Stockage de l'hydrogĂšne
Le concept de stockage de l'hydrogÚne désigne toutes les formes de mise en réserve du dihydrogÚne en vue de sa mise à disposition ultérieure comme produit chimique ou vecteur énergétique.
Plusieurs possibilitĂ©s existent, qui prĂ©sentent avantages et inconvĂ©nients. Sous forme de gaz, le dihydrogĂšne est peu dense et doit ĂȘtre fortement comprimĂ©. La liquĂ©faction du dihydrogĂšne se rĂ©alise Ă trĂšs basse tempĂ©rature. L'hydrogĂšne solide nĂ©cessite d'ĂȘtre liĂ© Ă d'autres composants, notamment sous la forme d'hydrure.
Enjeux
Mobilité
L'hydrogÚne présente plusieurs caractéristiques intéressantes, susceptibles d'en faire un des vecteurs énergétiques du futur. Il dispose notamment d'une densité énergétique massique trois fois plus élevée que celle du gazole[1].
En particulier, il peut facilement ĂȘtre utilisĂ© pour alimenter des moteurs de vĂ©hicule : soit dans un moteur Ă combustion interne, comme dans le cas des vĂ©hicules actuels, l'efficacitĂ© Ă©tant alors limitĂ©e par le cycle de Carnot et le rendement plafonnant Ă environ 25 % ; soit avec un moteur Ă©lectrochimique utilisant une pile Ă combustible, l'efficacitĂ© nâĂ©tant alors pas limitĂ©e par le cycle de Carnot, le rendement pouvant atteindre 50 Ă 60 %.
Apprendre Ă mieux stocker l'hydrogĂšne est aussi un enjeu d'Ă©comobilitĂ©, car l'hydrogĂšne semble ĂȘtre une alternative aux hydrocarbures : en brĂ»lant il n'Ă©met que de la vapeur d'eau et quelques NOx, et pas de CO2 ou de CO[2].
Le coĂ»t de stockage mobile du dihydrogĂšne est encore (en 2012) prohibitif et son transport Ă©tait au dĂ©but des annĂ©es 2000 environ 50 % plus cher que celui du gaz naturel[2]. De plus, une unitĂ© de volume dâhydrogĂšne transporte trois fois moins dâĂ©nergie quâune unitĂ© de volume de gaz naturel[2].
Le stockage, rapidement réversible et sécurisé de quantités importantes d'hydrogÚne est encore un défi technologique et scientifique. L'atome d'hydrogÚne, trÚs petit est parmi les plus difficiles à contenir, y compris sous forme de molécule de dihydrogÚne. Sa liquéfaction nécessite de le refroidir à environ -253 °C (de tous les gaz, seul l'hélium est plus difficile à liquéfier[2]). Cette liquéfaction est à ce jour trÚs consommatrice d'énergie.
Le rĂ©seau de distribution est encore modeste. En Europe vers 2010, il desservait essentiellement des industriels et quelques stations-service expĂ©rimentales. Il en compte une quarantaine dans le monde en 2012, dont aux Ătats-Unis, au Japon, en Allemagne et en Islande), grĂące Ă environ 1 050 km de pipelines Ă hydrogĂšne exploitĂ©s par Air liquide en France, en Allemagne et au Benelux essentiellement. Le rĂ©seau de gaz peut Ă©galement absorber une grande quantitĂ© d'hydrogĂšne[2].
Sécurité
Des enjeux de sĂ©curitĂ© existent aussi car sous forme de gaz diatomique, l'hydrogĂšne est explosif et inflammable. Par rapport aux hydrocarbures, le risque de fuite est plus Ă©levĂ©, et l'Ă©nergie requise pour s'enflammer est 10 fois moindre que celle nĂ©cessaire pour le gaz naturel. Cependant, il se disperse plus rapidement dans l'air, limitant le risque d'explosion[3]. La rĂ©action avec l'oxygĂšne de l'air est 2 H2 + O2 â 2 H2O.
Encombrement
L'hydrogĂšne est l'atome le plus lĂ©ger, dans les conditions normales[Note 1], dont la masse volumique est de 0,09 kg/m3[4]. Il peut ĂȘtre liquĂ©fiĂ© (70 g/L) Ă â253,8 °C, tempĂ©rature difficile Ă obtenir, ou ĂȘtre compressĂ© par les techniques modernes jusqu'Ă 700 bars, pression Ă laquelle il possĂšde une masse volumique de 42 kg/m3, soit 42 g/l[5] - [6].
