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Cinabre (pigment)

Le cinabre est un pigment de teinte rouge vermillon obtenu par broyage et lĂ©vigation (lavage) de l’espĂšce minĂ©rale de sulfure de mercure(II)[n 1].

Vermillon
Les enfants Balbi (c. 1626), Antoine van Dyck. Le chatoiement des rouges de la petite fille, obtenu en posant un glacis de laque rouge (carmin de cochenille) sur le vermillon, tranche avec le vermillon léger des bas du petit garçon[1]

À la suite des GrĂ©co-Ă©gyptiens[2], des Chinois[3] et des Arabes, les alchimistes europĂ©ens[n 2] ont commencĂ©, Ă  synthĂ©tiser du sulfure de mercure, Ă  partir de soufre et de mercure. Ce cinabre de synthĂšse, appelĂ© aussi vermillon, d’un rouge intense, sera employĂ© pour enluminer les manuscrits Ă  partir du XIe siĂšcle.

Le cinabre naturel a Ă©tĂ© employĂ© dĂšs l’époque NĂ©olithique en peinture murale Ă  Çatal HöyĂŒk en Anatolie au VIIIe-VIIe millĂ©naire av. J.-C. puis dans de nombreuses rĂ©gions d’Eurasie et d’AmĂ©rique jusqu’à l’époque moderne. L’histoire de l’utilisation du cinabre s’est dĂ©roulĂ©e sur une dizaine de millĂ©naires, d’un bout Ă  l’autre de la Terre et dans des cultures dissemblables. MalgrĂ© un assemblage hĂ©tĂ©rogĂšne de phĂ©nomĂšnes relativement indĂ©pendants, la fonction de ces emplois peut s’organiser suivant plusieurs grandes lignes de force. La poudre d’un rouge intense du cinabre se trouve impliquĂ©e dans :

  • les rituels funĂ©raires
  • les quĂȘtes spirituelles de Longue vie et les recherches alchimiques
  • les usages thĂ©rapeutiques
  • la production d’Ɠuvre d’art

Le rouge intense du cinabre est porteur de valeurs symboliques, pouvant varier selon les Ă©poques et les cultures mais s’organisant toujours autour des thĂšmes de l’ImmortalitĂ©, de la Vie et de la Mort, du Sang et de la MajestĂ©. D'un fonctionnement purement symbolique au NĂ©olithique, le cinabre va ensuite s’inscrire avec l’apparition de l’écriture, dans des courants de pensĂ©e structurant comme l’alchimie et la mĂ©decine. L’usage artistique du pigment dans la peinture et la dĂ©coration ne cessera de s’affirmer, jusqu’à ce que la rĂ©volution chimique de la fin du XVIIIe siĂšcle ne porte un coup dur sinon fatal Ă  la dimension alchimique et mĂ©dicale. Finalement la fonction artistique s'Ă©puisera d'elle-mĂȘme en raison de la prise de conscience de la toxicitĂ© du mercure.

Fabrication

Jadis, pour fabriquer son pigment de cinabre, le peintre devait procĂ©der en six Ă©tapes[n 3], suivant une mĂ©thode dĂ©jĂ  dĂ©crite par Vitruve un siĂšcle avant l’ùre commune[n 4] :

  1. concasser le minerai de cinabre dans un mortier en acier jusqu’à obtenir des granules
  2. broyer ensuite ceux-ci finement sur le porphyre (de la molette) pour obtenir une poudre
  3. disperser la poudre dans un rĂ©cipient d’eau, laisser dĂ©canter deux Ă  trois jours (lĂ©vigation)
  4. puis faire sécher la poudre déposée sur le fond
  5. et la mélanger à un liant

Le processus Ă©tait long, difficile et coĂ»teux. Il fallait purifier le minerai puis l’amener Ă  la granulomĂ©trie voulue pour obtenir le rouge recherchĂ©. « Posez le sur la plaque
et broyez le avec de l’eau claire autant que vous pouvez ; si vous le broyiez chaque jour pendant vingt ans, la couleur deviendrait plus dĂ©licate et Ă©lĂ©gante », conseille Cennino Cennini[4] au XIVe siĂšcle.

Dans les fresques en extĂ©rieur, le cinabre avait de plus tendance Ă  virer au noir. L’architecte romain Vitruve[5] attribuait ce phĂ©nomĂšne Ă  l’action de la lumiĂšre. Il recommandait, pour l’éviter, d’enduire la fresque de cire. Actuellement, on interprĂšte ce noircissement par le passage de α-cinabre rouge au ÎČ-cinabre noir mais aussi par la formation de composĂ© chlorĂ© de mercure[6]. La lumiĂšre, le chlore, et l’humiditĂ© sont les facteurs critiques d’induction d’altĂ©ration dans les pigments HgS des fresques.

Les pigments de sulfure de mercure naturels ou de synthĂšse, quoique presque insolubles dans l’eau, sont toxiques : ils ne doivent ĂȘtre chauffĂ©s sous aucun prĂ©texte car les vapeurs de mercure qu'ils libĂšrent sont trĂšs toxiques par inhalation. L’Union europĂ©enne a signĂ© la convention de Minamata de 2013 et par le rĂšglement (UE) 2017/852 du 17 mai 2017 relatif au mercure, l'UE traite tous les produits et minerais contenant du mercure comme des dĂ©chets devant ĂȘtre Ă©liminĂ©s[7].

Histoire

Pendant des millĂ©naires, le rouge intense du pigment de cinabre fascina les hommes qui lui trouvĂšrent de multiples usages, allant de la confection d’Ɠuvres artistiques, d’usages rituels ou de substances mĂ©dicamenteuses. Le cinabre fut utilisĂ© comme pigment pour la confection de dĂ©cors de cĂ©ramiques, de peintures murales, de peintures artistiques, d’encre, de substances mĂ©dicamenteuses ou comme substance rituelle lors de cĂ©rĂ©monies religieuses voire d’élixir d’immortalitĂ©.

Les premiers usages de pigments par les chasseurs-cueilleurs du PalĂ©olithique se trouvent en Europe occidentale[8] - [9], sur les parois peintes des grottes de Chauvet (c. 35 000 avant le prĂ©sent AP), Cosquer (c. 23 000 AP), Lascaux (c. 18 500 AP) ou d'Altamira (c. 14 500 AP). Ces peintures, semblent avoir Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es avec des pigments minĂ©raux d'ocre et des pigments charbonneux. Les rouges viennent le plus souvent de l’hĂ©matite (Fe2O3), un des minerais de fer les plus rĂ©pandus en Europe[10].

Au NĂ©olithique

Les gisements de cinabre les plus importants sont liĂ©s Ă  l’activitĂ© volcanique[11]. La poudre de cinabre est donc une substance rare, en gĂ©nĂ©ral non disponible localement, qui n'a pu ĂȘtre mobilisĂ©e qu’une fois que la rĂ©volution nĂ©olithique ait marquĂ© la transition des chasseurs-cueilleurs aux sociĂ©tĂ©s agricoles plus opulentes (datĂ©e de 10 500 Ă  6 000 ans av. J.-C.), selon Asouti[12].

