AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Noyer commun

Juglans regia

Le noyer commun ou noyer (Juglans regia L.), est un arbre assez commun, originaire d'Eurasie, cultivé pour son bois recherché en ébénisterie et ses fruits, les noix, riches en huile.

C'est le seul représentant en France de la famille des Juglandacées. Il est parfois appelé calottier, écalonnier, gojeutier ou noyer royal[1].

Étymologie

Mattioli dans ses Commentaires de la matiĂšre mĂ©dicale de Dioscoride[2] (1544) nomme le noyer commun en latin Nux Juglans, le dĂ©crit, l’illustre et donne une traduction de Dioscoride. Le terme sera conservĂ© jusqu’à Carl LinnĂ© qui le baptise Juglans regia dans Species plantarum[3] en 1753. L’étymologie traditionnellement retenue[1] depuis Pline (HN[4], XV, 91) est : de Jovis « Jupiter », glans « gland » on construit Juglans « gland de Jupiter » car en comparaison au gland du chĂȘne, consommĂ© par les paysans, la noix est d’une richesse nutritive incomparable.

L'épithÚte spécifique regia « royal » vient du latin regius, -a < rex, regis « le roi ».

Description

Les noyers sont des arbres pouvant atteindre la taille de 20 Ă  25 m, s’ils poussent en solitaire alors qu’ils peuvent atteindre 30 m en peuplement[5]. La croissance en hauteur se termine au bout de 60 Ă  80 ans. Ce sont des arbres caducifoliĂ©s, de pleine lumiĂšre, pouvant atteindre 150 Ă  160 ans en Europe occidentale et centrale[n 1].

Leur Ă©corce est gris-clair, mince et lisse pour les jeunes, parcourue de profondes fissures avec les annĂ©es. Leurs feuilles, caduques, alternes, assez grandes, sont composĂ©es, imparipennĂ©es (Ă  5-9 folioles ovales aigĂŒes, la terminale la plus grande) et penninerves. Elles dĂ©gagent une odeur aromatique lorsqu’on les frotte.

Les fleurs mĂąles (Ă  10 Ă  36 Ă©tamines) de cette espĂšce monoĂŻque sont regroupĂ©es en chatons pendants, verdĂątres, au sommet de rameaux de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente. Les chatons Ă©closent peu avant ou en mĂȘme temps que le dĂ©bourrement des feuilles entre avril et mai (ou juin suivant la rĂ©gion). Les fleurs femelles (comportant deux carpelles soudĂ©s entre eux avec 1 style court et 2 stigmates) qui apparaissent plus tard sont gĂ©nĂ©ralement disposĂ©es par paires Ă  l'extrĂ©mitĂ© des rameaux de l’annĂ©e. Les fleurs ne comportent pas de pĂ©tale. La pollinisation se fait par le vent. Comme le dĂ©calage entre les pĂ©riodes de floraison mĂąle et femelle diminue avec l’ñge de l’arbre, la probabilitĂ© d’autopollinisation augmente avec le temps[5]. La pĂ©riode de l’émission du pollen et la pĂ©riode de floraison femelle ne se chevauchent que trĂšs peu de temps et il suffit de conditions climatiques dĂ©favorables pour que l’autopollinisation ne soit pas suffisante[6].

Les fruits sont des drupes vertes, formĂ©es d’un brou charnu, contenant une coquille (noyau) Ă  deux valves ligneuses, Ă  l'intĂ©rieur de laquelle se trouve une amande rĂ©ticulĂ©e, formĂ©e de deux cotylĂ©dons olĂ©agineux. Dans la langue commune, le terme noix peut, suivant le contexte, dĂ©signer 1) le fruit entier tel que portĂ© par l'arbre, 2) le fruit dĂ©barrassĂ© de son Ă©cale verte 3) les cerneaux comestibles. Les fruits sont mĂ»rs Ă  l'automne, en septembre-octobre. C'est le risque de gelĂ©e printaniĂšre qui fixe la limite nord de leur aire d'extension. Les noix sont souvent dissĂ©minĂ©es par les corneilles, Ă©cureuils et geais. Les noyers poussant en forĂȘt ne fructifient pratiquement pas[5].

Distribution

Distribution de Juglans regia.

Actuellement, l’aire naturelle du noyer commun s’étend de la Chine (Shandong, monts Qinling et Baishan, Sichuan, Yunnan, Xinjiang) Ă  l’Europe occidentale, en passant Ă  travers l’Asie centrale (Kirghizstan, OuzbĂ©kistan, TurkmĂ©nistan), le NĂ©pal, le nord du Pakistan et de l’Iran, le Caucase, la Turquie orientale et les Balkans.

