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PĂ©riurbanisation

La périurbanisation désigne le processus d'extension des agglomérations urbaines, dans leur périphérie, entraînant une transformation des espaces ruraux[1]. Elle est liée à l'arrivée d'une part de nouveaux habitants, dont une partie quitte les centres des agglomérations pour s'installer en périphérie, et d'autre part d'activités consommatrices d'espace (grandes surfaces, infrastructures de transport). La périurbanisation peut prendre appui sur les noyaux habités préexistants (villages, bourgs) et sur les grands axes de communication qui relient ces espaces aux espaces urbains initiaux[2]. La périurbanisation commença à partir de la fin des années 1960 et du début des années 1970, dans des espaces qualifiés de ruraux. Phénomène relatif, aléatoire et mouvant[3], la périurbanisation recouvre plusieurs réalités. La périurbanisation avant d'être une définition statistique[4] pouvait être une description de l'étalement urbain[5].

La périurbanisation accélérée des capitales (ici Stockholm, banlieue de Viksjö) se fait au détriment des espaces naturels et agricoles périphériques (février 2007).
La ville de Londres a connu un phĂ©nomène d'Ă©talement urbain particulièrement important (la photo couvre 39,5 Ă— 55,3 km), qui explique l'empreinte Ă©cologique Ă©levĂ©e de cette conurbation.

C'est la conséquence à la fois d'un « désir de campagne » et de la disponibilité de l'automobile conjuguée à l'amélioration des moyens et des voies de communication, c’est-à-dire des facteurs de localisation. La périurbanisation peut parfois être accompagnée d'une « dédensification » de la ville-centre (phénomène des villes en déclin ou « shrinking cities » en anglais[6]), quand il y a fuite des habitants du centre vers les communes périphériques (moindre coût du foncier et des locations, cadre de vie, ou sécurité jugée plus élevée parfois). La périurbanisation peut également être liée dans les pays du Sud à l'impossibilité d'accéder à la ville, et donc au report de l'exode rural aux périphéries des villes[7].

En définitive, c'est surtout un processus d'extension spatiale de la ville et donc de perte de milieux naturels et/ou ruraux. Par exemple, en France en 2011 selon le ministère de l'écologie, une moyenne de 165 hectares de milieux naturels et terrains agricoles sont détruits chaque jour ; remplacés par des routes, des habitations, des zones d'activité[8].

Éléments de définition

Illustration des termes de « ville-centre », « banlieue », « couronne périurbaine », « unité urbaine » et « aire urbaine » d'après l’INSEE.

En France, l'INSEE appréhende le processus de périurbanisation au travers de la notion statistique d’aire urbaine et de « couronne périurbaine » (somme des communes d'une aire urbaine, à l’exclusion de son pôle urbain).

La périurbanisation a pour conséquences :

  • un apport très important de population active en milieu rural ;
  • l'implantation d'un nouveau mode de vie en milieu initialement rural ;
  • la modification des paysages ;
  • mise en dĂ©sĂ©quilibre par impermĂ©abilisation des sols[9] des dispositifs rĂ©gulateurs naturels d'intempĂ©ries pour la fonte rapide de neige, la pluie abondante[10] ;
  • des conflits entre les activitĂ©s agricoles et les urbains ;
  • des conflits de type sociologique entre les anciens ruraux et les rurbains ;
  • la dynamisation d'espaces ruraux accessibles en durĂ©e de trajet depuis les villes ;
  • la redynamisation d'espaces ruraux très Ă©loignĂ©s et restĂ©s campagnards traditionnels ;
  • l'intensification du phĂ©nomène de dĂ©placement pendulaire.

Elle peut par ailleurs contribuer à la paupérisation de certains quartiers urbains - départ des classes moyennes - et participer ainsi au renforcement des disparités spatiales et sociales au sein des agglomérations.

La périurbanisation fait référence à l'expansion du bâti autour des villes, alors que la rurbanisation fait davantage allusion à l'importation en zone rurale des modes de vie et références culturelles des sociétés urbaines.

PĂ©riurbanisation en Europe

L'Europe est un des continents les plus urbanisés au monde. Plus du quart de la surface de l'Union européenne est en 2007 affecté par l'expansion urbaine[11].

