Paracelse
Paracelse ou Paracelsus, dont le nom d'origine est Philippus Theophrastus Aureolus Bombast von Hohenheim, né en 1493 à Einsiedeln (en Suisse centrale) et mort le à Salzbourg, est un médecin, philosophe et alchimiste, mais aussi théologien laïc suisse, d’expression allemande (de dialecte alémanique).
Professeur |
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Naissance | Einsiedeln (ou environs) (Ancienne Confédération suisse) |
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Décès | |
Sépulture |
Tombe de Paracelse (d) |
Nom dans la langue maternelle |
Philippus Aureolus Theophrastus Bombast von Hohenheim |
Nom de naissance |
Philippus Aureolus Theophrastus Bombastus von Hohenheim |
Pseudonyme |
Paracelsus |
Formation | |
Activités |
Médecin écrivain, chimiste, philosophe, naturaliste, médecin, pharmacien, astronome, oto-rhino-laryngologiste, astrologue, écrivain |
Père |
Wilhelm Bombast von Hohenheim (d) |
Mère |
NN (d) |
A travaillé pour | |
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Personne liée |
Érasme (épistolier) |
Ce fut un médecin-chirurgien innovateur en thérapeutique, un philosophe de la nature concevant les phénomènes naturels comme des processus alchimiques de transformation, un théoricien des forces surnaturelles et un rebelle s'en prenant parfois avec virulence aux institutions et aux traditions[1]. Paracelse, philosophe, est un théoricien du Grand Tout, toujours animé par le désir de pénétrer la nature profonde des choses, attiré aussi bien par la Nature que par le royaume de Dieu. Sa pensée foisonnante, exubérante, est à l'image de l'homme rebelle, truculent, profondément croyant, se pensant sur la fin de sa vie, comme le médecin-prophète du dernier âge (Pierre Deghaye).
Paradoxalement, sa philosophie de la nature d'inspiration chrétienne et alchimiste, centrée sur Dieu, allait dans les siècles suivants, fournir un cadre intellectuel plus fructueux au développement de la médecine chimique moderne que la philosophie de la nature, rationaliste et naturaliste de la médecine galéniste, dominante à l'époque, mais qui était devenue dogmatique et sclérosée. Toutefois le paradoxe n'est qu'apparent, car le système de pensée de Paracelse n'était pas à prendre ou à laisser en totalité, seuls quelques éléments provenant de la pratique médicale pouvaient être gardés.
Dans son œuvre immense, tout imprégnée de la magie naturelle propre à la Renaissance, se trouvaient quelques idées fortes et innovantes qui semblent avoir impulsé (ou parfois seulement préfiguré) les recherches ultérieures des médecins paracelsiens sur la voie d'une analyse réductionniste des maladies, de l'extraction des principes actifs des substances, de l'usage interne des médicaments chimiques ou des remèdes psychoactifs.
En somme, Paracelse initie le tournant de la médecine galéniste vers la médecine moderne basée sur la biochimie, en déstabilisant les édifices galénique et aristotélicien et en ouvrant la voie à la physiologie expérimentale. Ce travail de sape de l'orthodoxie médicale scolastique fut aussi mené par l'autre grande figure médicale du XVIe siècle, l'anatomiste André Vésale (1514-1564) qui osa s'écarter du modèle anatomique galéniste en s'appuyant sur l'observation directe des corps disséqués.
On peut aussi considérer que la pensée de Paracelse est le point de départ du long processus de séparation de la chimie de l'alchimie. Les travaux de nombreux savants sur deux siècles et demi permirent de se libérer des excès métaphysiques de Paracelse et en s'appuyant sur les expériences de laboratoire d'aboutir à la révolution chimique de Lavoisier des années 1787-1789.
Biographie
Origines familiales
Paracelse naît, en 1493, dans le village d’Einsiedeln, dominé par la vie religieuse de son imposante abbaye bénédictine, près de Zurich, en Suisse. Son nom complet est Philippus Aureolus Theophrastus Bombast von Hohenheim. Il prend le surnom de Paracelse (Paracelsus en allemand) après 1529 quand il décide d'affirmer son autorité théorique. La forme abrégée de son premier prénom, Theophrast, semble avoir été la forme employée de son vivant[2].
Par sa mère, une Suissesse, qui serait issue d'une famille au service de l'ordre des Bénédictins à Einsiedeln, et son père, qui serait le fils illégitime d'un gentilhomme de la famille noble Bombast von Hohenheim de Souabe, Théophraste sera dans une position sociale en porte-à-faux entre les gens du peuple et la noblesse.
Son père, Wilhelm von Hohenheim, qui est médecin, a dû exercer son art auprès de patients qui venaient en pèlerinage pour prier la Sainte Vierge dans l'espoir de guérisons miraculeuses. Plus tard, Paracelse parlera toujours avec dégoût de ces pèlerinages d'Einsiedeln[3].
Après le décès prématuré de sa femme, Wilhem abandonne Einsiedeln, en 1502, pour un poste médical modeste, loin à l'est, au-delà des hauts sommets alpins. Théophraste (le futur Paracelse) perd donc sa mère alors qu'il est enfant. S'il semble assez rapidement l'oublier, il mentionnera par contre son père à plusieurs reprises dans son œuvre[4].
Théophraste et son père s'installent dans une vieille région industrielle, à Villach, en Carinthie (Autriche), au carrefour des routes de Slovénie, du Frioul et de Vénétie. Son père y exerce les fonctions de médecin de la ville.
Formation initiale
À l'âge de 9 ans, Théophraste devient apprenti dans les mines de Schwaz (proche de Villach) appartenant à la famille Fugger. Il se familiarise avec l'exploitation minière et les pratiques métallurgiques[5] - [6]. Théophraste s'enorgueillira plus tard de son caractère rude et entier, car dit-il, il n'a pas été élevé dans les palais. Il dira être fier d'être Allemand, c'est-à-dire homme du peuple.
Aucune source fiable n'est connue sur le parcours éducatif du jeune Théophraste et les commentaires vagues qu'il a laissés dans ses œuvres ne sont pas d'un grand secours. Beaucoup de légendes ont couru sur sa formation. Beaucoup de biographies ne sont que des reconstructions fantaisistes romancées. Dès son enfance, nous dit-il[7] (dans la Grande Chirurgie[8], 1536), il s'intéresse à l'étude de la nature. Il cite avec reconnaissance, comme ayant été ses maîtres, outre son père, quatre évêques, en botanique, médecine, minéralogie et philosophie naturelle[5]. Mais on doit prendre avec scepticisme le fait qu'il ait pu recevoir une formation de l'abbé Trithemius de Sponheim[2].
Grand tour de l'Europe (1507-1524)
En 1507, à l'âge de quatorze ans, Théophraste quitte son foyer familial pour se lançer dans une série de voyages à travers l'Europe (1507-1524), dans toutes les directions, dit-il[9]. Il le fait peut-être comme les jeunes gens de la noblesse germanique qui effectuent le Tour du Chevalier (Junkerfahrt) dans le but de parfaire leurs humanités et leur formation militaire (par la suite le Grand Tour prendra une signification plus intellectuelle chez les Britanniques).
Voyageur infatigable, il est avide de tout connaître, tout découvrir et expérimenter par lui-même. Pour subsister, il se fait probablement enrôler comme chirurgien-barbier dans diverses armées. Il indique dans le Spitalbuch[9] avoir acquis de l'expérience et obtenu quelques succès thérapeutiques dans la région de Naples, et pendant les guerres menées par Venise, le Danemark, et les Pays-Bas.
Il aurait obtenu le titre de docteur en médecine en Italie, peut-être à Ferrare (1512-1516)[5], mais les archives de l'université de Ferrare qui sont lacunaires pour le début du XVIe siècle, ne permettent pas de s'assurer de sa présence[10]. Selon Webster « il n'y a aucune preuve décisive attestant de sa présence dans une université et rien ne confirme son doctorat de Ferrare ».
Il participe, en 1522, au milieu des troupes vénitiennes, comme chirurgien militaire, aux guerres de Venise[11]. Entre ces périodes de guerre, il aurait séjourné, entre 1517 et 1524, dans divers pays d'Europe occidentale et orientale mais il n'est pas possible d'en déterminer la succession temporelle. Il est certain qu'il séjourne assez longtemps en Italie.
Paracelse n'est pas un docte, imbu de la science livresque de son temps. Le plus clair de son savoir provient, comme il le dit lui-même, de bonnes femmes, demi-sorcières, de Bohémiens, qu'il rencontre sur son chemin, des pratiques populaires, des moyens employés par les barbiers de village, des méthodes de laboratoire dont se servent les mineurs et les orfèvres. Il est un homme de la pratique, du métier (un chyrurgus), non un homme d'étude[12].
Son éducation, son parcours et ses centres d'intérêts sont en rupture avec la tradition universitaire de l'occident chrétien[5]. Chaque fois qu'il parle de l'université dans ses ouvrages, c'est toujours en termes négatifs sinon injurieux. Il est donc possible qu'il n'ait aucun titre universitaire.
Salzbourg et la contestation de l'idolâtrie religieuse 1524-1525
Vers 1524, Théophraste s'arrête à Salzbourg, où il choisit de se fixer. C'est un grand centre administratif de l'archevêché, proche de florissantes industries minières et d'extraction du sel gemme. Il s'installe et travaille pour la communauté d'un bain public. On ne sait rien de son activité médicale. On pense qu'il travaille aussi activement à des écrits théologiques[2]. Et ce sont ces derniers qui vont déclencher les hostilités. Ainsi, dans le réquisitoire De septum punctis idolatriae cristianae (Sur sept points de l'idolâtrie chrétienne), il s'en prend à toutes les cérémonies, prières, aumônes, bénédictions et formes excessives de pèlerinages. Sa foi, vue comme une sorte de panthéisme mystique, liée à des idées alchimiques, le fait entrer en conflit avec deux théologiens qui l'accusent de prendre ses idées chez les paysans. Théophraste rétorque qu'il connaît tout sur les universités et qu'il en a visité plusieurs dont il indique le nom, mais qu'on n'a rien à apprendre en théologie dans les milieux universitaires. La voie qu'il suit s'appuie sur l'exemple des Apôtres et sur l'enseignement du Christ (Septum punctis PII, 3, 5).
Au moment même où Théophraste lance ses attaques acerbes contre l'Église romaine, des mouvements de révoltes paysannes se transforment en une large insurrection menaçant Salzbourg. Il est probable que ses contacts réguliers avec les gens du peuple ont dû le convaincre de la nécessité de réformer la société[4]. Accusé de connivences, isolé et sans appui social, il doit quitter précipitamment la cité autrichienne en 1525, en y laissant des biens personnels assez considérables[4].
Il écrit son premier livre, Neun Bücher Archidoxis (Neuf livres Archidoxes[13], 1525-1526), dans lequel il développe la « chimiatrie » ou « alchimie » médicale, influencée par Jean de Roquetaillade (Johann de Rupescissa, 1310-1366) et Philipp Ulsted : il faut extraire la médication efficace des composantes impures des minéraux, cristaux, gemmes, des métaux, de plantes, des racines, etc. pour que les vertus curatives de la nature (comme les « arcanes»), puissent agir contre les maladies. L'extraction par des processus (al)chimiques (de sublimation, distillation, calcination, action de corrosifs etc.) des vertus des substances permet d'obtenir toute une hiérarchie de remèdes, appelés quintessence, arcanes, magistères et spécifiques. On peut y voir une anticipation de la notion de « principe actif », au niveau de l'intention du moins, car aucun moyen d'évaluation empirique ne garantissait l'efficacité thérapeutique.
On ne trouve dans cet ouvrage, aucune référence à la théorie des Trois Principes (mercure, soufre et sel) qui deviendra constante dans ses écrits de la maturité. Il indique[13] « nous voulons donc nous attaquer de tout notre cœur au mystère de la nature. […] connaître le mystère de la nature puis considérer celui de Dieu ». On y voit une constante préoccupation de problèmes théologiques, un souci de contextualiser tous les sujets dans une perspective métaphysique[14]. Le ton paisible, serein contraste avec les bordées d'injures qu'il lancera plus tard contre les médecins après son expulsion de Bâle.
Strasbourg et Bâle, de la reconnaissance académique à l'humiliation, 1526-1527
À la fin de l'été 1526, Théophraste est appelé auprès Philippe Ier de Bade, le margrave de Bade, pour soigner ses troubles gastro-intestinaux. Le traitement donne satisfaction au margrave, mais le médecin est escroqué par un confrère qui détourne ses émoluments. [Fichier:11-11-24-basel-by-ralfr-035.jpg|vignette|L'université de Bâle, en Suisse, où Paracelse devint professeur en 1527.]] En 1526, échaudé par la dépendance des princes, Théophraste décide de s'installer dans la grande cité de Strasbourg. Ville libre du Saint-Empire romain germanique, cette cité impériale avait adopté la Réforme en 1525, et était devenue un grand centre de l'imprimerie naissante où s'épanouissait une culture tolérante et cosmopolite. De nombreux réfugiés politiques ou religieux y trouvent un bon accueil. Sans difficulté, il acquiert, fin 1526, le droit de bourgeoisie, il est alors enregistré comme un Artzney Doctor (docteur en médecine ayant droit d'exercer).
Toujours en mouvement, on le retrouve, au début de 1527, auprès du grand imprimeur-éditeur humaniste Johann Froben de Bâle auquel il a été recommandé. Condamné par ses médecins, probablement en raison d'une gangrène au pied, après six semaines du traitement prescrit par Théophraste, une amélioration significative est obtenue et évite l'amputation. En récompense, le jeune médecin est invité à devenir médecin municipal. Dans un document légal de Bâle, il déclare que son doctorat a été obtenu à Ferrare, il devient médecin pensionné de la ville et assistant à la faculté de médecine de Bâle[5]. Dans de nombreuses occasions, il est identifié de diverses manières comme un « docteur »[2]
Autour de Froben, rayonnent de grands humanistes comme Érasme, Œcolampade, le chef de la Réforme de l'église de Bâle, et Bonifacius Amerbach, juriste et humaniste, autant de personnalités importantes témoins de son succès thérapeutique[11]. C'est pour le jeune médecin, une superbe reconnaissance et une promotion rapide et inespérée.
