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Anamorphose

Une anamorphose est une dĂ©formation rĂ©versible d'une image Ă  l'aide d'un systĂšme optique — par exemple un miroir courbe — ou une transformation mathĂ©matique. Il est Ă©galement appelĂ© anamorphose la dĂ©formation de l'image d'un film ou d'une Ă©mission tĂ©lĂ©visĂ©e Ă  l'aide d'un systĂšme optique ou Ă©lectronique, afin de l'adapter Ă  un Ă©cran informatique ou de tĂ©lĂ©vision (format large anamorphosĂ©, format 4/3 ou 16/9). Le mot dĂ©rive du grec Î±ÎœÎ±ÎŒÎżÏÏ†Ï‰Î”ÎčÎœ anamorphoein, « transformer ».

Anamorphose conique de 1842 : le motif n'est visible que de dessus.

Par ce procĂ©dĂ©, certains artistes ont crĂ©Ă© des Ɠuvres dĂ©formĂ©es qui se recomposent Ă  partir d'un point de vue prĂ©Ă©tabli. Historiquement, l'anamorphose est l'une des applications des travaux de Piero della Francesca († 1492) sur la perspective. En effet, c'est la rationalisation de la vision qui a conduit Ă  systĂ©matiser les techniques de projection, dont les anamorphoses sont l'un des rĂ©sultats. Cet « art de la perspective secrĂšte » dont parle Albrecht DĂŒrer connaĂźt des applications multiples, aussi bien comme emblĂšme de l'architecture et du trompe-l'Ɠil que dans des utilisations pratiques. Son premier thĂ©oricien fut Jean-Louis Vaulezard (XVIIe siĂšcle). La derniĂšre anamorphose murale subsistant en France (8 mĂštres de long) se trouve dans la chapelle des JĂ©suites du lycĂ©e du SacrĂ©-CƓur Ă  Aix-en-Provence[1] - [2].

Application artistique

Anamorphose classique

D'aprĂšs l'historien Jurgis BaltruĆĄaitis, l'anamorphose est une particularitĂ© dĂ©viante de la perspective : « La perspective est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©e, dans l’histoire de l’art, comme quelque chose de rĂ©aliste restituant la 3e dimension. C’est avant tout un artifice qui peut servir Ă  toutes les fins. Nous en traitons ici le cĂŽtĂ© fantastique et aberrant : une perspective dĂ©pravĂ©e par une dĂ©monstration logique de ses lois[3]. »

On connaĂźt, de LĂ©onard de Vinci, cette anamorphose d’un visage d’enfant et d’un Ɠil (1485, Codex Atlanticus). À droite, vue contractĂ©e depuis le cĂŽtĂ© droit, "dĂ©sanamorphosĂ©e".

La peinture Les Ambassadeurs de Hans Holbein le Jeune contient prÚs de la base de la toile l'anamorphose d'un crùne, qui est en fait une vanité. On ne peut voir le crùne qu'en regardant le tableau avec une vue rasante.

Les Ambassadeurs de Hans Holbein

Parfois, ce n'est pas le centre de la représentation qui est déformé, mais ses extrémités, afin de donner l'impression que la surface du tableau n' est pas strictement plane. L'exemple le plus connu de ce type d'anamorphoses « inversées » est l'Autoportrait dans un miroir convexe de Parmigianino (vers 1524).

Anamorphose Ă  miroir

Il s'agit dans ces deux cas d’anamorphoses directes. Il existe aussi d’autres types d’anamorphoses, oĂč l’on interpose un miroir conique ou cylindrique entre le regard et la peinture qui, dĂ©formĂ©e, s’y reconstitue. C'est notamment le cas des anamorphoses chinoises datant de l’époque Ming (1368 Ă  1644).

Anamorphose d'aprĂšs l'Érection de la Croix de Rubens de Domenico Piola, MusĂ©e des beaux-arts de Rouen.
Le tableau précédent (accroché) ainsi qu'une reproduction munie d'un miroir cylindrique

Les anamorphoses à miroir permettent, grùce à l'interposition d'un miroir cylindrique ou conique, de faire apparaßtre une image qui est la réflexion d'une image déformée conçue à cet effet. L'image déformée est peinte sur une surface plane autour d'un emplacement prévu du miroir ; ce n'est qu'en y installant le miroir que l'image apparaßt non déformée sur la surface de celui-ci. Répandu au XVIIe et XVIIIe siÚcles, ce procédé d'anamorphose a permis de diffuser caricatures, scÚnes érotiques et scatologiques, scÚnes de sorcellerie et grotesques qui se révélaient pour un public confidentiel lorsque le miroir était positionné sur la peinture.

