AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Dynastie des ComnĂšnes

AprĂšs un net recul de ses frontiĂšres en Asie Mineure et la perte de ses possessions en Italie dans la deuxiĂšme moitiĂ© du XIe siĂšcle, l’Empire byzantin entreprit sous les ComnĂšnes une pĂ©riode de redressement continu bien qu’incomplet. Cinq empereurs (Alexis Ier, Jean II, Manuel Ier, Alexis II et Andronic Ier) tentĂšrent pendant 104 ans et par divers moyens de tenir tĂȘte aux noblesses terrienne et militaire, soit en favorisant des membres de leur propre famille (Alexis Ier), soit en faisant appel Ă  des conseillers de l’extĂ©rieur (Jean II), soit en privilĂ©giant l’une d’elles (Manuel Ier), soit en persĂ©cutant l’une et l’autre (Andronic 1er). La rĂ©forme du systĂšme monĂ©taire conduite par Alexis Ier permit de relancer la vie Ă©conomique et commerciale, mais cette derniĂšre fut contrariĂ©e par l’ascendant de plus en plus considĂ©rable que prirent les marchands vĂ©nitiens d’abord, gĂ©nois et pisans ensuite, Ă©tablis Ă  Constantinople. Sur le plan extĂ©rieur, les ComnĂšnes cherchĂšrent Ă  freiner l’avancĂ©e des Turcs en Anatolie tout en maintenant de bonnes relations avec eux pour avoir les mains libres dans la dĂ©licate conduite des relations avec les royaumes francs de Palestine et de Syrie et, Ă  travers eux, avec les puissances europĂ©ennes qui leur Ă©taient apparentĂ©es. Mais ce furent les Normands qui, aprĂšs s’ĂȘtre attaquĂ©s aux possessions byzantines du sud de l’Italie et s’ĂȘtre dirigĂ©s vers Constantinople, portĂšrent le coup de grĂące Ă  cette dynastie.

D’Isaac Comnùne à Alexis Ier Comnùne (1057 – 1081)

le khanat des TetchenĂšgues aux environs de l'an 1000
Le khanat des PetchenĂšgues aux environs de l'an 1000. Apparus au VIIIe siĂšcle dans l'empire khazar, ils s'installent au Xe siĂšcle au nord de la Caspienne. Vaincus par les Russes au XIe siĂšcle, ils tentent de s'installer au sud du Danube.

Lorsque l’impĂ©ratrice ThĂ©odora se trouva sur le point de mourir, la noblesse du palais la contraignit d’adopter un sĂ©nateur dĂ©jĂ  ĂągĂ©, simple et inoffensif, Michel le Stratiotique, pensant ainsi s’emparer du pouvoir effectif. Celui-ci fut proclamĂ© empereur sous le nom de Michel VI Bringas (1056-1057). Son rĂšgne ne dura qu’un an et dix jours pendant lesquels l’hostilitĂ© entre fonctionnaires et gĂ©nĂ©raux atteignit son paroxysme. Le , les troupes d’Asie se rĂ©voltĂšrent et proclamĂšrent empereur leur commandant, Isaac ComnĂšne. AprĂšs s’ĂȘtre ralliĂ© les troupes d’Europe, restĂ©es fidĂšles Ă  Michel VI, Isaac entra sans difficultĂ© Ă  Constantinople oĂč il entreprit de rĂ©former l’État en profondeur, se crĂ©ant des ennemis dans toutes les classes de la sociĂ©tĂ©. Pour remplir le trĂ©sor public, vidĂ© par Constantin IX Monomaque, il rĂ©voqua un grand nombre de concessions terriennes s’aliĂ©nant ainsi les grands propriĂ©taires. L’Église se dĂ©tourna de lui lorsqu’il entra en conflit avec le patriarche, Michel Ier CĂ©rulaire, qu’il fit arrĂȘter en 1059. Enfin, il se mit Ă  dos les hauts fonctionnaires et les sĂ©nateurs en rĂ©duisant drastiquement leurs salaires. Sentant Ă  quel point ses efforts Ă©taient vains, abandonnĂ© de tous et malade, l’empereur abdiqua et se retira dans un monastĂšre aprĂšs avoir choisi Constantin Doukas comme successeur. Le premier ComnĂšne n’avait pas rĂ©ussi Ă  fonder de dynastie[1].

L’arrivĂ©e d’Isaac ComnĂšne au pouvoir avait marquĂ© l’avĂšnement de la noblesse militaire de province. Celle de Constantin X Doukas (1059-1067) celle du retour de l’aristocratie urbaine et de la bureaucratie du palais. Les annĂ©es qui suivirent jusqu’à l’arrivĂ©e au pouvoir d’Alexis ComnĂšne furent remplies par la lutte incessante de ces deux classes, lutte qui affaiblit l’empire et facilita la tĂąche des nombreux envahisseurs qui se pressaient Ă  ses frontiĂšres, Turcs, PetchĂ©nĂšgues et Normands[2].

Ayant trouvĂ© la situation financiĂšre difficile Ă  son avĂšnement, Constantin X Doukas rĂ©duisit systĂ©matiquement les dĂ©penses militaires, rendant l’armĂ©e incapable de dĂ©fendre les frontiĂšres. À la fin de son rĂšgne et de celui de son successeur, Romain IV DiogĂšne (1068-1071), l’Ɠuvre de la dynastie macĂ©donienne Ă©tait ruinĂ©e.

Robert Guiscard fait duc par le pape Nicolas II
Robert Guiscard fait duc par le pape Nicolas II, d'aprĂšs la Nouvelle Chronique de Giovanni Villani.

À l’Ouest, les Normands, mercenaires venus du nord de l’Europe, menaçaient dĂ©jĂ  les possessions byzantines du sud de l’Italie. Élu en , le pape Nicolas II eut recours Ă  eux pour expulser de Rome l’antipape BenoĂźt X. En remerciement, le pape donna la principautĂ© de Capoue Ă  Richard Ier d'Aversa, et celle de Pouilles et de Calabre au Normand Robert Guiscard, lequel en prenant Palerme en 1072, mettra dĂ©finitivement fin Ă  la prĂ©sence byzantine en Italie[3] - [4].

Au Nord-Ouest, les Hongrois passĂšrent le Danube pour s’emparer de Belgrade pendant que les Oghouzes envahissaient une partie des Balkans, que la Croatie qui venait de dĂ©clarer son indĂ©pendance choisissait de faire obĂ©dience Ă  Rome plutĂŽt qu’à Constantinople et que Constantin X installait le reste des Ouzes finalement dĂ©faits par les Bulgares et la peste dans l’empire[5] - [6].

À l’Est, les Turcs seldjoukides avaient balayĂ© les restes de la puissance arabe en Asie et, aprĂšs avoir soumis la Perse, avaient traversĂ© la MĂ©sopotamie, s’emparant de Bagdad, capitale des califes. Ils reprirent bientĂŽt l’ArmĂ©nie et, aprĂšs avoir ravagĂ© la Cilicie, s’emparĂšrent de CĂ©sarĂ©e en 1067. Romain IV, qui avait remportĂ© un certain succĂšs lors des campagnes de 1068 et 1069, fut dĂ©fait lors de la terrible dĂ©faite de Mantzikert en 1071 et dut concĂ©der aux Turcs l’ensemble de l’Anatolie[7].

La dĂ©faite de Mantzikert devait avoir pour consĂ©quence la dĂ©chĂ©ance de Romain IV DiogĂšne et l’avĂšnement de Michel VII Doukas (1071-1078). Le pouvoir retournait Ă  l’aristocratie urbaine alors qu’il eĂ»t fallu un militaire d’expĂ©rience pour conserver les provinces, sources de la richesse de l’empire. À Constantinople, chacun des partis rivaux engagea des troupes turques si bien que celles-ci se rĂ©pandirent dans ce qui restait encore Ă  conquĂ©rir de l’empire sans mĂȘme avoir Ă  combattre. En 1076, l’anarchie Ă©tait Ă  son comble, aggravĂ©e par une Ă©pidĂ©mie de peste, par une famine due aux spĂ©culations du premier ministre de Michel VII, et par une nouvelle invasion des Turcs. Le , l’armĂ©e d’Occident proclamait empereur son chef, le gĂ©nĂ©ral NicĂ©phore Bryenne, alors qu’une semaine plus tard l’armĂ©e d’Orient faisait de mĂȘme en faveur du domestique des Scholes, NicĂ©phore III BotaniatĂšs. Ce fut NicĂ©phore BotaniatĂšs qui l’emporta et entra Ă  Constantinople en [8] - [9].

Le rĂšgne de NicĂ©phore III BotaniatĂšs (1078-1081) se rĂ©sume en une lutte sans merci entre gĂ©nĂ©raux rivaux qui devait se terminer par le triomphe du plus capable d’entre eux, Alexis Ier ComnĂšne. Aussi habile diplomate que fin stratĂšge, Alexis ComnĂšne sut trouver un terrain d’entente avec les Doukas. Son Ă©pouse, IrĂšne Doukas Ă©tait du reste la petite-fille du cĂ©sar Jean qui devint son alliĂ©. Alexis lui-mĂȘme fut adoptĂ© par l’impĂ©ratrice Marie pour dĂ©fendre les droits de son fils, le jeune Constantin Doukas. En fait, avertis de ce que tramaient contre eux les ministres de NicĂ©phore III, les frĂšres Isaac et Alexis ComnĂšne quittĂšrent Constantinople en pour rejoindre leur armĂ©e Ă  Tchorlou d’oĂč elle devait chasser les Turcs de Cyzique. C’est lĂ  qu’Alexis fut proclamĂ© empereur par son armĂ©e. Le mois suivant il entrait Ă  Constantinople aprĂšs avoir conclu un accord avec un autre prĂ©tendant, NicĂ©phore MĂ©lissĂšne qui s’était proclamĂ© empereur l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, et lui avoir promis le titre de CĂ©sar. Sentant la partie perdue, NicĂ©phore III abdiqua et se retira dans un monastĂšre[10] - [11].

Alexis Ier Comnùne (1081 – 1118)

empire byzantin en 1081
L'empire byzantin en 1081, Ă  l'avĂšnement d'Alexis Ier

Politique intérieure

À son arrivĂ©e au pouvoir, Alexis I ComnĂšne hĂ©ritait d’un empire considĂ©rablement rĂ©duit oĂč rĂ©gnaient l’anarchie et le dĂ©sordre : le gouvernement devait faire face Ă  la fronde de la noblesse civile, les Turcs seldjoukides occupaient la plus grande partie de l’Asie mineure, les PetchenĂšgues menaçaient les provinces danubiennes et Robert Guiscard se prĂ©parait Ă  attaquer Constantinople[12].

Alexis Ier recevant les chefs croisés
Alexis Ier recevant les chefs croisés. S'il avait fait appel à l'Occident, il espérait la venue de chevaliers pour l'aider à lutter contre les Turcs, non des princes anxieux de délivrer Jérusalem.

Alexis accĂ©da au trĂŽne grĂące Ă  l’appui conjuguĂ© de la noblesse militaire et de la famille Doukas Ă  laquelle il Ă©tait liĂ© par son mariage avec IrĂšne Doukaina[13]. Toutefois, aprĂšs la naissance de son premier hĂ©ritier mĂąle, Jean ComnĂšne (1088) et son association au trĂŽne (1092), il n’hĂ©sitera pas Ă  priver de ses droits Ă  la couronne Constantin Doukas, le fils de l’impĂ©ratrice Marie Doukas et de Michel VII dont il avait fait son hĂ©ritier. À la suite de quoi, il força l’impĂ©ratrice Marie Ă  se retirer dans un couvent, Ă©tablissant ainsi la suprĂ©matie de la famille ComnĂšne sur celle des Doukas[14].

Par diverses mesures, Alexis s’efforça dĂšs le dĂ©but de son rĂšgne d’installer au centre du pouvoir les membres de sa famille dont sa mĂšre, Anna Dalassena, son frĂšre Isaac, son beau-frĂšre NicĂ©phore MĂ©lissĂšne, son fils Jean et son beau-fils NicĂ©phore Bryenne. Il leur accorda entre autres le privilĂšge de prĂ©lever directement des taxes sur des terres qui leur Ă©taient octroyĂ©es sans avoir Ă  passer par le gouvernement, systĂšme qui sous Manuel I sera concĂ©dĂ© aux militaires et deviendra la pronoĂŻa (provision)[15].

