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Kenji Mizoguchi

Kenji Mizoguchi (溝口 健二, Mizoguchi Kenji) est un réalisateur japonais, né le à Tokyo et mort le à Kyoto. Il est aujourd'hui considéré comme un des maîtres du cinéma japonais aux côtés d'Akira Kurosawa et de Yasujirō Ozu, mais aussi du cinéma mondial. France Culture le désigne comme « le plus grand cinéaste du monde »[1].

Biographie

Jeunesse

Mizoguchi naît à Tokyo en 1898. Sa famille, malgré l'ambition de son père, devient très pauvre après la crise économique de 1904. Il vit alors dans le quartier d'Asakusa, le plus pauvre de Tokyo. Le père de Mizoguchi, un ancien charpentier, est violent envers sa mère et sa sœur Suzu qu'il vendra comme geisha[2].

Ayant des difficultés à l'école, il devient apprenti dans l'atelier d'un dessinateur de mode. Il se passionne alors pour la peinture et, soutenu par sa sœur, s'inscrit à l'académie de peinture Aoibashi. Puis il travaille comme dessinateur publicitaire et dans un journal de Kobe. En 1918, il participe à de violentes émeutes s'inspirant de la révolution russe qui lui font perdre son emploi.

Il entre dans l'industrie du film en 1920 comme acteur pour le studio Nikkatsu puis devient rapidement assistant réalisateur de Tadashi Ono[3]. En 1922, il réalise son premier film, Le jour où l'amour revint, imprégné de ses convictions socialistes et qui est censuré par le gouvernement.

Carrière de réalisateur

Au début de sa carrière, il réalise ses films rapidement, souvent des adaptations d'Eugene O'Neill, de Tolstoï ou des remakes de films expressionnistes allemands. Il tourne ainsi plus de 70 films dans les années 1920 et 1930 dont la plupart sont aujourd'hui perdus[4]. Cette époque est marquée par son engagement contre le totalitarisme dans laquelle bascule le Japon, et son intérêt pour les prostituées en rapport avec la situation de sa sœur. Ces thèmes sont tous deux transcrits dans ses films.

Pour être plus indépendant, il fonde en 1934 avec le producteur Masaichi Nagata la société de production Daiichi Eiga qui fera rapidement faillite[2].

Mizoguchi dira qu'il n'a commencé à tourner sérieusement qu'avec Les Sœurs de Gion en 1936 qui connaît un important succès populaire[4]. C'est l'année où commence une fructueuse collaboration avec le scénariste Yoshikata Yoda. Il s'oriente dès lors vers le réalisme, au moyen duquel il montre la transition du Japon de la féodalité à la modernité.

Après La Cigogne en papier (折鶴お千, Orizuru Osen), son dernier film muet, il passe à l'ère du cinéma parlant en 1935 avec Oyuki la vierge, adapté de la nouvelle Boule de suif de Guy de Maupassant[4].

Il reçoit un prix du ministère de la Culture avec Conte des chrysanthèmes tardifs (1939) qui étudie le rôle déprécié des femmes dans la société japonaise. Il développe sa célèbre approche « une scène/un plan », aidé par son chef décorateur Hiroshi Mizutani qui l'incite à utiliser des objectifs grand angles.

Il réalise pendant la guerre des films de propagande pour la Shōchiku, la plus grande maison de production cinématographique japonaise. On peut citer Le Chant de la caserne, le célèbre La Vengeance des 47 rōnin et L'Épée Bijomaru qui lui permet d'éviter la prison.

Reconnaissance de l'après-guerre

Le Japon connaît après 1945 une vague de liberté dont Mizoguchi témoigne dans ses films militants pour le suffrage des femmes comme La victoire des femmes et Flamme de mon amour. Il craint à cette époque la répression anti-communiste et quitte en 1950 la Shōchiku. Il se tourne vers des drames revisitant les traditions japonaises avec son scénariste et collaborateur Yoshikata Yoda.

Il commence à être connu en Occident au début des années 1950, notamment grâce au critique et réalisateur Jacques Rivette. Son premier film reconnu est La Vie d'O'Haru femme galante en 1952, avant qu'il ne reçoive la consécration d'un Lion d'argent au festival de Venise l'année suivante pour Les Contes de la lune vague après la pluie. Il est encore récompensé en 1954 pour L'Intendant Sansho et Les Amants crucifiés.

Il sera suivi par Akira Kurosawa, puis par Yasujirō Ozu. Mizoguchi touche par sa subtilité et sa poésie, non dénuées de noirceur et servies par des images en noir et blanc très travaillées.

Entre 1953 et sa mort en 1956, tous ses films sont favorablement accueillis par la critique européenne et rencontrent leur public. Mizoguchi meurt à Kyoto d'une leucémie à l'âge de 58 ans. Il est aujourd'hui considéré comme un des maîtres du cinéma japonais.