Parmi les peintres qui ont utilisé l'anamorphose, on peut par ailleurs citer Félix Labisse ou Salvador Dalí. De nos jours, cette technique classique a été remise au goût du jour par le marqueteur et sculpteur sur bois franc-comtois Pierre Beuchey.

Trompe-l'Ɠil architectural

Trompe-l'Ɠil en façade.
Jean-Max Albert, Reflet anamorphose, Sculpture en bronze, Parc de la Villette.1985

Les principales utilisations modernes de l'anamorphose interviennent dans le domaine du trompe-l'Ɠil. Elles consistent Ă  peindre d'une façon dĂ©formĂ©e et calculĂ©e une image qui se reconstituera, vue d'un point de vue prĂ©Ă©tabli, et donnera Ă  la peinture murale une impression de relief et donc de rĂ©alitĂ© spatiale.

Vue de la petite place Saint-Georges Ă  Paris, un peu plus haut, le spectateur dĂ©couvre une façade d'immeuble avec fenĂȘtres en arcades et Ă  fronton, volets. Mais toute cette architecture apparente (moulurations, corniches, ombres portĂ©es, vitrages et reflets) est fictive, uniquement picturale, sans rĂ©alitĂ© volumĂ©trique ; elle n'est que la rĂ©sultante visuelle de l'opĂ©ration que produit l'anamorphose. L'image « anamorphosĂ©e » du thĂ©Ăątre paraĂźt Ă©vidente de ce point de vue privilĂ©giĂ©, mais au dĂ©placement l'image tend Ă  se dĂ©former.

L'occasion de créer une anamorphose nécessite une étude des circonstances scénographiques et topographiques satisfaisantes et un choix de points de vue obligés et privilégiés.

Ci-contre, un carrĂ© pour un square, une anamorphose rĂ©alisĂ©e par l’artiste Jean-Max Albert pour la Place FrĂ©hel en 1988. Le tracĂ© d’un carrĂ© vu en perspective vient s’inscrire dans le site de la place. Il est constituĂ© par un ensemble de lignes formĂ©es d'Ă©troites plaques de marbre de Carrare imbriquĂ©es dans les murs des immeubles riverains. Un muret en maçonnerie a Ă©tĂ© crĂ©Ă©, ainsi qu'un pilier de pierre de taille destinĂ© Ă  former l’angle gauche du « carrĂ© ». Les vestiges d'une ancienne construction ont Ă©tĂ© prĂ©servĂ©s et servent aussi de support au dessin du carrĂ© virtuel.

Par le mĂȘme artiste, un autre exemple, dont le point de vue obligĂ© est indiquĂ© par l'une des sculptures de visĂ©es du parc de la Villette. Une anamorphose cette fois constituĂ©e par le reflet d'un assemblage en bronze. Le reflet montre discrĂštement l'imbrication d'un cercle dans un carrĂ© dans un triangle en rĂ©fĂ©rence au plan directeur de Bernard Tschumi, architecte du parc. Il est Ă  noter que ce dispositif permet exceptionnellement de voir simultanĂ©ment l’objet d’origine et son effet visuel ou, si l'individu le veut, la possibilitĂ© d’apprĂ©cier en mĂȘme temps l’image formĂ©e et sa dĂ©formation.

Une autre variante de cette technique a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e par l’artiste Cinzia Pasquali pour dĂ©corer le tunnel autoroutier du Duplex A86[4]. Sa fresque Ă©voque le Roi-Soleil, dont la tĂȘte d’Apollon aux cheveux flamboyants a Ă©tĂ© dĂ©formĂ©e Ă  400 % pour permettre aux automobilistes de la section VĂ©lizy-Villacoublay – A13 du tunnel d’avoir une perception globale de l’Ɠuvre Ă  une vitesse maximale de 70 km/h.

Ci-dessus, la façade en trompe-l'Ɠil du thĂ©Ăątre Saint-Georges, rĂ©alisĂ©e par Dominique Antony.