Les membres de sa famille seront Ă©galement les premiers bĂ©nĂ©ficiaires de la rĂ©forme des titres de la famille impĂ©riale et de la fonction publique rendue nĂ©cessaire par les concessions massives de titres sous le rĂ©gime de la noblesse des fonctionnaires. C’est ainsi qu’Alexis crĂ©a pour son frĂšre Isaac le nouveau titre de sĂ©bastocrator qui prit prĂ©sĂ©ance sur le titre de cĂ©sar. Il put ainsi, sans grever le TrĂ©sor impĂ©rial, donner aux hauts fonctionnaires des titres qui Ă©taient autrefois rĂ©servĂ©s aux jeunes membres de la maison impĂ©riale. Avec l’ajout de divers prĂ©fixes, ces titres pouvaient engendrer une Ă©chelle de prĂ©sĂ©ance inĂ©puisable. Le seul titre de hypertatos se subdivisait en sĂ©bastohypertatos, pansĂ©bastohypertatos et protopansĂ©bastohypertatos. Dans l’armĂ©e, le titre de megas dux remplaça celui de dux pour dĂ©signer le grand amiral sous lequel Ă©tait placĂ©e la flotte de guerre alors qu’à partir du milieu du XIe siĂšcle, les deux domestiques d’Orient et d’Occident deviendront grands domestiques. Enfin, Alexis consolidera l’administration en mettant l’ensemble des dĂ©partements sous la direction d’un Î»ÎżÎłÎżÎžÎ­Ï„Î·Ï‚ Ï„ÏŽÎœ σΔÎșρέτωΜ (logothĂšton ton sekreton) qui, Ă  partir du XIIe siĂšcle sera connu comme le grand logothĂšte, poste Ă©quivalent Ă  celui de premier ministre[16] - [17].

DĂ©sireux de mettre au pas sĂ©nateurs et eunuques du palais, Alexis n’hĂ©sita pas Ă  s’entourer de conseillers de rang modeste, dont plusieurs Francs, ce qui lui vaudra l’hostilitĂ© de nombre de sĂ©nateurs qui participeront aux complots fomentĂ©s contre lui ainsi que de grands propriĂ©taires terriens d’Anatolie dont les terres avaient Ă©tĂ© saisies par les Turcs et qui furent Ă©cartĂ©s par la suite du pouvoir[16].

hyperpyron de Manuel Ier
Hyperpyron de Manuel Ier, montrant le Christ au recto et l'empereur tenant le labarum et le globe cruciphĂšre au verso.

Faisant face, lors de son arrivĂ©e au pouvoir Ă  une grave crise financiĂšre, Alexis devra avoir recours dans les premiĂšres annĂ©es de son rĂšgne Ă  divers stratagĂšmes dont la dĂ©prĂ©ciation de la monnaie amorcĂ©e sous NicĂ©phore BotaniatĂšs. À un moment six diffĂ©rents types de nomismata seront en circulation[18]. Toutefois, aprĂšs avoir aidĂ© les villes de province Ă  reprendre leur place dans l’économie de l’empire et avoir rĂ©glementĂ© le commerce, Alexis procĂ©da Ă  une vaste rĂ©forme monĂ©taire. En 1092, la monnaie de base devint l’ hyperpyre, (« trĂšs raffinĂ© ») fait d’or presque pur, auquel s’ajoutait l’ electrum (mĂ©lange d’or et d’argent) et le billon (mĂ©lange d’argent et de cuivre). Avec le tetarterom (cuivre), ces piĂšces constitueront le systĂšme monĂ©taire ayant cours pendant toute la dynastie des ComnĂšnes[19].

Homme d’une grande piĂ©tĂ© comme en tĂ©moignent ses nombreuses fondations monastiques et les statuts qu’il leur accorda, Alexis n’hĂ©sita pas Ă  mettre la main sur les biens ecclĂ©siastiques lorsqu’il fallut lever une armĂ©e pour lutter contre les Normands. Et bien qu’il ait promis de restituer ces biens et passĂ© un Ă©dit en 1082 interdisant de nouvelles confiscations, il eut recours Ă  des mĂ©thodes fort similaires quelques annĂ©es plus tard[20]. Mais l’Église trouva aussi en lui un ardent dĂ©fenseur de l’orthodoxie, notamment contre les Bogomiles dont il fit juger et bruler vif le chef Basile ou contre l’enseignement nĂ©oplatonicien contraire Ă  la doctrine chrĂ©tienne diffusĂ© par Jean l’Italien, lequel en tant que « consul des philosophes » dirigeait l’universitĂ© impĂ©riale[21] - [22].

DĂ©fense et politique Ă©trangĂšre

Lorsqu’il arriva au pouvoir, Alexis se retrouva Ă  la tĂȘte d’une armĂ©e petite mais efficace recrutĂ©e pendant les rĂšgnes de Michel VII et de NicĂ©phore III, composĂ©e principalement de mercenaires Ă©trangers (les VarĂšgues) et de quelques corps d’élite (les excubites, les athanates et les vestiaires) de mĂȘme que quelques tagmas de Thrace et de MacĂ©doine et quelques corps ethniques : Pauliciens, Turcs et Francs. Cette armĂ©e fut anĂ©antie lors des guerres avec les Normands et les PetchenĂšgues. Ce n’est qu’aprĂšs le passage de la premiĂšre croisade que l’empereur fut en mesure d’établir une stratĂ©gie de dĂ©fense cohĂ©rente, basĂ©e sur une armĂ©e composĂ©e de trois sortes d’unitĂ©s : (1)les mercenaires Ă©trangers sous leurs propres commandants et les troupes venant de diffĂ©rentes parties de l’empire (Thrace, MacĂ©doine
), (2)les PetchenĂšgues, et (3) les troupes byzantines proprement dites. Les soldats de ces derniĂšres Ă©taient Ă  la solde de la famille impĂ©riale et de la grande propriĂ©tĂ© des pronoĂŻaires des diffĂ©rents coins de l’empire. Dans ce systĂšme, les postes de commandement Ă©taient presque tous assumĂ©s par des membres de la famille impĂ©riale Ă©tendue[23] - [24] - [25].

État des Coumans au XIIe siĂšcle.
L'État couman au XIIe siùcle.

Alexis rebĂątit Ă©galement la flotte impĂ©riale, laquelle, pratiquement inexistante lors de la guerre contre Robert Guiscard, jouera un rĂŽle efficace lors de la guerre contre BohĂ©mond et parviendra Ă  reprendre la CrĂšte et Chypre[26]. Mais si celle-ci put ĂȘtre utile pour aider Ă  reconquĂ©rir le littoral de l’Asie mineure et les iles, elle ne put assurer le contrĂŽle de la mer qui sera repris progressivement par les rĂ©publiques italiennes, si bien qu’aprĂšs la mort d’Alexis, Venise se rendra maitresse des eaux byzantines[27].

Le rĂ©tablissement de l’empire au cours du rĂšgne d’Alexis I sera toutefois dĂ» moins aux succĂšs militaires qu’à une diplomatie reposant sur un systĂšme d’alliances extrĂȘmement brillant grĂące auquel l’empereur pourra compenser pour la faiblesse de ses propres forces. Contre les Normands, il se servit de Venise; pour neutraliser les Turcs il joua les Turcs seldjoukides contre les Turcs danichmendites ; contre les PetchenĂšgues, il utilisa les Coumans, tout comme il se servira aussi bien des Turcs contre les croisĂ©s que des croisĂ©s contre les Turcs[28].

Peu aprĂšs son accession au trĂŽne, Alexis dut faire face aux Normands de Robert Guiscard, lequel avait envahi les possessions byzantines de l’Italie mĂ©ridionale. Alexis tenta de contrer ses plans en incitant l’empereur germanique Henri IV Ă  attaquer les États pontificaux alliĂ©s de Guiscard pendant que ce dernier, menaçant la cĂŽte orientale de l’Adriatique, mettait le siĂšge devant Dyrrachium (DurrĂ«s, en Albanie) d’oĂč il comptait se diriger vers Constantinople. DĂ©pourvu de flotte, l’empereur demanda l’aide de son alliĂ©e naturelle dans ce dossier, Venise, dont le commerce maritime se serait trouvĂ© en grand danger si un autre État contrĂŽlait seul les deux rives de l’Adriatique. De fait, les VĂ©nitiens attaquĂšrent et dĂ©firent Robert Guiscard sur mer, mais celui-ci rĂ©ussit Ă  dĂ©faire l’armĂ©e byzantine sur terre et Ă  s’enfoncer profondĂ©ment en territoire impĂ©rial. Venise fit payer trĂšs cher son aide. Non seulement le doge reçut-il le titre honorifique de protosĂ©bastos, mais la rĂ©publique se fit concĂ©der le libre commerce de toutes les marchandises sur l’ensemble du territoire de l’empire en plus de comptoirs Ă  Galata. Venise s’établissait ainsi fermement comme puissance politique, militaire et commerciale dans l’empire au dĂ©triment des marchands byzantins dont le mĂ©contentement sera une source de difficultĂ© pour plusieurs empereurs par la suite. Quant aux Normands, la mort de Robert Guiscard en 1085 et les dĂ©sordres qui Ă©clatĂšrent par la suite en Italie dĂ©livrĂšrent Byzance de ce danger[29] - [30].


L'empire seldjoukide sous Malik Shah Ier
L'empire seldjoukide Ă  son extension maximale en 1092 sous Malik Shah Ier

À l’avĂšnement d’Alexis, les bandes nomades turques Ă©taient en voie de s’organiser et un État seldjoukide Ă©tait nĂ© sous la conduite de Soliman. Celui-ci avait dĂ©jĂ  aidĂ© Michel VII contre NicĂ©phore BotaniatĂšs, puis BotaniatĂšs contre Bryenne et enfin NicĂ©phore MĂ©lissĂšne contre BotaniatĂšs. En Ă©change, il reçut la moitiĂ© des villes enlevĂ©es Ă  l’empire dont NicĂ©e qui devint sa capitale. Étendant ses territoires jusqu’à Smyrne, quartier gĂ©nĂ©ral de l’ambitieux Ă©mir Zachas, il se proclama sultan de la Roum (Rome en turc) avec autoritĂ© sur tous les autres Turcs de l’Anatolie aux dĂ©pens du sultan lĂ©gitime, Malek-Shah. Alexis qui avait besoin de mercenaires pour sa guerre contre les Normands et voulait voir rĂ©gner la paix en Anatolie conclut un traitĂ© avec Soliman qui ne sauvait la face qu’en faisant de ce dernier le vassal de l’empire byzantin. Ceci n’empĂȘcha pas Soliman de s’enfoncer toujours plus profondĂ©ment en Anatolie oĂč les places fortes byzantines furent prises l’une aprĂšs l’autre au nombre desquelles Antioche en 1085 et Édesse en 1086. Seuls demeuraient aux mains d’Alexis les ports d’Attalie, d’ÉphĂšse et de HĂ©raclĂ©a du Pont. La mĂȘme annĂ©e toutefois, Soliman devait ĂȘtre tuĂ© par les troupes de Malek-Shah, lequel moins dĂ©sireux de garder l’Anatolie que de s’emparer de l’Égypte fatimide proposa une alliance Ă  Alexis. Fort heureux de pouvoir jouer les Turcs les uns contre les autres, celui-ci rĂ©ussit Ă  reprendre le port de Sinope et NicomĂ©die. Toutefois, toutes ses troupes Ă©tant occupĂ©es sur le Danube, il ne put poursuivre son avantage[31].

Devant affronter les Normands sur la cĂŽte de l’Adriatique et les Turcs en Anatolie, Alexis dut aussi repousser les PetchenĂšgues qui, aprĂšs s’ĂȘtre installĂ©s en Bulgarie et s’ĂȘtre alliĂ©s aux Coumans leurs frĂšres de race, envahirent la Thrace en 1086. Deux annĂ©es consĂ©cutives, les PetchenĂšgues tentĂšrent de se frayer un chemin vers Andrinople et parvinrent jusque sous les murs de Constantinople en 1090, laquelle se trouva aussi assiĂ©gĂ©e du cĂŽtĂ© de la mer par l’émir Tzachas qui avait fait alliance avec les PetchenĂšgues. Fort heureusement pour les Byzantins, une querelle Ă©clata entre PetchenĂšgues et Coumans lors du partage du butin Ă  la suite de la bataille de Dristra sur le Danube. Alexis dĂ©cida alors de faire appel aux Coumans qui y rĂ©pondirent avec empressement. Le , au pied du Mont Lebounion, les PetchenĂšgues furent pratiquement anĂ©antis. Les quelques survivants furent ou bien enrĂŽlĂ©s dans l’armĂ©e impĂ©riale ou bien Ă©tablis sur des terres au nord-ouest de Thessalonique. L’empereur rĂ©ussit de la mĂȘme maniĂšre Ă  se dĂ©barrasser de Tzachas en concluant une alliance avec l’émir de NicĂ©e, Aboul Kassim, puis avec son successeur, Kilidj Arslan. Leurs forces combinĂ©es parvinrent Ă  mettre en dĂ©route celles de Tzachas qui se rĂ©fugia chez le sultan oĂč il fut Ă©gorgĂ©[32] - [33].