Il est cultivé sur une zone plus large, englobant son aire naturelle en Europe, en Chine, en Asie centrale, dans le nord du Moyen-Orient, etc, et plus récemment en Afrique du Nord, Californie, Chili et Nouvelle Zélande.

En France, il est cultivĂ© sur presque tout le territoire[7] et est parfois subspontanĂ©[n 2] sur les sols profonds, limoneux-argileux, meubles et bien drainĂ©s[n 3] mais n’a pas de biotope primaire. Il est toutefois plus rare dans les zones soumises au climat ocĂ©anique et en Corse. Il est essentiellement prĂ©sent Ă  l’étage collinĂ©en, jusqu’à 700-800 m d’altitude[8]. La culture du noyer a Ă©tĂ© promue en Europe par les Romains et plus tard par Charlemagne.

Histoire démographique des populations de noyers

La confusion a longtemps persistĂ© sur la localisation prĂ©cise de l'origine du noyer commun en raison de dĂ©couvertes archĂ©ologiques de vestiges de noix s’étendant sur une zone traversant toute l’Eurasie,de l’Himalaya jusqu’à l’Italie et la Suisse, en passant par la Perse et la Turquie[9].

Cependant de nouvelles sources de donnĂ©es, issues du dĂ©veloppement de marqueurs molĂ©culaires de l’ADN par microsatellites (SSR) des Juglans spp., l’accĂšs Ă  des populations de noyers en Asie dans des zones reculĂ©es et non cultivĂ©es ainsi que les rĂ©coltes abondantes de pollen fossile en Europe, fournissent de nouveaux moyens d’élucider la riche interaction entre l’homme et la nature qui a façonnĂ© l’évolution des noyers en Eurasie durant les 10 000 derniĂšres annĂ©es (de l’HolocĂšne)[10].

En Asie

En Asie, le noyer commun survĂ©cut au Dernier maximum glaciaire dans des refuges isolĂ©s, situĂ©s entre la Chine et l’Asie centrale et le Caucase (regroupĂ©s en 3 clusters, voir fig. 2). Toutefois des Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques combinĂ©es avec des donnĂ©es historiques et linguistiques ont montrĂ© que ce qui apparaissait comme des populations indigĂšnes de noyers Ă©taient en fait en partie le rĂ©sultat de l’action de l’homme. Les grandes forĂȘts « naturelles » de noyers dans les portions reculĂ©es du Ferghana ou la « plus grande forĂȘt de noyers du monde[11] » des monts Chatkal du Kirghizstan se sont rĂ©vĂ©lĂ©es Ă  l’analyse ne pas avoir plus de 2 000 ans et mĂȘme pour la plupart de 1 000 ans d’ñge[12]. Le commerce des noix le long de « corridors verts » comme la Route de la soie et la Route royale perse, ont permis de surmonter les barriĂšres gĂ©ographiques et explique bien l’origine de certaines forĂȘts.

fig. 1, Carte de distribution du noyer commun en Chine durant le Dernier max glaciaire (d’aprùs Feng[13], 2018)

En Chine mĂȘme, Feng Xiaojia et al [13] (2018) ont Ă©tudiĂ© la structure gĂ©nĂ©tique de 31 populations de noyers sur le territoire chinois, en utilisant 22 marqueurs microsatellites. Durant le dernier interglaciaire, la distribution du noyer commun se rĂ©trĂ©cit considĂ©rablement Ă  une barre oblique coupant le territoire chinois actuel[n 4] en deux, allant de PĂ©kin au Nord-Est au Yunnan au Sud-Ouest, correspondant aux trois centres de diversitĂ© actuelle : 1) des parties du Yunnan (Chine du Sud-Ouest), 2) les monts Qinling et Bashan (Chine du Centre) 3) Shandong, PĂ©kin, Massif du Changbai (Chine du Nord-Est). Le noyer commun se serait ensuite rĂ©pandu Ă  partir de ces habitats isolĂ©s ayant servi de refuge pour rĂ©sister aux rigueurs climatiques. Ces donnĂ©es contredisent les textes historiques qui indiquent « Zhang Qian ramena d’Occident des graines de noix hutao[n 5] (« pĂȘcher barbare ») » (Bowu zhi ćšç‰©ćż— de Zhang Hua ćŒ ćŽ, dynastie Jin de l'Ouest). Une analyse historiographique des sources textuelles primaires a montrĂ© que le transport le long de la Route de la soie par Zhang Qian (vers -139 Ă  -126) ne peut ĂȘtre Ă©tabli (Shao Wenli[14], 2016). MĂȘme s’il ne fait aucun doute que les noix communes ont Ă©tĂ© transportĂ©es par la Route de la soie, leur introduction rĂ©cente dans le territoire « chinois » (au sens ancien de la dynastie Han et encore plus au sens actuel) n’est pas consistant avec les analyses gĂ©nĂ©tiques[13] qui attestent la prĂ©sence de refuges glaciaires de noyers communs dans les monts Qinling (prĂšs de la capitale Chang'an (Xi’an), au Sud), dans le Shandong et la rĂ©gion de PĂ©kin, parties intĂ©grantes du territoire de la dynastie Han[n 6].

