Manie
La manie (du grec ancien ÎŒÎ±ÎœÎŻÎ± / manĂÄ Â« folie, dĂ©mence, Ă©tat de fureur ») est un Ă©tat mental caractĂ©risĂ© par des degrĂ©s d'humeur, d'irritation ou d'Ă©nergie anormalement Ă©levĂ©s[1]. Elle appartient comme la dĂ©pression aux troubles de lâhumeur. Elle constitue l'une des phases du trouble bipolaire et est, dans un sens, l'opposĂ© de la dĂ©pression. On parle aussi parfois de phase maniaque, ou de crise d'accĂšs maniaque.
Traitement | Psychothérapie |
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Spécialité | Psychiatrie et psychologie médicale (en) |
CISP-2 | P73 |
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CIM-10 | F30 |
CIM-9 |
296.0 épisode maniaque simple, 296.4 épisodes maniaques récents, 296.6 épisodes récents mixés |
MeSH | D001714 |
Mise en garde médicale
Jusqu'en 1980 on parlait aussi de « psychose maniaco-dépressive » (PMD) ou « maladie maniaco-dépressive » (MMD). La troisiÚme édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, abandonnant notamment la dichotomie psychose-névrose, a substitué à ces termes la notion de trouble bipolaire[2].
Il ne faut pas confondre lâĂ©tat maniaque avec des traits obsessionnels (obsession du mĂ©nage et de la propretĂ© par exemple), acception pourtant retenue dans le langage courant.
SymptĂŽmes et signes
Un Ă©pisode maniaque est caractĂ©risĂ© par une modification de lâhumeur, et la survenue de certains symptĂŽmes tels ceux dĂ©crits ici. Bien Ă©videmment, tous les symptĂŽmes ne sont pas prĂ©sents Ă la fois chez un mĂȘme individu. Beaucoup dâaspects permettent de considĂ©rer la manie comme une « dĂ©pression inversĂ©e », dans le sens dâune « accĂ©lĂ©ration », une intensification des pensĂ©es, des Ă©motions (tout est plus fort, plus vif, plus intense, y compris la douleur morale ou la tristesse parfois, ce qui amĂšne Ă des confusions diagnostiques).
Des symptĂŽmes typiques sont par exemple :
- une excitation, une exaltation, un ressenti de « pressions intérieures » ;
- une humeur « élevée » : euphorique classiquement, mais aussi une irritabilité, une plus grande réactivité (« au quart de tour »), une propension à se mettre en colÚre ;
- des rires pour des choses futiles ou sans aucune raison ;
- de lâactivitĂ© sans repos, de lâagitation improductive. La personne commence plusieurs choses et ne les termine pas, par exemple ;
- une diminution de la pudeur, une « perte de gĂȘne » allant parfois jusquâĂ des attitudes de sĂ©duction et des contacts sexuels Ă lâexcĂšs ou au hasard (alors que dans son Ă©tat « normal », la personne nâaurait pas souhaitĂ© avoir ce genre de comportement) ;
- une accĂ©lĂ©ration de la pensĂ©e : incessamment de nouvelles pensĂ©es traversent la tĂȘte de la personne :
- difficultĂ©s de concentration : difficultĂ©s Ă se tenir Ă une mĂȘme activitĂ©, distractibilitĂ©,
- troubles du cours de la pensĂ©e : en parlant de quelque chose, la personne sâĂ©carte encore et encore du fil de sa pensĂ©e (digressions multiples) et elle a du mal Ă retrouver le sujet initial dont elle voulait parler,
- la fuite dâidĂ©es : les pensĂ©es se suivent extrĂȘmement rapidement (tachypsychie), se bousculent parfois dans la tĂȘte. La personne passe du centiĂšme au milliĂšme. Les associations dâidĂ©es se relĂąchent. La suite des pensĂ©es reste logique pour la personne, mais pour son interlocuteur, il est parfois difficile de suivre le fil du discours (« coq Ă lâĂąne »). La personne qui souffre de manie, ayant oubliĂ© le but de son rĂ©cit, nâest plus forcĂ©ment capable de rĂ©pondre Ă des questions ultĂ©rieures ;
- un besoin important de parler (logorrhĂ©e), et une parole abondante, accĂ©lĂ©rĂ©e, inarrĂȘtable. Il sâagit du reflet de lâaccĂ©lĂ©ration des pensĂ©es. Dans les cas extrĂȘmes, les paroles se prĂ©cipitent si rapidement que lâauditeur a des difficultĂ©s Ă suivre ;
- une assurance excessive ; une estime de soi élevée ; mégalomanie
- une rĂ©duction du besoin de dormir, sans que la personne ne se sente aussi fatiguĂ©e quâelle le devrait en dormant si peu. La rĂ©duction du sommeil est souvent un des premiers signes dâun Ă©pisode maniaque ;
- sentiment altruiste : envie dâaider les autres, ressenti des Ă©motions des autres (hyperempathie) ;
- hypersensibilité affective (émotions plus vives) et quelquefois sensorielle ;
- labilité émotionnelle : le fait de passer facilement du rire aux larmes ; dysrégulation émotionnelle
- parfois la nĂ©gligence de lâalimentation ou de lâhygiĂšne.