Urbain II prĂȘchant la premiĂšre croisade
Le pape Urbain II prĂȘchant la premiĂšre croisade Ă  Clermont-Ferrand le 27 novembre 1095 en prĂ©sence du roi Philippe Ier.

AprĂšs un rĂšgne de quatorze ans, Alexis semblait avoir Ă©loignĂ© tous les pĂ©rils et, comme l’affirme Anne ComnĂšne, « le calme rĂ©gnait dans les provinces maritimes »[34]. MĂȘme les relations avec la papautĂ© s’étaient amĂ©liorĂ©es aprĂšs la disparition des acteurs du drame de 1054. En 1095, Alexis Ă©crivit au pape Urbain II pour demander que des chevaliers chrĂ©tiens d’Occident l’aident Ă  tenir les musulmans en Ă©chec et suggĂ©ra que le pape vienne lui-mĂȘme Ă  Constantinople prĂ©sider un concile qui rĂ©glerait les questions encore en suspens entre les deux Églises. L’idĂ©e d’une croisade pour dĂ©livrer le Saint-SĂ©pulcre Ă©tait tout Ă  fait Ă©trangĂšre aux Byzantins pour qui la Palestine, prise par les Seldjoukides en 1077, ferait naturellement retour Ă  l’empire lorsque celui-ci viendrait Ă  bout des Turcs[35] - [36].

Mais en Occident, un grand mouvement de ferveur religieuse s’était emparĂ© Ă  la fois de l’Église qui vivait la grande rĂ©forme clunisienne, des masses paysannes accablĂ©es par une crise Ă©conomique sans prĂ©cĂ©dent et d’une noblesse en mal d’aventures et de nouvelles possessions. Si Alexis ne voulait pas se voir dĂ©possĂ©der de son titre de dĂ©fenseur des chrĂ©tiens, il ne pouvait non plus s’opposer trop directement Ă  l’enthousiasme des croisĂ©s qui pouvaient servir sa cause. Il se dĂ©barrassa assez facilement d'une premiĂšre croisade sous la conduite de Pierre d’Amiens, dit Pierre l’Ermite, en faisant transporter les croisĂ©s de l’autre cĂŽtĂ© du Bosphore oĂč, en dĂ©pit de ses conseils, leurs bandes indisciplinĂ©es et insuffisamment approvisionnĂ©es attaquĂšrent les Turcs de NicĂ©e et furent en grande partie massacrĂ©es[37].

PlutĂŽt que des milliers de croisĂ©s impatients de dĂ©livrer JĂ©rusalem, l’empereur aurait dĂ©sirĂ© la venue de quelques centaines de chevaliers bien armĂ©s et entrainĂ©s qui, sous son autoritĂ©, lui auraient permis de reconquĂ©rir l’Anatolie. Il se trouva bientĂŽt confrontĂ© Ă  des armĂ©es totalisant environ cinq mille cavaliers et trente mille fantassins alors que l’armĂ©e impĂ©riale ne disposait que de vingt mille soldats[38]. De plus ces armĂ©es Ă©taient conduites par des princes souverains qui entendaient diriger eux-mĂȘmes les opĂ©rations. Et parmi eux se trouvait BohĂ©mond, fils de Robert Guiscard, qu’Alexis avait eu Ă  combattre quelques annĂ©es auparavant[39]. Pour tourner cette difficile situation Ă  son avantage l’empereur exigea que les croisĂ©s lui prĂȘtent le serment d’hommage que la fĂ©odalitĂ© avait introduit en Occident, faisant ainsi d’eux ses vassaux, et qu’ils lui remettent toutes les villes ayant dĂ©jĂ  appartenu Ă  l’empire qu’ils pourraient. En revanche, il promettait d’assurer l’approvisionnement des croisĂ©s en vivres et en munitions et de se joindre Ă  eux avec toute son armĂ©e. Bien qu’à contrecƓur pour certains d’entre eux, presque tous prĂȘtĂšrent le serment dĂ©sirĂ© [40].

L'Anatolie en 1097 avant le siÚge de Nicée
L'Anatolie en 1097, avant le siÚge de Nicée.

Pour parvenir en Palestine, les croisĂ©s devaient longer la cĂŽte de l’Anatolie. Ce fut l’occasion pour les croisĂ©s et les Byzantins de s’emparer de NicĂ©e, capitale de l’ancien alliĂ© Kilidj Arslan. ConformĂ©ment aux ententes, la ville fut remise Ă  l’empereur qui y installa une garnison byzantine et envoya ses troupes reconquĂ©rir Smyrne, ÉphĂšse, Sardes et plusieurs autres villes permettant de rĂ©tablir la domination byzantine sur la partie occidentale de l’Asie mineure.

Peu Ă  peu toutefois, les relations entre croisĂ©s et Byzantins se dĂ©tĂ©riorĂšrent. Sur la route de Constantinople, les Normands de BohĂ©mond furent rĂ©guliĂšrement attaquĂ©s par des bandes de PetchenĂšgues qui affirmĂšrent ĂȘtre aux ordres de l’empereur. Le comte de Toulouse et son armĂ©e de Provençaux furent Ă©galement attaquĂ©s par des Slaves alors qu’ils longeaient la cĂŽte dalmate. MĂȘme le lĂ©gat papal, AdhĂ©mar du Puy fut dĂ©pouillĂ© par des PetchenĂšgues. Et aprĂšs la conquĂȘte de NicĂ©e, les croisĂ©s furent scandalisĂ©s par l’attitude de l’empereur qui offrit aux Turcs de s’enrĂŽler dans les armĂ©es byzantines ou d’obtenir un sauf-conduit pour rentrer chez eux[41].

La rupture dĂ©finitive Ă©clata lors de la prise d’Antioche, le . Une querelle s’éleva entre Raymond de Toulouse et BohĂ©mond qui, prenant prĂ©texte des atermoiements de l’empereur, refusa de remettre la ville aux Byzantins et s’y installa en permanence alors que les autres croisĂ©s, sous la direction de Raymond de Toulouse, poursuivaient leur route vers JĂ©rusalem dont ils s’emparaient le pendant qu’Alexis livrait bataille pour s’emparer de TrĂ©bizonde[42].

L’empereur se tourna alors contre BohĂ©mond. Car si la fondation d’un royaume franc dans la lointaine Palestine Ă©tait tolĂ©rable, la crĂ©ation d’une principautĂ© normande Ă  Antioche nuisait autant aux intĂ©rĂȘts des Byzantins que des Turcs. AprĂšs avoir Ă©tĂ© fait prisonnier par les Turcs puis libĂ©rĂ© contre rançon, BohĂ©mond retourna dans son fief avant de partir pour l’Occident oĂč il organisa une campagne de dĂ©nigrement contre Byzance qu'il accusa de trahir la chrĂ©tientĂ©. De retour en Ă  la tĂȘte d’une importante armĂ©e, il fit face aux Byzantins mais fut dĂ©fait et dut reconnaitre l’empereur byzantin comme son suzerain en 1108; Antioche demeura une principautĂ©, mais Ă  titre de fief impĂ©rial sous la direction de TancrĂšde qui succĂ©da Ă  BohĂ©mond. BohĂ©mond pour sa part retourna en Italie oĂč il mourut peu aprĂšs. Alexis tenta, mais en vain, de coaliser les princes francs contre TancrĂšde[43] - [44].

L’empereur passa ses derniĂšres annĂ©es Ă  rĂ©organiser l’administration des territoires d’Asie mineure oĂč il dut continuer Ă  lutter contre les Turcs dirigĂ©s par le nouveau sultan, Malek-Shah II. Le seul autre Ă©vĂšnement important de son rĂšgne fut le traitĂ© qu’il dut signer en 1116 avec Pise aprĂšs avoir tentĂ© en vain de mettre un terme Ă  la piraterie des Pisans qui, avec les GĂ©nois, ravageaient la cĂŽte ionienne. Ce traitĂ©, par les avantages Ă©conomiques qu’il concĂ©dait Ă  la rĂ©publique, dĂ©montrait le rĂŽle de plus en plus important que les rĂ©publiques italiennes jouaient dans l’empire[45] - [46].

Jean II Comnùne (1118 – 1143)

Politique intérieure

L'empereur Jean II ComnĂšne qui sut se gagner le respect de tous
L'empereur Jean II ComnÚne qui sut se gagner le respect et l'admiration de tous, aussi bien chrétiens que musulmans

Fille ainĂ©e d’Alexis I, Anne ComnĂšne espĂ©rait ardemment partager le trĂŽne avec son fiancĂ©, Constantin Doukas, initialement choisi par Alexis I pour lui succĂ©der. Aussi, conçut-elle une haine mortelle contre son jeune frĂšre, Jean[47], au point de tenter de le faire assassiner au cours des funĂ©railles de leur pĂšre. Avec la complicitĂ© de sa mĂšre et de son frĂšre Andronic, elle tenta une derniĂšre fois de convaincre Alexis sur son lit de mort de la nommer impĂ©ratrice. Toutefois, Alexis confirma le choix de Jean comme son successeur[48].

D’un tempĂ©rament droit et intĂšgre, Jean II ne tint pas rigueur Ă  sa sƓur qui dut simplement se retirer dans le monastĂšre de la Theotokos Kecharitomene oĂč elle Ă©crivit sa cĂ©lĂšbre Alexiade[49]. L’intĂ©gritĂ© de Jean Ă©tait aussi remarquable que la conscience qu’il avait de ses devoirs. Contrairement Ă  son pĂšre, il s’abstint de tout nĂ©potisme et, gardant sa parentĂ© Ă  distance, s’entoura de conseillers souvent d’origine trĂšs modeste comme Jean Axouch, ancien musulman fait prisonnier par les croisĂ©s qui deviendra grand domestique ou commandant en chef des armĂ©es[50].

Militaire avant tout, Jean ComnĂšne passa la majeure partie de son rĂšgne sur les champs de bataille et s’appliqua Ă  renforcer l’armĂ©e reconstruite par son pĂšre, favorisant le recrutement indigĂšne et la formation militaire[51].

Politique extérieure

Si, surtout dans les premiĂšres annĂ©es de son rĂšgne, Alexis I avait dĂ» mener une politique essentiellement dĂ©fensive contre les envahisseurs, Jean II put prendre l’initiative et mener une politique visant la reconquĂ©rir des territoires anatoliens controlĂ©s par les Turcs tout en amenant les royaumes latins Ă  reconnaĂźtre la suprĂ©matie de l’empereur. Pour les Byzantins, il importait moins d’occuper physiquement le territoire (conception fĂ©odale occidentale) que de s’assurer que leurs souverains reconnaissent l’empereur comme celui Ă  qui Dieu avait confiĂ© la responsabilitĂ© de l’ƒkoumĂšne[52].

DĂšs son avĂšnement, Jean II partit en campagne pour recouvrer l’Anatolie. Toutefois, les Ă©vĂšnements le forcĂšrent Ă  donner prioritĂ© aux problĂšmes qui se posaient en Europe.

En 1122, les PetchenĂšgues qui, aprĂšs avoir Ă©tĂ© vaincus par Alexis, avaient cessĂ© leurs razzias pendant une trentaine d’annĂ©es traversĂšrent le Danube et s’aventurĂšrent jusqu’en MacĂ©doine et en Thrace. Ce fut leur derniĂšre invasion : Jean II leur fit subir une dĂ©faite Ă©crasante Ă  la suite de laquelle certains prisonniers furent installĂ©s sur des terres dans l’empire alors que les autres Ă©taient enrĂŽlĂ©s dans l’armĂ©e impĂ©riale. On ne devait plus entendre parler d’eux en tant que peuple [53].

carte montrant les routes commerciales génoises et vénitiennes
Routes commerciales génoises (rouge) et vénitiennes (vert) en Méditerranée et dans la mer Noire.

