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Dioula (langue)

Le dioula est un des parlers mandingue (sous-groupe des langues mandĂ©es), une langue parlĂ©e ou comprise par environ 20 millions de personnes au Mali, en CĂŽte d'Ivoire, au Burkina Faso (pays dans lequel le dioula a le statut de langue nationale) et prĂ©sente plus largement dans toute l'Afrique de l'Ouest comme langue vĂ©hiculaire, une des plus importantes de la sous-rĂ©gion.

Dioula
Jula
Pays Burkina Faso, CĂŽte d'Ivoire
Nombre de locuteurs 1,2 million comme langue maternelle pour le dioula uniquement et 9 millions avec les autres langues du continuum mandingue ; 18 Ă  23 millions comme langue vĂ©hiculaire.
Classification par famille
Codes de langue
IETF dyu
ISO 639-2 dyu
ISO 639-3 dyu
Étendue langue individuelle
Type langue vivante
Échantillon
Article premier de la DĂ©claration universelle des droits de l’homme (voir le texte en français) :
en dyoula, OCHR :

Baabu jɔnna

WĂłloÊŒ lĂĄ, hĂĄdamadenÊŒ bɛɛ ye hɔrɔn ye, bɛɛ kĂĄ kĂĄn lĂ nbe nĂ­ hĂĄkɛyaw lĂĄ. Mɔgɔ bɛɛ ye hĂĄkilitigi ye, bɛɛ ye hĂĄkilima ye ; ĂČ lĂ , Ăč kĂĄ kĂĄn kĂ  ÉČgɔn mĂ­na nĂ­ bĂĄdenya ye.

Utilisé originellement par les marchands itinérants originaires de l'actuel Mali, le dioula véhiculaire est un dialecte simplifié dérivé du bambara[1], dont il est trÚs proche par la structure et le vocabulaire.

A cÎté de ce « dioula interethnique » parfois appelé péjorativement tagboussikan par les locuteurs de langue maternelle mandingue, on recense plus d'une vingtaine de dialectes régionaux en CÎte-d'Ivoire qui sont communément nommés dioula.

À l’instar des autres langues mandĂ©es, le dioula est une langue tonale. Il peut ĂȘtre Ă©crit grĂące Ă  un alphabet latin adaptĂ© ou bien avec l'alphabet N'ko inventĂ© en 1949.

Formation

Pour la plupart des linguistes, le nom dioula provient du mot manding « jĂčla » qui veut dire « marchand »[2].

La plupart des locuteurs dont la langue maternelle est une langue mandingue méprisent le dioula qu'ils considÚrent comme une langue dégénérée, terme utilisé pour la désigner « Tagboussi », une langue dont le lexique est pauvre et abùtardi[2].

Écriture

La sous-commission du dioula au Burkina Faso

Au Burkina Faso, l’orthographe du dioula est rĂ©glementĂ©e par la sous-commission du dioula de la Commission nationale des langues.

La sous-commission nationale du dioula a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e le [3] et elle a immĂ©diatement lancĂ© des travaux visant Ă  fixer l'alphabet dioula. Un premier alphabet a Ă©tĂ© publiĂ© le et officialisĂ© le [4]. Par la suite, des lettres nouvelles ont Ă©tĂ© ajoutĂ©es, â€č c, j â€ș, pour les mots d’emprunt, d’autres ont Ă©tĂ© remplacĂ©es â€č sh â€ș par â€č s â€ș, et â€č ny â€ș par â€č ÉČ â€ș[5].

Alphabet latin

L'alphabet dioula du Burkina Faso comporte 28 lettres reprĂ©sentant si possible un phonĂšme unique. Dans l’orthographe, les voyelles longues sont reprĂ©sentĂ©es par le redoublement de la lettre, par exemple /e/ s’écrit â€č e â€ș et /eː/, â€č ee â€ș. La nasalisation d’une voyelle est reprĂ©sentĂ© Ă  l’aide du â€č n â€ș aprĂšs celle-ci, par exemple /áșœ/ s’écrit â€č en â€ș.