Au printemps 2016, une anamorphose de la Pyramide du Louvre a été réalisée à Paris par l'artiste photographe JR. Ce dernier a plaqué une photo de la partie du Pavillon Sully, se trouvant derriÚre la pyramide, sur la face avant. En se plaçant en un point particulier sur le parvis, la perspective réalisée permet de faire coïncider la photo de la partie cachée du pavillon, avec le reste du bùtiment, masquant ainsi la Pyramide[5].

Anamorphose ludique

La technique peut également servir un objectif plus ludique, rappelant les utilisations classiques, et cacher dans une image des éléments à découvrir.

Selon Dominique Antony, auteur de l'anamorphose ci-dessous :

« L'image inattendue jaillit vers le regard Ă©bahi du spectateur. C’est un secret et celui qui l'a dĂ©couvert, le garde ou le divulgue...

Cette scĂ©nographie de l'anamorphose utilise les ressources et les contraintes de l’architecture pour crĂ©er un rapport magique avec celui que, soudain, l'anamorphose rencontre. »

L'anamorphose est aussi le phénomÚne des miroirs déformants que l'on trouve dans les animations de foire.

  • Cette forme Ă©trange flottant dans le ciel, cachĂ©e par les ramures de cet arbre a Ă©tĂ© peinte pour un autre point de vue. Ici, l'anamorphose telle qu'elle est peinte

    Cette forme étrange flottant dans le ciel, cachée par les ramures de cet arbre a été peinte pour un autre point de vue. Ici, l'anamorphose telle qu'elle est peinte

  • 
 lĂ , telle qu'elle apparaĂźt de l'autre cĂŽtĂ© du petit bĂątiment sur la droite, rĂ©vĂ©lant de ce point d'observation un Ă©chafaudage plantĂ© dans le mur, deux planches, un pot de peinture oubliĂ© lĂ -haut

    
 là, telle qu'elle apparaßt de l'autre cÎté du petit bùtiment sur la droite, révélant de ce point d'observation un échafaudage planté dans le mur, deux planches, un pot de peinture oublié là-haut


Anamorphose 3D

Un procédé informatique développé en 2010[6] par Rodrigue Pellaud permet de projeter des animations 3D en dissociant le point de vue du spectateur du point de vue de projection[7].

  • Anamorphose 3D (projection vidĂ©o).
    Anamorphose 3D (projection vidéo).
  • L'image est projetĂ©e Ă  partir d'un mur latĂ©ral sous le porche et elle est ensuite rĂ©flĂ©chie sur le plafond Ă  l'aide d'un miroir.
    L'image est projetée à partir d'un mur latéral sous le porche et elle est ensuite réfléchie sur le plafond à l'aide d'un miroir.
  • Anamorphose stĂ©rĂ©oscopique crĂ©Ă©e par Dimitri Parant.
    Anamorphose stéréoscopique créée par Dimitri Parant.
  • Anamorphose conique en art contemporain.
    Anamorphose conique en art contemporain.

Applications utilitaires

Application militaire

L'anamorphose a Ă©tĂ© utilisĂ©e pour les pĂ©riscopes des chars d'assaut dĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale, afin d'augmenter l'angle de vue : l'image Ă©tait « comprimĂ©e » par l'objectif du pĂ©riscope, puis dĂ©compressĂ©e par l'oculaire[8], afin de rĂ©duire la taille du conduit — traversant le blindage — reliant l'objectif Ă  l'oculaire.

Application à la projection cinématographique et vidéo

Image originale (haut) et photogramme anamorphosĂ© sur une pellicule 35 mm (bas).

La projection cinĂ©matographique utilise en standard une pellicule de 35 mm de large. En raison des contraintes techniques — prĂ©sence de perforations pour l'avance du film, d'une bande son optique, dĂ©filement normalisĂ© Ă  quatre perforations par image —, la taille du photogramme est limitĂ©e Ă  22 × 18 mm, ce qui reprĂ©sente une image ayant un rapport largeur sur hauteur de 1,22:1.