PĂ©riurbanisation en France

Une première vague de construction de pavillons de banlieue a été ici suivie d'une seconde vague de construction, cette fois de grands immeubles (Vanves non loin du Boulevard périphérique sud de Paris, mars 2016).

Histoire

Dans les années 1970, le Premier ministre Raymond Barre « [réoriente] la politique d'aide à la pierre des grands ensembles vers l'accession à la propriété et la construction de lotissements. C'est l'apparition des maisons Phénix et Bouygues » rappelle le politologue Jérôme Fourquet. L'influence des séries américaines, qui promeut le pavillon individuel avec jardin, joue aussi. Les communes rurales allouent des terrains, ne souhaitant pas voir baisser les revenus liés à la taxe d'habitation ni connaître la fermeture d'établissements scolaires. « Compte tenu du succès de ce modèle, il a fallu construire de plus en plus loin. Et on a créé un public de périurbains ultra-dépendants de la voiture », poursuit-il. En 2021, 56 % du parc français est constitué de maisons et 58 % des propriétaires le sont de maisons, constat qui concerne quasiment toutes les classes sociales, à la recherche de calme, d'espace et de verdure. Cette tendance s'accentue dans le contexte des confinements liés à la pandémie de Covid-19, malgré un discours gouvernemental tendant alors à privilégier l'habitat collectif et à relancer les centres-villes. La ministre du Logement Emmanuelle Wargon critique ainsi en 2021 le « modèle de l'urbanisme des années 1960 et 1970 qui a fait se multiplier, en périphérie des villes un peu partout en France, des lotissements », qui participe à l'artificialisation des sols[12].

Éléments statistiques

  • De 1960 Ă  2010 2,5 millions d'hectares ont Ă©tĂ© « mangĂ©s » par la pĂ©riurbanisation[13].
  • Dans les annĂ©es 1990, c'est en France l'espace pĂ©riurbain (dans un foncier moins cher qu'en ville, mais plus cher qu'en milieu rural Ă©loignĂ©) qui accueille l'essentiel de la croissance dĂ©mographique[14]. Et, selon le CREDOC le dynamisme migratoire pĂ©riurbain (et des pĂ´les ruraux) se fait au dĂ©triment des grands pĂ´les urbains[15]. En moins de 10 ans, de 1990 Ă  1999, la population française a grandi de 2,5 % dans les villes, 8 % dans l’espace pĂ©riurbain et de 0,6 % dans les espaces ruraux avec un fort impact sur le paysage pĂ©riurbain[16].
  • Vers 2006, selon l'IFEN, environ 60 000 hectares de terres naturelles ou agricoles disparaissent chaque annĂ©e en France sous l'effet de l'urbanisation[17].
  • En 2007, il faut 507 logements pour loger 1 000 habitants, alors que 323 suffisaient en 1968[18]. Environ 50 % des urbains sont concentrĂ©s dans les zones pĂ©riurbaines[19], contribuant Ă  l'artificialisation des sols.
  • En 2017 après un ralentissement (qui semble plus liĂ© Ă  la crise de 2008 qu'aux incitations Ă  moins urbaniser) les SAFER alertent sur le fait que l'urbanisation des terres « repart Ă  la hausse pour atteindre 30 000 hectares/an en 2016 (…) En France, le marchĂ© de l'artificialisation a Ă©tĂ© divisĂ© par deux entre 2007 et 2014. Mais, depuis 2015, il repart Ă  la hausse »[13]. En 2016, le nombre de vente des terrains vendus pour ĂŞtre artificialisĂ©s a bondi de 22 %, pour une surface correspondante de + 24 %, ce qui traduit une artificialisation probable de 50 000 Ă  60 000 ha/an comme au dĂ©but des annĂ©es 2000 soit selon la fĂ©dĂ©ration des SAFER la perte d'une surface agricole ou boisĂ©e correspondant Ă  la taille d'un dĂ©partement tous les 5 Ă  6 ans[13]. De plus, parce que les villes se sont souvent installĂ© au cĹ“ur de rĂ©gions fertiles, la pĂ©riurbanisation consomme souvent les terres les meilleures prĂ©cise Robert Levesque (auteur du rapport qui montre que 2,5 millions d'hectares ont Ă©tĂ© mangĂ©s par la pĂ©riurbanisation de 1960 Ă  2010 et qu'autant pourraient encore ĂŞtre perdu de 2016 Ă  2060, soit 8 Ă  9 % de surface agricole en moins… alors que la demande en biomasse agricole croĂ®t et que la montĂ©e des ocĂ©ans pourrait Ă  moyen terme ĂŞtre source de pertes de sols cultivables)[13].

