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Joachim Peiper

Joachim Peiper, né le à Berlin et officiellement mort le à Traves en France, est un officier supérieur de la division blindée 1re division SS Leibstandarte Adolf Hitler.

Joachim Peiper
Joachim Peiper en uniforme de SS-SturmbannfĂŒhrer[alpha 1] en 1943.
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
SĂ©pulture
Surnom
Jochen
Nationalité
Allégeance
Activité
Période d'activité
Ă  partir de
Vue de la sépulture.

ObersturmbannfĂŒhrer[alpha 3] lors de l'offensive des Ardennes en , il est condamnĂ© Ă  mort pour crime de guerre par le tribunal militaire amĂ©ricain de Dachau en 1946, essentiellement pour le massacre de Baugnez, prĂšs de Malmedy, commis par le Kampfgruppe dont il avait le commandement. Sa peine est suspendue puis commuĂ©e en un emprisonnement de trente-cinq ans. LibĂ©rĂ© en , il se retire en France en 1972 et trouve la mort en 1976 lors de l'incendie criminel de sa maison.

PremiÚres années et entourage familial

Joachim Peiper voit le jour au sein d'une famille bourgeoise originaire de Silésie, qui comporte deux autres fils, Hans-Hasso et Horst.

Son pĂšre, Waldemar, suit une carriĂšre d’officier dans l'armĂ©e impĂ©riale allemande. En 1904, il fait partie d’un corps expĂ©ditionnaire en Afrique d’oĂč il revient avec la croix militaire, la malaria et plusieurs blessures qui entraĂźnent une invaliditĂ© permanente. En 1909 il Ă©pouse Charlotte Marie Schwartz, issue de la classe moyenne berlinoise. Le couple s’installe Ă  Berlin. Au dĂ©but de la PremiĂšre Guerre mondiale, il reprend du service en tant que capitaine et est affectĂ© dans l'empire ottoman. En , des problĂšmes cardiaques, consĂ©quence de sa malaria, interrompent sa carriĂšre militaire.

Lors des troubles qui suivent la fin de la guerre, Waldemar Peiper s’engage dans les corps francs et participe aux combats en SilĂ©sie. Pour Jens Westemeier, historien de formation et colonel de rĂ©serve de la Bundeswehr, il est clair que Waldemar Peiper est au moins un sympathisant du courant de la droite politique au sein de l’armĂ©e[1].

Le frĂšre aĂźnĂ© de Joachim, Hans-Hasso, vraisemblablement homosexuel, commet une tentative de suicide qui le laisse dans un Ă©tat vĂ©gĂ©tatif[2] ; il meurt officiellement de tuberculose dans un hĂŽpital berlinois en , mais il n’est pas exclu qu’il ait Ă©tĂ© victime de la politique nazie d’eugĂ©nisme[3].

Jusqu'en 1933, Joachim Peiper suit une scolaritĂ© normale. En 1926, il rejoint son autre frĂšre, Horst, dans le mouvement scout. C’est Ă  cette Ă©poque qu’il dĂ©veloppe le dĂ©sir d’embrasser une carriĂšre militaire[2].

CarriĂšre dans la SS

Adhésion au national socialisme

Joachim Peiper fĂȘte son 18e anniversaire le jour de la nomination d’Adolf Hitler au poste de Chancelier. DĂšs le printemps 1933, il rejoint la Hitlerjugend, avec son frĂšre Horst[4].

Walther von Reichenau en 1934.

En , il s’engage dans la SS, organisation de 53 000 membres, en s’affiliant Ă  la Reiter-SS. Bien plus tard, il justifie cette affiliation par son dĂ©sir de faire carriĂšre dans l’armĂ©e et les conseils prodiguĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Walter von Reichenau, qui aurait fait valoir que cette affiliation Ă©tait de nature Ă  faciliter son incorporation dans une unitĂ© de cavalerie de l’armĂ©e rĂ©guliĂšre. Selon Jens Westemeier, cette version ne rĂ©siste pas Ă  l’examen. En effet, Ă  l’époque, la Reichswehr se voulait toujours apolitique et toute adhĂ©sion Ă  une organisation politique constituait une barriĂšre Ă  une incorporation en son sein : il semblerait donc que cette adhĂ©sion Ă  la SS fut le reflet d’un engagement politique[5] personnel.

Le , il est membre de la SS avec le no 132 ; il appartient donc dĂ©jĂ  Ă  la SS avant que Hitler ne l’élĂšve au rang d’organisation indĂ©pendante au sein du NSDAP en raison des services rendus, particuliĂšrement lors de la nuit des Longs Couteaux[6].

En , Ă  l’occasion du congrĂšs du parti, il est promu au rang de Sturmmann. C’est vraisemblablement de cette Ă©poque que datent ses premiers contacts avec Heinrich Himmler, qui l’incite Ă  poursuivre une carriĂšre d’officier supĂ©rieur au sein de la SS ; dans un curriculum vitĂŠ de 1935, il Ă©crit « suite Ă  un encouragement personnel du ReichsfĂŒhrer-SS Himmler, j’ai dĂ©cidĂ© de tenter de faire carriĂšre en tant qu’officier supĂ©rieur au sein de la SS »[6]. Quelques mois plus tard, il quitte le lycĂ©e avant mĂȘme d’avoir terminĂ© ses Ă©tudes secondaires[7]. DĂšs , appartenant au personnel permanent, il est appointĂ© de la SS puis envoyĂ© Ă  JĂŒterbog pour suivre les cours destinĂ©s Ă  former les chefs de la division SS Adolf Hitler. Il semble qu’il doive aux interventions personnelles de Himmler et de Sepp Dietrich d’avoir pu intĂ©grer ce cours qui avait dĂ©butĂ© en [7]. Au terme de cette formation, il est promu au grade d’UnterscharfĂŒhrer[8] - [alpha 4].

PremiÚres années dans la SS

À dater du , Peiper participe Ă  la premiĂšre session de cours de la nouvelle Junkerschule (Ă©cole d'officiers SS) de Braunschweig, placĂ©e sous le commandement de Paul Hausser[8]. Selon Peiper, l’objectif des Junkerschule est de former des officiers pour l’armĂ©e et non des officiers pour la SS ou le SD. Ces Ă©coles dispensent une formation militaire et une substantielle formation idĂ©ologique. Elles contribuent Ă  former les cadres des futures unitĂ©s combattantes de la Waffen-SS mais aussi des camps de concentration nazis : fin 1938, 20 % des 138 hommes qui ont suivi la mĂȘme session de cours que Peiper sont incorporĂ©s dans les unitĂ©s de SS-TotenkopfverbĂ€nde[9].

AprĂšs avoir prĂȘtĂ© le serment SS d’allĂ©geance Ă  Hitler en , Peiper achĂšve sa formation Ă  la Junkerschule en . En fĂ©vrier et mars de la mĂȘme annĂ©e, il suit un autre cours dans l’enceinte du camp de concentration de Dachau. Le camp, gardĂ© par des hommes portant le mĂȘme uniforme que Peiper et ses compagnons, est adjacent aux baraquements occupĂ©s par ceux-ci, de sorte qu’il est impossible d'en ignorer l'existence[10].

Le , Ă  l'Ăąge de 21 ans, il est promu au grade d’UntersturmfĂŒhrer[alpha 5]. AprĂšs un bref congĂ©, il commence son service dans la division SS Adolf Hitler, sous le commandement de Sepp Dietrich[9], division aux activitĂ©s de laquelle il participe jusqu'Ă  la fin du mois de .

Aide de camp de Himmler

Heinrich Himmler.

Le , Peiper est dĂ©tachĂ© Ă  l’état-major du ReichsfĂŒhrer-SS Heinrich Himmler en tant qu’Adjutant[11] - [12], un passage que Himmler estime nĂ©cessaire dans la carriĂšre d'un officier prometteur[13]. À cette Ă©poque, cet Ă©tat-major est dirigĂ© par Karl Wolff[13]. Il s’agit d’un poste important : en tant qu’aide de camp, Peiper travaille dans l’antichambre de Himmler au siĂšge de la SS, Ă  la Prinz-Albrecht-Strasse. Reinhard Heydrich occupe un bureau Ă  l’étage au-dessus et Rudolf Brandt travaille dans le mĂȘme service[14]. Bien qu’aprĂšs la guerre, certains, dont Karl Wolff, s’efforcent de minimiser le rĂŽle des aides de camp de Himmler, il semble que celui-ci est loin d’ĂȘtre nĂ©gligeable : plus ils restent en service auprĂšs de Himmler, plus leur influence s’accroĂźt ; les procĂšs de Karl Wolff et Werner Grothmann apportent aprĂšs la guerre la preuve de leur implication dans l’extermination des Juifs d'Europe[15].

AffectĂ© Ă  l’état-major du SS-ReichsfĂŒhrer, Peiper se hisse dans les premiers cercles du pouvoir ; il devient un des favoris de Himmler qu’en retour il admire[15]. Il n’est donc pas Ă©tonnant qu’il fasse partie de l’entourage du chef des SS lorsque ce dernier effectue une visite d’État en Italie[15].

Mariage et autres événements familiaux

Peiper est promu au grade d’ObersturmfĂŒhrer[alpha 6] le jour de son 24e anniversaire. C’est Ă  ce moment qu’il fait la rencontre de Sigurd (Sigi) Hinrichsen, qui travaille comme secrĂ©taire Ă  l'Ă©tat-major de Himmler[16]. On connaĂźt peu de choses sur les origines familiales de la jeune femme, mais ses deux frĂšres sont membres de la SS ; l’aĂźnĂ© disparaĂźt dans le naufrage du Bismarck[17]. Sigurd est une amie proche d’une autre secrĂ©taire de l’état-major, Hedwig Potthast, maĂźtresse de Himmler[16].

Le , Peiper Ă©pouse Sigurd Hinrichsen au cours d’une cĂ©rĂ©monie conforme Ă  la symbolique SS et le couple s’établit Ă  Berlin. AprĂšs les premiers raids aĂ©riens sur la ville, Sigurd Peiper dĂ©mĂ©nage Ă  Rottach en Haute-BaviĂšre, Ă  proximitĂ© de la maison de campagne de Himmler et de plusieurs proches[17]. Trois enfants naissent du mariage : Heinrich, Elke et Silke.

Au cours de cette pĂ©riode, le second frĂšre de Peiper, Horst, rejoint lui aussi les rangs de la SS oĂč il atteint le grade de HauptsturmfĂŒhrer[alpha 7] ; il participe Ă  la campagne de France au sein de la division SS-Totenkopf avant d’ĂȘtre transfĂ©rĂ© en Pologne, oĂč il meurt le dans un accident dont les causes sont inconnues. Selon des rumeurs, il aurait Ă©tĂ© forcĂ© au suicide par des membres de son unitĂ© en raison de son homosexualitĂ©[3].

