AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Évolution de la communication visuelle

La communication est l’échange d’informations entre un Ă©metteur et un receveur. Dawkins et Krebs (1978) dĂ©finissent la communication comme Ă©tant l’action d’un Ă©metteur qui influence le systĂšme sensoriel d’un rĂ©cepteur, ce qui change le comportement du rĂ©cepteur au bĂ©nĂ©fice du premier, le bĂ©nĂ©fice se manifestant par une augmentation de la fitness de l’émetteur[1].

Les signaux sont les vĂ©hicules convoyant l’information lors de la communication. Ils sont dĂ©finis par Otte (1974) comme des caractĂ©ristiques morphologiques, physiologiques et comportementales des organismes maintenus par la sĂ©lection naturelle parce qu’ils convoient de l’information[2]. On notera cependant que ces traits peuvent transmettre de l’information sans avoir Ă©tĂ© originellement sĂ©lectionnĂ©s pour cette fonction (cf. cooptation).

La communication visuelle concerne l’ensemble des interactions s’accordant avec la dĂ©finition de communication selon Dawkins et Krebs[1], et dont le mode de transmission de l’information est un ou des signaux visuels, c’est-Ă -dire, un ensemble d‘ondes Ă©lectromagnĂ©tiques visibles, ou encore : de la lumiĂšre visible (cf. Nature du signal visuel). Le sens associĂ© Ă  ce moyen de communication est la vue.

La communication visuelle est marquée par plusieurs étapes depuis la production et l'émission du signal jusqu'aux décisions du récepteur basées sur le signal reçu. Les divers mécanismes de l'évolution (dérive génétique, sélection sexuelle (cf. 1.1), sélection sur les traits affectant la survie (cf. 1.2), mutations, migrations) peuvent opérer indépendamment et différemment à chacune de ces étapes.

MĂ©canismes Ă©volutifs

L’évolution telle que dĂ©crite par Charles Darwin dans son ouvrage “De l’origine des espĂšces par le moyen de la sĂ©lection naturelle” (1859) est la transformation des traits des individus d’une population (microĂ©volution), d’une espĂšce ou d’un clade (macroĂ©volution) dans le temps pouvant mener Ă  la spĂ©ciation[3]. Depuis Darwin, de nouveaux Ă©lĂ©ments ont Ă©tĂ© ajoutĂ©s Ă  la thĂ©orie de l’évolution jusqu’à aboutir Ă  une thĂ©orie synthĂ©tique de l'Ă©volution. Cette thĂ©orie reprend la mĂ©canique de la sĂ©lection naturelle de Darwin mais inclut Ă©galement les mĂ©canismes de l'hĂ©rĂ©ditĂ© dĂ©couvert par Gregor Mendel Ă  la fin du XIXe siĂšcle ainsi que les rĂ©sultats des travaux en gĂ©nĂ©tique des populations pour expliquer l’évolution comme Ă©tant le changement dans le temps de la frĂ©quence des allĂšles au sein d’une population.

L’évolution repose sur plusieurs mĂ©canismes dont la sĂ©lection naturelle, mais pas uniquement. Les mutations gĂ©nĂ©tiques alĂ©atoires, la dĂ©rive gĂ©nĂ©tique, et les migrations sont autant de mĂ©canismes qui façonnent l'Ă©volution des populations et des espĂšces.

La sĂ©lection naturelle ne peut s’opĂ©rer que si trois conditions sont rĂ©unies dans une population :

1/ la population prĂ©sente une variabilitĂ© phĂ©notypique (variabilitĂ© d’un trait)

2/ ce trait doit affecter la fitness (la valeur sélective) des individus

3/ ce trait est transmissible par hérédité génétique

La fitness ou valeur sĂ©lective reprĂ©sente le succĂšs reproducteur relatif d’un individu dans une population tout au long de sa vie. Il peut ĂȘtre Ă©valuĂ© de maniĂšre directe par le nombre total de descendants de l'individu atteignant la maturitĂ© sexuelle dans la gĂ©nĂ©ration suivante[4]. La fitness d’un individu peut-ĂȘtre aussi formalisĂ©e comme Ă©tant le produit de sa fĂ©conditĂ© et de sa survie relativement Ă  celles des autres individus de la population. Les individus avec les meilleures fitness propagent leurs gĂšnes dans la population : il y a Ă©volution. Finalement, la sĂ©lection naturelle peut ĂȘtre vue comme le fait que les traits qui favorisent la survie et la reproduction (et donc la fitness) dans un milieu donnĂ© voient leur frĂ©quence s'accroĂźtre d'une gĂ©nĂ©ration Ă  l'autre. En particulier, la sĂ©lection s’appliquant sur les traits liĂ©s Ă  des diffĂ©rences de succĂšs reproducteur basĂ©es sur la variabilitĂ© d’accĂšs aux partenaires sexuels est dĂ©finie comme Ă©tant la sĂ©lection sexuelle[5].

Ainsi, la sĂ©lection naturelle explique l’adaptation des espĂšces Ă  leur environnement (a minima leur environnement passĂ© rĂ©cent). Une adaptation Ă©volutive est une caractĂ©ristique sĂ©lectionnĂ©e par la sĂ©lection naturelle car elle permet Ă  l’individu d’augmenter sa fitness relative au sein de la population. En consĂ©quence, elle permet Ă  la population de se maintenir car sa fitness moyenne augmente. L’adaptation dĂ©signe Ă  la fois le rĂ©sultat (le trait sĂ©lectionnĂ©) et le phĂ©nomĂšne par lequel les organismes sont en adĂ©quation avec leur milieu.

La communication visuelle, comme toute caractĂ©ristique des organismes vivants n’échappe pas aux forces de sĂ©lection.

Principe

Figure 1 : Paon (Pavo sp.) mĂąle faisant la cour Ă  une femelle

La sĂ©lection sexuelle constitue un moteur majeur dans l’évolution des systĂšmes de communication visuelle. Darwin est le premier Ă  parler de sĂ©lection sexuelle[3]. Chez un grand nombre d’espĂšces, il observe que les mĂąles prĂ©sentent une incroyable diversitĂ© de traits et notamment des signaux visuels (couleurs vives, motifs complexes, ornements exagĂ©rĂ©s) qui ne semblent apporter aucun avantage en termes de survie. Il en rĂ©sulte un dimorphisme sexuel entre mĂąles et femelles. Le Paon en est un exemple bien connu : le mĂąle porte des couleurs vives et dĂ©ploie une queue impressionnante lors de la parade nuptiale tandis que la femelle porte une queue courte et des couleurs plus ternes (cf. figure 1). Darwin en 1859 explique ces diffĂ©rences par la sĂ©lection sexuelle qu’il dĂ©crit comme reposant sur « une lutte entre mĂąles pour la possession des femelles et dont le rĂ©sultat pour le compĂ©titeur non dominant ne serait pas la mort mais la production de peu ou d’aucun descendants »[3]. La sĂ©lection sexuelle se traduit alors par des diffĂ©rences du nombre d’accouplements et donc de fĂ©conditĂ©.

Elle repose sur deux mécanismes :

  • La sĂ©lection intersexuelle : choix du partenaire s’exerçant gĂ©nĂ©ralement par les femelles sur les mĂąles. Cette diffĂ©rence entre mĂąles et femelles peut s’expliquer par la thĂ©orie de Trivers sur l’investissement parental : l’investissement dans la production d’un descendant rĂ©duit la capacitĂ© du parent Ă  investir dans la production d’autres descendants. Cet investissement est souvent plus important chez les femelles qui deviennent le sexe limitant et optimisent leur fitness par le choix de leurs partenaires[6].
  • La sĂ©lection intrasexuelle : compĂ©tition entre les individus de mĂȘme sexe (gĂ©nĂ©ralement mĂąles) pour l’accĂšs aux partenaires (femelles)[6].

Évolution de la prĂ©fĂ©rence

Dans le cadre de la sĂ©lection intersexuelle, des traits et notamment des signaux visuels (couleurs, motifs, ornements)  ayant pour but l’attraction du partenaire sexuel ont pu ĂȘtre sĂ©lectionnĂ©s s’ils augmentent la fitness de l’émetteur. Ces traits peuvent devenir exagĂ©rĂ©s si, malgrĂ© un coĂ»t pour la survie, les individus qui les portent bĂ©nĂ©ficient d’un fort succĂšs reproducteur via l’attraction des femelles. Pour qu’ils soient sĂ©lectionnĂ©s, le trait ainsi que la prĂ©fĂ©rence doivent ĂȘtre hĂ©ritables.

  • HypothĂšse des signaux honnĂȘtes

Beaucoup de ces traits portĂ©s par les mĂąles permettent d’indiquer Ă  la femelle la qualitĂ© du mĂąle soit en termes de bĂ©nĂ©fices directs (protection, apport de nourriture) soit en tant qu’indicateurs de « bons gĂšnes » qui seront transmis Ă  la descendance (survie plus Ă©levĂ©e). Ces signaux sont dits honnĂȘtes quand ils indiquent avec exactitude la qualitĂ© du mĂąle (Ă©tat de santĂ©, vigueur
)[7]. La thĂ©orie du handicap formulĂ©e par Zahavi (1975)[8] permet d’expliquer l’évolution de ces traits dit « honnĂȘtes » par le fait que ces caractĂšres qui ont Ă©voluĂ© par sĂ©lection sexuelle confĂšrent un coĂ»t de survie aux individus qui les portent (ex : vulnĂ©rabilitĂ© aux prĂ©dateurs accrue).  Certains signaux seraient donc trop coĂ»teux pour ĂȘtre simulĂ©s et seraient donc nĂ©cessairement « honnĂȘtes »[9].

