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NĂ©gation (linguistique)

En linguistique, la nĂ©gation (du latin negare, nier)[1] est une opĂ©ration qui consiste Ă  dĂ©signer comme fausse une proposition prĂ©alablement exprimĂ©e ou non ; elle s’oppose Ă  l’affirmation.

Bien que nĂ©cessairement liĂ©s aux diffĂ©rents concepts de nĂ©gation en logique, les multiples faits de langue correspondants posent des problĂšmes d’interprĂ©tation spĂ©cifiques, qui sont Ă©tudiĂ©s dans un cadre non strictement syntaxique ou monolinguistique. Les points de vue des linguistes sont variĂ©s, discutĂ©s et parfois contradictoires.

Nature de la négation

DĂ©finitions

Comme beaucoup de termes abstraits similaires, le mot nĂ©gation prend plusieurs sens qui, plutĂŽt qu'Ă  des cas d'homonymie ou mĂȘme de polysĂ©mie, correspondent aux diffĂ©rents aspects d'un mĂȘme concept :

  • le noyau conceptuel fondamental de nier (qui possĂšde lui-mĂȘme une sĂ©mantique multiple, comme on le verra) ;
  • l’ensemble des mĂ©canismes linguistiques qui servent Ă  nier[2] ;
  • l’opĂ©ration morphosyntaxique dans laquelle un item lexical nie ou inverse la signification d’un autre item lexical ou d’une construction[3] (on emploie le verbe nĂ©gativer, ou parfois nĂ©gatiser pour exprimer cette transformation) ;
  • la caractĂ©ristique, d’un point de vue formel ou sĂ©mantique, d’un Ă©noncĂ© ou d’un constituant nĂ©gatif ;
  • l’énoncĂ© nĂ©gativĂ©, par rapport Ă  l’énoncĂ© de rĂ©fĂ©rence (donc le rĂ©sultat de l'opĂ©ration de nĂ©gation).

On l’utilise aussi parfois pour reprĂ©senter un morphĂšme ou lexĂšme employĂ© pour exprimer la nĂ©gation, quoique dans ce cas l'on parle plutĂŽt de nĂ©gateur.

Considérations générales

Si la notion mĂȘme de nĂ©gation apparaĂźt comme l’une des plus fondamentales de l’esprit humain (« toutes les langues actuellement dĂ©crites comportent un (ou plus d'un) morphĂšme nĂ©gatif, analogue au français ne... pas »)[4], sa dĂ©finition linguistique fait l’objet d’interprĂ©tations diverses. Elle peut notamment ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme :

  • une catĂ©gorie Ă  part entiĂšre dans le cadre de la dualitĂ© affirmation-nĂ©gation, au mĂȘme titre que le temps, l'aspect, la voix, etc. ;
  • une modalitĂ© parmi d'autres, c’est-Ă -dire le reflet d’une attitude du locuteur vis-Ă -vis de l’énoncĂ© (un jugement, ou modus) ;
  • ou encore une partie intĂ©grante de ce qui est assertĂ© (le dictum).

D’une façon gĂ©nĂ©rale et quelle que soit la langue, la nĂ©gation est toujours marquĂ©e, c’est-Ă -dire qu'une assertion non marquĂ©e est considĂ©rĂ©e, par dĂ©faut, comme affirmative. Le statut linguistique de la nĂ©gation n’est donc pas Ă©quivalent Ă  celui de l’affirmation.

En fait, comme le remarque Antoine Culioli[5], « il n'existe pas, dans quelque langue que ce soit, de marqueur unique d'une opération de négation » : le terme de négation recouvre donc une réalité multiple.

Par rapport à la négation logique ou mathématique (voire désormais informatique), la négation linguistique apparaßt comme beaucoup plus complexe. On peut remarquer :

  • qu'elle ne porte pas obligatoirement sur l'ensemble d'une phrase, ou d’un prĂ©dicat, mais peut aussi s'appliquer Ă  un constituant d'Ă©noncĂ© ;
  • qu'elle ne se limite pas Ă  une opposition binaire de type « tout ou rien », ni Ă  la notion de complĂ©mentaire ;
  • qu'elle ne concerne pas que les phrases dĂ©claratives, qui ne constituent qu'un sous-ensemble des phrases possibles ;
  • que ses vecteurs grammaticaux sont multiples ;
  • que son usage dĂ©pend de la langue, de la culture et de l'Ă©poque concernĂ©es.

Types de phrase et négation

En grammaire traditionnelle, on distingue habituellement[6] trois (ou quatre) types principaux de phrases simples :

  • la phrase dĂ©clarative (ou assertion) ;
  • la phrase interrogative ;
  • la phrase impĂ©rative (ou injonctive) ;
  • (la phrase exclamative).

La nĂ©gation peut se superposer au moins aux trois premiers types (on parle de forme nĂ©gative, ou de transformation nĂ©gative) ; il s’agit donc d’une notion complĂ©mentaire, qui ne se situe pas sur le mĂȘme plan (mĂȘme si Maurice Grevisse par exemple[7] distingue du point de vue de la forme des propositions affirmatives, nĂ©gatives, interrogatives et exclamatives) :

ex. : Le chien a mangĂ© la saucisse → Le chien n’a pas mangĂ© la saucisse
ex. : Les enfants jouent-ils au ballon ? → Les enfants ne jouent-ils pas au ballon ?
ex. : Descends la poubelle ! → Ne descends pas la poubelle !

On remarque toutefois que dans le cas de la phrase interrogative, la transformation nĂ©gative n’a gĂ©nĂ©ralement de sens que pour une question de type oui / non (interrogation « totale »), et non pour les interrogations dites « partielles » :

ex. : Combien de voitures as-tu vu passer ? → * Combien de voitures n’as-tu pas vu passer[8]?
ex. : Quelle est la couleur de cette chemise ? → * Quelle n’est pas la couleur de cette chemise ?

De surcroĂźt, mĂȘme lorsque la nĂ©gation est acceptable, la valeur illocutoire de l’interrogation lui attribue souvent une signification ou une nuance particuliĂšre (politesse, etc. ; voir plus bas).

Panneau en anglais « Défense d'entrer » (litt. « N'entrez pas »)

La phrase injonctive nĂ©gative peut exprimer la dĂ©fense, l'exhortation (Ne jetez pas vos dĂ©chets n'importe oĂč, Ne nourrissez pas les animaux), l'interdiction (« prohibitif », frĂ©quemment avec l'infinitif en français : Ne pas jeter de dĂ©chets), mais aussi le conseil, etc. (Ne crois pas tout ce qu'il raconte). Dans bon nombre de langues, comme le sanskrit (voir plus bas), le grec ancien, l'armĂ©nien, le morphĂšme nĂ©gatif utilisĂ© dans ce cas diffĂšre du morphĂšme utilisĂ© dans les dĂ©claratives.

La phrase exclamative, lorsqu’elle ne constitue pas simplement une emphatisation d’une dĂ©clarative (ex : On a gagnĂ© !) pose Ă©galement des problĂšmes de nĂ©gativation, du moins en français :

ex. : Que ce paysage est beau ! → * Que ce paysage n’est pas beau ! (On utilisera plutît l'antonyme : Que ce paysage est laid !). (Litote)

Dans le cas des phrases complexes, la nĂ©gation peut s’appliquer Ă  une proposition particuliĂšre (principale ou subordonnĂ©e), ce qui rend Ă©pineuse la question de la valeur de vĂ©ritĂ© de la phrase dans son ensemble :

ex. : Si tu n’étais pas arrivĂ© en retard [subordonnĂ©e conditionnelle nĂ©gative, contrefactuelle], on aurait pu attraper le bus.
ex. : Je ne peux admettre [principale négative à valeur modale] que les choses se soient passées ainsi.

Nature grammaticale

Carte du World Atlas of Language Structures illustrant la nature des morphÚmes signalant la négation en proposition indépendante dans diverses langues du monde.

La nature grammaticale des morphÚmes utilisés pour exprimer la négation varie selon les langues et le contexte d'énonciation. On peut mentionner :

On peut distinguer négation lexicale (impossible) et négation grammaticale (il ne viendra pas)[10].

On voit que les morphÚmes de la négation sont aussi bien incidents à la phrase ou au verbe (c'est le cas des adverbes négatifs) qu'au lexÚme (c'est le cas des affixes).

Les adverbes de nĂ©gation sont parfois regroupĂ©s dans la catĂ©gorie des adverbes d'opinion, au mĂȘme titre que les adverbes d'affirmation (ex. oui, certes, parfaitement) et de doute (ex. probablement, vraisemblablement)[11].

Fréquence des termes négatifs

À titre indicatif, une analyse de frĂ©quence sur un corpus composite en langue russe de plus d'un million de mots[12] indique que le mot ne (« ne pas ») est 3e en russe (1,82 % du total), derriĂšre v (« dans », 4,06 %) et i (« et », 3,43 %) – et ce sans compter les nombreux adjectifs et adverbes commençant par les prĂ©fixes ne- ou ni-. Net (« non » ou "si") arrive 51e (0,20 %), ni (« ni ») 79e (0,14 %) et bez (« sans ») 81e (0,13 %). Ničto / ničego, nel'zja, nikto, nikogda (« rien, il ne faut pas, personne, jamais ») reprĂ©sentent chacun entre 0,03 % et 0,06 % du total.

Signification de la négation

Selon Willard van Orman Quine, « le critÚre sémantique de la négation est qu'elle change toute phrase courte qui serait de nature à inciter à l'assentiment en une autre qui inciterait au dissentiment, et vice versa »[13].

Une primitive sémantique

Dans sa quĂȘte des primitives sĂ©mantiques universelles, Anna Wierzbicka[14] admet que, parmi les universaux lexicaux, la nĂ©gation (qu’elle dĂ©finit comme un « mĂ©taprĂ©dicat ») est « probablement celui qui est le moins sujet Ă  controverse ». Pourtant, elle n’a introduit NOT dans sa liste de primitives que tardivement : les versions initiales (1972, 1980) incluaient Ă  la place « don’t want », ou « diswant » (littĂ©ralement « veux pas »), la nĂ©gation Ă©tant considĂ©rĂ©e avant tout comme un rejet.

Ce qui l’a conduite Ă  rĂ©viser sa position (« ‘not’ is simply ‘not’, and it cannot be reduced to anything else »[15]) fut l’étude de l’acquisition du langage par les enfants. Elle aboutit, avec Lois Bloom[16], Ă  considĂ©rer trois usages fondamentaux de la nĂ©gation chez l’enfant :

  • la non-existence (il n’y a pas) ;
  • le rejet (je ne veux pas), qui pourrait reprĂ©senter une nĂ©gation prĂ©logique[17] ;
  • la dĂ©nĂ©gation (ce n’est pas).

Toutefois, elle conserve une réticence à considérer la négation comme équivalente entre les oppositions Je veux / je ne veux pas et Je sais / je ne sais pas.

Culioli[5] oppose l'opĂ©ration primitive de nĂ©gation Ă  l'opĂ©ration construite de nĂ©gation, Ă©tudiĂ©e Ă  partir de l'analyse des marqueurs de nĂ©gation et de leur Ă©volution. Ces opĂ©rations mettraient toutefois toutes deux en Ă©vidence deux aspects fondamentaux : celui du rejet, qualitatif et subjectif, et celui, quantitatif, de l’absence ou plus largement du hiatus (ou discontinuitĂ©). Il Ă©voque aussi l’altĂ©ritĂ© (« ce n'est pas cela qui est le cas »).

Négation logique et négation linguistique

La notion de négation est intimement liée à celle de vérité, envisagée comme l'adéquation entre une représentation mentale (ou son expression), et son objet dans un monde référent ; on parle de sémantique vériconditionnelle.

La question de la vĂ©ritĂ© par elle-mĂȘme dĂ©passe le cadre de la discussion : tout Ă©noncĂ© linguistique peut bien sĂ»r ĂȘtre entachĂ© d'erreur ou d'approximation, ou encore ĂȘtre volontairement faux (mensonge).

Logique classique

En logique classique, toute proposition est considĂ©rĂ©e, soit comme vraie, soit comme fausse (principe du tiers exclu), ce qui s’énonce : (le symbole reprĂ©sentant la nĂ©gation, dĂ©finie comme un connecteur logique). La nĂ©gation de la nĂ©gation de A est Ă©quivalente Ă  A. Il n'existe donc que deux valeurs de vĂ©ritĂ© possibles.

La logique est atemporelle : elle ne prend pas en compte l'évolution possible dans le temps des valeurs de vérité.

Dans les domaines basés sur la logique classique, comme la géométrie, il y a toutefois lieu de préciser dans quel cadre on se situe. Ainsi, « la somme des angles d'un triangle est égale à 180° » est une proposition toujours vraie en géométrie euclidienne, mais non dans l'espace, en raison de la courbure spatiale.

Outre le symbole (Unicode U+00AC), on utilise parfois pour représenter la négation :

  • le symbole ~ (opĂ©rateur tilde, Unicode U+223C)[18].
    Exemple : (p implique non-q)
  • l'opĂ©rateur littĂ©ral NOT ou NON, suivi d'une expression (prĂ©dicat) entre parenthĂšses.
    Exemple : NON(p).
  • le trait de surlignage (anglais : overline), comme dans le titre du roman de A. E. van Vogt, Le Monde des Ā, oĂč Ā se lit en anglais null-A, en français non-A[19].
    Exemple : (fonction logique NAND).

Logiques intuitionniste et linéaire

En logique intuitionniste le statut de la négation est différent de celui de la logique classique puisque le tiers exclus n'y est pas reconnu et une proposition n'est pas équivalente à sa double négation. Plus précisément, dans cette logique on a , mais on n'a pas .

La logique linéaire propose une notion de négation linéaire ( ou ).

Logiques multivaluées

Divers systÚmes ont été proposés[20] pour prendre en compte des situations plus complexes, et des valeurs de vérité multiples. Ce sont essentiellement les logiques à 3 valeurs[21] qui ont trouvé des applications en intelligence artificielle ; toutefois, la valeur intermédiaire (ici notée i) prend des significations différentes selon les systÚmes. Ainsi :

  • dans le systĂšme de Stephen Cole Kleene, i signifie inconnu (la proposition est vraie ou fausse, mais on ne connaĂźt pas sa valeur de vĂ©ritĂ©) ;
  • dans le systĂšme de D. A. Bochvar, i signifie paradoxal, ou dĂ©nuĂ© de sens, absurde. Ceci permet de traiter par exemple la proposition (due Ă  Russell) : L'actuel roi de France est chauve (voir Description dĂ©finie, et plus bas : Pragmatique de la nĂ©gation) ;
  • le systĂšme de Jan Ɓukasiewicz permet de traiter l’avenir contingent ;
  • Philippe Cornu propose de tenir compte des propositions dont la valeur de vĂ©ritĂ©, constamment connue, peut changer au cours du temps (logique de l'instable)...

Par ailleurs, on peut aussi associer un degré, ou coefficient (de fiabilité, de vraisemblance, de précision... ; représenté par exemple par une valeur comprise entre 0 et 1) à une proposition, comme dans les systÚmes experts de diagnostic médical, mécanique ou autre (voir Logique floue).