Si Bâle est accueillante pour les esprits non-conformistes cherchant à réformer l'Église, elle a surtout attiré des humanistes voulant renouer avec la culture gréco-romaine. Cependant Théophraste venu dans cette cité en raison de ses tendances réformistes, est aussi un réformateur radical de la médecine qui s'en prend vigoureusement à l'autorité d'Hippocrate et de Galien. Il souffre en outre de la jalousie des médecins locaux et d'une réticence des autorités médicales académiques qui essayent de l’empêcher d'enseigner. Après la mort de Froben, en , toutes ces tensions se changent en hostilité ouverte.
Chargé de cours de médecine en juin-, Théophraste élabore un plan de cours audacieux, dont les notes sont connues[n 1]. Il commence par un virulent manifeste, Intimatio, qui rejette sans appel le galénisme qui a pourtant servi depuis le XIIe siècle à refonder une médecine savante européenne. Il soutient avec aplomb que la nouvelle médecine qu'il enseigne s'appuie sur « des manuels que j'ai moi-même rédigés sur la base de ma propre expérience » (Intimatio), manuels non publiés bien sûr, mais peut être même pas encore écrits, selon Andrew Weeks[1] - [n 2].
« Qui donc ignore que la plupart des médecins de notre temps ont failli à leur mission de la manière la plus honteuse, en faisant courir les plus grands risques à leurs malades ? Ils se sont attachés, avec un pédantisme extrême, aux sentences d’Hippocrate, de Galien et d’Avicenne, comme si celles-ci étaient sorties du trépied d'Apollon comme autant d'oracles, et comme si on n'avait pas le droit de s'en écarter d'un iota. C'est en s'appuyant sur ces autorités que l'on crée, lorsque cela plaît aux dieux, des docteurs en médecine imbus de leur titre, mais non pas des médecins ! […] J’enseignerai pendant deux heures par jour la médecine pratique et théorique […]. L’expérience [savante] est notre maître d’école suprême - et de mon propre travail. Ce sont donc l’expérience et la raison, et non les autorités [Hippocrate, Galien, Avicenne] qui me guideront lorsque je prouverai quelque chose. » (Intimatio Theophrasti medicae artis studiosis (Annonce de Théophraste aux étudiants en médecine), , in Sämtliche Werke, K. Sudhoff édi., t. IV, p. 4).
Paracelse entend probablement faire dans son domaine ce que Martin Luther a fait dans le sien quand il défie l'autorité bien établie de l'Église romaine, en prônant un retour aux sources véritables de toute autorité théologique[n 3]. Pour donner suite à la bulle pontificale de 1520 menaçant le réformateur de l’Église d'excommunication et à l'autodafé de ses livres, Luther a réagi en brûlant à la fois la bulle papale et le droit canonique (autodafé de à Wittemberg).
Peut-être inspiré par ce modèle, Paracelse brûle des œuvres de Galien et d'Avicenne sur la place du marché de Bâle[n 4], dans les Feux de la Saint-Jean, la nuit du .
La provocation est calculée. Déjà Théophraste enseignait en dialecte alémanique (Schweizerdeutsch)[15] et non en latin comme il est d'usage dans les universités, et il se permet d'employer un vocabulaire totalement nouveau dans la profession[4], autant de choses qui choquent profondément ses professeurs d'esprit traditionaliste. Mais encore, il se dispute avec ses collègues, avec la municipalité, les pharmaciens, et il intente même un procès contre un important chanoine de la cathédrale qui ne règle pas les émoluments promis. Car, s'il se veut être un médecin des pauvres, il fait payer les riches au prix fort. Il est notoire qu'il aime le bon vin et en abuse souvent[n 5].
Toutes ces extravagances comportementales choquent beaucoup de monde mais, avec cette critique radicale de l'auctoritas, il met complètement le feu aux poudres. L'apprentissage de la médecine par l'étude des maîtres anciens ne produit pas des médecins soucieux de guérir, mais des « médecins-maîtres d'école », pense-il. S'en prendre ainsi directement à Avicenne et Galien est sacrilège, dans ce haut lieu de l'humanisme rhénan. À la différence de Luther, Paracelse ne bénéficie pas d'importants appuis politiques et populaires, et il perd l'appui des humanistes qui l'avaient amené à Bâle[16].
La tension monte jusqu'à ce qu'un pamphlet d'une violence inouïe soit placardé sur la porte d'églises de Bâle, en vers latins durant l'hiver 1527-28[4] :
« Que je crève si l'on te juge digne, vaurien, de vider le pot de chambre d'Hippocrate ou de garder mes cochons ! Choucas, qui te pare des plumes que tu as volées […] Que veux-tu faire maintenant, imbécile, percé à jour du dehors et du dedans, alors qu'on t'a conseillé à juste titre de prendre une corde et de te pendre ? »
Publiquement humilié et craignant des complications, voire une arrestation, Paracelse doit quitter la ville.
Cet événement est fondateur pour Paracelse, mais il faut se garder d'utiliser les cadres d'interprétation psycho-sociologique des révoltes anti-autoritaires de la jeunesse moderne pour essayer de le comprendre. Paracelse est profondément croyant, et son comportement ne prend sens qu'à l'intérieur de sa quête spirituelle[17]. Pour lui, si le savoir ne vient pas des livres des maîtres humains c'est qu'il émane du livre primordial, le livre de Dieu[18] - [n 6]. Peut-être était-il réfractaire à toute autorité ou bien fait-il partie de ces « écorchés vifs » toujours prêts à s'enflammer mais son comportement semble venir d'un ressort intime plus profond, puisqu'il est une des manifestations d'une cohérence interne solide et constante. Sa belle assurance semble lui venir de sa foi en la nature qui l'a fait médecin et qui n'a cessé de l'instruire. Le médecin enseigné par la nature possède une science qui est intrinsèquement vraie.
Toute sa vie témoigne d'un profond engagement spirituel, et il a pu se sentir parfois investi, non seulement de la mission de soigner les hommes, mais « également d'un rôle religieux, rôle de prédicateur ou d'apôtre en quelque sorte, sa mission chrétienne générale se conjuguant avec un service apostolique » (Kurt Goldammer[4]). Pour lui, l'ère des maîtres humains porteurs d'une autorité démesurée est close. L'apprenti véritable doit donc lire, non les livres de ces maîtres mais le livre de Dieu, dans le monde et dans la Bible, à l'extérieur de lui, de ses propres yeux[17]. Il y a pour lui une extrême proximité de la figure de l'apôtre et celle du médecin. La mission apostolique inclut la charge de guérison des corps et des âmes.
Dans son traité Paragranum, iI donne aussi une réponse théorique aux galénistes en élaborant les quatre fondements de la médecine[14] (voir la section ci-dessous Les quatre piliers de la médecine paracelsienne). Dans les œuvres du cycle des Paramiran qui suivront, il cherche à établir les bases théoriques de sa nouvelle médecine.
L'errance solitaire
Dès cette époque, il se plaint de relations conflictuelles avec ses confrères qu'il qualifie de tricheurs incompétents. Dans un écrit, fait vers 1528, il indique avoir été chassé de Lituanie, de Prusse, Pologne et des Pays-Bas, à la suite de simples différends professionnels qui ont dû mal tourner en raison de son caractère emporté. Il tire satisfaction de l'efficacité de ses traitements et du soutien de ses patients[19] - [2].
Incapable d'avoir un emploi stable, la carrière d'écrivain indépendant s'offre à lui comme une possibilité viable. La blessure est profonde pour le médecin iconoclaste, conscient de sa valeur mais se complaisant à agir seul contre tous, avec toute la brutalité de l'époque. Il voit ces événements comme profondément injustes et il en gardera une rancœur tenace qui s'exprimera sans détour, et avec la même violence que ses adversaires.
C'est à ce moment qu'il décide d'écrire des traités fondamentaux pour répondre à ses opposants (ouvrages commençant par le préfixe Para-) et qu'il signe du nom de Paracelse[2] (à partir de Celse, un médecin important du Ier siècle).
Dans son traité Paragranum (1530), iI donne aussi une réponse théorique aux galénistes en élaborant les quatre fondements de la médecine[14] (voir la section ci-dessous Les quatre piliers de la médecine paracelsienne). Dans les œuvres du cycle des Paramiran qui suivront, il cherche à établir les bases théoriques de sa nouvelle médecine.
Dépourvu de tout bien, seul, souvent rejeté, il ne se fixe jamais longtemps quelque part et reprend toujours la route, en fulminant contre les faux médecins, ce qui lui vaudra le surnom de « savant vagabond »[20], de « vagabond génial »[21], ou de « médecin maudit »[22], pour reprendre la figure romantique du poète maudit, l'éternel incompris.
Paracelse ne s'est jamais marié et diverses hypothèses ont été imaginées pour expliquer son manque d'intérêt pour les femmes[23]. Son mortel ennemi Thomas Erastus a répandu, entre autres bruits, qu'il aurait été accidentellement émasculé dans son enfance[24] - [25].
Paracelse s'est lui-même expliqué de sa vie d'errance de ville en ville[26]. Il a dit, à maintes reprises, que c'est sur le tas, par l'expérience directe qu'on apprend le plus.
- Je préfère les sentiers et les routes aux universités où l'on n'apprend rien[13].
Il s'agit aussi pour lui d'un projet intellectuel et éthique[17], de chercher les signes que Dieu laisse dans le monde, de placer ses pas dans ceux du Christ, de suivre les injonctions de Jésus aux douze apôtres de l'Évangile selon Matthieu (Mt 10, 14 et 10, 9), à qui il est commandé de partir sur les chemins, de guérir les malades, de « secouer la poussière de vos pieds »[n 7] et de vivre dans la pauvreté[n 8]. Certes, il n'est pas un saint, mais un apôtre au niveau de la nature.
Écrits et rencontres
Il n'est pas certain que Paracelse se soit réellement rendu dans toutes les villes et pays qu'il mentionne dans ses écrits rédigés au cours de ses voyages, mais on peut faire confiance aux voyages des quinze dernières années de sa vie où sa présence est attestée. Cette période se limite à des villes et villages de Suisse et du sud de l'Allemagne[27].
À Colmar, il écrit sur la syphilis, et rédige le Bertheonea ou Petite Chirurgie, manuel pour « lire » et interpréter les signes corporels, et à Esslingen (Bade-Wurtemberg) il approfondit ses recherches occultes
En novembre 1529 à Nuremberg, il fait la connaissance du mystique Sébastien Franck. Celui-ci remarque que Paracelse est, certes quelqu'un de remarquable, mais toutefois assez étrange, puisque toujours prêt à rejeter tous les praticiens et tous les écrits de médecine et d'astrologie[2]. À la suite de frictions avec les médecins et apothicaires de la ville, on lui intime l'ordre de quitter la ville. Il est aussi informé de l'interdiction de publier ses écrits sur la syphilis, par un décret du conseil municipal, pris sur l'instigation de la faculté de médecine de Leipzig.
À Beratzhausen près de Nuremberg, il rédige en grande partie le plus volumineux de ses écrits, l'Interprétation du psautier de David et poursuit ses écrits médicaux, le Paragranum qui traite des « quatre colonnes » de l'art médical, l' Opus Paramirum, ouvrage théorique important qui traite des causes des maladies et développe la théorie des « trois substances » fondamentales (sel, soufre et mercure). Il entend crever l'abcès de la querelle de Bâle et s'engage dans des polémiques véhémentes sur le mode de traitement de la syphilis. Il adopte alors le nom de plume de Paracelsus[28]. « Il est possible que sans la querelle de Bâle, Hohenheim aurait poursuivi des objectifs moins ambitieux et ne serait jamais devenu Paracelse »[1].
À Saint-Gall en Suisse (1531), son esprit rebelle lui ayant fermé les emplois de médecins municipaux et d'écrivain, pour vivre, il doit se tourner à nouveau vers de riches protecteurs. L'ancien et puissant bourgmestre, Christian Studer, devint son patient et son hôte[2] qui, à 73 ans, est très malade. Paracelse reste sur place presque toute l'année, jusqu'à sa fin. Même après la disparition du bourgmestre, Paracelse semble être demeuré en ce lieu jusqu'en 1533. Ce qui constituerait un record de durée au même endroit[2]. À cette époque, il revoit et termine l'Opus paramirum et s'investit toujours plus dans les problèmes théologiques. Il se désigne comme « Professeur » et comme « Docteur de l'Écriture sainte », se sentant investi d'une mission chrétienne. Malgré une attitude plutôt conciliante avec les autorités, sa recherche de la véritable Église du Christ lui met à dos les religieux de tous bords, et il décide de reprendre la route à travers les Alpes.
On le retrouve d'abord à Appenzell en Suisse (1533), en pays minier (vallée de l’Inn), où il écrit sur les maladies des mineurs (1533)[29]. Il établit ainsi les bases de la médecine du travail. Puis, il se dirige vers l'Autriche des Habsbourg, à Innsbruck où il est mal reçu ; à Sterzing dans le Tyrol du sud (1534), il soigne les habitants de la peste et rédige une courte brochure sur le traitement de la maladie. Quoique assez conventionnelle et utilitaire, elle est rejetée.
À Méran, une ancienne forteresse de la révolte paysanne, il est bien accueilli et passe l'hiver 1534-35 en sécurité. Il se dirige ensuite vers l'ouest jusqu'à Saint-Moritz (en Suisse) puis oblique au nord.
À Pfäfers (Suisse), où l'abbé Johann Jacob Russinger le consulte pour une affection décrite dans l'optique humorale de la médecine galénique, comme un trop-plein de phlegme. La prescription autographe qui a été retrouvée, indique un traitement relativement simple et conventionnel, à base de plantes médicinales[30], très loin de la pharmacie chimique révolutionnaire, qui lui est généralement attribuée. Dans cette année 1535, Paracelse écrit un traité sur les bains de Pfäfers[31] qu'il dédicace à l'abbé Russinger. Il fonde ainsi la balnéothérapie.
À Ulm et à Augsbourg, il achève en 1536, l'impression de sa Grande chirurgie (Grosse Wundarznei), le seul ouvrage médical substantiel publié de son vivant[n 9]. L'ouvrage est reconnu comme une contribution réussie à la série d'ouvrages de chirurgie en langue vernaculaire de la Renaissance. Heinrich Steiner qui en est l'éditeur, publie aussi un autre ouvrage de lui sur des prédictions Prognostication des 24 années à venir (écrit en 1530 ou 1531), qui connaîtra aussi un succès éditorial.
Il reprend ses pérégrinations, allant d'un patient gentilhomme à un autre, en Autriche et Moravie, tout en continuant à écrire en fonction des possibilités. On le trouve à Eferding (1537), puis à Kromau en Moravie où il commence à écrire son Astronomia magna (La Grande Astronomie), une grande œuvre systématique, une vision du monde pénétrée d'idées religieuses et métaphysiques.