  • Biais sensoriel

Selon cette hypothÚse, le trait de préférence préexiste dans le systÚme sensoriel de la femelle qui aurait évolué dans un contexte autre que la sélection sexuelle. Lorsque les mùles développent un trait exploitant cette préférence, ce trait serait alors positivement sélectionné. Des études ont démontré que les femelles de nombreuses espÚces avaient tendance à préférer les mùles portant des motifs symétriques. Cette préadaptation du systÚme sensoriel à détecter les motifs symétriques aurait été sélectionnée car apportant un avantage à distinguer les objets par rapport à leur position et leur orientation dans le champ de vision[6].

  • Emballement Ă©volutif de Fisher. Selon la thĂ©orie de l'emballement Ă©volutif ou runaway dĂ©veloppĂ©e par Fisher en 1930[10] il existe un rĂ©trocontrĂŽle positif entre le trait portĂ© par le mĂąle et la prĂ©fĂ©rence chez la femelle :
    • Une prĂ©fĂ©rence forte chez la femelle lui permettra de mieux distinguer les mĂąles porteurs de « bons gĂšnes » et ainsi d’optimiser la fitness de ses descendants.
    • Le trait sera d’autant plus avantageux que la prĂ©fĂ©rence sera forte. Cela explique la prĂ©sence d’ornements extravagants renforçant la dĂ©tectabilitĂ© par les femelles.

Le modÚle de Russel Lande[11] montre qu'une liaison génétique ou covariance non nulle entre le trait et la préférence conduit sous certaines conditions à un emballement évolutif. Ces conditions dépendent de la force de cette covariance mais aussi des gradients de sélection sexuelle et de sélection via la survie associée au trait : un emballement évolutif peut se produire lorsque la covariance génétique entre le trait et la préférence ainsi que la sélection sexuelle sont particuliÚrement fortes.

Principe

La sĂ©lection naturelle agit sur l'ensemble des traits affectant la survie des individus[12]. En effet, la fitness d’un individu dĂ©pend directement de sa capacitĂ© Ă  survivre : pour ĂȘtre en mesure de se reproduire, si possible plusieurs fois, il faut avant tout pouvoir survivre. Les individus survivant mieux peuvent rĂ©aliser plus d’évĂ©nements de reproduction et donc transmettre davantage leurs gĂšnes Ă  la gĂ©nĂ©ration future via leurs descendants : leur fitness est supĂ©rieure. Mieux survivre, correspond, selon le principe de niche Ă©cologique de G.E. Hutchinson (1957)[13], Ă  augmenter sa niche rĂ©alisĂ©e. D’un point de vue Ă©volutif, des phĂ©notypes ayant une meilleure fitness ont une niche rĂ©alisĂ©e plus grande car ils sont de meilleurs compĂ©titeurs, mais peuvent aussi avoir une niche fondamentale plus large, en acquĂ©rant la capacitĂ© Ă  dĂ©tecter et exploiter de nouvelles ressources. Ces mĂ©canismes d'Ă©volution influencent la capacitĂ© Ă  survivre dans une niche donnĂ©e, et rĂ©sultent dans l’évolution des traits biologiques des populations lorsque l'environnement change.

Stratégie de prédation et anti-prédateur

Les pressions dues Ă  la prĂ©dation favorisent les proies prĂ©sentant les meilleures stratĂ©gies anti-prĂ©dation et les prĂ©dateurs les plus performants[14]. Les caractĂ©ristiques de communication visuelle sont sĂ©lectionnĂ©s pour que les proies augmentent leur capacitĂ© Ă  Ă©chapper aux prĂ©dateurs, en les impressionnant (comportement dĂ©imatique), en indiquant une dangerositĂ© rĂ©elle ou non (aposĂ©mantisme, mimĂ©tisme, comportement dĂ©imatique
), ou encore en se substituant de leur champ visuel (camouflage, encre
). Chez les prĂ©dateurs, la compĂ©tition se matĂ©rialise par une concurrence pour l’accĂšs aux ressources (i.e. les proies) oĂč les capacitĂ©s visuelles de dĂ©tection sont fondamentales.

Compétition interspécifique

La compĂ©tition interspĂ©cifique se matĂ©rialise par une compĂ©tition pour l’accĂšs Ă  la mĂȘme ressource (e.g. nourriture, territoire...), par deux espĂšces diffĂ©rentes[15]. Ici, les capacitĂ©s visuelles de dĂ©tection sont fondamentales. Les capacitĂ©s Ă  effrayer un compĂ©titeur, ainsi qu’à indiquer son territoire entrent aussi en compte.

Compétition intraspécifique

La compĂ©tition intraspĂ©cifique favorise les individus qui ont une meilleure capacitĂ© Ă  survivre que leurs congĂ©nĂšres de la mĂȘme espĂšce, en particulier lorsqu’une ressource limitante entraĂźne cette compĂ©tition[16]. La ressource peut ĂȘtre nutritive (nourriture, eau...), ou non (nid, terrier, territoire
). Dans ce contexte, la communication visuelle peut fournir des avantages multiples : ĂȘtre impressionnant, mieux distinguer la ressource, marquer visuellement son territoire


Coûts et compromis évolutifs

Produire et maintenir des structures associĂ©es Ă  la communication visuelle reprĂ©sente un coĂ»t Ă©nergĂ©tique pour les organismes alors que leur quantitĂ© d’énergie est limitĂ©e. Les organismes prĂ©sentent des stratĂ©gies variables d'allocation de l’énergie aux diffĂ©rentes fonctions telles que la survie et la reproduction. Un compromis Ă©volutif ou “trade off” existe lorsque la valeur d’un trait liĂ© positivement Ă  la fitness ne peut augmenter sans la diminution de la valeur d’un autre trait liĂ© Ă  la fitness. C’est l’opposition des deux forces de sĂ©lection qui gĂ©nĂšre ce compromis. Chez les guppys, la variation de la diversitĂ© des patterns de coloration rĂ©sulte d’un compromis entre la sĂ©lection naturelle (pression de prĂ©dation), et la sĂ©lection sexuelle, favorisant une coloration vive[17].

Lorsque les structures associĂ©es aux signaux visuels ne reprĂ©sentent plus d’avantage Ă©volutif dans un environnement, ces structures tendent Ă  rĂ©gresser. Ce coĂ»t a Ă©tĂ© mis en Ă©vidence chez le tĂ©tra cavernicole Astyanax mexicanus. Le changement dans ses conditions de vie (milieu lotique Ă  un milieu cavernicole) l’ont amenĂ© Ă  Ă©voluer au cours du temps et Ă  perdre certains caractĂšres, comme la vue. Il peut alors allouer son Ă©nergie dans d’autres fonctions qui maximisent sa fitness[18].

Inertie phylogénétique

L’évolution des individus est modelĂ©e par les pressions environnementales mais est aussi contrainte par les caractĂ©ristiques intrinsĂšques des organismes hĂ©ritĂ©es de leurs ancĂȘtres : c’est le principe d’inertie phylogĂ©nĂ©tique. La trajectoire Ă©volutive passĂ©e des organismes influence les possibilitĂ©s d’évolution future de ces mĂȘmes organismes (i.e. les caractĂ©ristiques actuelles dĂ©terminent dans quelle mesure l'Ă©volution peut ĂȘtre dĂ©viĂ©e dans une direction ou une autre, ainsi que la force avec laquelle sa vitesse peut ĂȘtre accĂ©lĂ©rĂ©e ou ralentie[19]. Ainsi, l’inertie phylogĂ©nĂ©tique peut-ĂȘtre vu comme une capacitĂ© de rĂ©sistance Ă  la sĂ©lection.

Du point de vue de la communication visuelle, la taille de l’Ɠil sera par exemple limitĂ©e par la plasticitĂ© du crĂąne, en particulier la cavitĂ© orbitaire, chez les VertĂ©brĂ©s. Du point de vue des structures Ă©mettrices, on ne verra jamais un mammifĂšre arborer un plumage colorĂ©.

Évolution des structures rĂ©ceptrices

Approche physique

Figure 2 : Spectre lumineux visible

Un signal visuel est un ensemble d’ondes Ă©lectromagnĂ©tiques captĂ©es par les structures rĂ©ceptrices associĂ©es Ă  la vue (e.g. l’Ɠil chez la plupart des animaux). Le spectre visible correspond Ă  l’ensemble des longueurs d’onde perçues par un systĂšme sensoriel visuel donnĂ© (e.g. chez l’Homme : 380 Ă  780nm). Les variations des longueurs d’onde coĂŻncident avec les variations de perception de couleur. De nombreux organismes possĂšdent des structures rĂ©ceptrices de la vision capables de capter la lumiĂšre pour des longueurs d’onde infĂ©rieures (vision ultra-violette) ou supĂ©rieures (vision infra-rouge) aux limites du spectre visible humain (cf. figure 2).

Un objet peut produire sa propre lumiÚre par incandescence (émission de lumiÚre due à la chaleur) ou par luminescence (émission de lumiÚre due à des transitions électroniques au sein des atomes à la suite d'un apport énergétique (i.e. excitation). Dans le monde vivant, certains organismes sont capables de produire leur propre lumiÚre via le phénomÚne de bioluminescence (cf. 3.4.2.5).