Langues naturelles

La langue, dont le rĂ©fĂ©rent est le monde perçu comme rĂ©el et non un sous-systĂšme logique, ne peut se contenter d'exprimer une opposition absolue de type vrai / faux, ni mĂȘme d'utiliser une logique comportant un nombre prĂ©dĂ©terminĂ© de valeurs (d'oĂč la frustration que peut ressentir la personne devant rĂ©pondre Ă  un sondage d'opinion ne comportant que des questions de type oui / non, celles-ci n'Ă©tant destinĂ©es qu'Ă  faciliter le traitement des rĂ©ponses).

La négation au sein d'un énoncé peut notamment concerner :

  • la dimension temporelle (ou historique) (ex : Bonn n'est plus la capitale de l'Allemagne)
  • un Ă©lĂ©ment particulier du prĂ©dicat (ex : Jean n'est pas arrivĂ© Ă  Paris dans une 2CV rouge peut se justifier, selon le cas, par la nĂ©gation de Jean, de arriver, du temps passĂ©, de Paris, de 2CV, de rouge..., ou de plusieurs de ces Ă©lĂ©ments)
  • une quantification ou l'expression d'un degrĂ© de scalaritĂ© (ex : Il ne gagne pas beaucoup d'argent ; je ne le vois pas trĂšs souvent ; cette soupe n'est pas chaude [elle est tiĂšde])
  • la modalitĂ© (alĂ©thique, Ă©pistĂ©mique, boulique...) associĂ©e Ă  la proposition
  • l'expression (adĂ©quation du terme, registre de langue...) (ex : il ne lui a pas demandĂ© de sortir, il l'a fichu Ă  la porte)
  • etc.

De plus, mĂȘme lorsqu'Ă  premiĂšre vue une nĂ©gation linguistique semble s'apparenter Ă  une formulation logique, son interprĂ©tation n'est pas forcĂ©ment la mĂȘme. Elle n'a pas manquĂ© une sĂ©ance se comprend gĂ©nĂ©ralement comme "elle n'en a manquĂ© aucune" ( "une" Ă©tant compris comme article indĂ©fini : nombre de sĂ©ances manquĂ©es < 1), alors qu'en « logique pure » on peut facilement formuler une combinaison des deux sens possibles de "une", article ou adjectif numĂ©ral cardinal en Ă©crivant: (nombre de sĂ©ances manquĂ©es < 1) OU (nombre de sĂ©ances manquĂ©es > 1).

Enfin, contrairement aux langages logiques, les langues naturelles comportent toujours une part d'ambigĂŒitĂ©, consciente ou non dans l'esprit du locuteur.

Langages informatiques

Tous les langages informatiques comportent un opérateur booléen NOT, ou son équivalent. Il s'agit d'un opérateur unaire (i.e., qui n'accepte qu'un seul argument). Placé devant un opérande unique, il inverse la valeur booléenne de cet opérande (il la transforme en son complément logique). Pour inverser la valeur d'une expression plus complexe, comprenant des AND et des OR par exemple, on joue habituellement sur les parenthÚses.

GĂ©nĂ©ralement, il existe aussi un opĂ©rateur de comparaison spĂ©cifique, incorporant la nĂ©gation. ex. : != ou ne pour signifier not equal (donc diffĂ©rent), qui s'oppose Ă  == ou eq (equal, Ă©gal). La comparaison distingue parfois entre l’égalitĂ© (mĂȘme valeur) et l’identitĂ© (approximativement : mĂȘme valeur et mĂȘme type) : on utilise alors des opĂ©rateurs diffĂ©rents.

Par ailleurs, il peut exister un opérateur spécial réalisant le « complément bit à bit » (comme en JavaScript: ~). Celui-ci représente en quelque sorte une variété particuliÚre de négation, spécifiquement informatique.

Enfin, il existe dans certains langages des valeurs particuliÚres, dont la prise en compte oblige à élargir les tables de vérité booléennes habituelles. ex. : Null (peut indiquer que la variable n'a pas encore été initialisée), NaN (Not a Number) (résultat d'une opération incompatible avec les rÚgles arithmétiques)...

Polarité et négation

Le Yång et le Yin sont des notions polaires complémentaires.

Par polaritĂ©, on entend habituellement une maniĂšre d’envisager un concept unique comme soumis Ă  deux directions antinomiques, appelĂ©es pĂŽles. Chacun des deux concepts polaires ne peut se dĂ©finir que par rapport Ă  son opposĂ©, il n’a pas d’existence en soi. Ainsi il ne peut y avoir de pĂŽle nord sans pĂŽle sud, de pĂŽle + sans pĂŽle -, de YĂĄng sans Yin, etc. Selon les cas, on parlera d’opposĂ©, d’inverse, de contraire, de contradictoire, de complĂ©mentaire, d’antinomie, d’antagonisme, de disjonction, de dichotomie, la diffĂ©rence entre ces termes n’étant pas toujours trĂšs nette. (Le terme de polaritĂ© est parfois entendu dans le sens restreint du seul « statut positif ou nĂ©gatif de l'existence d'un Ă©vĂ©nement »[22]).

Dans la langue, il est facile de relever des couples de termes de ce type, notamment parmi les adjectifs :

ex. : grand # petit, haut # bas, chaud # froid, nombreux # rare(s)...
ex. : mĂąle # femelle, nuit # jour...

La polaritĂ© est souvent orientĂ©e conceptuellement, c'est-Ă -dire que dans de tels couples, l'un est connotĂ© positivement, l'autre nĂ©gativement. La connotation peut-ĂȘtre soit quasi universelle (fort # faible, gai # triste), soit culturelle (ex: gauche est connotĂ© nĂ©gativement dans de nombreuses cultures, le latin sinister signifiant gauche, mauvais, pervers, dĂ©favorable)[23]. Les manifestations linguistiques de la dissymĂ©trie des termes entrant en relation de polaritĂ© sont trĂšs variĂ©es, allant du sens Ă  la combinatoire des vocables : le fr. nuit peut souvent se dĂ©finir comme « absence de jour », le fr. jour comme « l'absence de nuit » (mĂȘme si l'absence de jour peut ĂȘtre seulement l'obscuritĂ©), mais c'est aussi l'espace de temps de 24h contenant l'absence de nuit et l'absence de jour ; on dit « haut comme trois pommes » pour marquer la petite taille, haut fonctionnant alors Ă  l'instar d'un hyperonyme[24] - [25].

Lorsqu’il existe des termes intermĂ©diaires (tiĂšde) ou dont la force excĂšde celle des termes habituels (brĂ»lant, glacĂ©), on introduit la notion de scalaritĂ© (voir plus bas). Sinon, il s’agit d’antinomies considĂ©rĂ©es comme exclusives[26].

En linguistique, on parlera d’antonymie, de plusieurs types selon la nature du concept considĂ©rĂ© : complĂ©mentaire, scalaire, dual... L’application de la nĂ©gation linguistique Ă  un terme « polaire » ne produira un rĂ©sultat logiquement prĂ©visible que s’il s’agit d’une antonymie complĂ©mentaire (pas prĂ©sent signifie bien absent). Si le concept est scalaire, le rĂ©sultat est bien plus nuancĂ© : pas chaud ne signifie pas forcĂ©ment froid par exemple ; pas blanc ne peut signifier noir que dans des contextes particuliers... Dans le cas de l’antonymie duale (termes considĂ©rĂ©s comme opposĂ©s par l’usage), ce que signifie la nĂ©gation de l'un des termes dĂ©pend fortement du contexte : pas de soleil peut signifier pluie ou lune, pas manger : boire ou jeuner, etc.

La nĂ©gation appliquĂ©e Ă  un quantificateur (tout, jamais, un, certains...) pose Ă©galement des problĂšmes (voir plus bas), ces concepts ne semblant pas ĂȘtre bipolaires, mais tri- ou quadripolaires.

Enfin, pour un grand nombre de termes (dont la plupart des substantifs et des verbes), le concept de polaritĂ© ne s’applique pas, et la nĂ©gation ne peut donc s’interprĂ©ter dans ce cadre : pas de papier ne signifie ni le contraire, ni l’inverse de papier (ce qui n’aurait pas de sens), mais : absence de papier ; ne pas Ă©crire signifie s’abstenir d’écrire ou faire autre chose qu’écrire ; pas bleu signifie d’une couleur, quelle qu’elle soit, qui ne peut ĂȘtre qualifiĂ©e de bleue (et non pas orange)[27].

Contradictoire et contraire

En logique, deux termes sont dits contradictoires s'ils « englobent tout ce qui existe et excluent tout moyen terme » (ceci rejoint la notion de complémentaire), alors que deux termes contraires « ont un ou plusieurs moyens termes »[28] (voir ci-aprÚs : La scalarité).

Otto Jespersen fait remarquer[28] que les termes contradictoires sont souvent exprimés par des dérivés (malheureux, impossible, désordre, non-violence), alors que pour les termes contraires, on utilise trÚs souvent des paires de mots de racines différentes : jeune / vieux, bon / mauvais, grand / petit. L'espéranto constitue une exception remarquable à cette rÚgle, puisqu'il utilise systématiquement le préfixe mal- pour former les contraires (et ne- pour les contradictoires ; voir plus bas).

La scalarité

Un concept est dit scalaire (du latin scala, Ă©chelle) lorsque les termes qui en relĂšvent peuvent ĂȘtre disposĂ©s de façon ordonnĂ©e sur un axe orientĂ© (symĂ©trique ou non) ; on parle aussi de gradation[29]. Exemples :

ex. : glacĂ© ← froid ← frais ← (neutre) → tiĂšde → chaud → brĂ»lant
ex. : aucun → un seul → quelques-uns → un certain nombre → beaucoup → presque tous → tous

D'un point de vue logique, ces termes sont liés par une relation d'implication :

ex. : beaucoup implique quelques-uns, mais non l'inverse.

Selon certains, dans le cadre de la négation descriptive[30], une loi d'abaissement s'appliquerait généralement :

ex. : Il ne fait pas froid peut signifier qu'il fait doux, tiĂšde, chaud, mais non qu'il fait glacial.

Cette loi s'appliquerait également aux valorisations chiffrées :

ex. : Il n'est pas restĂ© cinq minutes signifie qu'il est restĂ© moins de cinq minutes (« pas mĂȘme » cinq minutes) ;

et aux quantificateurs :

ex. : pas beaucoup (« moins que beaucoup, assez peu »), pas un seul (« aucun »).

Il n'est cependant pas difficile de trouver des contre-exemples :

ex. : Je ne fais pas les trente-cinq heures, moi ! signifie que je travaille beaucoup plus que trente-cinq heures ;
ex. : Ça ne m'a pas coĂ»tĂ© trois francs six sous.

Il faut également prendre garde à l'orientation argumentative. Ainsi, le terme peu (de) est orienté négativement (contrairement à quelques, un peu), et donc :

ex. : Il n'est pas peu fier signifie « il est trÚs fier », et non « il est moins que peu fier ».

L'utilisation de [et] mĂȘme permet de repĂ©rer une gradation :

ex. : Il est intelligent, et mĂȘme gĂ©nial.

À la forme nĂ©gative, il est plus naturel d'inverser l'ordre des termes doit (loi d'inversion argumentative) :

ex. : Il n'est pas gĂ©nial, ni mĂȘme intelligent.
mais Il n'est pas intelligent, encore moins génial est possible.

Il faut se rappeler que l'interprétation de qualificatifs tels que grand, haut... dépend de la classe d'objets considérés :

ex. : Cet arbuste n'est pas haut (il fait moins de 1,50 m par exemple) ; cet immeuble n'est pas haut (il fait moins de 15 mĂštres).

Changement de paradigme

La rhĂ©torique joue frĂ©quemment sur l'ambigĂŒitĂ© de la signification de la nĂ©gation, selon qu'on se place dans le cadre des contradictoires ou de la scalaritĂ©.

Ainsi accepter et refuser semblent contradictoires, mais ne le sont pas si l'on envisage des situations intermédiaires telles que j'accepte, mais je ne prends pas la responsabilité des conséquences négatives éventuelles de cette acceptation, j'accepte, mais je ne pourrai agir en conséquence qu'au bout d'un certain temps, etc.

Dans La nuit, tous les chats sont gris, le prĂ©dicat sont gris reprĂ©sente la nĂ©gation de ont une couleur discernable. La publicitĂ© tĂ©lĂ©visĂ©e oĂč deux mĂ©nagĂšres exhibent chacune une chemise, l'une tellement blanche qu'elle est en fait lĂ©gĂšrement bleue et l'autre tellement grise qu'elle paraĂźt lĂ©gĂšrement jaune, repose sur une notion de « gris » opposĂ© Ă  « blanc », donc sur une logique binaire. La marque concurrente, qui promeut un produit qui laverait « plus blanc », cherchera Ă  utiliser les mĂȘmes mots, mais en se plaçant dans une autre perspective, en remplaçant l'alternative blanc ou gris par un continuum dans lequel blanc n'est pas non-gris, mais l'une des extrĂ©mitĂ©s d'une gamme qui s'Ă©tendrait d'un blanc idĂ©al Ă  un gris sale, synonyme de « comme s'il n'y avait rien eu de fait ».

Le carré des oppositions

Carré logique des oppositions.
Triangle linguistique des quantificateurs.

Laurence R. Horn, à la suite de Jespersen, a mis en évidence[31] une particularité remarquable des langues naturelles, en rapport avec le carré logique des oppositions : s'il existe des mots pour les quantificateurs universels affirmatifs (tous, chaque), universels négatifs (aucun, nul), particuliers affirmatifs (quelques, certains), on ne trouve dans aucune langue de terme élémentaire pour les particuliers négatifs (angle O du carré). Il faut recourir à des contournements négatifs telles que : pas tous les, ce qui fait ressortir un « trou lexical » systématique.

À partir de l'exemple :

  1. Certains hommes sont chauves
  2. Certains hommes ne sont pas chauves

Horn conjecture que (2) diffÚre de (1) au niveau de ce qui est dit (les conditions de vérité), mais pas au niveau de ce qui est communiqué (implicature), puisque dans les deux cas, la proposition communique :

Certains hommes sont chauves et certains hommes ne sont pas chauves

Et donc que les langues ont tendance Ă  ne pas lexicaliser les valeurs complexes, telles que : quelques... ne... pas, pas toujours, pas les deux, pas... et...

Jacques Moeschler fait remarquer[31] que contrairement aux affirmations, les négations ne se positionnent pas sur une échelle quantitative (scalarité). Son interprétation est que les trous lexicaux détectés ont pour cause « l'absence de rendement [efforts cognitifs-effets cognitifs] dans le calcul des explicatures (spécifications) dans des expressions faibles négatives » : les langues n'auraient en fait pas besoin de mots pour exprimer (O), cette notion n'étant pas ressentie comme suffisamment « pertinente ».

Absence, privation

Article négation de l'Encyclopédie de D'Alembert et Diderot. Le grammairien Nicolas Beauzée, auteur de l'article, y distingue mots privatifs et mots négatifs.