À Vienne (1537-1538), il est reçu plusieurs fois par Ferdinand Ier, roi de Bohême et de Hongrie, roi des Romains. Puis il retourne en Carinthie à Villach (), la ville de sa jeunesse, où il poursuit la rédaction de Astronomia magna (La Grande Astronomie, ou la Philosophie des vrais sages, Philosophia sagax), son principal ouvrage de philosophie et rassemble des écrits, connus sous le nom d'Écrits de Carinthie (Kärntner Schriften). Il séjourne en Carinthie jusqu'en 1540. Mais déçu de voir que les notables ne tiennent pas leurs promesses de publier ses Écrits carinthiens, il repart dépité.
À Salzbourg, où sont restés quelques-unes de ses maigres possessions après son départ précipité en 1525. On ne sait rien de ses derniers jours sauf quelques détails fournis par son testament qu'il rédige le . Il y mentionne en premier lieu les pauvres, fidèle à ses idées sociales. Le contenu de son testament permet de se rendre compte du peu qu'il possédait, juste quelques bagages d'un perpétuel voyageur, quelques livres et manuscrits théologiques[4].
Mort (1541)
Il meurt trois jours après avoir rédigé son testament, à 48 ans. « Il existe plusieurs versions des causes de son décès : chute dans un précipice en état d'ébriété, passage à tabac au cours d'une bastonnade, etc. L'examen paléopathologique de son crâne a montré l'existence d'une fracture de l'os temporal, mais aucun signe de cicatrisation. »[32] Son corps est inhumé, conformément à ses dernières volontés, au cimetière de l’église Saint-Sébastien de Salzbourg[33]. Sa dépouille se trouve aujourd’hui dans une tombe située sous le porche de l’église, avec ces mots : Pax vivis - requies aeterna sepultis (« Paix aux vivants - repos éternel aux défunts »). Malgré toutes ses opinions souvent hétérodoxes en faveur d'une église évangélique, très pure et sans clergé, il est resté fidèle à l'Église catholique.
Philosophie naturelle
Paracelse, incompris de son vivant, suscita une fois mort, un vif attrait et une forte répulsion. Le vaste mouvement éditorial qui commença une trentaine d'années après sa mort, fut accompagné d'un violent mouvement antiparacelsien. Le courant de pensée, prenant sa source dans les écrits de Paracelse, a pris le nom de paracelsisme[34]. À l'extérieur du domaine culturel allemand, le paracelsisme repose essentiellement sur la philosophie de la nature, la médecine, l'alchimie, la magie et l'astrologie. La pensée théologique et socio-politique du médecin, extrêmement subversive, est restée presque entièrement inédite jusqu'au XXe siècle.
Paracelse écrivit beaucoup mais publia peu de son vivant : le texte le plus important est la Grande chirurgie (Grosse Wundarznei), publié en 1536. Malgré sa réputation de grand thérapeute, rares furent ceux qui consultèrent l'énorme quantité de manuscrits qu'il laissa dans les nombreuses cités où il résida[16].
Après plusieurs tentatives, la publication des œuvres complètes en allemand, ne fut achevée qu'à la toute fin du XXe siècle. Une part infime a été traduite en français.
Langue et style
La pensée de Paracelse est demeurée une nébuleuse peu accessible car écrite dans un allemand du XVIe siècle, un dialecte alémanique. Paracelse n'était pas très savant en littérature grecque ou latine, il est un homme de métier et de pratique et non d'études. Selon Alexandre Koyré, s'il abandonne le latin, ce n'est pas par patriotisme ou souci de modernité, mais par obligation : ceux qui, de son vivant, l'écoutaient et le suivaient ne savaient pas assez de latin[12].
La langue de Paracelse, déjà difficile, est rendue encore plus difficile par de nombreux néologismes et des concepts métaphoriques, peu explicités, issus du folklore allemand. Il oppose à la terminologie livresque et savante de ses critiques et rivaux, une autre terminologie « plus abracadabrante encore » mais qui reflète la vie, la nature, et la réalité de terrain de son temps[12].
Il n'avait pas le souci de la forme, écrivait vite, dans des conditions précaires. Il n'est d'ailleurs pas toujours cohérent, car sa pensée évoluait et il laissait derrière lui, dans son errance, ses nombreux manuscrits. Prit-il le temps de se relire, d'ajuster sa pensée ? Tout incline à croire que non, pense Charles Le Brun[13]. Il n'eut probablement pas le temps et rien dans son tempérament bouillonnant ne l'y incitait.
Selon Bernard Gorceix, son style est tortueux et lourd, beaucoup plus que celui des autres alchimistes de son temps. Sa phrase ne se dégage pas, elle ignore la ponctuation, elle s'encombre de mots de liaison et de conjonction double de coordination. Pour convaincre, Paracelse peut répéter, et des pages durant, la même accusation ou la même démonstration[35] :
« Paracelse parle un idiome encore jeune, confus à loisir, ouvert à tous les souffles linguistiques. Il n'a pas le génie linguistique de Rabelais, mais il aime comme lui puiser à toutes les sources (…) Il parle une langue toute différente de la nôtre. Il est de son temps au moment même où il dépasse son temps (…) Sa médecine mûrit lentement en brisant l'écorce, elle sort de terre et est encore en germe (…) Il déborde parfois de mépris parce qu'il sait qu'il renouvelle sa science. Il doit, comme il le dit lui-même, être le séparateur, " comme s'il séparait les ténèbres et la lumière, le jour et la nuit, comme Dieu qui accomplit, créant le monde, l'œuvre de séparation " »[35].
Philosophie chrétienne de la nature et identités occultes
Au XVIe siècle, la philosophie de la nature n’est pas autonome[36]. C'est particulièrement le cas chez Paracelse dont la vision des phénomènes de la nature (physique, astronomique) est conçue incluse dans la théologie. Dieu est au centre de sa vision du monde.
Sa vision du monde est en cela très différente de la philosophie naturelle d'Hippocrate et Galien, qui reposait sur une forte exigence de rationalité et qui ne laissait aucune place aux divinités, au surnaturel et aux forces secrètes magiques. Tout l'effort théorique de Paracelse va être de contrer la médecine galénique rationaliste de l'Antiquité païenne en élaborant un fondement chrétien et alchimique de la médecine.
La pensée analogique de Paracelse se fonde sur l'idée néoplatonicienne de l'unité et de la sympathie de toutes choses. Son système explicatif recourt aux grandes figures de l'affinité de l'époque, comme la correspondance microcosme-macrocosme, la théorie de la signature et les métaphores alchimiques. Quand Paracelse cherche à comprendre quelque chose, il est toujours fasciné par une vision globale des choses, il vise une science universelle, une théorie du tout, englobant l'homme, le cosmos, la médecine, l'astrologie, la magie, l'alchimie et la religion[37].
La pensée de Paracelse est un processus de réification avec substitution, confusion de niveaux et identification des opposés. Par exemple les rapports entre macrocosme et microcosme sont plus que des correspondances analogiques. Paracelse écrase les deux pôles en un seul : L'Homme n'est pas analogue au macroscome, il est le microcosme. Plus qu'un simple reflet du macrocosme, l'Homme, en tant que résultat d'une Création faite pour lui, contient en lui-même tous les éléments de l'univers : minéraux, plantes et bêtes. Le déplacement de l'analogie à l'identité est total[37].
Paracelse ne fait pas de distinction entre la métaphore et le sens littéral, le signifié et le signifiant. Il joue sans cesse de la transformation de l'immatériel en matériel et inversement : « chaque objet n'est rien d'autre qu'une fumée solidifiée » ou « l'Homme n'est qu'une vapeur condensée ». L'esprit ne s'oppose pas à la matière corporelle, il en est la plus fine partie. Tout corps solide contient une âme, et il n'existe pas d'âme sans corps[37].
Selon Kurt Goldammer (de) (1916-1997), le système de Paracelse est un « monisme vitaliste », et pour Walter Pagel (1898-1983) ses idées de Dieu, du monde, et de l'Homme sont toutes basées sur l'unité de l'esprit et de la nature. Dans le système idéal de Paracelse, la danse n'est pas séparable du danseur. Sa quête vise à la totalité : la connaissance passe par l'union (la fusion littérale) entre l'observateur et l'observé[37].
Selon Alexandre Koyré :
« Connaître n'est-ce pas devenir en quelque sorte identique à l'objet ou la personne que l'on veut connaître ? (...) Pas de connaissance sans sympathie, et pas de sympathie sans similitude. C'est le semblable qui connaît son semblable ; c'est par ce qui est en nous que nous pouvons connaître ce qui est semblable en dehors de nous »[38].
Éléments païens
Quoiqu'il en dise, et cela fait partie de ses contradictions, Paracelse ne rejette pas entièrement la philosophie païenne : il adopte l'ancien fondement ontologique grec de la matière, provenant des philosophes grecs présocratique, basée sur les Quatre éléments : la terre, l'eau, l'air et le feu, et utilisée par Galien[39]. À la Renaissance, cette théorie avait déjà près de deux mille ans d'âge. Il faudra encore attendre la fin du XVIIIe siècle pour que les travaux d'Antoine Lavoisier consacrent définitivement l'abandon de cette théorie[10] avec l'avènement d'une chimie indépendante, émancipée de ses racines vitalistes[40].
Ces Éléments permettent d'expliquer l'existence et les propriétés des corps composés qui résultent de leur mélange. Paracelse divise les Quatre Éléments en deux couples : d'une part, le feu et l'air, d'autre part l'eau et la terre. Le premier couple (feu, air) forme le ciel et possède un statut supérieur au second couple qu'il ramène à la terre[41]. Donc le ciel régit la terre.
Le plus souvent Paracelse ne parle que de la terre et de l'eau, des éléments qu'il qualifie de corporels, qui sont symbole de la matérialité grossière. Le feu devient une entité universelle qui habite les quatre éléments. Ce feu universel c'est l'astrum sorte d'âme du monde, réalité invisible des astres[41], ensemble de leurs vertus, activités et influences[37]. Car il faut distinguer le ciel visible, formé des astres (au pluriel), du ciel invisible, de l'astrum (au singulier).
Alchimie chrétienne
Paracelse rajoute à ces Éléments des substances venant de l'alchimie. Au Moyen Âge, l'alchimie de langue arabe et latine avait développé une théorie suivant laquelle les métaux étaient formés de soufre et de mercure. Paracelse y ajoute un troisième principe le sel. Cette adjonction correspond probablement chez lui à un besoin profond d'accorder tout schéma explicatif au modèle trinitaire[4].
Les Trois Principes Tria principia | ||
SOUFRE | MERCURE | SEL |
Soufre, mercure et sel ne sont pas des éléments chimiques au sens moderne, mais des principes alchimiques désignés comme « essence », ou même « âme », souvent appelés « soufre, mercure… des philosophes »[39]. Au cours des opérations alchimiques en laboratoire, surtout de distillation, trois types de produits peuvent être obtenus : Mercure est le principe des liqueurs spiritueuses (esprit volatil, vapeur condensée par refroidissement) , Soufre celui des consistances huileuses inflammables, Sel (goût et solidité) celui des résidus de cendres[n 10].
Parcelse dispose ainsi sur le modèle de la Trinité chrétienne (le Père, le Fils et le Saint Esprit), les trois étages de l'univers (l'univers matériel, l'univers astral et Dieu) et la triade des principes alchimiques, la Tria prima ou Tria principia (Mercure, Soufre et Sel).
Sa philosophie s'appuie sur des textes sacrés, en particulier le livre de la Genèse, où il interprète la Création du monde en six jours comme un processus alchimique de séparation[16]. Dans le laboratoire de l'alchimiste, ce processus rend visible l'invisible, grâce au feu, les composants cachés peuvent être révélés[42]. Conçue comme une scientia separationis, une technique pour briser les substances et un œil pour voir sous leur surface, l'alchimie devint la voie principale de la connaissance des substances naturelles. Dans Opus paramirum, Paracelse introduit le terme d'art Spagyrique ou art de Vulcain pour désigner la technique alchimique de décomposition des substances « en rétrogradant à la première de toute chose »[43].
Ce que Paracelse appelle experienta n'est pas l'expérience au sens moderne, mais la lecture du livre de la nature de préférence aux livres des humains. De l'experienta dérive la scientia, une connaissance qui est plus que le savoir contenu dans l'esprit de l'observateur : la scientia pré-existe de façon autonome dans l'objet de l'expérience. Paracelse souligne l'immediateté de la scientia qui est aussi réelle dans l'objet étudié que dans l'esprit du savant qui l'étudie[44].
La philosophie naturelle de Paracelse est une magie naturelle , un mysticisme où le sujet intériorise la parole divine en visions directes, à l'image de la fusion mystique du Christ et de Dieu. La foi, plus que l'apprentissage, rend possibles les opérations magiques[44].
Les relations entre les quatre éléments matériels, leurs qualités élémentaires (sec, humide, chaud et froid)[n 11] et les trois principes ne sont pas clairs chez Paracelse[39]. En revanche, en proposant une alternative à la théorie des quatre humeurs de Galien[n 12], Paracelse travaille à saper l'édifice galénique et corrélativement l'édifice aristotélicien, ce qui constituait un défi et une menace pour les institutions universitaires[39].
Place et conception de l'Homme
L'Homme n'est pas entre la Terre et le Ciel, il est le centre commun de la Terre et du Ciel ensemble[37]. La pensée de Paracelse est dominée par l’idée que le monde ne prend sens que par la notion de salut par le Christ. L’Homme possède une prédestination supérieure orientée vers le monde de la résurrection, du « limbe éternel ».
Composition corporelle
Paracelse voit l’Homme comme un composé, à la fois céleste et terrestre. « Dieu après avoir créé le grand monde [le macrocosme] a formé le petit monde [le microcosme]. L'homme est ce petit monde qui contient toutes les qualités du grand monde. », nous dit-il dans La Grande Astronomie[45](p. 105). L'interrelation entre les deux mondes se fait par l'intermédiaire d'émanations astrales[46].
L'Homme possède donc à la fois un corps élémentaire, un corps sidéral et une partie divine.