Stockage en réservoir de la molécule H2
Basse et moyenne pressions
Sous cette forme, il est utilisĂ© principalement pour des applications nomades ou ultra-mobiles se caractĂ©risant par un faible encombrement, un faible poids, une rĂ©serve Ă©nergĂ©tique limitĂ©e mais une mise en Ćuvre trĂšs simple.
Les applications les plus courantes sont :
- la rĂ©serve d'hydrogĂšne utilisĂ© comme « gaz d'Ă©talonnage » pour l'Ă©talonnage de certains instruments ; l'injection d'une faible quantitĂ© de gaz permet de procĂ©der Ă une opĂ©ration d'Ă©talonnage de l'appareil ou de l'instrument. Le rĂ©servoir d'hydrogĂšne peut ĂȘtre installĂ© Ă poste dans l'Ă©quipement ou portĂ© par le personnel chargĂ© de l'Ă©talonnage;
- la rĂ©serve d'Ă©nergie, pour du personnel intervenant en milieu isolĂ© ou extrĂȘme (froid, obscuritĂ©... ) et offrant assez d'Ă©nergie pour activer ou recharger un tĂ©lĂ©phone, un dispositif d'appel, une balise, alimenter les leds d'une lampe frontale, etc.[7]⊠ou encore pour recharger son tĂ©lĂ©phone, loin de tout[8].
Haute et trĂšs haute pressions
Les hautes pressions concernent plutĂŽt des applications mobiles pour lesquelles la rĂ©serve d'Ă©nergie doit ĂȘtre importante et compacte. Le seul moyen de diminuer le volume d'un gaz Ă tempĂ©rature constante est d'en augmenter la pression dans le rĂ©servoir, selon la loi de Boyle-Mariotte.
Les techniques actuelles permettent d'atteindre une pression de 700 bars[9] via un compresseur d'hydrogĂšne (Ă piston, Ă©lectrochimique ou Ă hydrures). Ă cette pression lâhydrogĂšne possĂšde une masse volumique de 42 kg/m3, soit un gain dâun facteur 500 environ par rapport Ă sa densitĂ© Ă pression et tempĂ©rature ambiantes. Ces rĂ©servoirs sont gĂ©nĂ©ralement constituĂ©s d'une enveloppe (liner) mĂ©tallique ou en polymĂšre, plus lĂ©ger, qui doit empĂȘcher la permĂ©ation de l'hydrogĂšne. Cette premiĂšre enveloppe est protĂ©gĂ©e par une seconde contenant les forces de pression et rĂ©sistant Ă d'Ă©ventuels chocs ou sources de chaleur, gĂ©nĂ©ralement fabriquĂ©e en matĂ©riaux composites renforcĂ©s grĂące Ă un enroulement de filaments (fibre de carbone spĂ©cifique, principalement mais d'autres matĂ©riaux sont Ă l'essai comme les fibres de basalte).
Ces rĂ©servoirs font l'objet de qualifications trĂšs complexes oĂč on vĂ©rifie la rĂ©sistance Ă la pression (jusqu'Ă l'Ă©clatement pour un Ă©chantillon du lot), la rĂ©sistance au feu et la rĂ©sistance aux chocs (tirs Ă balles rĂ©elles).
Au dĂ©but des annĂ©es 2000, des rĂ©servoirs Ă 200 bars sont maĂźtrisĂ©s, mais il faudrait porter la pression Ă 700 bars ou plus pour disposer d'un volume embarquĂ© considĂ©rĂ© comme offrant un compromis intĂ©ressant entre Ă©nergie et masse du rĂ©servoir[10]. D'autre part, le stockage du gaz Ă pression atmosphĂ©rique nĂ©cessiterait idĂ©alement que l'enveloppe du rĂ©servoir puisse se dĂ©former tout en restant Ă©tanche pour que le gaz puisse y ĂȘtre introduit et en ĂȘtre extrait. La rĂ©ponse technique n'est pas plus Ă©vidente.
Deux voire trois standards coexistent :
- 350 bars ou 35 MPa pour tout véhicule : voitures particuliÚres[11], bus, engins et camions pour tous les territoires ;
- 500 ou 550 bars pour des engins et camions pour lâAmĂ©rique du Nord ;
- 700 bars ou 70 MPa pour les voitures particuliĂšres[12] - [13].
La « tĂȘte de rĂ©servoir » doit permettre le remplissage de gaz, l'alimentation de la pile ou du moteur Ă la pression dĂ©sirĂ©e (grĂące Ă un dĂ©tendeur intĂ©grĂ©), dans de bonnes conditions de sĂ©curitĂ© (sans surpression, ni risque d'explosion). Des capteurs doivent aussi informer sur la quantitĂ© de gaz restante.