DÚs le XVIIIe siÚcle, dans l'Encyclopédie de d'Alembert et Diderot, Nicolas Beauzée distinguait « mots négatifs » et « mots privatifs »[32] :

« Ainsi la principale diffĂ©rence entre les mots nĂ©gatifs & les mots privatifs, c’est que la nĂ©gation renfermĂ©e dans la signification des premiers, tombe sur la proposition entiere dont ils font partie & la rendent nĂ©gative ; au-lieu que celle qui constitue les mots privatifs, tombe sur l’idĂ©e individuelle de leur signification, sans influer sur la nature de la proposition. »

La notion d'absence ou de privation peut ĂȘtre notamment exprimĂ©e par un prĂ©fixe (ex : apatride), par l'expression pas de ou par une prĂ©position, comme sans, qui peut s'appliquer Ă  un nom comptable ou non.

Monneret et Rioul[10] font remarquer que dans le cas d'un nom comptable, le substantif suivant sans sera au singulier ou au pluriel en fonction de son prototype. Ainsi, dans ce passage de Jules Supervielle :

ex. : Jusqu'Ă  ce que le sol ne soit / Que le reste d'une statue / Sans bras, sans jambes et sans tĂȘte[33]

bras et jambes sont au pluriel, tĂȘte au singulier, conformĂ©ment Ă  l'idĂ©e qu'on se fait d'une statue ; tandis qu'on Ă©crira plutĂŽt :

ex. : une hydre sans tĂȘtes.

Lorsque le prototype n'est pas marqué quant à la partie dont sans signifie l'absence, il y a hésitation :

ex. : une piĂšce sans fenĂȘtre(s), une veste sans poche(s)

Dans la phrase suivante, le choix se fera en fonction du présupposé :

ex. : Il a rendu une copie sans faute(s)

(On mettra faute au pluriel pour signifier « il a su éviter les fautes », au singulier pour effectuer un simple constat : « zéro faute dans la copie »).

Tentative de synthĂšse

DĂ©clarer Ă  quelqu'un : « Je ne vous aime pas » dĂ©note habituellement, sinon une haine, du moins une hostilitĂ© ou un mĂ©pris Ă  l'encontre de l'interlocuteur, donc un sentiment gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ© comme inverse de l'amour. Toutefois dans un autre contexte, dire de quelqu'un qu'on ne l'aime pas peut signifier simplement qu'on Ă©prouve une absence d'amour Ă  son endroit, ce qui peut signifier que le sentiment est limitĂ© Ă  de l'amitiĂ©, Ă  de la sympathie, Ă  un certain intĂ©rĂȘt, ou encore Ă  une indiffĂ©rence totale.

La négation peut donc, selon le cas :

  • Ă©voquer un concept diamĂ©tralement opposĂ© au concept niĂ©, ou son complĂ©mentaire ;
  • attĂ©nuer la valeur du concept Ă©voquĂ© ;
  • rĂ©duire Ă  une valeur nulle la valeur de ce concept ;
  • rĂ©futer la pertinence du concept (ex : Ce n'est pas immoral, c'est amoral).

L’objet de la nĂ©gation : la portĂ©e

La question de la portĂ©e (anglais : scope) de la nĂ©gation dans une phrase revĂȘt une importance cruciale, notamment pour la traduction automatique et l'intelligence artificielle. Noam Chomsky par exemple interprĂ©tait initialement[34] la phrase « Pierre n'aime pas Marie » comme « Pierre aime Marie + transformation nĂ©gative ». Dans la version Ă©tendue de sa grammaire gĂ©nĂ©rative et transformationnelle (1965), il constate que cette phrase peut aussi correspondre Ă  : Pierre n'aime pas Marie (il aime Suzanne) ; Pierre n’aime pas Marie (il l'adore) ; Pierre n'aime pas Marie (c'est Hector qui aime Marie). La sĂ©mantique dĂ©borde sur la syntaxe, la question Ă©tant : qu'est-ce qui est niĂ© au juste ?

Négation de phrase et négation de constituant

On distingue entre la nĂ©gation de phrase, ou phrastique, ou totale, et la nĂ©gation de constituant, ou partielle. La nĂ©gation de phrase, rĂ©putĂ©e « plus facile Ă  reprĂ©senter comme modale », peut s'interprĂ©ter[4] comme « une sorte de refus » appliquĂ© Ă  « la proposition complĂšte », qui peut se paraphraser en faisant prĂ©cĂ©der la proposition niĂ©e de Il est faux que, Ă  l'instar de ces langues oĂč la nĂ©gation est un verbe mis en tĂȘte de l'Ă©noncĂ©[35]. Toutefois, la distinction n'est pas toujours Ă©vidente (exemples de Ducrot) :

ex. : Je n'ai pas lu certains ouvrages de X (négation de constituant)

s'oppose bien Ă  :

ex. : Je n'ai pas lu tous les ouvrages de X (négation de phrase),

mais ces exemples rejoignent le problÚme général de la négation des quantificateurs (certains, tous) ; d'autre part :

ex. : Il n'aime pas les flics

serait une négation de constituant, alors que :

ex. : Il n'aime pas les femmes

serait une négation de phrase, au motif que ne pas aimer les femmes ne dénoterait pas « une horreur particuliÚre pour les femmes » et que cette phrase se présenterait comme « rejetant une opinion préexistante, admise ou au moins vraisemblable » (interprétation polyphonique).

Ces distinctions affectent le degré de détermination des groupes nominaux et sont parfois marquées. Le russe oppose ainsi deux formes de complément d'objet des verbes nié, suivant que ce complément est intégré à la portée (complément au génitif) ou exclu (complément à l'accusatif ; cf. également infra).

Portée et foyer de la négation

Selon le linguiste NÞlke, Larrivée[36] il faudrait distinguer portée et foyer de la négation, le foyer étant, selon NÞlke, « un segment de l'énoncé qui véhicule une parcelle d'information marquée comme essentielle », résultant de l'acte de focalisation. Touratier remarque que ce constituant apporte souvent « l'élément informatif central et le plus important de l'énoncé », ou encore le plus rhématique. Ainsi, selon la structure de la phrase, le foyer serait normalement :

  • dans le cas d'un syntagme nominal (SN) sujet + verbe intransitif : le verbe.
ex. : Jean fume → Jean ne fume pas
  • dans le cas d'un SN + verbe transitif + complĂ©ment du verbe : le complĂ©ment.
ex. : Jean fume le cigare → Jean ne fume pas le cigare
  • dans le cas d'un SN + verbe + circonstant : le circonstant.
ex. : Jean fume (le cigare) dans la journĂ©e → Jean ne fume pas (le cigare) dans la journĂ©e

Il est facile de voir que le cas des quantificateurs doit ĂȘtre traitĂ© Ă  part :

ex. : Tous les hommes rĂȘvent de Brigitte Bardot → Tous les hommes ne rĂȘvent pas de Brigitte Bardot (= pas tous les hommes)

ainsi que celui des adverbes modalisateurs, qui ne sont pas des circonstants :

ex. : Paul n'a pas vraiment convaincu l'auditoire (= On ne peut pas vraiment dire que Paul ait convaincu l'auditoire) ; comparer avec :
ex. : Paul n'a pas facilement convaincu l'auditoire (= Il l'a convaincu, mais avec peine).

Remarques

  • Les hĂ©sitations sur la portĂ©e de la nĂ©gation en français ou en anglais par exemple semblent aggravĂ©es par l'ambigĂŒitĂ© de la formulation nĂ©gative dans ces langues. L'exemple dĂ» Ă  Christina Heldner[37] et tirĂ© d'un article du Nouvel Observateur :
ex. : Je n'ai pas cité le nom de Robert Hersant à la légÚre
ne soulÚverait par exemple aucun problÚme de portée en russe :
ex. : Ja neslučajno upomjanul imja R.H. (litt. Je pas-au-hasard ai-citĂ© nom R.H.)
oĂč la nĂ©gation (ne-) est orthographiquement accolĂ©e Ă  l'adverbe.
Il faut toutefois rappeler que le français, comme d'autres langues, possÚde la ressource du clivage pour mettre l'accent sur le terme nié :
ex. : Ce n'est pas à la légÚre que j'ai cité le nom de R.H.
  • La question de la portĂ©e peut apparaĂźtre particuliĂšrement subtile dans le cas de la nĂ©gation appliquĂ©e Ă  certaines modalitĂ©s. Ainsi, pour la modalitĂ© Ă©pistĂ©mique[18] :
ex. : Pierre est certain que Sophie reviendra (la certitude entraĂźne normalement l'indicatif)
ex. : Pierre n'est pas certain que Sophie reviendra (il pense qu'elle reviendra, mais sans certitude : indicatif)
ex. : Pierre n'est pas certain que Sophie revienne (il doute qu'elle revienne : subjonctif).
  • Il y aurait lieu de prendre en compte pour l'interprĂ©tation de la nĂ©gation l'aspect tĂ©lique ou non du prĂ©dicat niĂ©. Ainsi, dans les exemples suivants, l'adverbe vite (et donc sa nĂ©gation) n'a pas le mĂȘme sens :
ex. : Il ne court pas vite (= il court, mais pas vite [sa vitesse est faible] ; atélique)
ex. : Cette lettre n'arrive pas vite (= cette lettre met du temps à arriver, je l'attends depuis longtemps, et non : cette lettre arrive, mais pas vite ; télique).

De fait, les typologues (cf. par ex. l'ouvrage de Claude HagÚge cité en note) relÚvent que dans prÚs de la moitié des langues connues, la négation s'accompagne d'une réorganisation des indices aspecto-temporels (cf. infra l'exemple de la relation négation/accompli en mandarin).

Modalité ou assertion

La négation d'une proposition simple peut s'interpréter de plusieurs maniÚres (d'aprÚs Ducrot[4] ; NEG représentant une modalité négative) :

  1. NEG (p) : modalité négative appliquée au dictum
  2. : assertion d'un dictum négatif
  3. NEG : modalité négative appliquée à une assertion.

Selon Ducrot, l'interprétation (1) est généralement préférée par les linguistes, en raison des spécificités de la négation, alors que (2) est préférée par les logiciens (dont Frege). La formulation (3) s'appliquerait par exemple à la négation métalinguistique.

Négation illocutionnaire et négation propositionnelle

John Searle distingue[30] deux éléments de la structure syntaxique de la phrase : le marqueur de contenu propositionnel (indiquant la proposition exprimée) et le marqueur de force illocutionnaire (indiquant l'acte illocutionnaire accompli). Ceci lui permet de rendre compte de la distinction entre négation illocutionnaire et négation propositionnelle, comme dans les exemples suivants [représentation formelle entre crochets] :

ex. : Je ne te promets pas que je viendrai []
ex. : Je te promets que je ne viendrai pas []

SpĂ©cificitĂ© de l’énoncĂ© nĂ©gatif

La conception freudienne

Sigmund Freud, citĂ© par Émile Benveniste[38], considĂ©rait que la nĂ©gation pouvait traduire un refoulement, dans le sens d'un refus d'admission prĂ©alable :

« Un contenu refoulĂ© de reprĂ©sentation ou de pensĂ©e peut s'introduire dans la conscience sous la condition qu'il se fasse nier. La nĂ©gation est une maniĂšre de prendre conscience de ce qui est refoulĂ©, et mĂȘme proprement une suppression du refoulement, mais qui n'est cependant pas une admission de ce qui est refoulĂ©... Il en rĂ©sulte une sorte d'admission intellectuelle de ce qui est refoulĂ©, l'essentiel du refoulement subsistant nĂ©anmoins. »

Selon Benveniste, « le facteur linguistique est dĂ©cisif dans ce procĂšs complexe », et « la nĂ©gation est en quelque sorte constitutive du contenu niĂ©, donc de l'Ă©mergence de ce contenu dans la conscience et de la suppression du refoulement » ; si le sujet conserve une rĂ©pugnance Ă  s’identifier au contenu, il n'a pas de pouvoir sur l’existence de ce contenu.

L’aspect « polĂ©mique » de la nĂ©gation

PolĂ©mique (du grec Ï€ÏŒÎ»Î”ÎŒÎżÏ‚, « guerre ») : « discussion, controverse ».

La négation déclarative n'est pas une formulation neutre. Elle répond habituellement, pour la réfuter ou la désapprouver, à une assertion, selon le cas :

  • effectivement exprimĂ©e par un interlocuteur, dans le cadre d'un dialogue direct
  • prĂ©cĂ©demment exprimĂ©e par un tiers (une autoritĂ©, un mĂ©dia, la doxa...), et (supposĂ©e) connue
  • hypothĂ©tique, c'est-Ă -dire qui aurait pu ĂȘtre formulĂ©e par quelqu'un, ou que le locuteur aurait pu se formuler Ă  lui-mĂȘme.

Dans le sens oĂč la nĂ©gation se prĂ©sente alors comme un « jugement sur un jugement », sa dĂ©finition en tant que modalitĂ© paraĂźt justifiĂ©e.

Lorsque l'assertion niĂ©e Ă©tait elle-mĂȘme Ă  la forme nĂ©gative, sa rĂ©futation prend, grammaticalement, une forme affirmative.

ex. : – Tu ne m'as pas rendu mes dix euros. – Si, je te les ai rendus !

Il n'existe pas dans toutes les langues de terme équivalent au si français. En russe par exemple, on utilisera plutÎt da pour signifier qu'on est d'accord avec la proposition énoncée (qu'elle soit à la forme affirmative ou négative), et net [n'et] pour exprimer son désaccord (voir aussi plus bas le cas du japonais).

Ducrot oppose à la négation polémique la négation descriptive, qui ne constituerait pas une réfutation, mais une information de type négatif. L'exemple mentionné par Touratier[36] :

ex. : Pierre ne doit pas fumer

paraĂźt toutefois douteux, dans le sens oĂč : 1/ cet Ă©noncĂ© est ambigu ou incomplet hors contexte, 2/ devoir est un verbe Ă  valeur modale (dĂ©ontique ou Ă©pistĂ©mique selon le cas). On peut interprĂ©ter cet Ă©noncĂ© comme :

  • l'assertion « Pierre a le droit de fumer » est fausse ;
  • Pierre a le devoir moral de ne pas fumer ;
  • (autre possibilitĂ© : on suppose que Pierre n'est pas fumeur, ce qui sort toutefois du prĂ©sent cadre).

Ces deux négations sont aussi en jeu dans les deux usages de mais, ainsi que dans les différents usages de non (voir article détaillé : Négation en français).

Asymétrie de la négation

Dans une logique binaire, la négation d'une négation devrait revenir à l'affirmation initiale. Ce n'est pas forcément le cas en linguistique[30] :

ex. : Je ne veux pas je refuse, mais :
ex. : Je ne refuse pas j'accepte
ex. : Tu n'es pas gentil tu es méchant, mais :
ex. : Tu n'es pas méchant tu es gentil.

Divers autres indices montrent que nĂ©gation et affirmation n'ont pas le mĂȘme statut. C'est le cas du « ou asymĂ©trique », introducteur, selon Chih-Ying Chiang[31], d'un « contexte nĂ©gatif » empĂȘchant la permutation des deux termes :

ex. : C'est cela ou rien, c'est lui ou personne # * C'est rien ou cela, personne ou lui
ex. : De gré ou de force # * De force ou de gré
ex. : La liberté ou la mort ! # * La mort ou la liberté !
ex. : Qu'il parle maintenant ou se taise Ă  jamais # * Qu'il se taise Ă  jamais ou parle maintenant

mĂȘme s'il existe des contre-exemples :

ex. : Prenez-le mort ou vif ; quitte ou double...

