurosawa dans le dĂ©veloppement de sa propre vision cinĂ©matographique[227]. Le cinĂ©aste Satyajit Ray, Ă  qui a Ă©tĂ© dĂ©cernĂ© Ă  titre posthume le prix Akira Kurosawa pour l’ensemble de sa carriĂšre de rĂ©alisateur au Festival international du film de San Francisco en 1992[228], avait dĂ©clarĂ© ceci Ă  propos de Rashƍmon :

« L’effet du film sur moi [lors de son premier visionnage Ă  Calcutta en 1952] a Ă©tĂ© Ă©lectrique. Je l’ai vu trois fois de suite, et je me suis demandĂ© Ă  chaque fois s’il existait un autre film qui donnait une preuve aussi durable et Ă©blouissante de la maĂźtrise d’un rĂ©alisateur sur tous les aspects de la crĂ©ation cinĂ©matographique. »[229]

Roman Polanski considĂšre Kurosawa comme l’un de ses trois cinĂ©astes prĂ©fĂ©rĂ©s, avec Orson Welles et Federico Fellini. Les Sept SamouraĂŻs, Le ChĂąteau de l’araignĂ©e et La Forteresse cachĂ©e font ainsi partie de ses films prĂ©fĂ©rĂ©s[230]. Bernardo Bertolucci considĂšre l’influence de Kurosawa comme fondamentale : « Les films de Kurosawa et La dolce vita de Fellini sont les films qui m’ont poussĂ©, amenĂ© Ă  devenir un rĂ©alisateur de films »[231]. AndreĂŻ Tarkovski cite Kurosawa comme l’un de ses rĂ©alisateurs favoris et place Les Sept SamouraĂŻs parmi ses dix films prĂ©fĂ©rĂ©s[232]. Sidney Lumet qualifie quant Ă  lui Kurosawa de « Beethoven des rĂ©alisateurs de films »[233]. Werner Herzog, interrogĂ© sur ses cinĂ©astes prĂ©fĂ©rĂ©s, Ă©voque Rashƍmon en ces mots :

« Je me suis toujours demandĂ© comment Kurosawa avait pu rĂ©aliser un film aussi bon que Rashƍmon ; l’équilibre et le rythme sont parfaits, et il utilise l’espace de maniĂšre si harmonieuse. C’est l’un des meilleurs films jamais rĂ©alisĂ©s. »[234]

Selon Anthony Frewin, assistant de Stanley Kubrick, ce dernier considĂšre Kurosawa comme « l’un des plus grands rĂ©alisateurs » et parle de lui « constamment et avec admiration »[235]. Ainsi, lorsque Kurosawa, qui admire aussi Kubrick, lui envoie une lettre, Ă  la fin des annĂ©es 1990, Kubrick passe plusieurs mois Ă  rĂ©Ă©crire sa rĂ©ponse[235]. Mais entre-temps, Kurosawa dĂ©cĂšde et Kubrick en est terriblement bouleversĂ©[235]. Robert Altman, lorsqu’il dĂ©couvre Rashƍmon pour la premiĂšre fois, est si impressionnĂ© par la sĂ©quence d’images du soleil qu’il incorpore ces mĂȘmes sĂ©quences dĂšs le lendemain dans son travail[236]. George Lucas cite La Forteresse cachĂ©e comme principale inspiration pour son space opera Star Wars (1977)[237]. Il mentionne Ă©galement d’autres films de Kurosawa comme ses favoris, notamment Les Sept SamouraĂŻs, Le Garde du corps et Vivre[237]. Zack Snyder cite Kurosawa comme l’une de ses influences pour son film Netflix alors en cours de dĂ©veloppement, Rebel Moon[238].