Un objet peut Ă©galement ĂȘtre une source secondaire de lumiĂšre. La couleur qu’il Ă©met est alors le rĂ©sultat d’interactions multiples entre le spectre de la lumiĂšre qui l’éclaire et sa matiĂšre. On distingue alors les couleurs pigmentaires, consĂ©quence de l'absorption par les pigments d’une partie du spectre de la lumiĂšre incidente, et les couleurs structurelles, consĂ©quence des interactions entre la lumiĂšre incidente et la structure de l’objet (effets d’interfĂ©rences, de diffractions, de diffusions et de rĂ©flexions). Dans tous les cas, la couleur d’un objet n’est pas seulement la consĂ©quence de ses propriĂ©tĂ©s intrinsĂšques (liĂ©es Ă  sa matiĂšre) mais dĂ©pend Ă©galement de la qualitĂ© de la lumiĂšre qui l’éclaire (i.e. la lumiĂšre incidente).

Figure 3 : Évolution de la qualitĂ© du spectre lumineux selon le gradient de profondeur dans l'ocĂ©an

Étant donnĂ© que le milieu de vie des organismes peut modifier trĂšs nettement la qualitĂ© de la lumiĂšre incidente (gĂ©nĂ©ralement issue du soleil), les systĂšmes de communication visuelle sont soumis Ă  des contraintes environnementales trĂšs variables selon le milieu, engendrant des adaptations spĂ©cifiques. Une illustration de ce phĂ©nomĂšne sont les consĂ©quences des diffĂ©rences d’attĂ©nuation des couleurs dans l’ocĂ©an, selon le gradient de profondeur (cf. figure 3), sur la coloration des organismes marins. En effet, la plupart des organismes mĂ©sopĂ©lagiques et mĂ©sobenthiques sont soit rouges, soit noirs, ce qui, dans cet environnement oĂč la lumiĂšre rouge est absente (car absorbĂ©e par la colonne d’eau supĂ©rieure), favorise le camouflage (cf. 3.4.2.1)). En contrepartie, les prĂ©dateurs de la zone ont dĂ©veloppĂ© des capacitĂ©s de bioluminescence (cf. 3.4.2.5)) pour augmenter leur pouvoir de dĂ©tection des proies[20].

Composantes du signal visuel

La plupart des animaux sont capables de percevoir des signaux visuels et d’en extraire de l’information en analysant leurs diffĂ©rentes composantes: mouvement, forme, luminositĂ© et couleur (saturation et teinte).

Disparités de perception

La perception complexe des signaux lumineux et toutes leurs composantes est le fruit d’une longue Ă©volution depuis la premiĂšre molĂ©cule photoreceptrice jusqu’aux yeux trĂšs performants de certains oiseaux, cĂ©phalopodes, insectes et mammifĂšres (humains compris) (cf. 2.2))

Tous les organismes ne sont pas Ă©gaux face Ă  la perception visuelle. Chaque lignĂ©e a suivi un chemin Ă©volutif diffĂ©rent menant vers des adaptations de son systĂšme visuel sĂ©lectionnĂ©es par des pressions Ă©volutives hĂ©tĂ©rogĂšnes (cf. 1.1) . La vision humaine n’est ni unique, ni mĂȘme la plus performante du monde vivant. D’autres organismes perçoivent les signaux visuels dans un spectre plus large que le spectre lumineux visible [21], avec une meilleure acuitĂ©[22], un champ de vision plus large[23], ou possĂšdent une plus grande sensibilitĂ© Ă  la luminositĂ©[24], et parfois tout cela Ă  la fois dans le cas des crevettes-mantes[25] !

La diversitĂ© des structures cognitives associĂ©es Ă  la vision (cf. 2.5.3) rend l'expĂ©rience sensorielle de la vision unique pour chaque espĂšce, voir chaque individu. NĂ©anmoins, des similaritĂ©s peuvent ĂȘtre observĂ©es : il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©, entre autres, que les bourdons perçoivent la saturation des couleurs[26] et que les poulets peuvent catĂ©goriser les signaux chromatiques [27] et donc perçoivent la composante de teinte du signal lumineux.

Évolution de l’Ɠil

Figure 4 : Évolution de l'Ɠil

Histoire Ă©volutive

Nilsson et Pelger[28] ont considĂ©rĂ© l’émergence de l’Ɠil comme une succession d’étapes transformant Ă  la fois la physiologie et la morphologie de l’élĂ©ment rĂ©cepteur en 1829 Ă©tapes Ă  travers 350,000 gĂ©nĂ©rations soit 500,000 ans (cf. figure 4). La premiĂšre innovation est dĂ©crite comme l’initiation de cellules photosensibles se dĂ©veloppant entre des cellules transparentes et cellules pigmentĂ©es. La sensibilisation aux variations lumineuses confĂšre un avantage Ă©volutif dans l’apprĂ©hension de l’espace qui a permis aux gastĂ©ropodes tels que les patelles d’effectuer des ascensions verticales afin de se nourrir.

L’expansion de la couche photosensible via une courbure de plus en plus prononcĂ©e donne une spĂ©cificitĂ© de dĂ©tection directive propre Ă  chaque photorĂ©cepteur offrant une meilleure acuitĂ© visuelle. Cette innovation rend capable d’identifier la direction de la source lumineuse. De plus, la couche cellulaire la plus externe s’imprĂšgne d’un liquide offrant un meilleur indice de rĂ©fraction que l’eau, optimisant ainsi la propagation de la lumiĂšre Ă  l‘intĂ©rieur de la structure. L’expansion courbĂ©e se poursuit jusqu’à l’obtention d’un orifice terminant la sphĂšre optique qui protĂšge l’Ɠil d’éventuels dommages. L’acuitĂ© visuelle ainsi que la rĂ©solution sont amĂ©liorĂ©es permettant la formation d’une image sommaire sur la rĂ©tine. Ces capacitĂ©s permettent aux animaux de se mouvoir d’une maniĂšre plus prĂ©cise et d’envisager d’établir des interactions visuelles (e.g : relation de prĂ©dation nautile/crustacĂ©s)

Graduellement, on assiste Ă  une pigmentation au voisinage de l’orifice accroissant encore l’indice de rĂ©fraction. Cet Ăźlot pigmentaire qui va donner le cristallin chez les vertĂ©brĂ©s agit comme une lentille et va donc concentrer la lumiĂšre pour la transporter sur la rĂ©tine. Cette lentille primitive sous une forme ellipsoĂŻde se destine Ă  devenir sphĂ©rique et va migrer vers le centre de l’Ɠil oĂč l’apparition d’une iris qui dirige l’ouverture focale de la lentille et donc adapte l’Ɠil aux variations de la luminositĂ© vient complĂ©ter le processus Ă©volutif. Cela permet en outre aux animaux comme les chats d’avoir une vision nocturne.

À ce stade la structure rĂ©ceptrice est capable d’identifier un objet de maniĂšre nette et prĂ©cise dans une dimension spatiale et d’adapter une vision par rapport Ă  son environnement.

Aspect phylogénique : homologie ou convergence évolutive ?

L’émergence de l’Ɠil s’est dĂ©veloppĂ©e de maniĂšre indĂ©pendante de nombreuses fois dans le rĂšgne animal. MalgrĂ© tout, des composantes communes existent (opsines, gĂšnes de dĂ©veloppement (PAX6), cellules rhabdomĂ©riques) et c’est Ă  travers divers processus (duplications, mutations et cooptations) que le systĂšme visuel est propre Ă  chacun selon son biotope.

L’ancĂȘtre commun des cnidaires, vertĂ©brĂ©s et cĂ©phalopodes est pourvu de cellules photorĂ©ceptrices qui ont Ă©voluĂ© par dĂ©terminisme environnemental en une structure rĂ©ceptrice propre aux besoins de chacun. On trouve alors un arrangement structural diffĂ©rent chez les cĂ©phalopodes et les vertĂ©brĂ©s.

Soumis Ă  des pressions de sĂ©lection adaptatives, l’Ɠil a la capacitĂ© d’intĂ©grer de nouveaux types de flux d’échanges Ă  son mode de vie.

Évolution des cellules photorĂ©ceptrices

Figure 5 : Évolution des cellules photorĂ©ceptrices

Deux types de cellules photorĂ©ceptrices ont probablement Ă©voluĂ© chez les UrbilatĂ©riens. Chacune a augmentĂ© sa surface membranaire afin de stocker plus de pigments et ainsi amĂ©liorer la capture des photons : les cellules ciliĂ©es, par multiplication des cils stockant l’opsine c ; les cellules rhabdomĂ©riques par expansion apicale stockant des opsines-r.

Chaque type cellulaire implique des mécanismes de communication cellulaire différents déclenchant des réponses physiologiques propres à chacune des cellules permettant une diversité potentielle plus large des systÚmes de communication visuelle.

Par exemple, cette diversification des types de cellules photorĂ©ceptrices explique la genĂšse des cellules amacrines d’origine rhabdomĂ©rique (cf. figure 5). Ces derniĂšres ont permis de stabiliser le mouvement d’une image en action dans l’Ɠil complexe des VertĂ©brĂ©s permettant ainsi de dĂ©velopper une vision coordonnĂ©e avec le mouvement[29].

Évolution des photopigments

Au sein des cellules photorĂ©cepteptrices, des molĂ©cules transmembranaires sensibles Ă  la lumiĂšre permettent la genĂšse de l’influx nerveux, ce sont les photopigments. On en distingue 2 types :  les non-visuels nommĂ©s cryptochromes et ceux impliquĂ©s dans la vision, qualifiĂ©s d‘opsines.

Évolution des opsines en milieu marin

À l’origine les premiĂšres opsines (c-opsines) assurent la rĂ©gĂ©nĂ©ration de leur chromophore (partie sensible Ă  la lumiĂšre) grĂące Ă  un systĂšme enzymatique. L’apparition de r-opsines dont la rĂ©gĂ©nĂ©ration est assurĂ©e par une photoisomĂ©rase (enzyme stimulĂ©e par l’énergie lumineuse des photons) a abouti Ă  une augmentation de la vitesse de reconversion. Cette Ă©volution primitive, datĂ©e avant la division des  embranchements des cnidaires et des bilatĂ©riens, a permis une amĂ©lioration significative de l’efficacitĂ© du systĂšme visuel, en particulier dans les eaux de surface oĂč l’intensitĂ© lumineuse est plus importante[30].