Intensité de la périurbanisation

L'intensitĂ© du phĂ©nomène varie selon la taille des agglomĂ©rations : la part des emplois occupĂ©s par un actif pĂ©riurbain est plus importante dans les petites agglomĂ©rations que dans les grandes villes françaises. Ainsi, 12 % des emplois de l'agglomĂ©ration parisienne sont occupĂ©s par des pĂ©riurbains ; Ă  Lyon, Lille, Toulouse, Bordeaux, Marseille ou Nantes ce chiffre se situe aux alentours de 25 % et mĂŞme 40 % Ă  Rennes[20] ; enfin, l'intensitĂ© de la pĂ©riurbanisation dĂ©passe 65 % dans les petites agglomĂ©rations de Senlis, Sarreguemines ou Landerneau[21]. Toutefois, malgrĂ© une intensitĂ© relative qui dĂ©croĂ®t avec la taille de l'agglomĂ©ration, ce sont bien les grandes agglomĂ©rations qui attirent le plus grand nombre d'actifs pĂ©riurbains : en 2007, 615 000 pĂ©riurbains travaillent dans l’agglomĂ©ration parisienne et plus de 100 000 dans les agglomĂ©rations de Lyon, Lille, Marseille ou Toulouse[21].

Particularités rurales

Trois cas semblent se dessiner :

  1. les zones proches de grands centres urbains et de bassins d'emplois importants, facilement accessibles par des autoroutes ou voies rapides et en transports en commun sont les zones les plus concernées par la périurbanisation. Exemple : Saint-Gély-du-Fesc, Les Fourgs. Les villages sont alors privilégiés par les jeunes couples, qui y trouvent un coût du foncier plus accessible que dans le centre ;
  2. les zones rurales isolées ne sont pas concernées par la périurbanisation ; elles souffrent d'un isolement géographique ou topologique associé à une rentabilité économique des sols faible : dans les Baronnies, depuis la chute de l'activité agricole, les difficultés de communication ont empêché le renouveau des villages. Ces zones sont largement délaissées et gagnées par une importante déprise agricole et un vieillissement des infrastructures ;
  3. les zones rurales dynamiques et éloignées des grands centres urbains ne sont pas concernées par la périurbanisation, mais bénéficient cependant d'une croissance démographique propre : elles tirent leurs ressources du tourisme, des résidences secondaires, du retour des retraités, d'une agriculture dynamique et d'une présence de l'industrie agro-alimentaire. C'est par exemple le cas de la vallée de la Durance dans les Hautes-Alpes. L'arrivée de l'irrigation a permis de développer les cultures fruitières. La population des villages concernés (Lazer, Ventavon, Le Poët) a doublé en trente ans.

Densification

Plusieurs lois d'aménagement du territoire prennent acte des effets négatifs de la périurbanisation et de l'étalement urbain : LOADT, LOADDT, loi SRU, lois Grenelle, loi ALUR[22]… Les programmes de densification consistent à limiter l'étalement par la construction de nouveaux logements dans les noyaux villageois déjà existants. Ils peuvent se heurter dans certains cas aux réactions des habitants qui craignent la perte de l'« identité villageoise » de leur commune[22].