L'alliance avec Venise avait Ă©tĂ© le fondement de la politique d’Alexis dans la lutte contre les Normands en Adriatique. Élu doge en 1117, Dominico Michiel demanda Ă  Jean II la reconduction du traitĂ© de 1082. Le pĂ©ril normand s’étant estompĂ©, Jean II, sensible aux rĂ©criminations des commerçants byzantins lĂ©sĂ©s par les privilĂšges concĂ©dĂ©s Ă  Venise, refusa abruptement dĂ©clarant que les VĂ©nitiens seraient dorĂ©navant soumis aux mĂȘmes rĂšgles que leurs concurrents. En 1121, le doge envoya sa flotte assiĂ©ger Corfou, sans succĂšs. Mais au cours des annĂ©es qui suivirent, Venise devait s’emparer de Rhodes, de Chios, Samos, Lesbos et Andros (1124-1125). Se rendant compte que cette guerre lui coĂ»tait plus que les avantages fiscaux qu’il devrait concĂ©der aux VĂ©nitiens et sa flotte Ă©tant dans l’impossibilitĂ© de l’emporter sur la leur, Jean II finit par accepter en 1126 un nouveau traitĂ© qui rĂ©tablissait les privilĂšges dĂ©jĂ  accordĂ©s Ă  Venise [54].

En 1127, Jean dut faire face Ă  une invasion hongroise, le roi Étienne II l’accusant d’avoir donnĂ© asile Ă  son oncle, Almus, dĂ©trĂŽnĂ© par le frĂšre d’Étienne, Coloman. AprĂšs avoir capturĂ© Belgrade et NiĆĄ, Étienne II s’avança en Bulgarie jusqu’à Philippopolis. Jean se porta Ă  sa rencontre avec une flottille sur le Danube et tomba sur les Hongrois Ă  l’embouchure du Danube et de la Nera aprĂšs quoi il reconquit les villes perdues. Le Danube redevint ainsi la frontiĂšre de l’empire[55].

À la mĂȘme Ă©poque, Jean marcha contre les Serbes chez qui la guerre civile avait Ă©clatĂ© peu avant la mort de Constantin Bodin en 1101. La Bosnie, la Rascie et Hum (Zahumlje) avaient fait sĂ©cession de la DioclĂ©e. La Rascie, sous la direction du ĆŸupan Bolkan, Ă©tait une alliĂ©e de la Hongrie et un foyer d’agitation contre l’empire. Jean II dĂ©fit celui-ci et installa de nombreux prisonniers serbes en Asie mineure comme il l’avait fait avec les PetchenĂšgues [56].

En 1130 la situation Ă©tait stabilisĂ©e en Europe et Jean pouvait reprendre l’Ɠuvre entreprise en Asie mineure dont l’empire contrĂŽlait les cĂŽtes nord, ouest et sud ainsi que les territoires situĂ©s au nord-ouest d’une ligne sinueuse allant de la vallĂ©e du MĂ©andre (aujourd’hui BĂŒyĂŒk Menderes au sud-ouest de la Turquie) au sud-est de la mer Noire, dans la rĂ©gion de TrĂ©bizonde gouvernĂ©e comme fief impĂ©rial par le duc Constantin Gabras. Au sud-est de cette ligne se trouvaient des tribus turques dont les Danichmendes qui convoitaient les ports de la mer Noire et diverses tribus nomades qui s’étaient infiltrĂ©es dans les vallĂ©es fertiles de Phrygie et de Pisidie. Ce faisant, elles avaient coupĂ© la route terrestre du port byzantin d’Attalie (Antalya) depuis lors accessible seulement par mer[57].

carte de la Carie oĂč coule le fleuve MĂ©andre
Carte de la vallĂ©e de la Carie, oĂč coule le fleuve MĂ©andre.

En 1119, Jean II s’était d’abord dirigĂ© vers l’ancienne capitale de la Phrygie, LaodicĂ©e, dont il s’était emparĂ© avant de se diriger l’annĂ©e suivante vers Sozopolis, rĂ©tablissant les communications terrestres avec Attalie. Il ne devait reprendre cette offensive qu’en 1132 alors que l’émir danichmendite, Ghazi, avait rĂ©ussi Ă  devenir la premiĂšre puissance de la rĂ©gion aprĂšs s’ĂȘtre emparĂ© de MĂ©litĂšne en 1124 et avoir, en 1030, dĂ©fait et tuĂ© le prince d’Antioche. Jean II partit alors pour la Terre Sainte et rĂ©ussit Ă  se rallier aussi bien les princes chrĂ©tiens que musulmans de Bithynie et de Paphlagonie, si bien que l’empire recouvrit tout le littoral de la mer Noire, du Bosphore au fleuve Tchorok, Ă  l’est de TrĂ©bizonde, redevenant ainsi une puissance maritime de premier ordre[58].

Puis, aprĂšs s’ĂȘtre soumis les princes armĂ©niens de Cilicie qui conservaient leur indĂ©pendance entre les Turcs, l’empire et les États francs en 1137, Jean II put entreprendre son grand dessin : reprendre Antioche, imposer sa suzerainetĂ© au roi Foulques de JĂ©rusalem et se voir ainsi reconnu comme le dĂ©tenteur du pouvoir suprĂȘme du monde chrĂ©tien. En 1137, il commença le siĂšge d’Antioche dont le nouveau prince, Raymond de Poitiers, se rendit au terme de nĂ©gociations qui faisaient de lui le vassal non plus du roi latin de JĂ©rusalem mais de l’empereur byzantin moyennant qu’on lui promit la souverainetĂ© d’Alep dĂšs que celle-ci serait reconquise avec son aide. Suivit une sĂ©rie de campagnes qui lui permirent en 1141 de retourner Ă  Constantinople, maĂźtre en thĂ©orie du moins, des territoires s’étendant jusqu’à la mer Noire. Toutefois, ici encore, le but de ces expĂ©ditions Ă©tait moins d’occuper le territoire que de forcer les souverains Ă  reconnaĂźtre la suzerainetĂ© impĂ©riale comme le montre la prise d’Édesse dont le comte, Jocelyn, put continuer Ă  exercer le pouvoir aprĂšs s’ĂȘtre dĂ©clarĂ© vassal de Jean. Dans ce contexte, la question d’Antioche ne fut jamais clairement rĂ©solue et Raymond, soutenu par le clergĂ© latin, rompit en 1142 les accords conclus. Jean Il prĂ©parait une nouvelle offensive contre ce dernier lorsqu’il fut blessĂ© par une flĂšche empoisonnĂ©e au cours d’un accident de chasse et mourut en [59].

Manuel Ier (1143 – 1180)

Un empereur tournĂ© vers l’Occident

l'empire byzantin sous Manuel Ier environ 1170; l'empire est encore une puissance méditerranéenne incontestée
L'empire byzantin au début du rÚgne de Manuel Ier. L'empire est encore une puissance méditerranéenne indiscutée avec un réseau de clients allant de la Hongrie au royaume de Jérusalem et des liens diplomatiques avec les principales puissances européennes et asiatiques.

Si, en 1130, la situation s’était stabilisĂ©e en Europe, un danger pointait Ă  l’horizon : celui d’un renouveau de la politique expansionniste normande. AprĂšs avoir intĂ©grĂ© la Sicile et l’Apulie Ă  son royaume, Roger II s’était fait couronner roi Ă  Palerme le jour de NoĂ«l de la mĂȘme annĂ©e. Ceci menaçait Ă  la fois les intĂ©rĂȘts byzantins dans le sud de l’Italie et Ă©ventuellement en Syrie de mĂȘme que les intĂ©rĂȘts allemands plus au nord. Il Ă©tait donc logique pour Jean II de s’allier avec l’empereur Lothaire d’abord, puis avec son successeur Conrad III contre Roger[60].

DotĂ© comme son pĂšre d’une vive intelligence et d’un charisme naturel, Manuel I fut un brillant chef de guerre et un diplomate habile pĂ©nĂ©trĂ© de l’idĂ©e d’un empire universel. Mais il diffĂ©rait de son pĂšre sur deux points : son amour pour tout ce qui venait d’Occident qui lui fit porter plus d’attention Ă  cette rĂ©gion du monde qu’à l’Asie mineure et sa conception de l’empire universel qu’il considĂ©rait moins sous l’angle religieux de reprĂ©sentant de Dieu sur terre que sous l’aspect temporel d’une rĂ©unification des empires d’Orient et d’Occident[61].

Manuel transforma la cour impĂ©riale. Admirateur de la chevalerie occidentale, mariĂ© Ă  deux reprises Ă  des princesses occidentales, il abandonna la rigueur et l’austĂ©ritĂ© de son pĂšre pour faire rĂ©gner Ă  sa cour une atmosphĂšre lĂ©gĂšre trĂšs Ă©loignĂ©e du formalisme rigide qu’avaient imposĂ© les traditions orientales. On y donna mĂȘme des tournois auxquels prit part l’empereur, spectacle qui en scandalisa plus d’un de mĂȘme que le nombre d’étrangers occidentaux admis Ă  la cour, la variĂ©tĂ© et l’importance des postes qui leur furent confiĂ©s[62].

Aussi n’est-il pas surprenant que la politique Ă©trangĂšre ait tenu la premiĂšre place durant son rĂšgne. On peut y distinguer trois pĂ©riodes. La premiĂšre, qui s’étend de 1143 Ă  1149 est marquĂ©e par la deuxiĂšme croisade.

La pĂ©riode de la deuxiĂšme croisade (1143 – 1149)

Bernard de Clairvaux prĂȘchant la deuxiĂšme croisade
Bernard de Clairvaux prĂȘchant la deuxiĂšme croisade Ă  VĂ©zelay en 1146.

La capture d’Édesse par l’atabeg de Mossoul et d’Alep, Imad ed-Din Zengi avait envoyĂ© une onde de choc Ă  travers la chrĂ©tientĂ© qui avait cru voir dans le succĂšs de la premiĂšre croisade un signe de la faveur divine. ChassĂ© de Rome par les Romains, le pape EugĂšne III fit appel Ă  Bernard de Clairvaux, pour prĂȘcher une nouvelle croisade que devait diriger le roi de France, Louis VII le Jeune. Celui-ci Ă©crivit Ă  l’empereur Manuel Ă  l’étĂ© 1146 pour solliciter son aide. Instruit par l’expĂ©rience de la premiĂšre croisade, Manuel rĂ©pondit comme son aĂŻeul que les croisĂ©s devraient non seulement rembourser leurs frais de subsistance, mais aussi prĂȘter serment de vassalitĂ©. Les Allemands, premiers arrivĂ©s, commencĂšrent dĂšs le dĂ©but Ă  piller et ravager le territoire, pendant que le neveu de Conrad III, le jeune duc FrĂ©dĂ©ric qui devait devenir l’empereur FrĂ©dĂ©ric Barberousse s’illustra de mauvaise maniĂšre en brulant un monastĂšre et les moines qui y vivaient en reprĂ©sailles contre une attaque de brigands. Les Français pour leur part furent scandalisĂ©s d’apprendre Ă  leur arrivĂ©e que Manuel, qui craignait peut-ĂȘtre plus l’arrivĂ©e des croisĂ©s que les Turcs, venait tout juste de signer un traitĂ© avec ceux-ci, lui donnant les mains libres de ce cĂŽtĂ©[63].

Ce fut le moment que choisit Roger II, roi des Normands et alliĂ© de Louis VII, pour lancer une attaque contre l’empire et s’emparer de Corfou, avant de se diriger vers le PĂ©loponnĂšse et de capturer ThĂšbes et Corinthe d’oĂč il put rentrer tranquillement en Italie, Manuel Ă©tant trop occupĂ© avec les croisĂ©s pour lancer une contre offensive. La croisade, elle, tourna vite au fiasco. AprĂšs ĂȘtre passĂ©es de Constantinople en Asie mineure, les troupes de Conrad III furent anĂ©anties dĂšs la premiĂšre bataille par les troupes du sultan d’Iconium. Louis VII, passĂ© Ă  son tour en Asie se dirigea vers Attalia d’oĂč il s’embarqua pour la Syrie mais ne put prendre Damas, premier objectif des croisĂ©s[64].