Critiques

Kenji Mizoguchi, rĂ©alisateur acclamĂ© des Contes de la lune vague aprĂšs la pluie (1953) et de L’Intendant Sansho (1954), est de onze ans l’aĂźnĂ© de Kurosawa. À partir du milieu des annĂ©es 1950, certains critiques de la Nouvelle Vague française commencent Ă  prĂ©fĂ©rer Mizoguchi Ă  Kurosawa. Le critique et cinĂ©aste de la Nouvelle Vague Jacques Rivette, en particulier, estime que Mizoguchi est le seul rĂ©alisateur japonais dont l’Ɠuvre est Ă  la fois entiĂšrement japonaise et vĂ©ritablement universelle[239] ; Kurosawa, en revanche, est considĂ©rĂ© comme plus influencĂ© par le cinĂ©ma et la culture occidentaux, un point de vue qui reste contestĂ©[240].

Au Japon, certains critiques et cinĂ©astes considĂšrent que Kurosawa est Ă©litiste. Ils estiment qu’il concentre ses efforts et son attention sur des personnages exceptionnels ou hĂ©roĂŻques. Dans son commentaire du DVD des Sept SamouraĂŻs, Joan Mellen soutient que certains plans des personnages de samouraĂŻs Kanbei et Kyuzƍ, qui montrent que Kurosawa leur accorde un statut ou une validitĂ© supĂ©rieurs, constituent des preuves de ce point de vue. Ces critiques japonais affirment que Kurosawa n’est pas suffisamment progressiste parce que les paysans sont incapables de trouver des leaders dans leurs rangs. Dans une interview avec Mellen, Kurosawa s’en est dĂ©fendu en disant :

« Je voulais dire qu’aprĂšs tout, les paysans Ă©taient les plus forts, s’accrochant Ă©troitement Ă  la terre
 Ce sont les samouraĂŻs qui Ă©taient faibles parce qu’ils Ă©taient emportĂ©s par les vents du temps. »[186] - [241]

DĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1950, Kurosawa est accusĂ© de vouloir satisfaire les goĂ»ts occidentaux en raison de sa popularitĂ© en Europe et en AmĂ©rique. Dans les annĂ©es 1970, le rĂ©alisateur de gauche Nagisa ƌshima, connu pour ses rĂ©actions critiques Ă  l’égard de l’Ɠuvre de Kurosawa, accuse ce dernier de se plier aux croyances et idĂ©ologies occidentales[242]. L’auteur Audie Bock, cependant, estime que Kurosawa ne joue jamais le jeu d’un public non japonais et qu’il dĂ©nonce les rĂ©alisateurs qui l’ont fait[243].

Adaptations de son Ɠuvre

Au Japon, l’Ɠuvre de Kurosawa a fait l’objet de nombreux remakes. C’est le cas de La LĂ©gende du grand judo, qui a inspirĂ© quatre films : Sugata Sanshirƍ, rĂ©alisĂ© par Shigeo Tanaka en 1955, Sanshirƍ Sugata, produit par Kurosawa et rĂ©alisĂ© par Seiichiro Uchikawa en 1965, Ninkyƍ yawara ichidai, rĂ©alisĂ© par Sadao Nakajima en 1966, Dawn of Judo, rĂ©alisĂ© par Kunio Watanabe en 1970, ainsi que Sugata Sanshirƍ, rĂ©alisĂ© par Kihachi Okamoto en 1977[244] - [245]. Chien enragĂ© a fait quant Ă  lui l’objet de deux reprises : un film rĂ©alisĂ© par Azuma Morisaki en 1973 pour la Shƍchiku[246] - [247] et un tĂ©lĂ©film rĂ©alisĂ© par Yasuo Tsuruhashi en 2013 pour TV Asahi[248] - [249]. En 2007, Entre le ciel et l’enfer inspire le tĂ©lĂ©film Tengoku to jigoku, rĂ©alisĂ© par Yasuo Tsuruhashi[250]. La mĂȘme annĂ©e, un remake de Sanjuro intitulĂ© Tsubaki Sanjurƍ est rĂ©alisĂ© par Yoshimitsu Morita[251]. Enfin, La Forteresse cachĂ©e a inspirĂ© le film Kakushi toride no san-akunin: The Last Princess, rĂ©alisĂ© par Shinji Higuchi en 2008[252].

