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ForĂȘt urbaine

La notion de forĂȘt urbaine est nĂ©e Ă  la fin du XXe siĂšcle, dĂ©signant une forĂȘt ou des boisements poussant dans une aire urbaine. On parlera plutĂŽt de forĂȘt pĂ©riurbaine quand elle cerne la ville ou sa banlieue.

ForĂȘt urbaine rĂ©cemment plantĂ©e (Royaume-Uni), La ForĂȘt urbaine du pays noir, dĂ©signe des initiatives et projets collectifs de reboisement de zones urbaines et anciennes friches industrielles
Cely Wood, forĂȘt urbaine de Thames Chase (Upminster, au Royaume-Uni)
La forĂȘt urbaine est aussi un lieu de premier contact avec la nature pour bien des enfants
Partie de la forĂȘt pĂ©riurbaine « KoumysnaĂŻa Poliana » de Saratov (Russie)

Elle a fait son apparition principalement au Canada et dans les villes abritant de vastes étendues boisées telles que Bruxelles, Oslo, Londres, Berlin, Stuttgart, Stockholm ou Zurich. Ce concept récent se différencie de la notion de « parc urbain » en accordant plus d'importance à la naturalité, aux milieux et aux services écosystémiques rendus.

DĂ©finition

Les forĂȘts urbaines sont d'une grande variĂ©tĂ©, mais semblent pouvoir ĂȘtre catĂ©gorisĂ©es en quatre grands types. Tout d'abord, certaines sont des vestiges prĂ©servĂ©s de la forĂȘt naturelle. Ces boisements ont souvent Ă©tĂ© rĂ©amĂ©nagĂ©s, comme le bois de la Cambre (en nĂ©erlandais : Ter Kamerenbos) au cƓur de la ville de Bruxelles. D'autres sont issus de boisements anciens prĂ©sents avant l'accroissement urbain (et ensuite ouverts au public ou non), parfois en partie pour des raisons de stratĂ©gie militaire (comme le bois de Boulogne autour de la citadelle de Vauban Ă  Lille), et souvent pour mĂ©nager des parcs de chasse Ă  proximitĂ© des lieux de pouvoir (comme les bois de Boulogne et de Vincennes de part et d'autre de Paris). Elles peuvent Ă©galement trouver leur origine dans des boisements replantĂ©s ou artificiellement crĂ©Ă©s, sur des friches par exemple, en tant que jardin urbain, comme mesure compensatoire, comme lieu d'amĂ©nitĂ©s ou pour protĂ©ger la ressource en eau (protection de captage ou de zone d'alimentation de la nappe phrĂ©atique). Enfin, il peut s'agir de forĂȘts pĂ©riurbaines, comme la forĂȘt de Soignes, relique de forĂȘt ancienne de 4 383 hectares qui couvre Ă  peu prĂšs la moitiĂ© de la surface de la rĂ©gion Bruxelles-Capitale en Belgique.

ONU, PNUE

Sous l'impulsion de l'architecte Stefano Boeri, un mouvement pour les « forĂȘts urbaines Â», comme outils de rĂ©gulation climatique a vu le jour en 2017[1].

En 2018, dans le cadre de l'Objectif de dĂ©veloppement durable n° 11 : villes et communautĂ©s durables (ODD qui vise Ă  crĂ©er des villes inclusives, sĂ»res, rĂ©silientes et plus soutenables), lors d'un « Forum mondial sur les forĂȘts urbaines » Ă  Mantoue, la FAO et l'ONU ont lancĂ© une initiative dite Programme mondial des villes forestiĂšres, visant Ă  rendre les villes plus vertes, rĂ©silientes et durables en intĂ©grant mieux les arbres dans leurs trames vertes[2].