MĂ©canisme

Facteur politique

Outre des politiques d'encouragement de la natalité qui ont abouti au babyboom[23] - [24] et des politiques de santé publique qui ont allongé l'espérance de vie humaine[25], quatre facteurs au moins semblent avoir favorisé la périurbanisation :

  • les politiques souvent concurrentielles d'attractivitĂ© engagĂ©es par les villes et les agglomĂ©rations (qui cherchent ainsi Ă  augmenter leurs rentrĂ©es financières via les taxes), encouragĂ©es par des subventions rĂ©gionales et nationales,
  • les politiques agricoles qui ont favorisĂ© l'agriculture industrielle au dĂ©triment de l'emploi rural, encourageant l'intensification et donc l'exode rural, sans outils pour freiner la rurbanisation[26] - [27],
  • les politiques routières qui ont favorisĂ© le « tout-voiture » et l'accès aux villes et la construction d'un tissu urbain lâche, desservi par les routes,
  • les politiques du logement favorisant un immobilier relativement bon marchĂ© en pĂ©riphĂ©rie de ville[28] et de zonage[29] : par exemple, en France, les politiques d'après-guerre (banlieues et HLM urbaines), puis le changement dans la politique du logement opĂ©rĂ© sous la prĂ©sidence de ValĂ©ry Giscard d'Estaing, au milieu des annĂ©es 1970 ont contribuĂ© Ă  ce phĂ©nomène ; la politique de construction de logements collectifs par l’État menĂ©e jusque-lĂ  a Ă©tĂ© remplacĂ©e par une politique d’aide Ă  l’accession Ă  la propriĂ©tĂ©, notamment par la bonification des taux d’intĂ©rĂŞt pour les particuliers. MalgrĂ© la mise en Ă©vidence dès les annĂ©es 1970 des dĂ©rives possibles, cette aide restera non zonĂ©e, attribuable partout en France et non typĂ©e, ne dĂ©pendant pas du type de construction. En augmentant la solvabilitĂ© des mĂ©nages les plus modestes, l’État subventionne directement la pĂ©riurbanisation.

Facteur immobilier

Lotissement périurbain, San José (Californie).

Face Ă  la hausse du prix de l’immobilier dans les centres-villes, les maisons individuelles, moins chères dans les espaces pĂ©riurbains, constituent un facteur dĂ©terminant dans la pĂ©riurbanisation. En effet, une analyse de l’impact du coĂ»t immobilier publiĂ© dans la revue Études foncières met en Ă©vidence le diffĂ©rentiel de prix (ou « gain immobilier ») pour un logement de 117 m2 dans diffĂ©rentes aires urbaines en France au fur et Ă  mesure qu’on s’éloigne de la commune-centre[30]. Cela est notamment vrai pour les moyennes et grandes agglomĂ©rations, dans lesquelles les prix dĂ©croissent le plus rapidement, et donc le diffĂ©rentiel de prix est plus Ă©levĂ©[31].

Une distinction est importante à noter. Lors de la construction d’un logement, les dépenses sont de deux ordres : les coûts de construction, qui restent généralement stables dans le temps et dans l’espace, et les coûts d’acquisition du terrain que, en parallèle à la hausse des prix du marché immobilier, ont connu une forte hausse dans les vingt dernières années. C’est donc sur ce poste que s’effectue l’arbitrage financier entre coûts et distance : si dans un premier temps les terrains situés dans une première couronne autour des centres-villes étaient attractifs, c’est désormais dans une deuxième, voire une troisième, couronne que se situent les secteurs encore abordables. Les prix élevés des terrains en centre-ville peuvent s’expliquer par le décalage entre l’offre potentielle (terrains pouvant être construits) et l’offre effective (effectivement mis sur le marché) de ceux-ci. Nombreux auteurs ont mis en évidence l’inefficacité de la fiscalité afin de limiter la rétention foncière en ville. En effet, la fiscalité qui porte sur le foncier non-bâti est considérée contre-productive du fait de la faible imposition aux terrains urbains à bâtir, souvent catégorisés comme friches[32].

Cette logique d’arbitrage financier relève d’une analyse Ă©conomique Ă  court terme : souvent, les coĂ»ts sur le long terme d’habiter dans l’espace pĂ©riurbain ne sont pas pris en compte : la mobilitĂ© peut ainsi reprĂ©senter une bonne partie des revenus des mĂ©nages, Ă  travers l’achat et l’entretien de une ou plusieurs voitures notamment. La pĂ©riurbanisation peut ainsi s'expliquer par la conjecture de Zahavi.

Facteur commercial

Représentation de la part de surfaces commerciales dans les communes du Tarn.