Les films de Kurosawa ont Ă©galement fait l’objet de reprises hors du Japon. Les Sept SamouraĂŻs a inspirĂ© de nombreux remake, le premier Ă©tant le western Les Sept Mercenaires (The Magnificent Seven), rĂ©alisĂ© en 1960 par John Sturges[253]. Le film de Sturges fait lui-mĂȘme l’objet en 2016 d’un remake d’Antoine Fuqua intitulĂ© Les Sept Mercenaires (The Magnificent Seven)[254]. Il existe d’autres adaptations moins connues des Sept SamouraĂŻs, comme Les Sept Sauvages (The Savage Seven), rĂ©alisĂ© en 1968 par Richard Rush[255], Les Mercenaires de l’espace (Battle Beyond the Stars), rĂ©alisĂ© en 1980 par Jimmy T. Murakami[255], Les Sept Gladiateurs (I sette magnifici gladiatori), rĂ©alisĂ© en 1983 par Bruno Mattei et Claudio Fragasso[253], ou encore un film kazakh, The Wild East (DikiĂŻ vostok), rĂ©alisĂ© en 1993 par Rachid Nougmanov[256]. Le film Rashƍmon a fait l’objet de deux remakes : le western amĂ©ricain L'Outrage (The Outrage) de Martin Ritt, sorti en 1964[257] et The Outrage (U mong pa meung), film thaĂŻlandais de Pantewanop Tewakul sorti en 2011[258]. Un autre film de Kurosawa Ă  avoir fait l’objet de plusieurs reprises est Le Garde du corps. Le plus connu d’entre eux est le western spaghetti Pour une poignĂ©e de dollars (Per un pugno di dollari), rĂ©alisĂ© par Sergio Leone en 1964. Bien que largement inspirĂ© du film de Kurosawa, Leone n’avait pas obtenu l’autorisation officielle pour faire un remake de ce film, qui Ă©tait protĂ©gĂ© par des droits d’auteur. Kurosawa a donc intentĂ© un procĂšs avec la Tƍhƍ pour violation des droits d’auteur et a reçu les droits de distribution au Japon et dans d’autres pays ainsi que 15 % des recettes du box-office mondial[259] - [260]. Dernier Recours (Last Man Standing), rĂ©alisĂ© par Walter Hill en 1996 avec Bruce Willis et Christopher Walken, s’inspire Ă©galement du Garde du corps[261].

Scénarios posthumes

AprĂšs la mort de Kurosawa, plusieurs travaux posthumes basĂ©s sur ses scĂ©narios sont produits. Le film AprĂšs la pluie (雹あがる, Ame agaru) rĂ©alisĂ© par Takashi Koizumi sort en 1999[262] - [263], et La mer regarde (æ”·ăŻèŠ‹ăŠă„ăŸ, Umi wa miteita) rĂ©alisĂ© par Kei Kumai sort en 2002[264]. Le scĂ©nario de Dora-Heita Ă©crit par le Club des Quatre Chevaliers Ă  l’époque de la production de Dodes’kaden est finalement rĂ©alisĂ© par Kon Ichikawa, seul membre du Club encore en vie[265]. Dora-heita sort en 2000[266]. Huayi Brothers Media et CKF Pictures en Chine annoncent en 2017 leur intention de produire un scĂ©nario posthume de Kurosawa adaptĂ© de la nouvelle Le Masque de la mort rouge d’Edgar Allan Poe pour une sortie en 2020, sous le titre Le Masque de la mort noire[267]. Patrick Frater du magazine Variety dĂ©clare en , dĂ©clare que deux autres projets de films inachevĂ©s de Kurosawa sont prĂ©vus, le tournage de Silvering Spear devant commencer en 2018[268].

Société Kurosawa Production

En , il est annoncĂ© que les droits de remake de la plupart des films de Kurosawa et des scĂ©narios non produits sont cĂ©dĂ©s par l’Akira Kurosawa 100 Project Ă  la sociĂ©tĂ© Splendent, basĂ©e Ă  Los Angeles. La fondatrice de Splendent, Sakiko Yamada, dĂ©clare que son objectif est « d’aider les rĂ©alisateurs contemporains Ă  faire dĂ©couvrir ces histoires inoubliables Ă  une nouvelle gĂ©nĂ©ration de cinĂ©philes »[269].