Alphabet (Burkina Faso)
ABCDE ƐFGHI JKLMN ÆĆŠOƆP RSTUV WYZ
abcde ɛfghi jklmn ÉČƋoɔp rstuv wyz
Valeur phonétique (API)
abtʃde ɛfghi dʒklmn ÉČƋoɔp rstuv wjz

La notation des tons avait été recommandée en 1973, mais cela n'a pas été suivi d'effets. Le guide de transcription de 2003 n'a d'ailleurs pas réitéré cette recommandation. Les tons sont notés cependant dans les ouvrages lexicographiques et dans certains cas, pour éviter des ambiguïtés.

Par exemple :

  • â€č a â€ș pour il/elle
  • â€č ĂĄ â€ș pour vous

Alphabet N'ko

L'alphabet N'ko a Ă©tĂ© inventĂ© en 1949 en CĂŽte d'Ivoire par le chercheur guinĂ©en d'origine malienne Solomana Kante ; il est aujourd'hui informatisĂ©. C'est l'alphabet le mieux adaptĂ© pour transcrire les langues avec tonalitĂ©. Mais le manque de financement des gouvernements et l'omniprĂ©sence du français (et donc de l'alphabet latin) dans tous les domaines de la vie quotidienne ont entravĂ© la diffusion de cet alphabet qui n'est utilisĂ© que par 400 000 Ă  900 000 personnes, principalement en GuinĂ©e et au Mali.

Voyelles

ɔ
o
/ɔ/
o
ĂŽ
/o/
u
ou
/u/
ɛ
Ăš
/ɛ/
i
i
/i/
e
Ă©
/e/
a
a
/a/
ߐߏߎߍߌߋߊ

Consonnes

ra
/ÉŸa/
da
/da/
tcha
/tÍĄÊƒa/
dja
/dÍĄÊ’a/
ta
/ta/
pa
/pa/
ba
/ba/
ߙߘߗߖߕߔߓ
ma
/ma/
la
/la/
ka
/ka/
fa
/fa/
gba
/ÉĄÍĄba/
sa
/sa/
rra
/ra/
ߡߟߞߝߜߛߚ
n'
/n̩/
ya
/ja/
wa
/wa/
ha
/ha/
na
/na/
nya
/ÉČa/
ߒ ߊ߄߀ߣ߹

En CĂŽte d'Ivoire

Le dioula est parlĂ© sur toute l’étendue du territoire ivoirien et est, avec le français, la seule langue nationale vĂ©hiculaire sur l’ensemble de celui-ci[2]. Il est trĂšs proche du bambara moderne et peut ĂȘtre considĂ©rĂ©, sous certains aspects, comme une variante rĂ©gionale de ce dernier[6].

Histoire

Le dioula a Ă©tĂ© diffusĂ© par les populations mandingues qui ont commencĂ© Ă  essaimer dans toute l’Afrique de l’Ouest vers le XVe siĂšcle et qui pratiquaient majoritairement le commerce. La colonisation n’arrĂȘte pas l’expansion et l’influence de la langue des Dioula, voire l'amplifie car les colonisateurs s'appuient sur ces marchands[7]. TrĂšs vite, le français et le dioula rentrent en concurrence au sein du nouveau prolĂ©tariat dĂ©tribalisĂ© des villes ivoiriennes[7].

Dans ce contexte de cohabitation, le dioula finit par servir « de langue du substrat Ă  la crĂ©ation de variĂ©tĂ©s d’argots en CĂŽte-d’Ivoire » comme le nouchi[7].

Catégories

La connotation trÚs populaire voire racaille du terme « dioula » en CÎte d'Ivoire fait que les intellectuels et les médias préfÚrent l'utilisation du terme considéré comme plus noble de « malinké »[2].

A cĂŽtĂ© du « dioula interethnique », le dioula des marchands, appelĂ© tagboussikan, qui sert de langue vĂ©hiculaire au nord de la CĂŽte-d'Ivoire et dans l’ouest du Burkina Faso, on compte plus d'une vingtaine de dialectes rĂ©gionaux en CĂŽte-d'Ivoire qui sont communĂ©ment nommĂ©s dioula et sont des langues maternelles.

Le foyer historique dioula se situe dans la région autour de la ville de Kong dans le nord-est de la CÎte d'Ivoire, et le dioula de Kong est souvent considéré lorsqu'il s'agit de comparer la « langue dioula » aux autres dialectes mandingues.