Sous forme liquide
Cette solution, encore rĂ©servĂ©e aux lanceurs spatiaux, pourrait Ă l'avenir concerner des vĂ©hicules terrestres. En effet, lâhydrogĂšne liquide possĂšde une masse volumique de 70,973 kg/m3[14] ; dans ces conditions, le volume du rĂ©servoir nĂ©cessaire pour stocker les 4 kg dâhydrogĂšne mentionnĂ©s plus haut serait de 56 litres, soit le volume du rĂ©servoir d'une voiture Ă essence actuelle.
La difficultĂ© est alors de porter et de maintenir l'hydrogĂšne Ă une tempĂ©rature de â252,8 °C[14]. Le rĂ©servoir doit alors ou bien rĂ©sister Ă de hautes pressions, ou disposer de systĂšmes secondaires maintenant lâhydrogĂšne Ă basse tempĂ©rature, et Ă une pression au moins lĂ©gĂšrement supĂ©rieure Ă la pression atmosphĂ©rique. En outre, la liquĂ©faction de lâhydrogĂšne et son maintien en tempĂ©rature ont un coĂ»t Ă©nergĂ©tique Ă©levĂ© et, par lĂ , sont polluants.
La cryo-compression (récemment développée) pourrait améliorer l'efficacité du stockage volumétrique et massique et ainsi faciliter l'usage d'hydrogÚne liquide refroidi à trÚs basse température (20,3 K environ).
Quand l'hydrogÚne se réchauffe et monte en pression sous l'effet de l'apport de chaleur du milieu environnant (comme dans une cocotte-minute), la pression finale avoisine 350 bars (voir par exemple le réservoir liquide développé sur la voiture BMW Hydrogen 7). Pour comparaison, un réservoir d'essence traditionnel ne supporte que quelques bars, et un réservoir GPL 30 bars. Avec les scénarios classiques de conduite, la pression « limite » de 350 bars serait trÚs rarement atteinte (car la pression et la température diminuent dans le réservoir au fur et à mesure que l'hydrogÚne est consommé).
Le ministÚre américain de l'énergie (DOE) a publié des « valeurs cibles » concernant la capacité de stockage embarqué pour l'hydrogÚne[15] et la technologie cryo-compressée a d'ores et déjà atteint les valeurs recommandées pour 2015[16] (de petits réservoirs de 5-13 kg suffisant pour une autonomie de 300 miles avec une pile à hydrogÚne).
La cryo-compression serait la solution la moins onĂ©reuse parmi les diffĂ©rentes formes de stockage en cours d'Ă©tude : le coĂ»t pour l'utilisateur final (incluant les coĂ»ts de production, liquĂ©faction, transport et de distribution de l'hydrogĂšne) a Ă©tĂ© estimĂ© Ă 0,12 $/mi (soit un peu moins de 0,06 âŹ/km) alors qu'ils sont de 0,05 Ă 0,07 $/mi (0,024 Ă 0,034 âŹ/km) pour un vĂ©hicule essence traditionnel (voir la diapositive 13[17] pour plus d'informations).
Pour ces raisons, le constructeur allemand BMW avait intĂ©grĂ© le "cryo-compressĂ©" comme principal Ă©lĂ©ment du dĂ©veloppement de sa filiĂšre hydrogĂšne[18], mais cette solution a Ă©tĂ© (provisoirement ?) abandonnĂ©e car ne garantissant pas la conservation du gaz pendant un arrĂȘt prolongĂ© du vĂ©hicule, outre les autres risques associĂ©s Ă cette technologie.
Stockage sous forme d'hydrates ou clathrate
Il est possible d'introduire une ou plusieurs molĂ©cules d'hydrogĂšne dans des « cages d'eau » (clathrates), telles qu'on en trouve dans les profondeurs d'ocĂ©ans, mais Ă fortes pressions et/ou basse tempĂ©ratures. On cherche Ă le rĂ©aliser Ă des conditions de tempĂ©ratures et de pression moins extrĂȘmes[19] - [20] - [21].
Stockage « sur » des composés solides (adsorption)
L'adsorption consiste en lâ« immobilisation » dâun composĂ© sur la surface dâun autre.
LâhydrogĂšne peut se fixer sur la plupart des surfaces solides mais quasiment seule lâadsorption sur des surfaces de carbone est envisagĂ©e pour le stockage, qui nâen est encore quâaux premiĂšres phases de recherche.
Il nĂ©cessite des matĂ©riaux offrant de grandes surfaces spĂ©cifiques, du ressort des nanotechnologies. Lâutilisation de nanotubes de carbone est envisagĂ©e, mais ils n'adsorbent l'hydrogĂšne qu'Ă trĂšs basse tempĂ©rature (â196 °C) ; la piste des cĂŽnes de carbone nanomĂ©triques est cependant envisagĂ©e[22]. Les rĂ©sultats sont encore trop parcellaires pour pouvoir prĂ©sager l'avenir de cette solution.