La sociĂ©tĂ© Kurosawa Production, crĂ©Ă©e en 1959, continue de superviser de nombreux aspects de l’hĂ©ritage de Kurosawa. Le fils du rĂ©alisateur, Hisao Kurosawa, est l’actuel dirigeant de la sociĂ©tĂ©. Sa filiale amĂ©ricaine, Kurosawa Enterprises, est situĂ©e Ă  Los Angeles. Les droits sur les Ɠuvres de Kurosawa sont alors dĂ©tenus par Kurosawa Production et les studios de cinĂ©ma sous lesquels il travaillait, notamment la Tƍhƍ. Ces droits sont ensuite cĂ©dĂ©s au Akira Kurosawa 100 Project avant d’ĂȘtre rĂ©attribuĂ©s en 2011 Ă  la sociĂ©tĂ© Splendent, basĂ©e Ă  Los Angeles[269]. Kurosawa Production travaille en Ă©troite collaboration avec la Fondation Akira Kurosawa, crĂ©Ă©e en dĂ©cembre 2003 et Ă©galement dirigĂ©e par Hisao Kurosawa. La fondation organise un concours annuel de courts mĂ©trages et mĂšne des projets liĂ©s Ă  Kurosawa, notamment un projet rĂ©cemment mis en veilleuse visant Ă  construire un musĂ©e commĂ©moratif pour le rĂ©alisateur[270].

Hommages

En 1981, le Kurosawa Film Studio est ouvert Ă  Yokohama ; deux autres sites sont ouverts par la suite au Japon[271]. Une vaste collection de documents d’archives, notamment des scĂ©narios scannĂ©s, des photos et des articles de presse, est disponible sur l’Akira Kurosawa Digital Archive, un site Internet japonais gĂ©rĂ© par le centre de recherche des archives numĂ©riques de l’universitĂ© de RyĆ«koku en collaboration avec Kurosawa Production[272]. Une Ă©cole de cinĂ©ma Akira Kurosawa est crĂ©Ă©e Ă  l’universitĂ© d’Anaheim au printemps 2009 avec le soutien de la famille Kurosawa et de Kurosawa Production. Elle propose des programmes en ligne sur la rĂ©alisation de films numĂ©riques, avec un siĂšge Ă  Anaheim et un centre d’apprentissage Ă  Tokyo[273].

En 1999, Kurosawa est nommĂ© « Asiatique du siĂšcle » dans la catĂ©gorie « Arts, LittĂ©rature, et Culture » par le magazine Asiaweek et CNN, citĂ© comme « l’une des cinq personnes ayant le plus contribuĂ© Ă  l’épanouissement de l’Asie durant les 100 derniĂšres annĂ©es »[274]. En commĂ©moration du 100e anniversaire de la naissance de Kurosawa en 2010, un projet appelĂ© AK100 est lancĂ© en 2008. Le projet AK100 vise Ă  « exposer les jeunes qui sont les reprĂ©sentants de la prochaine gĂ©nĂ©ration, et tous les gens partout, Ă  la lumiĂšre et Ă  l’esprit d’Akira Kurosawa et au monde merveilleux qu’il a crĂ©Ă© »[275]. Deux prix cinĂ©matographiques sont Ă©galement nommĂ©s en l’honneur de Kurosawa. Le prix Akira Kurosawa rĂ©compense l’ensemble de la carriĂšre d’un rĂ©alisateur est dĂ©cernĂ© lors du Festival international du film de San Francisco, tandis que le prix Akira Kurosawa est remis lors du Festival international du film de Tokyo[276] - [277].