Les parlers du Nord-Ouest sont par contre trĂšs diffĂ©rents : ils s'approchent davantage des dialectes malinkĂ©s de GuinĂ©e et leur place au sein du groupe mandingue ainsi que leurs dĂ©limitations ne sont pas totalement Ă©claircies. Une enquĂȘte de la SociĂ©tĂ© internationale de linguistique en 1999 a conclu Ă  l'existence d'au moins cinq langues diffĂ©renciĂ©es : le mahou, le kaniga, le koyaga, l’odiennĂ©ka, le bondoukouka, le koro et le worodougouka[8].

En ce qui concerne le nouchi, une forme d'argot présente en CÎte d'Ivoire, ses deux langues sources sont deux parlers mandingues : le soso et le dioula[2]. L'emprunt de mot du dioula dans le nouchi a toutefois tendance à diminuer avec le niveau scolaire du locuteur[2].

Notes et références

  1. Jean-Louis Triaud, « La question musulmane en CĂŽte d'Ivoire (1893-1939) », Outre-Mers. Revue d'histoire, vol. 61, no 225,‎ , p. 542–571 (DOI 10.3406/outre.1974.1799, lire en ligne, consultĂ© le )
  2. Konate Yaya, « Le dioula vĂ©hiculaire : Situation sociolinguistique en CĂŽte d’Ivoire », Corela. Cognition, reprĂ©sentation, langage, nos 14-1,‎ (ISSN 1638-5748, DOI 10.4000/corela.4586, lire en ligne, consultĂ© le )
  3. RĂ©publique du Burkina Faso, ArrĂȘtĂ© ministĂ©riel no 54/ENC/CNU.
  4. RĂ©publique du Burkina Faso, ArrĂȘtĂ© ministĂ©riel no 367/ENC/CNU.
  5. Diallo 2001
  6. (en) Valentin Vydrine, « Who Speaks "Mandekan"? A Note on Current Use of Mande Ethnonyms and Linguonyms », MANSA Newsletter, no 29,‎ 1995-96, p. 6-9. (lire en ligne)
  7. J. Kouadio N’guessan, « Le nouchi et les rapports dioula-français », Le français en Afrique, Nice, ILF – CNRS, no 21 « Des inventaires lexicaux du français en Afrique Ă  la sociologie urbaine 
 Hommage Ă  Suzanne Lafage. »,‎ , p. 177-191 (lire en ligne [PDF])
  8. Douglas Boone, Mike Boling, Lamine SiluĂ© et Mary Anne Augustin, « EnquĂȘte sur les dialectes mandĂ© nord de CĂŽte d'Ivoire », Mandenkan, no 35,‎ , p. 17-71 (lire en ligne)

Voir aussi

Normalisation

  • Commission nationale des langues burkinabĂš – Sous-commission du dioula, Guide de transcription du Dioula, Burkina Faso,
  • Commission nationale des langues burkinabĂš – Sous-commission nationale du dioula, RĂšgles orthographiques du dioula, Ouagadougou, CoopĂ©ration suisse, , 69 p.