L'homme a deux corps : l'un qui lui vient des Éléments, et l'autre qui est issu de la nature sidérale. Lorsque l'homme meurt, le corps élémentaire, avec son esprit, va à la terre, et le corps astral est consumé au firmament. Quant à l'esprit qui habite la partie divine de l'homme, l'image de Dieu, il rejoint celui qui l'a envoyé. Ainsi chacune des trois parties de l'homme, à sa mort, revient à son origine pour s'y absorber.(Paracelse, La Grande Astronomie[45], p. 88)
L'objectivation de la correspondance macrocosme-microcosme, est poussée à l'extrême puisque pour lui, des éléments du cosmos vivent dans l’Homme lui-même. L’influence des astres sur l’Homme se fait directement, ce qu'il exprime par :
le firmament est à l'intérieur de l'homme, tout le firmament, avec les grands mouvements des planètes et des étoiles, qui entraînent des exaltations, des conjonctions, des oppositions et d'autres phénomènes semblables (La Grande Astronomie).
Les planètes se trouvent liées aux principaux organes du corps et agissent donc à l'intérieur de l'organisme. Cette vue est à l'origine d'une nouvelle interprétation de l'astrologie qui se retrouve partout dans son œuvre[4].
De plus, en tant qu'être appelé au salut, l'Homme possède aussi un corps glorieux, éternel, son âme. Ainsi l'Homme se compose[47]:
- d'un corps terrestre, obtenu lors de la première naissance, comportant
- une partie visible, faite de chair et de sang, représente l'animal qui retourne aux éléments à la mort
- une partie invisible, insaisissable, est le propre de l'Homme : c'est l'esprit qui est responsable de l'entendement, des facultés sensitives et de l'imagination (source éventuellement d'erreurs). Cette partie est sidérale, dirigée par les astres. À la mort, elle retourne vers les astres, par exemple la partie sidérale prêtée par Vénus à la naissance, va retourner à Vénus[n 13].
- d'un corps glorieux (l'âme immortelle) ; c'est le corps impérissable, celui obtenu par le baptême, qui croît par le biais de l'Eucharistie[10], et qui sera celui de la Résurrection. Ce nouveau corps a été donné par Dieu le Fils à l'âme pour permettre à l'Homme d'être corporellement présent au ciel.
Les trois corps de l'homme[47] | |||
Corps terrestre | corps physique visible | à la mort retourne aux éléments | corps de chair et de sang |
corps sidéral, invisible | à la mort retourne vers les astres | responsable de l'entendement | |
Corps glorieux | âme immortelle | présent au Ciel | chair céleste du Christ |
L'âme comme image ou reflet
La notion paracelsienne de l'âme est l'image biltnus ou spigelbilt, en l'occurrence le reflet céleste en l'Homme, créature à l'image de Dieu. C'est l'âme qui rend l'Homme semblable à Dieu[48], l'âme étant la partie divine de l'Homme[37].
Dans cette conception à trois niveaux, les deux premiers sont de l'ordre de la nature et de la création, le troisième de la surnature. Tous les niveaux sont rattachés à Dieu mais à une personne divine différente : la nature est rattachée au Père, la surnature au Fils et à l'Esprit Saint. Dieu le Père est le Dieu du monde selon la première création, le dieu de tous les païens et non-baptisés. Bien sûr, il est aussi le Dieu des enfants du Christ mais seulement dans leur dimension mortelle. En revanche, leur surnature est l'apanage de Dieu le Fils[41].
À chacun des trois degrés de l'échelle humaine, sont attachées à la fois un corps et un esprit. Ces trois esprits sont généralement appelés lumières par Paracelse. Dans son œuvre, Paracelse analyse l'homme de deux manières : un schéma trichotomique, traditionnellement nommé corps-esprit-âme, mais aussi parfois suivant un schéma dichotomique corps-âme[48].
Paracelse propose donc une philosophie de la nature chrétienne sur laquelle fonder une médecine vraiment chrétienne qui soit une alternative à la médecine galénique fondée sur une philosophie de la nature naturaliste (écartant toute forme de transcendance) et rationaliste de l'Antiquité païenne. Paracelse tente aussi de donner sur cette même base, à la magie et à l'astrologie, une interprétation scientifique et « rationnelle ». Il s'agit, en quelque sorte, de la création d'une nouvelle représentation magique du monde à l'aide d'un (pseudo-)naturalisme ou rationalisme magique[4].
Cette représentation implique un double mouvement (circulaire ou en miroir) micro-macrocosme où le même terme est lié à deux choses différentes. Par exemple l'imagination de l'homme est un pouvoir de son esprit, mais aussi identique au « pouvoir magnétique de la comète » qui peut influencer la vie terrestre ; ou la peste est un fléau terrestre, mais aussi identique au péché originel qui a infecté le Jardin d'Eden[49].
La pensée métaphorique de Paracelse va de l'étrange à l'étrange, sans se référer au familier. Paracelse rejette les preuves et arguments logiques : il propose des visions en espérant que le lecteur les verra comme il les voit. Sa pensée, souvent confuse et contradictoire, fonctionne en cercles vicieux répétitifs, le lecteur risquant de perdre contact lorsque l'auteur invente ses propres néologismes pour les décrire[49].
Théorie des signatures
Par émanations astrales, chaque chose et chaque être exprime par sa configuration extérieure (couleur, forme etc.) sa réalité invisible[46]. De là chaque chose, créée par Dieu pour l'Homme, porte en son extérieur, la « signature » de Dieu[50] par laquelle nous pouvons juger des forces et des qualités qu'elle recèle, ce qui nous permet, en examinant une plante ou un cristal, de savoir d'avance, ses propriétés médicinales[5]. La nature est une science visible (un livre à lire), la science n'est que nature invisible (le sens par rapport à la lettre). Dans la pensée de Paracelse, les deux se confondent, l'Homme les « comprend » dans leur unité[50].
La vertu d'une plante apparaît grâce à une figure (ou signature) apparente que le naturaliste doit interpréter. L'orchis possède une paire de tubercules (un jeune en formation et un ancien, flétri), ressemblant aux testicules de l'homme. D'ailleurs, son nom orchis est emprunté au grec ορχις «testicule» et pour le médecin philosophe, c'est là son vrai nom, le seul qui lui convienne[45]. La plante-testicule va par son lien de sympathie soigner l'insuffisance testiculaire.
La signature révèle non seulement la vertu des plantes, des pierres et des métaux mais aussi le cœur de l'homme. Paracelse la justifie ainsi : « un dicton allemand qui veut que plus on est tordu, plus on est sot. […] Si l'homme est roux, il a le cœur roux [déloyal]. Réciproquement, si on a l'esprit de travers, le corps sera à l'avenant. Il sera bossu, le nez et la bouche seront de travers… (Grande Astronomie[45], p. 198) ».
Cette notion de signature domine toute la philosophie de la Renaissance, elle était connue depuis Aristote, sous le nom de physiognomonie. Elle est longuement exploitée par Giambattista della Porta (1535-1615) qui les rapportent aux signes universels qui tissent la Création.
Métaphores alchimiques
La Vie et la Nature sont les grands thèmes de la philosophie paracelsienne. La nature est vie et la vie est l'essence la plus profonde de la nature[51]. Le monde est vivant, vivant dans toutes ses parties, il n'y a rien en lui qui ne le soit : les pierres et les astres, les métaux, l'air et le feu[52].
Selon Koyré, ce qui rend difficile la compréhension de la philosophie chimique de Paracelse, c'est qu'il faut en même temps partir de Dieu et de l'Homme, du haut et du bas, de la descente et de la montée[53]. Par exemple, l'Homme et le monde d'ici-bas sont cagastriques, produits d'une chute, celle du péché originel, mais ils sont aussi destinés à revenir à un plan supérieur par la voie du Salut[54].
Vulcain et Archée
Dieu a créé toutes choses comme des semences. La nature n'est pas achevée : elle est devenir. Tout le travail de la nature est une alchimie universelle qui a pour fin d'achever la création commencée par Dieu[41] (Sämtliche Werke éd. Suddhoff, VIII 181). Le processus de la Création est essentiellement vu comme un processus « chimique » de séparation[50], à partir d'une prima materia ou mysterium magnum incréé et éternel. Ce processus nécessite des forces que Paracelse personnalise en « artisans-opérateurs »[55].
Le rôle de l'Alchimiste (ou Vulcanus) est de mener la transformation du mysterium magnum en matière ultime[55], « de conduire à son terme ce qui n'est pas encore parvenu »(XI, 186).
Dieu a tout créé ; de rien il a fait quelque chose […] Et si toutes choses ont été créées de rien en vue d'une fin, aucune, cependant, ne l'a atteinte complètement. […] C'est au Vulcanus d'accomplir cela. Toutes les choses sont créées afin que nous en disposions, mais pas comme il conviendrait qu'elles fussent. Le bois pousse en vue de sa fin, mais il n'est ni charbon ni bûche. (Le Labyrinthe des médecins errants[18] p. 42)
Pour assembler ce matériel en unités individuelles dotées de « vie » (d'activité), le Vulcanus Alchimiste a besoin d'un assistant spécifique appelé Archeus (Archée). L'Archée « dirige toute chose vers sa nature essentielle » par un processus de séparation, proportion et distribution[55].
Si le Vulcanus est un opérateur universel (transformer, séparer et purifier[56]) dans le monde extérieur, l'Archeus est un opérateur spécifique à l'intérieur même de chaque organisme individuel[55].
L'archée principale de l'Homme est la force située dans l'estomac, qui sépare et transforme la nourriture. Parlant du pain, Paracelse évoque deux transformations alchimiques : d'abord du blé en farine puis de celle-ci en pain, effectuées par un Vulcanus externe ; ensuite la métamorphose du pain en sang et chair, effectuée dans l'estomac par le Vulcanus interne ou Archée. L'Archée de l'estomac sépare les bons ingrédients pour en faire de la chair et du sang, des mauvais qui sont ensuite expulsés sous forme de déchets[56].
L'image de « l'alchimiste interne » constitue, d'un point de vue moderne, une métaphore de la digestion. Pour Paracelse, l'Archée de l'eau est ce qui fait croître les plantes et les arbres, et l'esprit qu'il appelle Stannar est ce qui produit la forme cristalline chez les minéraux. Les alchimistes internes et externes sont une même réalité de nature alchimique (l'alchimie appliquée au vivant mène à une iatrochimie)[57].
Distillation et séparation
Les analyses par le feu de Paracelse sont des tentatives répétées de distinguer les forces de vie des substances de vie, d'où son besoin constant de concepts tels que spiritus vitae (esprit vital), Quinta essentia (quintessence), Arcanum (arcane ou mystère). La vertu ou l'essence d'une plante peut être séparée de sa substance périssable (laissée comme cendres) comme le pur métal est extrait de son minerai[57].
Paracelse pense les phénomènes naturels comme des processus alchimiques de transformation, de séparation et de purification (de distillation par le feu). Le processus de distillation lui sert à expliquer des phénomènes terrestres tels que la pluie, les volcans et les torrents de montagne. La terre est un immense fourneau avec un feu central. Ce feu est à l'origine des volcans et des eaux souterraines chaudes (eaux thermales). Cette eau s'évapore et se condense au sein des montagnes qui fonctionnent comme des alambics gigantesques en laissant s'échapper l'eau des torrents[16].
Ce feu interne produit une moisissure nécessaire à la végétation, comme à la formation des métaux et minéraux[39]. Les filons croissent comme les plantes au sein d'une matrice terrestre fécondée par une semence astrale[16].
Le processus alchimique de séparation est mis en œuvre quand il faut séparer le bon grain de l'ivraie, le métal des scories. Dans toute bonne chose, il y a aussi du poison[58]. On peut l'éliminer par opération alchimiste, ce que fait naturellement chaque organe du corps en séparant le pur de l'impur, le pur est retenu pour la croissance et la santé, l'impur est excrété et éliminé[16].
Œuvre médicale
Quatre piliers de la médecine paracelsienne
Après l'affront que les médecins galénistes de Bâle lui infligèrent, Paracelse expose en 1530, dans un texte fondateur de sa pensée, le Paragranum[59], les thèmes doctrinaux principaux qu'il développera dans ses écrits ultérieurs. Nous reprenons ici rapidement son exposé de 1530, car il fournit une présentation synthétique des grandes idées qui ont guidé son œuvre (et que nous avons présentées un peu différemment ci-dessus). La médecine repose donc sur quatre piliers : la philosophie, l'astrologie, l'alchimie, la vertu[14].
Un certain nombre de pages semblent avoir été écrites sous le coup d'une colère irrépressible. Il lance de longues bordées d'invectives haineuses et de menaces vengeresses aux médecins galénistes qui l'ont humilié puis livre les idées phares « pour expliquer les fondations sur lesquelles mes écrits sont établis ».
- Le premier pilier : la philosophie. La nouvelle théorie médicale doit reposer sur l'autorité de la nature. « Qu'est-ce que la philosophie sinon la nature invisible ? » (H 2:23[14]). La nature est l'incarnation de la vérité. Un de ses thèmes récurrents est que l'homme est un petit univers qui reflète en lui-même le macrocosme : « Voilà ce qu'est la philosophie : [les choses] sont dans l'être humain comme elles sont à l'extérieur, intangibles, comme si on se regardait dans un miroir » (H 2:24). Il soutient que le même guérit le même et rejette la conception de Galien suivant laquelle une maladie résultant d'un déséquilibre doit être traitée en agissant dans le sens contraire de la cause. Tout le macrocosme, avec ses plantes et ses étoiles, se reflète dans l'homme. Le médecin doit être capable de reconnaître les semblables dans la nature extérieure et dans l'homme et il soignera en joignant les semblables. Mais il n'a pas été toujours et ne sera pas toujours fidèle à ce principe, comme nous verrons ci-dessous (à propos de la mélancolie par exemple).
- Le second pilier : l'astronomie. L'astronomie est concernée par les éléments supérieurs (l'air et le feu) alors que la philosophie l'est avec les éléments inférieurs (la terre et l'eau). Le microcosme humain a deux parents : un père constitué par les étoiles, une mère constituée par les éléments. Paracelse suppose l'existence d'opérations secrètes (des arcanes) cosmiques qui exercent une influence, susceptible d'expliquer des phénomènes inexplicables comme la translucidité d'un cristal ou la suspension du jaune dans l'œuf.
- Le troisième pilier : l'alchimie. L'alchimie est un art qui consiste à achever ou à affiner les choses que la nature a laissé inachevées ou à l'état brut. « Qui nierait que dans toute bonne chose, réside aussi du poison ? Tout le monde le sait. […] ne doit-on pas alors séparer le poison de ce qui est bon ? » (H 2:76). On peut ainsi corriger les plantes et en faire des remèdes efficaces et non toxiques. L'alchimie réside aussi dans l'estomac (sous forme d'archeus) où elle sépare le bon de la nourriture, du mauvais qu'elle évacue. L'alchimie agit par les arcanes.