ScĂšne de chasse Ă  l'auroch Ă  Çatal HöyĂŒk
BVI Sud, VIIe millénaire av. J.-C.[9]

La rĂ©gion du Levant a fourni plusieurs sites archĂ©ologiques attestant des premiĂšres utilisations d'un pigment rouge intense Ă  base de cinabre. On en a trouvĂ© d'abord sur un crĂąne surmodelĂ© de Kfar-Hahoresh (8200-7000 av. J.-C.) (actuellement en IsraĂ«l), couvert d'un enduit peint avec du cinabre[13], alors que les gisements les plus proches sont dans la zone volcanique d'Anatolie. Mais le site nĂ©olithique le plus important est celui de Çatal HöyĂŒk[9] (7500-4300 av. J.-C.), dans la plaine de Konya en Anatolie, oĂč des traces de cinabre ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es sur le squelette et le crĂąne de plusieurs dĂ©funts et dans des peintures murales de sanctuaire. Les pigments rouges des peintures Ă©taient gĂ©nĂ©ralement obtenus avec de l'ocre parfois mĂ©langĂ© avec du cinabre, pour renforcer l'intensitĂ© et le brillant du rouge vermillon.

En Europe, l'utilisation de pigment rouge de cinabre a Ă©tĂ© identifiĂ©e dans divers sites archĂ©ologiques du NĂ©olithique et du Chalcolithique, en particulier dans deux rĂ©gions rĂ©putĂ©es pour leurs mines de cinabre : l'Espagne et la Serbie. Sur le site de mines de silex, Ă  Casa Montero, au sud-est de Madrid, a Ă©tĂ© trouvĂ© au fond d'un puits d'extraction une lame de silex couverte d'un fin film de cinabre[14], datĂ© entre 5300 et 5200 av. J.-C. Citons encore sur le site de La Pijotila Ă  l'ouest de MĂ©rida, l’identification de pigment de cinabre dans une tombe Ă  tholos, ou les concentrations importantes de cinabre dans la rĂ©gion d'AlmadĂ©n (Ciudad Real), une des rĂ©gions les plus riches en mines de cinabre au monde auxquelles l'encyclopĂ©diste romain Pline a fait rĂ©fĂ©rence au premier siĂšcle. L'exploitation des mines d'AlmadĂ©n aurait commencĂ© au VIIIe siĂšcle av. J.-C.

L'autre grand tĂ©moin nĂ©olithique de l'usage du cinabre se trouve dans les sites de la culture de Vinča dans les Balkans (actuelle Serbie). Le cinabre trouvĂ© sur des tessons de poterie provenait probablement de la mine de Ć uplja Stena sur le mont Avala, situĂ©s Ă  une vingtaine de kilomĂštres. Sur le site de Pločnik, plus au sud, l'analyse par micro-XRF[15] de la poudre rouge trouvĂ© dans un rĂ©cipient et sur le dĂ©cor d'une figurine a permis d'assurer que le cinabre Ă©tait utilisĂ© vers 5000 av. J.-C., ce qui constitue l'utilisation la plus ancienne de la culture Vinča.

En Chine, le plus ancien usage connu de cinabre a Ă©tĂ© dĂ©couvert dans la culture de Yangshao moyenne (ä»°éŸ¶æ–‡ćŒ–) datant des annĂ©es 4000 Ă  3500 av. J.-C., dans la rĂ©gion du fleuve Jaune. La fouille d'un grand Ă©tablissement semi-souterrain avec un toit de 204 m2, a dĂ©gagĂ© un sol couvert d'un mĂ©lange d'argile et de poudre de coquillages. Le sol et les murs Ă©taient enduits d'un pigment rouge qui s'est rĂ©vĂ©lĂ© ĂȘtre du cinabre. Cette structure Ă©tait probablement destinĂ©e Ă  accueillir des cĂ©rĂ©monies rituelles[16]. À cette Ă©poque du NĂ©olithique moyen, le cinabre Ă©tait communĂ©ment utilisĂ© comme pigment rouge pour peindre les poteries et comme substance rituelle Ă©parpillĂ©e autour du dĂ©funt.

À l'ñge du bronze

Le dĂ©but de l’ñge du bronze correspond Ă  l’émergence de l’État et d’une civilisation urbaine en MĂ©sopotamie (Ă  partir de 3 000 av. J.-C.) puis en Égypte. Les premiĂšres Ă©critures, en cunĂ©iforme pour le sumĂ©rien et en hiĂ©roglyphe pour l’égyptien ancien apparaissent simultanĂ©ment vers 3 300 av. J.-C. Les documents Ă©crits vont permettre de donner l’arriĂšre-plan culturel de la crĂ©ation artistique.

Dans l’Égypte antique, les ocres rouges (oxydes de fer anhydres) sont trĂšs courants surtout Ă  Tell el-Amarna, le rĂ©algar (sulfure d’arsenic) rouge-orangĂ© est attestĂ© au Nouvel Empire (1552 Ă  1070 av. J.-C.) et le rouge Ă©clatant du cinabre n’apparaĂźt qu’à la Basse Ă©poque[17]. Tout au long du Ier millĂ©naire avant notre Ăšre, les Égyptiens font venir du cinabre d’Espagne. L’utilisation est attestĂ©e en Basse Ă©poque[18] (-750 Ă  -332) et au dĂ©but de l’époque grĂ©co-romaine, en Ă©criture sur papyrus (Papyrus de Nesmin)[19]. Dans l’Égypte des PtolĂ©mĂ©es (-323, -23), il a Ă©tĂ© Ă©galement trouvĂ© dans la nĂ©cropole d'Anfouchi Ă  Alexandrie des fragments d’os brĂ»lĂ©s provenant de crĂ©mation qui Ă©taient tout mouchetĂ© de rouge. L’analyse a montrĂ© qu’il s’agissait de cinabre[20]. Du cinabre a aussi Ă©tĂ© identifiĂ© sur les portraits du Fayoum.

Arbalétrier de terre cuite avec une bonne rétention du pigment de cinabre (Mausolée de l'empereur Qin, -210)
Inscriptions sur os oraculaire (vers 1 200 av. J.-C.). Le cinabre est appliquĂ© Ă  l’intĂ©rieur des gravures de jiaguwen

En Chine Ă  l'Âge du bronze (1500-350 av. J.-C.)[n 5], le cinabre accompagnait les funĂ©railles des Ă©lites chinoises. On le trouve autour des squelettes des tombes Ă  Erlitou (Henan) et Taosi (Shanxi)[16]. La tombe de la dame Fu Hao, dĂ©cĂ©dĂ©e vers 1 200 av. J.-C., possĂ©dait encore tout son mobilier. Des traces de cinabre ont Ă©tĂ© trouvĂ©es Ă  l’emplacement du cercueil et sur des objets en jade[21]. Recouvrir les tombes et les cadavres de pigment rouge avait pour fonction de repousser les dĂ©mons[22].

L’usage funĂ©raire du cinabre, trĂšs important Ă  l’ñge du bronze s’est poursuivi jusque sous la dynastie Qin (221 Ă  206 av. J.-C.). Son fondateur, l’empereur Qin Shi Huang Ă©tait obsĂ©dĂ© par l’idĂ©e de la mort et chercha dĂ©sespĂ©rĂ©ment Ă  obtenir un Ă©lixir d’immortalitĂ©. Dans l’immense mausolĂ©e qu’il se fit construire, il repose entourĂ© de fonctionnaires et d’une armĂ©e d’argile, de prĂšs de huit mille statues de soldats et chevaux en terre cuite. Les soldats Ă©taient recouverts d’une laque brun foncĂ©, puis ils recevaient de deux Ă  trois couches de pigments de cinabre, malachite, azurite, de blanc os et de « violet Han »[23]. Ce qui suppose l’utilisation de cinq tonnes de pigment de sulfure de mercure et de quelque 25 tonnes de minerai brut de cinabre, d’aprĂšs les calculs de Chen[24]. En prenant en compte tous les usages sous les Qin, il a fallu selon Chen (cf. Table 1), pouvoir mobiliser en quelques dĂ©cennies, la masse considĂ©rable de 200 tonnes de pigment (HgS) et 1 000 tonnes de minerai. Les mines se trouvaient dans la partie est du Sichuan et dans la rĂ©gion des Qinling au Shaanxi.