Par ailleurs, la négation déclarative est généralement moins informative que l'affirmation, du moins quand il ne s'agit pas de termes simplement contradictoires.

ex. : Le drapeau français contient du bleu # Le drapeau français ne contient pas de vert.

Les termes à polarité négative

Il existe des mots ou des expressions qui ne peuvent normalement s'employer qu'à la forme négative : on dit qu'ils ont une polarité négative[31]. Ainsi, en français :

ex. : grand-chose (qui a valeur de pronom indéfini[39])
ex. : lever le petit doigt, en démordre, faire une et deux, tomber de la derniÚre pluie...

Tyvaert suggĂšre[31] que de telles expressions sont conçues directement sous leur forme nĂ©gative, contrairement au fonctionnement habituel de la nĂ©gation dans l'esprit (d'abord le concept, puis sa nĂ©gation) : ce seraient « des propositions nĂ©gatives considĂ©rĂ©es pour elles-mĂȘmes (sans renvoi Ă  autant de propositions positives qui permettraient de les obtenir par composition) ».

Certaines de ces locutions ont toutefois d'autres emplois possibles (hypothĂšse, interrogation) :

ex. : Il refuse de parler Ă  qui que ce soit / Qui que ce soit, il attendra / Avez-vous vu passer qui que ce soit ?
ex. : Je n'en ai pas la moindre idée / La moindre idée serait la bienvenue / En as-tu la moindre idée ?

NĂ©gation, existence et deixis

S'il est possible de nier l'existence de quelque chose, il n'est en revanche pas possible de nier un déictique[40] :

ex. : Il y a des nuages → Il n'y a pas de nuages ;
ex. : Voici ton chapeau → * Ne voici pas ton chapeau.

En anglais, cette distinction requiert une plus grande attention, du fait de la proximité des formes[41] :

ex. : There was a man shot → There wasn't a man shot « Il y a eu / n'y a pas eu un homme abattu » ;
ex. : There comes Harry → * There doesn't come Harry « Voici Harry qui vient / * Voici Harry qui ne vient pas ».

Pragmatique de la négation

La calvitie du roi de France

L'actuel roi de France est-il chauve ?

Les propositions du type L'actuel roi de France est / n'est pas chauve (ou équivalent) ont fait couler beaucoup d'encre. Quelle est leur valeur de vérité, et que signifie leur négation[30] ?

  • du point de vue de Gottlob Frege[42], une telle phrase s'interprĂšterait comme suit : « le roi de France » dĂ©note un individu (vorausgesetzt = prĂ©supposĂ©) ET celui-ci est / n'est pas chauve (assertion).
  • Bertrand Russell dĂ©fend l’idĂ©e qu’une phrase qui contient une description dĂ©finie sans rĂ©fĂ©rent est tout simplement fausse ; il considĂšre que la nĂ©gation est ambigĂŒe pour des raisons de portĂ©e.
  • la position de Russell a Ă©tĂ© Ă  son tour critiquĂ©e par Peter Frederick Strawson, qui considĂšre que, si la prĂ©supposition (implication) est fausse, la question du sens de l’énoncĂ© ne se pose pas.

Russell et Strawson se rejoignent toutefois sur la notion d’ambigĂŒitĂ© des Ă©noncĂ©s nĂ©gatifs : il y aurait deux sortes de nĂ©gation, soit sur un plan lexical, soit sur le plan de la portĂ©e.

On a fait appel dans le cadre de cet exemple canonique Ă  la notion de portĂ©e large vs portĂ©e Ă©troite (il n'y a pas de roi de France # la propriĂ©tĂ© d'ĂȘtre chauve n'est pas satisfaite par l'individu dont on dit qu'il est roi de France), ou encore de nĂ©gation interne (qui n'attaque pas les prĂ©suppositions) vs nĂ©gation externe (les attaquant).

Toutefois, Jacques Moeschler[30] fait remarquer que la légitimité de cette distinction est posée, puisqu'on ne trouve pas, dans les langues naturelles, d'exemple de réalisation de ces deux types de négation. Par contre, il y aurait « une différence entre la vérité d'une proposition et son assertabilité » ; Laurence R. Horn propose ainsi de considérer une négation descriptive, vériconditionnelle, et une négation métalinguistique, non vériconditionnelle). La négation serait en fait sémantiquement univoque, mais aurait différents types d'emploi (point de vue pragmatique).

Ducrot[43] utilise ces mĂȘmes termes (nĂ©gation « descriptive » et « mĂ©talinguistique ») Ă  propos des exemples suivants :

ex. : Il n'y a pas un nuage au ciel. (négation descriptive, qui « parle de choses et non pas d'énoncés »)
ex. : Ce mur n'est pas blanc. (négation [généralement] métalinguistique, « énoncé sur un énoncé »)

et conclut que « lorsque la négation est employée de façon descriptive, il ne fait guÚre de doute qu'elle conserve les présupposés, notamment les présupposés d'existence », suggérant que les exemples habituels (le roi de France...) sont mal choisis et faussent la discussion.

Négation non vériconditionelle

Selon Moeschler, « la nĂ©gation est certainement l’exemple le plus spectaculaire pour montrer la divergence entre signification vĂ©riconditionnelle et sens pragmatique (non vĂ©riconditionnel) du connecteur. »[30] Dans les exemples suivants, la nĂ©gation n'affecte pas la valeur de vĂ©ritĂ© de la proposition, mais un autre aspect de l'Ă©noncĂ© (il s'agit donc de nĂ©gation mĂ©talinguistique) :

ex. : – Mary : Est-ce que tu as coupĂ© le viande ? – Max : Je n'ai pas coupĂ© le viande, j'ai coupĂ© la viande (contestation de la correction syntaxique de l'expression).
ex. : Anne n’a pas trois enfants, elle en a quatre (rectification du quantificateur)
ex. : Le directeur ne m’a pas demandĂ© de sortir, il m’a foutu Ă  la porte (rectification touchant Ă  la maniĂšre associĂ©e Ă  l'action et/ou au registre de langue).
ex. : Je ne suis pas son fils, il est mon pĂšre (rectification du point de vue).
ex. : Jean n'a pas cessé de fumer, il n'a jamais fumé (négation du présupposé : Jean fumait)[44].
ex. : Il n'aime pas le café : il adore le café (rectification touchant à l'intensité du terme utilisé).

On remarque que ces Ă©noncĂ©s sont auto-rĂ©fĂ©rentiels, et aussi (mĂȘme si Moeschler ne le fait pas) que dans plusieurs de ces exemples, l'expression apparaĂźt au premier abord comme paradoxale, prĂ©cisĂ©ment parce qu'on est davantage habituĂ© Ă  l'usage vĂ©riconditionnel de la nĂ©gation. De telles phrases peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme des effets de style, provoquant la surprise du destinataire, ou encore des clins d'Ɠil[45]. FrĂ©quemment, on marquera dans de tels cas le terme niĂ©, soit oralement, par l'intonation, soit typographiquement, par l'usage du gras (voir le 1er exemple), des guillemets, etc :

ex. : Anne n'a pas trois enfants, elle en a quatre.
ex. : Le directeur ne m'a pas « demandé de sortir », il m'a foutu à la porte.

Aspect psychomécanique

La négation est aujourd'hui fréquemment analysée selon la théorie psychomécanique du langage de Gustave Guillaume. Les termes négatifs sont alors comparés et classés en fonction de leur charge négative : il existerait en effet, au cours de la construction de la négation en pensée, un mouvement de négativation, mouvement stoppé plus ou moins précocement selon que la négation est inachevée (comme la négation explétive) ou complÚte (comme la négation par non).

Aspect psychologique

  • Des expĂ©riences (Wason, Cornish)[46] ont montrĂ© que « la phrase nĂ©gative est employĂ©e de prĂ©fĂ©rence lorsque le locuteur veut nier une proposition dont il croit que son interlocuteur la tient pour vraie. » Ainsi, lorsqu'en prĂ©sence d'un dessin l'on demande Ă  des sujets de dire le plus rapidement possible si la phrase suivante est vraie ou fausse :
ex. : Le cercle n'est pas entiĂšrement rouge
la réponse « vrai » est d'autant plus instinctive que le cercle en question contient une plus grande proportion de rouge (le partenaire pouvant croire qu'il est entiÚrement rouge).
  • Bernard Pottier note[40] que la modalisation (dans laquelle il inclut la nĂ©gation) est conceptuellement « un apport sur un support propositionnel » (« si l'on fait dessiner le panneau signifiant [DĂ©fense de fumer] Ă  un public, 95 % commenceront par la cigarette, et le trait oblique sera tracĂ© ensuite »), alors que la syntaxe du discours procĂšde habituellement par anticipation[47]. On trouve pourtant des cas dans la langue oĂč cette chronologie est respectĂ©e :
ex. : en espagnol, carteles no ou perros no (« défense d'afficher », « interdit aux chiens » ; litt. « des affiches, non », « des chiens, non »)
ex. : en russe, Vxoda net (« Défense d'entrer », litt. « d'entrée il-n'y-a-pas »)
ex. : en français : démissionner, ça, jamais !
Les langues des signes (voir infra) placent habituellement la négation en fin de phrase.
  • Ronald Langacker[48] envisage la nĂ©gation dans le cadre de l'opposition « figure - fond » (Foreground vs. Background) : le fond correspondrait Ă  la conception positive qui est niĂ©e. Il considĂšre le rĂ©fĂ©rent niĂ© comme une « instance virtuelle » associĂ©e Ă  un espace mental, ce qui apparaĂźt dans la phrase suivante, oĂč le pronom them renvoie Ă  une entitĂ© virtuelle :
ex. : I don't have any pets, so I don't have to feed them. (« Je n'ai pas d'animaux de compagnie, de sorte que je n'ai pas besoin de les nourrir »[49]).

Particularités des phrases interro-négatives

SaliĂšre de table ordinaire.

La négation est parfois utilisée dans les phrases interrogatives de la conversation comme une marque de politesse. Otto Jespersen[28] mentionne la phrase suivante, naturelle en danois, mais parfois surprenante pour un étranger :

ex. : Vil De ikke rÊkke mig saltet ? (littéralement : ne voulez-vous pas me passer le sel ? ; en français, on dirait par exemple : pourriez-vous me passer le sel ?[50]).

Elle semble correspondre dans ce cas à une atténuation de la formulation, ou à la suggestion courtoise d'une réponse dans le sens attendu. Ainsi, en français :

ex. : Ne prendrez-vous pas un verre de biÚre ? (ton de la suggestion, interprété comme plus poli que Prendrez-vous un verre de biÚre ?, trop direct ; anglais : Won't you have a glass of beer?[28]).

On parle d’interrogation rhĂ©torique, ou oratoire, lorsqu'on feint de poser une question pour mieux en suggĂ©rer la rĂ©ponse, positive ou nĂ©gative :

ex. : – N'est-il pas Ă©vident que nous sommes dans une impasse ? (interrogation nĂ©gative, rĂ©ponse suggĂ©rĂ©e : si, en effet).

Euphémisme et « politiquement correct »

L'usage de la nĂ©gation participe de l'attitude actuellement rĂ©pandue du politiquement correct, qui consiste notamment Ă  utiliser des euphĂ©mismes et des pĂ©riphrases pour Ă©viter de nommer trop crĂ»ment certaines rĂ©alitĂ©s. Ainsi, on dira un non-voyant de prĂ©fĂ©rence Ă  un aveugle, un SDF (« sans domicile fixe ») plutĂŽt qu’un clochard, etc. Louis-Jean Calvet fait remarquer que l'Ă©volution vers des termes tels que malentendants (au lieu de sourds) consiste, non plus Ă  dire les choses diffĂ©remment, mais Ă  dire des choses diffĂ©rentes, donc Ă  aboutir Ă  une vĂ©ritable distorsion de la rĂ©alitĂ©[51].

Ironie, litote, négation implicite

La nĂ©gation est frĂ©quemment utilisĂ©e dans le registre de l'ironie, oĂč l'on sous-entend l'inverse de ce que l'on exprime[52]:

ex. : Ne te fatigue pas, surtout !

et de la litote, oĂč il faut entendre davantage que la signification littĂ©rale :

ex. : Ce n'est pas mal (sous-entendu : c'est assez bien)
ex. : Va, je ne te hais point[53] (sous-entendu : je t'aime)

On peut parler de négation implicite[28] dans le cas de certaines formulations comme :

ex. : Suis-je le gardien de mon frÚre ? (question rhétorique)[54] (sous-entendu : non, bien sûr)
ex. : Moi, mentir ! (sous-entendu : cette suggestion n'est pas acceptable)
ex. : Que tu dis ! (sous-entendu : c'est ton opinion, et je ne la partage pas)
ex. : Penses-tu ! (sous-entendu : aucune raison de penser ainsi).

La double négation

Le terme « double nĂ©gation » s’emploie Ă  propos de trois types de prĂ©occupations diffĂ©rentes :

  • les possibilitĂ©s qu’offre la grammaire d’une langue pour exprimer la nĂ©gation d’une nĂ©gation ;
  • les difficultĂ©s pratiques dans la mise en Ɠuvre de ces possibilitĂ©s dues Ă  l'ambigĂŒitĂ© Ă©ventuelle des Ă©noncĂ©s concernĂ©s ;
  • les rĂšgles grammaticales qui interdisent ou autorisent une multiplicitĂ© de mots nĂ©gatifs dans une mĂȘme proposition.

La seconde préoccupation étant développée plus bas, seules la premiÚre et la troisiÚme sont traitées ci-aprÚs.

Négation de la négation

Certaines langues, telles le latin ou l’allemand, permettent de nier la nĂ©gation en prĂ©sence d’un seul verbe (y compris ses auxiliaires) dans une proposition.

Pour le latin,
par exemple, une grammaire[55] indique que « deux nĂ©gations, placĂ©es dans la mĂȘme proposition, valent une affirmation »

L'affirmation est renforcée, quand une négation composée précÚde une négation simple.

Nemo non venitil n'est personne qui ne soit venu.
= tout le monde est venu

L'affirmation est atténuée dans le cas inverse.

Non nemo venitce n'est pas que personne ne soit venu.
= il n'est pas venu grand monde

En allemand,
une rĂšgle similaire s'applique, comme dans l'exemple suivant[56] :

Ich habe nie keine BeschwerdenIl ne m'arrive jamais de n'avoir Ă  me plaindre de rien.
= J'ai toujours Ă  me plaindre de quelque chose

En français,
pour reproduire la mĂȘme logique avec deux nĂ©gations, il faut deux verbes :

  • il n'est personne qui ne soit venu ;
  • ce n'est pas que personne ne soit venu.
Combinaison de mots négatifs

D’autres langues, telles le français, l’anglais ou le russe, excluent la double nĂ©gation logique en prĂ©sence d’un seul verbe (y compris ses auxiliaires) dans une proposition. Dans ce cas, l’utilisation de certains mots, intrinsĂšquement nĂ©gatifs, ou prenant un sens nĂ©gatif dans un contexte nĂ©gatif ou privatif est soumise Ă  des rĂšgles variĂ©es qui dĂ©pendent de la langue considĂ©rĂ©e et de son Ă©tat d’évolution. Ainsi, elle est aujourd’hui normale en français (ne rien dire Ă  personne) ; en espagnol, on trouve concurremment no decir nada (a ninguno), « ne rien dire (Ă  personne) » et ninguno lo dice, « personne (ne) le dit ». En russe, elle est obligatoire : ona nikomu ničego ne skazala (« elle n'a rien dit Ă  personne »)[57], contrairement Ă  l'allemand (keinem / niemandem etwas sagen) ou Ă  l'anglais (to say nothing to anybody). Dans cette derniĂšre langue, la double nĂ©gation est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©e comme un solĂ©cisme ou une marque de langage relĂąchĂ©, alors que dans les textes en vieil anglais et en moyen anglais on la trouve assez couramment[28] :

ex. : He neuere yet no vileynye ne seyde / In al his lyf unto no maner wight « Il n’a jamais rien dit de dĂ©sagrĂ©able / A qui que ce soit de toute sa vie » (Chaucer)
ex. : I cannot goe no further « Je ne peux pas aller plus loin » (Shakespeare).