La campagne de Pologne et ses suites

Le , l’Allemagne envahit la Pologne, ce qui marque le dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale. ConformĂ©ment Ă  ses fonctions, Peiper suit cette campagne dans l’entourage direct de Himmler, voyageant Ă  bord du train de ce dernier, oĂč se trouve Ă©galement Joachim von Ribbentrop, ministre des Affaires Ă©trangĂšres du Reich[18]. Durant l'invasion, il est trĂšs proche de Himmler et rien de ce que ce dernier fait ou dĂ©cide ne lui Ă©chappe[18]. Ainsi, le , il est Ă  Blomberg lorsqu’une vingtaine de Polonais sont fusillĂ©s en prĂ©sence de Himmler[18].

La Feldherrnhalle.

Une fois la Pologne vaincue, il reste aux cĂŽtĂ©s de Himmler et, s'il ne participe pas Ă  la prise de dĂ©cision, il est parfaitement tenu au courant des dĂ©cisions prises par Himmler et son entourage en ce qui concerne le sort Ă  rĂ©server Ă  ce pays[19]. Il continue Ă  accompagner Himmler dans ses dĂ©placements, participant notamment aux cĂ©rĂ©monies commĂ©moratives du Ă  la Feldherrnhalle Ă  Munich. Le , Ă  Posen, il assiste en compagnie de Himmler au gazage des pensionnaires d’un Ă©tablissement psychiatrique et aurait rĂ©digĂ©, selon Westemeier, un bref rapport sur l'Ă©vĂ©nement, disparu par la suite. Trente ans plus tard, il fera sur ce gazage une dĂ©claration froidement technocratique qui, d’une part, invalide une fois pour toutes la lĂ©gende du « simple combattant au front » et, d’autre part, est rĂ©vĂ©latrice de son Ă©tat d’esprit[20].

La campagne de France

Sepp Dietrich (Ă  gauche) derriĂšre Himmler (au centre), Peiper (Ă  droite) Ă  Metz en .

Le , comme lors de la campagne de Pologne, il accompagne Himmler qui suit l’avance des troupes SS lors de la bataille de France. À Hasselt, il obtient l'accord de Himmler pour se joindre Ă  une unitĂ© combattante[21]. AffectĂ© comme chef d’escouade Ă  la 11e compagnie de la 1re division SS Leibstandarte Adolf Hitler, il reçoit son baptĂȘme du feu. Il a trĂšs rapidement l’occasion d’exercer le commandement de cette compagnie, Ă  la tĂȘte de laquelle il est dĂ©corĂ© la croix de fer et prĂŽmu au grade de HauptsturmfĂŒhrer[alpha 7], grĂące Ă  la prise d'une batterie d'artillerie anglaise installĂ©e sur les collines de Wattenberg[21] - [11].

Toutefois, dĂšs le , Peiper, en dĂ©pit de ces succĂšs, est rappelĂ© Ă  son poste auprĂšs de Himmler. La bataille de France lui a nĂ©anmoins permis de s’affirmer comme chef militaire[21].

Le , il accompagne Himmler au Berghof, la rĂ©sidence de campagne de Hitler oĂč les dirigeants du Reich s’interrogent sur la suite Ă  donner Ă  la guerre, la rĂ©sistance du Royaume-Uni contrariant leurs plans[21].

Retour Ă  l’état-major de Himmler

À son retour au sein de l’état-major de Himmler, Peiper reprend ses fonctions. En , il accompagne son chef Ă  Madrid oĂč il doit rencontrer Franco. AprĂšs un passage Ă  Metz, oĂč Himmler informe sans dĂ©tour les chefs de la division SS Adolf Hitler des massacres commis en Pologne, ils s’arrĂȘtent Ă  Dax oĂč Himmler rencontre le commandant de la division SS Totenkopf, Theodor Eicke. C’est aprĂšs le retour de ce voyage, le que Peiper est nommĂ© au poste de premier aide de camp de Himmler[22].

Entrée d'Auschwitz I avec l'inscription Arbeit macht frei (« le travail rend libre »).

Au dĂ©but de l’annĂ©e suivante, Himmler inspecte les camps de concentration nazis, accompagnĂ© de Peiper, alors son premier aide de camp. Le , ils visitent RavensbrĂŒck, puis, le 21, Dachau[23]. En , ils se rendent Ă  Auschwitz, oĂč Peiper rencontre une vieille connaissance, Rudolf HĂ¶ĂŸ, commandant du camp[24]. À ce moment, l’idĂ©e de la solution finale est en train de se former et il semble peu vraisemblable qu’en sa qualitĂ© de premier aide de camp de Himmler, Peiper n’en ait pas Ă©tĂ© informĂ©. À l’appui de cette thĂšse, on peut rappeler qu’il fut dĂ©montrĂ© au cours d’un procĂšs tenu au milieu des annĂ©es 1960 que Werner Grothmann, successeur de Peiper au poste de premier aide de camp de Himmler, n’avait rien ignorĂ© des dĂ©tails du gĂ©nocide[22]. L’adhĂ©sion de Peiper Ă  ce projet criminel trouve peut-ĂȘtre un dĂ©but d’explication dans une lettre de son Ă©pouse Ă  Hedwig Potthast, la maĂźtresse de Himmler : « Vous savez combien il aime, adore et admire KH ». En l’occurrence, KH Ă©tait un acronyme pour « König Heinrich » (le roi Heinrich), ce qui illustre le degrĂ© de familiaritĂ© de Sigurd Peiper avec le cercle des intimes de Himmler[25].

C’est en que Himmler informe son subordonnĂ© de l’imminence d’une attaque contre l’Union soviĂ©tique[23]. Les mois qui suivent sont consacrĂ©s Ă  prĂ©parer la SS Ă  cette guerre. Himmler et son entourage voyagent en NorvĂšge, en Autriche, en Pologne et, dans le cadre de la guerre dans les Balkans, en GrĂšce[26]. Ces dĂ©placements incluent Ă©galement une visite du ghetto de ƁódĆș dont prĂšs de trente annĂ©es plus tard, Peiper peut encore donner une description : « C’était une image macabre : nous vĂźmes comment les policiers juifs du ghetto, qui portaient des chapeaux dĂ©pourvus de bords et Ă©taient armĂ©s de cannes en bois, nous ouvrirent un passage sans faire preuve d’égards. Les Juifs les plus ĂągĂ©s accueillirent Himmler avec un bouquet de fleurs »[26]. Pour Westemeier, cet Ă©pisode est typique de la mĂ©moire des responsables du gĂ©nocide, en ce sens qu’il montre que Peiper Ă©tait parfaitement Ă  mĂȘme de se rappeler les dĂ©tails relatifs au processus criminel en cours tout en n’oubliant pas les anecdotes censĂ©es prouver que les Juifs eux-mĂȘmes frappaient d’autres Juifs, ce qui, par comparaison, Ă©tait censĂ© rĂ©duire sa propre culpabilitĂ©. Un Ă©lĂ©ment typique des mĂ©moires de nombreux exĂ©cutants est qu’ils se remĂ©morent tout Ă©lĂ©ment de nature Ă  relativiser leur propre culpabilitĂ© alors que la description de nombreux crimes est passĂ©e sous silence[26].

Le marque le dĂ©but de l’opĂ©ration Barbarossa. DĂšs , de mauvaises nouvelles parviennent Ă  l’état-major de Himmler. Mal entraĂźnĂ©es et commandĂ©es, certaines unitĂ©s SS se sont dĂ©bandĂ©es face Ă  l’ennemi. Himmler se prĂ©cipite Ă  Stettin pour redresser la situation. Il saisit aussi l’occasion pour Ă©voquer la guerre idĂ©ologique contre les « sous-hommes », un concept dĂ©jĂ  bien connu de Peiper[27].

Mais pour Himmler, la guerre se passe essentiellement sur les arriĂšres du front oĂč ses unitĂ©s se chargent de liquider les Juifs et les partisans[27]. Parmi les tĂąches qu’implique la fonction de premier aide de camp figure notamment la prĂ©sentation des statistiques fournies par les Einsatzgruppen concernant les exĂ©cutions opĂ©rĂ©es Ă  l’Est[28].

Pendant les premiers mois de la guerre en Russie, les fonctions de Peiper aux cĂŽtĂ©s de Himmler vont progressivement prendre fin. Il va passer la main Ă  son successeur Grothmann et bientĂŽt prendre le commandement d’une unitĂ© opĂ©rationnelle. Ce changement d'affectation ne l’empĂȘche nullement de rester en contact Ă©troit avec Himmler qu’il rencontre par la suite Ă  de multiples reprises. Ses excellentes relations avec lui, qui l’appelait « mon cher Jochen » dans ses lettres, se maintiennent jusqu’à la fin de la guerre[27].

NĂ©anmoins, contrairement Ă  ce qui s’était produit en , cette fois, ce n’est pas Peiper lui-mĂȘme qui a sollicitĂ© son transfert vers une unitĂ© combattante. Il semble au contraire que Himmler ait souhaitĂ© mettre son protĂ©gĂ© Ă  l’abri d'intrigues de cour au sein de son entourage. En effet, des rumeurs entourent la mort du frĂšre de Peiper, Horst, soupçonnĂ© d’homosexualitĂ©. En outre, lors de son engagement dans la SS, Peiper aurait dissimulĂ© des informations concernant la schizophrĂ©nie de son frĂšre Hans Hasso, qui conduiront ce dernier Ă  une tentative de suicide[29].

CarriĂšre dans la Waffen-SS

Les informations relatives Ă  la date exacte du transfert de Peiper Ă  la 1re division SS Leibstandarte Adolf Hitler (LSSAH) ne sont pas trĂšs prĂ©cises. Il semble toutefois que toute date antĂ©rieure Ă  doive ĂȘtre Ă©cartĂ©e. En effet, jusqu’à la mi-, on trouve encore dans l’agenda de Himmler des inscriptions de la main de Peiper ; il n’est toutefois pas exclu que Peiper ait pu ĂȘtre dĂ©pĂȘchĂ© de temps Ă  autre auprĂšs de la LSSAH en tant qu’observateur du ReichsfĂŒhrer[29].

Sur le front russe

À son retour Ă  la Leibstandarte Adolf Hitler, dĂ©ployĂ©e sur le front sud en direction de la Mer Noire, Peiper passe quelques jours au sein de l’état-major. Mais la blessure au combat du chef d'unitĂ© lui donne au bout de quelques jours l’opportunitĂ© de prendre le commandement de la 11e compagnie qu’il avait dĂ©jĂ  commandĂ©e en France[29].