- Le quatrième pilier : la vertu. Les faux médecins sont des Pharisiens, des hypocrites, et de faux prophètes. Le médecin croyant doit exercer une mission apostolique. Le vrai médecin excelle dans la connaissance de toutes les merveilles de la nature, soit manifestes dans les processus alchimiques soit dans les monstres des profondeurs (H 2:92)[14].
Innovations médicales
Selon Alexandre Koyré, le savant errant a été l'objet de commentaires contradictoires : « Qui était-il ce vagabond génial ? Un savant profond qui aurait, dans sa lutte contre la physique aristotélicienne et la médecine classique, posé les bases de la médecine expérimentale ? Un précurseur de la science rationnelle du XIXe siècle ? Un médecin érudit génial, ou un charlatan ignorant, vendeur d'orviétan superstitieux, astrologue, magicien, faiseur d'or, etc. ? Un des plus grands esprits de la Renaissance, ou un héritier attardé de la mystique du Moyen Âge, un gothique ? »[21].
Paracelse était un homme de son temps et croyait comme la plupart des hommes de la Renaissance, que pour percer l'insaisissable mystère du monde, on pouvait s'en remettre à la magie, à la divination, à l'influence des astres sur les objets sublunaires, à la puissance des arcanes et de surcroît en tant qu'homme de foi, il attribuait un rôle central à l'influence des forces surnaturelles et divines sur les hommes.
Pourtant au milieu de cette constellation d'idées très marquées par l'époque et qui n'allaient pas survivre dans la pensée médicale moderne, brillaient quelques idées médicales fortes et innovantes qui allaient infléchir le cours de l'histoire de la médecine.
Vers une analyse réductionniste des maladies
- La médecine galénique avait une approche holistique de la maladie. Hormis les blessures, l'origine de la maladie résidait dans un déséquilibre des quatre qualités ou des quatre humeurs. Elles dépendaient de l'état général du patient. Il y avait autant de maladies que de malades ; les maladies n'étaient pas classées séparément. Par conséquent, les remèdes galéniques visaient à rétablir l'équilibre général du patient.
- Paracelse récuse la théorie des humeurs de Galien et de la médecine scolastique. Pour lui, chaque maladie est due à un agent ou à une cause spécifique ; son approche est plutôt réductionniste. La maladie ne résulte pas d'un déséquilibre humoral mais est le produit d'une cause particulière que seul un remède spécifique peut traiter. Dans Paramirum[n 14], il distingue cinq causes ou cinq catégories d' « êtres » ou entités qu'il appelle entia (présence, influence, force…) [60]:
- une entité astrale, ens astrorum, ou force des astres qui représente les influences extraterrestres et climatiques ;
- une entité vénéneuse, ens veneni, ou substance poison venant du milieu immédiat. La notion de poison chez Paracelse est très large, jusqu'au niveau métaphysique ;
- une entité naturelle ens naturale ou mauvaise complexion (mauvaise constitution initiale du corps) ;
- une entité spirituelle ens spirituale la puissance des esprits, responsable des maladies mentales :
- une entité divine ens Dei ou la présence de Dieu qu'elle advienne naturellement (de par la Création) ou par divine punition.
Toutes ces causes sont « naturelles » (de la philosophie naturelle de l'Antiquité), sauf la cinquième qui se démarque radicalement de la médecine païenne[61].
Plusieurs principes explicatifs sont utilisés pour déterminer l'origine des maladies. La théorie de l'origine des maladies basée sur la triade a une certaine proéminence. Suivant l' Opus paramirum, la maladie apparaît quand une composante de la triade s'exalte excessivement. En se séparant des autres, elle détruit le composé : le Soufre en s'enflammant fait fondre le corps comme neige au soleil, en devenant insoluble le Sel corrode les parties du corps dans lequel il se trouve et provoque des ulcérations, le Mercure en raison de sa nature furtive, se précipite à travers les parties du corps et l’imprègne de fluides subtils[42]. Cette doctrine des causes des maladies doit cependant être complétée par l'influence des astres. Car Paracelse, comme les hommes de son temps, croyait fermement à l'influence des astres ; c'était d'ailleurs le seul moyen d'expliquer raisonnablement la production et la propagation des maladies épidémiques[21].
Quelle qu’en soit la cause, une maladie une fois déclarée, se manifeste par un excès ou un défaut de l'un des Trois Principes (voir ci-dessus). On voit que de prime abord, l'analyse des causes chez Galien et chez Paracelse relève l'une comme l'autre de philosophie de la nature mais pas encore d'une démarche scientifique. Toutefois, sur le long terme, l'approche paracelsienne va orienter les recherches vers la conception moderne de la pathologie, qui procède par décomposition d'un problème complexe en notions plus simples et plus fondamentales. Les remèdes ne visaient pas à rétablir l'état général mais à s'attaquer à l'organe défaillant, à la cause spécifique. Paracelse fournit une analyse par décomposition des quintessences (un certain type de remède), en un grand nombre de cas :
Quelques-unes [des quintessences] portent secours au foie et s'opposent à tous ses déséquilibres. D'autres à la tête, d'autres au cœur, aux reins, aux poumons, à la rate et autres choses encore. Certaines agissent différemment : seulement dans le sang, ou dans le phlegme […]. D'autres s'efforcent seulement contre comme la paralysie, l'épilepsie […]. D'autres sont des narcotiques, des remèdes anodins, des soporifiques, des attractifs, des purgatifs, […] (Archidoxes[13], p. 50) |
Paracelse cherche donc à caractériser la spécificité de chaque maladie plutôt que celle du malade[62]. Chaque maladie a des causes spécifiques et un siège particulier. Parmi les causes naturelles, il a par exemple, caractérisé celles qui viennent du monde minéral (les sels). Actuellement, on sait que pour traiter les maladies parasitiques ou infectieuses, il faut s'attaquer à l'agent responsable, le parasite ou le micro-organisme. Ces idées qui seront ensuite substantiellement élaborées par van Helmont préfigurent la conception moderne de la maladie. Le succès de cette nouvelle inflexion de la médecine semble d'ailleurs tenir autant à des considérations sociologiques que philosophiques. L'institution scolastique galénique était sclérosée et bloquait toute innovation, l'irrévérencieux antidogmatisme paracelsien ouvrait des portes à l'audace. Mais l'inventivité débridée devait aussi être canalisée, c'est pourquoi les paracelsiens des siècles suivants, ne gardèrent que quelques idées du savant vagabond et osèrent rejeter les dogmes stériles aussi bien de Galien-Avicenne que de Paracelse.
Vers une thérapeutique chimique interne
- Cette nouvelle façon de concevoir les maladies comme des entités particulières, entrainent de nouvelles thérapies.
- Dans la philosophie naturelle de Paracelse, quelques concepts alchimiques allaient par la bande, jouer un rôle essentiel dans l'orientation des recherches ultérieures. Le concept de tria prima des Trois Principes, qui servait à comprendre les propriétés des substances, était aussi utilisé pour analyser les causes des maladies. On pouvait donc lier telle maladie à telle substance chimique. Et le concept d'archée qui servait à comprendre le fonctionnement de certains organes, était aussi une force dynamique de la nature. Puisque des archées ou alchimistes internes gouvernaient certains organes, leur dysfonctionnement pouvait expliquer certaines maladies. Si l'alchimie interne était de même nature que l'alchimie universelle qui gouverne le monde, le médecin pouvait intervenir en recourant aux remèdes (al)chimiques. Paracelse a donc exploré les possibilités ouvertes à la thérapeutique par la préparation (al)chimique de nouveaux remèdes extraits de plantes et de minéraux[63], en usage externe et interne.
- Déjà au Ier siècle, Dioscoride prônait l'utilisation thérapeutique de minéraux et de métaux (antimoine, cinabre, litharge, azurite, etc. en tout 89 substances inorganiques), à côté bien sûr d’innombrables plantes médicinales et quelques matières animales[64]. Toutes ces substances inorganiques, potentiellement très toxiques, étaient utilisées en usage externe.
- Paracelse reconnait la supériorité de l'usage interne de remèdes chimiques, à condition de contrôler strictement leur usage : n'utiliser que des doses modérées et sous une forme détoxifiée.
- Une part importante de la renommée de Paracelse tient à l'introduction de deux innovations importantes en pharmacologie : l'utilisation par voie interne de l'antimoine et du laudanum. Le premier fut à l'origine de la fameuse « guerre de l'antimoine » qui fit rage dans les années 1566-1666 en France[34]. Le second, le laudanum, est une préparation à base d'opium qui connaitra partout un grand succès comme antidouleur. Paracelse décrit dans la Grande chirurgie son arcane (remède alchimique) préféré : « Je possède un archanum / que j'appelle / le laudanum / qui est supérieur à tout / là où la mort s'approche »[65]. Plus tard, sous la forme d'une teinture d'opium safrané, le laudanum de Sydenham, sera l'analgésique le plus utilisé avant la généralisation de l'usage de la morphine.
- La syphilis (ou vérole), une maladie nouvelle, qui avait explosé en Europe à la fin du XVe siècle, était traitée par les charlatans, barbiers et chirurgiens, avec le mercure[66]. Paracelse réagit d'abord à l'avancée soudaine de cette maladie épidémique, en déclarant qu'elle était due à la licence sexuelle des hommes et à une configuration astrale de Vénus qui transmutait les anciennes maladies en nouvelles maladies (I, 7:194)[14]. Mais aussi, pour atténuer les symptômes cutanés, il fut un des premiers médecins à utiliser un onguent mercuriel. À Colmar, il avait indiqué comment éviter le « mercurialisme » et exploiter les vertus curatives du métal en évitant les doses toxiques et en recourant à un dosage précis dans des préparations atténuées[11]. La citation célèbre, du médecin (al)chimiste est
- Paracelse a vu que le mercure soigne la syphilis, mais, mal dosé, tue[68].
- Ces observations certes pertinentes suffisent-elles pour en faire un précurseur de la toxicologie, comme certain[69] l'affirme ?
- Effectivement, on sait maintenant que c'est dans la dose qu'est le poison. Cela signifie que des substances souvent considérées comme toxiques peuvent être anodines ou même bénéfiques à petites doses ; inversement, une substance en principe inoffensive comme l’eau peut s’avérer mortelle si on l’absorbe en trop grande quantité[70].
- De plus, Paracelse recommandait de détoxifier les substances dangereuses, soit en les lavant à l'eau et à l'alcool, soit en les oxydant ou les solubilisant, par exemple en chauffant à blanc les cristaux d'arsenic avec du salpêtre ou en convertissant les sulfures de fer toxiques en sulfates thérapeutiques[11].
- Il isola aussi des substances qui résultaient de l'interaction entre de l'alcool et du vitriol (acide sulfurique) et démontra leurs effets narcotiques et sédatifs, sur des poulets.
Vers une psychiatrie psychosomatique
- Paracelse a soutenu que le corps pouvait affecter l'esprit et qu'inversement une maladie mentale pouvait affecter le corps[71]. L'esprit est d'abord l'expression du corps vivant. Le corps est habité par l'esprit et ne peut exister sans lui[48]. Par contre, l'âme a la possibilité d'une existence post mortem.
- Suivant les textes, il peut se contredire. Il peut soutenir ainsi parfois que la démence est une maladie qui peut être traitée médicalement et d'autres fois que les aliénés doivent être enfermés dans une pièce noire. Ces contradictions pourraient résulter de son évolution personnelle[n 16].
- Il analyse les maladies en s'appuyant sur le schéma trichotomique corps-esprit-âme de l'homme : au premier niveau correspondent les maladies physiques, au second, le niveau astral, correspondent les maladies mentales (de l'esprit), tout en préservant le niveau supérieur, celui de l'image (biltnus), le propre de l'homme.
- Il retient cinq maladies mentales naturelles[71] (ne relevant pas des démons) qui peuvent détruire la raison : l'épilepsie, la manie, la danse de Saint Guy (chorea lasciva), la suffocation de l'intelligence, la perte des sens (privatio sensuum) divisée elle-même en cinq cas (aliéné, fou de naissance, vesani, victime de sorcellerie, mélancolique). Les causes peuvent être très variables : le poison, la sorcellerie, l'influence astrale, une imagination pécheresse, des humeurs détraquées. Il prône des thérapies médicales donnant l'impression que beaucoup de maladies mentales peuvent être traitées avec des remèdes spécifiques.
- Paracelse, dans sa langue puissamment métaphorique, analyse le cas de l'égaré qu'il appelle ebriecatum (de ebrius, ebriacus ivre) qui s'adonne un peu trop au « vin des astres » :
Il s'abrutit, il devient têtu comme un âne. Il est un de ces obstinés qui sont incapables d'apprécier la juste mesure des choses.[…]
La fausse sagesse s'insinue dans le cerveau comme le vin qui monte à la tête. Les astres ont leurs vignes. Quiconque boit leur vin, est obnubilé par leur sagesse folle. […] Le vin des astres produit les mêmes effets que le vin de la terre. (Grande Astronomie[45], p. 156)
- Paracelse précise que ce n'est qu'une comparaison.
- Le vin de l'Olympe doit donc être bu avec modération. Parmi ceux qui s'y adonnent trop, on trouve dit-il, des « théologiens, prêcheurs, juristes, révolutionnaires (rabulist), médecins érudits ou empiristes, soldats, joueurs ». L'ivrogne astral, est si éloigné de la vérité et si persuadé de sa sagesse, qu'il est inévitablement populaire et donc dangereux. Paracelse classe ainsi parmi les aliénés, tous les vaniteux, imbus d'eux-mêmes, dont Érasme avait fait une satire mordante dans Éloge de la Folie (1511).
- La mélancolie est une maladie déjà très étudiée par les anciens grecs. C'est un cas très intéressant où une relation est établie entre les sentiments de tristesse et de crainte d'un côté et la bile noire de l'autre. En grec, le même terme μελαγχολια melancholia désigne la bile-noire, une humeur, et une maladie qui met en cause affectivité et raisonnement[n 17]. Pour Galien, la maladie qui est due à un excès de bile-noire (ou atrabile), devra être traitée en éliminant cette pléthore. Bien sûr, Paracelse s'affirme en prenant le contre-pied et en assurant que la théorie de Galien est une ineptie, qu'il n'est pas nécessaire d'évacuer l'atrabile mais qu'il suffit de recourir à des « médicaments qui provoquent le rire ». Pour cela, il dispose de quintessences « qui rendent l'humeur joyeuse, qui chassent toute tristesse », comme aurum potabile, manna maris, etc., contenant des opiacées. Les remèdes de Paracelse prétendent avoir un pouvoir que nous nommerions aujourd'hui psychopharmacologique. Mais il y a loin de l'intention à l'efficacité réelle, remarque Jean Starobinski[72]. Remarquons par ailleurs, qu'il traite la tristesse par son contraire le rire et non pas le semblable par le semblable.