Stockage « dans » des composĂ©s solides, en gel ou liquides (hydrures, fullerĂšnesâŠ)
Différents composés interagissent avec l'hydrogÚne par des interactions polaires, offrant des possibilités de rétention intéressantes. Ce sont de petits composés (notamment divers hydrures), l'acide formique) ou des complexes macromoléculaires et cristallins (notamment carbonés, tels les fullerÚnes).
D'importantes recherches restent Ă faire pour amĂ©liorer leur capacitĂ© dâadsorption ou d'absorption[Note 2], et le contrĂŽle du relargage de l'hydrogĂšne.
Hydrures métalliques réversibles
Les hydrures sont les composĂ©s comportant de lâhydrogĂšne et oĂč celui-ci prĂ©sente une polarisation nĂ©gative relativement Ă lâĂ©lĂ©ment auquel il est liĂ©. On peut classer les hydrures selon la nature de la liaison principale[23] entre lâhydrogĂšne et lâautre Ă©lĂ©ment. Les hydrures sont dits « covalents » quand la liaison est de type covalent. Ils sont dits « mĂ©talliques » quand la liaison est de type mĂ©tallique.
Quelques mĂ©taux (purs ou en alliages) absorbent de lâhydrogĂšne en leur sein. Le composĂ© mĂ©tallique (ex. : magnĂ©sium[24]) agit comme une Ă©ponge Ă hydrogĂšne. Dans les hydrures mĂ©talliques, lâhydrogĂšne est stockĂ© sous forme atomique (H) et non plus molĂ©culaire (H2) comme dans le cas des rĂ©servoirs.
Lâabsorption dâhydrogĂšne (aussi appelĂ©e hydruration) peut ĂȘtre effectuĂ©e par lâintermĂ©diaire du gaz dihydrogĂšne (H2) dissociĂ© en deux atomes dâhydrogĂšne (H) Ă une tempĂ©rature et pression donnĂ©es et caractĂ©ristiques du matĂ©riau absorbant. Lâabsorption dâhydrogĂšne peut aussi ĂȘtre effectuĂ© Ă tempĂ©rature et pression ambiante par voie Ă©lectrochimique et plus prĂ©cisĂ©ment par Ă©lectrolyse de lâeau.
La capacitĂ© de stockage des hydrures mĂ©talliques[25] - [26] peut ĂȘtre importante ; ainsi, l'alliage Mg2FeH6 « stocke » 150 kg dâhydrogĂšne par mĂštre cube. Un rĂ©servoir de 26 litres serait alors suffisant pour « nos » 4 kg dâhydrogĂšne. NĂ©anmoins, la densitĂ© volumique ne suffit pas, il faut encore que l'hydrure soit facilement rĂ©versible (a priori par chauffage ou rĂ©duction de la pression)[Note 3] - [27]. En effet, pour ĂȘtre utilisĂ©s dans des applications mobiles, les hydrures mĂ©talliques considĂ©rĂ©s doivent avoir des tempĂ©ratures et des pressions dâĂ©quilibre compatibles avec les dites applications (entre 1 et 10 bar pour la pression, entre 0 et 100 °C pour la tempĂ©rature). Plusieurs familles dâhydrures dâalliages intermĂ©talliques sont envisagĂ©es et envisageables : les AB5 (LaNi5âŠ) ; les AB2 (ZrV2) ; les A2B (Mg2Ni)⊠Les alliages dĂ©rivĂ©s de LaNi5 sont ceux utilisĂ©s dans les batteries rechargeables Nickel-Hydrure MĂ©tallique (Ni-MH), dont plusieurs millions dâunitĂ©s sont vendues Ă travers le monde chaque annĂ©e.
En 2011, EADS annonce travailler sur des hydrures de magnésium modifiés à l'échelle nanométrique[28].
Hydrures complexes
Des mĂ©taux alcalins associĂ©s Ă un Ă©lĂ©ment du groupe 13 (par ex. bore ou aluminium) et dâhydrogĂšne peuvent former des structures polyatomiques que lâon nomme « complexes ».
Les hydrures complexes les plus intĂ©ressants pour stocker l'hydrogĂšne sont les tĂ©trahydroborates M(BH4) et les tĂ©trahydroaluminates ou alanates M(AlH4). Pour avoir un rapport massique entre lâhydrogĂšne stockĂ© et la masse totale du composĂ© « stockant » le plus Ă©levĂ© possible, M reprĂ©sente souvent le lithium ou le sodium (LiBH4, NaBH4, LiAlH4, NaAlH4).