Lors dâune crise maniaque, le sujet affectĂ© peut sâengager dans des affaires menant Ă des consĂ©quences prĂ©judiciables pour soi-mĂȘme ou pour des personnes impliquĂ©es : achats compulsifs, dettes irrĂ©flĂ©chies ou prise de dĂ©cisions qu'il n'aurait pas engagĂ©es en dehors de la crise. Le comportement complet pendant une crise de manie peut diffĂ©rer de cas en cas, et souvent dâĂ©pisode en Ă©pisode chez le mĂȘme patient, ce qui rend parfois l'analyse clinique dĂ©licate. D'autant que le patient recourt souvent Ă des attitudes manipulatrices pour masquer ses symptĂŽmes devant les "autoritĂ©s" ou les Ă©quipes soignantes.
Les proches se retrouvent impuissants d'influence sur le sujet qui n'accepte aucune remarque ou conseil qui n'entrerait pas en rĂ©sonance avec ses obsessions du moment, ou susceptibles de ne pas abonder dans son sens, ou lorsquâon va lui dire quelque chose quâil nâa pas envie dâentendre. Pendant la crise maniaque le sujet est incapable de communiquer rationnellement et d'"entrer en raison". C'est pourquoi la psychothĂ©rapie ne peut agir que pendant la phase dĂ©pressive oĂč le sujet est rĂ©ceptif et plus enclin Ă la rĂ©flexion. La crise passĂ©e, des sentiments de honte ou de culpabilitĂ© ne sont pas rares. Le sujet prend conscience de la souffrance de ses proches et des consĂ©quences sociales seulement quand la manie diminue.
La plupart de ces comportements sont Ă©trangers au caractĂšre du malade qui, pendant une phase maniaque, ne rĂ©alise pas quâil est malade se sentant « parfaitement bien », le plus souvent (ce qui rend le traitement difficile).
Il ne faut pas confondre la psychose maniaco-dépressive (ou bipolaire) avec la personnalité maniaco-dépressive qui correspond à une personnalité névrosée, plus proche de la normalité et qui, s'agissant d'un trait de personnalité, a moins d'influence sur la qualité de vie.
Les drogues excitantes comme la cocaïne ou les amphétamines, produisent des états maniaques que certains travailleurs intellectuels ou créateurs artistiques apprécient pour leurs effets sur l'association d'idées, la concentration, l'énergie et la diminution de la fatigue[4]. L'effet passé de la drogue, l'utilisateur passe par une phase dépressive.
Traitements
Le traitement de la phase maniaque fait appel Ă des mĂ©dicaments appelĂ©s thymorĂ©gulateurs (rĂ©gulateurs de lâhumeur) (exemple, le lithium), mais aussi Ă des mĂ©dicaments utiles pour enrayer lâĂ©pisode mĂȘme : benzodiazĂ©pines, neuroleptiques, etc.
Le traitement prĂ©ventif est essentiel pour Ă©viter les rechutes. La prise de mĂ©dicaments thymorĂ©gulateurs sur une durĂ©e prolongĂ©e associĂ©s Ă une hygiĂšne de vie : apprendre Ă repĂ©rer ses facteurs dĂ©clencheurs (par exemple une privation de sommeil non compensĂ©e, un deuilâŠ) puis se protĂ©ger en consĂ©quence, et connaitre les signes annonçant un nouvel Ă©pisode pour se soigner trĂšs vite dĂšs le dĂ©but (plus on intervient tĂŽt, plus il est facile de faire rentrer les choses dans lâordre).
Des épisodes maniaques peuvent également survenir dans le cas d'une thyroïdite de Hashimoto, auquel cas le traitement sera celui consacré à cette maladie.
Notes et références
- (en) Berrios G.E., Of mania, vol. 15, , p. 105â124.
- Marc-Louis Bourgeois, Les troubles bipolaires, Lavoisier, (ISBN 9782257705655, lire en ligne), p. 17
- Allusion au célÚbre livre de Michel Foucault, Histoire de la folie à l'ùge classique, Paris, Gallimard, coll. « Tel (rééd. poche) », , 688 p. (ISBN 978-2070295821 et 2070295826).
- (en) Caciora S V A et Abrudan I O, « Sleepless nights: the experience of narcotics in the Parisian artistic environment during the great period of early twentieth century », Eur J Science and Theology, vol. 9, supplĂ©ment 1,â , p. 185-94. (lire en ligne [PDF])
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Cléopùtre Athanassiou-Popesco, La défense maniaque, éd. Presses universitaires de France, 1996, (ISBN 2-13-047342-3).
- Arce Ross, German. Manie, mélancolie et facteurs blancs. Préface du Professeur Georges Lantéri-Laura, coll. « Le Miroir des savants », éd. Beauchesne, Paris, 2009
- Binswanger, Ludwig. Sur la fuite des idées [1933]. JérÎme Millon, Grenoble, 2000.
- Binswanger, Ludwig. MĂ©lancolie et manie [1960]. PUF, Paris, 1987.