- On peut illustrer à l'inverse, les effets du psychisme sur le corps chez Paracelse par le cas de la syphilis ou de la peste. L'esprit de l'homme est à l'origine de la maladie, nous dit-il : « Puis donc que l'esprit en l'homme, est l'origine de cette maladie, tu dois savoir que la volupté, cupidité & affections d'iceluy, lesquelles adviennent en ses pensées, fantaisies ou imaginations, créent un corps en luy »[73].
Paracelse sut tirer les leçons de sa pratique médicale. Il fut probablement le premier à identifier la silicose et la tuberculose comme des maladies professionnelles des mineurs. Il établit la connexion entre crétinisme et goitre. Il proposa une relation entre le goitre et certains minéraux (en particulier le plomb) dans l'eau de boisson mais pas l'iode puisqu'elle n'a été découverte qu'en 1811.
Paracelse avait bien sûr raison d'affirmer le primat de l'expérience sur un savoir livresque figé. Mais l'expérience (Erfahrung) n'a rien à voir avec l'expérimentation scientifique et c'est bien plus que le savoir acquis par l'exercice de la médecine[74].
Dans un grand nombre de ses ouvrages, Paracelse s'est interrogé sur les sources de la connaissance. Pour lui, il y en a deux sources : la lumière de la nature et la lumière de la révélation. Le fondement de la connaissance dans les deux cas est le même : Dieu, l'Esprit Saint ou la Trinité entière. « Dieu est la racine de la vérité… personne ne peut l'extirper »
La lumière de la nature nous est dispensée par l'Esprit sidéral. Toutes les sciences, tous les arts sont des dons distribués aux hommes par son ministère, sans aucune exception. (Grande Astronomie p. 76)
La lumière de la nature est un soleil qui pénètre toute chose, qui donne à toute chose la transparence du cristal. Ce soleil est aussi un œil grâce auquel la nature scrute ses propres profondeurs[41]. La science que la nature communique au médecin, est préformée en elle.
Cette conception de la connaissance sera très critiquée par les opposants au paracelcisme à la fin du XVIe siècle. Une figure de proue du mouvement antiparacelsien, le médecin impérial allemand, Johann Crato von Krafftheim (de) (1519-1585), traitera les paracelsiens de fanatiques, qui soutiennent que la science médicale ne peut provenir que de l'illumination divine[10].
À la même époque, en contre-pied, l'anatomiste André Vésale (1514-1564), soutint que le médecin devait pratiquer lui-même les dissections et que l'observation anatomique devait avoir une valeur probatoire, indépendamment de la tradition livresque. Le cas échéant, la connaissance livresque pouvait être invalidée par l'observation[75]. Cette révolution épistémologique vésalienne eut une portée durable. La lumière de la nature paracelsienne ne continua à séduire que quelques philosophes sous le charme des métaphores paracelsiennes, à la recherche de « l'insaisissable mystère que notre science triomphante s'acharne à repousser » (Le Brun, préface[13]).
La religion de Paracelse
Selon Alexandre Koyré, on trouve dans l'abondante littérature consacrée à Paracelse, une foule d'opinions divergentes sur ce qu'il a été ou pas[21] :
Un hériter attardé de la mystique du Moyen Age, un « gothique » ? Un cabaliste panthéiste, adepte d'un vague néo-platonisme stoïcisant et de la magie naturelle ? Un esprit profondément chrétien qui aurait tenté une « réformation » (...) ? Ou enfin, un chrétien qui, malgré toutes ses opinions souvent hétérédoxes ou même hérétiques serait resté fidèle à son Église et aurait finalement préfèré le catholicisme aux nouvelles Églises protestantes ?
Selon Koyré, la pensée de Paracelse n'est plus la nôtre, et pour l'aborder il faudrait oublier ce que nous savons ou croyons savoir. Sans cette précaution indispensable, on cherche dans Paracelse des réponses à des questions qu'il ne se posait pas, soit pour en faire un « précurseur », soit pour l'enfermer dans des problèmes modernes, inconnus en son temps[21].
Paracelse reçoit une formation catholique, mais il est plus attiré par la foi populaire des paysans et des mineurs qui l'entourent que par la tradition scolastique. Ses sentiments religieux penchent vers une Réforme, et il est probablement influencé par Sébastien Franck (1499-1543) et Caspar Schwenckfeldt (1490-1561)[5].
Paracelse a été appelé « le Luther des médecins », mais il n'accepte pas l'insistance de Luther à vouloir créer une nouvelle Église et de nouveaux dogmes pour remplacer l'Église Catholique. Il souhaite une religion épurée, sans dogmes et sans rites : la connaissance spirituelle et la présence de Dieu se trouvent dans le Livre de la nature (l'œuvre de Dieu) plus que dans les mots des textes révélés[5] - [76].
Comme beaucoup de ses contemporains, il pressent un changement imminent du monde. Dans son utopie Prophéties pour les 24 années à venir (1536) (il s'agit en fait de périodes occultes où 24 peut signifier aussi bien 42, 240 ou 420 ans[77]), il annonce la venue de l'Antéchrist, sa défaite, et l'avènement d'un Royaume divin unifié (une nouvelle Jérusalem ou une nouvelle Hébron). Les réformateurs anglais, notamment lors de la guerre civile anglaise, à la recherche d'un nouveau modèle médical remplaçant le galénisme, donneront la préférence à Paracelse, non seulement pour sa médecine « iatrochimique » mais aussi pour sa pensée religieuse et sociale[5].
Paracelse pointe le caractère essentiellement païen du galénisme qui écarte Dieu de la maladie. Avec son concept de ens Dei, il intègre la présence de Dieu dans la maladie et les remèdes. Toute maladie est un purgatoire et c'est Dieu qui met fin à la maladie. L'art médical étant que le médecin amène son malade au bon moment déterminé par Dieu[61].
Paracelse est à la recherche d'une nouvelle médecine acceptable par le christianisme. Homme de son siècle, il souhaite le retour à un christianisme d'origine, débarrassé des compromis avec le paganisme (compromis nécessaires selon les Pères de l'Église pour assurer la propagation de la foi chrétienne)[61].
Le Christ est le médecin suprême. La foi est la nourriture qui amène la résurrection. Entre l'homme et Dieu, Paracelse ne veut aucun intermédiaire. C'est l'amour de Dieu et des hommes qui fonde la médecine et c'est la foi qui sauve l'homme de la maladie, la médecine n'étant nécessaire que parce que la foi est faible ou insuffisante[76].
Postérité du système médico-chimique de Paracelse
Paracelse n'eut pas de disciple de son vivant.
Fin du XVIe début du XVIIe siècle, quand l'œuvre de Paracelse a commencé à être publiée et connue, de nombreuses polémiques éclatèrent entre médecins humanistes et paracelsiens. Le choc entre les Trois Principes de Paracelse et les théories traditionnelles des quatre éléments des Galénistes a provoqué des querelles qui ont déchiré le monde médical pendant près d'un siècle. Mais il a aussi stimulé des réflexions fructueuses sur la nature de la matière.
En dépit de leur opposition à Paracelse, un certain nombre de médecins humanistes, reconnaissaient l'intérêt de nombreux remèdes paracelsiens venant du monde minéral, à condition d'être préparés par des procédures (al)chimiques[10]. L’année 1567 voit la publication de treize ouvrages concernant l’alchimie et le paracelsisme, à Anvers, Paris, Strasbourg, Lyon, Cologne et Zurich. Elle marque le début de ce qui a été appelé le renouveau paracelsien (par Lynn Thorndike en 1941). Un des auteurs les plus importants à avoir marqué cette renaissance est sans doute Pierre Séverin (1546-1609), le Danois.
En France, les premiers cours de chimie semblent avoir été ceux de l'apothicaire Jean Béguin à la fin du XVIe siècle. Ils furent publiés en latin sous le nom de Tyrocinium chymicum à Paris en 1612[78]. Une traduction en français parut en 1615, sous le titre des Éléments de chymie. En ce début de XVIIe siècle, une série de vives querelles enflammèrent le monde médical opposant les tenants de la médecine galéniste de la Faculté de médecine de Paris et les médecins protestants de la cour d'Henri IV, ouverts à la nouvelle médecine chimique. Dans le camp des paracelsiens, Joseph du Chesne a défendu une voie moyenne de conciliation entre la tradition hippocrato-galéniste et les innovations les plus intéressantes du paracelsisme.
Au XVIIe siècle, la philosophie naturelle scolastique fut de plus en plus contestée. La figure du médecin flamand Jean-Baptiste van Helmont (1579-1644) laissa une influence déterminante sur l'évolution de l'(al)chimie paracelsienne. Il rejeta la correspondance macrocosme-microcosme et remplaça les trois Principes par une nouvelle théorie de la matière. Dans toute l'Europe, l'iatrochimie de Van Helmont supplanta la doctrine de Paracelse dans le rôle de concurrent de la médecine académique traditionnelle. Elle eut une influence particulièrement forte en Angleterre où elle exerça un rôle déterminant sur George Starkey (1628-1665).
Une première chaire de iatrochimie (ou chymiatra) fut créée en Allemagne à l'université de Marburg en 1609. Andreas Libavius libéra l'héritage paracelsien de ses excès et de ses confusions et contribua à la fondation d'une d'alchimie raisonnée.
À cette époque les termes « alchimie » et « chimie » étaient interchangeables mais « alchimie » avait souvent une connotation péjorative. Car on parlait « d'or alchimique » pour désigner de l'or faux ou falsifié, produit par des faussaires par l'alchimie[10]. La chimie commencera à être distinguée de l'alchimie à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle. Paracelse lui-même emploie cependant le terme alchimie. Pour contourner le problème, Didier Kahn propose de mettre entre parenthèses le préfixe al-, de façon à montrer qu'on se situe à la frontière, difficile à déterminer, entre ce qui à nos yeux, relève de l'un et de l'autre domaine.
Paracelse ouvre ainsi la voie à une notion parfaitement étrangère aux conceptions aristotéliciennes : l'analyse (al)chimique de la matière[10]. Selon Aristote, toute chose se composait de matière et de forme. La matière était un principe indifférencié qui sans la forme n'avait d'existence que virtuelle.
La théorie paracelsienne des trois Principes offrait une alternative opératoire aux spéculations aristotéliciennes. Au laboratoire, l'alchimiste pouvait déterminer la composition de la matière. Et dans la nature, il voyait les transformations comme des processus (al)chimiques. Paracelse offre ainsi la première version de ce que les historiens des sciences appellent « philosophie chimique » [79]: une théorie selon laquelle la transformation chimique sert d'analogie à l'ensemble des processus.
En France, les premiers cours de chimie semblent avoir été ceux de l'apothicaire Jean Béguin à la fin du XVIe siècle. Ils furent publiés en latin sous le nom de Tyrocinium chymicum à Paris en 1612[78]. Une traduction en français parut en 1615, sous le titre des Éléments de chymie. En ce début de XVIIe siècle, une série de vives querelles enflammèrent le monde médical opposant les tenants de la médecine galéniste de la Faculté de médecine de Paris et les médecins protestants de la cour d'Henri IV, ouverts à la nouvelle médecine chimique. Dans le camp des paracelsiens, Joseph du Chesne a défendu une voie moyenne de conciliation entre la tradition hippocrato-galéniste et les innovations les plus intéressantes du paracelsisme.
Un lent processus de séparation entre alchimie et chimie s'était mis en place. Guy de La Brosse oppose dans son traité de 1628, la chimie procédant par la raison et l'expérience et l'alchimie, procédant par analogie, « par figures inexplicables, par métaphores ».
Le fait de décrire toutes les transformations de la matière comme des processus alchimiques, ne peut être vu par nous, que comme une spéculation a priori d'un médecin philosophe, indiquant seulement un fonctionnement semblable à ce que la science moderne nous apprendra beaucoup plus tard. Cependant pour les savants des XVIIe – XVIIIe siècles, ces conceptions en intégrant l’analyse chimique de la matière à une véritable philosophie naturelle, libérèrent les penseurs du carcan de la pensée aristotélicienne, et ouvrirent la voie à l’émergence progressive de la chimie.
Le paradoxe c'est qu'une philosophie naturelle basée sur les spéculations théologiques d'un médecin profondément chrétien de la Renaissance allait l'emporter sur celle des philosophes rationalistes de l'Antiquité pour fournir un cadre intellectuel fructueux à l'émergence de la pensée scientifique moderne. Mais le paradoxe n'est peut-être qu'apparent car si on considère l'impact de la pensée de Paracelse sur les sciences des siècles suivants, ce n'est pas toute la pensée de Paracelse qui sera retenue mais seulement quelques éléments innovants comme les médicaments chimiques en usage interne.
La chimie n'est pas l'aboutissement logique ni de la pensée de Paracelse ni de l'évolution de l'alchimie. Elle est issue indirectement de cette histoire, par confrontation et débats avec les philosophes mécanistes[40]. Il faudra attendre la révolution chimique de Lavoisier pour la consacrer définitivement[10].
Publications des œuvres
L'œuvre volumineuse de Paracelse n'a donné lieu qu'à très peu de publications de son vivant[48] (16 écrits divers). À Bâle, l'imprimeur Pietro Perna tenta, en 1575, une édition complète qui aboutit en définitive à la publication de 26 ouvrages, puis en 1581 à l'Opus Chirurgicum.
Dans les années 1589-1591, le médecin paracelsien Johannes Huser (c. 1545-c. 1600) reprend l'initiative d'une publication des œuvres complètes. Pour recueillir les documents d'origine, il effectue plusieurs voyages en Bavière. Il en trouve un certain nombre à la bibliothèque du comte palatin, située à Neuburg sur le Danube. Il publie dix tomes (chez Conrad Waldkirch, à Bâle de 1589 à 1591) dont trois à contenu philosophique et sept à contenu médical, laissant de côté les ouvrages théologiques. Il fit preuve d'un véritable zèle de philologue à détecter les meilleurs manuscrits, se fondant de préférences sur les autographes, discutant, voire rejetant les attributions douteuses[34]. Actuellement, ses textes sont toujours considérés comme fiables.
