Cyanure d'hydrogĂšne
Le cyanure d'hydrogĂšne est un composĂ© chimique de formule chimique H-CâĄN. Une solution aqueuse de cyanure d'hydrogĂšne est appelĂ©e acide cyanhydrique (ou acide prussique).
Cyanure d'hydrogĂšne | |
Identification | |
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Nom UICPA | cyanure d'hydrogĂšne |
Synonymes |
Acide cyanhydrique |
No CAS | |
No ECHA | 100.000.747 |
No CE | 200-821-6 |
No RTECS | MW6825000 |
PubChem | 768 |
SMILES | |
InChI | |
Apparence | liquide ou gaz incolore, d'odeur caractéristique[1] |
Propriétés chimiques | |
Formule | HCN |
Masse molaire[2] | 27,025 3 ± 0,001 1 g/mol C 44,44 %, H 3,73 %, N 51,83 %, |
pKa | 9,2 - 9,3 |
Moment dipolaire | 2,985 188 D[3] |
Propriétés physiques | |
T° fusion | â13 °C[1] |
T° ébullition | 26 °C[1] |
Solubilité | dans l'eau : miscible[1], miscible à l'éthanol |
ParamÚtre de solubilité Ύ | 24,8 MPa1/2 (25 °C)[4] |
Masse volumique | 0,69 g cmâ3 (liquide)[1]
|
T° d'auto-inflammation | 538 °C[1] |
Point dâĂ©clair | â18 °C (coupelle fermĂ©e)[1] |
Limites dâexplosivitĂ© dans lâair | 5,6â40,0 %vol[1] |
Pression de vapeur saturante | à 20 °C : 82,6 kPa[1]
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Viscosité dynamique | 0,192 mPa s (20 °C) |
Point critique | 53,9 bar, 183,55 °C[6] |
Thermochimie | |
S0liquide, 1 bar | 109 kJ/mol |
ÎfH0liquide | 113,01 J molâ1 Kâ1 |
Cp | 71,09 J molâ1 Kâ1 (20 °C, liquide) 35,85 J·mol-1·K-1 (25 °C, gaz) |
PCS | 671,5 kJ molâ1 (25 °C, gaz)[8] |
Propriétés électroniques | |
1re énergie d'ionisation | 13,60 ± 0,01 eV (gaz)[9] |
Précautions | |
SGH[10] - [11] | |
Danger Danger |
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SIMDUT[12] | |
B2, D1A, F, |
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NFPA 704 | |
Transport | |
Inhalation | TrĂšs toxique |
Peau | TrĂšs toxique |
Yeux | Provoque des conjonctivites |
Ingestion | TrĂšs toxique |
Ăcotoxicologie | |
LogP | â0,25[1] |
Seuil de lâodorat | bas : 2 ppm haut : 10 ppm[13] |
Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire. | |
Il s'agit d'un produit extrĂȘmement toxique et qui peut ĂȘtre mortel, car il cause une anoxie du fait de lâanalogie structurale de lâion CNâ avec la molĂ©cule dâO2 et de son affinitĂ© pour la molĂ©cule dâhĂ©moglobine qui transporte lâoxygĂšne dans le sang. Dans la nature, il est souvent associĂ© au benzaldĂ©hyde qui dĂ©gage une odeur dâamande amĂšre caractĂ©ristique, Ă laquelle certaines personnes ne sont pas sensibles.
Histoire
Le cyanure d'hydrogÚne fut initialement isolé d'un pigment bleu (le bleu de Prusse), connu depuis 1704, mais dont on ignorait la structure. On sait aujourd'hui que c'est un polymÚre de coordination, avec une structure complexe et une formule empirique de ferrocyanure de fer hydraté.
En 1752, le chimiste français Pierre Macquer montra que le bleu de Prusse pouvait ĂȘtre converti en oxyde de fer et un composĂ© volatil, et que la combinaison de ces deux produits redonnait le bleu de Prusse. Le nouveau composĂ© Ă©tait prĂ©cisĂ©ment le cyanure d'hydrogĂšne. AprĂšs Macquer, le chimiste suĂ©dois Carl Wilhelm Scheele synthĂ©tisa le cyanure d'hydrogĂšne en 1782, et le nomma BlausĂ€ure (lit. « acide de bleu »), ayant reconnu son aciditĂ©. En anglais, il fut davantage connu sous le nom de prussic acid.