Le cinabre apparaĂźt aussi dans la mĂ©thode la plus pratiquĂ©e de divination sous les Shang (-1500, -1046) et les Zhou (-1045, -256) : la pyro-ostĂ©omancie[25]. Celle-ci consistait Ă  brĂ»ler un support en os jusqu’à l’apparition de craquelures qui avaient valeur de signes divinatoires Ă  interprĂ©ter. À partir des annĂ©es 1 300 av. J.-C., une courte inscription en caractĂšres jiǎgǔwĂ©n (ç”ČéȘšæ–‡, littĂ©ralement « Ă©criture ossĂ©caille ») rendant compte de la divination est gravĂ©e sur l'os. Le cinabre Ă©tait appliquĂ© sur certaines d’entre-elles pour les mettre en valeur[26] - [27]. Sous les Zhou, les inscriptions se firent souvent au pinceau trempĂ© dans de l’encre noire ou au cinabre[28]. Beaucoup d’os oraculaires trouvĂ©s sans inscription, amĂšne Ă  penser qu’ils furent Ă©crits Ă  l’encre[n 6]. L’écriture en rouge vermillon devient un signe distinctif marquant l’importance du document : pour inscrire solennellement des serments d’alliance, des bandes de jade sont tracĂ©es au pinceau avec du cinabre[28] (fouilles de Houma (Shanxi) sur le site de la capitale de Jin Ve – IVe siĂšcles).

On peut voir une perpĂ©tuation de cette valeur symbolique de solennitĂ© et de majestĂ© dans la pratique des empereurs chinois d’annoter Ă  l’encre rouge les documents officiels qui leur Ă©taient soumis. En Chine, le rouge est une couleur noble qui fut la couleur impĂ©riale sous la dynastie Zhou[n 7].

Sceau, pot d’encre (une pñte rouge à base de cinabre)

Plus tard elle sera en faveur dans le milieu taoĂŻste et deviendra la couleur propice dans les coutumes populaires[29]. Tous les charmes et talismans devaient nĂ©cessairement ĂȘtre Ă©crits en rouge (d'aprĂšs le Baopuzi de Ge Hong).

Sous la dynastie Han, les premiers sceaux en bronze Ă©taient imprimĂ©s sur des pastilles d’argile. À partir du IVe siĂšcle, au moment oĂč le papier est devenu d’un usage universel en Chine, on a commencĂ© Ă  imprimer les sceaux directement sur le papier au moyen d’une encre faite de poudre de cinabre, d’huile et de fragments de soie ou de brindilles d’armoise[30]. Cet usage se gĂ©nĂ©ralisera ensuite probablement autour du VIe siĂšcle. Marquer un document d’un sceau rouge garantit son authenticitĂ©.

La GrĂšce et la Rome antiques

En GrĂšce, ThĂ©ophraste (-371, -288) a Ă©crit le premier ouvrage savant sur les minĂ©raux De Lapidus (ΠΔρ᜶ Î»ÎŻÎžÏ‰Îœ ‘’Des Pierres’’[31]) dans lequel il indique que le cinabre (gr:ÎșÎčΜΜαÎČαρÎč, kinnabari) sous forme rocheuse vient d’Espagne et de Colchide (GĂ©orgie) et que celui sous forme sableuse vient d’un peu au-dessus d’ÉphĂšse. On rĂ©duit ce dernier en poudre et on en extrait un pigment rouge par des lavages successifs. La production de vif-argent (χυτ᜞Μ áŒ„ÏÎłÏ…ÏÎżÎœ, chytĂłn ĂĄrgyron) s’obtient en broyant avec un pilon d’airain le cinabre avec du vinaigre[32].

Tombe d’Eurydice, le cinabre sur le blanc de plomb donne les roses, MacĂ©doine, vers 340 av. J.-C.
DĂ©tails

Le tĂ©moignage des peintures funĂ©raires de MacĂ©doine (au nord de la GrĂšce) dont le nombre s’est considĂ©rablement accru depuis les annĂ©es 1960, permet de concrĂ©tiser les tĂ©moignages textuels. La fresque du dossier du trĂŽne en marbre de la « tombe d’Eurydice » Ă  Æges (vers -340) emploie une gamme de pigments trĂšs variĂ©s appliquĂ©s sur une sous-couche de blanc de plomb[n 8]. Le cinabre y produit le rose employĂ© pour les vĂȘtements des dieux et pour le char (BrĂ©coulaki[33], 2000). Dans la tombe Ă  ciste III d’Aineia, de l’ocre jaune mĂ©langĂ©e Ă  la kaolinite sert de sous-couche au cinabre, pour attĂ©nuer le rouge vif de ce dernier et crĂ©er une teinte orangĂ©e. En raison de la forte intensitĂ© de son rouge, les peintres l’apprĂ©ciaient pour Ă©crire des inscriptions sur marbre (selon Pline, XXXIII, 122). Lorsqu’il est mĂ©langĂ© au blanc (blanc de plomb ou carbonate de calcium), il donne une teinte rose particuliĂšre qui convient trĂšs bien pour rendre la carnation du visage[33] (tombe d’Haghios Athanassios, tombe des Palmettes). Le cinabre Ă©tait d’un emploi assez frĂ©quent car il Ă©tait disponible dans des gisements de mercure en MacĂ©doine mĂȘme et dans des rĂ©gions voisines.

Quelques siĂšcles plus rtard, aux alentours du dĂ©but de notre Ăšre, Vitruve (Ier siĂšcle av. J.-C.), suivi par Dioscoride et Pline[34] (Ier siĂšcle apr. J.-C.) s'accordent sur un changement de terminologie qui va ĂȘtre longtemps une source de confusions malencontreuses. Ils nomment maintenant le minerai de cinabre (HgS) gr. : « ÎŒÎčÎœÎčÎżÎœ minion » / lat. : « minium » et signalent que c’est un poison dangereux, Ă  n’utiliser que comme pigment afin d'obtenir des rouges Ă©carlates dans les peintures murales. Et comme en outre, c’est un des pigments romains les plus chers, des mesures de protection trĂšs strictes sont prises contre sa falsification et son imitation[35]. Le cinabre extrait des mines d’AlmadĂ©n en Espagne est transportĂ© brut Ă  Rome oĂč il est traitĂ© dans plusieurs ateliers spĂ©cialisĂ©s installĂ©s aux pieds du Quirinal[5]. Vitruve signale aussi que le rouge cinabre a tendance Ă  noircir sur les murs extĂ©rieurs, comme dans les pĂ©ristyles. Il nous apprend aussi qu’il existait une autre variĂ©tĂ© de cinabre, venant de mines des Apennins, bien moins estimĂ© par les peintres de PompĂ©i car leurs riches commanditaires voulaient ce qu’il y avait de plus beau, de plus cher et de plus ostentatoire.