En Europe

En Europe, l’étude des dĂ©pĂŽts de pollen fossile de Juglans regia ont montrĂ© que des populations de noyers poussaient au sud de l’Espagne, en Italie, France, Suisse, Bulgarie, GrĂšce, Albanie et Turquie durant le PlĂ©istocĂšne supĂ©rieur (pĂ©riode prĂ©cĂ©dant l’HolocĂšne, commençant il y a 126 000 ans et allant jusqu’à il y a 12 000 ans). Puis au dĂ©but de l’HolocĂšne (il y a 11 600 ans), beaucoup d’auteurs ont pensĂ© que le noyer commun avait complĂštement disparu d’Europe avant d’ĂȘtre rĂ©introduit Ă  partir de la Turquie du VIIIe siĂšcle au Ve siĂšcle avant notre Ăšre puis par une seconde vague au quatriĂšme millĂ©naire.

Cette analyse est maintenant contestĂ©e par des analyses palynologiques qui indiquent que le noyer commun aurait survĂ©cu durant les pĂ©riodes interglaciaires froides et sĂšches dans des refuges situĂ©s en Europe du Sud et dans les Balkans[10]. Des fossiles de coquilles de noix ont Ă©tĂ© trouvĂ©s dans le nord-est de l’Italie (7 550 AP), en Suisse (6 000 AP-4 350 AP) et en SlovĂ©nie (5 600 AP-5 500 AP). En supposant que les noix ont Ă©tĂ© rĂ©coltĂ©es (voire cultivĂ©es) du NĂ©olithique Ă  l’ñge du bronze, on ne peut exclure que des populations locales de noyers n’aient Ă©tĂ© protĂ©gĂ©es par des humains, durant les oscillations climatiques mondiales.

En intĂ©grant l’analyse des pollens fossiles, les donnĂ©es culturelles et historiques avec la gĂ©nĂ©tique des populations et l’analyse bayĂ©sienne approximative, Pollegioni et al.[10] ont dĂ©tectĂ© une forte diversitĂ© gĂ©nĂ©tique dans les Balkans (GrĂšce, Roumanie et Moldavie) semblable Ă  celle trouvĂ©e dans d’autres centres d’origine comme le Caucase (GĂ©orgie, Turquie orientale), le nord Pamir (Tadjikistan) et les crĂȘtes de Zaamin (en), du nord Gissar et une partie des Tian Shan (OuzbĂ©kistan oriental, Xinjiang en Chine). Ils ont aussi montrĂ© que l’empreinte longitudinale de la diversitĂ© gĂ©nĂ©tique des noix pourrait rĂ©sulter d’une dĂ©rive gĂ©nĂ©tique due Ă  une dispersion sur une longue distance. Ils ont trouvĂ© une perte de la richesse allĂ©lique et de l’hĂ©tĂ©rozygotie en allant de l’Est de l’Europe vers l’Ouest.

fig. 2, Structure des populations de 91 populations de noyers communs (Pollegioni[10], 2017). L’analyse de la structure gĂ©nĂ©tique des populations corrobore la thĂ©orie d’une Ă©volution sĂ©parĂ©e du noyer en quatre groupes principaux : trois centrĂ©s sur l’Asie (cluster 1 bleu, 2 noir, 3 vert), un localisĂ© en Europe (cluster 4, en rouge). CN=Chine, UZ=OuzbĂ©kistan, KG=Kirghizstan, TR=Turquie

Comme c’est le cas pour beaucoup de plantes de l’hĂ©misphĂšre nord, les refuges glaciaires sont des rĂ©servoirs de haute diversitĂ© gĂ©nĂ©tique qui ont servi de source pour une recolonisation postglaciaire des zones libĂ©rĂ©es des glaces. Le noyer commun a persistĂ© au-delĂ  du Dernier maximum glaciaire (DMG) dans des poches favorables sur le Plateau anatolien, les Balkans et le sud-ouest de l’Europe. Toutefois la dĂ©tection de quelques grains de pollen de noyer aprĂšs le DMG au dĂ©but de l’HolocĂšne suggĂšre une diffusion du noyer Ă  des latitudes assez hautes (>46 ° N) comme observĂ© dans la TchĂ©quie du nord (10 546 AP, Dolskym), dans l’Autriche occidentale (11 645 AP Seefelder See; 11 267 AP, Fuchsschwanzmoos), dans l’Allemagne du Sud (10 005 AP, Feuenried), la Suisse mĂ©ridionale (10 399 AP, Lac du Mont d'Orge Sion), la France du Centre (10 581 AP, TourbiĂšres des Granges des Chavants; 9 097 AP, Marais du Grand Chaumet; 9 466 AP TourbiĂšre de Roussy; 9 334 AP, TourbiĂšre de Parcay-sur-Vienne).