Les recompositions économiques accompagnées par le mouvement résidentiel de périurbanisation sont indissociables des recompositions des paysages commerciaux, qui ont affecté les périphéries des villes. En effet, les dynamiques résidentielles à l'origine du phénomène de périurbanisation ont abouti à des systèmes concurrentiels entre le centre-ville et sa périphérie, les logiques internes à cet espace urbain étant recomposées par les migrations des populations. Dans le cas de nombreuses villes moyennes françaises, le départ progressif des individus les plus aisés du centre-ville vers la périphérie a occasionné un renversement du traditionnel modèle géographique centre-périphérie. Ainsi les périphéries urbaines récentes, accueillantes pour des populations à fort pouvoir d'achat, ont pu accueillir des centralités dont les centres-villes se sont délestés à mesure de leur paupérisation. C'est notamment depuis ce phénomène de périurbanisation que les zones commerciales et les supermarchés ont eu le succès qu'on leur connaît aujourd'hui[33].

La carte à droite représente par exemple ce phénomène dans le département du Tarn, à l'aide d'aplats de couleurs gradués allant de façon croissante vers le rouge si la part de surfaces commerciales contenue dans la commune est importante. Les trois communes les plus peuplées ne sont pas celles accueillant le plus de surfaces commerciales : ce sont au contraire les communes périphériques à ces trois villes qui sont les plus dotées.

Logique d'acteurs

Les limites entre urbain et rural se déplacent régulièrement, toujours au détriment du rural : la colline de Voméro, à Naples (Italie).

Ce phénomène se trouve par ailleurs renforcé par les politiques de différents acteurs. En effet, les municipalités, compétentes dans l’attribution des permis de construire, ont le rôle principal pour ce qui est de la dispersion des logements[34].

  • Dans un premier temps, l’ouverture Ă  la construction permet l’arrivĂ©e de nouveaux habitants et donc le maintien dans les communes rurales proches des villes de l’école, des commerces… De plus dans un contexte de crise agricole, la vente de terrains nouvellement constructibles par les agriculteurs leur permet de financer leur retraite.
  • Dans un deuxième temps, on observe une collusion entre anciens et nouveaux habitants qui ne souhaitent pas se retrouver Ă  terme en milieu urbain : c’est la fermeture des autorisations de construction qui, en diminuant l’offre, contribue Ă  la hausse des prix. Le phĂ©nomène se reporte ainsi de proche en proche mais de plus en plus loin des centres urbains.

Cette croissance résidentielle est partenaire d'une périurbanisation commerciale[35] Les logiques de répartition des commerces sont soumises au même contexte de concurrence et de conflictualité qui met en relation les communes, et les compétences des maires jouent un rôle certain dans la géographie commerciale des territoires périurbains. Ils disposent d'un droit de modification des PLU et doivent apporter leur signature sur toute demande de permis de construire, ce qui en fait des acteurs décisionnels majeurs de l'évolution du tissu résidentiel, mais aussi commercial de leur commune. Leur signature est, de plus, requise pour toute demande d’autorisation de la commission de sécurité préalable à toute ouverture d’établissement recevant du public (ERP). Ils disposent enfin d'une voix en Commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) qui compte pour un huitième des votants[36].

Impact environnemental

Insularisation (par encerclement) de la forêt de Kabacki par la banlieue de Varsovie (Pologne, février 2007).
Même si la forme urbaine, le relief, le climat et la planification urbaine et des transports jouent un rôle modérateur ou aggravant, l'étalement urbain favorise un usage plus intense de l'automobile, avec parmi ses effets connexes la pollution automobile.

La périurbanisation se traduit par une augmentation des prix du foncier et des pressions accrues sur l'environnement et les paysages (artificialisation, au détriment de la naturalité), voire par des conflits pour la ressource en eau.