Pline indique que le cinabre [pour lui minium] jouissait Ă  Rome d’une grande considĂ©ration et qu’il avait un « prestige sacrĂ© ». Renvoyant Ă  des auteurs anciens citĂ©s par Verrius, on est amenĂ© Ă  penser dit-il « qu’on avait coutume, lors des jours de fĂȘte, d’enduire de cinabre le visage de Jupiter lui-mĂȘme et le corps des triomphateurs » [retournant Ă  Rome] (Pline[34], H.N. XXXIII, 111). Pausanias mentionne aussi une statue de Dionysos colorĂ©e au cinabre[36]. Puis s’interrogeant sur la valeur religieuse du cinabre, Pline ajoute « il est Ă©tabli que, mĂȘme aujourd’hui, le minium [cinabre] est recherchĂ© par les peuples d’Éthiopie, que leurs hauts personnages s’en teignent tout entier et que c’est dans ce pays la couleur des statues des dieux ».

De somptueuses peintures murales faites de pigments d’hĂ©matite et de cinabre appliquĂ©s sur une sous-couche de rubrica (ocre) ornaient les belles demeures (comme la maison des Griffons ou la maison d’Auguste Ă  Rome) ou des villas rurales (comme la villa de Boscoreale en Campanie, la Villa des MystĂšres Ă  PompĂ©i, la villa des Papyrus Ă  Herculanum etc.), toutes appartenant Ă  des personnages de haut rang[10].

Villa des MystĂšres
Pompéi : Villa des MystÚres
Bacchante dansante
Villa des MystĂšres
Fresque dionysiaque sur fond en cinabre
Villa Boscoreale (en), au rouge cinabre chatoyant

La technique de peinture romaine au cinabre fut importĂ©e en Gaule, d’abord en Provence (conquise en 123 av. J.-C.) puis dans toute la Gaule aprĂšs la conquĂȘte par CĂ©sar en 52 av. J.-C. On peut voir de grands compartiments ou des grands champs rouge cinabre Ă  Roquelaure[18] (Gers).

Il ressort de cette courte présentation que les Gréco-Romains ont donc fait un usage avant tout esthétique du cinabre, contrairement aux autres grandes civilisations.

PĂ©rou

Le cinabre Ă©tait couramment exploitĂ© dans la rĂ©gion de Huancavelica dans l’ancien PĂ©rou (Ă  450 km au sud-est de l’actuelle Lima). AprĂšs la conquĂȘte espagnole du PĂ©rou en 1564, la mine de cinabre de Huancavelica Ă©tait connue comme une des plus importantes sources de mercure au monde : elle aurait produit 36 000 tonnes de mercure jusqu’à sa fermeture en 1974[37].

Des traces de pollution au mercure ont Ă©tĂ© trouvĂ©es dans des sĂ©diments de lacs datant de 1 400 ans av. J.-C.[38]. Le cinabre Ă©tait probablement exploitĂ© pour produire un pigment rouge vermillon utilisĂ© pour les peintures corporelles et pour dĂ©corer les objets cĂ©rĂ©moniels. La contamination au mercure des sĂ©diments est restĂ©e stable (au niveau de deux Ă  trois fois le niveau d’avant le dĂ©but de la contamination) puis a augmentĂ© jusqu’à 30 fois ce niveau Ă  partir de 1450, marquant le dĂ©but de l’Empire inca.

Le pigment de cinabre était utilisé pour décorer les céramiques, les figurines et les murs ainsi que les tombes des personnages importants de la culture Chavín, Moche, Sican et de la civilisation inca[39].

Mésoamérique

Au Mexique, un des plus importants gisements de cinabre se trouve dans la Sierra Gorda, dans l’État de QuerĂ©taro, oĂč il Ă©tait exploitĂ© depuis 200 Ă  300 av. J.-C. Le cinabre fut certainement le pigment le plus sacrĂ© de toutes les cultures mĂ©soamĂ©ricaines[40] (avec en second l’hĂ©matite). Le cinabre Ă©tait caractĂ©ristique des individus de haut-rang comme dans les tombes du roi de Calakmul, de Campeche, Yuknom Yich’ak K’ak. Il couvrait tout, du linceul royal aux objets funĂ©raires ou aux parois de la tombe. À Teotihuacan, c’est un corps d’adulte partiellement brĂ»lĂ© qui est couvert de pigment rouge. Les Mayas l’employaient aussi dans leur rites funĂ©raires. À Palenque, dans une tombe situĂ©e sous le Temple XIII, a Ă©tĂ© dĂ©couvert une tombe dont les parois sont couvertes d’un pigment rouge de cinabre. Les ossements de trois individus qui s’y trouvaient, en sont aussi recouverts d’une couche de mm : deux individus sacrifiĂ©s et une reine, qualifiĂ©e de Reine rouge[n 9]. Suivant les spĂ©cialistes, le cinabre (et l’hĂ©matite) symbolisait le sang et la renaissance. Car le sang marque le lien entre la mort et la renaissance comme lors de l’accouchement oĂč le bĂ©bĂ© sort couvert de sang[41]. Couvrir un cadavre de cinabre serait un moyen de l’associer Ă  une renaissance.

On observe donc Ă  l’aube des deux grandes civilisations chinoise et amĂ©rindienne, une utilisation symbolique assez semblable du pigment rouge de cinabre dans les rituels funĂ©raires et religieux et comme marqueur de prestige.

À l’ñge de l’alchimie, Ier – XVIIIe siùcles

La peinture murale au cinabre a certainement atteint un haut niveau technique Ă  PompĂ©i mais l’histoire des pigments n’était pas finie, il lui manquait une dimension thĂ©orique et idĂ©ologique. Un nouveau savoir sur les mĂ©taux et les minĂ©raux allait Ă©merger dans les siĂšcles suivants en Chine[29], en Inde[42] et dans le Bassin MĂ©diterranĂ©en[43], qui malgrĂ© des contextes culturels trĂšs diffĂ©rents et des appellations locales diffĂ©rentes, allait recevoir Ă  l'Ă©poque moderne le nom d’« alchimie ». La fabrication des pigments et l’utilisation du cinabre qui nous intĂ©resse, se trouveront liĂ©es pour longtemps Ă  des savoirs alchimiques sur la transmutation des mĂ©taux[44].

Dans une premiĂšre Ă©tape, les thĂ©ories alchimiques seront intimement liĂ©es aux contextes culturels, philosophiques, spirituels et mĂ©dicaux dans lesquels elles sont apparues. Ces doctrines polymorphes, mi-sotĂ©riologiques mi-mĂ©dicales, fortement ancrĂ©es dans des identitĂ©s culturelles spĂ©cifiques seront chamboulĂ©es par la rĂ©volution chimique opĂ©rĂ©e au XVIIIe siĂšcle en Europe occidentale qui donnera son autonomie Ă  la chimie et de maniĂšre gĂ©nĂ©rale qui instaurera une coupure radicale entre les sciences et les autres savoirs. Toutefois la cĂ©sure sera moins radicale en Inde et en Chine oĂč de nombreux reliquats de ces anciens savoirs subsistent dans les mĂ©decines traditionnelles, toujours vivantes.