Vers 1603-1605, Lazare Zetzner fit paraître à Strasbourg pour la première fois une édition complète des œuvres de Paracelse. Il reprend les œuvres éditées par Huser chez Conrad Waldkirch en 1589-91 à Bâle, auxquelles il ajoute les textes chirurgicaux que Waldkirch n'avait pas voulu publier pour des raisons commerciales.
Ce n'est que trois siècles plus tard, qu'une nouvelle tentative de publication des œuvres complètes allait voir le jour. Elle est due au professeur d'histoire de la médecine de Leipzig, Karl Sudhoff[80] (1835-1938). Une première série de tomes, publiés en 1922-1933, contenait les ouvrages de médecine et de philosophie naturelle. Une seconde série qui devait contenir les écrits portant sur la théologie et la philosophie religieuse, n'eut finalement qu'un seul tome. Sudhoff s'appuya en grande partie sur l'édition de Huser, y ajoutant seulement quelques écrits mineurs. Ce fut Wilhelm Matthiessen qui assura la publication du premier volume des écrits théologiques, auprès de l'éditeur Otto Wilhem Barth à Munich (1923). Puis un théologien, Kurt Goldammer, présenta les volumes suivants, du numéro 2 à 7, de 1955 à 1986, chez Franz Steiner Verlag, suivi d'un index en 1995.
En français, aucune traduction intégrale n'existe encore à ce jour malgré de nombreuses tentatives, notamment, en 1913, de Émile-Jules Grillot de Givry, (interrompue par la mort du traducteur), en 1941 d'Armel Guerne (subvention refusée par le ministre Jérôme Carcopino)[81], et, depuis 2012 des Éditions Beya (en cours mais très loin d'être achevée).
Éditions en langue allemande
- (de) Theophrast von Hohenheim, gen. Paracelsus, Sämtliche Werke. I. Abteilung: Medizinische, naturwissenschaftliche und philosophische Schriften, hg. von Karl Sudhoff, 14 Bände, München / Berlin 1922-1933. t. 3
- (de) Register zu Sudhoffs Paracelsus-Ausgabe. Allgemeines und Spezialregister: Personen, Orte, Pflanzen, Rezepte, Verweise auf eigene Werke, Bußler, E., 2018, (ISBN 978-90-821760-1-8)
- (de) Theophrast von Hohenheim, gen. Paracelsus, Sämtliche Werke. II. Abteilung: Theologische und religionsphilosophische Schriften, hg. von Wilhelm Matthießen, Band 1: Philosophia magna I, München 1923.
- (de) Theophrast von Hohenheim, gen. Paracelsus, Sämtliche Werke. II. Abteilung: Theologische und religionsphilosophische Schriften, hg. von Kurt Goldammer, 7 Bände, Stuttgart 1955-1986.
Les éditions allemandes de Huser sont disponibles en 10 volumes en ligne, au Zurich Paracelsus Project HUSER. Ce site héberge en outre la base de données THEO, qui offre l'édition Huser en mode texte et est appelée à s'enrichir continuellement. Les éditions de Sudhoff se trouvent en partie là en mode texte, et en mode image à SUDHOFF ainsi que d'autres textes.
Livres traduits en français
- Œuvres médico-chimiques ou Paradoxes. Liber paramirum, trad. de l’all. par É.-J. Grillot de Givry (1913), Milan, Archè, coll. Sebastiani, 1975, t. 1, p. 3-138. Sur les « Cinq Entités » de la maladie.
- Les sept livres de l’Archidoxe magique (Archidoxis magicae libri VII, 1526), trad. Marc Haven, Paris, Librairie du merveilleux, 1909, 168 p. lire en ligne sur Gallica. Selon W. Schneider (1982), les quatre premiers livres des Sept livres de l’Archidoxe magique (I : Des sceaux et des onguents, II : Des sceaux des douze Signes du zodiaque, III : Des troupeaux. Contre les mouches, IV : De la transmutation des métaux, et des époques) sont authentiques et datent de 1526 ; le reste (V : De la constellation du miroir magique, VI : De l’alliage des métaux, VII : Des sceaux des planètes) revient sans doute à Gérard Dorn (1570).
- Les neuf livres de l’Archidoxe (Nein Bücher Archidoxis, 1525-1526), trad. : Archidoxes de Théophraste, Dervy, 2006. Textes traduits de l'allemand par Charles Le Brun et Ruth Klemm.
- Herbarius (vers 1525), trad. Horts Hombourg et Charles Le Brun, Dervy, 1987.
- Traité des trois essences premières (Von den ersten dreien principiis, 1525-1526), trad. É.-J. Grillot de Givry, 1903, in Paracelse, Traité des trois essences premières, Le trésor des trésors des alchimistes, Discours de l’alchimie et autres écrits, Archè, Milan, 1981, p. 9-22
- De viribus membrorum (1526-1527). Sur l’alkahest (II, 6). Trad. partielle Bernard Joly, Rationalité de l’alchimie au XVIIe siècle, Vrin, 1992.
- Philosophiae tractatus quinque (Cinq traités de philosophie, 1527) : 1) Vom Unterschied der Zeit, 2) Von Gebärung und Erhaltung der vier elementischen Körper, 3) Von Fleisch und Mumia (De la chair et de la mumia), 4) Vom Unterschied der Körper und Geister, 5) Vom Schlaf und Wachen der Leiber und Geister. Trad. H. Hombourg et C. Le Brun, Quatre traités de Paracelse. Le labyrinthe des médecins errants, Cinq traités de philosophie, Le livre de la restauration, Le livre de la longue vie, Dervy, 1990.
- La Lumière physique de la Nature (1583) in : Paracelse Dorn Trithème, trad. Caroline Thuysbaert, p. 3 à 255, Éditions Beya , Grez-Doiceau, 2012, 613 pages.
- Le livre de la longue vie (De vita longa), in Quatre traités de Paracelse, trad. H. Hombourg et C. Le Brun, Dervy, 1990, 187 p.
- Les Lunatiques (De Lunaticis) - La Génération des Idiots (De Generatione Stultorum), in Les Fous, Deux traités de la Grande Philosophie, Introduction, traduction et notes de Stéphane Feye, Beya 2020 (122 p.)
- Le livre de la rénovation et de la restauration (De renovatione et restauratione und vom langen Leben, vers 1526-1528), in Quatre traités de Paracelse, Dervy, 1990, 187 p. ; Le livre de la restauration, (trad. de la version anglaise), Sartrouville, Ramuel, 1999, 39 p.
- Commentaire des aphorismes d’Hippocrate (Deutsche Kommentare zu den Aphorismen des Hippokrates, 1527), in Archidoxes de Théophraste, Dervy, 2006. Textes traduits de l'allemand par Charles Le Brun et Ruth Klemm.
- Livre des paragraphes (Liber paragraphorum, cours de médecine à Bâle en 1527), trad. partielle in Paracelse, Traité des trois essences premières, Le trésor des trésors des alchimistes, Discours de l’alchimie et autres écrits, Archè, Milan, 1981, p. 47-60.lire en ligne sur Gallica
- La petite chirurgie, autrement dite La Bertheolée (Bertheonea, sive Chirurgia minor, 1528), trad., 1623.
- Prognostication des 24 années à venir, du docteur Théophraste Paracelse (Prophéties de Paracelse, 1530 ou 1531, 1re éd. 1536, en all. et latin), 32 fig., trad., Jean-Cyrille Godefroy, 1996, 121 p. 32 figures symboliques censées représenter 32 périodes de 24 ans séparant son époque (1530) de l’an 2340.
- Paragranum où sont décrits les quatre piliers sur lesquels repose la médecine (1530), in Œuvres médicales choisies, PUF, 1968, p. 29-100. Sur les « Quatre Piliers » de la médecine. Trad. du 3e traité (alchimie) par C. de Sarcilly : Discours excellent de l'alchimie, apud Les XIV livres des paragraphes de Ph. Theoph. Paracelse Bombast, 1631, 119 p.
- Livre sur l’épilepsie (De caducis, 1530), in Œuvres médicales choisies, PUF, 1968, p. 103-140.
- Liber paramirum (Livre au-dessus des merveilles, 1531, 1re éd. 1562-1575), trad. par É.-J. Grillot de Givry : Paracelse. Œuvres médico-chimiques ou Paradoxes. 'Liber Paramirum' I et II (1913), Milan, Archè, coll. Sebastiani, 1975, t. 1 p. 139-290, et t. 2 p. 5-307 ; Œuvres complètes. Liber paramirum, Éditions traditionnelles, 1984, 338 p. Ne pas confondre avec le Volumen medicinae paramirum (1520). Livre I sur les « Trois Substances » (Mercure, Sel, Soufre) ; livre II sur les maladies du tartre ; livre III sur la matrice (gynécologie) ; livre IV sur les « maladies invisibles » (psychiques). Lire en ligne sur la BNAM
- Des maladies invisibles et de leurs causes (Die Bücher von den unsichtbaren Kranckheiten, De causis morborum invisibilium, 1532), in Œuvres médicales choisies, trad. B. Gorceix, PUF, 1968, p. 193-259 ; É.-J. Grillot de Givry, Paracelse. Œuvres médico-chimiques ou Paradoxes (1913), Milan, Archè, coll. Sebastiani, 1975, t. 2, p. 245-307. Sur les maladies imaginaires de la femme enceinte, sur les guérisons miraculeuses.
- De la maladie des montagnes [des mines] et d’autres maladies semblables (Von der Bergsucht, 1533-1534), trad. in Œuvres médicales choisies, trad. B. Gorceix, PUF, 1968, p. 141-192.
- De la peste et de ses causes et accidents (1535), trad. Pierre Hassard d'Armentiers, Anvers, 1570, 164 p.
- Le livre des nymphes, des sylphes, des pygmées, des salamandres et de tous les autres esprits (Liber de Nymphis, sylphis, pygmaeis et salamandris et de caeteris spiritibus, in Philosophia magna, 1535), trad. de l’all., Nîmes, Lacour, 1998, 308 p.
- La Grande Chirurgie (Die grosse Wundarznei, 1536), trad., Lyon, par Claude Dariot 1568, 1589 (403 p.).
- La grande astronomie, ou la philosophie des vrais sages, Philosophia Sagax. Clé de tous les mystères du grand et du petit mondes (Astronomia magna, oder die ganze Philosophia sagax der grossen und kleinen Welt, 1537, 1re éd. 1571, Francfort-sur-le-Main), trad. (partielle) de l’all. P. Deghaye, Dervy, 2000.
- Écrits de Carinthie (Kärntner Schriften, 1538) : trilogie
- Livre sur les maladies du Tartre (Buch von den tartarischen Krankheiten).« Sous le nom de 'maladies du Tartre', il analyse la rétention des déchets qu'engendre une ingestion incomplète. ») : cf. Philippe Leroy, Des maladies du tartre selon Paracelse, Thèse de médecine, Paris 5, 1990.
- Le Labyrinthe des médecins errants (Labyrinthus medicorum errantium, 1537-1538, 1re éd. 1955), chap. 9 : in Paracelse. De la magie, trad. Lucien Braun, Presses Universitaires de Strasbourg, 1998, p. 97-102 ; in Quatre traités de Paracelse, trad. Horst Hombourg et Charles Le Brun, Dervy, 1990.
- Les sept défenses, réponses à quelques infamies de ses détracteurs (Septem Defensiones, 1538, 1re éd. 1955), in Œuvres médicales choisies, trad. B. Gorceix, PUF, 1968, p. 3-28. Apologie de Paracelse par lui-même, et de la nouvelle médecine.
- Les Météores (De Meteoris, 1569), Introduction, traduction du latin et de l'allemand, et notes, par Stéphane Feye, Éditions Beya, Grez-Doiceau (Belgique) 2016, (124 p.).
- Les dix Archidoxes, avec les Commentaires de Gérard Dorn, Introduction, traduction (de l'allemand et du latin) et notes par Stéphane Feye (le dixième Archidoxe étant, en réalité, Le traité sur la Vie Longue, ajouté par Dorn), d'après l'édition de Francfort 1584. Texte de Paracelse et commentaire de Dorn en vis-à-vis.(615 p.). Éditions Beya, Grez-Doiceau, .
- Paracelse, La Grande Philosophie, Six traités (Rêves et somnambulisme - Prodiges du sang - Les Présages - Chance et malchance - La Vraie Influence - Apparitions post mortem). Sous la dir. de Stéphane Feye, trad. et notes de S. Feye et d'autres traducteurs, Éditions Beya, Grez-Doiceau, octobre 2021. (229 p.).
- Paracelse, Dix Traités philosophiques (Les sorcières et leurs œuvres - Les possédés - L'invention des arts - Les vœux inappropriés - Les secrets de la momie - La vertu imaginative - Les caractères - Les homunculus - L'autorité des saints - Les superstitions et les cérémonies). Sous la dir. de Caroline Thuysbaert et Stéphane Feye. Avec ce livre est achevée la publication en français de toute La Grande Philosophie. Éditions Beya, Grez-Doiceau, novembre 2022. (286 p.).
(ouvrages non datés, par ordre alphabétique)
- Livre des vers, des serpents, araignées, crapauds, cancres et taches qu’on porte de la naissance, trad. Lazare Boet, in Pierre d’Abano, Traité des venins, Lyon, 1593. Trad. in Paracelse, Traité des trois essences premières…, Archè, Milan, p. 75-94.[lire en ligne]
- Le trésor des trésors des alchimistes (Thesaurus Thesaurorum Alchimistorum), trad. Albert Poisson, Cinq traités d’alchimie des plus grands philosophes (1890). Trad. in Paracelse, Traité des trois essences premières…, Archè, Milan, 1981.
Anthologies
- L'art d'alchimie et autres écrits de Théoph. Paracelse Bombast, tirés des traductions de ses premiers sectateurs, Presses littéraires de France, 1950 (Discours de l'alchimie = Liber Paramirum III ; Les paragraphes ; Épître du Livre des paragraphes 1527 ; Le livre du Caduc ; La petite chirurgie ; Le livre des vers, serpents, etc.).
- Œuvres médicales choisies, trad. Bernard Gorceix, Paris, PUF, 1968, 261 p. : Les sept défenses, Paragranum où sont décrits les quatre piliers sur lesquels repose la médecine, De l’épilepsie, De la maladie des montagnes [mines] et d’autres maladies semblables, Des maladies invisibles et de leurs causes.
- De l’alchimie, trad. Lucien Braun, Presses Universitaires de Strasbourg, 2000, 133 p.