Avec sa compagnie, Peiper participe aux assauts contre Mariupol et Rostov-sur-le-Don ; sa combativitĂ© n'empĂȘche pas son unitĂ© d'enregistrer de lourdes pertes. En outre, les premiers massacres de prisonniers prĂ©figurent la nature de la guerre Ă  l’Est[30].

Meurtres par des membres d'un Einsatzgruppe prĂšs d'Ivangorod (Ukraine) en 1942.

Durant toute sa progression, la Leibstandarte est suivie de prĂšs par le Einsatzgruppe D qui, sur les arriĂšres de la division, organise l'extermination des Juifs. L’Einsatzgruppe poursuit ses opĂ©rations mĂȘme lorsque l’hiver met un terme momentanĂ© aux opĂ©rations militaires. La LSSAH et l’Einsatzgruppe partagent les mĂȘmes quartiers d’hiver Ă  Taganrog sur la Mer d’Azov et, Ă  l’occasion, des Ă©lĂ©ments de la division prĂȘtent assistance Ă  l’Einsatzgruppe D dans l’accomplissement de ses crimes[31].

En mai, Peiper est informĂ© de la mort de son frĂšre Hans Hasso, probablement euthanasiĂ© dans le cadre de la politique d’eugĂ©nisme nazie. DĂ©but juin, la division SS Adolf Hitler est relevĂ©e du front et envoyĂ©e au repos en France[31].

Lors de son retour, Peiper fait un dĂ©tour par le quartier gĂ©nĂ©ral de Himmler, qu’il rencontre le ; la journĂ©e se prolonge par un dĂźner auquel participent Ă©galement Rudolf Brandt, le secrĂ©taire de Himmler, et Heinz Lammerding, Ă  l’époque membre de l’état-major de la division SS Totenkopf. Il est vraisemblable que le sujet principal des conversations est l'attentat dont vient d’ĂȘtre victime Reinhard Heydrich mort quelques jours plus tard des suites de ses blessures[31]. Peiper rencontre encore Himmler en et ne rejoint pas son bataillon avant [32].

Pendant son sĂ©jour en France, la division SS Adolf Hitler est rĂ©organisĂ©e pour devenir une division de Panzergrenadier, ce qui implique une redĂ©finition des rĂŽles au sein de la division : pour Peiper, cela se traduit par une promotion au rang de chef du 3e bataillon. Il utilise son sĂ©jour en France pour tenter de crĂ©er un esprit de corps dans son bataillon, en s’entourant de jeunes officiers tout aussi fanatiquement nazis que lui[33].

Retour sur le front russe

À la fin de l’annĂ©e 1942, Peiper part en permission dans sa famille. Cette pĂ©riode de repos est aussi l’occasion de se retrouver pendant deux jours en compagnie de Himmler. Le , il est promu SS-ObersturmbannfĂŒhrer[33] - [alpha 3].

Pendant ce temps, la situation sur le front de l’Est, notamment Ă  Stalingrad, s’est dĂ©gradĂ©e, ce qui motive le retour de la division SS Adolf Hitler (LSSAH) sur le front. Le bataillon de Peiper quitte ses quartiers en France le et arrive dans la rĂ©gion de Lyubotin, prĂšs de Kharkov, oĂč il est immĂ©diatement envoyĂ© sur le front[34], participant avec sa division Ă  une bataille dĂ©fensive[34]. PrĂšs de Kharkov, le 3e bataillon perce les lignes soviĂ©tiques pour dĂ©gager la 320e division d’infanterie encerclĂ©e avec 1 500 blessĂ©s et assure aux ambulances un chemin de repli jusqu'aux lignes allemandes[35]. Le mois suivant, les tĂȘtes de pont qu'il rĂ©ussit Ă  former permettent Ă  la Wehrmacht d'attaquer Kharkov : Peiper perce le front ennemi pour s'emparer de Bielgorod.

Par la suite, les SoviĂ©tiques accusent Peiper et ses troupes d'avoir incendiĂ© deux villages et massacrĂ© leurs habitants[36]. Le bataillon commandĂ© par Peiper, se « distingue » en par l'emploi de chalumeaux lors des atrocitĂ©s perpĂ©trĂ©es contre la population civile dans la rĂ©gion de Kharkov[37]. Peiper justifie les incendies en dĂ©clarant par la suite : « Nos vĂ©hicules avaient l'habitude d'attaquer Ă  pleine vitesse, toutes armes en action. Comme les maisons russes Ă©taient coiffĂ©es de chaume, il Ă©tait inĂ©vitable qu'elles prennent feu durant la bataille. Il n'Ă©tait en aucun cas nĂ©cessaire que les hommes descendent des vĂ©hicules pour mettre le feu aux maisons avec des lance-flammes »[38]. Westemeier note toutefois qu’au sein de la LSSAH, l’incendie de villages est bien mis en relation avec Peiper et ses hommes. Le chalumeau devient mĂȘme le signe officieux de reconnaissance peint sur les vĂ©hicules du bataillon[36].

C’est Ă  la mĂȘme Ă©poque que le mythe du chef de guerre exceptionnel voit le jour. Ainsi le magazine de la Waffen-SS Das Schwarze Korps dĂ©crit comme suit les actions de Peiper Ă  Kharkov : « En prĂ©paration de l’attaque contre Kharkov, le SS-SturmbannfĂŒhrer[alpha 1] Peiper a pris de sa propre initiative Ă  deux reprises des tĂȘtes de pont qui s’avĂ©rĂšrent d’une importance dĂ©cisive pour l’avance des forces Ă  l’offensive. [
] NĂ©anmoins, le SS-SturmbannfĂŒhrer Peiper se montra maĂźtre de la situation dans toutes ses phases. [
] Chaque officier et homme de troupe du Kampfgruppe Peiper avait un sentiment d’absolue sĂ©curitĂ©. Il se trouvait lĂ  un homme qui pensait pour eux et avait soin d’eux, dĂ©cidait rapidement et faisait connaĂźtre ses ordres avec prĂ©cision. Bien qu’ils puissent paraĂźtre audacieux et peu orthodoxes, ces ordres Ă©taient basĂ©s sur une apprĂ©ciation infaillible de la situation. Chacun sentait le travail intellectuel et la sĂ©curitĂ© instinctive qui les sous-tendaient. Certes, la chance du soldat a souri au commandant. Mais la confiance inconditionnelle de ses hommes trouvait toutefois sa source ailleurs, Ă  savoir dans le fait qu’un chef nĂ© est aux commandes qui, tout en ayant le plus grand sens des responsabilitĂ©s pour la vie de chaque homme sous son commandement, est nĂ©anmoins capable de faire preuve de duretĂ© si les circonstances l’exigent. Mais dans son chef, les ordres et les mesures prises se conjuguent, non en raison d’une sage rĂ©flexion, mais plutĂŽt Ă  cause d’une personnalitĂ© dont le cƓur, le cerveau et les mains ne font qu’un. »[39] La propagande SS forge ainsi le mythe de l’archĂ©type de guerrier SS dont Peiper bĂ©nĂ©ficie aprĂšs la guerre[39].

Les combats autour de Kharkov sont rĂ©vĂ©lateurs de la façon dont Peiper conduit les opĂ©rations : atteindre les objectifs tactiques Ă  tout prix, sans aucune considĂ©ration pour l’objectif stratĂ©gique global et les pertes encourues[40]. En fait, Peiper obĂ©it sans discussion aux ordres et attend de ses hommes qu’ils en fassent de mĂȘme[39]. Ses « faits d'armes » dans la rĂ©gion de Kharkov lui valent la croix de chevalier de la croix de fer qu’il reçoit en [11].

Tombe d'un soldat allemand, mort lors de la bataille de Koursk.

La dĂ©fense de Kharkov ne permet pas au Reich de rĂ©tablir la situation stratĂ©gique. Quelques mois plus tard, la LSSAH prend part Ă  la bataille de Koursk (opĂ©ration Citadelle). Une fois encore, l’unitĂ© de Peiper se distingue, donnant Ă  la propagande SS l'occasion de magnifier le guerrier SS[41]. L’opĂ©ration Citadelle n’atteint toutefois pas ses objectifs et est arrĂȘtĂ©e Ă  la mi-juillet 1943. La LSSAH est retirĂ©e du front le et transfĂ©rĂ©e dans le nord de l’Italie, dans la rĂ©gion de Coni.

À ce moment, en tant que commandant d’une unitĂ© d’infanterie blindĂ©e, Peiper a atteint un sommet en termes techniques. Par ailleurs, il semble ne pas Ă©prouver le moindre remords pour les crimes de guerre auxquels son unitĂ© a participĂ© ou assistĂ©[42].

Opérations en Italie et massacre de Boves

La 1re division SS Adolf Hitler est envoyée en Italie pour deux mois pour participer au désarmement des forces italiennes qui viennent de capituler à la suite du débarquement allié. Le bataillon de Peiper prend ses quartiers début août aux environs de Coni. Le , il est chargé de désarmer des garnisons italiennes à Alessandria et Asti[43]. Le , Peiper est confronté aux partisans qui capturent deux de ses hommes dans le village de Boves[44].

Selon Faustino Dolmazzo, l'avocat des partisans italiens, les Allemands mandatent lors de l'arrivĂ©e de Peiper Ă  Boves deux Italiens, dont le curĂ©, pour demander la libĂ©ration des deux sous-officiers, Peiper promettant l'absence de reprĂ©sailles. AprĂšs la libĂ©ration des deux hommes vers 15 heures, « toutes les maisons furent incendiĂ©es, [y compris] les maisons isolĂ©es, [dans] la localitĂ© de Rivoira et l'agglomĂ©ration de Boves et 22 personnes de sexe masculin furent tuĂ©es au moment oĂč elles essayaient de fuir. En gĂ©nĂ©ral, c'Ă©taient des personnes ĂągĂ©es, des malades, c'est-Ă -dire des retardataires, parce que la majoritĂ© des habitants de Boves, quand ils ont vu arriver les Allemands, s'Ă©taient enfuis ». Les deux Ă©missaires sont « conduits Ă  travers Boves pour qu'ils assistent Ă  l'incendie des habitations et ensuite furent tuĂ©s dans une cave [...]. Leur corps ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s lĂ , le lendemain, mais non reconnaissables parce qu'ils avaient Ă©tĂ© carbonisĂ©s, c'est-Ă -dire qu'il y eut une tentative de la part des SS de maquiller le meurtre de ces Ă©missaires [...] en rendant mĂ©connaissables les cadavres. Ils ont cependant pu ĂȘtre identifiĂ©s : don Bernardi Ă  cause des prothĂšses dentaires que lui avait faites quelque temps auparavant le mĂ©decin de Boves, aux clĂ©s de la sacristie qui Ă©taient dans sa poche. Ces cadavres Ă©taient rĂ©duits Ă  presque soixante centimĂštres »[45].