Les noyers des Balkans (GrĂšce, Roumanie, Moldavie), gĂ©nĂ©tiquement distincts des autres lignĂ©es europĂ©ennes, manifestent un mĂ©lange des groupes 1 (Trans-Caucase, Iran) et 4 (Italie, France, Espagne), qui pourrait reflĂ©ter un contact possible entre l’Europe et l’Asie, remontant au dĂ©but de la pĂ©riode PlĂ©niglaciaire, il y a 63 690 ans Ă  46 320 ans, antĂ©rieure au DMG. La sĂ©paration gĂ©nĂ©tique de l’Europe occidentale des Balkans, aurait eu lieu entre il y a 12 900 ans et 9 440 ans (Dryas - dĂ©but de l’HolocĂšne).

Utilisations

Les noyers sont largement cultivés en Europe pour leurs fruits et leur bois.

Le bois[15]

Le noyer produit un bois franc Ă  mi-lourd : 550 Ă  700 kg/m3 Ă  12 % d'humiditĂ© ou de type feuillu mais relativement mou (son rĂ©sultat au test de duretĂ© Jank est de 1 220 lbf[16]). Le retrait volumique est assez faible : 12% Ă  14%. Le rapport entre les rĂ©tractabilitĂ©s radiales et tangentielles est infĂ©rieur Ă  1,4, plus rĂ©duit que la plupart des autres essences, ce qui explique sa faible tendance Ă  la fente en grume et sa bonne stabilitĂ© en service. Sa durabilitĂ© naturelle est moyenne, il est sujet aux attaques cryptogamiques, de lyctus et de vrillette. Le bois prĂ©sente un beau poli et se cintre facilement (rayon de courbure minimal Ă©gal Ă  10-11 fois l'Ă©paisseur du bois)

Il est veinĂ© et colorĂ©, de couleur rouge qui attire les fourmis. TrĂšs rĂ©putĂ© en ameublement et placage, il est Ă©galement recherchĂ© en sculpture pour le contraste entre son aubier gris clair et son cƓur brun foncĂ©, ce dernier a nĂ©anmoins une teinte assez variable allant d'un blanc-grisĂątre Ă  un brun-gris Ă  nuance beige ou violacĂ©e, suivant la provenance. Le bois prĂ©sente chez les arbres ĂągĂ©s ou prĂšs du cƓur des veines sombres dont le dessin est indĂ©pendant du fil dĂ» aux cernes, elles rĂ©sulteraient d'une modification physiologique entraĂźnant une concentration localisĂ©e en tanins.

Le bois est assez homogÚne, les vaisseaux sont néanmoins plus gros dans le bois initial que dans le bois final, la décroissance en diamÚtre des vaisseaux est réguliÚre si bien qu'on ne peut tracer de limite entre le bois initial et le bois final. Dans le duramen les vaisseaux sont obstrués par des thylles. Les rayons ligneux ne sont pas distincts sans loupe en coupe transversale, ils dessinent une fine maillure sur quartier.

La souche et les racines donnant au tranchage des plaquages dits de "ronce de noyer."

Le bois de noyer est sans conteste le premier des bois indigÚnes d'ébénisterie, par la beauté de son veinage, sa stabilité et sa facilité d'usinage et polissage. Il est aussi utilisé en tournerie, coutellerie et sculpture sur bois, par exemple pour les crosses de fusils. Les sabots et galoches de bonne qualité étaient également fabriqués à partir de grosses branches de noyer taillées vertes.

Noyer Ă©mergeant de la noix

Les fruits

Le jeune noyer met environ dix ans avant de fructifier.

Dans les noix, ce sont principalement les amandes, appelées cerneaux, qui sont consommées fraßches ou en tant que fruit sec. Elles sont aussi triturées pour obtenir une huile alimentaire, l'huile de noix.

Vue d'une coque fermĂ©e et d'une coque ouverte, oĂč l'on distingue les cerneaux. Photo sur fond blanc.
Coque et cerneaux de noix.