DĂ©but 2020, la FAO et la Fondation Arbor Day ont prĂ©sentĂ© les 59 premiĂšres villes inscrites et reconnues par l'ONU comme villes forestiĂšres (ce qui nĂ©cessite de remplir 5 critĂšres[3]) : Dublin, Ljubljana, Quito, Paris, Erevan, et des mĂ©galopoles comme New York, San Francisco et Toronto, ou des villes plus petites telles Bradford (Grande-Bretagne), Thunder Bay (Canada), Tempe (Arizona, États-Unis) ou Mantoue (Italie). Selon Hiroto Mitsugi (sous-directeur gĂ©nĂ©ral de la FAO chargĂ© du dĂ©partement des forĂȘts), « tous ensemble, les maires de ces villes peuplĂ©es d'arbres forment un rĂ©seau mondial de dirigeants de la foresterie urbaine qui partagent les mĂȘmes valeurs dans le domaine des arbres urbains et des forĂȘts urbaines »[4]. DĂ©but , plus d'une centaine d'autres villes s'Ă©taient dĂ©jĂ  engagĂ©es Ă  participer, en attente pour se qualifier[4]. Il s'agit aussi de former un rĂ©seau international de villes qui partageront la connaissance et leurs bonnes pratiques de gestion durable de ces forĂȘts urbaines (et des espaces verts)[4].

En Europe

Un programme COST « E12 forĂȘts urbaines et des arbres Â»[5] a rĂ©uni plus de 100 experts en arbres urbains et forĂȘts urbaines, reprĂ©sentants 22 rĂ©gions d'Europe et 70 institutions. Ce groupe a de 1999 Ă  2001 enquĂȘtĂ© sur les pratiques actuelles de plantation dans les villes europĂ©ennes (surfaces, zones, essences, pratiques de suivi et Ă©valuation, facteurs d'Ă©chec
) pour 17 pays, avec parmi les rĂ©sultats :

  • Un nombre d'arbres de rue par personne trĂšs variable, allant de 50 Ă  80 arbres de rue pour 1 000 habitants en Europe centrale, jusqu'Ă  seulement 20 arbres pour 1 000 habitants Ă  Nice ;
  • Souvent, ce sont les mĂȘmes quelques espĂšces qui sont plantĂ©es partout, « ce qui devrait susciter des inquiĂ©tudes, car la diversitĂ© des essences est considĂ©rĂ©e comme un facteur important dans l'augmentation de la rĂ©silience de la population urbaine d'arbres aux stress abiotiques et biotiques » ;
  • La plantation d'arbres de rue de plus de 20-30 cm de circonfĂ©rence, se fait de plus en plus souvent avec les racines en terre dans une motte enveloppĂ©e de toile de jute enveloppĂ©e, mais quelques pays utilisent encore des plants Ă  racines nues et des arbres beaucoup plus petits (moins de 12 cm de circonfĂ©rence) ;
  • Chaque plantation coĂ»te de moins de 200 euros Ă  plus de 1 500 euros par arbre ;
  • Des sols pauvres, tassĂ©s et/ou dĂ©gradĂ©s, et le creusement frĂ©quent de tranchĂ©es (pour les rĂ©seaux) sont considĂ©rĂ©s comme rĂ©duisant l'espĂ©rance de vie des arbres sains ;
  • Le vandalisme affecte jusqu'Ă  30 % des arbres nouvellement plantĂ©s dans les rues dans certaines villes et villages ;
  • Les pratiques de gestion varient beaucoup selon les villes.

En France

Taux de boisement (forĂȘts) pour quelques grandes unitĂ©s urbaines de France (plus de 500 000 habitants) et de leur zone d’extension (mĂȘme zone + ceinture de 10 km, distance choisie parce qu'en 2005, les Français des unitĂ©s urbaines se disaient prĂȘts Ă  faire 10,5 km en moyenne pour aller se promener en forĂȘt), selon l'IFN et l'INSEE, 2006[6]

