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Mescaline

La mescaline (ou 3,4,5-triméthoxyphénéthylamine) est un alcaloïde psychotrope aux propriétés psychédéliques et enthéogÚnes qui possÚde une structure de phényléthylamine substituée. Elle est souvent rattachée à la catégorie mal définie des « drogues hallucinogÚnes ».

Mescaline
Image illustrative de l’article Mescaline
Image illustrative de l’article Mescaline
Structure de la mescaline
Identification
Nom UICPA 2-(3,4,5-triméthoxyphényl)éthanamine
Synonymes

3,4,5-triméthoxyphénéthylamine

No CAS 54-04-6
No ECHA 100.000.174
SMILES
InChI
Apparence poudre blanche
Propriétés chimiques
Formule C11H17NO3 [IsomĂšres]
Masse molaire[1] 211,257 6 ± 0,011 1 g/mol
C 62,54 %, H 8,11 %, N 6,63 %, O 22,72 %,
Propriétés physiques
T° fusion 35 à 36 °C[2] - [3] - [4]
T° Ă©bullition 180 °C (Ă  12 mmHg)[2] - [3] - [4]
Miscibilité soluble dans l'eau, l'alcool et le chloroforme. Peu soluble dans l'éther[2].
Écotoxicologie
DL50 souris (par ingestion)
880 mg·kg-1[5]

souris (intraveineuse)
157 mg·kg-1[5]
rats (injection sous-cutanée)
534 mg·kg-1[5] rats (intraveineuse)
157 mg·kg-1[5]

Données pharmacocinétiques
Excrétion

urine

CaractĂšre psychotrope
Catégorie HallucinogÚne psychédélique
Mode de consommation

Ingestion

Autres dénominations

Mescalito, mess, wizz

Risque de dépendance Nul

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

On la trouve Ă  l'Ă©tat naturel dans les tissus vĂ©gĂ©taux de plusieurs espĂšces de cactus, en particulier le peyotl (L. williamsii), d'oĂč elle est extraite depuis des millĂ©naires pour ĂȘtre consommĂ©e lors de rituels religieux. La dĂ©termination de sa structure Ă  la toute fin du XIXĂšme siĂšcle a ouvert la voie Ă  sa synthĂšse totale.

Historique

Les premiers travaux sur la mescaline datent de 1888, mais la molécule n'a été isolée et identifiée qu'en 1894[6] par l'Allemand Arthur Heffter, puis synthétisée en 1919 par Ernst SpÀth (en). Le pharmacologiste allemand Louis Lewin s'y était déjà intéressé en 1886. On décÚle la mescaline dans plusieurs cactus comme certaines espÚces des genres Echinopsis ou Lophophora, plus connu sous le nom de peyotl dont le principe actif le plus présent est la mescaline. L'usage du peyotl à des fins rituelles par les Amérindiens est ancien et son utilisation cérémoniale remonte à au moins trois mille ans comme l'ont démontré des fouilles archéologiques dans des grottes du Texas[7]. Il faut souligner que durant les cérémonies chamaniques, le chaman utilise le cactus entier, qui contient parfois d'autres principes actifs, et non de la mescaline purifiée ou synthétisée.

En Occident, la mescaline est commercialisĂ©e par deux grands laboratoires pharmaceutiques, Merck, en Allemagne, et Roche en Suisse. La substance fait l'objet de plusieurs thĂšses et articles de mĂ©decine[8] - [9] et de pharmacie et est notamment particuliĂšrement Ă©tudiĂ©e par le psychiatre Henri Ey[10]. Des intellectuels comme Jean-Paul Sartre[11], Antonin Artaud[12], Allen Ginsberg[13], ou Henri Michaux[14] se prĂȘtent Ă  l'expĂ©rience de la substance dans un cadre expĂ©rimental.

Aldous Huxley la dĂ©couvre en 1953 grĂące au psychiatre Humphry Osmond, et Ă  la suite de ses propos Ă©logieux dans son ouvrage Les Portes de la perception, de nombreux psychiatres l'utiliseront comme moyen d'investigation du psychisme mais Ă©galement dans un but thĂ©rapeutique. À partir des annĂ©es 1950 et en lien avec l'intĂ©rĂȘt portĂ© Ă  cette Ă©poque sur un autre psychĂ©dĂ©lique, le LSD, la mescaline devient de plus en plus Ă©tudiĂ©e en mĂ©decine jusqu'Ă  son classement dans la liste des stupĂ©fiants en 1971 qui sonne l'arrĂȘt des recherches sur cette classe de substances[15] - [16].