Or, une salle de projection est presque toujours plus large que haute ; si l'on veut avoir une image plus grande, pour avoir un « grand spectacle », il faut donc projeter une image plus large. Les formats de projection larges peuvent ĂȘtre obtenus en agrandissant davantage l'image projetĂ©e Ă  l'Ă©cran aprĂšs avoir rĂ©duit la hauteur de l'image sur la pellicule. Il est ainsi possible d'avoir une image ayant un rapport de 1,85:1, le photogramme faisant 22 × 11,90 mm, mais cette image est limitĂ©e par le grain de la pellicule : si l'image est trop grossie, il est obtenu une image de qualitĂ© mĂ©diocre.

Pour avoir une image plus large avec une bonne rĂ©solution, avec une pellicule 35 mm, il faut utiliser une anamorphose : l'image est comprimĂ©e dans le sens de la largeur sur la pellicule (soit Ă  la prise de vue, soit lors du tirage) puis est dĂ©compressĂ©e Ă  la projection. Le systĂšme le plus cĂ©lĂšbre est le CinemaScope mis au point par Henri ChrĂ©tien ; le procĂ©dĂ© Super HĂ©raclorama mis au point par Jules Hourdiaux utilise aussi une anamorphose.

Anamorphose en vidéo

Les formats 16/9 (1.77:1) et « CinĂ©maScope » (2,35:1), en tĂ©lĂ©vision non HD et DVD, mettent en Ɠuvre le principe de l'anamorphose. Il s'agit d'une anamorphose Ă©lectronique consistant Ă  modifier le balayage pour comprimer horizontalement l'image au rapport largeur/hauteur du film pour une sortie au format 4/3 qui est le standard obligatoire de tout mĂ©dia non HD.

Aujourd'hui, elle n'est plus utilisée que dans les disques DVD, la TNT non HD étant abandonnée. L'anamorphose permet une définition maximale de l'image en hauteur. Si des « bandes noires » étaient présentes, elles constitueraient une perte non négligeable en qualité.

Par exemple, le 4/3 a pour résolution standard 720x576 pixels. S'il y avait présence de « bandes noires », en non anamorphosé et format 16/9, l'image réelle exploitable serait de 720x406 pixels, donc une perte de 170 pixels en hauteur.

Cette technique tend cependant à disparaßtre avec la standardisation de la télévision à haute définition qui n'est pas un format anamorphosé.

Application en cartographie

Les anamorphoses sont utilisées en cartographie statistique pour montrer l'importance d'un phénomÚne donné : ce type de carte est couramment appelé un cartogramme. La carte ne représente alors plus la réalité géographique, mais la réalité du phénomÚne. Par exemple, une commune sera agrandie par rapport aux autres si elle contient plus de chÎmeurs que la moyenne des autres.

Des cartes en anamorphose sont Ă©galement rĂ©alisĂ©es pour percevoir les effets des rĂ©seaux de transport, par exemple le rĂ©seau de transport ferroviaire en France. En effet, les moyens de transport dĂ©forment l'espace : gĂ©ographiquement, Marseille est plus loin de Paris que PĂ©rigueux, mais puisqu'il est possible de se rendre plus rapidement Ă  Marseille par la ligne rapide de TGV, cette derniĂšre ville sera placĂ©e sur la carte plus proche de Paris. Ainsi, l'espace peut ĂȘtre diffĂ©remment perçu en fonction la mobilitĂ© humaine.

Enfin, l'anamorphose peut servir à faire ressortir certains détails importants. Par exemple, pour les plans de ville ou les cartes routiÚres, les voies (rues, routes, autoroutes) sont représentées plus larges qu'elles ne le seraient à l'échelle, alors que leur longueur est à l'échelle.

Lisibilité selon l'angle de vue

L'anamorphose permet d'amĂ©liorer la lisibilitĂ© de messages ou symboles vus d'une certaine distance. Dans ce cas, la dĂ©formation optique subie par le motif reprĂ©sentĂ© Ă  cause de l'angle aigu sous lequel il est vu par le spectateur nuit Ă  sa comprĂ©hension. Cet inconvĂ©nient peut ĂȘtre contournĂ© grĂące Ă  l'anamorphose qui permet de rĂ©tablir des proportions optiques satisfaisantes pour la bonne perception du message.

  • Anamorphose peinte dans le couloir d'un hĂŽpital.
    Anamorphose peinte dans le couloir d'un hĂŽpital.
  • Effet visuel correspondant.
    Effet visuel correspondant.