Filmographie

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RĂ©alisateur

Scénariste

Akira Kurosawa est auteur ou co-auteur de tous les scĂ©narios de ses films Ă  l’exception de trois d’entre eux : Ceux qui bĂątissent l’avenir et Je ne regrette rien de ma jeunesse en 1946 et Un merveilleux dimanche en 1947. Il a aussi Ă©crit ou co-Ă©crit des scĂ©narios pour d’autres cinĂ©astes :

  • 1942 : Seishun no kiryĆ« (é’æ˜„ăźæ°—æ”) d’Osamu Fushimizu
  • 1942 : Le Triomphe des ailes (çżŒăźć‡±æ­Œ, Tsubasa no gaika) de Satsuo Yamamoto
  • 1944 : Dohyƍ matsuri (ćœŸäż”ç„­) de Santarƍ Marune
  • 1945 : Appare Isshin Tasuke (ć€©æ™Žă‚Œäž€ćżƒć€Ș抩) de Kiyoshi Saeki
  • 1947 : Quatre histoires d’amour (ć››ă€ăźæ‹ăźç‰©èȘž çŹŹäž€è©± ćˆæ‹, Yottsu no koi no monogatari) de Shirƍ Toyoda
  • 1947 : La Montagne d’argent (銀ć¶șăźæžœăŠ, Ginrei no hate) de Senkichi Taniguchi
  • 1948 : Le Portrait (è‚–ćƒ, Shƍzƍ) de Keisuke Kinoshita
  • 1949 : La Femme de l’enfer (朰獄ぼèČŽć©Šäșș, Jigoku no kifujin) de Motoyoshi Oda
  • 1949 : Jakoman to Tetsu (ă‚žăƒŁă‚łèŹăšé‰„) de Senkichi Taniguchi
  • 1950 : Le DĂ©serteur de l’aube (æšăźè„±è”°, Akatsuki no dassƍ) de Senkichi Taniguchi
  • 1950 : Jiruba no tetsu (ă‚žăƒ«ăƒăźé‰„) d’Isamu Kosugi
  • 1950 : Danpei le tueur (æźșé™Łćž«æź”ćčł, Tateshi Danpei) de Masahiro Makino
  • 1951 : Ai to nikushimi no kanata e (æ„›ăšæ†Žă—ăżăźćœŒæ–čぞ) de Senkichi Taniguchi
  • 1951 : Kemono no yado (獣ぼ漿) de Tatsuo ƌsone
  • 1952 : La Vendetta d’un samouraĂŻ : duel au coin de Kagiya (è’æœšćˆćłèĄ›é–€ æ±șé—˜é”ć±‹ăźèŸ», Araki Mataemon: Kettƍ Kagiya no tsuji) de Kazuo Mori
  • 1952 : Sengoku burai (æˆŠć›œç„Ąé Œ) de Hiroshi Inagaki
  • 1953 : Fukeyo harukaze (ćčă‘ă‚ˆæ˜„éąš) de Senkichi Taniguchi
  • 1955 : Kieta chĆ«tai (æ¶ˆăˆăŸäž­éšŠ) d’Akira Mimura
  • 1955 : Asunaro monogatari (あすăȘă‚ç‰©èȘž) de Hiromichi Horikawa
  • 1957 : Les Secrets de la guerre russo-japonaise : 300 miles en territoire ennemi (æ—„éœČ戊äș‰ć‹ćˆ©ăźç§˜ćČ 敔䞭æšȘ断䞉癟里, Nichiro sensƍ shƍri no hishi: TekichĆ« ƍdan sanbyaku-ri) de Kazuo Mori
  • 1959 : Sengoku gunto-den (æˆŠć›œçŸ€ç›—äŒ) de Toshio Sugie
  • 1962 : Tateshi Danpei (æźșé™Łćž«æź”ćčł) de Shunkai Mizuho
  • 1964 : Jakoman et Tetsu (ゾャコ侇べ鉄, Jakoman to Tetsu) de Kinji Fukasaku
  • 1965 : Sugata Sanshirƍ (槿侉曛郎) de Seiichirƍ Uchikawa
ƒuvres posthumes

Distinctions

Photographie de l’empreinte d’une main sur une allĂ©e.
Empreinte de la main de Kurosawa dans du ciment Ă  Cannes, en France, oĂč se tient le Festival de Cannes.

De nombreux prix et rĂ©compenses sont dĂ©cernĂ©s Ă  Kurosawa tout au long de sa vie. Ses films ont Ă©tĂ© rĂ©compensĂ©s aux Oscars du cinĂ©ma et dans les trois principaux festivals de cinĂ©ma du monde : le Festival de Cannes, la Mostra de Venise et la Berlinale. Lors de la 62e cĂ©rĂ©monie des Oscars en 1990, il reçoit un Oscar d’honneur donnĂ© par deux de ses plus grands admirateurs : Steven Spielberg et George Lucas[278] - [279].