Chimie

Poudre de mescaline.

Sa structure est proche de celle de l'adrĂ©naline (les deux molĂ©cules partagent la mĂȘme base phĂ©nylĂ©thylamine, qui est un dĂ©rivĂ© de la phĂ©nylalanine, un acide aminĂ©). Elle est Ă©galement proche de celle de l'amphĂ©tamine.

Extraction

La molécule est présente à l'état naturel dans plusieurs variétés de cactus (famille des cactacées) dont le Lophophora williamsii ou Anhalonium lewinii[17] (voir aussi peyotl), le Trichocereus pachanoi (San Pedro) et le Trichocereus peruvianus (en) (torche péruvienne) ainsi que dans le Trichocereus bridgesii (torche bolivienne)

Il est possible d'extraire la mescaline en faisant sĂ©cher les boutons puis en les faisant tremper dans du mĂ©thanol pendant une journĂ©e. Le rĂ©sultat est ensuite filtrĂ©, en laissant le mĂ©thanol s'Ă©vaporer. La poudre obtenue est ensuite traitĂ©e avec du chloroforme et de l'acide chlorhydrique pour extraire les alcaloĂŻdes[18]. Il existe une mĂ©thode alternative qui utilise la faible solubilitĂ© du sulfate de mescaline, oĂč l'acide chlorhydrique est remplacĂ© par de l'acide sulfurique.

Un procédé moins élaboré consisterait à cuire les boutons dans un autocuiseur.

SynthĂšse

De nombreuses voies de synthÚse de la mescaline sont décrites dans la littérature scientifique. Une publication de 2018 en recense neuf, dont sept qualifiées de classiques et deux de plus modernes[19].

Une synthĂšse classique (dĂ©crite dĂšs 1919 par Ernst SpĂ€th[20] et reprise en 1991 par Alexander Shulgin dans PiHKAL) dĂ©marre par une rĂ©action de Henry au cours de laquelle le 3,4,5-trimĂ©thoxybenzaldĂ©hyde se condense avec le nitromĂ©thane en prĂ©sence d'acide acĂ©tique (solvant) et de cyclohexylamine (catalyseur). Pour obtenir la mescaline, le nitrostyrĂšne formĂ© doit ensuite subir une double rĂ©duction, Ă  la fois de la double liaison Ă©thylĂ©nique de la chaĂźne latĂ©rale et du groupe nitro qu'il faut convertir en amine. Pour cela le plus simple est d'employer un hydrure capable de rĂ©duire les deux fonctions, typiquement LiAlH4. À dĂ©faut il est possible de faire agir successivement deux agents rĂ©ducteurs, l'un pour la double liaison et l'autre pour le groupe nitro.

Une alternative consiste à traiter successivement le 3,4,5-triméthoxybenzaldéhyde par le tétrahydruroborate de sodium, le tribromure de phosphore, et le cyanure, puis à hydrogéner le produit obtenu[21].

Pharmacologie

La demi-vie de la mescaline est de l'ordre de six heures. La plus grande partie est éliminée par les urines.

Elle agit comme un agoniste sur les récepteurs sérotoninergiques[6], en particulier sur les récepteurs 5-HT2A et 5-HT2C[22]. La raison pour laquelle l'activation de ces récepteurs induit des effets psychédéliques reste méconnue, mais il semblerait que ce soit lié à l'activation de neurones dans le cortex préfrontal[23].

Le dosage effectif est de 200–500 mg pour un adulte (ou 3,75 mg kg−1) avec des effets qui durent au moins 12 heures[6] - [24]. Ce dosage en fait une drogue Ă  faible activitĂ© comparĂ©e au LSD puisqu'il faut une dose 5 000 fois plus faible de LSD pour obtenir des effets similaires ; autrement dit, 100 Â”g de LSD Ă©quivalent Ă  environ 500 mg de mescaline (entre 250 mg et 1 000 mg)[25]. Comme pour les autres phĂ©nylĂ©thylamines psychĂ©dĂ©liques, le rapport entre dose lĂ©tale et dose active est assez Ă©levĂ© par rapport Ă  d'autres classes d'hallucinogĂšnes (anticholinergiques par exemple).

Usage détourné et récréatif

Elle se vend (illégalement dans la plupart des pays) sous forme de poudre de différentes couleurs, de liquide, de capsules de gélatine ou de comprimés. Les échantillons vendus comme de la mescaline contiennent trÚs souvent de la PCP ou du LSD.