En 1787, le chimiste français Claude Louis Berthollet montra que le cyanure d'hydrogÚne ne contenait pas d'oxygÚne, ce qui fut essentiel pour la théorie des acides, Lavoisier ayant postulé que tous les acides contenaient de l'oxygÚne (le nom de l'oxygÚne provient du grec qui signifie « qui engendre l'acidité », tout comme pour l'allemand Sauerstoff). En 1811, Joseph Louis Gay-Lussac parvint à liquéfier le cyanure d'hydrogÚne pur, puis, en 1815, il en établit la formule chimique.
Sources naturelles
ExtrĂȘmement toxique, l'acide cyanhydrique est produit naturellement par certains vĂ©gĂ©taux, et peut ĂȘtre trouvĂ© notamment dans les amandes amĂšres, les noyaux de pĂȘche (et plus gĂ©nĂ©ralement les noyaux des fruits du genre Prunus), de nĂšfles, les feuilles de cerisier (Prunus avium) et de laurier-cerise (Prunus laurocerasus), le sorgho (jeune plante et graines non mĂ»res), le sureau hiĂšble et le manioc. Il intervient aussi dans lâarĂŽme des cerises (comme le benzaldĂ©hyde).
Il est prĂ©sent dans les cyanhydrines comme les mandĂ©lonitriles, et peut en ĂȘtre extrait par voie chimique. Certains millepattes dĂ©gagent du cyanure d'hydrogĂšne comme mĂ©canisme de dĂ©fense. Il est contenu dans les gaz d'Ă©chappement des vĂ©hicules Ă combustion interne, dans la fumĂ©e de tabac, dans les fumĂ©es chirurgicales et dans la fumĂ©e de combustion de certaines matiĂšres plastiques contenant de l'azote â typiquement, le polyacrylonitrile et les copolymĂšres associĂ©s, ABS et SAN, mais aussi le polyurĂ©thane.
Préparation et synthÚse
Le cyanure d'hydrogÚne est produit en grande quantité par deux procédés :
- dans le procédé Degussa, l'ammoniac et le méthane réagissent à 1 200 °C sur un catalyseur de platine.
- CH4 + NH3 â HCN + 3 H2
- Cette réaction est semblable à celle du méthane et de l'eau pour former CO et H2 (procédé dit « du gaz à l'eau ») ;
- dans le procédé Andrussow, on ajoute du dioxygÚne :
- CH4 + NH3 + 1,5 O2 â HCN + 3 H2O
- Cette réaction se produit sur un catalyseur constitué de fils en alliage platine/rhodium (généralement 90/10 %) à une température d'environ 1 100 °C.
- Le procédé Shawinigan est assez semblable aux précédents mais utilise des coupes d'hydrocarbures avec comme principal composant le propane :
- C3H8 + 3 NH3 â 3 HCN + 7 H2
- La réaction a lieu dans un lit fluidisé avec des particules de coke à une température supérieure à 1 300 °C. Aucun catalyseur n'est nécessaire.
- Au laboratoire, de petites quantités d'HCN sont produites par action d'acide sur un cyanure alcalin.
- H+ + NaCN â HCN + Na+
Cette réaction est la source d'empoisonnements accidentels.
Propriétés
Propriétés physiques
Le cyanure d'hydrogÚne se présente, à l'état pur, sous la forme d'un liquide incolore trÚs volatil, ou d'un gaz incolore exhalant une odeur caractéristique d'amande amÚre. Il bout à 26 °C.
Il est miscible en toutes proportions avec l'eau et l'éthanol, soluble dans l'oxyde de diéthyle (éther).
Le cyanure d'hydrogĂšne gazeux dans l'air est explosif Ă partir d'une concentration de 56 000 ppm (5,6 %).
Propriétés chimiques
Le cyanure d'hydrogĂšne pur est stable.
Moins pur, comme il est commercialisé, et s'il n'est pas stabilisé, il polymérise en donnant un dépÎt brun. Ce processus, exothermique et autocatalytique, s'accélÚre en présence d'eau et de produits à réaction alcaline, et peut ainsi conduire à une réaction explosive. Le stabilisant le plus fréquent est l'acide phosphorique, employé dans des proportions de 50 à 100 ppm.
Le cyanure d'hydrogĂšne est faiblement acide et produit des ions cyanure CNâ en solution aqueuse. Les sels de l'acide cyanhydrique sont appelĂ©s « cyanures ».