En anglo-amĂ©ricain populaire d’aujourd’hui, on trouve la forme ain’t no (pour « there is not no ») :

ex. : Ain’t no other man (« Y'a pas d’autre homme », titre d’une chanson de Christina Aguilera ; la forme « correcte » serait there is no other man, ou there isn’t any other man).

Lorsqu’elle est utilisĂ©e, la double nĂ©gation a gĂ©nĂ©ralement un effet expressif de renforcement (Jespersen la nomme « nĂ©gation cumulative »). Ce n’est pas le cas toutefois dans des expressions telles que :

ex. : Ce n’est pas impossible

qui reprĂ©sente une forme attĂ©nuĂ©e de C’est possible. Jespersen explique que « chaque fois que deux Ă©lĂ©ments nĂ©gatifs partiels s’appliquent Ă  une mĂȘme idĂ©e ou Ă  un mĂȘme mot, on a un rĂ©sultat affirmatif », ce principe se vĂ©rifiant dans « toutes les langues », mais que « l’expression qui comporte la double nĂ©gation a toujours un sens affaibli ».

En grec ancien, une nĂ©gation simple (Îżáœ ou Όᜎ) suivant une autre nĂ©gation simple ou composĂ©e (comme ÎżáœÎŽÎ”ÎŻÏ‚, « personne ») produit une affirmation, alors qu’une nĂ©gation composĂ©e qui suit une nĂ©gation simple ou composĂ©e renforce la nĂ©gation[58] :

ex. : ÎżáœÎŽÎ”ÎŻÏ‚ ÎżáœÎș ጔπασχΔ τÎč, « tout le monde souffrait », litt. « personne ne souffrait pas quelque chose »
ex. : Όᜎ ÎžÎżÏÏ…ÏÎźÏƒáżƒ ÎŒÎ·ÎŽÎ”ÎŻÏ‚, « que personne ne fasse de tumulte », litt. « que ne fasse pas de tumulte personne ».

En français, la locution : « vous n’ĂȘtes pas sans ignorer que » doit s’interprĂ©ter comme « vous ignorez que » ; elle est fautive si elle veut exprimer « vous ne pouvez pas ignorer », c'est-Ă -dire quand elle est confondue avec la formulation « vous n’ĂȘtes pas sans savoir ». Il s’agit d’une faute signalĂ©e comme « grossiĂšre et nĂ©anmoins courante » dans certains dictionnaires de difficultĂ©s du français[59].

NĂ©gation et stylistique

Joseph Vendryes fait remarquer[60] que les morphÚmes permettant d'exprimer la négation, contrairement par exemple aux noms concrets, qui évoquent des images visuelles, ne sont pas ceux qui frappent en premier lieu l'esprit du destinataire du message ; la conséquence lors de l'utilisation esthétique du langage est que certains écrivains auraient commis « de véritables contresens rythmiques ». Il cite en exemple ces vers d'un « poÚte contemporain » :

« Et d'entre les rameaux que ne meut nul essor
d'ailes et que pas une brise ne balance, (...) »

et commente : « Ces vers sont bien faits pour donner l'impression du battement des ailes d'un oiseau ou du balancement de la brise, et l'emploi de la négation n'écarte pas cette impression de l'esprit du lecteur. »

Expression de la négation

Perspective diachronique

L'expression de la négation n'est pas immuable dans une langue, considérée dans une perspective diachronique.

Ainsi, pour le français :

Pour l'anglais, Jespersen[28] indique l'Ă©volution suivante : « Ic ne secge → I ne seye not → I say not → I do not say → I don't say ». (Dans le cas du verbe to know « savoir », on pourrait aujourd'hui ajouter une Ă©tape supplĂ©mentaire I don't know → I dunno). Le not anglais rĂ©sulte de : ne (marqueur d'orientation inversĂ©e) + ā « "toujours » + wiht « chose »[5].

Particularités de la négation dans diverses langues

Nicolas BeauzĂ©e (B.E.R.M., BeauzĂ©e École Royale Militaire) considĂšre, en conclusion de l'article « NĂ©gation » de l'EncyclopĂ©die de D'Alembert et Diderot, que « ce qui est propre Ă  certaines langues [seulement] n'est nullement encyclopĂ©dique ».
IcÎne pour souligner l'importance du texte Cette section a pour but d'attirer l'attention sur des aspects remarquables de la négation dans diverses langues par rapport au français, et non de présenter simplement une liste de traductions de « ne pas » dans le plus grand nombre de langues possible. En cas de remaniements, attention aux liens directs dans d'autres articles sur les sous-sections ci-aprÚs.

En afrikaans

L'afrikaans semble ĂȘtre la seule langue de la famille germanique occidentale Ă  utiliser la double nĂ©gation (dans son registre normĂ©)[n 1] :

  • ex. : Ek het nie geweet dat hy sou kom nie « Je ne savais pas qu'il viendrait » (Ă©quivalent nĂ©erlandais littĂ©ral : Ik heb niet geweten dat hij zou komen, mais en pratique plutĂŽt : Ik wist niet dat hij zou komen).
  • ex. : Ek het nie geweet dat hy nie sou kom nie « Je ne savais pas qu'il ne viendrait pas » (nĂ©Ă©rl. Ik heb niet geweten dat hij niet zou komen, ou : Ik wist niet dat hij niet zou komen).

En allemand

En allemand, la tournure française pas de + nom est généralement rendue par l'article indéfini négatif kein- ; le pronom keiner (litt. aucun) s'emploie fréquemment au lieu de niemand (personne)[61] :

ex. : Sie braucht einen Mann → Sie braucht keinen Mann (elle a besoin / n’a pas besoin d'un homme)
ex. : Ich habe Zeit → Ich habe keine Zeit (j'ai le temps / je n’ai pas le temps)
ex. : Keiner weiß, wo er steckt (Personne ne sait oĂč il se cache).

Le préfixe négatif un- (ex. : unsicher « incertain ») peut dans certains cas prendre un autre sens, à la fois péjoratif et évoquant quelque chose de trÚs éloigné de la moyenne :

ex. : Unmensch, Untier « monstre (humain, animal) », [Un/un]geheuer « monstre, prodigieux, Ă©normĂ©ment », Unwesen « flĂ©au », Unwetter « tempĂȘte »...

En ancien français

L'ancien français[62] possÚde des forclusifs de temps orientés respectivement vers le passé (onque, unc...) et vers le futur (ja, souvent renforcé par mais, qui aboutira à l'actuel jamais, indifférencié) :

ex. : Unkes nul jur de son aé / Si bel chevalier n'esgarda / Ne ja mes si bel ne verra (Marie de France)
« Jamais au cours de sa vie elle n'avait contemplé d'aussi beau chevalier et jamais plus elle n'en verra d'aussi beau ».

En anglais

En anglais, dans la nĂ©gation de phrase, le nĂ©gateur not doit se placer aprĂšs une marque explicite de prĂ©dication[63], qui peut ĂȘtre un auxiliaire de conjugaison ou un auxiliaire modal. Il est d'ordinaire inaccentuĂ© (mais peut toutefois prendre l'accent en cas d'emphase) et s'amalgame Ă  l'auxiliaire dans la prononciation ; ces contractions sont notĂ©es Ă  l'Ă©crit en style familier.

ex. : They do not sleep / They don't sleep « ils ne dorment pas »
ex. : They are not sleeping / They aren't sleeping « ils ne sont pas en train de dormir »
ex. : They have not slept / They haven't slept « ils n'ont pas dormi »
ex. : They cannot sleep / They can't sleep « ils n'arrivent pas à dormir »
ex. : They could not sleep / They couldn't sleep « ils n'arriveraient / n'arrivaient pas à dormir »
ex. : They shall not sleep / They shan't sleep « ils ne pourront pas dormir »
ex. : They should not sleep / They shouldn't sleep « ils ne devraient / devaient pas dormir »
ex. : They will not sleep / They won't sleep « ils ne dormiront pas »
ex. : They would not sleep / They wouldn't sleep « ils ne dormiraient pas »

Les modalités de l'ordre et de l'autorisation posent des problÚmes particuliers : la négation de must, modal de l'obligation, ne produit pas une absence d'obligation mais une interdiction. L'absence d'obligation s'exprime par la négation du modal du besoin need.

ex. : They must not sleep / They mustn't sleep « ils ne faut pas qu'ils dorment »
ex. : They need not sleep / They needn't sleep « ils n'ont pas besoin de dormir, ils ne sont pas obligés de dormir »

La nĂ©gation de may / might, modal de l'autorisation et de la probabilitĂ©, est particuliĂšrement ambigĂŒe : elle peut s'interprĂ©ter comme une dĂ©fense ou comme une probabilitĂ© de non-rĂ©alisation de l'Ă©noncĂ©. À l'oral, l'ambigĂŒitĂ© peut se lever par la mise en relief prosodique de l'un ou l'autre Ă©lĂ©ment.

ex. : They may not sleep « ils n'ont pas le droit de dormir » / « il se peut qu'ils ne dorment pas »
ex. : They might not sleep « ils n'auraient pas le droit de dormir » / « il se pourrait qu'ils ne dorment pas »

Dans les phrases interro-négatives, construites par inversion entre l'auxiliaire et le sujet, la contraction du négateur avec le modal en entraßne le déplacement :

ex. : Do you not sleep? « ne dors-tu pas ? » / Don't you sleep? « Tu ne dors pas ? »

L'anglais possÚde un déterminant duel both « [tous] les deux » doté d'une forme négative : neither « ni l'un ni l'autre »[64] :

ex. : Neither restaurant is expensive « Ni l'un ni l'autre restaurant n'est cher »

La forme not both signifie, elle, « l'un ou l'autre, mais pas les deux » :

ex. : Family or career : why not both? « Famille ou carriÚre : pourquoi pas les deux ? »

En basque

En basque[65], la négation ez a tendance à fusionner avec le verbe. Entre la négation et le verbe, on ne peut trouver que certaines particules modales comme othe (interrogatif), ba (conditionnelle), bait (causale), omen (« paraßt-il »), etc. :

ex. : ez dut → eztut « je n'ai pas »
ex. : ez ziren → etziren « ils n'Ă©taient pas », mais :
ex. : ez omen da fitsik « il paraßt qu'il n'y a rien ».

En breton

En breton[66], la négation s'exprime par ne + verbe + ket. Cette forme impose que le verbe soit conjugué en "conjugaison personnelle", avec les marques de personne en fin de verbe :

ex. : me a lavar « je dis » (1re personne marquĂ©e par le pronom me) → ne lavaran ket « je ne dis pas » (personne marquĂ©e par la dĂ©sinence -an)

Quand le sujet est un groupe verbal au pluriel, s'il est placé avant le verbe celui-ci s'accorde en nombre, sinon il reste au singulier. La phrase « les enfants ne sont pas sages » peut donc se dire ar vugale n'int ket fur : sujet avant le verbe, celui-ci est à la 3e personne du pluriel (int), ou n'eo ket fur ar vugale : sujet aprÚs le verbe, celui-ci est à la 3e personne du singulier (eo).

Selon une autre interprĂ©tation[67], l'opposition se fait entre base verbale et forme conjuguĂ©e ; le cas du sujet placĂ© en apposition, derriĂšre le verbe, rejoint le cas oĂč il est placĂ© devant :

ex. : Ne c'hoari ket ar vugale er porzh « Les enfants ne jouent pas dans la cour » (c'hoari = base verbale, dans ce cas identique à l'infinitif)
ex. : Ar vugale ne c'hoariont ket er porzh (idem ; c'hoariont = forme conjuguée)
ex. : Ne c'hoariont ket er porzh, ar vugale (idem ; ar vugale placé en apposition).

La particule ne provoque la mutation adoucissante : krediñ « croire », ne gredan ket « je ne crois pas » : mutation k/g.

À l'impĂ©ratif, na remplace ne ; la relative nĂ©gative[67] utilise Ă©galement na plutĂŽt que ne :

ex. : Na ganit ket « Ne chantez pas »
ex. : Anaout a ran ur paotr ha na oar ober netra gant e zaouarn « Je connais un garçon qui ne sait rien faire de ses mains ».

En chinois (mandarin)

La particule nĂ©gative 䞍 bĂč (bĂș) du chinois est placĂ©e devant le groupe verbal ou insĂ©rĂ©e devant un second Ă©lĂ©ment verbal (zhăo bĂș dĂ o chercher nĂ©g. trouver = « ne pas pouvoir trouver »). Elle est en concurrence avec æČĄæœ‰ (mĂ©i yƏu) [litt. "nĂ©g y-avoir"], parfois rĂ©duit Ă  æČĄ (mĂ©i), lorsque le groupe verbal positif comporte une particule dite « finale » ou « modale » (ou encore « suffixe »[68]). Cette seconde nĂ©gation peut amalgamer nĂ©gation et valeur d'accompli, entraĂźnant la disparition des particules correspondantes de la forme positive :

ex. : tā lĂĄi « il vient » → tā bĂč lĂĄi « il ne vient pas »
ex. : tā lĂĄi le « Il est venu » → tā bĂč lĂĄi le « il ne vient plus » / tā mĂ©i (yƏu) lĂĄi « il n'est pas venu »

La négation est utilisée dans l'un des procédés de construction des interrogatives fermées, proche pour la forme (sinon le sens) de fr. Il est venu ou pas et Il est venu, non ? :

ex. : tā lĂĄi bĂč lĂĄi « Vient-il ? » (litt. Il venir NEG venir ?)
ex. : tā låi le méi låi « Est-il venu ? » (litt. Il venir particule NEG venir ?)
ex. : tā lĂĄi le mĂ©i yƏu « Est-il venu ? » (litt. Il venir particule NEG avoir ?)

En espagnol

En espagnol[69], la nĂ©gation no peut ĂȘtre renforcĂ©e par des mots tels que jamĂĄs, nunca, nada... ; des expressions comme en mi vida peuvent en arriver Ă  exprimer la nĂ©gation par elles-mĂȘmes :

ex. : No trabaja nada « Il ne travaille pas du tout » (mais : no hace nada « il ne fait rien »)
ex. : No volveré a comer eso en mi vida (« De ma vie, je ne mangerai plus de cela »), mais aussi :
ex. : En mi vida vi cosa parecida (« De ma vie, je (n')ai vu chose pareille »).