Kurosawa a reçu un certain nombre de dĂ©corations honorifiques tout au long de sa vie, notamment au Japon. Il est honorĂ© du prix de la personne de mĂ©rite culturel en 1976 et reçoit l’ordre de la Culture en 1985[280] - [281]. Il est Ă©galement laurĂ©at du prix de la culture asiatique de Fukuoka en 1990, du Praemium Imperiale en 1992 et du Prix de Kyoto en 1994[282] - [280] - [283]. Enfin, Kurosawa reçoit Ă  titre posthume en 1998 le Prix d’honneur de la Nation, pour avoir « profondĂ©ment Ă©mu la nation avec ses nombreux chefs-d’Ɠuvre intemporels et laissĂ© une marque brillante dans l’histoire du cinĂ©ma mondial »[284].

En Europe, Kurosawa est nommĂ© officier de la LĂ©gion d’honneur française en 1984, commandeur des arts et des lettres en 1985 et chevalier grand-croix de l’Ordre du mĂ©rite de la RĂ©publique italienne en 1986[283] - [285] - [286].

RĂ©compenses

Sauf mention contraire, les informations suivantes sont basĂ©es sur la page IMDb d’Akira Kurosawa[287] et sur la filmographie Ă©tablie par Stuart Galbraith IV, biographe d’Akira Kurosawa[179].