Effets et conséquences

Les effets physiques peuvent inclure :

Les effets psychiques et d'altération de la perception peuvent inclure :

À forte dose, la mescaline peut provoquer :

Dans le cas d'un bad trip, les effets sont plutÎt négatifs, l'euphorie et l'extase pouvant laisser place à l'angoisse et la peur.

La mescaline ne semble pas provoquer de dĂ©pendance physique ni psychique. Aucun cas de dĂ©cĂšs directement liĂ© Ă  la mescaline n'a jamais Ă©tĂ© recensĂ© en France. UtilisĂ©e dans un contexte traditionnel (chamanique) ou dans le cadre d'un groupe religieux comme l'Ă©glise des Indiens Natifs aux États-Unis (NAC), elle possĂšde des propriĂ©tĂ©s anti-addictives, permettant de lutter contre l'alcoolisation de ces populations[26].

En revanche, comme toute substance hallucinogÚne, elle peut causer des accidents psychiatriques graves et durables, parfois dÚs la premiÚre prise. On parle alors de « syndrome post-hallucinatoire persistant », à savoir angoisses, phobies, état confusionnel, dépression voire pseudo-hallucinations, critiquées et reconnues comme telles, pouvant persister plusieurs années[27]. Ces incidents ne semblent pas survenir chez les Navajos qui l'utilisent dans leurs rituels[28].

LĂ©gislation

La mescaline est répertoriée par la convention sur les substances psychotropes de 1971 ce qui rend son usage réglementé et surveillé.

La mescaline est classĂ©e comme stupĂ©fiant en France par l'arrĂȘtĂ© du fixant la liste des substances classĂ©es comme stupĂ©fiants (JO du )[29].

La mescaline a Ă©tĂ© rendue illĂ©gale aux États-Unis par le Comprehensive Drug Abuse Prevention and Control Act en 1970. Une dĂ©rogation autorise cependant les membres de la Native American Church (environ 250 000 membres[30]) Ă  l'utiliser pour leurs sacrements.

Consommateurs célÚbres

Dans la culture

Certains écrivains comme Jean-Paul Sartre et Henri Michaux ont été de grands consommateurs de mescaline[31]. Michaux lui a consacré un livre, Misérable Miracle, dans lequel il parle de son expérience personnelle avec cette drogue.

Dans le roman Las Vegas Parano (1972) et son adaptation cinématographique (1998), les deux personnages principaux (interprétés dans le film par Johnny Depp et Benicio del Toro) en utilisent à trÚs forte dose (« la bonne mescaline ça met du temps à faire effet »). En effet, dans Las Vegas Parano les personnages enchaßnent expériences, délires, et par conséquent, déformations de la perception en tous genres. Le film traduit bien l'aspect hallucinogÚne qui se manifeste notamment par la peur constante d'autrui dans leurs délires prolongés.

Dans le film Matrix (1999), le personnage de Choi, qui achÚte un programme pirate à Neo au début du film, y fait allusion comme étant pour lui « la seule façon de planer ».

Dans le film A Single Man (2009), rĂ©alisĂ© par le couturier Tom Ford, le personnage principal (incarnĂ© par Colin Firth) est un professeur d'universitĂ© dans les annĂ©es 1960 qui, lors d'une discussion avec l'un de ses Ă©tudiants, dĂ©clare s'ĂȘtre rasĂ© un sourcil aprĂšs avoir pris de la mescaline. Dans le film Les Amants passagers (2013) de Pedro AlmodĂłvar, plusieurs personnages prennent de la mescaline, volontairement ou Ă  leur insu, durant leur vol.

Molécules voisines

Plusieurs dérivés de la mescaline ont été synthétisés, comme l'escaline, la proscaline, la thiomescaline, la triméthoxyamphétamine (TMA), etc. Ces dérivés sont pour la plupart bien plus puissants que la mescaline.