En Chine

En Chine, la grande pharmacopĂ©e chinoise Le Classique de la MatiĂšre MĂ©dicale (Shennong bencao jing), Ă©crite aux alentours des dĂ©buts de notre Ăšre, inclut le cinabre (äžč砂 dansha) parmi les remĂšdes de « catĂ©gorie supĂ©rieure », substances qui Ă  vrai dire, ne sont pas destinĂ©es Ă  soigner une maladie mais plutĂŽt Ă  garder le corps en bonne santĂ©, voire Ă  prolonger la vie et atteindre l'immortalitĂ© dans une optique alchimiste[45]. Le cinabre va acquĂ©rir dans les siĂšcles suivants une grande importance, au moins symbolique, dans la fabrication des pilules de longue vie ou des Ă©lixirs d’immortalitĂ©. Dans le grand systĂšme de correspondance qui vise Ă  organiser la totalitĂ© du cosmos en cinq classes liĂ©es aux cinq Ă©lĂ©ments (Feu, MĂ©tal, Eau, Bois, Terre), le cinabre est liĂ© au feu, au cƓur et Ă  la couleur rouge (zhu 朱). Le Cantongqi[46] de Wei Boyang, au IIe siĂšcle qui met en place ce nouveau savoir, est considĂ©rĂ© comme le point de dĂ©part de la littĂ©rature alchimique chinoise par Needham[29]. L’immortalitĂ© est acquise par celui qui sait produire le « divin cinabre ».

Le caractĂšre (morphĂ©mique) dān äžč « cinabre » servira aussi Ă  dĂ©signer l’« alchimie », car c’est le matĂ©riau de base de l’élaboration de l’or[47] en alchimie externe (nommĂ©e waidan 怖äžč morph. « extĂ©rieur-cinabre») et de la drogue d’immortalitĂ© en alchimie intĂ©rieure (neidan 慧äžč morph. « intĂ©rieur-cinabre »). Le caractĂšre dan äžč dĂ©signe aussi les Ă©lixirs d'une maniĂšre gĂ©nĂ©rique[n 10] et il forme la tĂȘte nominale de la dĂ©nomination de nombreux Ă©lixirs : shendan 焞äžč « Ă©lixir magique », huandan 還äžč « Ă©lixir rĂ©gĂ©nĂ©rĂ© », liandan ç‚Œäžč etc.

Au IIIe siĂšcle, les chamans soigneurs, souvent difficiles Ă  distinguer des mĂ©decins et les magiciens de toute espĂšce (æ–č棫 fāngshĂŹ[n 11]), manipulaient des substances toxiques, pour traiter des maladies ou pour essayer d’obtenir l’élixir d’immortalitĂ©[45]. Une premiĂšre synthĂšse de la pensĂ©e alchimique est opĂ©rĂ©e par Ge Hong 葛æŽȘ, un lettrĂ© du IVe siĂšcle, cĂ©lĂšbre pour l’intĂ©rĂȘt qu’il porta Ă  la quĂȘte de l’immortalitĂ© taoĂŻste. Il recommande plusieurs procĂ©dĂ©s comme la puretĂ© morale et rituelle, une hygiĂšne de vie alimentaire et sexuelle, mais aussi des drogues minĂ©rales. Les minĂ©raux les plus utilisĂ©s sont le cinabre, le rĂ©algar, la malachite, le soufre, le mica, le salpĂȘtre et l’orpiment[48]. L’élixir d’immortalitĂ© est soit l’or, soit le cinabre, selon les textes, cinabre et or reprĂ©sentant l’aboutissement d’une longue transformation spirituelle.

On trouve encore sous les Han, un usage du cinabre dans les sĂ©pultures souterraines princiĂšres. Un bon exemple est constituĂ© par la tombe du roi Chu Xiang 愚脄王 (c. 175 av. J.-C.) au mont Beidong (Jiangsu) ; plusieurs chambres mortuaires Ă©tait complĂštement couvertes du sol au plafond d’un enduit laquĂ© peint d’un pigment rouge de cinabre[24] - [n 12].

Plat 1522-1566, laque de cinabre sur bois
(Brooklyn Museum)
Cheval et palefrenier, Zhao Yong, 1347,
Le vermillon est utilisé pour la robe[2]

Jusqu’au Xe siĂšcle (dynastie Song), on observe une tendance forte dans la tradition mĂ©dicale chinoise, Ă  accumuler des substances toxiques pour lutter contre des troubles attribuĂ©s Ă  une influence dĂ©moniaque ou pour lutter contre toutes les maladies Ă  la fois. Ainsi la cĂ©lĂšbre « poudre de dent d’or »[n 13] comprenait 45 ingrĂ©dients dont le cinabre, le rĂ©algar, diverses bestioles venimeuses, etc. La multiplication des remĂšdes violents, devait conjurer l’irrĂ©sistible malignitĂ© des dĂ©mons, ou vaincre l’universalitĂ© de la douleur, selon la formule de FrĂ©dĂ©ric Obringer[45].

Ces usages du cinabre dans les Ă©lixirs d’immortalitĂ© ou simplement les pilules mĂ©dicamenteuses, s’accompagnent du dĂ©veloppement d’un usage artistique dans la peinture sur rouleau et dans la dĂ©coration d’objets, en particulier pour donner une couleur rouge vermillon au laque.

La peinture de paysage (shanshui) ou d’animaux avec des couleurs Ă  la dĂ©trempe devint le genre dominant sous les Yuan (1279, 1368). Le rouleau Cheval et palefrenier (äșșé©Źç”» renmahua) de Zhao Yong de 1347, montre un palefrenier portant une robe rouge-feu peinte au cinabre[49].

Les objets de laque prĂ©sents dĂšs l’origine de la civilisation chinoise, devinrent communs Ă  partir du deuxiĂšme siĂšcle avant l’ùre commune et connurent leur apogĂ©e sous les Ming (1368, 1644) et les Qing (1644, 1912). L’analyse de Burmester[50] de 26 spĂ©cimens de laques chinoises allant des Zhou au Qing[n 14] a montrĂ© que le pigment rouge contenait presque toujours du mercure. AssociĂ© Ă  des traces d’autres mĂ©taux, on peut conclure Ă  la prĂ©sence de cinabre minĂ©ral naturel jusqu’au XVIIe siĂšcle puis d’un sulfure de mercure synthĂ©tique (ou vermillon) plus tard[n 15]. Dans de rares cas (3 sur 26), le pigment rouge Ă©tait associĂ© Ă  l’hĂ©matite (Fe2O3). La mĂȘme analyse a montrĂ© une association du pigment jaune des laques avec l’orpiment (As2S3). On a donc deux pigments importants des laques, le cinabre et l’orpiment, qui sont aussi deux substances jouant un rĂŽle crucial dans l’alchimie chinoise.

En Inde

Les premiers textes alchimiques sanskrits commencent Ă  apparaitre au Xe siĂšcle[51]. Ils introduisent le double objectif de la transmutation des mĂ©taux de base en or (dhātuvāda, l’alchimie transmutatoire) et de produire des Ă©lixirs d’immortalitĂ© (dehavāda, l’alchimie de l’élixir) et relĂšvent de l’alchimie tantrique[52].

Le terme de Rasa Shastra (Rasaƛāstra, à€°à€žà€¶à€Ÿà€žà„à€€à„à€°, en Sanskrit) est la « Science du Mercure » et Ă  proprement parler une technique de « purification » de mĂ©taux et minĂ©raux afin de les insĂ©rer aux mĂ©dicaments. C’est la forme spĂ©cifique qu’a prise l’alchimie en Inde.