En espéranto

En espéranto[70], les contraires se forment avec le préfixe mal-, ce qui a pour effet de diviser par deux, dans ce contexte, le nombre de racines à retenir[71] :

ex. : ĝoja (gai) → malĝoja (triste)
ex. : granda (grand) → malgranda (petit dans le sens inverse de grand)
ex. : helpi (aider) → malhelpi (gĂȘner)
ex. : konsento (accord) → malkonsento (dĂ©saccord)
ex. : multe (beaucoup) → malmulte (peu)

C’est trĂšs gĂ©nĂ©ralement le terme connotĂ© nĂ©gativement qui est marquĂ© par le prĂ©fixe, mais pas toujours :

ex. : konfuza (trouble, confus) → malkonfuza (distinct, net)
ex. : timema (craintif) → maltimema (hardi)

Les contradictoires se forment avec ne- :

ex. : videbla (visible) → nevidebla (invisible)
ex. : rekonebla (reconnaissable) → nerekonebla (mĂ©connaissable)

La notion de sans se forme avec sen :

ex. : paga (payant) → senpaga (gratuit au sens de « pouvant ĂȘtre obtenu sans payer »)
ex. : kosta (cher, coĂ»teux) → senkosta (gratuit au sens de « ne coĂ»tant rien »)

En finnois

En finnois, comme dans de nombreuses langues ouraliennes, la négation s'exprime par un verbe auxiliaire marqué pour la personne : en (1re sg.), et (2e sg.), ei (3e sg.), emme (1re pl.), ette (2e pl.), eivÀt (3e pl.), suivi selon le temps grammatical exprimé soit d'une forme figée, soit d'un participe passé du verbe lexical[72].

ex. : (présent) En osta maitoa « Je n'achÚte pas de lait » (affirmatif Ostan maitoa)
ex. : (prétérit) En ostanut maitoa « Je n'achetais pas de lait » (affirmatif Ostin maitoa)
ex. : (parfait) En ole ostanut maitoa « Je n'ai pas acheté de lait » (affirmatif Olen ostanut maitoa)
ex. : (plus-que-parfait) En ollut ostanut maitoa « Je n'avais pas acheté de lait » (affirmatif Olin ostanut maitoa)

Le verbe négatif prend des formes spéciales à l'impératif pour exprimer la défense : ÀlÀ (2e sg.), Àlköön (3e sg.), ÀlkÀÀmme (1re pl.), ÀlkÀÀ (2e pl.), Àlkööt (3e pl.).

En géorgien

En géorgien, les trois principaux morphÚmes négatifs s'opposent sur le plan modal : ver marque la négation d'impossibilité, ar marque la négation comme choix (donc, éventuellement, comme volonté de ne pas), nu s'emploie dans les injonctions négatives. On les retrouve dans les trois traductions suivantes de fr. « ne... plus »[73] :

ex. : veghar vetzevi « je ne peux plus fumer »
ex. : aghar vetzevi « je ne fume plus » (c'est décidé)
ex. : nughar etzevi « ne fume plus »

En grec ancien

En grec ancien[74], les deux principaux adverbes de nĂ©gation sont Îżáœ (ÎżáœÎș, ÎżáœÏ‡, respectivement devant voyelle Ă  esprit doux et voyelle Ă  esprit rude) (dĂ©claratives...) et ÎŒÎź (souhait, Ă©ventualitĂ©, dĂ©fense...) Dans les subordonnĂ©es, ÎŒÎź est frĂ©quemment suivi du subjonctif.

  • Usage explĂ©tif
La proposition infinitive qui suit un verbe d’empĂȘchement ou de dĂ©nĂ©gation est introduite par un ÎŒÎź explĂ©tif :
ex. : αᜐτ᜞Μ áŒ€Ï€Î”ÎŻÏÎłÏ‰ Όᜎ ÎČÎ»ÎŹÏ€Ï„Î”ÎčÎœ « je l’empĂȘche de nuire »
Lorsque la principale contenant un tel verbe est elle-mĂȘme nĂ©gative, la nĂ©gation de l’infinitive est Όᜎ Îżáœ(Îș), qui ne se traduit pas en français :
ex. : αᜐτ᜞Μ ÎżáœÎș áŒ€Ï€Î”ÎŻÏÎłÏ‰ Όᜎ ÎżáœÎș ÎČÎ»ÎŹÏ€Ï„Î”ÎčÎœ « je ne l’empĂȘche pas de nuire » (et non : « de ne pas nuire »)
ex. : αᜐτ᜞Μ ÎżáœÎș áŒ€ÏÎœÎżáżŠÎŒÎ±Îč Όᜎ Îżáœ Ï„ÎżáżŠÏ„Îż Ï€ÎżÎčáż†ÏƒÎ±Îč « je ne nie pas avoir fait cela » (et non : « ne pas avoir fait cela »).
  • NĂ©gation en tĂȘte
Lorsque l’objet d’un verbe d’énonciation, d’opinion, etc. est nĂ©gatif, la nĂ©gation Îżáœ peut se placer devant le verbe principal, selon le verbe employĂ© :
ex. : ÎŽÎżÎșῶ « je vote oui » → Îżáœ ÎŽÎżÎșῶ « je vote non »
ex. : ΛέγΔÎč τ᜞Μ ÎłÎ”Ï‰ÏÎłáœžÎœ ÎżáœÎș ΔጶΜαÎč ÏƒÎżÏ†ÏŒÎœ « il dit que le paysan n’est pas sage » (complĂ©tive infinitive), mais :
ex. : Ο᜔ φησÎč τ᜞Μ ÎłÎ”Ï‰ÏÎłáœžÎœ ΔጶΜαÎč ÏƒÎżÏ†ÏŒÎœ (mĂȘme sens)
L’expression « mĂȘme si
 ne
 pas » se traduit par ÎżáœÎŽ' Δጰ, ÎżáœÎŽ' áŒÎŹÎœ (litt. « pas mĂȘme si » ; opposĂ© Ă  Îșα᜶ Δጰ, Îșα᜶ áŒÎŹÎœ = « mĂȘme si ») ; la nĂ©gation peut ĂȘtre rĂ©pĂ©tĂ©e ou non dans la principale.
ex. : ΟᜐΎ' Δጰ Ï€ÎŹÎœÏ„Î”Ï‚ áŒ”Î»ÎžÎżÎčΔΜ ΠέρσαÎč, Ï€Î»ÎźÎžÎ”Îč ÎżáœÏ‡ ᜑπΔρÎČÎ±Î»ÎżÎŻÎŒÎ”Îž' ጂΜ Ï„Îżáœșς Ï€ÎżÎ»Î”ÎŒÎŻÎżÏ…Ï‚ (DĂ©mosthĂšne) « (Pas) mĂȘme si tous les Perses nous rejoignaient, nous ne saurions l’emporter par le nombre sur nos ennemis ».
La nĂ©gation d’un optatif Ă  valeur attĂ©nuative renforce au contraire la valeur nĂ©gative :
ex. : λέγοÎčÎŒÎč ጄΜ « je dirais volontiers » → ÎżáœÎș ጂΜ λέγοÎčÎŒÎč « je ne saurais dire en aucun cas ».
  • Interro-nĂ©gatives oratoires
    Les interrogations dites oratoires (c.à.d. dont on suggÚre la réponse) sont introduites par :
    • ጆρ' ÎżáœÎș ou ÎżáœÎșÎżÏ…Îœ (Δጰ ÎżáœÎș dans les interrogations indirectes), si la rĂ©ponse attendue est oui :
      ex. : ጆρ' ÎżáœÎș ጄΟÎčόΜ ጐστÎč
 ; « ne vaut-il pas la peine de
 ? »
    • ጆρα ÎŒÎź ou ÎŒáż¶Îœ (= ÎŒÎź Îżáœ–Îœ ; Δጰ ÎŒÎź dans les indirectes) si la rĂ©ponse attendue est non :
      ex. : Î±áŒ°Ï„Î”áż–Ï‚ Δጰ Όᜎ ÎČέλτÎčÎżÎœ ጐστÎčÎœ ጀΎÎčÎșÎ”áż–Îœ « tu demandes si par hasard il vaut mieux ĂȘtre injuste ».

En hébreu

En hĂ©breu moderne, la nĂ©gation des verbes d'action nominalisĂ©s s'exprime par un morphĂšme spĂ©cifique, diffĂ©rent du nĂ©gateur habituel ŚœŚ (lo)[75] :

ex. : iy-amidat-am 'al tsekhut-am « leur non-insistance à propos de leur droit »

En indonésien

L'indonésien formel a deux formes de négation de base :

  • bukan, gĂ©nĂ©ralement utilisĂ© devant un substantif et traduit par "ne pas ĂȘtre",
  • tidak, qui ne peut ĂȘtre utilisĂ© que devant un verbe ou un adjectif.

En italien

L'italien[76] a conservé pour l'adverbe meno (« moins ») l'implication négative du terme latin originel minus, dans l'expression o meno (« ou non »). On peut ainsi dire :

  • ex. : Fateci sapere se accettate o meno « Faites-nous savoir si vous acceptez ou non »
  • ex. : S'Ăš discusso sulla legittimitĂ  o meno del provvedimento « On a discutĂ© sur la lĂ©gitimitĂ© ou l'illĂ©gitimitĂ© de cette mesure ».

Il fait également parfois apparaitre une négation dans une portion de phrase implicitement négative, par exemple aprÚs « plus que » :

  • ex. : La stampa [...] sta facendo qualcosa di piĂč che non dare una notizia (Umberto Eco dans L'Espresso, 1978) «La Presse [...], en l'occurrence, (sous-entendu par l'utilisation du prĂ©sent progressif "sta facendo"= "est en train de faire") va au-delĂ  du simple fait ("fait bien plus que") de ne pas donner d'information ».

En japonais

La marque de la négation en japonais est un morphÚme suffixal verbal :

ex. : taberu → tabenai « je mange → je ne mange pas »
ex. : tabemasu → tabemasen (idem, plus poli)

Ces morphÚmes contenant [n], remarquables exemples du caractÚre agglutinant de cette langue, sont sans conteste intégrés au verbe, comme le montre l'affixation possible du verbe par une terminaison marquant le passé :

ex. : tabenai → tabenakatta « je n'ai pas mangĂ© »
ex. : tabemasen → tabemasendeshita (forme plus polie).

Le non japonais, comme dans beaucoup d'autres langues et contrairement au français, ne confirme jamais une prédication négative. Une confirmation est toujours oui (hai) et une infirmation, toujours non (iie), quelle que soit la polarité du prédicat sur lequel porte l'adverbe oui ou non :

ex. : tabemasendeshitaka ? (« n'as-tu pas mangé ? ») ; réponse : hai (« oui, en effet, je n'ai pas mangé »).

Un équivalent japonais possible de la phrase française « Il faut manger » est tabenakereba narimasen, littéralement « si manger n'est pas le cas, ça n'est pas bon » (ou : « ça ne convient pas » ; -nakereba étant la forme conditionnelle de nai « n'existe pas, n'est pas le cas »)[5].

En langues sames

Les langues sames, de la mĂȘme maniĂšre que le finnois et l'estonien, ont un verbe de nĂ©gation, qui se conjugue selon le mode, la personne et le nombre (mais pas le temps).

En latin

Le latin permet la double nĂ©gation logique en prĂ©sence d’un seul verbe dans une proposition, ainsi que cela a Ă©tĂ© indiquĂ© plus haut.

Il existe des coordonnants négatifs[77] : neque (ou nec) dans les déclaratives, neve (ou neu) pour coordonner deux phrases impératives négatives ou deux propositions subordonnées conjonctives :

ex. : Omnes hostes terga verterunt neque prius fugere destiterunt quam ad flumen Rhenum (...) pervenerunt (CĂ©sar) « Tous les ennemis prirent la fuite et ne s'arrĂȘtĂšrent pas avant d'avoir atteint le Rhin »
ex. : Mulier ad rem divinam ne adsit neve videat quo modo fiat (Salluste) « Que l'Ă©pouse n’assiste pas au sacrifice ni ne voie comment il se dĂ©roule »

Dans une double interrogation, on peut trouver la forme necne quand le second membre est l'exact contraire du premier:

ex. : Quaesivi a Catilina in nocturno conventu ad M. Laecam fuisset necne (Cicéron) « J'ai demandé à Catilina s'il avait participé à une entrevue nocturne chez Laeca ou pas »

Le latin possÚde également des verbes modaux négatifs : nolo « je ne veux pas », nescio « je ne sais pas »... ; l'impératif noli / nolite, suivi de l'infinitif, sert de semi-auxiliaire dans l'expression de la défense. Son emploi est obligatoire. Exemple :

ex. : Noli, amabo, irasci Sosiae causa mea (Plaute) « Ne va pas, je te prie, te mettre en colÚre contre Sosie à cause de moi ».

Le latin n'a pas d'équivalent direct de l'adverbe français « non » en réponse à une question :

ex. : – Estne frater intus ? – Non est. « – Ton frĂšre est-il lĂ  ? – Non. »[23] (litt. « [il] pas est »).

En néerlandais

En néerlandais, pas est généralement traduite par l'adverbe niet ; le pronom geen (litt. aucun) s'emploie fréquemment pour dire pas de, personne se traduit par niemand :

ex. : Hij spreekt → Hij spreekt niet (il parle / il ne parle pas)
ex. : Ik won een ijs → Ik won geen ijs (j'ai gagnĂ© une glace / je n'ai pas gagnĂ© de glace)
ex. : Niemand weet waar hij was (Personne ne sait oĂč il Ă©tait).

ne... plus est traduit par niet meer et geen meer et il s'emploie trĂšs souvent :

ex. : Hij dronk wijn → Hij drinkt geen wijn meer (il buvait du vin / il ne boit plus de vin)
ex. : Je at wafels → Je eet geen wafels meer (tu mangeais des gaufres / tu ne mange plus de gaufres)
ex. : Ik sliep → Ik slaap niet meer (Je dormais / je ne dors plus)

Le préfixe négatif on- (ex. : onvergetelijk « inoubliable ») peut comme en allemand et en anglais prendre un autre sens, à la fois péjoratif et évoquant quelque chose de démesuré :

ex. : Ongeloof, « incrédule », onwe(d)er « orage », Ongeliefd, « non-aimé, impopulaire »...

Le néerlandais possÚde un déterminant duel beide (both en anglais) « tous les deux, à la fois » doté d'une forme négative : geen... van beide " ni l'un ni l'autre, aucun des deux " :

ex. : Geen schip van beide is beter dan de andere « Ni l'un ni l'autre navire n'est mieux que l'autre»

Le niet beide signifie, « l'un ou l'autre, mais pas les deux » :

ex. : Vakantie of werk : maar niet beide ! « Vacances ou travail : mais pas les deux ! »

En paluan

En paluan[78], le morphĂšme nĂ©gatif est frĂ©quemment suivi d’un marqueur d’une forme appelĂ©e « hypothĂ©tique » ou « subjonctif » selon les linguistes, et qu’Alain LemarĂ©chal interprĂšte comme un « changement d’orientation ». Cette forme « hypothĂ©tique » apparaĂźt aussi dans un contexte conditionnel, impĂ©ratif, modal, (parfois) temporel, et de thĂ©matisation d’un terme autre que le sujet. LemarĂ©chal oppose :

ex. : ng dĂ­ak k- ngĂĄlęk ęr a skĂșul « je ne suis pas un Ă©colier », Ă  :
ex. : ng dĂ­ak a mlĂĄi « il n’y a pas de canot », ng dĂ­ak a mlĂ­ -k « je n’ai pas de voiture »

en expliquant que dans le premier cas, la nĂ©gation (dĂ­ak) porte sur le prĂ©dicat nominal (ngĂĄlęk ęr a skĂșul) Ă  la forme dite hypothĂ©tique (k-, Ă  la 1re pers.sg.), alors que dans le second cas, le prĂ©dicat est la nĂ©gation elle-mĂȘme, au sens de « n’existe pas » (= ma voiture n’existe pas) [ng Ă©tant le prĂ©fixe personnel sujet 3e pers.sg., -k le suffixe possessif 1re pers.sg.] Il signale aussi :

ex. : ng dĂ­ak lę-mlĂ­-k « ce n’est pas ma voiture », qu’il glose en « le fait qu’elle est ma voiture n’existe pas ».