Malade, Conrad III revint Ă  Constantinople oĂč il s’engagea Ă  organiser une expĂ©dition contre Roger II Ă  laquelle se rallia Venise. Mais Roger II contre attaqua Ă  la fois en aidant le duc Guelfe Ă  s’insurger contre les Hohenstaufen forçant Conrad Ă  rentrer d’urgence en Europe et en soutenant Hongrois et Serbes dans leur lutte contre l’empire. L’Europe se trouvait ainsi divisĂ©e en deux camps : d’un cĂŽtĂ© Byzance, l’Allemagne et Venise, de l’autre les Normands, les Guelfes, la France, la Hongrie et la Serbie[65].

Le renversement des alliances (1149 – 1158)

Portrait du pape Adrien IV
Pape Adrien IV (1154-1159). Pour lutter contre les Normands de Guillaume le Mauvais, il tente de faire alliance avec Frédéric Barberousse tout en maintenant la suprématie du pape sur l'empereur.

La deuxiĂšme pĂ©riode vit un renversement des alliances occasionnĂ©e par la mort de Conrad III et de Roger II. Alors qu’il se prĂ©parait Ă  aller rejoindre Conrad III en Italie, Manuel apprit que les Serbes, soutenus par les Hongrois et probablement aussi par les Normands s’étaient rĂ©voltĂ©s. Pendant ce temps, Louis VII toujours davantage persuadĂ© de la duplicitĂ© des Byzantins, rencontrait Roger II en Calabre oĂč ils discutĂšrent d’une nouvelle croisade, cette fois contre Byzance. Ce plan ne put aboutir, le pape n’ayant pas donnĂ© son accord et Conrad rĂ©ussissant Ă  vaincre les Guelfes pendant que Manuel conduisait une expĂ©dition punitive contre les Serbes et les Hongrois[66].

Toutefois, en , Conrad mourut et fut remplacĂ© par FrĂ©dĂ©ric de Souabe qui rĂȘvait lui aussi de rĂ©unifier les empires d’Orient et d’Occident, mais Ă  son profit. En , ce fut au tour du pape EugĂšne de mourir et d’ĂȘtre remplacĂ©, aprĂšs le bref pontificat d’Anastase IV, par Adrien IV. Enfin, le , Roger II mourut Ă  son tour, laissant la couronne Ă  son fils Guillaume I qui offrit Ă  Manuel de nĂ©gocier. Divers barons normands s’étant soulevĂ©s, Manuel prit cette offre pour une admission de faiblesse et se prĂ©para Ă  envahir les Pouilles pendant qu’Adrien IV envahissait les États normands. Mal leur en prit : Guillaume rĂ©ussit Ă  dĂ©faire les Byzantins Ă  Brindisi en 1156, Ă  soumettre ses vassaux et Ă  forcer le pape Ă  nĂ©gocier la paix; il ne restait plus Ă  Manuel qu’à retirer ses troupes d’Italie et Ă  conclure la paix avec Guillaume en 1158[67].

Retour Ă  la rĂ©alitĂ© (1158 – 1180)

La troisiĂšme pĂ©riode devait montrer que Manuel avait eu tort de nĂ©gliger l’Orient; elle complĂ©ta aussi le renversement des alliances en mettant fin Ă  la coopĂ©ration traditionnelle avec Venise.

Baudoin de Boulogne faisant son entrĂ©e dans Édesse
Baudoin de Boulogne, roi de JĂ©rusalem, faisant son entrĂ©e dans Édesse en fĂ©vrier 1098. D'aprĂšs une peinture de J.N. Robert-Fleury, 1840.

En 1156, le nouveau prince d’Antioche, Renaud de ChĂątillon s’était emparĂ© de Chypre avec l’aide du chef national des ArmĂ©niens, Thoros, qu’il s’était engagĂ© Ă  combattre. Deux ans plus tard, l’empereur se mit en route vers la Cilicie[68]; Thoros s’enfuit Ă  son approche pendant que Renaud, pris de panique, implorait la paix. Sur les entrefaites le roi Baudouin III de JĂ©rusalem arriva [69]. Lui et Manuel devaient immĂ©diatement devenir de grands amis. C’est ainsi que le jour de PĂąques 1159, Manuel fit son entrĂ©e solennelle Ă  Antioche, en grand apparat, le diadĂšme impĂ©rial sur la tĂȘte, Renaud marchant Ă  ses cĂŽtĂ©s en tenant les rĂȘnes de son cheval, suivi de Beaudoin Ă  cheval mais sans arme et tĂȘte nue. Ainsi Ă©tait reconnue la suprĂ©matie du basileus en tant que chef de file du monde chrĂ©tien. Le mĂȘme genre de cĂ©rĂ©monial se renouvĂšlera en 1165 lors de la visite du successeur de Beaudoin, Amaury I, Ă  Constantinople [70]

Sur le chemin du retour, Manuel rencontra les Ă©missaires de Nur ed-Din qui lui proposait la paix, le retour de six mille prisonniers chrĂ©tiens et s’engageait Ă  envoyer une expĂ©dition contre les Turcs seldjoukides. Manuel accepta Ă  la consternation des Latins. Ceci lui permit Ă  l’automne 1159 de retourner en Anatolie Ă  la tĂȘte d’une expĂ©dition contre le sultan seldjoukide Kilidj Arslan II. Contre les forces combinĂ©es de l’empereur, des troupes petchenĂšgues payĂ©es par Renaud et Thoros, de celles de Nur ed-Din et des Danichmendes, le sultan dut se rendre et signer un traitĂ© en 1162 qui rendait Ă  l'empire toutes les villes grecques occupĂ©es par les Seldjoukides, promettait de fournir des troupes et de venir en visite officielle Ă  Constantinople oĂč le mĂȘme genre de cĂ©rĂ©monial l’attendait. L’empereur n’était plus le chef de file des seuls chrĂ©tiens, mais aussi de l’ƒkoumĂšne [71].

La mort de GĂ©za II de Hongrie en 1161 fournit prĂ©texte Ă  une intervention dans ce pays que Manuel aurait voulu rattacher Ă  l’empire. Il prit parti contre le fils de GĂ©za, Étienne III, et soutint plutĂŽt ses frĂšres, Étienne IV et Ladislav. Au terme d’une longue guerre, la Dalmatie, la Croatie et la Bosnie ainsi que la rĂ©gion de Sirmium (Sremska Mitrovica en VoĂŻvodine) revenaient Ă  l’empire et le prince BĂ©la, hĂ©ritier du trĂŽne hongrois, Ă©tait envoyĂ© parfaire son Ă©ducation Ă  Constantinople oĂč, en recevant le titre de sĂ©bastocrator, il devenait Ă©galement hĂ©ritier du trĂŽne. La naissance d’un fils de Manuel risqua d’engendrer un conflit, mais BĂ©la dut retourner en Hongrie Ă  la mort d’Étienne III pendant que les Serbes de Rascie se voyaient privĂ©s de l’appui hongrois et qu’Étienne NĂ©manja, devait, Ă  la suite d'une expĂ©dition en 1172, faire publiquement sa soumission comme Renaud de ChĂątillon et Amaury avant lui[72].

Le rĂšgne de Manuel Ă©tait Ă  son apogĂ©e ; Ă  la suite des rĂšgnes d’Alexis, de Jean II et de ses propres succĂšs, Byzance Ă©tait redevenue une grande puissance dans les Balkans, en mer ÉgĂ©e et dans le monde mĂ©diterranĂ©en, capable de dĂ©ployer des armĂ©es puissantes, des flottes imposantes et d’acheter amis ou ennemis grĂące Ă  des rĂ©serves d’or inĂ©puisables[73].

Sultanat de Roum en 1190 et bataille de Myriokephalon
Le sultanat de Roum en 1190 montrant l'emplacement des batailles de Dorylaeum (1147), Myrioképhalon (1176) et d'Antalya (1207).

C’est alors que la fortune commença Ă  tourner. L’inimitiĂ© existant entre Venise et FrĂ©dĂ©ric Barberousse avait poussĂ© la rĂ©publique italienne Ă  maintenir des relations cordiales avec Byzance en dĂ©pit du fait que leurs intĂ©rĂȘts commerciaux se heurtaient en Dalmatie. Cependant la tension montait dans la colonie Ă  tel point que les VĂ©nitiens Ă©migrĂšrent en masse de Constantinople et finirent par rompre les relations commerciales. Manuel leur tendit un piĂšge et, aprĂšs qu’il leur eĂ»t promis de leur donner l’exclusivitĂ© du commerce Ă  Constantinople et que 20 000 d’entre eux fussent revenus, Manuel les fit arrĂȘter, allĂ©guant qu’ils Ă©taient les auteurs d’une attaque contre le quartier gĂ©nois de Galata, et confisqua tous leurs biens. En reprĂ©sailles, Venise envoya une flotte occuper l’ile de Chios, aprĂšs quoi le doge se rapprocha Ă  la fois de Barberousse et du roi de Sicile. Manuel dut se rĂ©signer Ă  demander la paix. Le traitĂ© de Venise en 1177, mettant fin Ă  la guerre avec la Ligue lombarde et amenant une rĂ©conciliation entre le pape et Barberousse faisait s’évanouir le rapprochement politique et religieux que Manuel avait espĂ©rĂ© conclure avec la papautĂ©[74].

En Asie mineure, une tentative de croisade (1168-1171) dirigĂ©e par Byzance avec l’aide des États francs contre l’Égypte se termina par un fiasco. De plus, la mort de Nur ed-Din en 1174 laissait les Danichmendes sans protection contre le sultan Kilidj Arslan qui affermissait sa puissance en Asie mineure. L’annĂ©e suivante les relations Ă©taient rompues entre Byzance et les Turcs seldjoukides. Manuel marcha contre leur capitale, Iconium, mais subit une cuisante dĂ©faite dans les dĂ©filĂ©s de MyriokĂ©phalon, le . L’armĂ©e byzantine fut dĂ©cimĂ©e et Manuel devait comparer cette dĂ©faite Ă  celle subie 105 ans plus tĂŽt par son ancĂȘtre, Romain DiogĂšne, Ă  Mantzikert. Elle devait marquer la fin du rĂȘve de Manuel d’imposer l’autoritĂ© de Byzance sur l’Asie mineure[75].

Situation intérieure

Manuel Ier
Absorbé par des projets lointains et ambitieux, Manuel Ier en oublia les menaces plus rapprochées et les couts de ses guerres sur les finances de l'empire.

Toutes ces guerres avaient toutefois laissĂ© Byzance passablement isolĂ©e tant en Europe en raison Ă  la fois de ses tentatives pour ressusciter l’idĂ©e impĂ©riale et de ses alliances avec des musulmans qu’en Asie mineure oĂč elle n’avait fait que remplacer plusieurs petites puissances hostiles entre elles par un seul ennemi bien organisĂ© qui finit par le battre. Sur le plan intĂ©rieur, Ă  la mort de Manuel, les finances Ă©taient en dĂ©sordre, l’empire Ă©tait Ă©puisĂ© et le prestige impĂ©rial sĂ©rieusement compromis.

La diplomatie de Manuel Ă©tait basĂ©e sur des subsides, pots-de-vin et cadeaux de toutes sortes, lesquels grevaient le budget. S’il avait relocalisĂ© de nombreux prisonniers de guerre sur des terres d’empire et si ceux-ci lui devaient le service militaire, il dut embaucher de plus en plus de mercenaires qui vivaient aux dĂ©pens de la population locale. Par ailleurs, le rĂ©gime de la noblesse militaire encouragea la grande propriĂ©tĂ© et les biens grevĂ©s de services des pronoĂŻaires introduits sous Jean II. De telle sorte que si, sous le rĂ©gime de la noblesse civile des Doukas, on fuyait le rĂ©gime militaire, chacun voulait maintenant soit ĂȘtre soldat, soit avoir partie liĂ©e avec l’armĂ©e pour pouvoir survivre. Ainsi se dĂ©veloppait une sorte de fĂ©odalisation qui, en augmentant le pouvoir de la noblesse, diminuait le pouvoir de l’empereur[76].

Le rĂšgne de Manuel marqua ainsi Ă  la fois l’apogĂ©e des ComnĂšnes et le dĂ©but de leur dĂ©clin.