Rituel d’application du sindoor lors d’un mariage en Inde
Boutique de sindoor, Omkareshwar, Inde

En Ayurveda, des mĂ©taux et des minĂ©raux sont ajoutĂ©s aux plantes mĂ©dicinales prescrites. Mais au prĂ©alable le cinabre hingula à€čà€żà€‚à€—à„à€Č (ou le cuivre, le zinc, l’étain, l’arsenic) doit passer par un systĂšme de « purification, rĂ©duction et raffinement » Ă©laborĂ©[42]. Ainsi une mĂ©thode de purification du cinabre du Rasa Shastra consiste Ă  piler du cinabre avec du jus extrait de la racine de gingembre. AprĂšs une heure de trituration, on sĂšche la pĂąte rouge obtenue au soleil puis on recommence le processus en rajoutant Ă  nouveau du jus de gingembre. On enlĂšve par sept lĂ©vigations (bhavana) successives les matiĂšres indĂ©sirables. La fine poudre finale est sĂ©chĂ©e. D’aprĂšs le traitĂ© fondamental du XIIIe – XIVe siĂšcle Rasa Ratna Samuccaya : « Hingula (le cinabre) dĂ©truit les dĂ©sordres crĂ©Ă©s par les trois humeurs. Il alimente de feu digestif, c’est un puissant rĂ©gĂ©nĂ©rateur et il guĂ©rit toute maladie. Il est aphrodisiaque » (Rasa Ratna Samuccaya[42], srÄ« Vāgbhatāchārya)

Cette pratique s’est poursuivie jusqu’à nos jours puisqu’une enquĂȘte menĂ©e sur des mĂ©dicaments ayurvĂ©diques Rasa shastra achetĂ©s sur internet, a trouvĂ© que 41 % d’entre eux contenaient des concentrations de mercure et de plomb au-dessus des doses journaliĂšres admissibles (Saper et als[53], 2008).

Des poudres rouges contenant du cinabre sont souvent utilisĂ©es en Inde pour faire des marques corporelles. Ainsi, le sindoor est une marque faite d’une poudre rouge, portĂ©e par les femmes mariĂ©es, dans la partie supĂ©rieure du front jusque dans la raie centrale les cheveux. Selon la tradition, les femmes doivent se parer du sindoor tant que leur mari est vivant[54]. D’ailleurs les dĂ©esses Parvati (Ă©pouse de Shiva) et SÄ«tā (Ă©pouse de Rāma), le portent aussi. Le sindoor est fait d’un mĂ©lange de curcuma, de chaux et de poudre de cinabre (avec parfois du minium), auquel on prĂȘtre beaucoup de vertus, dont le pouvoir de stimuler la sexualitĂ© et la fertilitĂ©.

En Europe

IndĂ©pendamment, Ă  l’autre extrĂ©mitĂ© de l’Eurasie, le cinabre est aussi liĂ© intimement Ă  l’alchimie mais dans un contexte culturel diffĂ©rent. L’alchimie en Islam et en Europe s’est dĂ©veloppĂ©e Ă  l'origine dans l’Égypte romaine, notamment Ă  Alexandrie et dans la Haute-Égypte avec Zosime de Panopolis au IIIe siĂšcle. Les premiers traitĂ©s d’alchimie rassemblent les savoirs techniques sur le travail des mĂ©taux, la fabrication des pigments, les techniques des bijoutiers pour imiter l’aspect des mĂ©taux et des pierres prĂ©cieuses[55]. C’est dans les textes Ă©crits en grec de Zosime ou dans les Papyrus de Leyde et de Stockholm, que sont jetĂ©es les bases de ce qui constituera l’alchimie de langue arabe et de l’alchimie mĂ©diĂ©vale europĂ©enne. On y trouve souvent citĂ© le cinabre, comme dans les recettes pour dorer l’argent[n 16]. Une partie de ces recettes artisanales passeront en Europe occidentale dans un manuscrit du IXe siĂšcle intitulĂ© Mappae Clavicula (rĂ©pertoriĂ© dans une abbaye allemande puis en France).

L’alchimiste arabe Jabir Ibn Hayyan (c. 721-815) dĂ©veloppa ensuite la thĂ©orie suivant laquelle les mĂ©taux sont composĂ©s de deux principes : le Mercure et le Soufre. Une recette claire de fabrication du cinabre (sulfure de mercure), obtenu en versant du mercure dans du soufre fondu, se trouve dans le corpus jabirien[56].

Le savoir de l’alchimie arabe parviendra dans l’alchimie transmutatoire du Moyen Âge europĂ©en et sera repris et analysĂ© mĂ©thodiquement pour donner un nouveau savoir. Dans ce travail de rĂ©appropriation, l’Ɠuvre Summa perfectionis magisterii rĂ©digĂ©e en latin vers 1270-1300 par le pseudo-Geber[57] (confondu avec Jabir), tient une place privilĂ©giĂ©e par l’ampleur et la prĂ©cision des thĂšses qu’il dĂ©veloppe. On y lit Ă  propos du Soufre « Il se joint aussi avec le Mercure. Et si on les sublime tous deux ensemble, on en fait du Cinabre »[58]. C’est la recette de la synthĂšse du sulfure de mercure qui fournira un pigment nouveau[10].

Lettre ornĂ©e de « La LĂ©gende dorĂ©e » de Jacques de Voragine. L’analyse par fluorescence X indique un pigment rouge au cinabre[18]

Ce nouveau savoir servit aux artistes de cette Ă©poque pour obtenir une encre de qualitĂ© Ă  base de cinabre et de sanguine pour enluminer certains ouvrages. L’analyse de manuscrits des XIe – XIIe siĂšcles, produits Ă  l’abbaye de la TrinitĂ© de FĂ©camp[59], a montrĂ© que le pigment utilisĂ© dans certaines lettres Ă©tait du vermillon (sulfure de mercure de synthĂšse) trĂšs pur. Car lorsque le cinabre naturel contient des impuretĂ©s, il fournit un pigment de moins bonne qualitĂ© que celui obtenu par synthĂšse. L’analyse des pigments rouges a mis en Ă©vidence un passage progressif du minium (Pb3O4) au vermillon (HgS), avec une pĂ©riode de transition se situant de 1050 Ă  1070 environ, oĂč l’emploi de l’un ou de l’autre dĂ©pendait du copiste. L’usage du vermillon dans la peinture de miniature et l’enluminure mĂ©diĂ©vales devint ensuite gĂ©nĂ©ral. La dĂ©couverte de la synthĂšse du sulfure de mercure fut une innovation majeure du Moyen Âge dans le domaine de l'art.

En Allemagne Ă  la mĂȘme Ă©poque, le moine bĂ©nĂ©dictin, ThĂ©ophile, dans son TraitĂ© des divers arts (Schedula diversarum artium) indique que « La couleur de chair, dans la peinture murale, est un mĂ©lange d’ocre, de cinabre et de chaux
 »[60] ou encore qu’en mĂ©langeant du blanc de cĂ©ruse et du cinabre, on obtient exactement le teint de peau cherchĂ© (introduction Ă  Cennini[4] p. xxxvi).

Vierge à l’Enfant (vers 1485-1490), Bellini
Job raillé par sa femme Georges de la Tour, les blancs, bruns et rouge vermillon sont mis en valeur par des jeux de clairs-obscurs

Au moment de la Renaissance italienne, les artistes puisĂšrent dans les savoirs pratiques des alchimistes pour fabriquer de nouvelles couleurs artificielles. Le meilleur tĂ©moignage qui nous soit parvenu est l’ouvrage du peintre Cennino Cennini (1340-1440), Libro dell'arte, Ă©crit au tournant du XVe siĂšcle. Homme pratique, il explique aux peintres comment se procurer du cinabre soit « fait par un processus chimique effectuĂ© dans un alambic » soit Ă  partir de blocs de cinabre minĂ©ral[4]. Mais achetez-le en blocs entiers, conseille-t-il, pour Ă©viter que la poudre de cinabre ne soit mĂ©langĂ©e avec du plomb rouge (minium) et de la poussiĂšre de brique. Il donne aussi de nombreux conseils prĂ©cis d’utilisation du cinabre pour peindre des draperies rouges ou une personne blessĂ©e etc. Il remarque que la peinture des murs au cinabre doit se faire au ‘’secco’’ (peinture sur un enduit sec) plutĂŽt qu’au '’fresco’’ (sur enduit frais). La peinture Ă  sec demande cependant de dĂ©tremper les pigments dans une Ă©mulsion faite avec des blancs et jaunes d’Ɠuf et de jeunes rameaux de figuier[4].