RĂ©actions
- HCN + R-CO-R' (cĂ©tone ou aldĂ©hyde) â R-C(OH)(CN)-R' (cyanhydrine)
Le cyanure d'hydrogÚne brûle dans l'air en donnant de l'eau, du dioxyde de carbone et du diazote.
Chimie prébiotique
L'acide cyanhydrique se serait formĂ© grĂące Ă la dissociation de l'azote molĂ©culaire prĂ©sent dans l'atmosphĂšre. Les rayons ultraviolets pourraient rĂ©aliser cette rĂ©action, Ă condition d'ĂȘtre suffisamment Ă©nergĂ©tiques (longueur d'onde infĂ©rieure Ă 100 nm), ce qui exclut toute rĂ©action dans les couches les plus basses de l'atmosphĂšre oĂč les ultraviolets les plus Ă©nergĂ©tiques sont absorbĂ©s. La voie prĂ©fĂ©rentielle pour synthĂ©tiser l'acide cyanhydrique Ă partir de l'azote semble ĂȘtre les Ă©clairs, qui libĂšrent une Ă©nergie considĂ©rable sur leurs parcours, propre Ă casser de nombreuses molĂ©cules. Une fois la molĂ©cule de diazote brisĂ©e, un atome d'azote peut rĂ©agir avec une molĂ©cule de mĂ©thane (CH4) pour donner de l'acide cyanhydrique et de l'hydrogĂšne.
Le tétramÚre diaminomaléonitrile (en) se forme par polymérisation du cyanure d'hydrogÚne. Par une réaction photochimique, il se transforme en son isomÚre 4-amino-imidazole-5-carbonitrile, qui permet ensuite la synthÚse de nombreux hétérocycles[14] - [15]. De ce fait, il est considéré comme un composé candidat possible dans l'origine de la chimie prébiotique.
Utilisations
Le cyanure d'hydrogÚne est utilisé pour la fabrication :
- de fumigateurs, de pesticides ;
- de nitriles et de résines monomÚres (l'acrylonitrile, notamment, est utilisé pour la fabrication des fibres acryliques, de matiÚres plastiques) ;
- il est l'élément principal du Zyklon B, utilisé dans les chambres à gaz des camps d'extermination nazis.
Sécurité
Voir la section Ătiquetage selon les directives CE, Ă la fin de cet article.
Risques d'incendie
Le cyanure d'hydrogĂšne, dont le point d'Ă©clair est de â17,8 °C (coupelle fermĂ©e), est extrĂȘmement inflammable. Il peut former des mĂ©langes explosifs avec l'air et ses limites d'explosivitĂ© sont de 5,6 et 41 % en volume.
Ătablissements recevant du public (ERP)
En France, l'arrĂȘtĂ© du 4 novembre 1975 modifiĂ© impose que la masse des matĂ©riaux inflammables utilisĂ©s dans les amĂ©nagements intĂ©rieurs des Ă©tablissements recevant du public n'entraĂźne pas une quantitĂ© d'azote pouvant ĂȘtre libĂ©rĂ©e sous forme d'acide cyanhydrique supĂ©rieure Ă cinq grammes par mĂštre cube du volume du local considĂ©rĂ©.
Toxicité pour l'Homme
L'intoxication aiguĂ« peut survenir par ingestion, par inhalation, ou par contact avec la peau. Une concentration de 300 ppm dans l'air tue un homme en quelques minutes. Sa toxicitĂ© est due Ă l'ion cyanure. Le cyanure d'hydrogĂšne est utilisĂ© aux Ătats-Unis comme mĂ©thode d'exĂ©cution de la peine de mort et a Ă©tĂ© utilisĂ© par le rĂ©gime nazi (sous le nom de Zyklon B) dans les camps d'extermination comme outil « d'extermination de masse ». Le mĂȘme produit est toujours fabriquĂ© actuellement en RĂ©publique tchĂšque, sous le nom « Uragan D2 », et utilisĂ© comme pesticide.
Le seuil de perception olfactive est inférieur à 1 ppm chez les sujets attentifs, sains et non habitués ; cependant, de nombreuses personnes, pour des raisons génétiques, ne perçoivent pas ou peu l'odeur du cyanure d'hydrogÚne.
Des taux de concentration atmosphériques supérieurs à 50 ppm respirés pendant plus d'une demi-heure représentent un risque important, alors que des taux de 200 à 400 ppm ou plus sont considérés comme pouvant entraßner la mort aprÚs une exposition de quelques minutes. à titre indicatif, la dose létale 50 pour le rat est de 484 ppm pour une exposition de cinq minutes.