Alexis II (1180 — 1183)

NĂ© porphyrogĂ©nĂšte le , Alexis II fut couronnĂ© coempereur deux ans plus tard. Sa mĂšre, Marie d’Antioche fille de Raymond de Poitiers, Ă©tait dĂ©testĂ©e comme Ă©trangĂšre et premiĂšre latine Ă  rĂ©gner Ă  Constantinople. C’est Ă  elle toutefois que Manuel avait confiĂ© la rĂ©gence en cas de minoritĂ© Ă  condition que celle-ci prenne l’habit monastique Ă  sa mort, ce qu’elle fit. Mais elle continua Ă  diriger les affaires de l’État avec le protosĂ©baste Alexis ComnĂšne, neveu de Manuel et oncle de la reine de JĂ©rusalem. De concert, ils justifiĂšrent les craintes du peuple de voir les marchands italiens et l’aristocratie dilapider les biens publics et accaparer les hautes charges de l’État[77].

La Serbie sous Étienne Nemanja
La Serbie au temps d'Étienne Nemanja, montrant aussi l'extension du royaume de Hongrie

Pendant ce temps, le jeune Alexis, vaniteux et orgueilleux, passait ses jours Ă  la chasse dĂ©laissant totalement les affaires de l’État. Diverses tentatives de coup d’État eurent lieu dont celui de la fille de Manuel, Marie qui avait Ă©pousĂ© Rainier de Montferrat. Le coup avait probablement pour but d’assassiner le protosĂ©baste et de rĂ©gner au nom d’Alexis II. DĂ©noncĂ©s, Marie et Rainier se rĂ©fugiĂšrent Ă  Sainte-Sophie oĂč ils demeurĂšrent deux mois sous la protection du patriarche et de gens du peuple. BĂ©la III de Hongrie en profita pour reprendre la Dalmatie, la Bosnie et Sirmium alors qu’Étienne NĂ©manja rĂ©pudia la souverainetĂ© byzantine. En Asie mineure, Kilidj Arslan II rĂ©ussit Ă  couper le lien entre l’empire et la cĂŽte sud pendant que le roi d’ArmĂ©nie, Ruben III, s’avançait en Cilicie[78].

C’est alors qu’Andronic ComnĂšne entra en scĂšne. Fils d’Isaac, frĂšre de Jean II, il avait Ă©tĂ© Ă©levĂ© Ă  la cour du sultan d’Iconium de mĂȘme que son cousin germain, le futur empereur Manuel, avec qui il ne put jamais vĂ©ritablement s’entendre. AprĂšs une vie passablement mouvementĂ©e et dĂ©jĂ  dans la soixantaine, il exerçait les fonctions de gouverneur dans la rĂ©gion du Pont. En il sentit le moment venu d’entrer en action et marcha sur Constantinople. Les troupes envoyĂ©es par la RĂ©gence pour lui barrer la route se ralliĂšrent Ă  lui. DĂ©sormais en position de force, il rejeta le compromis offert par le protosĂ©baste et exigea le dĂ©part de celui-ci et l’entrĂ©e dĂ©finitive de Marie d’Antioche dans un couvent. BientĂŽt le peuple de Constantinople se souleva en sa faveur, donnant libre cours Ă  la fureur accumulĂ©e depuis des annĂ©es contre les Ă©trangers : les quartiers occupĂ©s par les Occidentaux furent pillĂ©s et les habitants systĂ©matiquement massacrĂ©s. Il devait en rĂ©sulter une rupture complĂšte entre Byzance et l’Occident[79].

Certain de pouvoir renverser la RĂ©gence, il fit son entrĂ©e Ă  Constantinople en septembre et s’empressa de faire couronner Alexis II Ă  Sainte-Sophie. À la suite de quoi il fit empoisonner Marie et Rainier avant d’obliger le jeune Alexis Ă  signer l’arrĂȘt de mort de sa mĂšre, laquelle fut Ă©tranglĂ©e dans sa cellule. Le patriarche ThĂ©odose fut dĂ©posĂ© et remplacĂ© par Basile Kamateros. Enfin, la plupart des dignitaires du palais furent remplacĂ©s par des hommes Ă  la dĂ©votion d’Alexis. Un an aprĂšs son arrivĂ©e Ă  Constantinople, il jugea le moment venu de se faire couronner coempereur par le nouveau patriarche. Quelques semaines plus tard Alexis II Ă©tait Ă©tranglĂ© dans son lit et son corps jetĂ© dans le Bosphore; Andronic se retrouvait seul empereur. Pour complĂ©ter sa prise de pouvoir, il Ă©pousa la veuve d’Alexis II, AgnĂšs-Anne de France, alors ĂągĂ©e de 11 ans et de cinquante ans sa cadette[80].

Andronic Ier (1183 – 1185)

L'empire byzantin en 1180
L'empire byzantin en 1180, proche de la fin de la dynastie des ComnĂšnes.

Le rĂšgne d’Andronic fut aussi court que celui de son prĂ©dĂ©cesseur : accueilli dans l’enthousiasme, il Ă©tait assassinĂ© deux ans plus tard par une foule en colĂšre. S’il voulut rĂ©gĂ©nĂ©rer l’empire, il ne connaissait qu’un moyen d’y parvenir : la force brutale[81].

Le régime de réformes se transforme en régime de terreur

Ayant Ă©liminĂ© toute opposition, Andronic se mit Ă  Ă©radiquer les causes du dĂ©clin de l’empire. D’une part il redressa le fonctionnement de l’administration en relevant le traitement des gouverneurs de provinces et des fonctionnaires et en s’assurant que ceux-ci soient versĂ©s rĂ©guliĂšrement, en supprimant la vĂ©nalitĂ© des charges, en Ă©tablissant de nouveaux registres pour l’impĂŽt et en envoyant dans les provinces des juges probes et intĂšgres. C’est ainsi qu’il ordonna de faire pendre aux mĂąts des bateaux ceux qui avaient l’habitude de piller les bateaux coulĂ©s[82].

En dĂ©fendant ainsi les paysans, Andronic s’aliĂ©na la grande aristocratie fonciĂšre qui Ă©tait devenue l’armature mĂȘme de l’État et son affaiblissement par les exĂ©cutions massives qu’instaura le rĂ©gime eut des consĂ©quences sĂ©rieuses pour la dĂ©fense de l’empire. Les tentatives de coup d’État se multipliĂšrent et Andronic y rĂ©pondit Ă  sa maniĂšre habituelle. Au dĂ©but 1185, Isaac ComnĂšne, ancien doux de Cilicie (qui avait pourtant Ă©tĂ© rachetĂ© par Andronic aprĂšs la conquĂȘte de son duchĂ©) se proclama empereur Ă  Chypre. Ne pouvant s’emparer d’Isaac, Andronic fit lapider et empaler deux de ses parents. Et lorsqu’on dĂ©couvrit un complot visant Ă  mettre sur le trĂŽne Alexis ComnĂšne, fils bĂątard de Manuel et Ă©poux de sa fille, il fit pendre ou aveugler les conspirateurs, y compris son beau-fils. Il n’est donc pas surprenant que nombre d’aristocrates s’enfuirent vers l’Occident oĂč ils se joignirent Ă  la campagne de dĂ©nigrement existant contre Byzance[83].

Guerre avec la Hongrie, retour de Venise, invasion des Normands

Contrairement Ă  Manuel, Andronic dĂ©testait tant l’Occident oĂč on s’agitait contre lui que les principautĂ©s latines de Syrie. Ayant sĂ©journĂ© Ă  la cour de Nur ed-Din, il contacta son successeur, Saladin, avec lequel il conclut un traitĂ© d’alliance visant Ă  se partager les dĂ©pouilles de leurs ennemis communs, les Turcs seldjoukides et les Latins de Palestine[84].

Cette « alliance contre nature » ne fit qu’aviver l’antipathie de l’Occident Ă  l’endroit de Byzance. En mĂȘme temps, les troubles Ă  l’intĂ©rieur de l’empire encouragĂšrent Hongrois et Serbes Ă  reprendre la politique expansionniste qu’était parvenu Ă  rĂ©primer Manuel. DĂšs 1181, BĂ©la III s’empara de la Dalmatie, d’une partie de la Croatie et de la rĂ©gion de Sirmium pendant qu’Étienne NĂ©manja proclamait son indĂ©pendance et rĂ©unissait sous son sceptre la DioclĂ©e et la Rascie. Deux ans plus tard, Hongrois et Serbes envahissaient l’empire et s’emparaient de Belgrade, Branichevo, NiĆĄ et Sofia que les croisĂ©s trouveront six ans plus tard abandonnĂ©es et dĂ©vastĂ©es[85].

Mort d'Andronic Ier d'abord monté sur une anesse puis livré aux femmes
Mort d'Andronic Ier d'aprĂšs un manuscrit du Moyen Âge. À l'arriĂšre-plan l'empereur est montĂ© Ă  l'envers sur une Ăąnesse tenant dans la main qui lui reste la queue de celle-ci, puis, Ă  l'avant-plan, livrĂ© aux femmes

En 1184, les fiançailles du roi Henri, fils de Frédéric Barberousse, et de Constance, tante et héritiÚre de Guillaume de Sicile, rapprochaient les deux plus mortels ennemis de Byzance. Andronic tenta de se prémunir contre ce danger en se rapprochant de Venise avec laquelle il signa un traité accordant des réparations pour les dommages subis en 1171 et permettant aux Vénitiens de revenir à Constantinople reprendre leurs comptoirs, ce qui raviva la haine de la population[86].

Effectivement, Guillaume II, qui avait donnĂ© asile Ă  un jeune Grec prĂ©tendant ĂȘtre Alexis II, prĂ©parait une expĂ©dition maritime qui prenait des airs de croisade contre Byzance. Partie en de Messine, elle s’emparait Ă  la fin du mois de Dyrrachium et en aout de Thessalonique oĂč les Latins se livrĂšrent Ă  un pillage rappelant les sept mille morts que ThĂ©odose le Grand avait fait Ă  l’hippodrome 800 ans plus tĂŽt. La nouvelle de ces massacres atteignit bientĂŽt Constantinople oĂč la panique se rĂ©pandit. Jamais auparavant les Normands ne s’étaient approchĂ©s Ă  ce point de Constantinople. La rĂ©volution grondait. Elle Ă©clata lorsqu’un devin identifia un cousin de l’empereur, Isaac l'Ange, comme possible auteur d’une tentative de coup. Celui-ci tua Étienne HagiochristophoritĂšs chargĂ© de l’arrĂȘter et alla se rĂ©fugier Ă  Sainte-Sophie oĂč il fut rejoint par une foule en colĂšre qui le proclamĂšrent empereur le lendemain (11-). Pris de panique, Andronic tenta de s’enfuir mais fut rattrapĂ© sur les bords de la mer Noire, ramenĂ© Ă  Constantinople oĂč une foule en colĂšre le mit en piĂšces quelques jours plus tard[87].

La dynastie des ComnĂšnes qui avait rĂ©ussi sous trois empereurs remarquables Ă  redonner Ă  l’empire une partie de sa gloire passĂ©e disparaissait lamentablement, ayant surestimĂ© ses forces dans un monde oĂč la crĂ©ation de royaumes fĂ©odaux rendait impossible la renaissance d’un empire universel. À l’intĂ©rieur mĂȘme de l’empire, le renforcement de la puissante aristocratie des grands propriĂ©taires terriens et l’affaiblissement du pouvoir impĂ©rial qui en dĂ©coulait rendra impossible Ă  la dynastie des Anges d’éviter l’effondrement final en 1204.

Une administration centrée autour de la personne de l'empereur

L’administration byzantine connaĂźt des changements profonds sous les ComnĂšnes, tout en s’inscrivant dans une rĂ©elle continuitĂ©. Alexis s’illustre par la diversitĂ© des nouveaux titres qu’il instaure, bouleversant sensiblement l’ordre protocolaire traditionnel. La logique de cette titulature repose principalement sur la famille impĂ©riale. Les degrĂ©s de proximitĂ© avec l’empereur sont illustrĂ©s par la collation de titres et de dignitĂ©s toujours plus grandiloquentes. Le sĂ©bastokrator devient le titre le plus important, dĂ©passant celui de cĂ©sar, les anciennes dignitĂ©s en gĂ©nĂ©ral perdant de la valeur quand elles ne disparaissent pas complĂštement.