Liste des principales récompenses reçues par Akira Kurosawa
Année Cérémonie Pays Catégorie Film
1943 Prix Sadao Yamanaka Drapeau du Japon Japon Meilleur film La LĂ©gende du grand judo
? The National Incentive Film Prize Drapeau du Japon Japon Meilleur film La LĂ©gende du grand judo
? Geijutsusai Arts Festival Drapeau du Japon Japon Grand Prix Chien enragé
1948 Prix du film Mainichi Drapeau du Japon Japon Meilleur réalisateur Un merveilleux dimanche
1949 Prix Kinema Junpƍ Drapeau du Japon Japon Meilleur film L’Ange ivre
1949 Prix du film Mainichi Drapeau du Japon Japon Meilleur film L’Ange ivre
1951 Blue Ribbon Awards Drapeau du Japon Japon Meilleur scénario RashÎmon
avec Shinobu Hashimoto
1951 National Board of Review Awards Drapeau des États-Unis États-Unis Meilleur rĂ©alisateur Rashƍmon
1951 Mostra de Venise Drapeau de l'Italie Italie Lion d’or Rashƍmon
1951 Mostra de Venise Drapeau de l'Italie Italie Italian Film Critics Award Rashƍmon
1953 Prix Kinema Junpƍ Drapeau du Japon Japon Meilleur film Vivre
1953 Prix du film Mainichi Drapeau du Japon Japon Meilleur film Vivre
1953 Prix du film Mainichi Drapeau du Japon Japon Meilleur scénario Vivre
avec Hideo Oguni et Shinobu Hashimoto
1954 Festival international du film de Berlin Drapeau de l'Allemagne Allemagne Prix Spécial du Jury Vivre
1954 Mostra de Venise Drapeau de l'Italie Italie Lion d’argent Les Sept Samouraïs
1959 Blue Ribbon Awards Drapeau du Japon Japon Meilleur film La Forteresse cachée
1959 Festival international du film de Berlin Drapeau de l'Allemagne Allemagne Prix FIPRESCI La Forteresse cachée
1959 Festival international du film de Berlin Drapeau de l'Allemagne Allemagne Ours d’argent de la meilleure rĂ©alisation La Forteresse cachĂ©e
1959 Prix Jussi Drapeau de la Finlande Finlande Meilleur réalisateur étranger Les Sept Samouraïs
1961 Laurel Awards Drapeau des États-Unis États-Unis Laurel d’or Vivre
1964 Prix du film Mainichi Drapeau du Japon Japon Meilleur film Entre le ciel et l’enfer
1964 Prix du film Mainichi Drapeau du Japon Japon Meilleur scĂ©nario Entre le ciel et l’enfer
avec Hideo Oguni, Eijirƍ Hisaita et RyĆ«zƍ Kikushima
1964 Laurel Awards Drapeau des États-Unis États-Unis Laurel d’or Entre le ciel et l’enfer
1965 Prix Asahi Drapeau du Japon Japon Meilleur film Barberousse
1965 Mostra de Venise Drapeau de l'Italie Italie Prix OCIC Barberousse
1966 Prix Kinema Junpƍ Drapeau du Japon Japon Meilleur film Barberousse
1966 Prix Kinema Junpƍ Drapeau du Japon Japon Meilleur rĂ©alisateur Barberousse
1966 Blue Ribbon Awards Drapeau du Japon Japon Meilleur film Barberousse
1966 Prix du film Mainichi Drapeau du Japon Japon Meilleur film Barberousse
? NHK Awards Drapeau du Japon Japon Meilleur film Barberousse
? Million Pearl Awards Drapeau du Japon Japon Meilleur film Barberousse
? Festival international du film de Moscou Drapeau de l'URSS Union soviétique Meilleur film[288] Barberousse
? Geijutsusai Arts Festival Drapeau du Japon Japon Prix d’Excellence[288] Dodes’kaden
1975 Festival international du film de Moscou Drapeau de l'URSS Union soviĂ©tique Prix d’or Dersou Ouzala
1975 Festival international du film de Moscou Drapeau de l'URSS Union soviétique Prix FIPRESCI Dersou Ouzala
1976 Oscars du cinĂ©ma Drapeau des États-Unis États-Unis Oscar du meilleur film international Dersou Ouzala
1977 Rubans d’argent Drapeau de l'Italie Italie Meilleur rĂ©alisateur d’un film Ă©tranger Dersou Ouzala
1977 Prix David di Donatello Drapeau de l'Italie Italie Meilleur rĂ©alisateur d’un film Ă©tranger Dersou Ouzala
1978 Prix de la critique Drapeau de la France France Prix LĂ©on-Moussinac Dersou Ouzala
pour l’Union soviĂ©tique
1978 Halo Awards Drapeau des États-Unis États-Unis Golden Halo Dersou Ouzala
1980 Prix Hƍchi du cinĂ©ma Drapeau du Japon Japon Meilleur film Kagemusha, l’Ombre du guerrier
1980 Festival de Cannes Drapeau de la France France Palme d’or Kagemusha, l’Ombre du guerrier
ex-ĂŠquo avec Que le spectacle commence
1981 CĂ©sar du cinĂ©ma Drapeau de la France France Meilleur film Ă©tranger Kagemusha, l’Ombre du guerrier
1981 Blue Ribbon Awards Drapeau du Japon Japon Meilleur film Kagemusha, l’Ombre du guerrier
1981 Prix du film Mainichi Drapeau du Japon Japon Meilleur film Kagemusha, l’Ombre du guerrier
1981 Prix du film Mainichi Drapeau du Japon Japon Meilleur rĂ©alisateur Kagemusha, l’Ombre du guerrier
1981 Prix du film Mainichi Drapeau du Japon Japon Prix du choix des lecteurs Kagemusha, l’Ombre du guerrier
1981 BAFTA Awards Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni Meilleure rĂ©alisation Kagemusha, l’Ombre du guerrier
1981 Rubans d’argent Drapeau de l'Italie Italie Meilleur rĂ©alisateur d’un film Ă©tranger Kagemusha, l’Ombre du guerrier
1981 Prix David di Donatello Drapeau de l'Italie Italie Meilleur rĂ©alisateur d’un film Ă©tranger Kagemusha, l’Ombre du guerrier
1985 Los Angeles Film Critics Association Awards Drapeau des États-Unis États-Unis Meilleur film Ă©tranger Ran
ex-équo avec L’Histoire officielle
1985 National Board of Review Awards Drapeau des États-Unis États-Unis Meilleur rĂ©alisateur Ran
1985 Festival de Saint-SĂ©bastien Drapeau de l'Espagne Espagne Prix OCIC Ran
1986 Blue Ribbon Awards Drapeau du Japon Japon Meilleur film Ran
1986 Blue Ribbon Awards Drapeau du Japon Japon Meilleur réalisateur Ran
1986 Prix du film Mainichi Drapeau du Japon Japon Meilleur film Ran
1986 Prix du film Mainichi Drapeau du Japon Japon Meilleur réalisateur Ran
1986 Amanda Awards Drapeau de la NorvĂšge NorvĂšge Meilleur film Ă©tranger Ran
1986 Bodil Drapeau du Danemark Danemark Meilleur film européen Ran
1986 Prix David di Donatello Drapeau de l'Italie Italie Meilleur rĂ©alisateur d’un film Ă©tranger Ran
1987 BAFTA Awards Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni Meilleur film Ă©tranger Ran
1987 London Film Critics Circle Awards Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni RĂ©alisateur de l’annĂ©e Ran
1999 Prix du film Mainichi Drapeau du Japon Japon Prix pour l’ensemble de sa carriùre
1999 Japan Academy Prize Drapeau du Japon Japon Prix pour l’ensemble de sa carriùre
1999 Blue Ribbon Awards Drapeau du Japon Japon Prix pour l’ensemble de sa carriùre
2001 Japan Academy Prize Drapeau du Japon Japon Meilleur scénario AprÚs la pluie (posthume)