Le fait que les opsines plutĂŽt que les cryptochromes soient devenues usuelles pour la vision ne s’explique pas uniquement par une vitesse de rĂ©action plus Ă©levĂ©e mais aussi par une sensibilitĂ© spectrale plus large et notamment dans le vert ayant permis une exploration du champ terrestre.

Évolution des opsines en milieu terrestre

La qualitĂ© et la quantitĂ© de lumiĂšre dans le milieu ont contribuĂ© au dĂ©veloppement des photopigments. La conquĂȘte du milieu terrestre, soumis Ă  des variations d’intensitĂ© lumineuse fortes, a induit une diversification et une spĂ©cialisation des capacitĂ©s visuelles des organismes via une spĂ©cialisation des photopigments. C’est ainsi que des animaux comme le papillon Papilio xantus, possĂ©dant huit  photorĂ©cepteurs, prĂ©sente une trĂšs haute rĂ©solution de vision lui permettant de distinguer des variations colorimĂ©triques de l’ordre du nanomĂštre [31]. Cette Ă©volution a Ă©tĂ© influencĂ©e Ă  la fois par des interactions interspĂ©cifiques (i.e. activitĂ© de butinage) et intraspĂ©cifiques (i.e. motifs de parade sexuelle des ailes).

L’évolution des opsines reflĂšte une rĂ©ponse adaptative par rapport Ă  un environnement en constante Ă©volution oĂč transite un signal qui doit ĂȘtre captĂ© par une structure visuelle. C’est par des modifications comme des mutations ou duplications que la sensibilitĂ© spectrale d’un individu devient optimale pour son usage.

Évolution du systùme nerveux

Une fois traitĂ© par l’Ɠil, l’information perçue est envoyĂ©e au systĂšme nerveux sous forme de signal bioĂ©lectrique. Le systĂšme nerveux peut prendre la forme de simples plexus nerveux chez les cnidaires et les vers plats, ou d’un centre nerveux, composĂ© d’un cortex cĂ©rĂ©bral (avec cortex visuel) ou de ganglions. Les neurones spĂ©cialisĂ©s dans la perception sensorielle rĂ©pondent sĂ©lectivement Ă  une information prĂ©cise, comme l’agencement dans l’espace, les couleurs, la luminositĂ©, les formes
 Dans le cerveau, certaines parties sont dĂ©diĂ©es Ă  des traitements spĂ©cifiques de l’information visuelle, comme la position dans l’espace. Chez l’Homme, 30 % du cortex cĂ©rĂ©bral participe Ă  la vision[32].

Structures cognitives et Ă©volution de la communication visuelle

Les structures cognitives de la vision ont influencĂ© la communication visuelle Ă  travers de nombreux mĂ©canismes. Traiter toutes les informations visuelles est trop coĂ»teux en Ă©nergie. Des mĂ©canismes d’attention qui permettent la concentration sur certaines informations seulement, tout en ignorant ou diminuant les autres, sont apparus. En jouant sur ce mĂ©canisme, certaines espĂšces d’insectes forment des essaims oĂč l’accumulation de mouvements rend plus difficile la concentration sur une cible prĂ©cise[33].

L'incapacitĂ© Ă  traiter l’ensemble des informations induit l’apparition d’un trade-off entre la vitesse de dĂ©cision et l'exactitude du traitement du signal visuel[34]. En effet plus un individu prend du temps pour choisir une ressource parmi d’autres, moins il n’en aura pour la rĂ©colter, l’utiliser ou la communiquer Ă  ses congĂ©nĂšres. On trouve ce genre de trade-offs dans la prĂ©dation, mais aussi dans le choix des fleurs par les abeilles[35]. Il en va de mĂȘme pour l’estimation du mĂąle le plus attractif lors de la sĂ©lection intersexuelle.

Figure 6 : Le ventre du mĂąle Ă©pinoche Gasterosteus aculeatus devient rouge lors de la saison de reproduction.

Des biais du systÚme sensoriel sont présents dans les structures cognitives. Par exemple, la coloration rouge du ventre du mùle épinoche Gasterosteus aculeatus (cf. Figure 6) est probablement due à une pression de sélection venant de la préférence des femelles envers les nourritures rouges[36].

Les biais acquis par apprentissage sont sans doute aussi importants pour l’évolution des signaux que les biais du systĂšme sensoriel[37]. Il peut s’agir d’apprendre Ă  Ă©viter les animaux aposĂ©matiques ou de l’apprentissage de la reconnaissance de fleurs les plus nutritives par les abeilles. On appelle ces changements dans la rĂ©ponse Ă  un stimulus discriminĂ© par apprentissage, des « changements de pics ».

Évolution des signaux visuels

MĂ©canismes d'apparition et de renforcement

Un signal lumineux devient un signal visuel lorsqu'une information transmise entre l’émetteur et le receveur y est associĂ©e et que celle-ci entraĂźne une modification du comportement du receveur au profit de l’émetteur. On peut ainsi dĂ©crire divers mĂ©canismes permettant la conversion d’un signal lumineux neutre en un signal visuel utilisĂ© pour communiquer.

La cooptation consiste en l’adoption d’une caractĂ©ristique morphologique, physiologique ou comportementale dĂ©jĂ  prĂ©sente chez l’organisme dans un but de communication. Dans ce cas, le trait qui transmet l’information visuelle n’a pas Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ© originellement pour cet usage. Un exemple classique est l’utilisation de photopigments comme la mĂ©lanine pour former des motifs utiles pour le camouflage (cf. 3.4.2.1)) alors que sa fonction premiĂšre est la protection contre les rayonnements UV grĂące Ă  sa forte capacitĂ© d'absorption[38].

La ritualisation consiste en l’association d’une signification Ă  un signal originellement neutre Ă  la suite de la rĂ©pĂ©tition, exagĂ©ration et codification de ce signal. La valeur informative du signal s'accroĂźt avec sa visibilitĂ© et sa clartĂ©. Chez les humains par exemple, l’agitation de la main en guise de salutation est considĂ©rĂ©e comme dĂ©rivant du temps oĂč les gens portaient des armes et montraient leurs mains vides avant d’approcher un Ă©tranger. Maintenant, ce comportement s’est transformĂ© en signal, mĂȘme en l’absence d’armes[39].

Figure 7 : Lézard à collerette en position défensive

Une fois le signal visuel prĂ©sent, sa valeur informative peut ĂȘtre renforcĂ©e par deux procĂ©dĂ©s: la stĂ©rĂ©otypie et la redondance. La stĂ©rĂ©otypie consiste en la rĂ©duction de la variation du signal ce qui entraĂźne une augmentation de sa clartĂ© et de sa dĂ©tectabilitĂ© : le signal est codifiĂ©. La redondance consiste en l’utilisation de multiples signaux (visuels) pour transmettre la mĂȘme information permettant lĂ  aussi de limiter la confusion et d’augmenter la clartĂ© du message. Un exemple cĂ©lĂšbre est le comportement dĂ©fensif du lĂ©zard Ă  collerette (Chlamydosaurus kingii). Lorsqu’il cherche Ă  effrayer un prĂ©dateur ou un concurrent, ce lĂ©zard australien se redresse sur ses pattes avant, ouvre sa gueule pour exposer une bouche revĂȘtue de rose ou jaune brillant, et dĂ©ploie son imposante collerette veinĂ©e de rouge vif (cf. Figure 7). La multiplication des signaux visuels ne rend que plus claire l’information que cherche Ă  transmettre le lĂ©zard Ă  son opposant[40].

Compromis évolutif entre détectabilité et fiabilité

Les signaux visuels permettent difficilement de maximiser Ă  la fois leur dĂ©tectabilitĂ© (optimisation de la forme) et leur fiabilitĂ© (optimisation du fond, de l’information). Ainsi, un facteur important de divergence concerne le trade-off entre ces deux propriĂ©tĂ©s des signaux visuels. Certains organismes seront sĂ©lectionnĂ©s car ils prĂ©sentent un signal aisĂ©ment dĂ©tectable quand d’autres seront favorisĂ©s par la fiabilitĂ© de leur signal. Ces organismes emprunteront ainsi un chemin Ă©volutif diffĂ©rent menant Ă  une diversification des signaux visuels.

Un exemple explicite de ce trade-off est proposĂ© par les plantes Ă  fruits charnus de la jungle vĂ©nĂ©zuĂ©lienne. Schaefer et Schmidt (2004) ont en effet montrĂ© que la couleur de ces fruits divergeaient selon une dichotomie : couleur associĂ©e au contenu (l’information), ou couleur associĂ©e Ă  la dĂ©tectabilitĂ©. En effet, les fruits les plus contrastĂ©s par rapport au feuillage vert (i.e. les fruits rouges) ne donnent pas d’information quant Ă  leur contenu nutritif ; alors que les fruits aux couleurs moins contrastĂ©es (i.e. du vert au orange) sont moins facilement dĂ©tectables mais fournissent une indication quant Ă  leur teneur en sucres, protĂ©ines et tanins[41]. On observe donc que les plantes locales suivent deux stratĂ©gies bien diffĂ©rentes pour attirer les animaux frugivores qui disperseront leurs graines. Cette dichotomie de stratĂ©gies entre une dĂ©tectabilitĂ© ou une fiabilitĂ© de l’information transmise est un mĂ©canisme majeur de la divergence des signaux qui explique leur grande diversitĂ© actuelle.

Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e par Schluter et Price en 1993[7] a montrĂ© que la dĂ©tectabilitĂ©, c'est-Ă -dire la prĂ©cision avec laquelle les femelles sont capables de percevoir la diffĂ©rence entre les mĂąles, joue un rĂŽle majeur dans l’évolution Ă  la fois de l’ornement et de la prĂ©fĂ©rence.

À partir de formulations mathĂ©matiques des valeurs de la fitness du mĂąle et de la femelle, une valeur d'Ă©quilibre pour la prĂ©fĂ©rence chez la femelle Ă©merge telle que :

avec :

: valeur à l'équilibre de la préférence chez la femelle

: avantage de fĂ©conditĂ© liĂ© Ă  la condition/qualitĂ© du mĂąle = bĂ©nĂ©fice pour la femelle de s’accoupler avec ce mĂąle

: précision avec laquelle la femelle peut distinguer les différences entre mùles = détectabilité du trait

: honnĂȘtetĂ© du trait mĂąle

: paramÚtre inversement proportionnel au coût de la préférence permettant de prendre en compte la forme de la courbe de survie en fonction de la valeur de y

Ce rĂ©sultat montre l’influence positive Ă  la fois de l’honnĂȘtetĂ© et de la dĂ©tectabilitĂ© du trait sur la prĂ©fĂ©rence femelle. La prĂ©fĂ©rence d’un trait peut Ă©galement augmenter mĂȘme si le trait n’est pas tout Ă  fait honnĂȘte si la dĂ©tectabilitĂ© du trait est suffisamment importante. En prenant en compte deux paramĂštres, Schluter et Price ont dĂ©montrĂ© que la femelle devrait favoriser un trait maximisant le produit (honnĂȘtetĂ©)*(dĂ©tectabilitĂ©). Un signal visuel moins honnĂȘte pourrait donc remplacer un signal honnĂȘte si sa dĂ©tectabilitĂ© est suffisamment importante.

Impact de la stochasticité environnementale
Figure 8 : Fanon gulaire de lézard Anolis mùle.

L’environnement affecte la transmission et la perception des signaux visuels. De plus, la variabilitĂ© constante de l’environnement dans le temps et l’espace oblige les organismes Ă  s’adapter constamment et Ă  acquĂ©rir de nouvelles caractĂ©ristiques maximisant de nouveau la dĂ©tectabilitĂ© ou la fiabilitĂ© de leurs signaux visuels. Ainsi, des diffĂ©rences gĂ©ographiques dans les mĂ©canismes de perceptions et les comportements de signalisation sont observables en fonction des propriĂ©tĂ©s physiques des habitats.

Par exemple, les habitats mĂ©siques et xĂ©riques diffĂšrent par la qualitĂ© et la quantitĂ© de leur lumiĂšre ambiante car ils ont un couvert vĂ©gĂ©tatif filtrant la lumiĂšre incidente trĂšs diffĂ©rent[42]. Il a Ă©tĂ© observĂ© que les populations de lĂ©zards Anolis (Anolis sp.) diffĂšrent dans la coloration de leur fanon gulaire (cf. Figure 8), un signal sexuel, de telle façon que la couleur arborĂ©e prĂ©sente une meilleure dĂ©tectabilitĂ©, spĂ©cifique de l’habitat du lĂ©zard. Ces diffĂ©rences de coloration des appendices de parade sexuelle a aussi menĂ© vers une divergence des prĂ©fĂ©rences sexuelles des femelles entre habitats[43]. Ainsi la variabilitĂ© environnementale peut non seulement gĂ©nĂ©rer de la diversitĂ© dans les signaux de communication visuelle mais aussi pousser Ă  la spĂ©ciation par isolation reproductive. Ce mĂ©canisme de spĂ©ciation par divergence d’attributs sexuels et de prĂ©fĂ©rences apparaĂźt mĂȘme possible dans des cas d’espĂšces parapatriques dans un milieu contrastĂ© avec un gradient de luminositĂ© (cas des poissons cichlidĂ©s dans le lac Victoria[44]).

Types de signaux

Les signaux visuels peuvent diffĂ©rer par leur nature mĂȘme mais aussi de par le type d’information qu’ils convoient.

Il y a des signaux visuels de trois natures différentes :

Ces signaux peuvent transmettre une information prĂ©cise sur le trait, la valeur de l’émetteur : on parle alors de signaux honnĂȘtes. À l’inverse, il arrive aussi que les signaux trompent le receveur sur la valeur de l'Ă©metteur, au profit de l'Ă©metteur, en transmettant une information imprĂ©cise voire totalement erronĂ©e : on parle alors de signaux malhonnĂȘtes[45].

Les signaux honnĂȘtes sont favorisĂ©s sous certaines conditions :

  • lorsque l’émetteur et le rĂ©cepteur partagent un but commun (e.g. l’aposĂ©matisme (cf. 3.4.2.2)).
  • lorsque le signal est impossible Ă  falsifier. Par exemple, la taille des mandibules chez les lucanes cerf-volant (Lucanus cervus) est un indicateur direct de leur compĂ©titivitĂ© lors des combats pour l’accĂšs aux femelles qui peut-ĂȘtre Ă©valuĂ© par des compĂ©titeurs potentiels sans possibilitĂ© de falsification[45].
  • lorsque les signaux sont coĂ»teux Ă  falsifier : cf. thĂ©orie du handicap d’Amotz Zahavi[8] (cf. 1.1.2))

Les signaux malhonnĂȘtes sont favorisĂ©s dans des conditions opposĂ©es :

  • quand l’émetteur et le receveur ont des objectifs diffĂ©rents (ex: les fleurs qui ne produisent pas de nectar trompent leur pollinisateur en exhibant des couleurs vives[46].
  • quand les signaux sont coĂ»teux ou complexe Ă  Ă©valuer (ex: le mimĂ©tisme BatĂ©sien (cf. 3.4.2.3))

Pigments

La synthĂšse ou l’utilisation de pigments biologiques est impliquĂ©e dans de nombreux processus et constitue un outil majeur en communication visuelle. Un pigment biologique est une substance synthĂ©tisĂ©e par un organisme qui confĂšre une couleur aux cellules qui la contiennent. Il existe une multitude de couleurs possibles appartenant Ă  diffĂ©rentes familles de molĂ©cules (ex : les carotĂ©noĂŻdes, les mĂ©lanines, les anthocyanes
). La sensibilitĂ© spectrale de nombreux groupes taxonomiques s’est relativement conservĂ©e au cours du temps, alors qu’au contraire les couleurs Ă©mises par les pigments synthĂ©tisĂ©s ont dĂ» s’adapter en fonction du destinataire. En effet, chez les abeilles, la sensibilitĂ© des photorĂ©cepteurs a Ă©voluĂ© bien avant l’apparition des premiers angiospermes. Les pigments synthĂ©tisĂ©s par les fleurs ont dĂ» ĂȘtre sĂ©lectionnĂ©s pour ĂȘtre dĂ©tectables par les insectes pollinisateurs. Par ailleurs, les couleurs Ă©mises par les fleurs sont beaucoup plus stimulatrices pour les photorĂ©cepteurs des abeilles alors que celles des fruits le sont pour les primates consommateurs de fruits[47].

Les pigments synthĂ©tisĂ©s doivent aussi ĂȘtre dĂ©tectables dans l’environnement pour constituer un signal visuel efficace, c'est-Ă -dire contrastĂ©s par rapport Ă  l’arriĂšre-plan. Le destinataire du signal visuel doit ĂȘtre capable de les distinguer par rapport aux Ă©lĂ©ments qui l’entourent[47].

Des facteurs abiotiques peuvent aussi agir directement sur le pigment synthĂ©tisĂ© : chez le Sureau noir, la synthĂšse d’une coloration rouge peut ĂȘtre stimulĂ©e par une forte exposition au soleil. Les fruits ayant reçu une quantitĂ© de lumiĂšre importante Ă©tant plus sucrĂ©s, la couleur rouge envoie un signal aux consommateurs leur indiquant la qualitĂ© des fruits[46] - [48].

Motifs

Les motifs colorĂ©s ont un rĂŽle dans la communication visuelle des animaux. Les colorations des animaux peuvent Ă©voluer pour rĂ©pondre Ă  plusieurs grandes catĂ©gories de fonction : camouflage, signaux visuels (toxicitĂ©, parade sexuelle), thermorĂ©gulation. Suivant la force de sĂ©lection, l’évolution des motifs peut ĂȘtre plus ou moins rapide.

Figure 9 : Tache de pigment noir sur aile de drosophile Drosophila suzukii.

Il existe de nombreux motifs colorĂ©s ayant Ă©voluĂ© par sĂ©lection sexuelle. L’existence de tels motifs va souvent Ă  l’encontre de la survie des individus mais prĂ©sente une certaine efficacitĂ© auprĂšs des partenaires sexuels ou des compĂ©titeurs sexuels. Par exemple, une tache de pigment noir (cf. Figure 9) prĂ©sente au bout des ailes de drosophile mĂąle est associĂ©e Ă  un comportement de parade sexuelle, lorsque le mĂąle dĂ©ploie ses ailes devant la femelle qu’il courtise. Les mĂąles ne prĂ©sentant pas de tache n’ont pas ce comportement. L'apparition et la modification au cours du temps de ce motif peuvent ĂȘtre expliquĂ©es par des mĂ©canismes gĂ©nĂ©tiques : l’émergence de ce motif pigmentaire est due Ă  des mutations qui ont rendu capables les gĂšnes impliquĂ©s dans la production du pigment de rĂ©pondre Ă  des gĂšnes jouant un rĂŽle dans l’établissement des diffĂ©rentes parties du corps et en particulier au bout de l'aile, dans la rĂ©gion de la tĂąche[49].