Selon le rĂ©cit de Joachim Peiper, son unitĂ© n'aurait commis aucun massacre de civils. EnvoyĂ©e Ă  la recherche de deux sous-officiers capturĂ©s par les partisans et emmenĂ©s dans les monts Bisalta qui entourent la citĂ© de Boves, oĂč les rĂ©sistants sont particuliĂšrement actifs, une section de son unitĂ© serait tombĂ©e dans une embuscade. En venant au secours de celle-ci, Peiper et ses hommes auraient Ă©tĂ© accueillis par des tirs nourris, Ă  la suite desquels Peiper aurait ordonnĂ© Ă  l'artillerie mobile d'ouvrir le feu, ce qui aurait dĂ©clenchĂ© des incendies. La section d'artillerie mobile serait restĂ©e ensuite Ă  Boves pour dĂ©truire les armes et munitions qui s'y trouvaient encore[38].

Pour les historiens de métier, spécialistes reconnus de la matiÚre, la conclusion est claire. Selon Steffen Prausser « le , le premier massacre de civils, qui coûta la vie à 23 personnes à Boves dans le Piémont, montre déjà la brutalité et la disproportion avec lesquelles certaines unités, dites unités d'élite, réagirent à des pertes minimes »[46], analyse argumentée partagée par Lutz Klinkhammer, pour qui « le massacre de Boves est l'archétype des crimes de guerre commis en Italie »[47] et par Jean-Luc Leleu, qui mentionne également le massacre de Boves au nombre des crimes de guerre commis par des unités de la Waffen-SS[37].

À la mĂȘme Ă©poque, les Juifs de la rĂ©gion sont arrĂȘtĂ©s en vue d’ĂȘtre dĂ©portĂ©s vers les camps d’extermination. Simon Wiesenthal a accusĂ© Peiper d’avoir apportĂ© son aide Ă  la mise en place de la solution finale pour les Juifs de l’Italie du Nord[48]. Jusqu’à sa mort, Peiper repousse cette accusation et accuse Wiesenthal d’avoir rĂ©duit Ă  nĂ©ant son retour Ă  la vie civile[49]. Ainsi, il explique avoir fait relĂącher de sa propre autoritĂ© un groupe de Juifs d’un camp de concentration gĂ©rĂ© par des Italiens, non par sympathie envers les Juifs, mais parce que leur chef, un rabbin, Ă©tait Berlinois comme lui[50]. Cette histoire Ă©mane de Peiper lui-mĂȘme et aucune source indĂ©pendante ne permet de la corroborer. Au contraire, les sources disponibles montrent que parmi les familles juives arrĂȘtĂ©es dans la rĂ©gion de Coni, une Ă©tait originaire de Berlin. Comme les autres, elle fut transfĂ©rĂ©e Ă  Drancy avant d’ĂȘtre expĂ©diĂ©e Ă  Auschwitz oĂč ses membres furent gazĂ©s comme la plupart des Juifs arrĂȘtĂ©s dans la rĂ©gion de Coni[49].

Nonobstant les dĂ©nĂ©gations des anciens de la division SS Adolf Hitler ou leurs pertes de mĂ©moire, le fait est que de nombreuses arrestations de Juifs eurent lieu dans le secteur dans lequel ils Ă©taient stationnĂ©s au cours de la fin de l’étĂ© et du dĂ©but de l’automne 1943. Pour Westemeier, il semble difficile de croire que ces hommes aient pu ignorer complĂštement ce qui se passait[51].

Vers la fin du sĂ©jour, la division est Ă  nouveau rĂ©organisĂ©e : un rĂ©giment de chars dotĂ© de prĂšs de 200 Panther et Panzer IV[49] est crĂ©Ă©. La situation militaire sur le front de l’Est s'aggrave et la LSSAH y est de nouveau dĂ©pĂȘchĂ©e[42].

Dernier séjour sur le front russe

DĂ©but , l’unitĂ© de Peiper arrive sur le front russe oĂč elle participe aux combats dans le secteur de Jitomir. Le , Georg Schönberger (en), est tuĂ© au combat et Peiper prend sa place Ă  la tĂȘte du 1er rĂ©giment de panzer SS, qu'il commande jusqu’à la fin du conflit. Il est alors ĂągĂ© de 28 ans[52]. Sous son commandement, le rĂ©giment multiplie les affrontements de nuit contre les SoviĂ©tiques durant l'hiver. Son unitĂ© blindĂ©e joue un rĂŽle essentiel dans le ralentissement de l'offensive soviĂ©tique dans le secteur de Jitomir : Peiper mĂšne des opĂ©rations de retardement en pĂ©nĂ©trant Ă  l'arriĂšre des lignes ennemies pour investir quatre Ă©tats-majors de division. Ces combats lui valent la croix de chevalier de la croix de fer avec feuilles de chĂȘne en [44].

DĂ©tail d'un SdKfz 250/11 de la division Großdeutschland (Russie, ).

Toutefois, son style de commandement, efficace avec des fantassins montĂ©s sur des vĂ©hicules de transport blindĂ©s de type SdKfz 250 ou 251, atteint ici ses limites. Des attaques effectuĂ©es sans tenir compte de la situation tactique entraĂźnent de lourdes pertes en hommes et matĂ©riel, dont Peiper ne semble vouloir tenir aucun compte[53]. À ce rythme, au bout d’un mois de combats, la force opĂ©rationnelle du 1er rĂ©giment de panzer est rĂ©duite Ă  douze chars en Ă©tat de marche[54]. Ceci ne fait que renforcer le ressentiment qu’éprouvent Ă  son Ă©gard certains officiers qui s'estiment injustement privĂ©s du commandement du rĂ©giment de panzers[55]. Par ailleurs, son unitĂ© continue de se distinguer par des exactions brutales : les 5 et , elle tue 2 280 soldats russes et fait seulement trois prisonniers[53].

Le , Peiper, retirĂ© du front, rejoint directement le quartier gĂ©nĂ©ral d'Hitler qui lui remet en personne la croix de chevalier de la croix de fer avec feuilles de chĂȘne. Il met Ă©galement Ă  profit son retour en Allemagne pour revoir Himmler[56].

Il est cependant Ă©prouvĂ© physiquement et moralement. Un examen mĂ©dical effectuĂ© par les mĂ©decins SS Ă  Dachau aboutit Ă  la conclusion qu’il a besoin de repos. Il rejoint dĂšs lors son Ă©pouse en BaviĂšre[57].

En , la division SS Adolf Hitler est retirĂ©e du front russe. Le transfert de toutes ses unitĂ©s vers Hasselt, dans le Nord de la Belgique, ne s’achĂšve que le . Peiper ne rejoint pas son unitĂ© avant le mois d’. Les combats en Union soviĂ©tique ont provoquĂ© des pertes Ă©normes, tant en matĂ©riel qu’en hommes[58]. Les nouvelles recrues appelĂ©es en remplacement n’ont plus rien Ă  voir avec les volontaires d’avant-guerre, sĂ©lectionnĂ©s sur des critĂšres raciaux et politiquement fanatiques[58]. C’est dans ce contexte que se place un nouvel incident rĂ©vĂ©lateur.

Cinq jeunes recrues, accusĂ©es d’avoir pillĂ© et agressĂ© des civils belges, sont condamnĂ©es Ă  mort par la cour martiale de l’unitĂ©. Il semble que les cinq jeunes hommes avaient essentiellement cherchĂ© Ă  esquiver leurs corvĂ©es. Mais durant leur procĂšs, ils avouent avoir subtilisĂ© de la nourriture, des volailles et du jambon. La cour martiale les condamne alors Ă  mort, ce qui paraĂźt hors de proportions avec la gravitĂ© des infractions commises et dĂ©roge Ă  ce qui est connu de la jurisprudence de la cour martiale de la LSSAH dans des cas similaires. Peiper fait exĂ©cuter la sentence le et, une fois les cinq hommes fusillĂ©s, fait dĂ©filer les jeunes recrues devant les cadavres. Il semble que cette exĂ©cution eut un effet plutĂŽt nĂ©gatif sur le moral du rĂ©giment[58].

Le sĂ©jour dans le Limbourg belge est consacrĂ© essentiellement Ă  l’entraĂźnement, peu aisĂ©e en raison du manque de matĂ©riel et d’essence. NĂ©anmoins, comme en temps de paix, une partie du temps d’entraĂźnement est consacrĂ©e Ă  des sĂ©ances d’endoctrinement politique[59].

La bataille de Normandie

Chars Tiger I de la Leibstandarte prĂšs de Villers-Bocage (juin 1944).

Le dĂ©barquement de Normandie nĂ©cessite le retour de la division SS Adolf Hitler au front face aux AlliĂ©s. Le , la division commence son dĂ©placement vers la rĂ©gion de Caen. Mais certains dĂ©tachements du rĂ©giment panzer restent en Belgique pour y attendre de nouveaux chars. Par ailleurs, le dĂ©placement de la division est rendu trĂšs difficile par l'allocation du matĂ©riel ferroviaire Ă  la dĂ©portation des Juifs hongrois vers les camps d’extermination, et aussi des attaques aĂ©riennes des AlliĂ©s sur le rĂ©seau ferroviaire. L’intĂ©gralitĂ© de la division n’atteint sa zone de rassemblement que le [59]. Le , le 1er rĂ©giment panzer SS, sous le commandement de Peiper, arrive sur le front et est engagĂ© immĂ©diatement[60]. Comme toutes les autres unitĂ©s allemandes du secteur, malgrĂ© quelques succĂšs partiels, il doit livrer essentiellement une bataille dĂ©fensive jusqu’au moment de la percĂ©e d’Avranches Ă  la fin de juillet et au dĂ©but d’aoĂ»t. MontĂ©e au front avec 19 618 hommes, la LSSAH perd un quart de son effectif[61] et la totalitĂ© de ses chars[62]. Comme la plupart des autres divisions de la Waffen-SS engagĂ©es en Normandie, elle perd son caractĂšre opĂ©rationnel, et n'est d'ailleurs plus reprise, dans le tableau officiel des effectifs Ă©tabli par l'OKW le , sous la dĂ©nomination de division mais sous celle de Kampfgruppe[63].

Pour sa part, Peiper n’est plus aux commandes de son unitĂ© lors des contre-attaques dans le secteur d’Avranches. Souffrant d’une dĂ©pression nerveuse, il a Ă©tĂ© Ă©vacuĂ© discrĂštement vers un hĂŽpital de campagne dans la rĂ©gion de SĂ©es, Ă  70 kilomĂštres du front. Selon le diagnostic officiel, il souffre d’une jaunisse[64] ; il est ensuite dirigĂ© vers l’arriĂšre pour aboutir dĂ©but dans un hĂŽpital militaire de rĂ©serve proche du Tegernsee, en Haute-BaviĂšre, non loin de sa rĂ©sidence familiale[64], oĂč il sĂ©journe jusqu’au [65].