En Europe occidentale, on trouve depuis l’AntiquitĂ©, des recettes de vin de noix pour conserver les noix vertes[17] : « en les mangeant fraĂźches, aprĂšs qu’elles aient marinĂ© dans du bon vin, en petite quantitĂ©, et avec un peu d’ail, cela empĂȘche toute nuisance » (Pisanelli, XVIe siĂšcle)

Au XXe siĂšcle, on retrouve l’écho de cette longue tradition chez Maria Treben. Les noix sont ramassĂ©es trĂšs jeunes (avant le 21 juin), quand il est encore aisĂ© de percer la chair[18]. Elle en donne la recette mĂ©dicinale, et recommande cette eau-de-vie de noix pour purifier estomac, foie et sang[18].

Le brou

La chair qui entoure le noyau est utilisĂ©e en dĂ©coction pour obtenir une teinture en menuiserie appelĂ© brou de noix. C'est lui-mĂȘme qui teinte les doigts du ramasseur de noix.

Composition phénolique

Le principal constituant phĂ©nolique de la feuille est la juglone (5-hydroxy-1,4-naphtoquinone) qui existe dans la plante fraĂźche (feuille et brou) sous forme de glucoside (2 % dans le brou et 0,6 % dans les feuilles) mais aussi sous forme libre, notamment dans la cire Ă©picuticulaire[19]. La juglone est accompagnĂ©e d’autres naphtoquinone et de dĂ©rivĂ©s rĂ©duits. La teneur en juglone est d’abord forte dans les jeunes feuilles puis devient trĂšs faible dans les feuilles ĂągĂ©es ou sĂšches.

Les autres composĂ©s phĂ©noliques susceptibles d’avoir des propriĂ©tĂ©s mĂ©dicinales sont les tanins ellagiques[19] (pĂ©dunculagine, tellimagrandines et glansrines de la noix).

Les feuilles renferment Ă©galement une faible quantitĂ© d’huile essentielle, de l’acide ascorbique, des acides-phĂ©nols comme les acides cafĂ©yl- et p-coumaroylquiniques et des flavonoĂŻdes (hĂ©tĂ©rosides de quercĂ©tol).

La juglone est antibactérienne et les ellagitanins sont antioxydants.

Emplois pharmacologiques

En France, la Note explicative de l’Agence du mĂ©dicament (1998) admet qu’il est possible de revendiquer, pour la feuille de noyer, les indications thĂ©rapeutiques suivantes[19] : traditionnellement utilisĂ©e dans les manifestations subjectives de l’insuffisance veineuse telles que les jambes lourdes, dans la symptomatologie hĂ©morroĂŻdaire ; dans le traitement symptomatique des diarrhĂ©es lĂ©gĂšres.

Emplois médicinaux traditionnels

Par ses feuilles et son brou, le noyer est un remĂšde majeur de la pharmacopĂ©e populaire europĂ©enne, note Pierre Lieutaghi [20] dans son enquĂȘte ethnobotanique en haute Provence. Les infusions de feuilles sont utilisĂ©es en cas de saignement de nez. En dĂ©puratif dans la furonculose, on boit la dĂ©coction des feuilles Ă  raison d’un bol par jour, Ă  jeun. Pour la circulation et la tension, on boit l’infusion ou la dĂ©coction des feuilles.

Maria Treben recommande des lavages ou bains de décoctions de feuilles en usage externe pour les maladies rachitiques et scrofuleuses, caries et gonflements des os, et ongles suppurants des doigts et orteils, exanthÚmes purulents, stomatites nécrosante, acné, pertes blanches, transpiration des pieds, et engelures (décoction forte). Des rinçages de bouche avec cette décoction aideraient contre les pharyngites et gingivites. Elle recommande également cette décoction en lavages contre les teignes du cuir chevelu, gales, et croûtes de lait ; une décoction forte lutterait contre les poux[18].

En usage interne les feuilles sont employées sous forme de tisane pour les troubles de l'appareil digestif, la constipation, l'anorexie, la dépuration, le diabÚte et la jaunisse[18].

Culture

Noyer centenaire;
Une noyeraie dans le PĂ©rigord.
Noyer en automne.
Sculpture en bois de noyer.

Le noyer est une espÚce thermophile, préférant les climats doux voire chauds durant la saison de végétation, avec un air sec de type continental[7]. Il est cultivé pour sa ressource oléagineuse (noix récoltées en octobre-novembre) et son bois dur, en particulier pour l'ameublement.

Le noyer commun peut pousser jusqu'Ă  800-1 000 m d'altitude en zone tempĂ©rĂ©e[n 7], mais il lui faut un emplacement Ă  l'abri des vents forts. Il est rustique jusqu'Ă  −30 °C, Ă  condition que le froid s’installe progressivement[7]. Il tolĂšre les sols lĂ©gĂšrement acides Ă  calcaires (pH entre 6 et 7,5) alors que le noyer noir nĂ©cessite des terrains frais et lĂ©gĂšrement acides. C’est un arbre de pleine lumiĂšre supportant mal les conditions forestiĂšres. AprĂšs une certaine tolĂ©rance Ă  l’ombrage dans son jeune Ăąge, il dĂ©veloppe une forte exigence en lumiĂšre Ă  l’ñge adulte : le houppier doit ĂȘtre dĂ©gagĂ©[5].