Projets locaux depuis 2000-2005

En 2006, l'IFN a croisĂ© ses donnĂ©es avec celles du recensement de la population (Insee) pour calculer le taux de forĂȘts sous influence urbaine (forĂȘts susceptibles de subir plus de dĂ©rangement pour la faune, mais aussi susceptibles de rendre des services amĂ©nitaires supplĂ©mentaires pour les personnes).
En France, un cinquiĂšme du total des forĂȘts regroupe 114 unitĂ©s urbaines de plus de 50 000 habitants et leurs zones d’influence, soit 3,3 millions d’hectares boisĂ©s. Selon l'IFN, vers 2005, « Une part non nĂ©gligeable de la superficie de ces unitĂ©s urbaines est couverte par la forĂȘt (21 %) et en moyenne chacun de leurs habitants dispose d’environ 200 m2 de forĂȘt » — ici est cartographiĂ©e comme forĂȘt par l'IFN toute surface de plus de 70 m de cĂŽtĂ© « ayant un couvert d’arbres forestiers supĂ©rieur Ă  10 % au moment de l’observation, ou pouvant atteindre ce seuil (dont jeunes plantations ou jeunes reboisements) et coupes rases en rĂ©gĂ©nĂ©ration ou zones rĂ©cemment exploitĂ©es, incendiĂ©es ou accidentĂ©es. On est en zone d'influence dans un rayon de 10 km autour des aires urbaines (car vers 2000-2005, les Français des unitĂ©s urbaines se disaient prĂȘts Ă  faire 10,5 km en moyenne pour aller se promener en forĂȘt[6]). »

En termes de surface, Paris, ou plus exactement l'unitĂ© urbaine parisienne est dans une situation moyenne (pour le pays), boisĂ©e sur 20,1 % de sa surface (dans la moyenne nationale) passant Ă  21,7 % pour sa zone d’extension, mais la densitĂ© de population est de loin plus Ă©levĂ©e que dans les autres rĂ©gions, ce qui laisse supposer une pression intense sur les milieux (forĂȘts fermĂ©es Ă  plus de 96 % (c'est-Ă -dire des milieux couverts d'arbres Ă  plus de 40 % prĂ©cise l'IFN)[6].

En juin 2019, la maire de Paris annonce la crĂ©ation de forĂȘts urbaines sur le parvis de l'HĂŽtel de ville, sur celui de la gare de Lyon, derriĂšre l’OpĂ©ra Garnier ainsi que sur les berges[7]. De mĂȘme, en septembre 2020, le prĂ©sident de Bordeaux MĂ©tropole annonce l'objectif de planter un million d'arbres et de « multiplier les microforĂȘts urbaines »[8]. À Lyon, le "Plan CanopĂ©e" (3000 arbres supplĂ©mentaires par an), adoptĂ© en dĂ©cembre 2017 par le Conseil de la MĂ©tropole, devrait augmenter de maniĂšre significative la couverture de la ville par les arbres et limiter les effets d’ülot de chaleur urbain[9]. Des actions ponctuelles sont en cours en 2020[10].

Diversification des essences

Afin de rĂ©aliser de telles forĂȘts urbaines, la diversification des essences apparait comme une nĂ©cessitĂ©. Par exemple, il apparait souhaitable, lors du lancement du Plan CanopĂ©e Ă  Lyon en 2017, d’atteindre un seuil de 10% d’une mĂȘme espĂšce, 15% d’un mĂȘme genre et 20% d’une mĂȘme famille. En 2018, pour la forĂȘt de La DuchĂšre, conçue par le botaniste Akira Miyawaki, le boisement prĂ©conisĂ© selon une dĂ©marche de gĂ©nie Ă©cologique, repose sur la sĂ©lection d’un grand nombre d’essences autochtones qui existaient avant l’intervention de l’homme sur le site de plantation, et sur la densitĂ© de plantation qui permettra l’émulation et la coopĂ©ration entre ces essences[11]. Dans le projet en cours en 2020 au parc de Parilly, le choix des espĂšces a Ă©tĂ© fait en prenant en compte le rĂ©chauffement climatique c’est-Ă -dire en imaginant le climat lyonnais beaucoup plus chaud, mais avec des hivers trĂšs froids. Les semis (200 graines sur chacune des quatorze espĂšces) se font avec des espĂšces mĂ©diterranĂ©ennes non gĂ©lives[12].