La palette des peintres vĂ©nitiens comme celle de Bellini (1425-1516) fut Ă©largie avec l’arrivĂ©e d’Orient de pigments tels que le cinabre, le vermillon et le lapis-lazuli. C’est l’époque aussi oĂč les peintres abandonnent progressivement la peinture Ă  l’eau (Ă  tempera) pour la peinture Ă  l’huile. L’ocre rouge clair s’employait dans les carnations vigoureuses mais avec l’huile, les cinabres ne peuvent se remplacer par aucune autre couleur rouge ; il n’y a que lui pour donner des teintes assez pures, assez fraĂźches pour certaines carnations[61]. Le passage de la tempera Ă  l'huile voit aussi le passage du support en bois Ă  la toile.

Les grands peintres du dĂ©but de l’époque moderne, de van Eyck, van Dyck, RaphaĂ«l, Rubens Ă  Georges de La Tour, paraissent tous attirĂ©s par le jeu des tonalitĂ©s du rouge et le chatoiement des draperies. Ils jouent sur les propriĂ©tĂ©s couvrantes ou opacifiantes des diffĂ©rents pigments pour obtenir ces effets[1]. À partir du XVIe siĂšcle, le vermillon connaĂźt une vogue sans cesse grandissante et est fabriquĂ© Ă  grande Ă©chelle d’abord Ă  Venise, capitale europĂ©enne de la couleur, puis aux Pays-Bas et en Allemagne. Il est vendu chez les apothicaires, les droguistes et les marchands de couleurs et bien que plus cher, il contribue peu Ă  peu au dĂ©clin du minium[10].

À l’époque oĂč les peintres s’appropriaient le vermillon, les Ă©lĂ©gantes le firent entrer dans leur maquillage (EncyclopĂ©die de Diderot[62], 1751).

À cet usage artistique du cinabre va commencer Ă  s’adjoindre un autre usage dans le domaine thĂ©rapeutique. En ce dĂ©but du XVIe siĂšcle, le truculent mĂ©decin alchimiste suisse Paracelse (1493-1541) initie le tournant dĂ©cisif de la mĂ©decine galĂ©nique vers une mĂ©decine utilisant des remĂšdes prĂ©parĂ©s (al)chimiquement[n 17]. Un de ses remĂšdes les plus cĂ©lĂšbres et les plus contestĂ©s, est celui Ă  base d’antimoine et de cinabre : Ă  savoir, son « huile d’antimoine » (composĂ©e de trichlorure d’antimoine mĂȘlĂ© Ă  du cinabre), est dotĂ©e de vertu puissamment cautĂ©risante. Elle Ă©tait utilisĂ©e pour soigner les ulcĂšres et les abcĂšs difficiles Ă  traiter autrement[55]. Par la suite, un ardent dĂ©fenseur français de la mĂ©decine paracelsienne, Joseph du Chesne (1546-1609), ira mĂȘme jusqu’à proposer dans son TraitĂ© de la mĂ©decine mĂ©tallique, des procĂ©dĂ©s de fabrication de remĂšdes Ă  base des sept mĂ©taux de l'AntiquitĂ© dont de mercure et de cinabre[63]. MalgrĂ© leur grande toxicitĂ©, le cinabre et le mercure, continuerons longtemps Ă  ĂȘtre utilisĂ©s en mĂ©decine, comme par le cĂ©lĂšbre apothicaire chimiste de la fin du XVIIe siĂšcle, Nicolas LĂ©mery qui le recommande encore[n 18]. Il est conseillĂ© de prendre du cinabre artificiel car le minerai naturel peut contenir de l’arsenic[62].

Paracelse s’est aussi souciĂ© de trouver des quintessences de RĂ©novation et un Ă©lixir de Longue Vie ; il a mĂȘme Ă©crit deux petits opuscules sur le sujet Le livre de la Restauration et de la RĂ©novation et Le livre de la Longue Vie[64]. Il propose de combiner deux voies « celle des simples et celle des arcanes » c’est-Ă -dire des plantes mĂ©dicinales et des substances prĂ©parĂ©es par les moyens de l'alchimie. Sa recette associe des quintessences de crocus, chĂ©lidoine, mĂ©lisse avec celle de l’or (Essentiam auri) mais on ne trouve pas de trace de cinabre ou de mercure.

Paracelse, homme de la Renaissance a pu combiner quĂȘte spirituelle et Ă©tudes mĂ©dicales par les moyens de l’alchimie, comme c’était le cas en Chine et en Inde. Mais si l’histoire de la doctrine paracelsienne n’a pas suivi la voie de l’alchimie interne neidan chinoise ou celle du Rasa Shastra indienne, c’est que les Ă©tudes (al)chimiques prirent une autre direction Ă  partir du XVIIe siĂšcle. Didier Kahn[65] rĂ©sume le programme du mĂ©decin chimiste Étienne de Clave (1587-1645) ainsi : « faire table rase des autoritates, Ă©difier une nouvelle thĂ©orie de la matiĂšre fondĂ©e sur des principes strictement matĂ©riels sur les seules bases de l'expĂ©rience (al)chimique, Ă©riger l'(al)chimie en philosophe naturelle ». Cette voie allait conduire Ă  une nouvelle science autonome, la chimie moderne de Lavoisier.

À Byzance

Mentionnons la troisiĂšme branche de l’alchimie grĂ©co-Ă©gyptienne, celle de Byzance. Car aprĂšs l’écroulement de l’Empire romain d’Occident, le savoir hĂ©ritĂ© de l’AntiquitĂ© alla d’abord se rĂ©fugier Ă  Byzance avant d’ĂȘtre rĂ©cupĂ©rĂ© par les Arabes puis les EuropĂ©ens.

À Byzance, l’utilisation du cinabre Ă©tait une prĂ©rogative impĂ©riale. L’administration byzantine se rĂ©servait l’emploi d’une encre Ă  base de cinabre pour rĂ©diger lettres et actes impĂ©riaux et tout usage sans autorisation entraĂźnait la peine de mort[66].

Époque contemporaine

Flacon Ă  priser le tabac (Qing)

AprĂšs la rĂ©volution chimique Ă  la fin du XVIIIe siĂšcle et le dĂ©veloppement de la pensĂ©e scientifique, les usages du cinabre marquĂ©s au fer rouge de la symbolique, dĂ©clinĂšrent pour ne laisser place qu’aux usages artistiques pour finalement s’épuiser en raison de la prise de conscience de la toxicitĂ© du mercure.

En Chine, la croyance en l’influence pathogĂšne des dĂ©mons a continuĂ© Ă  ĂȘtre largement rĂ©pandue et ceci dans toutes les classes de la sociĂ©tĂ©. Pratiquement tous les auteurs cĂ©lĂšbres[n 19] de l’époque Ming (1368-1644) et Qing (1644-1911), considĂ©raient comme une Ă©vidence que les dĂ©mons pouvaient provoquer des maladies[67]. Et pour se protĂ©ger de ces forces redoutables, la mĂ©dication requise Ă©tait toujours aussi violente. Prenons l’exemple du mĂ©decin bien connu, Sun Dejun (fl. 1826) qui recommande une pilule « contre les attaques de dĂ©mons, faite de crane de tigre, cinabre, rĂ©algar, orpiment, etc. »[67].