Ă ce jour, le composĂ© LiBH4 possĂšde la plus grande densitĂ© massique dâhydrogĂšne (18 %). La cinĂ©tique de stockage est longtemps restĂ©e assez dĂ©favorable (pour les conditions de tempĂ©rature notamment), mais une forme plus instable de ce composĂ© a Ă©tĂ© trouvĂ©e en 2007, qui nĂ©cessite cependant une pression extrĂȘme pour ĂȘtre synthĂ©tisĂ©e (200 000 atmosphĂšres, mais la structure commence Ă apparaitre dĂšs 10 000 atmosphĂšres ; pression actuellement utilisĂ©e par l'industrie pharmaceutique pour comprimer les pilules »[29]).
Dans ces hydrures complexes, lâhydrogĂšne occupe les sommets dâun tĂ©traĂšdre dont le centre est occupĂ© par un atome dâaluminium ou de bore. Ces tĂ©traĂšdres portent une charge nĂ©gative qui est compensĂ©e par la charge positive des cations Li+ ou Na+.
Les principes du stockage et de la libĂ©ration dâhydrogĂšne sont diffĂ©rents dans le cas des hydrures complexes de ce quâils sont pour les hydrures mĂ©talliques. En effet, le stockage sâeffectue pour les premiers lors dâune rĂ©action chimique et non pas par « simple » occupation des « vides » de la structure comme dans le cas des hydrures mĂ©talliques. Pour l'alanate de sodium, le mĂ©canisme de libĂ©ration de lâhydrogĂšne est :
- 6 NaAlH4 ⶠ2 Na3AlH6 + 4 Al + 6 H2 ⶠ6 NaH + 6 Al + 9 H2
JusquâĂ la fin des annĂ©es 90 et lâutilisation de catalyseurs Ă base de titane[Note 4], la rĂ©action inverse c'est-Ă -dire de stockage de lâhydrogĂšne nâĂ©tait pas possible dans des conditions modĂ©rĂ©es. Cette dĂ©couverte permet d'envisager leur utilisation pour le stockage d'hydrogĂšne des applications mobiles : une trentaine de kilogrammes dâhydrures complexes suffirait en effet Ă hĂ©berger les 4 kg d'hydrogĂšne dĂ©jĂ Ă©voquĂ©s.
Acide formique
En 2006, une Ă©quipe de recherche de lâEPFL (Suisse) a prĂ©sentĂ© l'utilisation de l'acide formique comme solution de stockage de lâhydrogĂšne[30]. Un systĂšme catalytique homogĂšne, basĂ© sur une solution aqueuse de catalyseurs au ruthĂ©nium dĂ©compose l'acide formique (HCOOH) en dihydrogĂšne H2 et dioxyde de carbone (CO2)[31]. Le dihydrogĂšne peut ĂȘtre ainsi produit dans une large plage de pression (1 â 600 bars) et la rĂ©action ne gĂ©nĂšre pas de monoxyde de carbone. Ce systĂšme catalytique rĂ©sout les problĂšmes des catalyseurs existants pour la dĂ©composition de l'acide formique (faible stabilitĂ©, durĂ©e de vie des catalyseurs limitĂ©e, formation de monoxyde de carbone) et viabilise cette mĂ©thode de stockage d'hydrogĂšne[32].
Le coproduit de cette dĂ©composition, le dioxyde de carbone, peut ĂȘtre utilisĂ© dans un deuxiĂšme temps pour gĂ©nĂ©rer Ă nouveau de lâacide formique par hydrogĂ©nation. L'hydrogĂ©nation catalytique du CO2 a Ă©tĂ© longuement Ă©tudiĂ©e et des mĂ©thodes efficaces ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es[33] - [34].
L'acide formique contient 53 g/L d'hydrogĂšne Ă tempĂ©rature et pression ambiante, ce qui reprĂ©sente deux fois la densitĂ© Ă©nergĂ©tique de lâhydrogĂšne compressĂ© Ă 350 bars. Pur, l'acide formique est un liquide inflammable Ă +69 °C, ce qui est supĂ©rieur Ă lâessence (â40 °C) ou l'Ă©thanol (+13 °C). DiluĂ© dĂšs 85 %, il n'est plus inflammable. L'acide formique diluĂ© est mĂȘme inscrit sur la liste des additifs alimentaires de l'administration amĂ©ricaine des denrĂ©es alimentaires et des mĂ©dicaments (FDA)[35].