Valeur

Les habitants, les amĂ©nageurs, urbanistes et Ă©lus locaux accordent Ă  la forĂȘt urbaine une valeur environnementale (eau, air, sol, Ă©cosystĂšmes), paysagĂšre, sociale et parfois Ă©conomique (la productivitĂ© n'est pas ce qu'on y recherche, mais la prĂ©sence d'une forĂȘt urbaine fait nettement grimper la valeur fonciĂšre des zones voisines).

Certaines Ă©tudes laissent penser que la demande en forĂȘt urbaine prĂ©sente (aux États-Unis) une certaine Ă©lasticitĂ© dĂ©pendant du coĂ»t d'accĂšs Ă  ces forĂȘts et du revenu[13]. Aux États-Unis, une enquĂȘte a montrĂ© que les villes et gestionnaires de forĂȘts urbaines leur accordent aussi une valeur croissante de puits de carbone, Ă©ventuellement nĂ©gociable dans le cadre du marchĂ© du carbone[14].

En France, rien qu'en comptant les coĂ»ts de dĂ©placement liĂ©s aux visites rĂ©crĂ©atives, la valeur non marchande de la forĂȘt a Ă©tĂ© Ă©valuĂ©e par l'IFN en 2006 Ă  environ 2 milliards d'euros par an, chiffre dĂ©passant la valeur annuelle de la rĂ©colte de bois (environ 1,7 milliard d’euros)[6].

Dans certains contextes, l'arbre et la forĂȘt ont aussi une valeur paysagĂšre de cache visuel ou de tampon sonore, par exemple pour cacher une voie de transport, une usine, une carriĂšre, etc. avec une efficacitĂ© encore discutĂ©e : les premiĂšres Ă©tudes et expĂ©rimentations sur la propagation du son en forĂȘt datent des annĂ©es 1940[15] et n'ont jamais cessĂ©[16] - [17] - [18] - [19], en particulier pour prĂ©voir ou modĂ©liser la propagation des ondes sonores. Leurs rĂ©sultats parfois contradictoires montrent la complexitĂ© des problĂšmes physiques faisant intervenir le sol et le relief, l'hygromĂ©trie et le vent, l'effet de diffusion des feuillages, troncs et branches (et donc leur densitĂ©), et la variĂ©tĂ© des contextes (saison, mĂ©tĂ©o et type de forĂȘt)[20].

Difficultés et problÚmes spécifiques

La santĂ© des arbres urbains est affectĂ©e par diffĂ©rentes sources de stress : la dĂ©position chronique d'une partie de la pollution de l'air, de l'eau et des sols, et l'exposition Ă  l'ozone urbain ; le dĂ©rangement et l'appauvrissement de la faune ; la vulnĂ©rabilitĂ© aux espĂšces exotiques (dont invasives) [21], Ă  l'eutrophisation et Ă  la surprĂ©dation (par les chiens et chats notamment), avec des effets-lisiĂšre importants ; la pression d'activitĂ©s humaines et due Ă  la frĂ©quentation (surfrĂ©quentation parfois), sur les sols notamment ; ou encore la prĂ©sence d'un micro-climat plus dĂ©shydratant. Les sols peuvent Ă©galement perdre leurs horizons naturels[22], souvent polluĂ©s et anormalement tassĂ©s voire franchement anoxiques. Ils sont riches en gravats et autres matĂ©riaux artificiels de remplissage, souvent excessivement pierreux et Ă  texture grossiĂšre. À leur dĂ©gradation structurale s'ajoute une perte de porositĂ© (et par suite de capacitĂ© d'aĂ©ration, de drainage, de stockage de l'humiditĂ©, dĂ©favorable Ă  la bonne santĂ© des racines. L'abondance de dĂ©chets de chaux, ciment et plĂątre augmente le taux de carbonate en produisant un pH alcalin qui limite la circulation et biodisponibilitĂ© des mĂ©taux lourds mais prive les plantes de certains micronutriments ou favorise une carence en phosphore, en matiĂšre organique et parfois en azote (sauf aux pieds d'arbres ou inversement, des excĂšs de nitrates sont frĂ©quents).