Nominations

Notes et références

Notes

  1. Kurosawa est mariĂ© avec Yƍko Yaguchi de 1945 Ă  1985.
  2. En 1946, Kurosawa corĂ©alise, avec son mentor, Kajirƍ Yamamoto, et Hideo Sekigawa, le long mĂ©trage Ceux qui bĂątissent l’avenir (æ˜Žæ—„ă‚’äœœă‚‹äșș々, Asu o tsukuru hitobito). Il semblerait qu’il ait Ă©tĂ© contraint de rĂ©aliser ce film contre sa volontĂ© par les studios Tƍhƍ, avec lesquels il Ă©tait sous contrat Ă  l’époque (il prĂ©tend que sa partie du film est tournĂ©e en une semaine seulement). C’est le seul film qu’il ait jamais rĂ©alisĂ© et pour lequel il n’est pas crĂ©ditĂ© en tant que seul rĂ©alisateur, et le seul qui n’est jamais sorti en vidĂ©o, sous quelque forme que ce soit. Le film est rĂ©pudiĂ© par la suite par Kurosawa et n’est souvent pas comptĂ© avec les trente autres films qu’il a rĂ©alisĂ©s, bien qu’il soit mentionnĂ© dans certaines filmographies du rĂ©alisateur[42].
  3. L’Oscar du meilleur film en langue Ă©trangĂšre a Ă©tĂ© renommĂ© Oscar du meilleur film international en 2019[133].
  4. Miyagawa a Ă©tĂ© engagĂ© comme directeur de la photographie pour Kagemusha, mais environ un mois aprĂšs le dĂ©but du tournage, des problĂšmes oculaires liĂ©s au diabĂšte l’ont contraint Ă  abandonner le projet[180].

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Annexes

Bibliographie

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Ouvrages en anglais

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Ouvrages en français

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  • Alain Bonfand, Le cinĂ©ma d'Akira Kurosawa, Paris, Vrin, coll. « Essais d'art et de philosophie », , 200 p. (ISBN 978-2-7116-2343-3).

Ouvrages en japonais

  • (ja) Tadao Satƍ, Akira Kurosawa no Sekai, Sanichishobo, . Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article

Vidéographie

  • (en) Kurosawa: The Last Emperor de Alex Cox, Channel 4/Exterminating Angel Productions, 1999, DVD
  • (en) Kurosawa de Adam Low, WNET, BBC et NHK, coll. « Great Performances », 2002, DVD
  • Yojimbo : Édition remastĂ©risĂ©e de Akira Kurosawa, coll. « Criterion Collection Spine » (no 52), 2007, DVD
  • Les Sept SamouraĂŻs : Édition remastĂ©risĂ©e de Akira Kurosawa, coll. « Criterion Collection Spine » (no 2), 2007, DVD

Liens externes

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