En pandunia

En pandunia, la négation, quel que soit son sens, est introduite par le mot ni[79].

Avant l’objet de la nĂ©gation, qu’il s’agisse d’un nom, d’un verbe, d’un adjectif, ni peut mĂȘme jouer le rĂŽle du verbe dans les phrases oĂč le sujet et le prĂ©dicat sont courts :

ex. : me ni hava maw « je n’ai pas de chat »
ex. : me ni te « je ne suis pas toi »
ex. : le ni novi « ce n’est pas nouveau »

Le mot ni renvoie ainsi Ă©galement la notion « pas », et la tournure « il n’y a pas de » :

ex. : me suku maw a ni waf « j’aime les chats mais pas les chiens »
ex. : me suku ni maw i ni waf « je n’aime ni les chats ni les chiens »
ex. : ni gaw ofisia sa ce « il n’y a pas de grands bureaux ici »

Il sert enfin à répondre par « non » aux questions :

ex. : ni. le ni nyama kafe. « Non. Il ne boit pas de café. »

En quéchua

En quéchua[80], la négation se construit avec le terme négatif mana « non » et la particule -chu (également utilisée pour exprimer l'interrogatif). Ces deux éléments encadrent la partie de la phrase qui est l'objet de la négation, mana portant en outre la marque de la modalité (assertif, citatif, conjecturel, dubitatif) :

ex. : alqu-qa mana-n aycha-ta mikhu-rqa-chu « le chien n'a pas mangé de viande »
ex. : mana-n aycha-ta-chu alqu mikhu-rqa « ce n'est pas de la viande que le chien a mangé »
ex. : mana-n alqu-chu aycha-ta mikhu-rqa « ce n'est pas le chien qui a mangé la viande ».

En russe

En russe, la nĂ©gation s’exprime par ne. Lorsqu’elle porte sur un constituant, ne se place immĂ©diatement devant lui[81] :

ex. : Ja ne vsĂ« ponjal « je n’ai pas tout compris », litt. « je pas tout ai-compris »

Il en va de mĂȘme dans les phrases signifiant l'inexistence ou l'absence (phrases impersonnelles) : la particule nĂ©gative prĂ©cĂšde le verbe ĂȘtre et fusionne avec lui au prĂ©sent : ne bylo (passĂ©), ne budet (futur), net (prĂ©sent : ne-t < ne + est' , Ă©galement comme mot-phrase : « non »).

ex. : Ego segodnja net « Il n'est pas là aujourd'hui » (litt. de-lui aujourd'hui il-n'est-pas)[82]

« Non plus » se dit toĆŸe (« aussi »), avec rĂ©pĂ©tition Ă©ventuelle de la proposition Ă  la forme nĂ©gative :

ex. : Moj drug ne čital Ăštu knigu. Ja toĆŸe [eĂ« ne čital]. « Mon ami n’a pas lu ce livre. Moi non plus. » (litt. « Je aussi [le pas ai-lu] »).

Le russe connaßt des expressions négatives figées comme nel'zja « il ne faut pas » :

ex. : Nel'zja kurit’ « DĂ©fense de fumer »
ex. : Mne nekogda « Je n’ai pas le temps » (litt. Ă -moi pas-quand).

La double nĂ©gation est de rigueur avec les pronoms indĂ©finis nĂ©gatifs (nikto = personne, ničto = rien) :

ex. : Nikto Útogo ne znaet « personne ne le sait »

L'expression française « faillir... (faire qqch) » se traduit en russe par čut' ne, edva ne :

ex. : Ja čut’ ne upal « j'ai failli tomber » (litt. « je un-petit-peu pas suis-tombĂ© »)

Enfin, au ne explétif des subordonnées conjonctives françaises répond une véritable négation, les subordonnées russes correspondantes étant des propositions semi-indépendantes :

ex. : Bojus', kak by ty ne upal « J'ai peur que tu ne tombes » (litt. « j'ai peur [de cela :] pourvu que tu ne tombes pas »)
[reposant sur : Kak by ty ne upal ! « Pourvu que tu ne tombes pas ! »][83]

En sanskrit

En sanskrit[84] :

  • la nĂ©gation courante est à€š (na), placĂ©e tantĂŽt en tĂȘte de phrase, plus souvent devant le verbe ou le mot niĂ© ;
  • la nĂ©gation prohibitive est à€źà€Ÿ (mā) ; la phrase avec mā peut aussi avoir une signification d'optatif prĂ©sentĂ© nĂ©gativement :
ex. : à€źà€Ÿ à€­à„‚à€Š à€†à€—à€€à€ƒ (mā bhĆ«d āgataáž„) « ne devrait-il pas ĂȘtre lĂ  ? »
  • la double nĂ©gation traduit gĂ©nĂ©ralement une affirmation insistante ;
  • la particule à€… (a), nie une qualitĂ© :
ex. : à€…à€Șà€Šà€Ÿà€€à€ż (apadāti) « qui ne va pas Ă  pied »
Elle peut aussi exprimer une antinomie, une exclusion ou un sens péjoratif, et peut figurer dans tous les types de composés.

En suédois

Le suĂ©dois possĂšde trois adverbes de nĂ©gation correspondant Ă  « ne... pas... » : inte, icke et ej. Les diffĂ©rences d’emploi nĂ©cessitent parfois des prĂ©cisions Ă  l’usage des SuĂ©dois eux-mĂȘmes[85].

  • inte est la forme actuellement la plus courante :
ex. : Du Ă€r inte ensam « Tu n’es pas tout seul »
  • icke, plus rare, est considĂ©rĂ© comme plus ancien et plus formel (alors qu’en danois et en norvĂ©gien, l’équivalent ikke est normal) ; toutefois il s’emploie couramment comme prĂ©fixe Ă©quivalent au français « non- » :
ex. : icke-vÄld « non-violence »
  • ej, assez rare, est utilisĂ© lorsqu’on recherche la concision, et peut ĂȘtre ressenti comme plus prohibitif ; il est aussi utilisĂ© dans l’expression eller ej « ou pas / ou non » :
ex. : Tro det eller ej « Croyez-le ou non »
ex. : Ej parkeras « DĂ©fense de stationner » (litt. pas ĂȘtre-stationnĂ©).

Exemple d’utilisation des trois termes dans une phrase :

ex. : Icke-existens kan ej bevisas : det gĂ„r inte att bevisa en icke-existens. « La non-existence ne peut pas ĂȘtre prouvĂ©e : il n’y a pas moyen de prouver une non-existence. »

En tamazight

En tamazight, la négation est exprimée par la particule ur (variantes régionales : wer, wel) placée avant le verbe.

ex. : Ur yeswi wergaz aman « L'homme n'a pas bu d'eau ».

Mais dans certains dialectes comme le taqbaylit ou le tachawit, il existe une double négation exprimée par ur... ara ou ur... ec.

ex. : Ur yemmut arawergaz / ur yemmut ec wergaz.

En tamoul

Le tamoul possÚde dans son paradigme verbal deux flexions distinctes, positive et négative[22]. Exemples[86]:

  • ImpĂ©ratif :
    • positif : racine verbale + -uáč…gaáž·
    • nĂ©gatif : infinitif + -ādē (sg.) / -ādÄ«rhaáž· (pl. et dĂ©fĂ©rent)
  • PrĂ©sent, passĂ©, futur :
    • positifs : racine verbale + suffixe temporel + suffixe personnel
    • prĂ©sent et passĂ© nĂ©gatifs : infinitif + -(yav)illai (illai signifiant « n'est pas »)
    • futur nĂ©gatif : infinitif + -māáč­áč­ + suffixe personnel
  • Conditionnel :
    • positif : racine du passĂ© + -āl
    • nĂ©gatif : infinitif + -āviáč­áč­Äl
  • Participes prĂ©sent et passĂ© :
    • positif : racine prĂ©sent/passĂ© + -a
    • nĂ©gatif : infinitif + -āda
  • Prohibitif : infinitif + -kĆ«áč­Ätu.

En tchĂšque

En tchĂšque[87], la nĂ©gation (ne) est systĂ©matiquement soudĂ©e en tĂȘte du verbe, il n'y a pas se traduisant par nenĂ­ (sg.) ou nejsou (pl.) :

ex. : MusĂ­te čekat → NemusĂ­te čekat (« Vous ĂȘtes / n'ĂȘtes pas obligĂ© d'attendre »)
ex. : NemĂĄme dost peněz (« Nous n'avons pas assez d'argent »)
ex. : Nekuƙte tady, to nenĂ­ dovoleno ! (« Ne fumez pas ici, ce n'est pas permis »).

En turc

En turc, la nĂ©gation (-me- ou -ma-) peut ĂȘtre incorporĂ©e dans la forme verbale, comme dans diverses autres langues[88]. Elle se place aprĂšs les marques Ă©ventuelles du rĂ©flĂ©chi / rĂ©ciproque, du factitif et du passif :

ex. : arama « ne cherche pas, n'appelle pas (au téléphone) » (ara-ma-)
ex. : Neden okumaya devam etmedin ? « Pourquoi n’as-tu pas continuĂ© Ă  lire ? »
ex. : yatÄ±ĆŸtırılmamak « ne pas ĂȘtre calmĂ© » (yat-Ä±ĆŸ-tır-ıl-ma-mak)

La nĂ©gation de l'adjectif s'obtient en faisant suivre celui-ci de değil, qui signifie alors « n'est pas » :

ex. : nazik değil « ce n’est pas gentil ».

En vÔro

Le vÔro, parlé dans le sud-est de l'Estonie, utilise des particules négatives différentes selon le temps, qui s'ajoutent à la fin du verbe, alors que l'estonien standard fait précéder le verbe d'une forme verbale négative invariable (ei) :

ex. : saq anna-aiq (« Tu ne donnes pas », estonien : sa ei anna)
ex. : saq anna-as (« Tu n'as pas donné », estonien : sa ei andnud)

Ces particules se conforment de plus aux rĂšgles de l'harmonie vocalique.

En langues des signes

Dans les diffĂ©rentes langues des signes[89], la nĂ©gation est habituellement exprimĂ©e par des « particules » (signes indĂ©pendants) accompagnĂ©es d'une mimique ou d'un mouvement de la tĂȘte, en gĂ©nĂ©ral en fin de phrase. Il existe toutefois des formes nĂ©gatives irrĂ©guliĂšres, en nombre variable selon la langue (jusqu'Ă  25 environ), qui, soit dĂ©rivent du signe habituel (par exemple en LDS allemande, l'expression de « ne pas pouvoir » combine un mouvement de la main simultanĂ© au signe « pouvoir » ; en LDS ougandaise, « ne pas aimer » fait suivre le signe « aimer » d'un mouvement spĂ©cifique de la main), soit se substituent Ă  lui (comme en LDS russe, oĂč les signes reprĂ©sentant « vouloir » et « ne pas vouloir » sont complĂštement diffĂ©rents). Certaines LDS n'utilisent aucune ou quasiment aucune forme nĂ©gative irrĂ©guliĂšre, comme les LDS d'Asie du Sud. Les irrĂ©gularitĂ©s concernent surtout des verbes comme savoir, comprendre, vouloir, aimer, pouvoir, devoir, avoir, exister, obtenir, des temps ou aspects (futur, passĂ©, accompli), et des Ă©valuateurs (juste / vrai, possible, assez).