Les forĂȘts urbaines sont Ă©galement victimes de la pollution routiĂšre (plomb, avec augmentation prĂ©occupante de nouveaux polluants perdus par les pots d'Ă©chappement catalysĂ©s, qui perdent des mĂ©taux du groupe du platine), de la pollution lumineuse pouvant affecter la pĂ©riphĂ©rie et parfois l'intĂ©rieur des boisements urbains, et plus encore les alignements d'arbres en pleine ville, des chantiers et terrassements plus frĂ©quents en ville affectant les systĂšmes racinaires, et des vĂ©hicules qui abĂźment frĂ©quemment l'Ă©corce des arbres. Par ailleurs, les villes sont souvent des zones qui ont Ă©tĂ© drainĂ©es, et leur impermĂ©abilisation a perturbĂ© le cycle local de l'eau amplifiant les effets des alĂ©as climatiques. Enfin, les arbres urbains situĂ©s dans des zones Ă  risque d'incendie (risque qui semble devoir croĂźtre avec le dĂ©rĂšglement climatique et la consommation agricole d'eau dans plusieurs rĂ©gions du monde) sont Ă©galement menacĂ©s.

Ceci explique que les arbres urbains sont plus souvent victimes de certains parasites et de certaines maladies qui peuvent diminuer leur espérance de vie.

Pour ces raisons, la forĂȘt urbaine ou pĂ©riurbaine nĂ©cessite des prĂ©cautions et des modes de gestion adaptĂ©s [23].

En 2022, une Ă©tude de 3 129 espĂšces d'arbres et d'arbustes dans 164 villes de 78 pays montre que 56 % de ces espĂšces sont soumises Ă  des tempĂ©ratures excessives dans au moins une ville et 65 % Ă  des prĂ©cipitations insuffisantes ou excessives, 17 % et 25 % Ă©tant en situation de risque de disparition pour ces raisons. Dans certaines villes comme Barcelone, Niamey et Singapour, toutes les espĂšces prĂ©sentes sont menacĂ©es. Les projections pour 2050 sont particuliĂšrement inquiĂ©tantes[24].

Gestion, conservation et restauration

On a montrĂ© dans des pays ou zones oĂč l'urbanisation est relativement rĂ©cente (en Californie et au Nevada par exemple, Ă  partir de l'analyse de la structure et de la qualitĂ© Ă©cologique de 118 parcelles situĂ©es le long d'un gradient allant de la forĂȘt au centre-ville) que les vestiges des forĂȘts indigĂšnes, malgrĂ© la perte d'intĂ©gritĂ© Ă©cologique de la forĂȘt antĂ©rieure, contribuent encore de maniĂšre significative au maintien des espĂšces indigĂšnes dans les paysages urbanisĂ©s, et que leur conservation joue un rĂŽle important dans la protection des Ă©cosystĂšmes forestiers indigĂšnes.

Leur conservation nĂ©cessite d'amĂ©liorer les pratiques de planification, de conception, de mise en Ɠuvre et d’entretien. Une limite majeure dans la recherche sur les paysages urbains est le manque d'accessibilitĂ© aux arbres des propriĂ©tĂ©s privĂ©s. Or, ils reprĂ©sentent une grande partie des espaces verts urbains. Les Ă©cologistes ne sont souvent pas prĂ©parĂ©s Ă  cet obstacle et ils excluent donc souvent les terres privĂ©es des Ă©tudes empiriques[25].

De nombreuses grandes villes ont un service consacré aux arbres, au sein du service espaces verts.