Publicité

Depuis les annĂ©es 1990, les annonceurs exploitent l'aire de jeu de certains sports comme espace publicitaire. Le procĂ©dĂ© est apparu aux États-Unis dans le cadre de sports utilisant des surfaces synthĂ©tiques (ex. : football amĂ©ricain) ou du parquet (ex. : basket-ball). Cette pratique a Ă©tĂ© transposĂ©e en Europe sur des sports utilisant des terrains gazonnĂ©s, en particulier au rugby, mais l'angle de prise de vue rasant des camĂ©ras retransmettant les matchs Ă  la tĂ©lĂ©vision dĂ©formait les logotypes et les faisait apparaĂźtre trĂšs allongĂ©s. Des anamorphoses ont donc Ă©tĂ© appliquĂ©es aux visuels des annonceurs de façon Ă  s'afficher Ă  l'Ă©cran de maniĂšre conforme Ă  l'apparence d'origine du logotype.

Signalisation routiĂšre

Anamorphose routiĂšre.

La signalisation routiÚre peinte directement sur le sol fait également appel à ce procédé afin que les usagers de la route aient une vue non déformée d'une image ou d'un texte lorsqu'ils se situent à une certaine distance. Dans de nombreux pays, une anamorphose sert à indiquer une piste cyclable, par un vélo peint sur le sol et qui semble étiré en hauteur quand on le regarde du dessus.

Emballages

Certains emballages sont imprimĂ©s par flexographie (sorte de tampon encreur, qui permet des impressions en plusieurs couleurs et de grandes dimensions, jusqu'Ă  1,3 m × ; m, y compris sur des films minces comme des sacs plastiques[9]). Le dessin sur la matrice doit ĂȘtre Ă©tirĂ© dans le sens de dĂ©filement, donc anamorphosĂ©.

De mĂȘme, l'impression sur un support cylindrique, de type canette, ou de forme plus complexe, nĂ©cessite d'avoir un dessin anamorphosĂ© sur la matrice[10].

Un certain nombre d'emballages sont des feuilles de polymÚre déformées (thermoformage, soufflage), par exemple pour donner des barquettes. PlutÎt que coller une étiquette, qui complique le recyclage (adjonction de matériaux différents), il est possible d'imprimer un dessin anamorphosé sur la feuille plane, qui sera « remis en forme » par la déformation du matériau (par exemple, procédé Anamap de Kallisto[11] ou procédé de Quadraxis[12]).

Prise de vue à 180°

Si l'on utilise un miroir hémisphérique convexe, celui-ci reflÚte le demi-espace qui lui fait face. Si l'on filme ce miroir dans l'axe de son ouverture, on a alors une image déformée sur les bords.

On peut sélectionner une portion de cette image et la désanamorphoser pour obtenir une vision « plate ». En changeant la partie de l'image sur laquelle on travaille, on peut simuler un changement d'angle de vue, voire simuler un panoramique : la caméra reste en fixe que le miroir, seule change l'interprétation de l'image filmée.

On peut aussi, Ă  partir de plusieurs photographies, recomposer une image globale Ă  180 ou 360° qui permettra de calculer une vue dans n'importe quelle direction (par exemple avec les logiciels PTMac et CubicConverter, le panoramique pouvant ĂȘtre visualisĂ© avec QuickTime[13]).

Représentation graphique de détails d'échelles différentes

Représentation d'une piÚce idéale (haut) et d'une piÚce réelle dont les défauts de surface sont anamorphosés (bas).

Il est parfois utile de reprĂ©senter sur un mĂȘme dessin des dĂ©tails d'Ă©chelle diffĂ©rente. On utilise alors l'anamorphose, Ă  l'instar de l'Ă©chelle logarithmique.

Par exemple, lorsque l'on veut reprĂ©senter des dĂ©fauts de surface, on a intĂ©rĂȘt Ă  utiliser une Ă©chelle « humaine » (par exemple de 1:1 Ă  10:1) pour le profil gĂ©nĂ©ral de la surface, et une Ă©chelle microscopique pour les dĂ©fauts (par exemple 100:1 ou 1 000:1).