Autres hydrures, amino-boranesâŠ
D'autres types d'hydrures peuvent ĂȘtre envisagĂ©s. Par exemple la famille des amino-boranes (NHxBHx) constitue une voie prometteuse puisque ces derniers peuvent thĂ©oriquement absorber plus de 20 % en masse. Le composĂ© NH4BH4 peut absorber 24,5 % en masse mais il est instable au-dessus de â20 °C ce qui le rend peu pratique. Par contre le composĂ© NH3BH3 (20 %) est stable dans les conditions normales et nĂ©cessite des tempĂ©ratures modĂ©rĂ©es pour relĂącher l'hydrogĂšne, ce qui le rend potentiellement plus intĂ©ressant[36] - [37].
Platine
Une Ă©ponge de platine peut condenser dans ses pores jusqu'Ă 743 fois son volume d'hydrogĂšne [38].
Ăponges macro-molĂ©culaires et cristallines
DiffĂ©rentes structures macromolĂ©culaires et cristallines sont Ă©valuĂ©es pour absorber l'hydrogĂšne (avec parfois une composante d'adsorption). Elles permettraient en effet un stockage de lâHydrogĂšne « piĂ©gĂ© » sous forme de poudre, plus stable, compact, moins onĂ©reux⊠Mais d'importantes recherches restent Ă faire pour amĂ©liorer la capacitĂ© dâabsorption, et le contrĂŽle du relargage de l'hydrogĂšne.
Les fullerĂšnes permettrait dâatteindre des densitĂ©s dâhydrogĂšne stockĂ© approchant celles du cĆur de Jupiter. Par exemple le buckminsterfullerĂšne (60 atomes de carbone) peut stocker de 23 Ă 25 molĂ©cules dâhydrogĂšne[39]. Par des simulations numĂ©riques, il est montrĂ© qu'une seule molĂ©cule en C60 pourrait absorber jusquâĂ 58 molĂ©cules dâhydrogĂšne, en raison de liaisons covalentes qui se forment entre atomes de carbone au-delĂ des 20 molĂ©cules dâhydrogĂšne.
En conclusion, le stockage molĂ©culaire semble trĂšs intĂ©ressant et avantageux. Toutefois, le moyen dâ "injecter" et de "libĂ©rer" avec une bonne efficacitĂ© les molĂ©cules dâhydrogĂšne des fullerĂšnes reste encore Ă trouver, c'est-Ă -dire que les techniques n'en sont encore qu'aux prĂ©mices, bien loin du stade de la production industrielle.
Stockage par conversion en ammoniac
L'ammoniac (NH3) Ă l'Ă©tat liquide contient plus d'atomes dâhydrogĂšne pour un volume donnĂ© que le dihydrogĂšne liquĂ©fiĂ©. Le rendement Ă©nergĂ©tique de la synthĂšse de NH3 par le procĂ©dĂ© Haber-Bosch Ă partir de dihydrogĂšne et du diazote atmosphĂ©rique est de lâordre de 70 %[40]. Sa densitĂ© Ă©nergĂ©tique est de 6,5 kWh/kg, ce qui est moitiĂ© moindre que le pĂ©trole mais le rend envisageable pour une utilisation Ă bas coĂ»t dans des applications mobiles. L'ammoniaque, solution du premier, se stocke sous forme liquide dans des gazomĂštres rĂ©frigĂ©rĂ©s Ă â28 °C Ă pression atmosphĂ©rique ; le transport peut s'effectuer Ă©galement sous pression de 10 bars Ă tempĂ©rature ambiante[40] - [41].
Utilisation
On peut utiliser l'ammoniac comme source d'Ă©nergie :
- soit en pile Ă combustible, oĂč il rĂ©agit avec le dioxygĂšne de l'air. NH3 est alors entiĂšrement dissociĂ© en eau et diazote. Le rendement pour de l'ammoniac pur atteint 70 % Ă une tempĂ©rature de 800 °C, avec des Ă©missions trĂšs faibles de NOx. En 2013, des prototypes de pile Ă combustible Ă cĂ©ramique protonante (PCFC) de 500 W et 1 kW alimentĂ©es par NH3 sont en dĂ©veloppement[40] ;
- soit sous forme d'hydrogĂšne, en le dĂ©composant par craquage Ă haute tempĂ©rature (400 Ă 800 °C) catalysĂ© par un mĂ©tal (NiâRu par exemple), pour ainsi rĂ©cupĂ©rer du dihydrogĂšne et du diazote. L'ammoniac est alors un moyen de stockage et de transport de l'hydrogĂšne, dont l'efficacitĂ© est Ă©levĂ©e (99,99 % de NH3 dissociĂ©) et le coĂ»t abordable[42].