Figure 10 : Euplecte Ă  longue queue mĂąle

Morphologie

La communication visuelle peut aussi passer par divers ornements (bois, plumes rectrices, crĂȘte, collerette). Certaines morphologies peuvent ĂȘtre extravagantes mais nĂ©anmoins sĂ©lectionnĂ©es positivement car elles interviennent dans la sĂ©lection sexuelle ou qu'elles affectent favorablement la survie des individus. Chez l’Euplecte Ă  longue queue, Euplectes progne (cf. Figure 10), on observe un dimorphisme sexuel important entre le mĂąle et la femelle. Les mĂąles Ă  longues rectrices sont choisis par les femelles et ont un plus fort succĂšs reproducteur[50].

Influencées par la sélection sexuelle

La prĂ©sence de nombreux caractĂšres et notamment de signaux visuels peut s’expliquer par la sĂ©lection sexuelle lorsque ces caractĂšres sont associĂ©s Ă  un meilleur succĂšs reproductif. Parmi les diffĂ©rentes Ă©tudes rĂ©alisĂ©es, ces caractĂšres sont particuliĂšrement prĂ©sents chez les insectes, les oiseaux, les amphibiens et les poissons[6].

Figure 11 : Paradisier.

Les paradisiers ou oiseau de paradis (cf. Figure 11) sont connus pour exhiber Ă  la fois des plumages colorĂ©s et des structures impressionnantes ayant Ă©voluĂ© par sĂ©lection sexuelle. Ces structures ou ornements sont faits Ă  partir de plumes modifiĂ©es au niveau de la queue, de la tĂȘte ou des ailes. Ces caractĂšres ou signaux visuels sont utilisĂ©s par les mĂąles pour attirer les femelles et constituent une stratĂ©gie de communication majeure dans le cadre de la sĂ©lection sexuelle. Les paradisiers possĂšdent gĂ©nĂ©ralement une combinaison de plusieurs signaux visuels car ils subissent une sĂ©lection sexuelle particuliĂšrement forte [51]

En plus de l’évolution de signaux visuels, des comportements peuvent venir renforcer la visibilitĂ© du signal (posture, choix du moment de la journĂ©e, modification active de l’environnement).

Le camouflage
Figure 12 : Poisson-Pierre (Synanceia verrucosa), RĂ©union

Le camouflage est une stratĂ©gie qui vise Ă  rĂ©duire la dĂ©tection par le prĂ©dateur ou la proie. Par des signaux visuels, l’animal qui se camoufle trompe la perception du destinataire, on parle de signaux malhonnĂȘtes. Dans le cas d’un prĂ©dateur, le but est d’augmenter ses chances de capture de la proie en se dissimulant Ă  elle, et dans le cas d’une proie d’augmenter ses chances d’échapper Ă  la prĂ©dation. Le camouflage implique de possĂ©der des couleurs et/ou des motifs qui permettent de se confondre avec l’environnement[52].

Thayer(1909) distingue deux formes de camouflage :

  • La coloration cryptique qui permet Ă  l’animal de se confondre avec le fond de son environnement (background matching) ou Ă  mimer un Ă©lĂ©ment qui s’y trouve (ex. : poisson pierre cf. figure 12).
Figure 13 : Coloration disruptive chez le zĂšbre
  • La coloration disruptive qui permet de rompre la silhouette, l’unitĂ© visuelle du corps Ă  l’aide de motifs trĂšs contrastĂ©s. Ces motifs sont plus susceptibles d’ĂȘtre localisĂ©s en pĂ©riphĂ©rie du corps. Ce mĂ©canisme fonctionne car le systĂšme visuel des vertĂ©brĂ©s est sensible aux lignes utilisĂ©es pour dĂ©composer l’information visuelle en diffĂ©rentes Ă©chelles spatiales[52]. La coloration disruptive serait une mĂ©thode de camouflage encore plus efficace que la coloration cryptique[53]. Les bandes noires et blanches du zĂšbre est un exemple de coloration disruptive (cf. figure 13).
L'aposématisme
Figure 14 : Aposématisme chez la Pieuvre aux anneaux bleus

L’aposĂ©matime est dĂ©fini comme la mise en place d’un signal d’avertissement chez un individu afin de faire part de sa non-profitabilitĂ© pour les prĂ©dateurs potentiels. Dans un cadre visuel, ce mĂ©canisme se met en place par l‘intermĂ©diaire de motifs tels que des tĂąches ou des stries gĂ©nĂ©ralement vivement colorĂ©es donnant une potentialitĂ© de dĂ©tection supĂ©rieure dans l’environnement (cf. figure 14).

De nombreuses thĂ©ories relatent l’origine de ce dispositif ainsi que son Ă©volution :

Wallace fut un des premiers en 1867 Ă  suggĂ©rer que l’aposĂ©matisme serait un moyen de renforcer la conscience de l’indigestabilitĂ© de la proie par association couleurs/goĂ»t. Ce processus serait davantage efficace qu’il associerait de maniĂšre innĂ©e les couleurs vives Ă  une dangerositĂ©[54].

Une autre hypothÚse avancée expose que le caractÚre couleur fut initié dans la sélection sexuelle.

Une idĂ©e supporte un gĂšne d’aposĂ©matisme rĂ©cessif sur le chromosome x et s’étend chez les femelles quand le signal est compris par le prĂ©dateur[54].

L’origine de l’aposĂ©matisme n’est pas clairement dĂ©finie car soutenue par de nombreuses thĂ©ories. MalgrĂ© tout, on pose la relativitĂ© du mĂ©canisme comme Ă©tant intrinsĂšquement liĂ©e Ă  sa densitĂ© de frĂ©quence [55]. La dynamique des motifs colorĂ©s est soumise Ă  une co-Ă©volution entre prĂ©dateurs et proies poussant l’un et l’autre Ă  dĂ©velopper d’autres innovations pour se concurrencer mutuellement.

Le mimétisme

Le mimĂ©tisme est la ressemblance entre diffĂ©rentes espĂšces. Il peut ĂȘtre une stratĂ©gie anti prĂ©dation: une espĂšce imite la forme, couleur ou l’allure d’une autre espĂšce qui sert de signal d’avertissement envers un prĂ©dateur.

Il existe deux grandes formes de mimĂ©tisme qui favorisent la survie en amĂ©liorant les capacitĂ©s de l’individu Ă  Ă©chapper aux prĂ©dateurs:

  • Le mimĂ©tisme batĂ©sien (malhonnĂȘte) avec l'implication de trois acteurs diffĂ©rents: une espĂšce modĂšle nocive (modĂšle), un imitateur de l’espĂšce modĂšle qui est inoffensif (mime) et le troisiĂšme acteur est un prĂ©dateur de ces espĂšces (dupe). Cela implique donc un fort mĂ©canisme de co-Ă©volution entre ces trois organismes. L’espĂšce imitatrice va prendre la forme, la couleur ou l’allure de l’organisme modĂšle pour survivre. Le prĂ©dateur apprend ainsi Ă  Ă©viter cette espĂšce par reconnaissance visuelle des motifs et couleurs. Ce mimĂ©tisme est dĂ©pendant de la frĂ©quence car une augmentation de l’abondance du mime mĂšne Ă  la dĂ©gradation du signal d’avertissement. En effet, les prĂ©dateurs risquent de comprendre que dans de nombreux cas le signal de toxicitĂ© n’est pas honnĂȘte[56].
  • Le mimĂ©tisme mĂŒllĂ©rien (honnĂȘte), proposĂ© par Fritz MĂŒller en 1879 est un phĂ©nomĂšne montrant la convergence de deux proies nocives et non apparentĂ©es vers un mĂȘme morphe utilisĂ© comme signal d’avertissement envers les prĂ©dateurs. Ces espĂšces auraient Ă©voluĂ© vers une apparence similaire car celle-ci est avantageuse pour les deux organismes. Ce mimĂ©tisme a un effet densitĂ© dĂ©pendance car les prĂ©dateurs apprennent d’autant plus vite qu’il faut Ă©viter ces organismes lorsque ceux-ci sont abondants[57].
Les comportements déimatiques
Figure 15 : Mante religieuse (Iris oratoria, femelle) en posture défensive

Un comportement dĂ©imatique est l’ensemble des stratĂ©gies anti-prĂ©dation qui implique l’intimidation ou la surprise d’un prĂ©dateur par sa proie par le biais d’artifices visuels. La proie peut alors espĂ©rer Ă©chapper Ă  son prĂ©dateur qui est effrayĂ©, dĂ©sorientĂ© ou simplement distrait par l’effet de surprise.

Les mantes religieuses sont connues pour exhiber un comportement dĂ©imatique lorsqu’un prĂ©dateur avisĂ© les a repĂ©rĂ©es malgrĂ© leur camouflage. Dans ce cas, les mantes dĂ©ploient leurs ailes postĂ©rieures vivement colorĂ©es, se dressent sur leurs pattes postĂ©rieures et Ă©cartent et agitent leur pattes antĂ©rieures prĂ©hensiles en guise de menace (cf. Figure 15). Ce comportement visuel est souvent accompagnĂ© d’une stridulation forte rendant l’animal d’autant plus impressionnant pour un prĂ©dateur[58].