La périurbanisation contribue à augmenter l'empreinte écologique d'une ville, de même que ses émissions de gaz à effet de serre et la pollution globale de l'air notamment en entraînant d'importantes migrations pendulaires (déplacement quotidien entre l'habitat du citadin et son lieu de travail, s'effectuant toujours aux mêmes horaires) ; comme plus généralement toute séparation du lieu de travail et du lieu d'habitation. Quand seule la circulation routière a été favorisée ou soutenue, la périurbanisation est source d'une importante augmentation de la consommation d'espace, de fragmentation éco-paysagère du territoire, d'énergie et de gaz à effet de serre. Elle contribue fortement à l'augmentation de l'empreinte écologique des zones concernées. Bien que plus riches en espaces verts privés, les zones périurbanisées pâtissent des pics d'ozone, parfois plus qu'en centre-ville d'où viennent les précurseurs photochimiques de l'ozone. La périurbanisation se fait souvent au détriment des reliques de milieux naturels périurbains et de l'agriculture (par exemple, autour de Paris, de 1979 à 2000, l'espace agricole a reculé de 18,4 %, et 50 % des exploitations agricoles et les 2/3 des exploitations spécialisées ont disparu, ce qui a motivé en 2008 un budget de 11 millions d’€ de la région Île-de-France pour ralentir la consommation d’espaces agricoles).

Des collectivités, dont la Wallonie depuis 2012[37], proposent des outils en ligne pour l'analyse environnementale urbaine (AEU) et/ou diagnostiquer conjointement les problèmes d'énergie et de périurbanisation, de l'échelle de la maison à celle du quartier ou du territoire[37].

Une étude sur la décarbonation de la mobilité dans les zones de moyenne densité de population, c'est-à-dire périurbaines proches, est publiée en 2020 par The Shift Project (TSP). Il en ressort qu'une politique volontariste permettrait de réduire de 60 à 70 % les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports, sur dix ans. Le vélo, à lui seul, contribuerait à réduire de 15 à 30 % ces émissions, suivi du covoiturage, des transports en commun, de la distribution optimisée des achats et du télétravail[38]. TSP prône également des actions telles que le « [refus de] tout nouveau projet d’infrastructure routière ou d’implantation commerciale en extrême périphérie »[39].

Lutte contre la périurbanisation

La lutte contre la pĂ©riurbanisation passe dans certains cas par le renouvellement urbain, la densification urbaine et le maintien des commerces en centre ville. D’ailleurs, certains auteurs voient dans le processus de gentrification, très critiquĂ© du fait de l’expulsion des couches plus populaires des centres-villes, un moyen de rĂ©duction de l’étalement urbain. La gentrification serait Ă  l’origine d’une revitalisation des cĹ“urs des aires urbaines qui deviennent donc des espaces dĂ©sirĂ©s par les classes les plus favorisĂ©es et concurrencent ainsi l’espace pĂ©riurbain[40]. Ce jugement est Ă  nuancer puisque la gentrification (et dans une moindre mesure la clubbisation (communes historiquement huppĂ©es engagĂ©es dans des « logiques de club »)[41] peut parfois concerner davantage les ceintures pĂ©riurbaines que les centres urbains[42].

Certaines ceintures vertes urbaines (comme la ceinture verte au-delĂ  de la rocade de Rennes) visent aussi Ă  contenir l'Ă©talement urbain. Entre les annĂ©es 1930 et 1950, la mĂ©tropole de Londres met en place ce type de dispositif (« green belt ») afin de contenir, en crĂ©ant une zone dans laquelle les nouvelles constructions ne seraient plus autorisĂ©es, l’expansion de la tâche urbaine. C'est aussi en France l'un des nombreux objectifs de la Trame verte et bleue française (TVB / SRCE)[8]. Parallèlement Ă  sa TVB, la RĂ©gion Nord-Pas-de-Calais a expĂ©rimentĂ© une directive rĂ©gionale d'amĂ©nagement visant Ă  lutter contre l'artificialisation du territoire par la pĂ©riurbanisation[43].