Comme solution de stockage d'Ă©nergie, il peut reprĂ©senter une alternative Ă l'hydrogĂšne, les conditions nĂ©cessaires Ă©tant comparables Ă celles des hydrocarbures gazeux ou liquides. Il pourrait alors ĂȘtre stockĂ© en volume suffisant pour adapter une production intermittente et saisonniĂšre aux besoins fluctuants de la consommation[40], avec un rendement de production (Ă©voquĂ© plus haut) de 70 %.
Risques
Le principal danger est sa toxicitĂ© : une exposition de quelques minutes Ă 10 000 ppm peut ĂȘtre mortelle[43]. En revanche, lâammoniac est trĂšs peu inflammable ; les prĂ©cautions Ă prendre pour un vĂ©hicule alimentĂ© en NH3 sont comparables Ă celles du GPL[40]. En cas de combustion, la production d'oxydes d'azote peut cependant s'avĂ©rer toxique si les conditions ne sont pas contrĂŽlĂ©es[40]. Toutefois, lâammoniac est facilement dĂ©tectable du fait de son odeur suffocante : le seuil de perception est de lâordre de 1 Ă 50 ppm.
Stockage en station
Si le stockage mobile pose encore de nombreux problÚmes, le stockage local dans des réservoirs est possible avec les technologies disponibles[44] :
- hydrogÚne comprimé stocké sous pression dans un « réservoir d'hydrogÚne » ;
- hydrogÚne liquéfié en réservoir cryogénique.
Stockage géologique souterrain
Ce mode de stockage a été envisagé, testé et utilisé en cavités salines profondes (dÎmes de sel) ; il a aussi été envisagé dans d'anciens champs pétro-gaziers épuisés. Il peut s'insérer dans une approche en réseau (stockage d'énergie de réseau) et dans un bouquet énergétique. En termes d'efficacité énergétique, le rapport entre l'énergie utilisée pour le stockage et l'énergie récupérable est d'environ 40 % (contre 78 % pour le stockage hydroélectrique), mais le coût reste légÚrement supérieur à celui du pompage-turbinage[45].
Stockage en cavités salines
En 2022, il existe 4 sites de ce type (3 aux Ătats-Unis et 1 au Royaume-Uni, le plus anciens, en fonction depuis les annĂ©es 1970. Ils n'ont jamais signalĂ© d'accident ni de problĂšme majeur selon le BRGM, ICI et Storengy)[46]. En France, deux projets, modestes, sont en 2022 Ă l'Ă©tude, portĂ©s par le BRGM, HDF (HydrogĂšne de France) et TerĂ©ga Ă Carresse-Cassaber pour stocker de l'hydrogĂšne vert (issu d'Ă©lectricitĂ© d'origine solaire et Ă©olienne) :
- HyPSTER, un projet europĂ©en basĂ© Ă Ătrez dans le dĂ©partement de l'Ain. Storengy (filliale d'Engie) va, Ă partir de juin 2022, yconvertir un ancien site de stockage de gaz naturel (-800 m), en stockage de 44 tonnes dâhydrogĂšne (8 000 mÂł). « Lâinjection et le soutirage de lâhydrogĂšne vont se faire avec un cyclage Ă©levĂ©, en fonction de la variabilitĂ© de la production dâĂ©lectricitĂ©. On va Ă©tudier les aspects technico-Ă©conomiques dâune telle configuration, avec 100 cyclages en trois mois »[47] ;
- « HygĂ©o », autre projet de Storengy, est en phase de prĂ©-faisabilitĂ© en 2022, dans les PyrĂ©nĂ©es-Atlantiques, pour stocker, Ă -700m, de l'HydrogĂšne dans une cavitĂ© d'environ 30 m de hauteur et 40M de large Ă sa base (de quoi stocker environ stocker 1,5 GWh dâĂ©nergie, soit la consommation annuelle de 400 foyers environ). Cette cavitĂ© est un ancien stockage de saumure, fermĂ©e vers 2015 et n'ayant jamais accueilli dâhydrocarbures[48].
Stockage en pipe-line
Le réseau de distribution de gaz naturel existant est également approprié pour le stockage d'hydrogÚne.
Avant de passer au gaz naturel, les réseaux de gaz allemands utilisaient du gaz de ville, composé en partie d'hydrogÚne. Le réseau de gaz de l'UE-27 est d'environ 79 GNm3/an, soit une capacité de 27 GW pour le gaz naturel.
La capacité actuelle de stockage du réseau de gaz naturel allemand est plus de 200 TWh ce qui est suffisant pour plusieurs mois de besoins en énergie. Par comparaison, la capacité de toutes les centrales de stockage allemands par pompage-turbinage s'élÚve à seulement environ 40 GWh. En outre, le transport du vecteur énergétique gazeux via le réseau de gaz se fait avec beaucoup moins de pertes (< 0,1 %) par rapport à un réseau de distribution électrique (environ 8 %).