Les alliances matrimoniales, qui ont permis aux ComnĂšnes d’accĂ©der au pouvoir, deviennent le nƓud du pouvoir, entraĂźnant des luttes d’influence. Plus encore que sous les dynasties prĂ©cĂ©dentes, la famille impĂ©riale joue un rĂŽle dĂ©cisif dans le destin de l’Empire au dĂ©triment d’une mĂ©ritocratie certes limitĂ©e mais rĂ©elle. Les ComnĂšnes tentent de s'unir Ă  l'ensemble des grandes familles byzantines, comme les Doukas, pour consolider leur emprise sur le trĂŽne. Ce mode de fonctionnement dĂ©voile ses limites Ă  la mort de Manuel. DĂšs lors qu’Alexis II est mineur, il n’est plus en mesure d’incarner la figure centrale de l’empereur. Les luttes d’influence au sein de la cour impĂ©riale peuvent alors redoubler d’intensitĂ©, favorisant l’effondrement d’un mode de gouvernement intrinsĂšquement fragile.

Au niveau rĂ©gional, les Ă©quilibres ont Ă©tĂ© bouleversĂ©s par la perte de l'Asie Mineure et de l'Italie. Les circonscriptions territoriales, les thĂšmes sont cependant recrĂ©es au fur et Ă  mesure de la reconquĂȘte de l'Anatolie, mĂȘme si leur rĂŽle militaire est dĂ©sormais nĂ©gligeable. Des duchĂ©s sont aussi crĂ©Ă©s sur certains territoires. Plus fondamentalement, des phĂ©nomĂšnes de sĂ©cession apparaissent aux confins de l'Empire, qui illustrent les lacunes de l'autoritĂ© impĂ©riale. Les Ăźles de Chypre et de la CrĂšte connaissant des mouvements sĂ©cessionnistes, de mĂȘme que les environs de TrĂ©bizonde sous ThĂ©odore Gabras. Ces mouvements prĂ©figurent la perte par l'Empire de certaines de ces provinces peu de temps aprĂšs la chute de la dynastie des ComnĂšnes.

Le renouveau des forces militaires byzantines

Sous les ComnĂšnes, l’armĂ©e byzantine retrouve une partie de sa puissance de l’ùre macĂ©donienne. A l’arrivĂ©e au pouvoir d’Alexis Ier, elle est profondĂ©ment dĂ©sorganisĂ©e par des annĂ©es de guerre civile. La plupart des unitĂ©s traditionnelles, les tagmata, ont disparu et les frontiĂšres ont Ă©tĂ© laissĂ©es Ă  l’abandon, la crise du Xe siĂšcle consacrant le dĂ©clin du stratiote, le paysan soldat chargĂ© de la dĂ©fense des terres frontaliĂšres. Cependant, la famille des ComnĂšne est d’origine militaire, Alexis Ier Ă©tant lui-mĂȘme gĂ©nĂ©ral. De ce fait, elle est particuliĂšrement sensible aux questions militaires et se consacre Ă  la refondation de l’armĂ©e. Les tagmata sont reformĂ©es mais ne reprennent pas le nom des anciennes unitĂ©s. Au contraire, d’autres unitĂ©s historiques sont maintenues comme la garde varangienne. L’usage de mercenaires reste une constante de l’histoire militaire byzantine et les chevaliers occidentaux sont de plus en plus prĂ©sents dans les forces militaires, incarnant la puissance militaire de l’Europe occidentale qui suscite crainte et admiration Ă  Constantinople. Des guerriers turcs ou des archers Ă  cheval petchĂ©nĂšgues sont aussi incorporĂ©s, ainsi qu'une unitĂ© d'origine hongroise, les Vardariotai. NĂ©anmoins, les empereurs restent attentifs au maintien d’unitĂ©s autochtones, assurant la cohĂ©sion de l’armĂ©e. Sous Alexis, une vĂ©ritable armĂ©e professionnelle est de nouveau en mesure de combattre les adversaires de l’Empire et de mener des guerres de reconquĂȘte, aux cĂŽtĂ©s par exemple des CroisĂ©s. En revanche, il ne faut pas voir dans l’Ɠuvre rĂ©formatrice d’Alexis un plan mĂ©ticuleusement pensĂ© mais bien une adaptation aux forces et faiblesses de l’Empire ainsi qu’à ses adversaires directs. Les empereurs procĂšdent d’abord par expĂ©dients.

L’armĂ©e byzantine reste structurĂ©e autour de la prĂ©dominance de la cavalerie lourde (les cataphractaires) qui est l’élite de l’armĂ©e, mĂȘme si la chevalerie occidentale se montre souvent supĂ©rieure. Les armes de siĂšge occupent une place centrale dans des guerres souvent faites de siĂšges. La dĂ©faite de MyriokĂ©phalon, loin d’ĂȘtre dramatique sur le plan humain, est surtout marquĂ©e par la perte de l’artillerie empĂȘchant Manuel Ier de partir Ă  la conquĂȘte d’Iconium.

Les grades de l’armĂ©e subissent aussi des bouleversements, Ă  l’image de l’ensemble de la hiĂ©rarchie protocolaire byzantine. Le Grand Domestique devient le chef de l’armĂ©e tandis que la division traditionnelle entre Domestique des Scholes d’Orient et Domestique des Scholes d’Occident disparaĂźt. Le protostrator devient aussi un personnage de premier plan, en tant que gĂ©nĂ©ral en second.

La marine byzantine, sur le modĂšle de l'armĂ©e, doit ĂȘtre rĂ©organisĂ©e. A l’abandon au dĂ©but du rĂšgne d’Alexis, elle est concurrencĂ©e par les rĂ©publiques italiennes naissantes, qui mettent la main sur les routes commerciales. Si les empereurs byzantins parviennent Ă  recrĂ©er une marine digne de ce nom, sous la direction d’un mĂ©gaduc. Sous Manuel, elle peut conduire des expĂ©ditions au-delĂ  des mers, en Italie et jusqu'en Égypte. Pour autant, elle ne retrouve pas sa prĂ©dominance d'antan. La RĂ©publique de Venise autant que GĂȘnes sont des rivaux indĂ©passables dont la maĂźtrise des mers grandissantes reprĂ©sente un dĂ©fi majeur pour la puissance byzantine.

Notes et références

  1. Alexander P. Kazhdan, « Isaac I Komnenos » dans (en) Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, , 1re éd., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6 et 0-19-504652-8, LCCN 90023208), p. 1011 ; Cyril Mango, The Oxford History of Byzantium, p. 204.
  2. Bréhier 1969, p. 222
  3. Bréhier 1969, p. 227
  4. Georges Ostrogorsky, Histoire de l'État byzantin, pp. 365 et 368; Cyril Mango, op. cit., p. 189
  5. Bréhier 1969, p. 226
  6. Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 365; Cyril Mango, op.cit., p. 183.
  7. Georges Ostrogorsky, op. cit., pp. 365-366; Cyril Mango, op.cit., pp. 184-185.
  8. Bréhier 1969, p. 235-236
  9. Georges Ostrogorsky, op.cit., pp. 369-370.
  10. Ostrogorsky, op.cit., pp. 371-372
  11. Bréhier 1969, p. 237-238
  12. Alexander P. Kazhdan, « Alexios I Komnenos », op. cit., p.63.
  13. ibid, p. 63
  14. Louis Bréhier, op. cit., p. 244; Warren Treadgold, A History of the Byzantine State and Society, p. 612.
  15. Warren Treadgold, op.cit., p. 644; Norwich, Byzantium, The Decline and Fall, p. 51; Mango, op.cit., pp. 204-205.
  16. Bréhier 1969, p. 244
  17. Treadgold, op.cit., p. 613 et 681; Ostrogorsky, op.cit., p. 389; pour l’armĂ©e voir John Haldon, Warfare, State and Society in the Byzantine World, 565-1204, pp. 118-119.
  18. Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 390; John Norwich, op.cit., p. 51.
  19. Alexander Kazhdan, op.cit., p. 63, Warren Treadgold, op.cit., p. 619; John Norwich, op.cit., p. 52.
  20. Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 394; Warren Treadgold, p. 615.
  21. Bréhier 1969, p. 246
  22. Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 395; Cyril Mango, op.cit., p. 210.
  23. John Haldon, op. cit., pp. 93-94
  24. Bréhier 1969, p. 245
  25. Georges Ostrogorsky, op. cit.., p. 392.
  26. George Ostrogorsky, op.cit., p. 388; Warren Treadgold, op.cit., p. 618.
  27. Georges Ostrogorsky, op.cit., pp. 378 et 388.
  28. Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 387; Cyril Mango, op.cit., p. 187.
  29. Bréhier 1969, p. 247
  30. Georges Ostrogorsky, op.cit., pp. 378-379; Warren Treadgold, op.cit., pp. 614-615; John Norwich, op.cit., pp. 22-25; Cyril Mango, op.cit., pp 190-192; Alexander P. Kazhdan, « Robert Guiscard », op.cit., p. 1799.
  31. Louis Bréhier, pp. 238-239, pp. 247-248; Warren Treadgold, pp. 614-616; Cyril Mango, op.cit., p. 185.
  32. Bréhier 1969, p. 248-251
  33. Alexander P. Kazhdan, « Pechenegs », op.cit., p. 1513; Georges Ostrogorsky, op.cit., pp.380-381; Warren Treadgold, op.cit., pp. 616-618; Cyril Mango, op.cit., p. 183.
  34. Anne ComnĂšne, IX, 3 (II, 166).
  35. Bréhier 1969, p. 252-253
  36. Warren Treadgold, op.cit., p. 619; Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 382; Cyril Mango, op.cit., p. 185.
  37. Louis Bréhier, op.cit., p. 255; Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 384;Jonathan Harris, Byzantium and The Crusades, p. 57.
  38. Selon les estimations de S. Runciman, History of the Crusades, vol. I, pp. 33-341; Anne ComnĂšne elle-mĂȘme note [XI, 2.2.] que les croisĂ©s surpassaient de beaucoup en nombre l’armĂ©e impĂ©riale.
  39. Alexander P. Kazhdan, « Bohemund », op.cit., p. 301.
  40. Toutefois TancrĂšde, neveu de BohĂ©mond, arriva directement avec ses troupes en Asie mineure sans passer par Constantinople et n’eut pas Ă  se soumettre Ă  cette formalitĂ©; Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse, s’y refusa obstinĂ©ment, promettant simplement de ne pas attenter Ă  la vie de l’empereur; Gesta Francorum, 6 (32).
  41. Jonathan Harris, op.cit., pp. 60-61.
  42. Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 385; Alexander P. Kazhdan, « Raymond of Toulouse », op.cit., p. 1776.
  43. Bréhier 1969, p. 255-260
  44. Jonathan Harris, op.cit., pp. 88-92; Warren Treadgold, op.cit., pp. 625-629; Georges Ostrogorsky, op. cit., pp. 385-387; Alexander P. Kazhdan, « Tancred », op.cit., p. 2009.
  45. Bréhier 1969, p. 260
  46. Warren Treadgold, op. cit., p. 627; John Norwich, op. cit., p. 57.
  47. Elle ne mentionnera celui-ci qu’une seule fois dans l’Alexiade sans le dĂ©signer par son nom.
  48. John Norwich, op.cit., pp. 63-64; Georges Ostrogorsky, op.cit., pp. 397-398; Louis Bréhier, op.cit., p. 262.
  49. John Norwich, op.cit., p. 65.
  50. Louis Bréhier, op.cit., p. 263; John Norwich, op.cit., p. 66.
  51. Louis Bréhier, op.cit., p. 263.
  52. Voir l’analyse comparĂ©e que fait Jonathan Harris des sources latines et grecques mettant en lumiĂšre les conceptions diffĂ©rentes que l’Orient et l’Occident se faisaient du pouvoir, Jonathan Harris, op.cit., pp. 82-86.
  53. Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 399; John Norwich, op.cit. pp. 78-79; Louis Bréhier, op.cit., p. 264; Cyril Mango, op.cit., p. 184.
  54. Louis Bréhier, op.cit., p. 264; John Norwich, op.cit., p. 70; Georges Ostrogorsky, op.cit., pp. 398-399.
  55. Cyril Mango, op.cit., p. 192.
  56. Louis Bréhier, op.cit., p. 264 ; Warren Treadgold, op.cit., p. 631 ; John Norwich, op.cit., p. 71 ; Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 399.
  57. John Norwich, op.cit., pp. 67-68.
  58. John Norwich, op.cit., pp. 72-73; Louis Bréhier, op.cit., pp. 264-265; Warren Treadgold, op.cit., pp. 631-633; Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 400.
  59. Louis Bréhier, op.cit., pp. 265-266; John Norwich, op.cit., pp. 77-85; Warren Treadgold, op.cit., pp. 631-637; Georges Ostrogorsky, op.cit., pp. 400-401; Jonathan Harris, op.cit., pp. 75-75 et 81-86.
  60. Georges Ostrogorsky, op.cit., pp. 400-401; Cyril Mango, op. cit., p. 192; Alexander P. Kazhdan, « Roger II », op.cit., p. 1801 et « Conrad III », op.cit., p. 495.
  61. Georges Ostrogorsky, op. cit., p. 401; Louis Bréhier, op. cit., p. 269; Jonathan Harris, op. cit., pp.101-102.
  62. Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 401; Jonathan Harris, op.cit., pp. 93 et 113; John Norwich, op.cit., pp. 138-140; Louis Bréhier, op.cit., p. 268.
  63. John Norwich, op.cit., pp. 92-94; Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 403; Louis Bréhier, op.cit., p. 270; Jonathan Harris, op.cit., pp. 94-101; Cyril Mango, op.cit., p. 195; Alexander P. Kazhdan, « Eugenius III », op.cit., p. 744, « Louis VII », op.cit., p. 1252 et « Frederick I Barbarossa », op.cit., p. 804.
  64. Georges Ostrogorsky, op. cit., p. 403; Louis Bréhier, op. cit., p. 270; John Norwich, op. cit., pp. 98-99.
  65. Georges Ostrogorsky, op.cit., pp. 401-402; John Norwich, op.cit., pp. 100-101.
  66. John Norwich, op.cit., pp. 105-106; Georges Ostrogorsky, op.cit., pp. 404, 405; Warren Treadgold, op.cit., p. 642.
  67. John Norwich, op.cit., p. 115; Louis Bréhier, op.cit., p. 272; Georges Ostrogorsky, op.cit., p.407; Warren Treadgold, op.cit., p. 643.
  68. Alexander P. Kazhdan, « Cilicia », op.cit., p. 462.
  69. Alexander P. Kazhdan, « Baldwin III », op.cit., p. 247.
  70. Louis Bréhier, op.cit., p. 272; John Norwich, op.cit., pp. 121-122;John Harris, op.cit., p. 105, pp. 108-110; Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 407.
  71. John Norwich, op.cit., pp. 122-125; Louis Bréhier, op.cit., p.273.
  72. Georges Ostrogorsky, op.cit., pp. 411-412; John Norwich, op.cit., p. 129; Louis Bréhier, op.cit., pp. 273-274; Warren Treadgold, op.cit., pp. 646-648.
  73. Cyril Mango, op.cit., p. 185.
  74. Louis Bréhier, op.cit., pp. 275-276; John Norwich, op.cit., pp. 129-133.
  75. Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 114; John Norwich, op.cit., pp. 135-137; Louis Bréhier, op.cit., pp. 276-278; Warren Treadgold, op.cit., pp. 647-650; Jonathan Harris, op.cit., p. 147.
  76. Georges Ostrogorsky, op.cit., pp. 416-417; John Norwich, op.cit., pp. 138-139; Louis Bréhier, op.cit., p. 280.
  77. Kazhdan, « Alexis II Komnenos », op.cit., p. 1298; Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 418.
  78. Warren Treadgold, op.cit., pp. 650-651; John Norwich, op.cit., p. 140.
  79. Alexander P. Kazhdan, « Andronikos I Komnenos », op.cit., p. 94; Louis Bréhier, op.cit., p. 282; John Norwich, op.cit., pp. 142-143; Warren Treadgold, op.cit., pp. 650-651; John Norwich, op. cit., pp. 142-143; John Harris, op.cit., p. 119.
  80. Louis Bréhier, op.cit., p. 283; John Norwich, op.cit., p. 143; Warren Treadgold, op.cit., p. 653; Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 419; John Harris, op.cit., p. 118; Cyril Mango, op.cit., p. 205.
  81. Les chroniqueurs de l’époque comme Eustathe de Thessalonique et NicĂ©tas ChoniatĂšs passent sans transition Ă  son sujet des plus grands Ă©loges Ă  la pire rĂ©probation.
  82. Nicétas ChoniatÚs, 422, cité dans Georges Ostrogorsky, op.cit., p. 420.
  83. Louis Bréhier op.cit., p. 283; Georges Ostrogorsky, op.cit., pp. 420-421; Warren Treadgold, op.cit., p. 654; John Norwich, op.cit., p. 144; Jonathan Harris, op.cit., p. 124; Alexander P. Kazhdan, « Andronikos I Komnenos », op. cit., p. 94.
  84. Jonathan Harris, op.cit., pp. 121-124; Louis Bréhier, op.cit., p. 284.
  85. Alexander P. Kazhdan, « Bela III », op. cit., p. 278; Georges Ostrogorsky, op. cit., p. 422; John Norwich, op. cit., p. 144.
  86. Jonathan Harris, op. cit., p. 120; Louis Bréhier, op. cit., p. 284.
  87. Alexander P. Kazhdan, « William II », op.cit., p. 2196; John Norwich, op.cit., pp. 145-153; Louis Bréhier, op.cit., p. 285; Georges Ostrogorsky, op. cit., p. 424.