Psychanalyse

Le psychanalyste Jacques Lacan commente largement l'anamorphose dans ses séminaires à propos du regard et de « la constitution du sujet et de son rapport à la vision », en se référant au tableau de Holbein, les Ambassadeurs.

« Comment se fait-il que personne n’ait jamais songĂ© Ă  y Ă©voquer quelque chose qui ressemble Ă  l’effet d’une Ă©rection.
[...] que voyez-vous qu’est cet objet, Ă©trange, suspendu, oblique au premier plan en avant de ces deux personnages dont la valeur comme regard, je pense, vous est apparue Ă  tous, ces deux personnages figĂ©s, raidis dans leur ornement monstrateur entre lesquels toute une sĂ©rie d’objets qui ne sont rien d’autre, que ces objets-lĂ  mĂȘme qui dans la peinture de l’époque figurent, les symboles de la veritas. »

— Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, 1964.

Enjeux philosophiques

L'anamorphose a souvent eu un aspect philosophique, au-delĂ  d'un procĂ©dĂ© artistique. UtilisĂ© par les humanistes pour interroger la place de l'homme et du spectateur (avec le tableau Les Ambassadeurs), cette technique servira Ă©galement Ă  contourner la censure. Dans une optique plus contemporaine, l'anamorphose artistique est une analogie pertinente pour interroger le rapport Ă  l'espace Ă  l'Ăšre du numĂ©rique. Qu'est-ce que l'espace numĂ©rique ? Qu'est-il par rapport Ă  l'espace dit rĂ©el ? Comment coexistent-ils ? L'anamorphose propose non seulement une idĂ©e de cohabitation, mais aussi une idĂ©e de coexistence. GrĂące Ă  cette notion d'interdĂ©pendance, l'anamorphose supprime la hiĂ©rarchie qui peut exister entre ces deux espaces. Elle questionne notre rapport Ă  l'espace, Ă  notre imaginaire de l'espace. Si l'espace numĂ©rique est relativement rĂ©cent, la destruction d'une idĂ©e intĂ©riorisĂ©e de l'espace ne l'est pas. Les Ambassadeurs n'est effectivement pas rĂ©current sans raison sur le sujet de l'anamorphose. Il transcende, lorsqu'il est peint, tout un imaginaire de l'espace pictural, inventĂ© avec la perspective. Il utilise cet espace et ces codes pour le transformer, et forcer le spectateur Ă  envisager diffĂ©remment cet espace. De la mĂȘme façon, le fait que le monde numĂ©rique s'appuie sur le monde physique pour le transformer amĂšne Ă  une prise de conscience. L'espace numĂ©rique est rĂ©el, il l'est tout autant que l'espace physique, et il ne peut exister entre eux de rapport hiĂ©rarchique.

Notes et références

Voir aussi

Bibliographie

  • Jurgis BaltruĆĄaitis, Anamorphoses : ou perspectives curieuses, Paris, O. Perrin, impr.,
  • François Mathey, Anamorphoses. Chasse Ă  travers les collections du MusĂ©e, Paris, Dumont, MusĂ©e des arts dĂ©coratifs, , 90 p.
  • Secrets des anamorphoses, Paris, Gallimard Jeunesse, , 32 p. (ISBN 978-2-07-058795-7, lire en ligne)
  • « La perspective », Hyper Cube, PentaĂšdre,‎
  • Jacques Lacan, Le sĂ©minaire. Livre XI. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse., Paris, Le Seuil, , 253 p. (ISBN 978-2-02-002761-8)
  • Marie-France Tristan, « Anamorphose(s) », Sigila, no 17,‎
  • Jeanette Zwingenberger, Holbein le jeune. L'ombre de la mort, Londres, Parkstone International, coll. « Grands peintres », , 175 p. (ISBN 1-85995-487-1)
  • (de) Georg FĂŒsslin et Ewald Hentze, Anamorphosen : Geheime Bilderwelten, FĂŒsslin, Georg u. Ulrike Maria FĂŒsslin, , 160 p. (ISBN 978-3-9803451-6-3)
  • (de) Fred Leeman, Joost Elffers et Mike Schuyt, Anamorphosen. Ein Spiel mit der Wahrnehmung, dem Schein und der Wirklichkeit, Ostfildern, DuMont Reiseverlag, , 164 p. (ISBN 978-3-7701-0854-1)

Articles connexes

Liens externes

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