Chez les experts du camouflage que sont les cĂ©phalopodes, les comportements dĂ©imatiques sont trĂšs communs. La seiche commune (Sepia officinalis), lorsqu’elle se sent menacĂ©e, est capable d'aplatir son corps, faire pĂąlir sa peau et faire apparaĂźtre des paires d’yeux entourĂ©s par des anneaux noirs sur son manteau. Par le jeu de contractions de ces cellules pigmentaires spĂ©cialisĂ©es associĂ©s Ă  des cellules musculaires et nerveuses dans le tĂ©gument, elle simule la dilatation des pupilles de ses faux yeux pour effrayer et surprendre son adversaire[59]. De plus, de nombreux cĂ©phalopodes sont capables d’expulser de l’encre pour dĂ©sorienter leur prĂ©dateur temporairement, leur laissant le temps de s’enfuir puis de se fondre dans l’environnement en utilisant leur camouflage perfectionnĂ©.

La bioluminescence
Figure 16 : Bathocyroe fosteri produit sa propre lumiĂšre dans les grands fonds.

La bioluminescence est la production et l’émission de lumiĂšre par un organisme (cf. Figure 16). Elle est apparue de nombreuses fois dans l'Ă©volution et a Ă©tĂ© observĂ©e chez plus de 700 espĂšces.

Il existe différentes utilisations de la bioluminescence dans le cadre de la communication visuelle, comme :

  • l’attraction des proies ; c’est le cas notamment dans de nombreuses espĂšces abyssales, comme les Lophiiformes ;
  • la protection contre les prĂ©dateurs. Certains poissons et cĂ©phalopodes vivant en zone mĂ©sopĂ©lagique l’utilisent comme camouflage : ils simulent la lumiĂšre incidente de la surface, ce qui les cache aux yeux de leurs prĂ©dateurs qui chassent en dessous d’eux. D’autres cĂ©phalopodes abyssaux produisent, quand ils se sentent menacĂ©, un nuage bioluminescent de la mĂȘme façon que les nuages d’encre[60].

Co-Ă©volution

De nombreux systĂšmes de communication visuelle consiste en des interactions entre de multiples Ă©metteurs et receveurs dont l’abondance relative conditionne les pressions Ă©volutives agissant sur le design de la communication visuelle[46].

Lorsque les interactions rĂ©sultent en un bĂ©nĂ©fice pour les deux parties, on parle de mutualisme. Lorsque les intĂ©rĂȘts des deux parties s’opposent, il y a antagonisme. La rĂ©pĂ©tition des interactions influence rĂ©ciproquement les trajectoires Ă©volutives de chacun des protagonistes : on parle alors de co-Ă©volution.

Co-Ă©volution animal-plante

Figure 17 : Labelle d'orchidée (Orphys scopalax)

Il existe de nombreux exemples de co-Ă©volution entre plantes et animaux pollinisateurs. Chaque espĂšce Ă©volue en rĂ©ponse aux pressions imposĂ©es par l’autre espĂšce avec laquelle elle interagit. Chez certaines orchidĂ©es du genre Ophrys, le labelle ressemble au pollinisateur qui vient s’y poser pour butiner (cf. figure 17). Celui-ci est alors attirĂ© par le cƓur de la fleur et va ainsi permettre Ă  l’orchidĂ©e d’ĂȘtre pollinisĂ©e[61].

La co-Ă©volution mĂšne Ă  une trĂšs grande spĂ©cificitĂ©: certaines plantes ne peuvent ĂȘtre fĂ©condĂ©es que par une seule espĂšce d’insecte.

Coopération intraspécifique

Des comportements de coopĂ©ration, c’est-Ă -dire d’association non obligatoire apportant un bĂ©nĂ©fice mutuel, ont permis Ă©galement de sĂ©lectionner des systĂšmes de communication visuelle sophistiquĂ©s. Les espĂšces sociales en sont un bon exemple car beaucoup de comportements sociaux reposent sur des systĂšmes de communication, notamment visuels. Ces comportements collectifs leur permettent d’accroĂźtre leur fitness et ont donc pu ĂȘtre sĂ©lectionnĂ©s au cours de l’évolution.

Figure 18 : Danse des abeilles.

Il a Ă©tĂ© montrĂ© que les abeilles sont capables de se communiquer l’emplacement de sources de nourritures particuliĂšrement riches en effectuant des mouvements rĂ©pĂ©titifs en forme de huit (cf. Figure 18). Ce comportement, appelĂ© danse des abeilles, leur permet d’indiquer Ă  leur congĂ©nĂšres la distance et la direction de la source de nourriture ce qui permet d’amĂ©liorer la recherche de nourriture. Ce comportement est particuliĂšrement prĂ©sent dans les habitats oĂč la nourriture est dispersĂ©e de maniĂšre hĂ©tĂ©rogĂšne et particuliĂšrement dans les habitats tropicaux[62].

Chez les primates, les Ă©changes communicatifs sont basĂ©s sur des gestes, des expressions faciales et des vocalisations. Cependant la communication gestuelle est le mode de communication qui montre la plus grande flexibilitĂ© et serait aux origines du dĂ©veloppement du langage chez l’Homme. La communication gestuelle peut ĂȘtre dĂ©finie comme un mode de communication impliquant des mouvements intentionnels des mains, des pieds ou des membres. Les signaux envoyĂ©s peuvent avoir des significations complexes et variĂ©es : Ă©vitement des prĂ©dateurs, dĂ©fense de territoire, voyage en groupe, recherche de nourriture
 Ce mode de communication a pu se mettre en place par des processus de ritualisation et a nĂ©cessitĂ© le dĂ©veloppement d’une grande flexibilitĂ© cognitive Ă  la fois pour la production et la rĂ©ception du signal visuel[63].

Co-Ă©volution antagoniste

La coĂ©volution antagoniste sont les changements Ă©volutifs entre deux ou plusieurs espĂšces, qui affectent mutuellement les traits de l’autre, chaque trait ayant un impact nĂ©gatif sur l’autre groupe.

ModÚle théorique

La course aux armements[64] est une mĂ©taphore pour parler de la co-Ă©volution des traits entre les groupes antagonistes. Elle dĂ©crit l’émergence de nouveaux traits, dus Ă  la pression de sĂ©lection entre les groupes. Dans le cadre de la communication visuelle, cela se traduit par la co-Ă©volution d’un Ă©metteur envoyant des signaux malhonnĂȘtes et un rĂ©cepteur. En effet, le receveur est avantagĂ© s’il acquiert la capacitĂ© Ă  diffĂ©rencier les signaux malhonnĂȘtes des signaux honnĂȘtes ; Ă  l’inverse, l’émetteur est avantagĂ© si son signal malhonnĂȘte n’est pas reconnaissable. On assiste alors Ă  une course Ă©volutive (appelĂ©e HypothĂšse de la reine rouge[65]) entre l’émetteur et le receveur oĂč l’équilibre est nĂ©cessairement dynamique pour assister Ă  la cohabitation des deux protagonistes sur le long terme. Cette course mĂšne vers un perfectionnement des systĂšmes sensoriels chez le receveur et des mĂ©canismes de falsification du signal chez l'Ă©metteur.

Types de conflits

Dans la co-Ă©volution antagoniste, on distingue les conflits symĂ©triques (les antagonistes ont le mĂȘme but) et asymĂ©triques (les antagonistes ont des buts diffĂ©rents).

Les conflits symĂ©triques regroupent les interactions de compĂ©tition pour des ressources entre espĂšces diffĂ©rentes (ex : deux pollinisateurs attirĂ©s par une mĂȘme fleur).

Les conflits asymĂ©triques regroupent les cas de prĂ©dations, d’herbivories[66], et de parasitismes. Le parasitisme fait pression sur la communication visuelle : par exemple, la couleur des Ɠufs et des poussins des coucous changent en fonction de l’hĂŽte afin de mieux tromper les parents parsitĂ©s[67].