Il donne de bons rĂ©sultats sur les sols argilo-calcaires, sous rĂ©serve qu’ils soient suffisamment profonds et bien alimentĂ©s en eau.

Le noyer est un arbre facile d'entretien, mais il a besoin d'un sol riche. Il faut surtout veiller Ă  ce qu'il ait assez d'eau au mois de juin, car s'il en manque, les noix seront petites. C'est aussi le moment oĂč se prĂ©pare l'induction florale (les futures fleurs de l'annĂ©e suivante). Une sĂ©cheresse Ă  ce moment prĂ©cis compromet donc aussi la rĂ©colte de l'annĂ©e suivante. TrĂšs sensible Ă  l’asphyxie racinaire, il ne supporte pas l’engorgement aqueux, mĂȘme temporaire, sur au moins 80 cm.

Il existe des variĂ©tĂ©s protandre (Franquette, Parisienne) et d'autres protogynes (Ronde de Montignac, Meylanaise). Certaines variĂ©tĂ©s peuvent ĂȘtre autofertiles mais la pollinisation se fera bien mieux avec deux ou trois arbres de catĂ©gories d'hermaphrodisme successif diffĂ©rentes et plantĂ©es proches l'une de l'autre.

Le noyer n'apprécie pas la taille. On se contentera donc de tailler les bois morts à la fin de l'automne si on veut éviter les écoulements de sÚve.

Les feuilles de noyer produisent du juglon qui aprĂšs lessivage par les pluies, par un phĂ©nomĂšne d'allĂ©lopathie, empĂȘche les autres plantes de pousser autour du noyer. Toutes les plantes ne sont pas affectĂ©es nĂ©gativement par la juglone. Myosotis, Pachysandra terminalis, Barbe de bouc (Aruncus sylvester), alchĂ©mille, hosta, heuchĂšre, bugle rampante (Ajuga reptans) et la majoritĂ© des bulbes peuvent constituer un joli dĂ©cor au pied de cet arbre.

Une Ă©tude amĂ©ricaine[21] indique que les vergers de noyers oĂč sont aussi plantĂ©s des Elaeagnus umbellata ou des aulnes glutineux (Alnus glutinosa) ont une production de noix augmentĂ©e de 20 %. Cela est dĂ» Ă  l'azote apportĂ© dans le sol par ces espĂšces.

Multiplication

Le noyer se multiplie par semis de noix fraßches qu'on peut semer en place à 5 cm de profondeur dÚs la récolte aprÚs les avoir débarrassées de leur brou. Pour les protéger des prédateurs (rongeurs, écureuils, etc.), on peut aussi les placer dans un sac de congélation avec du sable humide à 10 % et conserver ce sac au réfrigérateur à 4 °C pendant 4 mois puis semer au tout début du printemps.

Les arbres cultivés sont des arbres greffés qui commencent à produire vers 5 à 6 ans. Ils sont en pleine production au bout de 25 ans et peuvent produire jusqu'à 70 ans. Le noyer noir est parfois utilisé comme porte-greffe pour les variétés de noyers communs, car il résiste au pourridié en particulier dans les terrains humides.

Maladies et ravageurs

Anthracnose du noyer

L’anthracnose du noyer (Gnomonia leptostyla) est le pathogĂšne foliaire le plus commun. On le reconnait par des taches brunes sur les feuilles. Il se dĂ©veloppe lors des printemps frais et humides.

Le Phytopte du Noyer, Aceria erinea, est un Acarien qui provoque une galle sur les feuilles du Noyer.

Variétés

Voir Principales variétés de noix communes.

Pour les noyers dont la noix est destinée à la consommation alimentaire, il existe en France deux appellations contrÎlées AOC : Noix de Grenoble et Noix du Périgord. On y cultive essentiellement deux variétés : la Franquette et la Parisienne. Il y a de nombreuses autres variétés plus connues localement comme en Périgord : la Ronde de Montignac, la Corne du Périgord. En IsÚre, la Mayette ou la Meylanaise.

Certaines variétés sont des variétés à bois pour lesquelles une croissance plus rapide est recherchée. Il existe également des variétés recherchées seulement pour l'ornement.

Appellation, histoire et folklore

Voir aussi Histoire culturelle de la noix en Europe.

Le gauguier est le nom en moyen-français du noyer au XIIIe siÚcle. Cette appellation vernaculaire provient de la gauge ou grosse noix. L'étymon latin est ici gallica, la noix.