Alors qu'au XIXe siĂšcle, les parcs urbains Ă©taient surtout plantĂ©s d'espĂšces exotiques, pour leur intĂ©rĂȘt paysager, avec une gestion trĂšs artificielle des espaces fleuris, de gazons et de l'eau, depuis peu, on tend Ă  appliquer Ă  ces forĂȘts les principes de l'Ă©cologie du paysage et de la gestion diffĂ©renciĂ©e, en cherchant de plus en plus Ă  les intĂ©grer dans une trame verte (ou rĂ©seau Ă©cologique).

Par ailleurs, il est difficile de trouver du foncier disponible et peu fragmentĂ© alors que la dĂ©mographie urbaine est presque partout exponentiellement croissante depuis plus d'un siĂšcle. Cet obstacle concerne par exemple la ville et la communautĂ© urbaine de Nantes, qui veulent planter ou laisser pousser, dans le cadre de la trame verte locale (coulĂ©es vertes et corridors Ă©cologiques[26]), 1 500 hectares de « forĂȘt urbaine » en huit Ă  dix ans[27].

Dimension Ă©conomique

L'objectif premier de ces forĂȘts n'est pas la production de bois, mais on peut leur attribuer une valeur amĂ©nitaire Ă©levĂ©e, comme l'indique le prix du foncier autour de ces boisements. De plus, certaines forĂȘts, comme la forĂȘt de Zurich, sont gĂ©rĂ©es de maniĂšre qu'en cas de nĂ©cessitĂ© (crise pĂ©troliĂšre ou gaziĂšre, guerre..), elles puissent nĂ©anmoins ĂȘtre un jour exploitĂ©es pour leur bois.

SĂ©questration de carbone

Dans une approche de type empreinte Ă©cologique ou « remboursement d'une dette Ă©cologique Â», la forĂȘt urbaine peut logiquement contribuer Ă  la compensation locale et directe de certaines Ă©missions de CO2 (ou Ă©quivalentes).

  • À titre d'exemple, une Ă©tude[28] visant Ă  quantifier le stockage du carbone et la sĂ©questration du carbone par certaines forĂȘts urbaines de la ville relativement industrielle de Hangzhou (Chine). Les donnĂ©es d'inventaire des forĂȘts urbaines, via des Ă©quations basĂ©es sur le volume de biomasse, et le calcul de l'accroissement annuel et via une modĂ©lisation de la productivitĂ© primaire nette (PPN), des estimations de carbone stockĂ© ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es. Le carbone total stockĂ© par les forĂȘts urbaines de Hangzhou a ainsi Ă©tĂ© estimĂ©e Ă  11,74 TgC/an (soit environ 30,25 tonnes de carbone par hectare en moyenne). La sĂ©questration du carbone par les forĂȘts urbaines Ă©tait de 1 328 166,55 t/an, soit une sĂ©questration de 1,66 tonne de carbone par hectare et par an. Or les Ă©missions industrielles de CO2 Ă©taient pour Hangzhou de TgC/an. Dans ce cas, les forĂȘts urbaines semblent avoir sĂ©questrĂ© annuellement 18,57 % de la quantitĂ© de carbone Ă©mise par la combustion d'Ă©nergies fossiles par l'industrie locale, en stockant l'Ă©quivalent de 1,75 fois la quantitĂ© annuelle de carbone Ă©mise par les utilisations industrielles de la ville. Ce taux de carbone sĂ©questrĂ© pourrait encore ĂȘtre amĂ©liorĂ© par des pratiques de gestion adaptĂ©es.
  • Une autre Ă©tude[29] a conclu qu'Ă  Shenyang, ville trĂšs industrialisĂ©e du nord de la Chine (province du Liaoning), 101 km2 de forĂȘt urbaine (5,76 millions d'arbres) stockaient environ 337 000 tonnes de carbone par an (pour une valeur estimĂ©e de 13,88 millions de dollars), avec un taux de sĂ©questration du carbone de 29 000 t/an (Ă©quivalent Ă  1,19 million de dollars et 3,02 % des Ă©missions annuelles de carbone provenant de la combustion de combustibles fossiles de la ville) . La sĂ©questration du carbone pourrait dans ce cas compenser 0,26 % des Ă©missions annuelles de carbone de la ville, ce qui reste modeste ; mais l'Ă©tude a aussi montrĂ© que les essences, le sol, la composition en espĂšces, la structure forestiĂšre et ses classes d'Ăąge influaient beaucoup sur le taux de sĂ©questration et que ce dernier pourrait ĂȘtre amĂ©liorĂ© par une gestion adaptĂ©e.
  • À Gainesville, en Floride[30], la forĂȘt urbaine Ă©tait plus dense, et stockait plus de carbone qu'Ă  Miami-Dade, en raison des conditions environnementales, mais aussi du mode d'urbanisation (3,4 % des Ă©missions de CO2 Ă©taient absorbĂ©s par la forĂȘt urbaine Ă  Gainesville et 1,8 % Ă  Miami-Dade). La sĂ©questration du CO2 par ces arbres Ă©tait cependant pour les annĂ©es 2010 comparable aux rĂ©sultats des politiques existantes de rĂ©duction de CO2[30].
  • Selon les donnĂ©es du DĂ©partement des forĂȘts de l'USDA [31] pour dix grandes villes des États-Unis et pour le couvert forestier nord amĂ©ricain, les arbres urbains des États-Unis stockeraient actuellement aux États-Unis environ 700 millions de tonnes de carbone. En moyenne, ce stockage de carbone a Ă©tĂ© estimĂ© aux États-Unis (pour le dĂ©but des annĂ©es 2000) Ă  25,1 tonnes de carbone par hectare (comparativement Ă  53,5 tC/ha dans les peuplements forestiers).