L'objectif

L'automne 1944 est marquĂ© par les combats sur la Westwall puis par l'offensive des Ardennes en dĂ©cembre[66]. Peiper « avait acquis durant ces annĂ©es un considĂ©rable degrĂ© de maturitĂ© et son renom n'Ă©tait plus Ă  faire au sein de l'armĂ©e allemande »[67]. Il a « Ă©tĂ© spĂ©cialement sĂ©lectionnĂ© par Adolf Hitler pour conduire la pointe avancĂ©e de la 1re division panzer SS. Sa route de marche avait aussi Ă©tĂ© choisie par le FĂŒhrer, mais lorsque Peiper en prit connaissance, il la dĂ©crivit comme Ă©tant juste adaptĂ©e pour des vĂ©los et non pour des tanks »[67]. Remarque Ă  laquelle le chef d'Ă©tat-major de la 6e armĂ©e, Fritz Kraemer, rĂ©pondit : « Peu importe ce que vous ferez et comment vous le ferez. Tout ce qu'on vous demande, c'est d'arriver Ă  la Meuse le troisiĂšme jour, fĂ»t-ce mĂȘme avec un seul panzer rescapĂ© »[67]. Son Kampfgruppe (groupement tactique), fortement armĂ©, se voit assigner la mission de percer les lignes amĂ©ricaines et de se ruer vers la Meuse afin d'y Ă©tablir une tĂȘte de pont.

Les retards

DĂšs le dĂ©part, les retards s'accumulent. D'une part, les troupes parachutistes chargĂ©es d'opĂ©rer la percĂ©e initiale perdent une journĂ©e Ă  la rĂ©aliser et, d'autre part, la colonne motorisĂ©e de Peiper progresse lentement dans les embouteillages Ă  l'arriĂšre du front, ne lui permettant de mener des actions offensives que peu avant l'aube du [68]. Bousculant les restes des premiĂšres lignes amĂ©ricaines, il s'empare rapidement de Honsfeld et de Bullange (BĂŒllingen) oĂč il met la main sur un petit dĂ©pĂŽt d'essence alliĂ©[69]. De lĂ , il poursuit sa route sur l'itinĂ©raire qui lui est assignĂ©, dont il doit toutefois dĂ©vier peu avant d'atteindre Ligneuville car les chemins de traverse qui lui sont assignĂ©s se rĂ©vĂšlent impraticables. Ce dĂ©tour l'oblige Ă  passer par le carrefour de Baugnez oĂč son avant-garde se heurte Ă  une colonne amĂ©ricaine d'observateurs d'artillerie, capturĂ©e puis massacrĂ©e aprĂšs un bref engagement[70].

Poursuivant sur sa route, il franchit Ligneuville pour atteindre les hauteurs de Stavelot, sur la rive gauche de l'AmblĂšve, Ă  mi-chemin de son objectif, au soir du deuxiĂšme jour de l'offensive. Alors que la ville n'est dĂ©fendue que par de maigres troupes alliĂ©es et pourrait ĂȘtre facilement prise le jour mĂȘme, de façon incomprĂ©hensible, il tergiverse et reporte son assaut Ă  l'aube du lendemain, perdant un temps prĂ©cieux donnant aux AmĂ©ricains le temps de se rĂ©organiser[71]. AprĂšs de violents combats, son Kampfgruppe parvient Ă  franchir dans la matinĂ©e du le pont sur l'AmblĂšve et Ă  poursuivre son avance vers Trois-Ponts oĂč une mauvaise surprise l'attend.

L'Ă©chec
Panzerkampfwagen VI Königstiger du Kampfgruppe Peiper abandonné à La Gleize.

Les troupes amĂ©ricaines ont pu se ressaisir et faire sauter les ponts sur l'AmblĂšve et la Salm, ponts qui devaient lui permettre de progresser par une voie directe vers son objectif la Meuse. Tout au long de la journĂ©e du 18, les troupes amĂ©ricaines du gĂ©nie font sauter devant lui tous les ponts qu'il aurait pu utiliser pour gagner son objectif, l'enfermant ainsi dans la vallĂ©e encaissĂ©e de l'AmblĂšve en aval de Trois-Ponts[71]. En outre, profitant du temps plus clair, plusieurs raids de chasseurs-bombardiers alliĂ©s attaquent sa colonne Ă©tirĂ©e sur prĂšs de vingt kilomĂštres, dĂ©truisant ou endommageant de nombreux vĂ©hicules de son groupement, tandis que des portions de son itinĂ©raire sont rendues impraticables, compliquant et ralentissant encore sa progression[71]. Pire encore, Peiper nĂ©glige d'assurer ses arriĂšres, ce qui permet aux troupes amĂ©ricaines de reprendre et de dĂ©truire le pont sur l'AmblĂšve Ă  Stavelot, le coupant ainsi de la seule voie de ravitaillement possible pour les munitions et, surtout, l'essence dont il manque[72]. Il poursuit nĂ©anmoins son avance jusqu'Ă  Stoumont avant d'ĂȘtre contraint par la rĂ©sistance des troupes que les AmĂ©ricains ont pu dĂ©ployer en travers de sa route, de se replier sur La Gleize oĂč, Ă  court de carburant, il contient six jours durant les contre-offensives amĂ©ricaines. PrivĂ© d'approvisionnement, sans contact avec les autres unitĂ©s allemandes, il est contraint, le , de saboter ou abandonner ses vĂ©hicules et faire retraite Ă  travers bois pour Ă©chapper Ă  l'encerclement et la capture[73], avec seulement 800 combattants[74] - [75].

Selon certaines sources, lors des briefings prĂ©cĂ©dant l’opĂ©ration, Peiper aurait clairement dĂ©clarĂ© qu’il ne fallait pas faire de quartier, ni de prisonniers et ne manifester aucune pitiĂ© envers les civils belges[76].

Le massacre de Baugnez

Les corps des victimes, enfouis sous la neige, sont retrouvés le .

Le , des unités du Kampfgruppe de Peiper massacrent 84 prisonniers de guerre américains au carrefour de Baugnez, non loin de Malmedy. Le massacre de Baugnez n'est pas un acte isolé. Avant celui-ci, à Honsfeld, des éléments de son groupe tuent de sang-froid plusieurs dizaines de prisonniers américains[77] - [78]. D'autres massacres de prisonniers de guerre américains sont rapportés à Bullange[77] - [78] - [79] et à Wereth[80] - [81] - [82].

AprÚs le massacre de Baugnez, de nouvelles exactions sur des prisonniers américains sont rapportées en divers endroits : des membres du Kampfgruppe tuent au moins huit autres prisonniers américains à Ligneuville[79] - [83] ; de nouveaux massacres de prisonniers sont perpétrés à Stavelot, Cheneux, La Gleize et Stoumont les 18, 19 et [79]. Le , dans la région comprise entre Stavelot et Trois-Ponts, alors que les Allemands tentent de reprendre le contrÎle du pont sur l'AmblÚve à Stavelot, essentiel pour faire parvenir des renforts et l'approvisionnement au Kampfgruppe, les troupes de Peiper se livrent à de nouveaux massacres. Au total, le Kampfgruppe Peiper est responsable de la mort de 362 prisonniers de guerre et 111 civils, dont de nombreuses femmes et enfants[77] - [79] - [84] - [85] - [86].

La fin de la guerre

En , ses supĂ©rieurs ajoutent les glaives Ă  sa croix de fer[66]. Puis, de passage dans la rĂ©gion de Berlin, il voit pour la derniĂšre fois, le , Heinrich Himmler, Ă  son quartier gĂ©nĂ©ral provisoire. Il se rend ensuite Ă  l’école de Panzergrenadiere de Krhanice jusqu’au . De lĂ , il rejoint son unitĂ© au sud-est de la rĂ©gion de Farnad[87]. Son unitĂ© prend part Ă  une contre-offensive en direction du lac Balaton, qui Ă©choue, non sans que son unitĂ© enregistre Ă  nouveau de lourdes pertes, en partie imputables Ă  son style de commandement. Peiper y perd nombre de ses vieux compagnons d’armes[88].

Peiper est promu SS-StandartenfĂŒhrer[alpha 2] le .

Comme les autres unitĂ©s allemandes engagĂ©es en Hongrie, la division SS Leibstandarte Adolf Hitler, contrainte de se replier, combat en Autriche lorsque le , elle est informĂ©e de la mort de Hitler. Quelques jours plus tard, l’ordre est donnĂ© Ă  toutes les unitĂ©s de la Waffen-SS de faire retraite vers l’ouest. Le , la division SS Adolf Hitler est informĂ©e de la capitulation et reçoit l’ordre de traverser l’Enns en direction de l’ouest pour se rendre aux troupes amĂ©ricaines[89].

En compagnie du SS Paul Guhl (en), Peiper cherche à échapper à la captivité. Il se dirige vers Rottach mais, le , il est capturé prÚs de Schliersee, à moins de trente kilomÚtres de chez lui[90].

Activement recherchĂ© par les forces amĂ©ricaines pour son implication dans le massacre de Malmedy, il n'est localisĂ© et identifiĂ© que le ; le lendemain, il est transfĂ©rĂ© au camp d’interrogatoires de la 3e armĂ©e amĂ©ricaine Ă  Freising[91].

L'aprĂšs-guerre

Interrogatoire et aveux de Peiper

À la suite de la capitulation des armĂ©es allemandes, les AmĂ©ricains recherchent dans divers camps de prisonniers les hommes du Kampfgruppe Peiper pour les faire comparaĂźtre devant un tribunal militaire. Ils sont accusĂ©s d'avoir « laissĂ© une trainĂ©e de sang d'un bout Ă  l'autre de leur chemin ». Les crimes de guerre au cours de la bataille des Ardennes sont imputĂ©s au Kampfgruppe Peiper[77]. L'acte d'accusation collectif, pour les 74 accusĂ©s, prĂ©sente la liste d'une dizaine de lieux oĂč entre 538 et 749 militaires amĂ©ricains et 90 Ă  110 civils belges ont Ă©tĂ© tuĂ©s. Peiper n'est pas accusĂ© d'avoir personnellement perpĂ©trĂ© ces meurtres, mais d'avoir Ă©tĂ© le donneur d'ordres. Pour ce qui est de l'accusation centrale, celle du meurtre de 74 ou 83 prisonniers au carrefour de Baugnez, il aurait, selon lui, appris le massacre le lendemain[92]. Il se justifie en Ă©voquant une « confusion » : ses hommes auraient inconsidĂ©rĂ©ment tirĂ© sur le groupe, pour stopper une tentative d'Ă©vasion[92].