Un des outils les plus mobilisĂ©s pour la lutte contre la pĂ©riurbanisation est la rĂ©glementation. La « loi de 2005 sur les territoires ruraux » a en outre crĂ©Ă© une compĂ©tence dite « PPEANP » (« PĂ©rimètre de protection des espaces agricoles et naturels pĂ©riurbain »), permettant aux Conseils gĂ©nĂ©raux de crĂ©er des pĂ©rimètres d’intervention en zone pĂ©riurbaine pour protĂ©ger et mettre en valeur des espaces agricoles naturels et forestiers (en lien avec les communes ou les EPCI concernĂ©s et avec la chambre d'agriculture)[44]. Depuis, des Â« commissions dĂ©partementales de prĂ©servation des espaces naturels, agricoles et forestiers » doivent aussi apprĂ©cier l'existence d'effets nĂ©gatifs notables de certains projets[45] sur l'Ă©conomie agricole et le cas Ă©chĂ©ant Ă©valuer la nĂ©cessitĂ©, la pertinence et la proportionnalitĂ© de Â« mesures de compensation collective » selon une procĂ©dure cadrĂ©e par un dĂ©cret pris Ă  la suite de la loi d'avenir de 2014 qui a confiĂ© Ă  ces commission le soin de conseiller les prĂ©fets sur toute question relative Ă  la rĂ©duction des surfaces naturellesforestières et agricoles[46].

Or, la réglementation peut aussi lutter contre la périurbanisation en favorisant la densité. C’est le cas de la loi SCOT qui supprime ce qui pénalisait fiscalement la densité mais qui cherche aussi à lutter contre la rétention foncière en poussant les propriétaires de terrains constructibles à les « mettre sur le marché »[47]. Certains auteurs mobilisent aussi la fiscalité comme outil de lutte contre la périurbanisation avec comme objectif supprimer l’effet « gain immobilier » qui pousse les ménages à déménager en espace périurbain. Il s’agirait donc de mettre en place une taxe foncière supplémentaire, dans certains cas très élevée. Or, une telle taxe pourrait avoir comme conséquence d’amener encore plus loin ceux qui ne possèdent des moyens suffisants[48].

Nombreuses ont été les critiques à ces types d’outils réglementaires. Par exemple, la loi Grenelle II assigne aux acteurs publics locaux la « mission d’assurer un contrôle effectif de la consommation de l’espace naturel, agricole et forestier ». Cette mission n’est accomplie que si ces acteurs locaux s’engagent à ne pas autoriser l’urbanisation des zones naturelles[49]. La lutte contre la périurbanisation passerait donc avant tout à l’échelle locale. Les acteurs locaux sont censés mobiliser des outils des lois sectorielles (Loi d’Orientation Agricole de 2006 ou Loi relative au Développement des Territoires Ruraux de 2005 par exemple) ou de la région. Or, ces principes d’actions sont très souvent produits à l’échelle des pays ou de l’Union Européenne. La capacité à articuler différentes échelles d’action et différents cadres règlementaires serait donc clé dans la lutte contre la périurbanisation[50].

En 2017 Corinne Vezzoni[51] propose de renverser la logique réglementaire et de rendre tout le territoire français « inconstructible » sans pour autant vraiment interdire « du jour au lendemain » la construction, mais en imposant une justification de l'« utilité socio-économique » et du « bien-fondé écologique » de tout projet. « On peut construire d’une autre manière, sans accroître les surfaces constructibles au détriment des espaces naturels » estime-t-elle. Un « urbanisme de projet » serait alors encouragé, dont dur les friches commerciales qui se multiplient et en reconstruisant la ville sur elle-même[52].