L'alliance de la vigne et du noyer est une constante culturelle en Alsace, depuis la civilisation gallo-romaine implantant la vigne. L'arboriculture traditionnelle pouvait associer au noyer le chĂątaignier calcifuge, mais aussi et surtout les autres arbres fruitiers thermophiles : la pĂȘche de vigne, le nĂ©flier, le cormier (sorbier domestique), l'amandier. C'est l'association du vin et de la noix qui a fondĂ© la fĂȘte du vin.

On disait au XVe siĂšcle : « Se une femme veult que son mari ou amy l’aime fort, elle doit mettre une fueille de gauguier, cueillie la nuit saint Jehan tandis qu’on sonne nonne, en son soulier du pied senestre, et sans faulte il l’amera moult merveilleusement » (Folklore de France[22]).

Une croyance alsacienne maintient qu'une « femme qui veut garder son mari se doit de garder en son soulier senestre feuille de gauguier cueillie la nuit de la Saint-Jean ». Les noms alsaciens du noyer sont Nussbaum ou Wallnuss. Le noyer magique de la Saint-Jean aurait, en plusieurs provinces françaises, la particularitĂ© d'Ă©mettre ses feuilles et quasiment ses fruits tous d'un coup le jour de la Saint-Jean (le 24 juin), d'oĂč son nom.

Le noyer a hĂ©ritĂ© d’une mauvaise rĂ©putation venant de l’AntiquitĂ© grĂ©co-romaine. Ainsi « Les paysans du Maine disent que si ses racines pĂ©nĂštrent dans l’écurie ou les toits Ă  porcs les animaux pĂ©rissent ; elles sont aussi dangereuses pour les maisons
 En Haute-Bretagne, les cochons dont les Ă©tables sont trop voisines de cet arbre crĂšvent ou ne profitent pas » (Folklore de France[22]).

Par contre, il est bĂ©nĂ©fique dans d’autres rĂ©gions. « En Saintonge, Auvergne et Languedoc, un petit rameau de noyer, cueilli et placĂ© avant le jour Ă  toutes les portes et fenĂȘtres des habitations et Ă©tables, porte bonheur Ă  la maison, fait prospĂ©rer le bĂ©tail, ou prĂ©serve les moutons de la folie » (Folklore de France[22]).

Classification

Autres espĂšces du genre Juglans :

Galerie

  • Fleurs femelles
    Fleurs femelles
  • Chaton de fleurs mĂąles
    Chaton de fleurs mĂąles
  • Fruits immatures
    Fruits immatures
  • Fruits mĂ»rs
    Fruits mûrs
  • Noix et cerneau
    Noix et cerneau
  • Jeune pied de noyer
    Jeune pied de noyer

Notes

  1. on parle parfois d’une longĂ©vitĂ© de 300 Ă  500 ans (en OuzbĂ©kistan, Mapelli et al, 2014), mais cela ne vaut guĂšre en Europe occidentale et centrale
  2. plante qui aprĂšs avoir Ă©tĂ© introduite dans une rĂ©gion, s’y dĂ©veloppe comme une plante spontanĂ©e
  3. par exemple, dans le bocage Brionnais (SaĂŽne-et-Loire, Bourgogne) ou en bordure des champs en Limagne (Auvergne)
  4. le terme de zhongguo äž­ć›œ « Chine » qui actuellement, est universellement utilisĂ© pour rĂ©fĂ©rer rĂ©trospectivement Ă  l'entitĂ© politique, gĂ©ographique et culturelle qui perdure depuis 3 000 ans dans la rĂ©gion du Fleuve jaune n'est que d'un usage rĂ©cent. Car l'empire chinois n'a pas toujours Ă©tĂ© unifiĂ©, et quand il l'Ă©tait, il occupait des territoires diffĂ©rents avec des dĂ©nominations diffĂ©rentes
  5. ćŒ éȘžäœżè„żćŸŸèż˜,äčƒćŸ—èƒĄæĄƒç§, le terme de hutao èƒĄæĄƒ Ă©tym. « pĂȘcher barbare » dĂ©signant la noix commune, indique clairement une origine d’ethnie non Han. À partir de ce texte, Ă©crit quatre siĂšcles aprĂšs le voyage de Zhang Qian (de -139 Ă  -126), toutes les sources historiques rĂ©pĂ©teront toujours la citation du Bowuzhi : « Zhang Qian ramena de l’ouest des noix (hutao) ». Mais aucune source textuelle de l’époque des Han occidentaux ne rapporte ce fait, ni le Shiji ćČèź° (-109, -91) de Sima Qian, ni les Hanshu 汉äčŠ, ni le Shennong bencao jing la plus ancienne pharmacopĂ©e chinoise, rĂ©pertoriant les plantes mĂ©dicinales, ne le mentionnent
  6. peut-ĂȘtre pour comprendre cette Ă©nigme, faut-il se souvenir de la remarque de Le Moulec « la prĂ©sence de nombreux arbres anciens aux noix petites et hĂ©tĂ©rogĂšnes ont longtemps rĂ©frĂ©nĂ© l’intĂ©rĂȘt des Chinois pour sa culture » (compte-rendu du Symposium International de la Noix en Chine)
  7. jusqu'Ă  3 300 m au Tibet, 1000-2000 m au Kirghizstan et 1200 m dans les Alpes