EmprisonnĂ© Ă  Freising, Joachim Peiper rencontre pour la premiĂšre fois, le , un enquĂȘteur amĂ©ricain, le lieutenant Guth. Peiper a donnĂ© une version de cette entrevue : le lieutenant Guth l'aurait informĂ© de l'Ă©tat de son dossier. Le rapport du major Mac Cown, qui fut son prisonnier, montrerait sous un jour favorable son comportement durant l'offensive des Ardennes ; mais, l'opinion publique amĂ©ricaine exigerait un coupable du massacre et il serait considĂ©rĂ© comme le responsable. Il pourrait cependant Ă©pargner ses hommes en reconnaissant ĂȘtre entiĂšrement responsable des meurtres. Le lendemain, toujours selon Peiper, un autre officier, le capitaine Fenton, lui aurait annoncĂ© de possibles poursuites contre ses hommes, s'il persistait dans son silence. L'officier SS aurait alors acceptĂ© de fournir un rĂ©cit des Ă©vĂšnements selon ses souvenirs[93].

TransfĂ©rĂ© au centre d'interrogatoire de Oberurse pour sept semaines, il est confrontĂ©, sans rĂ©sultat, avec les survivants amĂ©ricains. Puis, ce sont cinq semaines en isolement cellulaire au camp pour suspects de crimes de guerre de Zuffenhausen. L'officier interrogateur, le lieutenant Perl, lui aurait prĂ©cisĂ© qu'il est « l'homme le plus haĂŻ d'AmĂ©rique et que le public exigerait [sa] tĂȘte, [qu'une] malchance particuliĂšre rĂ©siderait dans le fait que, parmi les victimes du « carrefour », on avait trouvĂ© le fils d'un sĂ©nateur et celui d'un industriel influent. Les pĂšres en colĂšre auraient fait beaucoup de bruit et mobilisĂ© la presse. Ainsi, un « incident militaire » serait devenu un « incident politique » que l'on ne pouvait plus ignorer »[93]. Peiper, selon lui, aurait acceptĂ© de reconnaĂźtre sa responsabilitĂ© dans les massacres, mais en posant des conditions : un notaire amĂ©ricain et un allemand devraient ĂȘtre tĂ©moins de l'engagement Ă  garantir l'impunitĂ© de ses soldats, ce qui lui est refusĂ©[93].

Il est enfin transféré à la prison de SchwÀbisch-Hall pour trois mois d'interrogatoire et de confrontation. Dans les aveux des accusés, qui constituent les piÚces maßtresses de l'accusation, les soldats et sous-officiers accusent les officiers d'avoir donné les ordres pour tuer les éventuels prisonniers et s'accusent mutuellement d'avoir procédé à ces exécutions, les officiers subalternes avouent que les ordres ont bien existé ; enfin, Peiper accepte la responsabilité des actes de ses subordonnés et avoue que les ordres venaient de lui.

Le procĂšs

Peiper et une interprĂšte pendant le procĂšs Ă  Dachau le 20 juin 1946.

Le procĂšs a lieu Ă  Dachau du au : le statut de prisonniers de guerre des accusĂ©s avait Ă©tĂ© formellement abrogĂ© le . Les accusĂ©s comparaissent devant le tribunal militaire de Dachau, composĂ© d’officiers amĂ©ricains de haut rang. Le tribunal fonctionne selon les rĂšgles instaurĂ©es prĂ©cĂ©demment par le tribunal militaire international jugeant les hauts dignitaires nazis Ă  Nuremberg. Ce procĂšs a en partie Ă©tĂ© filmĂ©.

Les accusĂ©s sont au nombre de 74, les plus Ă©levĂ©s en grade Ă©tant le SS-OberstgruppenfĂŒhrer[alpha 8] Sepp Dietrich, commandant de la 6e armĂ©e blindĂ©e SS, son chef d’état-major le SS-BrigadefĂŒhrer[alpha 9] Fritz Kraemer, le SS-GruppenfĂŒhrer[alpha 10] Hermann Priess, commandant du 1er corps blindĂ© SS et Joachim Peiper, commandant du 1er rĂ©giment blindĂ© SS, unitĂ© Ă  laquelle sont imputĂ©s les faits incriminĂ©s.

Peiper, debout au centre, pendant le procĂšs (il porte une veste d’uniforme dont les insignes ont Ă©tĂ© retirĂ©s ou masquĂ©s).

L'accusation l'attaque sur le massacre de plus de trois cents prisonniers de guerre amĂ©ricains Ă  diffĂ©rents endroits au cours de la bataille des Ardennes ainsi que le massacre d’une centaine de civils belges essentiellement dans les environs de Stavelot.

À la barre des tĂ©moins — selon la procĂ©dure judiciaire amĂ©ricaine qui autorise ce type de tĂ©moignage — Peiper se rĂ©tracte, dĂ©nonçant, comme le font deux autres accusĂ©s, des aveux extorquĂ©s sous la contrainte. Le tribunal n'accorde cependant pas plus de valeur Ă  ce tĂ©moignage qu'Ă  celui du major Mac Cown, trĂšs favorable Ă  l'accusĂ© : avec une centaine d'hommes, ce dernier avait Ă©tĂ© le prisonnier de Peiper Ă  La Gleize[94]. Le colonel Rosenfeld, rĂ©fĂ©rent lĂ©gal du tribunal, suggĂšre que l'officier amĂ©ricain a quelque peu collaborĂ© avec l'ennemi[95]. L'avocat de la dĂ©fense, le colonel Willis M. Everett, Ă©choue Ă  faire reconnaĂźtre l'irrĂ©gularitĂ© des enquĂȘtes et du procĂšs.

Condamnation

Avec 42 autres coaccusés, Joachim Peiper est condamné à mort le .

À la suite des actions successives, qui atteignent la Cour suprĂȘme des États-Unis, menĂ©es par Everett qui voit dans ce procĂšs « la plus grosse farce imaginable »[96], et Ă  la mĂ©diatisation en Allemagne et aux États-Unis des accusations portĂ©es contre les enquĂȘteurs et le tribunal amĂ©ricains, les peines sont suspendues. Le , le gĂ©nĂ©ral Lucius D. Clay, faisant fonction de juge suprĂȘme, confirme la condamnation Ă  mort de Peiper et celle de onze autres condamnĂ©s et ordonne l'exĂ©cution pour le .

Dans l'atmosphĂšre de dĂ©but de la Guerre froide, les autoritĂ©s amĂ©ricaines sont enclines Ă  l'indulgence envers les criminels nazis. Une campagne de rĂ©habilitation, menĂ©e par le sĂ©nateur McCarthy et le secrĂ©taire d'État aux armĂ©es, Kenneth Royall, entraĂźne la suspension de l'exĂ©cution le . Le juge Simpson ayant, en , conseillĂ© la commutation des peines capitales en peines de prison, le gĂ©nĂ©ral Handy suit cette recommandation le . En 1954, la peine de prison Ă  perpĂ©tuitĂ© de Peiper est rĂ©duite Ă  trente-cinq annĂ©es[97]. AprĂšs avoir passĂ© quatre ans et demi dans le quartier des condamnĂ©s Ă  mort, Joachim Peiper est le dernier des condamnĂ©s du procĂšs Ă  ĂȘtre libĂ©rĂ©, le .

La version de Peiper

Le , dans le quartier des condamnĂ©s Ă  mort de la prison de Landsberg, Joachim Peiper faisait une dĂ©position sous serment, reprenant l'essentiel de son tĂ©moignage lors du procĂšs[98]. Il y dĂ©crit les sept mois d'incarcĂ©ration et d'interrogatoires qui prĂ©cĂšdent le procĂšs[93] dont les trois mois passĂ©s Ă  SchwĂ€bisch-Hall qui aboutirent Ă  ses aveux. D'aprĂšs Peiper, fin , le major Fenton lui aurait demandĂ© de rĂ©diger un rĂ©sumĂ© de sa dĂ©fense et utilisĂ© sa signature « pour tromper mes officiers, en leur lisant en mĂȘme temps un texte imaginaire dans lequel je reconnaissais tous les crimes prĂ©tendus ».

Peiper prĂ©tend Ă©galement, qu'aprĂšs que la plupart de ses subordonnĂ©s eurent avouĂ©, des menaces contre sa famille auraient Ă©tĂ© profĂ©rĂ©es. ConfrontĂ© Ă  ses officiers, il les prĂ©sente comme des « hommes entiĂšrement brisĂ©s » ; ainsi, son aide de camp, le capitaine Gruhle, qui confirme de maniĂšre prĂ©cise l'existence d'un ordre du jour dont un article disait que des prisonniers devaient ĂȘtre fusillĂ©s dans des cas militaires de force majeure. Ces aveux de ses subordonnĂ©s mettent Peiper en situation difficile. Il dĂ©clare mĂȘme : « Je commençais Ă  douter de ma mĂ©moire et j'eus le sentiment de me trouver dans le labyrinthe d'un asile d'aliĂ©nĂ©s. » Les dĂ©positions Ă©crites signĂ©es par les gĂ©nĂ©raux Dietrich, Priess, Mohnke achĂšvent de le dĂ©moraliser : il voit s'effondrer l'idĂ©al de « camaraderie » auquel il voulait encore croire. « À partir de ce moment, toute la suite m'Ă©tait complĂštement indiffĂ©rente. » Peiper met Ă©galement en cause ses conditions d'internement : « On laissait ma cellule Ă©clairĂ©e la nuit et on me dĂ©robait le sommeil nĂ©cessaire par des dĂ©rangements systĂ©matiques [...]. Sans compter le fait que je devais, comme officier prisonnier de guerre, porter les pantalons de prison rayĂ©s, toute la journĂ©e se passait en humiliations conscientes et organisĂ©es. » Peiper affirme aussi « avoir Ă©tĂ©, Ă  son arrivĂ©e, le 3 dĂ©cembre, placĂ© dans une prĂ©tendue cellule de condamnĂ© Ă  mort, non chauffĂ©e », oĂč il resta une semaine « dĂ©pouillĂ© de ses effets personnels et de ses vĂȘtements ». « Suite Ă  une plainte introduite auprĂšs du lieutenant-colonel Ellis, [il fut] transfĂ©rĂ© dans une cellule de l'hĂŽpital [...] lorsque les symptĂŽmes d'un dĂ©but de pneumonie apparurent ». Il finit ainsi : « Durant le trajet qui me conduisait aux interrogatoires, on me passait un capuchon sur la tĂȘte. Ces bonnets [...] Ă©taient intĂ©rieurement souillĂ©s de sang coagulĂ© et rĂ©pandaient une odeur nausĂ©abonde ».