L'utilisation du systÚme existant de gaz naturel pour l'hydrogÚne en Allemagne a été étudiée par le projet européen NaturalHy.
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La recherche est active dans de nombreux pays et pourrait aussi faire progresser le stockage de l'hélium. Les travaux de laboratoires et les essais de constructeurs portent notamment sur l'élaboration de réservoirs en polymÚres à la fois légers, trÚs étanches et ne se dégradant pas au contact de l'hydrogÚne.
En Europe, le projet StorHy (« SystÚme de stockage d'hydrogÚne pour des applications automobiles ») a été lancé en 2004 pour accélérer les progrÚs dans le stockage gazeux sous haute pression (jusqu'à 700 bar), stockage sous forme liquide (cryogénique, à -253 °C) et stockage par absorption.
Notes et références
Notes
- C'est-à -dire à pression atmosphérique et 0 °C.
- L'adsorption dĂ©signe le phĂ©nomĂšne par lequel un composĂ© (ex. : lâhydrogĂšne) est « accrochĂ© » Ă la surface dâun autre ; l'absorption, celui oĂč il est « accrochĂ© » Ă lâintĂ©rieur dâun autre composĂ©. On parle de « sorption » quand on ne veut pas distinguer les deux modes et de « dĂ©sorption » quand lâhydrogĂšne est « relĂąchĂ© » de son support.
- Il existe en gĂ©nĂ©ral une relation inverse entre la capacitĂ© dâun alliage Ă absorber lâhydrogĂšne et sa capacitĂ© Ă le relĂącher ; plus il est facile dâabsorber, plus il est difficile de dĂ©sorber lâhydrogĂšne.
- La maniĂšre dont le titane agit comme promoteur est encore discutĂ©e. Peut-ĂȘtre n'est-il pas vraiment un catalyseur, car il semble changer d'Ă©tat entre le dĂ©but et la fin de la rĂ©action. Le terme de « dopant » est parfois alors utilisĂ©.
Références
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Sources
- Généralités
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- Hydrures
- (en) Wojciech Grochala et Peter P. Edwards, « Thermal Decomposition of the Non-Interstitial Hydrides for the Storage and Production of Hydrogen », Chemical Reviews, vol. 104, no 3,â , p. 1283-1316 (DOI 10.1021/cr030691s)
Voir aussi
Bibliographie
- Jeremy Rifkin (2002) L'économie hydrogÚne : aprÚs la fin du pétrole, la nouvelle révolution économique , La Découverte,
- Rapport FiliÚre hydrogÚne-énergie [PDF] (rapport n° 010177-01), co-écrit par Jean-Louis Durville, Jean-Claude Gazeau, Jean-Michel Nataf, CGEDD, Jean Cueugniet, Benoßt Legait, CGE, 161 p. rendu public le (résumé)
Articles connexes
Généralités en lien avec le sujet
De premiers véhicules à hydrogÚne
- BMW Hydrogen 7 : véhicule pouvant fonctionner avec de l'hydrogÚne liquide (projet abandonné)
- Honda FCX Clarity : véhicule hybride à pile à hydrogÚne
- Fiat Panda II H2 : véhicule prototype hybride à pile à hydrogÚne
Liens externes
- Base de données sur les propriétés thermodynamiques des hydrures métalliques
- MaHyTec MAHYTEC Société spécialisée dans le stockage d'hydrogÚne haute pression et stockage solide sous hydrures
- Bahya premiÚre tondeuse autoportée fonctionnant à hydrogÚne.
- Projets cofinancés par l'Union européenne
- projet HyFLEET:CUTE: suivi de bus pour le transport public fonctionnant Ă l'hydrogĂšne (en)
- (fr) (en) (de) (it) (es) projet Hychain: flotte de véhicules de faibles puissances utilisant l'hydrogÚne comme carburant
- projet Zero Regio: mise en place dans deux régions allemandes et italiennes d'infrastructures pour l'utilisation d'hydrogÚne dans les transports (en),(de),(it)
- h2moves.eu autres projets en Europe (en)
- Projet Mobypost développement de petits véhicules pour la Poste utilisant l'hydrogÚne comme carburant, hydrogÚne stocké à basse pression dans des réservoirs solides
- Projets cofinancés par le Fonds unique interministériel (France)
- projet HyCan Petits stockages d'hydrogĂšne pour applications nomades ou ultra-mobiles,
- (fr+en) Portail canadien de l'économie basée sur l'hydrogÚne