Notes et références

Notes

Références

  1. « Nier : dire qu’une chose n’est pas vraie, n’existe pas ; rejeter comme faux » (Dictionnaire encyclopĂ©dique Larousse, 1979).
  2. Informations lexicographiques et étymologiques de « négation » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
  3. (en) SIL Glossaire SIL des termes linguistiques.
  4. Oswald Ducrot et Jean-Marie Schaeffer, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Seuil, 1995 (ISBN 2-02-038181-8).
  5. Culioli 2000.
  6. La nouvelle grammaire du français (J.Dubois et R.Lagane, Larousse, 1973), indique par exemple que toute phrase de la langue appartient à l'un des quatre types : déclaratif, interrogatif, impératif ou exclamatif, et à un seul ; et à plusieurs formes : affirmative ou négative, active ou passive, emphatique ou neutre.
  7. Le petit Grevisse, De Boeck, Bruxelles, 2007 (ISBN 978-2-8011-1356-1).
  8. Par convention, en linguistique, un Ă©noncĂ© considĂ©rĂ© comme incorrect (agrammatical, absurde
) est prĂ©cĂ©dĂ© d’un astĂ©risque (*), et un Ă©noncĂ© douteux, d’un point d’interrogation (?).
  9. Dumestre et Retord, Kó dÏ ? Cours de dioula, Université d'Abidjan, 1974.
  10. Monneret et Rioul, Questions de syntaxe française, PUF, 1999 (ISBN 2-13-049779-9).
  11. Le Robert et Nathan, Grammaire, Nathan, 1995 (ISBN 2-09-180328-6).
  12. Častotnyj slovar' russkogo jazyka, Russkij Jazyk, Moscou 1977.
  13. W.V.O. Quine, Le mot et la chose, Flammarion, 1977 (ISBN 2-08-081450-8).
  14. Anna Wierzbicka, Semantics: Primes and Universals, Oxford University Press, 1996 (ISBN 0-19-870003-2).
  15. « La nĂ©gation (ne pas) est simplement la nĂ©gation, et elle ne peut pas ĂȘtre rĂ©duite Ă  quoi que ce soit d’autre ».
  16. Lois Bloom, Language Development from Two to Three, Cambridge University Press, 1991.
  17. Jespersen risque l’hypothĂšse que la forme de dĂ©part de la nĂ©gation en latin, ne (et sa variante me) constituait « une interjection exprimant le dĂ©goĂ»t et produite essentiellement par le mouvement facial qui consiste Ă  contracter les muscles du nez » (in The Philosophy of Grammar, Allen & Unwin 1924, en français La philosophie de la grammaire, Éditions de Minuit 1971, Gallimard 1992).
  18. Robert Martin, Pour une logique du sens, PUF, 1983 (ISBN 2-13-044499-7).
  19. Cette formulation, due à l'origine à Alfred Korzybski, signifie « non-aristotélicien ». Korzybski précise que non-aristotélicien ne signifie pas dans son esprit anti-aristotélicien.
  20. GĂ©rard Sabah, L'Intelligence artificielle et le langage, HermĂšs 1988 (ISBN 2-86601-134-1).
  21. Raymond Lulle, au XIIIe siÚcle déjà, faisait ressortir dans la « figure T » de son Ars Magna une tripolarité Affirmatio / Negatio / Dubitatio (Réel / Négation / Douteux).
  22. Leonard Talmy, Toward a Cognitive Semantics, t.2 (ch.2), MIT Press, 2000 (ISBN 0-262-70097-2).
  23. Henri Goelzer, Dictionnaire latin-français et français-latin, GF Flammarion, 1966 (ISBN 2-08-070123-1) et (ISBN 2-08-070124-X).
  24. On le constate aussi anglais : How tall is he? « quelle est sa taille ? » # how small is he? « jusqu'à quel point est-il petit ? ».
  25. Charles Bally, dans son Traité de stylistique française (premiÚre éd. 1909), notait à ce sujet: « On peut dire que le contraire d'un mot abstrait fait partie du sens de ce mot » (1970, 5e éd., GenÚve, Libraire de l'université, Georg & Cie SA, chap. 47, p. 42). On retrouve, sous une forme plus élaborée, une position analogue dans le traitement de la négation proposé par Antoine Culioli (Culioli 2000) : aux items lexicaux est associée la représentation d'un domaine notionnel recevant une structure topologique (on peut y définir un Intérieur, un Extérieur, une FrontiÚre).
  26. Le physicien LĂ©vy-Leblond dans Aux contraires (Gallimard, 1996 (ISBN 2070745341)) fournit, pour inviter Ă  les dĂ©passer, une sĂ©rie d'exemples d'antagonismes conceptuels considĂ©rĂ©s comme exclusifs l'un de l'autre : droit # courbe, continu # discontinu, absolu # relatif, constant # variable, certain # incertain, fini # infini, Ă©lĂ©mentaire # composĂ©, etc. – et aussi vrai # faux.
  27. Toutefois, dans un contexte particulier (mĂ©tĂ©orologique), la nĂ©gation de bleu peut ĂȘtre gris (un ciel gris).
  28. Jespersen 1992.
  29. Pour une discussion détaillée de la sémantique de la gradation, voir Edward Sapir, Linguistique, Gallimard Folio, 1991 (ISBN 2-07-032617-9).
  30. Moeschler et Reboul 1994.
  31. Langages no 162, juin 2006, op. cit.
  32. Tome 11, article nĂ©gation, par B.E.R.M., c.Ă .d. BeauzĂ©e École Royale Militaire.
  33. Jules Supervielle, Mouvement, in: Gravitations, Gallimard, 1925.
  34. Mentionné dans G.Siouffi et D.van Raemdonck, 100 fiches pour comprendre la linguistique, Bréal 1999, (ISBN 2-84291-453-8).
  35. Māori et comox, signalés par Claude HagÚge, La structure des langues, Paris, PUF, 1982: 84.
  36. Mentionné par Christian Touratier, La négation (essai de définition et portée).
  37. Christina Heldner, La portĂ©e de la nĂ©gation, Stockholm, 1981 (thĂšse prĂ©sentĂ©e Ă  l'Institut d'Études Romanes).
  38. Émile Benveniste, ProblĂšmes de linguistique gĂ©nĂ©rale, Gallimard, 1966 (tome I) (ISBN 2-07-029338-6).
  39. Informations lexicographiques et étymologiques de « chose » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales & Informations lexicographiques et étymologiques de « grand » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
  40. Bernard Pottier, Sémantique générale, PUF, 1992 (ISBN 2-13-044159-9).
  41. George Lakoff, Women, Fire and Dangerous Things, University of Chicago Press, 1987 (ISBN 0-226-46804-6).
  42. L'exemple originel de Frege portait sur Kepler.
  43. Oswald Ducrot, Dire et ne pas dire, Éd.Hermann, 2003 (ISBN 2-7056-5908-0).
  44. Voir aussi : Mu (zen).
  45. Anna Wierzbicka, dans Semantics, Culture and Cognition (Oxford University Press, 1992, (ISBN 0-19-507325-8)) parle à ce sujet de « violation de certains composants sémantiques » et de « crypto-citation ».
  46. Jean Costermans, Psychologie du langage, Ed. Pierre Mardaga, Bruxelles, 1980 (ISBN 2-87009-125-7).
  47. Jespersen et L.R. Horn signalent des cas de phrases impĂ©ratives nĂ©gatives oĂč l'ordre des mots peut ĂȘtre « littĂ©ralement une affaire de vie ou de mort » : Kill him – oops ! not ! (anglais, au lieu de Don't kill him ! « Ne le tuez pas ! ») ; Ikke spis det ! (danois : « Ne mangez pas ça ! ») ; Nicht hinauslehnen (allemand : « Ne pas se pencher au-dehors »).
  48. Ronald W. Langacker, Cognitive Grammar, A Basic Introduction, Oxford University Press, 2008 (ISBN 978-0-19-533196-7), ch.3.2.1.
  49. Voir : Grammaire cognitive.
  50. Ce qui surprend tout autant certains Ă©trangers, qui se demandent pourquoi ils ne le pourraient pas...
  51. Louis-Jean Calvet, Le français dans le monde, avril 1996.
  52. Il s'agit d'un procédé appelé anticatastase et proche de l'antiphrase.
  53. Corneille, Le Cid.
  54. GenĂšse, 4, 9.
  55. Lucien Sausy - Grammaire latine (complÚte) - Librairie Fernand Lanore - Paris, 1947 (rééditée par Eyrolles en 2010 (§213).
  56. (de) « Die doppelte Verneinung », sur Deutsche WörterbĂŒcher und Grammatik (consultĂ© le ).
  57. Un exemple particuliĂšrement frappant de cumul de mots nĂ©gatifs en russe est fourni par les vers suivants d'Alexandre Blok : ĐœĐ”Ń€Ń‚ĐČыĐč ĐŒĐ”ŃŃŃ† Đ±Đ”ŃĐżĐŸĐŒĐŸŃ‰ĐœĐŸ ĐœĐ”ĐŒ / НоĐșĐŸĐŒŃƒ ĐœĐžŃ‡Đ”ĐłĐŸ ĐœĐ” ĐŸŃ‚Đșрыл « La lune morte, impuissamment muette / N'a rien dĂ©voilĂ© Ă  personne ».
  58. Source : Négation (rhétorique) (en).
  59. A.V.Thomas, Dictionnaire des difficultés de la langue française, Larousse, 1971 (ISBN 2-03-029302-4).
  60. Joseph Vendryes, Le langage : Introduction linguistique Ă  l'histoire, Albin Michel, 1968.
  61. Harrap's Grammaire allemande, 1997 (ISBN 0-245-50325-0).
  62. Claude Buridant, Grammaire nouvelle de l'ancien français, SEDES, 2000 (ISBN 2-7181-9265-8).
  63. Henri Adamczewski, Jean-Pierre Gabilan, Les clés de la grammaire anglaise, Armand Colin, Paris, 1992, 271 p (ISBN 2-200-01174-1), p. 31-2, 61-2.
  64. Raymond Murphy, English Grammar In Use, Cambridge University Press, 1985 (ISBN 0-521-28723-5).
  65. Pierre Laffitte, Grammaire basque, Elkarlanean 1998 (rééed.), (ISBN 2-913156-10-X).
  66. Frañsez Kervella, Yezhadur bras ar brezhoneg, Al Liamm 1995 (réédition).
  67. Yann Desbordes, Petite grammaire du breton moderne - 4e Ă©dition, MouladurioĂč Hor Yezh 1999 (ISBN 2-86863-052-9).
  68. Terme employé par Alexis Rygaloff, Grammaire élémentaire du chinois, Paris, PUF (coll. sup "Le linguiste") 1973 et retenu par V. Alleton, Grammaire du chinois, Paris, PUF ("Que sais-je"), 1979 (4e éd.).
  69. Bescherelle, La grammaire espagnole, Hatier, 1998 (ISBN 2-218-72267-4).
  70. Cart, Merckens et Berthelot, Vocabulaire Français-Esperanto Esperanto-Français, Lacour 1993 (rééd.) (ISBN 2-86971-653-2).
  71. L'ido a renoncé à cette option, perçue comme peu naturelle. En ido, « petit » = mikra par exemple.
  72. (en) Fred Karlsson, Finnish : an essential grammar, nouvelle éd., Routledge, coll. « Essential Grammars », London, 1999, 268 p. (ISBN 0-415-20705-3 et 0-415-20704-5), p. 69-71, 159-161, 168.
  73. Exemple emprunté à I. Assiatiani & M. Malherbe, Parlons géorgien, L'Harmattan, Paris, 1997 (ISBN 2-73-845123-3).
  74. Exemples rassemblés à partir de : Danielle Jouanna, Grec grands débutants, Ellipses, 2004 (ISBN 2-7298-2177-5).
  75. Bernard Comrie et Sandra A.Thomson, Lexical nominalization, in Language Typology and Syntactic Description, vol.III : Grammatical Categories and the Lexicon, Ă©d. Timothy Shopen, Cambridge University Press, 2007.
  76. Claude HagÚge (ill. Alain Bouldouyre), Dictionnaire amoureux des langues, Paris, éditions Plon-Odile Jacob, coll. « Dictionnaire amoureux », , 732 p. (ISBN 9782259204095 et 2259204090, OCLC 458764164).
  77. Bernard Bortolussi, La grammaire du latin, Hatier (Bescherelle), 1999 (ISBN 2-218-72753-6).
  78. Alain Lemaréchal, ProblÚmes de sémantique et de syntaxe en Palau, Editions du Centre national de la recherche scientifique, (ISBN 2-222-04594-0 et 978-2-222-04594-6, OCLC 26097429, lire en ligne)
  79. « Leçons », sur pandunia.info, (consulté le ).
  80. CĂ©sar Itier, Parlons quechua, L'Harmattan, 1997 (ISBN 2-7384-5602-2).
  81. I.N. Kouznetsova, Grammaire contrastive du français et du russe, Stratéguia, 2002 (ISBN 5-9234-0023-5).
  82. Le cas gĂ©nitif de l'unique groupe nominal (dans cet exemple: le pronom personnel) rĂ©pond au gĂ©nitif du complĂ©ment d'objet des verbes niĂ©s, ce qui rapproche cette configuration de l'ergatif. Toutefois, le complĂ©ment direct du verbe niĂ© peut Ă©galement ĂȘtre Ă  l'accusatif: ce livre dans je n'ai pas lu ce livre accepte les deux cas.
  83. De mĂȘme que l'interrogative indirecte se construit par simple adjonction (je ne sais pas ce qu'il a Ă©crit se traduit litt. je ne sais pas (:) qu'est-ce qu'il a Ă©crit - Ja ne znaju, čto on napisal). L'analyse de la particule nĂ©gative dĂ©pend donc ici de l'analyse de la subordination. Cf. P. Garde, L'emploi du conditionnel et de la particule by en russe, Aix-en-Provence, Ophrys, 1963 : 93-103.
  84. Louis Renou, Grammaire sanscrite, Maisonneuve, 1996 (rééd.) (ISBN 2-7200-0941-5).
  85. Voir par ex. les rÚgles de rédaction destinées aux policiers.
  86. D'aprĂšs Kausalya Hart & Christian Ghasarian, Tamoul pour dĂ©butants - Grammaire, AzalĂ©es Éditions, 1996.
  87. Dagmar Hobzova, Le tchĂšque tout de suite !, Pocket - Langues pour tous, 1997, (ISBN 2-266-07591-8).
  88. Bernard Golstein, Grammaire du turc, L’Harmattan, 1999 (ISBN 2-7384-8156-6).
  89. (en) Ulrike Zeshan, chapitre 139 « Order of Adposition and Noun Phrase » dans Martin Haspelmath (dir.), Matthew S. Dryer (dir.), David Gil (dir.) et Bernard Comrie (dir.), The World Atlas of Language Structures Online, Munich, Max Planck Digital Library, (ISBN 978-3-9813099-1-1).

Voir aussi

Bibliographie

Outre les travaux mentionnĂ©s ci-dessous ainsi que dans la section « Notes et rĂ©fĂ©rences », on pourra se reporter Ă  la bibliographie suivante, qui mentionnait en 1987 environ 3 200 livres et articles sur la nĂ©gation :

  • (en) Stefan Seifert et Werner Welte, A basic bibliography on negation in natural language, TĂŒbingen, G. Narr, coll. « TĂŒbinger BeitrĂ€ge zur Linguistik », c. 1987, 327 p., 22 cm (ISBN 978-3-87808-373-3, LCCN 87208048)

Ouvrages généraux

  • Antoine Culioli, Pour une linguistique de l'Ă©nonciation, vol. 1 : OpĂ©rations et reprĂ©sentations, Paris, Ophrys, coll. « L'homme dans la langue », 1991, cop. 1990, 225 p., 21 cm (ISBN 978-2-7080-0630-0), « La nĂ©gation : marqueurs et opĂ©rations », p. 91-113
  • Otto Jespersen (trad. Anne-Marie LĂ©onard), La philosophie de la grammaire [« The philosophy of grammar »], Paris, Gallimard, coll. « Tel », , 513 p., 19 cm (ISBN 978-2-07-072555-7)
  • Jacques Moeschler et Anne Reboul, Dictionnaire encyclopĂ©dique de pragmatique, Paris, Seuil, , 562 p., 23 cm (ISBN 978-2-02-013042-4, LCCN 95129366)

Ouvrages spécialisés

  • (en) Östen Dahl, « Typology of sentence negation », Linguistics : An international review, vol. 17, nos 1-2,‎ , p. 79-106 (ISSN 0024-3949)
  • (en) Otto Jespersen, Negation in English and other languages, Copenhague, A. F. HĂžst, coll. « Det Kongelige danske Videnskabernes Selskab. Historisk filologiske meddelelser », , 151 p., 24 cm
  • (en) E. S. Klima, « Negation in English », dans (en) Jerry Fodor et Jerrold Katz, The structure of language : readings in the philosophy of language, Englewood Cliffs (N.J.), Prentice-Hall, cop. 1964, XII-612 p., 24 cm (ISBN 978-0-13-854703-5)
  • (en) Laurence R. Horn, A Natural History of Negation, Stanford, Californie, CSLI Publications, coll. « The David Hume Series », , 637 p., 23x15 cm (ISBN 978-1-57586-336-8, LCCN 2001037822)
  • Jacques Moeschler, Dire et contredire : Pragmatique de la nĂ©gation et acte de rĂ©futation dans la conversation, Berne, Peter Lang, coll. « Processus discursifs », , 220 p., 22 cm (ISBN 978-3-261-05030-4)
  • Claude Muller, La nĂ©gation en français : Syntaxe, sĂ©mantique et Ă©lĂ©ments de comparaison avec les autres langues romanes, GenĂšve, Droz, coll. « Publications romanes et françaises », , 470 p., 23 cm (ISSN 0079-7812)
  • (fr) Langages, no 62, , « PolaritĂ©, nĂ©gation et scalaritĂ© », (ISSN 0458-726X) [prĂ©sentation en ligne]
  • (fr) Langue française, vol. 94, no 1, , « Les nĂ©gations », 127 p. (ISSN 0023-8368) [lire en ligne]

Articles connexes

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