Libération et retour à la vie civile

Les rĂ©seaux d’entraide des anciens SS qui avaient aidĂ© l’épouse de Peiper Ă  trouver un emploi Ă  proximitĂ© de Landsberg Ɠuvrent Ă  la mise en libertĂ© conditionnelle de Peiper. Pour en bĂ©nĂ©ficier, il doit pouvoir prouver qu’il aura un emploi lors de sa mise en libertĂ© : Ă  l’initiative du Dr Albert Prinzing, ancien capitaine SS des services de renseignement nazis, devenu depuis la guerre cadre chez Porsche A.G., Peiper se voit offrir un emploi dans cette sociĂ©tĂ©[99]. Le , il quitte la prison[99].

Le , il commence Ă  travailler chez Porsche Ă  Stuttgart, dans la division technique ; il reprĂ©sente ensuite la firme dans des expositions automobiles[100], puis se voit confier le dĂ©veloppement des exportations de voitures vers les États-Unis. Toutefois, sa condamnation comme criminel de guerre constitue un frein pour cette activitĂ© puisqu’elle l’empĂȘche d’obtenir un visa pour les États-Unis[101] - [102].

Au fil du temps, il gravit des Ă©chelons dans l’entreprise, mais son ambition l’amĂšne Ă  entrer en conflit avec d’autres employĂ©s. L’intervention de Ferry Porsche lui-mĂȘme, qui lui promet une position managĂ©riale mais est dĂ©savouĂ© par la composante syndicale du conseil d’entreprise, hostile Ă  la nomination Ă  des postes de direction de personnes condamnĂ©es pour crimes de guerre, ne parvient pas Ă  dĂ©samorcer le conflit. À la suite des rĂ©actions vĂ©hĂ©mentes de Peiper, l’administration de la compagnie et le conseil d’entreprise se mettent d’accord pour le licencier parce qu'il nuit Ă  la bonne atmosphĂšre de l’entreprise et que son passĂ© de criminel de guerre constitue un frein aux ventes sur le plus grand marchĂ© de Porsche, les États-Unis. Peiper engage, le , un procĂšs contre son employeur pour obtenir ce qui lui avait Ă©tĂ© promis[103]. Dans un document adressĂ© au tribunal du travail de Stuttgart, l’avocat de Peiper affirme que celui-ci n’est pas un criminel de guerre, qu’aprĂšs la guerre, les AlliĂ©s ont utilisĂ© les procĂšs intentĂ©s aux prĂ©tendus criminels de guerre pour diffamer le peuple allemand et que le procĂšs de Nuremberg comme celui du massacre de Malmedy ne sont que pure propagande ; s’inspirant des documents publiĂ©s par l’historienne d’extrĂȘme droite Freda Utley, il invoque le fait que les condamnĂ©s au procĂšs du massacre de Malmedy auraient Ă©tĂ© torturĂ©s par les AmĂ©ricains[104]. À la demande de la cour, Peiper et Porsche concluent un accord aux termes duquel il est mis un terme au contrat de Peiper avec Porsche moyennant une indemnitĂ© de rupture Ă©quivalent Ă  six mois de salaire[104]. Le magazine Der Freiwillige (de), organe des vĂ©tĂ©rans de la SS, ne manque pas cette occasion d’évoquer le hĂ©ros de guerre « injustement condamnĂ© » pour crimes de guerre[104].

Sans emploi, Peiper se dĂ©cide Ă  s’établir comme formateur Ă  la vente de voitures, grĂące Ă  son rĂ©seau de contacts dans les anciens de la SS, qui le met en contact avec Max Moritz, un ancien mĂ©canicien SS, devenu concessionnaire Volkswagen pour l’Allemagne[105].

À dater de sa libĂ©ration, Peiper entretient de nombreux, mais discrets, contacts avec ses anciens compagnons de la SS. Il Ă©vite clairement de s’affilier Ă  la HIAG ou Ă  l’ordre des porteurs de la croix de chevalier, mais il s’affiche souvent en leur compagnie, notamment lors des obsĂšques de personnages comme Kurt Panzer Meyer, Sepp Dietrich ou Paul Hausser[106]. Il s’engage dans l’entreprise initiĂ©e par ces organisations pour rĂ©habiliter les Waffen-SS tout en oblitĂ©rant les aspects peu reluisants de leur passĂ©, exaltant leurs actions militaires et tentant de faire passer l'idĂ©e que les SS Ă©taient des soldats « comme les autres »[106]. Selon Westemeier, Peiper aurait dĂ©clarĂ© Ă  un ami : « je pense personnellement que toute tentative de rĂ©habilitation au cours de notre vie est irrĂ©aliste, mais on peut rĂ©unir le matĂ©riel »[107].

Au dĂ©but des annĂ©es 1960, la perception des crimes nazis dans l’opinion publique se met Ă  Ă©voluer. Le redressement Ă©conomique allemand ne permet plus aux ex-criminels de se dissimuler, et occuper une position en vue dans la sociĂ©tĂ© peut attirer des questions embarrassantes que des gens comme Peiper prĂ©fĂšrent Ă©viter[108]. Le procĂšs d’Eichmann et celui d’Auschwitz de 1963 Ă  1965, trĂšs mĂ©diatisĂ©s en Allemagne fĂ©dĂ©rale, jettent une nouvelle lumiĂšre sur cette pĂ©riode[108]. Les poursuites sont dĂ©sormais menĂ©es par des tribunaux allemands et non plus par des tribunaux alliĂ©s. Par ailleurs, la prescription des poursuites pour les crimes nazis est Ă  plusieurs reprises reportĂ©e[108]. En dĂ©finitive, ces crimes sont dĂ©clarĂ©s imprescriptibles en 1979.

Le , deux Italiens portent plainte contre Peiper auprĂšs de l'agence centrale pour la poursuite des crimes nazis Ă  Ludwigsburg, en raison du massacre de Boves[108]. Les plaignants sont reprĂ©sentĂ©s par Robert W. Klempner, membre du conseil amĂ©ricain des procureurs lors du procĂšs de Nuremberg. Les enquĂȘtes menĂ©es par le ministĂšre public de Stuttgart se rĂ©vĂšlent bientĂŽt fort embarrassantes pour Peiper puisqu’il est accusĂ© de l’arrestation de Juifs Ă  Borgo San Dalmazzo et de la dĂ©portation de Juifs en Italie du Nord. Ces accusations sont en outre soutenues par Simon Wiesenthal[108]. Toutefois, tant Klempner que Wiesenthal ne rĂ©ussissent pas Ă  apporter les preuves rĂ©clamĂ©es par le ministĂšre public et les poursuites sont abandonnĂ©es en 1967 faute de preuves suffisantes[109].

Peiper, Ă  nouveau exposĂ© Ă  son passĂ©, est appelĂ© comme tĂ©moin Ă  charge au procĂšs de Werner Best. À cette occasion, il lui est impossible de nier son passĂ© au contact de Himmler, mais il parvient Ă  Ă©viter toute implication directe dans des crimes nazis en prĂ©tendant que sa mĂ©moire est dĂ©faillante[110].

Sur le plan professionnel, il est devenu, en 1969, correspondant free-lance du magazine Auto, Moto und Sport. En 1972, il dĂ©cide de s’établir Ă  Traves (Haute-SaĂŽne) oĂč il a une propriĂ©tĂ© de vacances. À cette Ă©poque, il est traducteur indĂ©pendant pour l’éditeur Stuttgarter Motorbuch-Verlag et, sous le pseudonyme de Rainer Buschmann, il traduit des ouvrages consacrĂ©s Ă  l’histoire militaire de l’anglais vers l’allemand[110].

Les derniÚres années

À la retraite, en 1972, Peiper dĂ©cide de s'installer avec sa femme en France, un pays oĂč il n'est pas poursuivi pour ses activitĂ©s pendant la guerre. Il s'installe prĂšs de l'Allemagne, dans une rĂ©gion qu'il a dĂ©jĂ  connue comme soldat et dont il a apprĂ©ciĂ© le cadre de vie[111] : Ă  Traves (Haute-SaĂŽne), au lieu-dit « Le Renfort »[112]. Il est aidĂ© par un ancien soldat allemand Ă©galement son ami, Kettelhut, son futur voisin[113], avec qui il a servi dans la mĂȘme division[114].

Peiper achĂšte un terrain et y fait construire sa maison[115]. Il y mĂšne une vie discrĂšte, peu bavard et inscrit sur liste rouge tĂ©lĂ©phonique[115]. Seuls ses chiens lui valent des ennuis Ă  cause des aboiements : plusieurs plaintes sont mĂȘme dĂ©posĂ©es[112]. Il lui arrive de recevoir des groupes d'Allemands, il se rend alors sur une hauteur derriĂšre l'Ă©glise et dĂ©crit ce qui s'y est passĂ© pendant la guerre[116]. Les Renseignements gĂ©nĂ©raux français affirment avoir ignorĂ© mĂȘme sa prĂ©sence[117].

Le , Peiper se rend dans un magasin de Vesoul pour acheter du grillage dans le but de construire un chenil pour ses chiens[118]. Le vendeur qui le reçoit n'est autre que Paul Cacheux, un ancien rĂ©sistant communiste de la rĂ©gion, qui a parcouru le livre brun allemand (qui recense les crimes de guerre allemands) la semaine prĂ©cĂ©dente, et il se souvient qu'il est question page 101 d'un certain Peiper responsable des massacres de Malmedy (71 AmĂ©ricains assassinĂ©s) et Boves (un « Oradour » italien oĂč une quarantaine de personnes ont Ă©tĂ© assassinĂ©es et le village brĂ»lĂ©)
 Paul Cacheux parle allemand, Peiper a un fort accent, et Cacheux fait tout de suite le rapprochement et quand il pose la question Ă  Peiper « Vous ĂȘtes bien Joachim Peiper ? », celui-ci devient blĂȘme
 Cacheux est certain d'avoir vu juste. L'homme est grand, il a la soixantaine, or le Peiper du livre mesure 1,85 m et est nĂ© en 1915. Mais Cacheux, dĂ©stabilisĂ© par les remarques de son entourage, attend le printemps 1976 pour contacter un journaliste de L'HumanitĂ©, Pierre Durant[119]. Ce dernier se rend Ă  Berlin et confirme l'identitĂ© de l'homme[119]. Westemeier affirme que c'est un historien Ă  l’occasion d’une enquĂȘte dans les archives de la Stasi qui tombe sur le dossier Peiper et rĂ©vĂšle le « pot aux roses »[120].