MĂȘme quand les rĂ©sultats sont modestes, au regard d'objectifs Ă  long terme, des multiples services Ă©cosystĂ©miques rendus par les boisements, des coĂ»ts, des besoins communautaires, la prĂ©servation des forĂȘts existantes doit ĂȘtre reconsidĂ©rĂ©e en intĂ©grant leur valeur pour l'adaptation au changement climatique et la lutte contre le dĂ©rĂšglement climatique et pour la restauration ou conservation d'autres services Ă©cosystĂ©miques[30] - [32], dont l'amĂ©lioration de la qualitĂ© de l'air[33] ou la dĂ©pollution de certains sols[34].

IntĂ©rĂȘt scientifique

Les forĂȘts urbaines sont souvent surfrĂ©quentĂ©es et insularisĂ©es, parfois touchĂ©es par des invasions biologiques, mais elles sont Ă©galement moins soumises Ă  la pression du bĂ»cheronnage et aux impacts du drainage agricole, des engrais et pesticides agricoles ou de la chasse. Elles peuvent donc servir de modĂšles pour Ă©tudier les effets de ces phĂ©nomĂšnes.

Akira Miyawaki a montrĂ© au Japon que certains parcs anciens ont une valeur en termes de conservatoire de ressources gĂ©nĂ©tiques, y compris pour les espĂšces autochtones qui en forĂȘt ont pu ĂȘtre remplacĂ©es par des variĂ©tĂ©s jugĂ©es plus productives ou intĂ©ressantes Ă  certaines Ă©poques.

De plus, en raison de leur contexte plus urbain et parfois industriel, elles ont Ă©tĂ© exposĂ©s plus que les forĂȘts non urbaines Ă  des tempĂ©ratures ambiantes plus Ă©levĂ©es (cf. bulle de chaleur urbaine). D'autre part, les dĂ©pĂŽts de dioxyde de carbone, de monoxyde de carbone, d'azote et parfois d'ozone y ont Ă©tĂ© plus importants, et plus prĂ©coces qu'ailleurs (ces forĂȘts y sont exposĂ©es depuis plusieurs dĂ©cennies)[35]. Pour ces raisons, la « courbe de rĂ©ponse » face au dĂ©rĂšglement climatique et aux changements globaux de ces forĂȘts urbaines ou pĂ©riurbaines peut ĂȘtre en avance de plusieurs dĂ©cennies par rapport aux autres forĂȘts des mĂȘmes rĂ©gions[35].