Source
- Institut national de recherche et de sécurité, Cyanure d'hydrogÚne et solutions aqueuses [PDF], fiche toxicologique no 4, 1997, Paris, 5 p.
Dans la littérature
- Dans ThĂ©rĂšse Raquin d'Ămile Zola (1867), c'est avec de l'acide cyanhydrique que ThĂ©rĂšse et Laurent se suicident.
- Dans Le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde (1890), on suspecte que c'est le poison qui a donné la mort à Sybil Vane.
- Dans Meurtre au champagne d'Agatha Christie (1945), la victime est empoisonnée à l'acide cyanhydrique.
- Dans SAS Magie noire Ă New York de GĂ©rard de Villiers (1968), Malko Linge Ă©chappe de justesse Ă une tentative d'assassinat Ă l'acide prussique.
- Dans Embargo (1976), GĂ©rard de Villiers imagine que des terroristes tuent leurs victimes Ă l'aide d'acide cyanhydrique.
Au cinéma
- La solution aqueuse de cyanure d'hydrogĂšne apparaĂźt sous son nom d'acide prussique lors d'un dialogue entre Bernard Blier et Annie Girardot dans le film Elle cause plus... elle flingue (1972) de Michel Audiard, Ă©voquant un ancien dĂźner en tĂȘte Ă tĂȘte entre ces deux personnages et qui avait mal fini.
- Utilisé sous le nom d'acide prussique dans le film En secret (2014) par les amants Laurent et ThérÚse Raquin pour mettre fin à leurs jours.
- Utilisé dans le film Jurassic World: Fallen Kingdom dans le manoir Lockwood.
- UtilisĂ© dans le film Skyfall sorti en 2012 lors dâun dialogue entre M et lâex-agent Da Silva du MI6.
- Le service King's Man essaie d'assassiner Raspoutine avec un gùteau à l'amande (The King's Man). Raspoutine découvre le poison à cause de la similitude connue entre l'amande et le cyanure d'hydrogÚne.
Notes et références
- CYANURE D'HYDROGENE, LIQUEFIE, Fiches internationales de sécurité chimique .
- Masse molaire calculĂ©e dâaprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
- (en) David R. Lide, CRC Handbook of Chemistry and Physics, Boca Raton, CRC Press/Taylor & Francis, , 89e éd., 2736 p. (ISBN 9781420066791, présentation en ligne), p. 9-50.
- (en) James E. Mark, Physical Properties of Polymer Handbook, Springer, , 2e Ă©d., 1076 p. (ISBN 978-0-387-69002-5 et 0-387-69002-6, lire en ligne), p. 294.
- (en) Robert H. Perry et Donald W. Green, Perry's Chemical Engineers' Handbook, Ătats-Unis, McGraw-Hill, , 7e Ă©d., 2400 p. (ISBN 0-07-049841-5), p. 2-50.
- « Properties of Various Gases », sur flexwareinc.com (consulté le ).
- (en) Carl L. Yaws, Handbook of Thermodynamic Diagrams, vol. 1-3, Huston, Texas, Gulf Pub. Co., (ISBN 0-88415-857-8, 0-88415-858-6 et 0-88415-859-4).
- (en) David R. Lide, CRC Handbook of Chemistry and Physics, Boca Raton, CRC Press, , 83e éd., 2664 p. (ISBN 0849304830, présentation en ligne), p. 5-89.
- (en) David R. Lide, CRC Handbook of Chemistry and Physics, Boca Raton, CRC Press/Taylor & Francis, , 89e éd., 2736 p. (ISBN 9781420066791, présentation en ligne), p. 10-205.
- Numéro index rÚglement CE no 1272/2008 (16 décembre 2008). dans le tableau 3.1 de l'annexe VI du
- Numéro index rÚglement CE no 1272/2008 (16 décembre 2008). dans le tableau 3.1 de l'annexe VI du
- « Cyanure d'hydrogÚne » dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 25 avril 2009.
- « Hydrogen cyanide », sur hazmap.nlm.nih.gov (consulté le ).
- Tom Maimone, PrebioticChemistry, sur scripps.edu.
- Cleaves, H.J., Prebiotic Chemistry: What We Know, What We Don't, Evo. Edu. Outreach, 2012, 5, 342.
Voir aussi
Liens externes
- Fiche toxicologique [PDF], INRS
- Fiche internationale de sécurité
- Fiche [PDF], INERIS