Entre 1923 et sa mort, il a réalisé quatre-vingt-quatorze films, dont deux en couleurs (L'Impératrice Yang Kwei-Fei et Le Héros sacrilège). Soixante-deux de ces films sont perdus, ce qui fait de Mizoguchi le réalisateur de premier plan dont le plus grand nombre de films sont perdus, loin devant John Ford, un autre grand réalisateur dont nombre de films n'ont jamais été retrouvés. On ne conserve, notamment, qu'une poignée de films muets de Mizoguchi (ce sont La Chanson du pays natal (1925), Le Pays natal (1930), des extraits de La Marche de Tokyo (1929), un court métrage documentaire sur un journal japonais en 1929, un court fragment de L'Étrangère Okichi (1930), Le Fil blanc de la cascade (1933), La Cigogne en papier, 1935). Six films parlants de la période 1938-1945 sont également perdus. Au cours des années 2000, Ojō Okichi, un film parlant de 1935 réalisé en collaboration avec Tatsunosuke Takashima[5] - [6], est retrouvé.

Appréciation

  • « Le mourait à Kyoto le plus grand cinéaste japonais. Et même l'un des plus grands cinéastes tout court. Kenji Mizoguchi était l'égal d'un Murnau ou d'un Rossellini... Si la poésie apparaît à chaque seconde, dans chaque plan que tourne Mizoguchi, c'est que, comme chez Murnau, elle est le reflet instinctif de la noblesse inventive de son auteur. » Jean-Luc Godard, Arts, .
  • « Nul doute que Kenji Mizoguchi, mort il y a trois ans, ait été le plus grand cinéaste de son pays. Il a su discipliner à son usage un art né sous d'autres climats et dont ses compatriotes n'avaient pas tiré toujours le meilleur parti. Et pourtant on ne rencontre chez lui nulle volonté servile de copier l'Occident. Sa conception du cadre, du jeu, du rythme, de la composition, du temps et de l'espace est toute nationale. Mais il nous touche de la même façon qu'ont pu nous toucher Murnau, Ophüls ou Rossellini. » Éric Rohmer, Arts, .
  • « Les comparaisons sont aussi inévitables que passées de mode : Mizoguchi est le Shakespeare du cinéma, son Bach ou Beethoven, son Rembrandt, Titien ou Picasso. », James Quandt, Mizoguchi the Master, (rétrospective des films du centenaire de Mizoguchi), Cinematheque Ontario and The Japan Foundation, 1996

Filmographie

Notes et références

  1. Antoine Guillot, « M comme Kenji Mizoguchi, le plus grand cinéaste du monde », sur France Culture, (consulté le )
  2. « Biographie de Kenji Mizoguchi », sur cineclubdecaen.com (consulté le ).
  3. Mathieu Macheret, « Kenji Mizoguchi - La Cinémathèque française », sur cinematheque.fr (consulté le ).
  4. Jacques Mandelbaum, « Trois raretés archéologiques de Mizoguchi », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  5. (en) David Bordwell, « A new old Mizoguchi » (consulté le ).
  6. (en) « Ojô Okichi (Miss Okichi) », sur moma.org, (consulté le ).
  7. Selon JMDb, le film La Nuit (夜, Yoru) est composé de deux parties, la première étant Utsukushiki akuma (美しき悪魔) et la seconde Yami no sasayaki (闇の囁き).
  8. Fiche du film À la recherche d'une dinde (1924) - Nikkatsu.
  9. Fiche du film Pas d'argent, pas de combat (1925) - Nikkatsu.
  10. (ja) « 赫い夕陽に照されて (Akai yūhi ni terasarete) », sur www.nikkatsu.com, Nikkatsu (consulté le ).
  11. (ja) « 慈悲心鳥 »Jihi shinchō »], sur www.nikkatsu.com (consulté le ).
  12. (ja) « 日本橋 »Nihon bashi »], sur www.nikkatsu.com (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean Douchet, Connaissance de Mizoguchi, FFCC, 1964
  • Michel Mesnil, Kenji Mizoguchi, Seghers, coll. Cinéma d'aujourd'hui, 1971
  • Kenji Mizoguchi, Cahiers du cinéma, hors-série, 1978
  • Daniel Serceau, Mizoguchi : de la révolte aux songes, Ed. du Cerf, 1983
  • Yoshikata Yoda, Souvenirs de Kenji Mizoguchi, Cahiers du cinéma, Petite bibliothèque des Cahiers, 1997
  • Noël Simsolo, Kenji Mizoguchi, Cahiers du cinéma, coll. Les Grands Cinéastes, 2008
  • Daniel Chocron, Kenji Mizoguchi, pour l'amour des femmes, La Lucarne des Ecrivains, Paris, 2016, 128 p., (ISBN 978-2-37673-001-9)

Liens externes

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