Notes et références

  1. (en) Dawkins, R., & Krebs, J. R., « Animal signals: information or manipulation. », Behavioural ecology: An evolutionary approach, 2,‎ , p. 282-309
  2. (en) Otte, D., « Effects and functions in the evolution of signaling systems. », Annual Review of Ecology and Systematics,‎ , p. 385-417
  3. (en) Charles Darwin, On the Origin of Species by means of Natural Selection,
  4. (en) Hunt, J., & Hodgson, D., « What is fitness, and how do we measure it? », Evolutionary Behavioral Ecology,‎ , p. 46-70
  5. (en) Arnold, S. J., & Wade, M. J., « On the measurement of natural and sexual selection: applications. », Evolution,‎ , p. 720-734
  6. (en) Andersson, M., & Iwasa, Y., « Sexual selection », Trends in ecology & evolution 11(2),‎ , p. 53-58
  7. (en) Schluter, D., & Price, T, « Honesty, perception and population divergence in sexually selected traits », Proceedings of the Royal Society of London B: Biological Sciences, 253(1336),‎ , p. 117-122
  8. (en) Zahavi, A ., « Mate selection—a selection for a handicap », Journal of theoretical Biology, 53(1),‎ , p. 205-214
  9. (en) Torres, R., & Velando, A., « Male preference for female foot colour in the socially monogamous blue-footed booby, Sula nebouxii », Animal Behaviour,69(1),‎ , p. 59-65
  10. (en) Fisher, R.A., « The Genetical Theory of Natural Selection », The Genetical Theory of Natural Selection, Clarendon Press, Oxford,‎
  11. (en) Lande, R., « Models of speciation by sexual selection on polygenic traits », Proceedings of the National Academy of Sciences, 78(6),‎ , p. 3721-3725
  12. Danchin, Giraldeau & CĂ©zilly. Dunod, Ecologie Comportementale, , p. 39
  13. Hutchinson, G.E., « Concluding remarks », Cold Spring Harbor Symposia on Quantitative Biology,‎ , p. 415–427 (lire en ligne)
  14. (en) Gause, G. F., Smaragdova, N. P., & Witt, A. A., « Further studies of interaction between predators and prey », The Journal of Animal Ecology,‎
  15. (en) Gause, G. F., « Experimental analysis of Vito Volterra’s mathematical theory of the struggle for existence », Science,‎ , p. 79(2036), 16-17
  16. Campbell, J. R., Biologie, 7e Ă©dition, 2007, concept 52.2
  17. (en) Endler, J. A., « Natural selection on color patterns in Poecilia reticulata. », Evolution, 34(1),‎ , p. 76-91
  18. Protas, M., Conrad, M., Gross, J. B., Tabin, C., & Borowsky, R., « Regressive evolution in the Mexican cave tetra, Astyanax mexicanus. », Current biology, 17(5),‎ , p. 452-454
  19. (en) Wilson, E. O., Sociobiology., Harvard University Press.,
  20. (en) Johnsen, S., « The red and the black: bioluminescence and the color of animals in the deep sea. », Integrative and comparative biology, 45(2),‎ , p. 234-246
  21. (en) Horth, L., Campbell, L., & Bray, R., « Wild bees preferentially visit Rudbeckia flower heads with exaggerated ultraviolet absorbing floral guides. », Biology open, 3(3),‎ , p. 221-230
  22. (en) Gaffney, M. F., & Hodos, W., « The visual acuity and refractive state of the American kestrel (Falco sparverius) », Vision research, 43(19),‎ , p. 2053-2059
  23. (en) Jones, M. P., Pierce, K. E., & Ward, D., « Avian vision: a review of form and function with special consideration to birds of prey. », Journal of Exotic Pet Medicine, 16(2),‎ , p. 69-87
  24. (en) Somanathan, H., Borges, R. M., Warrant, E. J., & Kelber, A., « Visual ecology of Indian carpenter bees I: light intensities and flight activity. », Journal of Comparative Physiology A, 194(1),‎ , p. 97-107
  25. (en) Marshall, J., & Oberwinkler, J., « Ultraviolet vision: The colourful world of the mantis shrimp. », Nature, 401(6756),,‎ , p. 873-874
  26. (en) Lunau, K., Wacht, S., & Chittka, L., « Colour choices of naive bumble bees and their implications for colour perception. », Journal of Comparative Physiology, 178(4),‎ , p. 477-489.
  27. (en) Jones, C. D., Osorio, D., & Baddeley, R. J., « Colour categorization by domestic chicks. », Proceedings of the Royal Society of London B: Biological Sciences, 268(1481),,‎ , p. 2077-2084.
  28. (en) Nilsson Dan-eric and Pelger Susanne, « A pessimistic estimate of the time required and eye to evolve », Biological sciences, Vol 256,No.1345,‎ , p. 53-58
  29. (en) Detlev Ardent, « Evolution of eyes and photoreceptor cell types », Dev. Biol. 47,‎ , p. 563-571
  30. (en) Nilsson Dan-Eric, « The evolution of eyes and visually guided behaviour », Phil. Trans. R. Soc. B,‎ , p. 2833–2847
  31. (en) Osorio D andVorobyev, M., « A review of the evolution of animal colour vision and visual communication signals », Vision research, 48(20),‎ , p. 2042-2051
  32. Référence:Biologie (Campbell), concept 52.2
  33. (en) Milinski, M., « A predator's costs of overcoming the confusion-effect of swarming prey », Animal Behaviour,‎
  34. (en) Chittka, L., Skorupski, P., & Raine, N. E., « Speed–accuracy tradeoffs in animal decision making. », Trends in Ecology & Evolution, 357(1427),‎ , p. 1539-1547
  35. (en) Burns, J.G. and Dyer, A.G., « Diversity of speed-accuracy strategies benefits social insects. », Curr. Biol. 18, R953–R954,‎
  36. (en) Smith, C. et al., « A receiver bias in the origin of three-spined stickleback mate choice. », Proc. R. Soc. B 271,‎ , p. 949–955
  37. (en) ten Cate, C., & Rowe, C., « Biases in signal evolution: learning makes a difference. », Trends in ecology & evolution, 22(7),‎
  38. (en) Jimbow, K., Quevedo, W. C., Fitzpatrick, T. B., & Szabo, G., « Some aspects of melanin biology : 1950–1975 », Journal of Investigative Dermatology, 67(1),,‎ , p. 72-89
  39. (en) Waal, F., « Darwin's legacy and the study of primate visual communication. », Annals of the New York Academy of Sciences, 1000(1),‎ , p. 7-31
  40. (en) Shine, R., « Function and evolution of the frill of the frillneck lizard, Chlamydosaurus kingii (Sauria: Agamidae). », Biological Journal of the Linnean Society, 40(1),,‎ , p. 11-20
  41. (en) Schaefer, H. M., & Schmidt, V., « Detectability and content as opposing signal characteristics in fruits. », Proceedings of the Royal Society of London B: Biological Sciences, 271(Suppl 5),,‎ , S370-S373.
  42. (en) Endler, J. A., « The color of light in forests and its implications. », Ecological monographs, 63(1),‎ , p. 1-27
  43. (en) Leal, M., & Fleishman, L. J., « Differences in visual signal design and detectability between allopatric populations of Anolis lizards. », The American Naturalist, 163(1),‎ , p. 26-39.
  44. (en) Terai, Y., Seehausen, O., Sasaki, T., Takahashi, K., Mizoiri, S., Sugawara, T., ... & Tachida, H., « Divergent selection on opsins drives incipient speciation in Lake Victoria cichlids. », PLoS Biol, 4(12),,‎ , e433.
  45. (en) Breed, M. D., & Moore, J., Animal behavior, Academic Press., , Chapter 7: Communication
  46. (en) Schaefer, H. M., Visual communication: evolution, ecology, and functional mechanisms. In Animal behaviour: evolution and mechanisms, Springer Berlin Heidelberg., , pp. 3-28
  47. (en) Osorio, D., & Vorobyev, M., « A review of the evolution of animal colour vision and visual communication signals. », Vision research, 48(20),‎ , p. 2042-2051
  48. Schaefer, H. M., & Braun, J., « Reliable cues and signals of fruit quality are contingent on the habitat in black elder (Sambucus nigra) », Ecology, 90(6),‎ , p. 1564-1573
  49. (en) Laurent Arnoult, Kathy F. Y. Su, Diogo Manoel, Caroline Minervino, Justine Magriña, Nicolas Gompel, Benjamin Prud'homme, « Emergence and Diversification of Fly Pigmentation Through Evolution of a Gene Regulatory Module », Science,‎
  50. (en) Andersson, « Female choice selects for extreme tail length in a widowbird », Nature,‎
  51. (en) Moller, A. P., & Pomiankowski, A., « Why have birds got multiple sexual ornaments? », Behavioral Ecology and Sociobiology, 32(3),‎ , p. 167-176
  52. (en) Stevens, M., « Predator perception and the interrelation between different forms of protective coloration », Proceedings of the Royal Society of London B: Biological Sciences, 274(1617),‎ , p. 1457-1464
  53. (en) Cuthill, I. C., Stevens, M., Sheppard, J., Maddocks, T., PĂĄrraga, C. A., & Troscianko, T. S., « Disruptive coloration and background pattern matching », Nature, 434(7029),‎ , p. 72-74
  54. (en) Martin Stevens, Graeme D. Ruxton, « Linking the evolution and form of warning coloration in nature », The royal society,‎
  55. (en) Emma Despond and Stephen J. Simpson, « Surviving the change to warning colouration: density-dependent polyphenism suggests a route for the evolution of aposematism, », Chemoecology 15,‎ , p. 69–75
  56. (en) Darst, C. R., & Cummings, M. E. ,, « Predator learning favours mimicry of a less-toxic model in poison frogs », Nature, 440(7081),‎ , p. 208-211
  57. (en) Sherratt, T. N.., « .The evolution of MĂŒllerian mimicry », Naturwissenschaften , 95(8),‎ , p. 681-695
  58. (en) Maldonado, H., « The deimatic reaction in the praying mantis Stagmatoptera biocellata », Physiologie, 68(1),‎ , p. 60-71
  59. (en) Hanlon, R. T., & Messenger, J. B., Cephalopod behaviour, Cambridge University Press.,
  60. (en) Robison, B. H., Reisenbichler, K. R., Hunt, J. C., & Haddock, S. H., « Light production by the arm tips of the deep-sea cephalopod Vampyroteuthis infernalis », The Biological Bulletin, 205(2),‎ , p. 102-109
  61. (en) Kullenberg, B., & Bergström, G., « Hymenoptera Aculeata males as pollinators of Ophrys orchids. », Zoologica Scripta, 5(1‐4),‎ , p. 13-23
  62. (en) Dornhaus, A., & Chittka, L., « Why do honey bees dance? », Behavioral Ecology and Sociobiology, 55(4),‎ , p. 395-401.
  63. (en) Pollick, A. S., & De Waal, F. B., « Ape gestures and language evolution. », Proceedings of the National Academy of Sciences, 104(19),‎ , p. 8184-8189
  64. (en) Dawkins, R., & Krebs, J. R., « Arms races between and within species », Proceedings of the Royal Society of London B: Biological Sciences, 205(1161),‎ , p. 489-511
  65. (en) Liow, L. H., Van Valen, L., & Stenseth, N. C., « Red Queen: from populations to taxa and communities », Trends in ecology & evolution, 26(7),‎ , p. 349-358
  66. (en) Bernays, E. A., & Chapman, R. F., « Plant secondary compounds and grasshoppers: beyond plant defenses », Journal of Chemical Ecology, 26(8),‎ , p. 1773-1794
  67. (en) YANG, Canchao, LIANG, Wei, CAI, Yan, et al., « Coevolution in action: disruptive selection on egg colour in an avian brood parasite and its host », PLoS One, 5(5),‎

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.