Des biologistes ont estimĂ© que l'Ă©tude de vestiges de forĂȘts ou de boisements plus rĂ©cemment constituĂ©s, le long de gradients d'urbanisation (du plus urbain au forestier en passant par le rural) dans diffĂ©rents contextes biogĂ©ographiques pourrait fournir des informations intĂ©ressantes sur les impacts subis par ces forĂȘts[36] - [37] et sur les rĂ©ponses actuelles et Ă  venir des forĂȘts Ă  certains facteurs en cause dans les changements globaux, ainsi que sur leurs capacitĂ©s de rĂ©silience face Ă  certains changements[35]. À condition de minimiser les artefacts induits par la faible taille, l'insularisation, l'entretien, et la surfrĂ©quentation de ces massifs intra ou pĂ©riurbains, l'Ă©tude de ces forĂȘts le long de gradients urbain-rural pourrait aider Ă  faire de meilleurs prĂ©dictions sur l'Ă©volution des Ă©cosystĂšmes forestiers aux Ă©chelles locales[35].

On a ainsi montrĂ© en AmĂ©rique du Nord que les taux de prĂ©lĂšvement par oiseaux prĂ©dateurs, chats ou autres animaux sur les graines et sur les Ɠufs dans les nids d'oiseaux (naturels ou artificiels) variaient fortement selon l'« effet lisiĂšre » du milieu considĂ©rĂ© et le long du gradient existant (des paysages ruraux aux boisements urbains), avec un maximum de prĂ©dation dans les banlieues oĂč les taux de disparition de ces propagules Ă©taient les plus Ă©levĂ©s (86 % des Ɠufs perdus chaque jour et 95 % des graines non retrouvĂ©es), plus que dans les sites urbains (Ɠufs, 64 % ; graines, 88 %)[38]. Le fait que les boisements urbains soient entretenus semble avoir une importance dans ce phĂ©nomĂšne : Ainsi, au sol, les graines exposĂ©es et les Ɠufs ont souffert des taux de prĂ©lĂšvements plus importants que les graines ou Ɠufs couverts par la litiĂšre de feuilles[38] (lĂ  oĂč elle n'avait pas Ă©tĂ© enlevĂ©e par les jardiniers). Cependant, certaines graines non retrouvĂ©es peuvent avoir Ă©tĂ© emportĂ©es par des animaux (des fourmis aux oiseaux en passant par les Ă©cureuils) qui les ont enterrĂ©es pour en faire provision, ce qui n'empĂȘchera pas certaines d'entre elles de germer. En revanche, la disparition d'un Ɠuf du nid, mĂȘme si l'Ɠuf n'est pas mangĂ©, ne laisse aucune chance de survie Ă  l'embryon qu'il contient.

La littĂ©rature scientifique suggĂšre que les taux de prĂ©dation des Ɠufs sont extrĂȘmement Ă©levĂ©s dans les villes et semble-t-il plus encore en banlieue, avant de rapidement chuter quand on s'Ă©loigne des villes[38]. Dans les boisements, la prĂ©dation sur les Ɠufs est toujours plus Ă©levĂ©e sur les lisiĂšres. Ainsi, de petits boisements urbains pourraient jouer un rĂŽle de piĂšge Ă©cologique pour certaines espĂšces.

Voir aussi

Notes et références

  1. Olivier Ortega (dir. et 29 intervenants), Fabriquer la ville durable : Mise en Ɠuvre technique, juridique et financiùre, , 248 p., 24 cm (ISBN 978-2-281-13413-1), p. 115
  2. Tree cities of the world, consulté le 12 février 2020
  3. Tree Cities of the World ; Celebrating greener cities worldwide, FAO, consulté le 12 février 2020
  4. Des arbres dans la ville : vers une foresterie urbaine durable (FAO), ONU Info
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  6. Étude rĂ©alisĂ©e par le Laboratoire d’économie forestiĂšre, 2002, citĂ©e par l'IFN.
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