Voir aussi

Bibliographie

On consultera avec profit la bibliographie exhaustive contenue dans chaque volume de la trilogie Le monde byzantin (Coll. Nouvelle Clio, Presses universitaires de France) rĂ©partie pour chacune des pĂ©riodes Ă©tudiĂ©es (vol. 1 – L’Empire romain d’Orient [330-641]; vol. 2 – L’empire byzantin [641-1204]; vol. 3 – L’empire grec et ses voisins [XIIIe]-XVe siĂšcle] entre Instruments bibliographiques gĂ©nĂ©raux, ÉvĂšnements, Institutions (empereur, religion, etc.) et RĂ©gions (Asie Mineure, Égypte byzantine, etc.). Faisant le point de la recherche jusqu’en 2010, elle comprend de nombreuses rĂ©fĂ©rences Ă  des sites en ligne.

Sources primaires

Fille ainĂ©e d’Alexis Ier, Anne ComnĂšne, et son Alexiade est une des principales sources pour cette pĂ©riode. Biographie de son pĂšre de ses dĂ©buts jusqu’à sa mort (1069-1118), l’Alexiade nous renseigne non seulement sur la pĂ©riode de la restauration de la puissance byzantine, mais aussi sur la rencontre entre Byzance et l’Occident pendant la premiĂšre croisade et sur les luttes de l’empire avec les Normands d’une part, avec les peuples des steppes du Nord et de l’Est d’autre part. Le mari d’Anne, le cĂ©sar NicĂ©phore Bryenne, nous a Ă©galement laissĂ© une histoire de la maison des ComnĂšnes Ă  partir d’Isaac jusqu’à NicĂ©phore BotaniatĂšs, mais l’Ɠuvre est demeurĂ©e inachevĂ©e. Enfin, Jean Zonaras reprend dans sa Chronique universelle le rĂ©cit de l’Alexiade, mais en y apportant d’importants complĂ©ments.

Pour l’époque qui suit celle d’Alexis, l’Ɠuvre de Jean Kinnamos expose avec simplicitĂ© et concision le rĂšgne de Manuel Ier alors que NicĂ©tas ChoniatĂšs, secrĂ©taire impĂ©rial de la cour et grand logothĂšte sous les Anges, traite dans son Histoire de la pĂ©riode allant du rĂšgne d’Alexis jusqu’en 1206.

Parmi les sources occidentales, on peut mentionner les Gesta Francorum, Villehardouin et Robert de Clarie qui Ă©clairent les relations entre Byzance et l’Occident mĂȘme si des textes comme la Gesta Francorum ont Ă©tĂ© rĂ©digĂ©s afin de nourrir le sentiment antibyzantin qui se dĂ©veloppait en Occident. Il faut Ă©galement mentionner un faux cĂ©lĂšbre qui contribua Ă  rĂ©pandre en Occident l’idĂ©e qu’Alexis avait trahi les croisĂ©s. Cette lettre supposĂ©ment d’Alexis Ier au comte de Flandre nous est parvenue sous sa forme latine comme un appel Ă  la croisade. En fait, elle a probablement Ă©tĂ© fabriquĂ©e Ă  partir d’une vĂ©ritable lettre de l’empereur ayant trait au recrutement de mercenaires occidentaux (Voir Ă  ce sujet, E. Joranson, « The Problem of the Spurious Letter of Emperor Alexis to the count of Flanders », Amer. Hist. Rev., 55 (1950), p. 811 et sq.)

  • Anonyme. Gesta Francorum et aliorum Hierosolymitanorum, Ă©d. et trad. française L. BrĂ©hier, Paris, C.H.F., 1924.
  • Nikephoros Bryennios. Historiarum libri quattuor, ed. et trad. Paul Gautier, Bruxelles, 1975.
  • Nicetas ChoniatĂšs. Historia. [livres Google] https://books.google.com/books?id=Yh4bAAAAIAAJ&oe=UTF-8
  • Robert de Clary. La conquĂȘte de Constantinople, trad. P. Charlot, Paris, 1939.
  • Anna Comnena. The Alexiad, trans. E.A. Sewter, Harmondsworth, 1969.
  • Eustathe de Thessalonique. Opuscula, [livre Google] https://books.google.fr/books?id=0uIq3VreEH4C&dq=related:BCUL1092301567.
  • Georges & Demetrios TornikĂšs. Lettres et discours, Paris, Ă©d. J. DarrouzĂšs, 1970.
  • Guillaume de Tyr. Belli Sacri Historia et Historia Rerum in Partibus Transmarinis Gestarum dans Recueil des Historiens des Croisades, AcadĂ©mie des Inscriptions et Belles Lettres, Paris 1841-1906, vol 1; traduit en français dans Collection des MĂ©moires Relatifs Ă  l’Histoire de France de F. Guizot, 29 vols. Paris, 1823-1827. Pour les ComnĂšnes : vols. 16-18.
  • Villehardouin. La conquĂȘte de Constantinople, Ă©d. et trad. E.Faral, Paris, C.H.F. 1938-1939, 2 vol.
  • Jean Zonaras. Epitome historiarum, [livre Google] https://books.google.ca/books/about/Joannis_Zonarae_Epitome_historiarum_Cum.html?id=xIWBKQEACAAJ&redir_esc=y

Sources secondaires

  • Pierre AubĂ©. Les empires normands d’Orient, Paris, Tallendier, 1983. (ISBN 2-235-01483-6).
  • Malcolm Billing. The Cross & the Crescent, A History of the Crusades, New York, Sterling Publishing co, 1990. (ISBN 0-8069-7364-1) (Paper).
  • Louis BrĂ©hier, Vie et mort de Byzance, Paris, Albin Michel, coll. « L'Évolution de l’HumanitĂ© »,
  • Ferdinand Chalandon. Essai sur le rĂšgne d'Alexis Ier ComnĂšne (1081-1118). Paris : A. Picard. 1900.
  • Ferdinand Chalandon. Les ComnĂšnes. Étude sur l’empire byzantin au XIe et XIIe siĂšcles, Paris, 1900-1912, 3 vol.
  • Thalia Gouma-Peterson. Anna Komnene and Her Times, New York & London, Garland Publishing, inc., 2000. (ISBN 0-8153-3851-1).
  • John Haldon. Warfare, State and Society in the Byzantine World, 656-1204. London & New York, Routledge, 1999. (ISBN 1 85728 495 X) (paperback)
  • Jonathan Harris. Byzantium and The Crusades. London, New York, Hambeldom Continuum, 2003. (ISBN 1 85285 501 0) (paperback).
  • (en) Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, , 1re Ă©d., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6 et 0-19-504652-8, LCCN 90023208).
  • Cyril Mango(ed.). The Oxford History of Byzantium, London, Oxford University Press, 2002. (ISBN 0-19-814098-3).
  • John Julius Norwich. Byzantium, The Decline and Fall, New York, Alfred A. Knopf, 1996, (ISBN 0-679-41650-1). (L'Ɠuvre se prĂ©sente en trois volumes: Byzantium: the Early Centuries; Byzantium: The Apogee; Byzantium: The Decline and Fall, dotĂ©s d’une double pagination, successive pour les trois volumes et individuelle pour chacun d’eux; c’est cette derniĂšre que nous utilisons dans les rĂ©fĂ©rences).
  • Georges Ostrogorsky. Histoire de l’État byzantin, Paris, Payot, 1983. (ISBN 2-228-07061-0).
  • Steven Runciman. A History of the Crusades, 3 vols., Cambridge, Cambridge University Press, 1951-1954.
  • Warren Treadgold. A History of the Byzantine State and Society, Stanford, Stanford University Press, 1997. (ISBN 0-8047-2630-2).
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.