Etudes comparées

  • Maurice Delafosse, Vocabulaires comparatifs de plus de 60 langues ou dialectes parlĂ©s Ă  la CĂŽte d’Ivoire et dans les rĂ©gions limitrophes, Paris, E. Leroux, , 284 p.
  • Moussa Coulibaly et Haraguchi Takehiko, Lexique du dioula, Institute of Developing Economies, (lire en ligne)
  • Maurice Delafosse, Essai de manuel pratique de la langue mandĂ© ou mandingue. Étude grammaticale du dialecte dyoula. Vocabulaire français-dyoula. Histoire de Samori en mandĂ©. Étude comparĂ©e des principaux dialectes mandĂ©, Paris, Publications de l'INALCO, , 304 p.
  • M. J. Derive, « Dioula vehiculaire, dioula de Kong et dioula d’OdiĂ©nnĂ© », Annales de l’UniversitĂ© d’Abidjan,‎
  • Mohamadou Diallo, « Le noyau du code orthographique du dioula du Burkina Faso », Mandekan, Bulletin semestriel d’études linguistiques mandĂ©, no 37,‎ , p. 9-31
  • Y. Person, Samori : Une rĂ©volution dyula, t. 1, Dakar, IFAN, coll. « MĂ©moires de l’Institut fondamental d’Afrique noire »,
  • Y. Person, Samori : Une rĂ©volution dyula, t. 2, Dakar, IFAN, coll. « MĂ©moires de l’Institut fondamental d’Afrique noire »,
  • Y. Person, Samori : Une rĂ©volution dyula, t. 3, Dakar, IFAN, coll. « MĂ©moires de l’Institut fondamental d’Afrique noire »,
  • Mamadou Lamine Sanogo (mĂ©moire de maĂźtrise, sous la direction de Bakary Coulibaly), Les syntagmes nominaux du jula vĂ©hiculaire, UniversitĂ© de Ouagadougou, , 81 p.
  • Mamadou Lamine Sanogo (mĂ©moire de DEA, sous la direction de Bakary Coulibaly), Approche dĂ©finitoire du jula vĂ©hiculaire, UniversitĂ© de Ouagadougou, , 79 p.
  • Mamadou Lamine Sanogo, « Tons, segments et rĂšgles transformationnelles en jula », Mandenkan, Paris, no 30,‎ , p. 41-54
  • Mamadou Lamine Sanogo (thĂšse de l’UniversitĂ© de Rouen, sous la direction de Claude Caitucoli (URA-CNRS 1164)), Langues nationales, langues vĂ©hiculaires, langue officielle et glottopolitique au Burkina Faso : la problĂ©matique du jula vĂ©hiculaire, , 832 p.
  • Mamadou Lamine Sanogo, « Les fondements scientifiques d’une rĂšgle d’écriture orthographique : le redoublement de la voyelle finale du dĂ©fini en jula », Cahiers du CERLESHS, UniversitĂ© de Ouagadougou, no 16,‎ , p. 127-144
  • Mamadou Lamine Sanogo, À propos de jula Ă  Bobo-Dioulasso, , 73-83 p., chap. spĂ©cial 2, PUO
  • Mamadou Lamine Sanogo, « L’ethisme jula : origines et Ă©volution d’un groupe ethnolinguistique dans la boucle du Niger », dans Y. G. MadiĂ©ga et O. Nao, Burkina Faso, Cent ans d’histoire, 1895-1995, t. 1, , 370-379 p.
  • Mamadou Lamine Sanogo, « À propos des constructions du syntagme complĂ©tif en dioula », Cahiers du CERLESHS, UniversitĂ© de Ouagadougou, no 20,‎ , p. 179-211
  • Mamadou Lamine Sanogo, « Vers une approche sociolinguistique des dĂ©rivatifs en dioula vĂ©hiculaire », Cahiers du CERLESHS, UniversitĂ© de Ouagadougou, no 1* er numĂ©ro spĂ©cial,‎ , p. 221-223
  • Mamadou Lamine Sanogo, La recherche terminologique dans un dialecte couvert : le cas du dioula, Paris, Édition des archives contemporaines, , 631-639 p.
  • Louis Tauxier, Le noir de Bondoukou : koulango, dioula, Abrons, etc., Nandeln Liechtenstein, Crauss, rĂ©impression de l'Edition de Paris, E. Leroux, 1921, XII-770
Dioula de Burkina Faso
  • DAFS 1979. Lexique de base jula. Ouagadougou: DAFS.
  • DAFS 1982. Lexique pour l'alphabĂ©tisation des adultes (jula). Roneotyped. Ouagadougou, Paris: DAFS et ACCT.
  • Tera, Kalilu / Fritz Goerling et al. 1991. Julakan sebencogo ani a kumadenw sigicogo. Orthographe et grammaire pratiques du dioula. Abidjan : ILA, SIL.
  • AĂŻsata Dakoyu / Sanou, Le Dioula facile, Ouagadougou (2 tomes)
Dioula de CĂŽte d'Ivoire
  • Dumestre, GĂ©rard 1970. ElĂ©ments de grammaire dioula. Roneotyped. Abidjan : ILA.
  • Dumestre, GĂ©rard 1971. Cours de dioula Ă  l'usage des volontaires du Corps de la paix. Roneotyped. Abidjan.
  • Dumestre, GĂ©rard et G.L.A. Retord 1974. kĂł di, Cours de dioula, UniversitĂ© d'Abidjan, 1974, 318 p.
  • KonĂ©, Dramane 1982. Esquisse d'un parler jula. Ms. UniversitĂ© de Grenoble.
  • Kalilou Tera, Fritz Goerling, Randall Groff, Orthographe et grammaire dioula de CĂŽte d'Ivoire, Institut de linguistique appliquĂ©e, 1991, 90 p., Abidjan.

Articles connexes

Liens externes

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