Le au soir, des militants communistes font des tags et du porte-Ă -porte dans Traves pour dĂ©noncer la prĂ©sence du criminel de guerre dans la ville. Le , un tract est distribuĂ© dans le mĂȘme esprit[121]. Le lendemain (), un article du journal L'HumanitĂ© interpelle les autoritĂ©s publiques : « mais que fait le PrĂ©fet pour faire cesser cette prĂ©sence scandaleuse ? ». Peiper est en plus accusĂ© de faire partie d'un rĂ©seau secret d'entraide d'anciens SS. Il s'ensuit une campagne mĂ©diatique nationale et Peiper reçoit des lettres de menaces. Sa femme rentre en Allemagne[122]. Les autoritĂ©s politiques, sous la pression mĂ©diatique, et nĂ©gociant avec la FĂ©dĂ©ration nationale des dĂ©portĂ©s et internĂ©s rĂ©sistants et patriotes (FNDIRP) dĂ©sireuse d'intenter un procĂšs, envisagent de ne pas renouveler son permis de sĂ©jour, le maire de Traves ayant donnĂ© un avis dĂ©favorable[123].

DĂ©but , quelques jours avant l'incendie de sa maison, Peiper est interviewĂ© par des journalistes de Paris Match : « Nous avons vu Joachim Peiper, sa femme, sa fille, son gendre et sa petite-fille Katia, trĂšs grand, en pantalon clair et chemise lĂ©gĂšre, les cheveux courts, mais blancs, bronzĂ©, il s'approche mĂ©fiant ». « J'ai payĂ©, dit-il. Je n'ai rien Ă  dire, j'ai payĂ© ! Si quelqu'un a quelque chose Ă  me reprocher, ce sont les autoritĂ©s ». Dans un français correct, bien qu'avec un fort accent, il nous dit sa lassitude. Et une phrase terrible : « Si je suis ici, c'est parce qu'en 1940, les Français n'avaient pas de courage
 » [
] Il ajoute : « On a menacĂ© de brĂ»ler ma maison »[124].

Le , Peiper et Kettelhut dĂ©cident de veiller, Ă  la suite des menaces reçues, mais vers 23 h 30, la garde des gendarmes s'achĂšve alors que Kettelhut prend un somnifĂšre et s'endort[125]. Entre 23 h 30 et 1 h du matin, au moins huit coups de feu[126] retentissent et un incendie ravage la maison de Peiper[125]. Les pompiers arrivent mais sont peu efficaces : la pompe est en panne[125]. Vers 1 h du matin le , on retrouve un cadavre carbonisĂ©, officiellement considĂ©rĂ© comme celui de Peiper, sans aucune possibilitĂ© d'identification formelle[127]. Tout le village est auditionnĂ©[112] ; le voisin Kettelhut n'a rien vu, rien entendu[125]. Un seul suspect, vite abandonnĂ©, est dĂ©signĂ© : Riquette, le cafetier de Vesoul[125]. Officiellement, des hommes du village armĂ©s auraient attaquĂ© la maison de Peiper aprĂšs 23 h 30, ce dernier se serait dĂ©fendu avec ses armes Ă  feu et aurait eu le temps de brĂ»ler des documents gĂȘnants avant d'ĂȘtre carbonisĂ© dans sa maison, enflammĂ©e par du mazout[128] ; des chiens blessĂ©s seront retrouvĂ©s quelques kilomĂštres plus loin. L'hypothĂšse est Ă©mise que le reste calcinĂ© est celui d'un chien ; Peiper aurait montĂ© la scĂšne de toutes piĂšces (d'oĂč un cocktail Molotov inutilisĂ© retrouvĂ© sur la scĂšne) ; il serait ensuite parti par le trou dans les barbelĂ©s, c'est l'itinĂ©raire que le chien flaireur des gendarmes retrace[129] - [alpha 11]. Le , les experts dĂ©fendent l'idĂ©e que rien ne prouve que le corps est celui de Peiper mais que rien ne s'y oppose non plus.

AprĂšs sa mort : l'affaire Peiper

Le cadavre carbonisĂ©, d'une longueur de 80 cm en l'Ă©tat, ne peut ĂȘtre formellement identifiĂ©, ce qui alimente des rumeurs sur l'authenticitĂ© du cadavre et l'origine rĂ©elle de l'incendie. C'est le point de dĂ©part de « l'affaire Peiper »[alpha 12]. Selon la version officielle, Peiper est mort dans sa maison cette nuit-lĂ . Il est Ă©tabli que de l'essence a Ă©tĂ© retrouvĂ©e Ă  l'intĂ©rieur de la maison[113].

Un « Groupe Peiper » se constitue, décide de venger le SS et envoie des menaces de mort (par courrier et téléphone) au militant communiste de Vesoul qui a reconnu Peiper la premiÚre fois, Paul Cacheux[131], à l'Union des syndicats de Vesoul dont les locaux sont plastiqués, au MRAP, à la CGT et au village de Traves tout entier[132].

Concernant les crimes de l'officier SS, son petit-fils Konstantin Peiper regrette que sa famille « ne s’est jamais tournĂ©e vers la vĂ©ritĂ©, qui Ă©tait pourtant facilement disponible et Ă©tayĂ©e de maniĂšre scientifique et historique et qui aurait pu nous rĂ©concilier avec Joachim Peiper ». Il estime que la vĂ©ritĂ© est rĂ©paratrice, y compris sur les circonstances du meurtre de son grand-pĂšre, car il rejette les thĂ©ories sur sa survie. Il confie : « J’ai aujourd’hui rĂ©ussi Ă  trouver une maniĂšre de vivre avec mon grand-pĂšre, sans trop le laisser m’atteindre. »[133].

Notes et références

Notes

  1. Équivalent en France de commandant.
  2. Équivalent en France de colonel.
  3. Équivalent en France de lieutenant-colonel.
  4. Équivalent en France de sergent.
  5. Équivalent en France de sous-lieutenant.
  6. Équivalent en France de lieutenant.
  7. Équivalent en France de capitaine.
  8. Équivalent en France de gĂ©nĂ©ral d'armĂ©e.
  9. Équivalent en France de gĂ©nĂ©ral de brigade.
  10. Équivalent en France de gĂ©nĂ©ral de division.
  11. Cette théorie d'une mise en scÚne est reprise en mars 2001 dans l'émission Rendez-vous avec X.
  12. L'affaire fait par la suite l'objet d'un film de deux heures et d'un livre[130].

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  12. Dans ce contexte le mot allemand « Adjutant » correspond, en français, à la fonction d'aide de camp.
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  117. Arnaud et Kahane 1979, p. 10.
  118. Arnaud et Kahane 1979, p. 24.
  119. Arnaud et Kahane 1979, p. 27.
  120. Westemeier 2007, p. 190.
  121. Westemeier 2007, p. 1, 10 & 24.
  122. Arnaud et Kahane 1979, p. 42-43.
  123. Martin 1994, p. 33.
  124. Paris Match, no 1416, 17 juillet 1976. L'hebdomadaire était déjà imprimé quand parvint la nouvelle de sa mort.
  125. Arnaud et Kahane 1979, p. 43.
  126. Arnaud et Kahane 1979, p. 63.
  127. Martin 1994, p. 154.
  128. Arnaud et Kahane 1979, p. 43-44.
  129. Arnaud et Kahane 1979, p. 50.
  130. Arnaud et Kahane 1979.
  131. Arnaud et Kahane 1979, p. 11.
  132. Arnaud et Kahane 1979, p. 22, 28, 36.
  133. ÉlĂ©onore Tournier, « Haute-SaĂŽne. Affaire Peiper : "Je crois au pouvoir rĂ©parateur de la vĂ©ritĂ©", le petit-fils de l’ancien colonel SS tĂ©moigne », sur www.estrepublicain.fr,

Annexes

Bibliographie

Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article : document utilisĂ© comme source pour la rĂ©daction de cet article.

  • (en) Patrick Agte, Jochen Peiper, Ă©d. J.J. Fedorowicz, 1999, 670 p. (ISBN 0921991460).
  • Georges Arnaud et Roger Kahane, L’Affaire Peiper, Paris, Le Livre de Poche, , 222 p. (ISBN 2-253-02241-1 et 978-2253022411). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Gerd J. Gust Cuppens, Massacre Ă  Malmedy ? : Ardennes – 17 dĂ©cembre 1944, Bayeux, Heimdal, , 2e Ă©d. (1re Ă©d. 1989), 160 p. (ISBN 2-902171-53-6 et 978-2902171538).
Excellente bibliographie, p. 157-159, mais contenu à la limite du révisionnisme.
  • (de) Ernst-GĂŒnther KrĂ€tschmer, Die Ritterkreuztrager der Waffen-SS [« Les chevaliers de la croix de fer dans la Waffen-SS »], Pour le MĂ©rite, (1re Ă©d. 1955), 1008 p. (ISBN 978-3-942145-14-5 et 3-942145-14-6).
  • Jean-Luc Leleu, La Waffen-SS : Soldats politiques en guerre, Paris, Perrin, , 2e Ă©d. (1re Ă©d. 2007), 1248 p. (ISBN 978-2-262-02488-8 et 2-262-02488-X).
  • Charles B. MacDonald (trad. Paul Maquet), NoĂ«l 44 : La bataille d'Ardenne, La Renaissance du livre, coll. « Histoire », , 635 p. (ISBN 978-2-507-05239-3 et 2-507-05239-2).
  • Roger Martin, L'Affaire Peiper, Paris, Dagorno, , 173 p. (ISBN 2-910019-07-1 et 978-2910019075).
Contient quelques extraits mineurs de la déclaration de Peiper, avec des coupures non signalées, p. 81-83.
  • AndrĂ© MoissĂ©, Les Affaires Peiper – L'Ă©nigme du colonel S.S. de Traves - Les MystĂšres de l'Est, Ă©ditions L'Est RĂ©publicain, 1988, 241 p. (ISBN 2-86955-042-6) Ă©ditĂ© erronĂ© (BNF 37592309).
  • (en) James J. Weingartner, Crossroads of death : The Story of the Malmedy Massacre and Trial, University of California Press, , 274 p. (ISBN 0-520-03623-9 et 978-0520036239, lire en ligne).
  • (en) James J. Weingartner, A peculiar crusade : Willis M. Everett and the Malmedy Massacre, New York University Press, , 272 p. (ISBN 0-8147-9366-5, ASIN B004DZPAKI, lire en ligne).
  • (en) Jens Westemeier, Joachim Peiper : A Biography of Himmler's SS Commander, Schiffer Publishing Ltd, (1re Ă©d. 1996), 240 p. (ISBN 978-0-7643-2659-2 et 0-7643-2659-7). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Charles Whiting, Massacre at MalmĂ©dy : the story of Jochen Peiper's battle group, Ardennes, December, 1944, Barnsley, Pen & Sword Military, , 244 p. (ISBN 978-1-84415-620-7, OCLC 141384235).
  • (en) Gordon Williamson, Loyalty is my honour, Londres, Brown, , 192 p. (ISBN 978-1-897884-12-6, OCLC 473541744).

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