Références

  1. Pascale Servais et Pierre Seba, 2018 Tilo Botanica, « Juglans regia L. » (consulté le )
  2. Pietro-Andrea Mattioli, Les commentaires de M.P. Mattiole, medecin sienois, sur les six livres de la Matiere medicale de Pedacius Dioscoride Anazarbe’en (trad. du latin de Antoine du Pinet), chez Jean-Baptiste de Ville, Lyon, (lire en ligne)
  3. Caroli Linnaei, « Species plantarum »
  4. Pline l'Ancien, texte traduit par S. Schmitt, Histoire naturelle, nrf, Gallimard, , 2130 p.
  5. Nathalie Barengo, Chaire de sylviculture, « Noyer commun, noyer royal, Juglans regia L. »
  6. Via Gallica Dominicus Malleotus, « Le noyer d’Europe (Juglans regia) » (consultĂ© le )
  7. Sabine Girard (CNPF) Jacques Becquey, « Juglans regia L., Noyer commun, Common walnut (Irstea) » (consulté le )
  8. F. Caroulle, D. Piou, O. Baubet, B. Boutte, E. Kersaudy, L.-M. Nageleisen, F.-X. Saintonge (DSF), Jacques Becquey (CNPF), « Juglans regia, Noyer commun, Common walnut » (consulté le )
  9. Sat Pal Malhotra, World Edible Nuts Economy, Concept Publishing Co., , 538 p.
  10. Pollegioni P, Woeste K, Chiocchini F, Del Lungo S, Ciolfi M, Olimpieri I, et al., « Rethinking the history of common walnut (Juglans regia L.) in Europe: Its origins and human interactions », PLOS ONE, vol. 12, no 3,‎ (lire en ligne)
  11. Peter Ford (juin 2017), « Inside the world’s largest walnut forest, Arslanbob, Kirghizstan » (consultĂ© le )
  12. Ruth Beer et al., « Vegetation history of the walnut forests in Kyrgyzstan (Central Asia): natural or anthropogenic origin? », Quaternary Science Reviews, vol. 27, nos 5-6,‎ , p. 621-632
  13. Xiaojia Feng et al., « The Phytogeographic History of Common Walnut in China », Frontiers in Plant Science, vol. 9,‎ (lire en ligne)
  14. 邔文䞜, « äž­ć›œćČäčŠèź°èœœèƒĄæĄƒæ„æșæ–°è€ƒ », ć…°ć·žæ•™è‚Čć­Šé™ąć­ŠæŠ„, JOURNAL OF LANZHOU INSTITUTE OF EDUCATION, vol. 32, no 4,‎ (lire en ligne)
  15. Jean Collardet et Jean Besset, Bois Commerciaux, Tome 2, Feuillus des zones tempérées, Dourdan, H. Vial, , 400 p., p. 150-153
  16. (en) « English walnut », sur wood-database.com (consulté le )
  17. Pauline Leplongeon, Histoire culturelle de la noix et du noyer en Occident de l’AntiquitĂ© romaine au XVIII e siĂšcle, ThĂšse dirigĂ©e par Michel Pastoureau, Ă©cole doctorale de l’EPHE,
  18. Maria Treben, La SantĂ© Ă  la Pharmacie du Bon Dieu - conseils et pratique des simples (des plantes mĂ©dicinales). Éditeur W. Ennsthaler, Autriche, 112 p., (ISBN 3850681238). PremiĂšre Ă©dition : 1983. Noyer : pp. 37-38.
  19. Bruneton, J., Pharmacognosie - Phytochimie, plantes mĂ©dicinales, 4e Ă©d., revue et augmentĂ©e, Paris, Tec & Doc - Éditions mĂ©dicales internationales, , 1288 p. (ISBN 978-2-7430-1188-8)
  20. Pierre Lieutaghi, Badasson & cie Tradition médicinale et autres usages des plantes en haute Provence, Actes Sud, , 714 p.
  21. Paschke M. W., Dawson J. O. et David M. B. - Univ. Illinois, dep. Forestry, Urbana IL 61801.
  22. Paul SĂ©billot, Le Folklore de France – La Flore, Éditions Imago, , 216 p.

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.