La technique de la laque sculptĂ©e (en) apparue en Chine au VIIe siĂšcle (sous les Tang), connue son plein essor sous les Ming et Qing. Ces laques rouges dite de « PĂ©kin » s’obtiennent en appliquant plusieurs dizaines de couches de laque puis en les sculptant. Leur couleur dominante est un rouge vermillon obtenu par une trĂšs fine mouture de cinabre ; d'oĂč le nom de « laques de cinabre » qui leur est encore frĂ©quemment donnĂ©es[68].

La Jeune Anglaise de Chaïm Soutine, les couleurs préférées de Soutine étaient le rouge vermillon, le cinabre incandescent, le blanc d'argent...

En Europe, le vermillon vĂ©ritable (naturel ou de synthĂšse) disparut des boutiques de produits pour artistes vers 1880, selon Eibner[69]. En fait en France, il a Ă©tĂ© progressivement abandonnĂ© au dĂ©but du XXe siĂšcle. Mais auparavant, le vermillon le plus apprĂ©ciĂ© des peintres du XVIIIe siĂšcle, venait d’Hollande et de Chine. Les Hollandais faisaient venir du cinabre des mines d’Allemagne et le convertissaient en vermillon par des procĂ©dĂ©s gardĂ©s secrets[70]. AprĂšs les guerres napolĂ©oniennes, « le vermillon qu’on ne prĂ©parait autrefois qu’en Hollande, s’obtient maintenant Ă  Paris avec beaucoup de succĂšs » indique Cauvin en 1840[71]. Le procĂ©dĂ© hollandais de fabrication Ă©tait une modification du « procĂ©dĂ© par voie sĂšche »[2] connu des Chinois, des Arabes et mĂȘme peut-ĂȘtre en premier des GrĂ©co-Égyptiens si l’on se base sur la recette le Mappae Clavicula[72] (chap. 221-C), texte en latin du IXe siĂšcle de recettes des mĂ©tallurgistes et joaillers grĂ©co-Ă©gyptiens. Par chauffage ensemble de mercure et de soufre, on produit une masse noire de sulfure de mercure (l’éthiops minĂ©ral), que l’on convertit ensuite par sublimation Ă  hautes tempĂ©rature (supĂ©rieures Ă  580 °C) dans la forme cristalline rouge de α-HgS. Les Allemands inventĂšrent un procĂ©dĂ© meilleur marchĂ© de conversion de l’éthiops minĂ©ral en vermillon, en le chauffant dans du sulfure d'ammonium ou de potassium[2]. Cette mĂ©thode s’imposa par la suite en Europe.

En Occident, le cinabre servit de drogue et, jusqu’en 1850, il Ă©tait l’un des traitements contre la syphilis et contre les problĂšmes de peau. Cet usage fut interdit au XIXe siĂšcle Ă  cause de sa toxicitĂ©.

Notes et références

Notes

  1. c’est-Ă -dire que la valeur premiĂšre du terme « cinabre » est « espĂšce minĂ©rale composĂ©e de sulfure de mercure(II) de formule HgS » et que par mĂ©tonymie, il s’emploie aussi pour « pigment de couleur rouge vermillon ». Le pigment de cinabre peut reprĂ©senter un cinquiĂšme du poids de minerai de cinabre duquel il est extrait (cf. ci-dessous Chen, Cinnabar and Mercury Industry
)
  2. voir les textes de la Mappae Clavicula du IXe siĂšcle, chap. 221 C dans la traduction de Smith et Hawthorne : « Une recette pour un vrai cinabre propre. Prendre deux parties de vif-argent et une partie de soufre natif et une partie d’urine propre. Prendre un rĂ©cipient solide et propre, capable de rĂ©sister Ă  la chaleur sans fumĂ©e
 ». Le mĂ©lange soufre et mercure est broyĂ© puis chauffĂ© Ă  haute tempĂ©rature dans un four de vitrier
  3. voir les photos Ă  ce lien : travail du cinabre
  4. « Quand les mottes sont bien séchées, on les piles dans des mortiers de fer, et on en fait sortir la couleur par plusieurs coctions et lotions » (Vitruve, Les dix livres d'architecture de Vitruve)
  5. découpée dans la chronologie chinoise en dynastie Shang (1500-1046 av. J.-C. et dynastie Zhou (1045-256 av. J.-C.)
  6. Qiu 2000 (p. 20) indique que certaines inscriptions Ă©taient Ă©crites au pinceau Ă  l’encre noire ou au cinabre, mais non gravĂ©es
  7. le jaune impérial s'imposera sous les dynasties Tang, Song et Ming
  8. carbonate basique de plomb (PbCO3)2Pb(OH)2
  9. voir les photos ici Palenque la Reine rouge
  10. dans Baopuzi de Ge Hong (+283, +343), on trouve ces deux valeurs, par exemple chapitre 4 &5 : 珏äșŒäč‹äžčćæ›°ç„žäžč le second Ă©lixir (dan) est appelĂ© « cinabre divin » (shendan)
  11. que Chen Kuang-yu qualifie d'« alchimiste »
  12. il reste encore quelques larges plaques bien visibles, mais n’ayant rien Ă  voir avec l’excellente conservation des fresques des villas de PompĂ©i
  13. ’’jinya san, tirĂ©e du Zuanyao fang’’, Recueil des prescriptions importantes de Cui Zhiti (Tang)
  14. par microanalyse laser, spectrométrie de masse et diffraction des rayons X
  15. L’encyclopĂ©die chinoise en ligne donne comme source du procĂ©dĂ© de synthĂšse du vermillon Ă  partir du mercure et du soufre, le savant Song Yingxing 漋ćș”星1587—1666cf 银朱
  16. « Broyez du misy et du rĂ©algar avec du cinabre et enduisez l’objet d’argent » (‘’Papyrus de Leyde’’ &50) le misy est du sulfate de cuivre et de fer, le rĂ©algar un sulfure d’arsenic. C’est une technique de cĂ©mentation par les sulfates de fer (misy) d’arsenic (rĂ©algar) et de mercure (cinabre)
  17. Didier Kahn a proposĂ© d’écrire (al)chimie, car les deux termes alchimie et chimie ont Ă©tĂ© synonymes jusqu’à la seconde moitiĂ© du XVIIe siĂšcle (Kahn, Le fixe et le volatil, 2016)
  18. « Le cinabre est fort employĂ© dans la peinture, il est aussi en usage dans la MĂ©decine. Il est propre pour l’asthme, pour l’épilepsie, pour la vĂ©role, pour exciter la transpiration des humeurs » (‘’Cours de chymie’’ LĂ©mery, rĂ©Ă©ditĂ© 11 fois entre 1675 et 1716
  19. Unschuld cite sept célébrités dont le plus fameux de tous Li Shizhen (1518-193)

Références

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  2. R. J. Gettens, R.L. Feller, W.T. Chase, « Vermilion and cinnabar », Studies in Conservations, vol. 17,‎ , p. 45-69
  3. Fabrizio Pregadio, Great Clarity: Daoism And Alchemy In Early Medieval China, Stanford University Press,
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  5. Vitruve (annoté par Perrault, Tardieu, Coussin fils), Les dix livres d'architecture de Vitruve, A. Morel, (lire en ligne)
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Voir aussi

Bibliographie

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Articles connexes

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