- De l’astrologie, trad. Lucien Braun, Presses Universitaires de Strasbourg, 2002.
- De la magie, trad. Lucien Braun, Presses Universitaires de Strasbourg, 1998, 145 p.
- Quatre traités de Paracelse, trad. Horst Hombourg et Charles Le Brun, Dervy, 1990 : Le Labyrinthe des médecins errants, Cinq traités de philosophie, Le livre de la restauration et de la rénovation, Le livre de la longue vie.
- Évangile d'un médecin errant, textes choisis, traduits de l'alémanique et présentés par Lucien Braun, "Les Carnets spirituels", Éditions Arfuyen, Paris-Orbey, 2015.
- Ainsi parlait Paracelse, dits et maximes de vie choisis, traduits de l'alémanique et présentés par Lucien Braun, coll. "Ainsi parlait", Éditions Arfuyen, Paris-Orbey, 2016.
Livres apocryphes : le Pseudo-Paracelse
Il y a des ouvrages authentiques, des ouvrages suspects, des ouvrages apocryphes[82].
- La philosophie aux Athéniens (Philosophia ad Athenienses, 1541), traité pseudo-paracelsien d'auteur inconnu (D. Kahn), in Archidoxes de Théophraste, Dervy, 2006. Textes traduits de l'allemand par Charles Le Brun et Ruth Klemm.
- L’archidoxe magique (Archidoxis magica, vers 1569) en sept livres. Selon Sudhoff, c'est un traité faussement attribué à Paracelse.
- De natura rerum (1572). Ouvrage faussement attribué à Paracelse, peut-être en partie seulement (voir les récentes recherches de Urs Leo Gantenbein, à paraître dans Ambix 2019). Le livre IX s’intitule : De signatura rerum naturalium. Édition Sudhoff t. XI, p. 309-403. Sur l’homunculus : trad. . Sur la palingénésie (résurrection d'une plante à partir de ses cendres) : résumé .
- Libellus de tinctura physicorum (1568). Trad. : Grimoires de Paracelse… De la teinture des physiciens, 1911.
- De occulta philosophia (1570). Trad. in Grimoires de Paracelse. Des nymphes, sylphes, pygmées, salamandres et autres êtres. - Des forces de l’aimant. Le ciel des philosophes. De la philosophie occulte. - Manuel de la pierre des philosophes. De la teinture des physiciens, 1911.
- La prophétie du Lion du Septentrion (1605) : voir Roland Edighoffer, Les Rose-Croix et la crise de la conscience européenne au XVIIe siècle S., Paris, Dervy, 1998, p. 211-247.
- De secretis creationis (en allemand, 1575, peut-être de Michael Toxites). Traduction française par Alexandre Feye, in: Caroline Thuysbaert (sous la direction de), PARACELSE DORN TRITHÈME, p. 439 à 507, Éditions Beya , Grez-Doiceau 2012, 629 pp.
- Liber Azoth, avec un arbre de vie kabbalistique.
Paracelse : fictions et source d’inspiration populaire
Il est le héros de « La Rose de Paracelse » nouvelle de Jorge Luis Borges.
Dans la saga Harry Potter, il est le sujet d’une carte de chocogrenouilles. On lui attribue également la découverte du fourchelang, la langue des serpents, utilisée principalement par des mages noirs et donc stigmatisée comme un symbole démoniaque.
Il inspire le personnage de Van Hohenheim dans le manga et l’anime Fullmetal Alchemist. On retrouve l’analogie avec Paracelse dans l’époque de naissance, et dans le nom que l’homonculus a voulu lui donner, Theophrastus Bombastus, avant de finir par l’appeler Van Hohenheim.
Dans le manga Les Mémoires de Vanitas de Jun Mochizuki, Paracelse est l'alchimiste qui tenta de modifier la structure du monde et fût à l'origine d'une catastrophe, "Babel", ayant provoqué l'apparition des vampires.
Il est l’un des héros du roman Le Bal des Louves de Mireille Calmel.
Dans le bestiaire des Mondes d’Aldébaran, il y a une espèce animale nommée paracelse.
Il inspire le personnage de Bombastus, savant fou aussi inventif qu’agaçant apparaissant dans la série de bandes dessinées De cape et de crocs.
Il apparaît dans la série Warehouse 13 comme un savant fou souhaitant s'octroyer l'immortalité et prêt à tout pour atteindre ses fins : faire de la science et des expérimentations scientifiques — sans bornes parfois — le fondement de ce monde.
Il est cité, ainsi que ses œuvres, Philosophia sagax et Archidoxes, par Corto Maltese et le Pr Jeremiah Steiner, au début des Helvétiques d’Hugo Pratt, durant leur voyage vers Montagnola (Tessin, Suisse) pour rendre visite à Hermann Hesse.
Il est cité dans la série française de 1965 Belphégor ou le Fantôme du Louvre au sujet du métal de Paracelse.
Il est un servant de classe Caster dans le jeu mobile Fate/Grand Order.
Il est cité dans le roman Le Chirurgien ambulant de Wolf Serno.
« Paracelse » est le titre d'une chanson du groupe de speed metal français ADX, sortie sur l'album Ultimatum.
Il est un personnage du roman Danse macabre de Jesse Bullington, intéressé par l'art de la nécromancie.
Paracelse est le nom d'un animal magique dans le film "Les créatures fantastiques"
Bibliographie
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- Lucien Braun, Paracelse, collection « Fleuron », Éditions Slatkine, 1994.
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- Antoine Faivre et Frédéric Tristan (éd.), Paracelse, Albin Michel, Cahiers de l’hermétisme, 1980, 280 p. (ISBN 2-226-01036-X).
- Jean-Pierre Fussler, Les idées éthiques, sociales et politiques de Paracelse (1493-1541) et leur fondement, Association des publications près les universités de Strasbourg, 1986, 336 p.
- Stéphane Feye (éd.), Défenseurs du paracelsisme : Dorn, Duclo, Duval, Éditions Beya, Grez-Doiceau 2013, 268 pages. Contient : Gérard Dorn, L’Avertissement à Éraste ; Gaston Duclo, L’Apologie de l’argyropée et de la chrysopée contre Thomas Éraste ; Robert Duval, La Vérité et l’ancienneté de l’art chimique.
- Maurice de Gandillac, La philosophie de la Renaissance, in Histoire de la philosophie, Gallimard, « Pléiade », t. II, 1973, p. 137-156.
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- J. S. Gravenstein, Paracelsus and His Contributions to Anesthesia, Anesthesiology, November/December 1965 - Volume 26, Issue 6, 805-11 Texte (en)disponible en pdf
- Armel Guerne, Conseils pour une traduction des œuvres complètes de Paracelse, Introduction de Charles Le Brun, in : Paracelse, La Grande Philosophie, Six Traités (p. 13 à 35). Éditions Beya, Grez-Doiceau, 2021 (229 p.).
- Carl Gustav Jung, Synchronicité et Paracelsica (conférences sur Paracelse de 1929 et 1941), trad. de l’allemand par Claude Maillard et Christine Pflieger-Maillard, Albin Michel,
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- Patrick Rivière, La médecine de Paracelse, éditions Traditionnelles, Paris, 2004, 280 pages.
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- Caroline Thuysbaert (intr. et trad. de), Fascicule de Médecine et Dictionnaire des termes paracelsiques, d'après Gérard Dorn. Éditions Beya, Grez-Doiceau 2019, 257 p. (ISBN 978-2930729-13-8).
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Notes et références
Notes
- Son cours de Bâle de juin-novembre 1527 a été traduit en latin : Sämtliche Werke, édi. Sudhoff, t. IV, 1930, p. 1-137. Cours : Intimatio Theophrasti medicinae artis studiosis (Annonce des cours), De gradibus et compositionibus receptorum et naturalium, Von Apostemen, Geschwären, Vom Aderlass (la saignée), Modus pharmacandi, Commentaire des aphorismes d'Hippocrate, De urinis.
- Selon Andrew Weeks, « Il n’y a pas de preuve qu’il ait écrit des traités médicaux académiques avant son implication rapide à l’Université de Bâle en 1527-28 »
- Dans Paragranum, le texte écrit pour répondre aux galénistes, Paracelse indique « Je suis Théophraste, et plus grand que ceux à qui vous me comparez ; […] Je vais laisser Luther défendre sa cause et je vais défendre ma cause, je vais vaincre les collègues qui se sont tournés contre moi ; »
- voir Paragranum P I, 8, 58 ; on ne sait pas quels livres sont brûlés
- Selon le témoignage de l'imprimeur Johannes Oporinus, qui dans sa jeunesse, a été assistant de Paracelse
- « Personne ne doit s'étonner si je dis que Dieu est le livre primordial, car qui connaît le mieux l'œuvre si ce n'est son auteur ? Celui-là sait donner la force à cette œuvre et la faire connaître. Qui d'autre que Dieu a fait la médecine ? Et qui, si ce n'est Lui, la connaît ? Elle sourd de Lui comme la chaleur qui fait éclore les bourgeons émane du soleil. […] Si nous voulons y puiser, c'est par la prière que cela doit se faire, par la recherche et en frappant à sa porte. » (Le Labyrinthe des Médecins errants). C'est nous qui soulignons
- geste de rupture : on ne veut rien emporter de la personne ou de la collectivité avec qui la relation est rompue, cf Bibleαrc
- Paracelse indique dans Opus Paramirum I, 8, qu'il entend suivre l'enseignement du Christ conformément à l'Évangile de Matthieu et dit-il « Jésus ayant appelé ses douze disciples, leur donna puissance sur les esprits impurs pour les chasser, et pour guérir toutes sortes de langueurs et maladies. »
- Paracelse affronte une édition rivale et maladroite faite à Ulm par Hans Varnier
- Weeks, 2008, p. 316 sqq.
- Paracelse n'est pas toujours absolument cohérent d'un texte à l'autre ; dans l'Archidoxes par exemple, il décrit les qualités, du chaud et du sec, dans la complexion de l'élément igné
- Pour Galien, la maladie résulte soit d'une rupture de continuité (blessures, ulcères) soit d'une dyscrasie (un déséquilibre des qualités)
- Paracelse associe les organes avec les planètes ainsi : foie-Jupiter, cerveau-lune, cœur-soleil, rate-Saturne, poumons-Mercure, reins-Vénus
- « Il y a cinq entités qui produisent et engendrent toutes les maladies, de chacune desquelles provient chaque maladie […]. [1] [La force que renferment en eux les astres] agit de telle sorte en notre corps qu’il est complètement soumis à leur opération et à leur impression. Cette force des astres est appelée entité astrale (ens astrorum)… [2] La seconde force ou puissance, qui nous trouble violemment et nous précipite dans les maladies, est l’entité vénéneuse (ens veneni)… [3] La troisième force est celle qui affaiblit et use notre corps… On l’appelle entité naturelle (ens naturale). Cette entité se perçoit si notre corps est incommodé par une complexion immodérée ou affaibli par une complexion mauvaise… [4] La quatrième entité s’entend des esprits puissants, qui blessent et débilitent notre corps qui est en leur puissance… : entité spirituelle (ens spirituale)… [5] La cinquième entité qui agit en nous, c’est l’entité divine (ens Dei). […] Il existe cinq pestes : une provenant de l’entité de l’astre, une autre de l’entité du poison, une troisième de l’entité de la nature, une quatrième de l’entité des esprits, et la dernière de l’entité de Dieu. […] Ceci n’est pas du style chrétien, mais païen. Paracelse, Volumen medicinae paramirum : Œuvres médico-chimiques ou Paradoxes. Liber paramirum, t. 1, p. 19-26. »
- Citation originale : « Alle Dinge sind Gift, und nichts ist ohne Gift ; allein die Dosis machts, daß ein Ding kein Gift sei. »
- Suivant Midelfort, peut être désillusionné par les capacités de la raison à comprendre le monde, il serait passé d'un grand enthousiasme pour l'alchimie et la philosophie naturelle à une vision profondément chrétienne de l'homme et du monde
- Le Corpus hippocratique prescrit : « à ce malade, on fera boire l'ellébore, on purgera la tête ; et après la purgation de la tête, on donnera un médicament qui purge par le bas » cf. Jackie Pigeaud, La maladie de l'âme. Étude sur la relation de l'âme et du corps dans la tradition médico-philosophique antique, Les Belles Lettres,
Références
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- Didier Kahn, Le fixe et le volatil Chimie et alchimie, de Paracelse à Lavoisier, CNRS éditions, , 236 p.
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- Koyré 1997, p. 14-17.
- Paracelse, Archidoxes de Théophraste, Commentaires des aphorismes d'Hippocrate, La philosophie des Athéniens (trad. Charles Le Brun, Ruth Klemm), Éditions Dervy, Paris, , 234 p.
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- Jean-Michel Rietsch, « Alterius non sit qui suus esse potest Paracelse, contre l'esclavage des maîtres anciens », dans Valérie Deshoulières, Muguras Constantinescu, Les funambules de l'affection : Maîtres et disciples, Presses universitaires Blaise-Pascal, (lire en ligne)
- Paracelse, « Le labyrinthe des médecins errants 1537-1538 », dans Paracelse, traduit de l'allemand par H. Hombourg et C. Le Brun, Quatre traités de Paracelse, Dervy,
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- Paracelsus, Sämtliche Werke von K. Suddhoff, 1922-1931, I, 11, p. 141-146
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Voir aussi
Articles connexes
- Alchimie
- Alkahest
- Archeus
- Pierre philosophale
- Grand œuvre
- Élixir de Garus, mis au point au XVIIe siècle par Joseph Garus d'après une recette de Paracelse.
Liens externes
- Ressources relatives à la recherche :
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- (en) National Portrait Gallery
- (en + sv) Nationalmuseum
- (de + en + la) Sandrart.net
- Ressource relative à la santé :
- Ressource relative à la musique :
- Ressource relative à la religion :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Ouvrages de Paracelse numérisés par le SCD de l’Université de Strasbourg
- Ouvrages de Paracelse numérisés par le service numérique de l'Université de Strasbourg
- Rééditions des œuvres numérisées de Paracelse par la Bibliothèque Universitaire Braunschweig.
- ouvrages de Paracelse numérisés par la bibliothèque Gallica de la Bibliothèque Nationale de France (BNF).
- ouvrages de Paracelse numérisés répertoriés par la National Library of Australia.
- (en) Paracelsus and the medical revolution of the Renaissance - A 500th Anniversary Celebration from the National Library of Medicine, theme essay by Allen G. Debus.(en)