Notes et références

  1. Lionel Rougé, « Notion à la une : périurbanisation », Géoconfluences,‎ (ISSN 2492-7775, lire en ligne)
  2. « Définition périurbanisation », sur geoconfluences.ens-lyon.fr
  3. EspacesTemps.net - L’au-delà des villes contre l’entre-deux des villes, Anne Bossé et Marc Dumont, 17 mai 2006
  4. « La croissance périurbaine depuis 45 ans - Insee Première - 1240 », sur insee.fr (consulté le )
  5. Lionel Rougé, « Notion en débat : périurbanisation », sur École normale supérieure de Lyon, Géoconfluences, (consulté le ).
  6. Daniel Florentin, « Notion à la une : shrinking city », Géoconfluences,‎ (ISSN 2492-7775, lire en ligne).
  7. Stéphanie Beucher, Magali Reghezza-Zitt, Annette Ciattoni, La Géographie : pourquoi, comment ?, Hatier, , p. 107.
  8. Communiqué AFP, [Trame verte et bleue : ne pas réduire le projet à des crapauducs ; Paris - Le comité national Trame verte et bleue], Romandie News, 18 octobre 2011
  9. Revêtement de voies, de parcelles bâties dans des bassins anciennement inondables (de friches et de prairies) provoquant l'effet chasse d'eau par drains puis canalisation des affluents. Voir Inondation
  10. Exemple : vallée de l'Orge.
  11. Étalement urbain en Europe, EEA Briefing/2006/04 (ISSN 1830-2289) [PDF]
  12. Stéphane Kovacs et Fabien Paillot, « Plongée dans la France des maisons individuelles », Le Figaro,‎ , p. 17 (lire en ligne).
  13. Bati-Actu (2017) L'urbanisation des territoires inquiète les aménageurs de l'espace rural, Avec AFP, publié 31/05/2017
  14. Brunet R., Ferras R. et Théry H., 1992, Les mots de la géographie. dictionnaire critique, Reclus - La Documentation Française, Paris, 518 p.
  15. Bigot R., Hatchuel G. et Berard I., 2001, Les Français et l'espace rural, CREDOC, Paris, 139 p.
  16. Antoine de Boismenu, 2004, La fin des paysages, Livre blanc pour une gestion ménagère de nos espaces ruraux, Fédération nationale des SAFER, Paris, 49 p.
  17. Alexandra Schwartzbrod, « La France plutôt moyenne en environnement », dans Libération du 17/10/2006, [lire en ligne]
  18. IFEN, 2007, MĂ©nages, la consommation d'espace par l'habitat
  19. Donadieu P., 1998, Campagnes urbaines, actes sud, Arles, 219 p.
  20. http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Revue_CGDD_etalement_urbain.pdf
  21. (en) Matthieu Drevelle, Global modelisation and local characteristics of French periurban spatial organization, 17th European Colloquium on Quantitative and Theoretical Geography, Athènes : Grèce (2011)
  22. Maryame Amarouche et Éric Charmes, « L’Ouest lyonnais et la lutte contre l’étalement urbain. Le "village densifié" comme compromis entre une politique nationale et des intérêts locaux », sur École normale supérieure de Lyon, Géoconfluences, (consulté le ).
  23. Le Jeannic, T. (1997). Trente ans de périurbanisation: extension et dilution des villes. Économie et statistique, 307(1), 21-41.
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  44. exemple : Fiche de présentation du premier PPEANP de la Région Ile de France
  45. Les projets concernés sont les travaux, ouvrages ou aménagements (publics et privés) qui sont soumis à une étude d'impact "de façon systématique", s'ils sont situés sur une zone agricole, forestière ou naturelle ou sur une zone à urbaniser, délimitée par un document d'urbanisme et affectée à une activité agricole depuis au moins trois ou cinq ans, selon les cas. Il faut aussi que la surface définitivement prélevée à l'agriculture (soit de 1 à 10 hectares, selon un seuil pouvant changer par département, fixé par arrêté préfectoral, et en l'absence d'arrêté, ce seuil est fixé à cinq hectares.
  46. Localstis (2016) Impact et compensation agricole des projets d'aménagement : le décret est paru Thème : Agriculture / Urbanisme, mis en ligne le 5 septembre 2016, consulté le 7 septembre 2016.
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  49. Charlotte Denizeau, « Le nouveau PLU issu de la loi Grenelle II : densifier, sans s’étaler ! », Métropolitiques,‎ (lire en ligne)
  50. Camille Clément et Patricia Abrantes, « Préserver les espaces agricoles périurbains face à l’étalement urbain. Une problématique locale ? », Norois,‎ (lire en ligne)
  51. lauréate du prix des Femmes Architectes 2015, récompensée de la légion d’honneur en mars 2017
  52. Anthony Laurent, « L'architecte Corinne Vezzoni veut rendre la France « inconstructible » », sur environnement-magazine.fr, (consulté le ). À l’heure où plusieurs grands projets d’aménagement doivent sortir de terre en France, l’architecte Corinne Vezzoni propose de rendre l’ensemble du territoire français « inconstructible ». Une solution, selon elle, pour lutter contre l’artificialisation des sols.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

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