Notes et références

  1. Masse molaire calculĂ©e d’aprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. (en) L. Reti, « The Chemistry of the Plant Phenethylamines Part 3.11 - Mescaline »,
  3. (en) Erowid, « Mescaline Chemistry »
  4. Les constantes physiques données concernent la mescaline pures, pour le chlorhydrate et le sulfhydrate, ces constantes diffÚrent (se reporter aux sources pour plus de précision)
  5. (en) « Health hazard data »
  6. Denis Richard, Jean-Louis Senon et Marc Valleur, Dictionnaire des drogues et des dépendances, Paris, Larousse, , 626 p. (ISBN 2-03-505431-1)
  7. (en) Peter Stafford, Psychedelics Encyclopedia, New York, Ronin Publishing, , 1004 p. (OCLC 897069457, lire en ligne), p. 388
  8. M. Ropert, La Mescaline en psychiatrie clinique et expérimentale (ThÚse de médecine), (lire en ligne)
  9. ROUHIER A et ROUHIER A., La plante qui fait les yeux émerveillés : le Peyotl, (ISBN 978-2-85707-332-1, lire en ligne)
  10. Henri Ey (1900-1977), Traité des hallucinations, (lire en ligne)
  11. « Études psychĂ©dĂ©liques - Gautier Dassonneville : "Sartre et la mescaline" 03/21 » (consultĂ© le )
  12. (en-US) Patrick Doyle, « Patti Smith Channels French Poet Antonin Artaud on Peyote », sur Rolling Stone, (consulté le )
  13. (en-US) Condé Nast, « The Father of Flower Power », sur The New Yorker, (consulté le )
  14. Henri Michaux, « Misérable miracle », sur www.gallimard.fr, (consulté le )
  15. Aymon de Lestrange, « Histoire de la découverte de quelques hallucinogÚnes », sur societepsychedelique.fr, Société psychédélique française, (consulté le )
  16. (en) Eric Bender, « Finding medical value in mescaline », Nature, vol. 609, no 7929,‎ , S90–S91 (DOI 10.1038/d41586-022-02873-8, lire en ligne, consultĂ© le )
  17. Aldous Huxley, Les Portes de la perception, 10/18, (ISBN 978-2-264-00125-2).
  18. (en) « Acid-Base Extraction of Mescaline from San Pedro », sur www.erowid.org, (consulté le ).
  19. Cassels BK & Såez-Briones P « Dark classics in chemical neuroscience : mescaline » ACS Chem Neurosci. 2018;9(10):2448-2458. https://doi.org/10.1021/acschemneuro.8b00215
  20. SpĂ€th E « Über die Anhalonium-Alkaloide. I. Anhalin und Mezcalin » Monatsh Chem. 1919;40, 129–154. AccĂšs libre
  21. (en) « Synthesis of Mescaline », sur www.erowid.org
  22. (en) BilZ0r, « Neuropharmacology of Hallucinogens: a brief introduction », Erowid.org,‎ (lire en ligne).
  23. (en) BĂ©ĂŻque JC, Imad M, Mladenovic L, Gingrich JA, Andrade R, « Mechanism of the 5-hydroxytryptamine 2A receptor-mediated facilitation of synaptic activity in prefrontal cortex », Proc Natl Acad Sci. USA, vol. 104, no 23,‎ , p. 9870–5 (PMID 17535909, PMCID PMC1887564, DOI 10.1073/pnas.0700436104, lire en ligne).
  24. Malin VedĂžy Uthaug, Alan K. Davis, Trevor Forrest Haas et Dawn Davis, « The epidemiology of mescaline use: Pattern of use, motivations for consumption, and perceived consequences, benefits, and acute and enduring subjective effects », Journal of Psychopharmacology (Oxford, England), vol. 36, no 3,‎ , p. 309–320 (ISSN 1461-7285, PMID 33949246, PMCID 8902264, DOI 10.1177/02698811211013583, lire en ligne, consultĂ© le )
  25. Chiffres obtenus Ă  partir de LSD, mon enfant terrible Ă©crit par Albert Hofmann.
  26. Olivier Chambon, La mĂ©decine psychĂ©dĂ©lique : le pouvoir thĂ©rapeutique des hallucinogĂšnes, Paris, Éditions des ArĂšnes, 2009, 396 p. (OCLC 318664421).
  27. (en) Hermle L, Simon M, Ruchsow M, Geppert M, « Hallucinogen-persisting perception disorder », Ther Adv Psychopharmacol (en), vol. 2, no 5,‎ , p. 199-205 (PMID 23983976, PMCID PMC3736944, DOI 10.1177/2045125312451270, lire en ligne).
  28. (en) JH Halpern, « Hallucinogens: an update », Curr Psychiatry Rep (en), vol. 5, no 5,‎ , p. 347-354 (PMID 13678554).
  29. arrĂȘtĂ© du fixant la liste des substances classĂ©es comme stupĂ©fiants (JO du ).
  30. Anne Garrait-Bourrier, « SpiritualitĂ© et fois amĂ©rindiennes : RĂ©surgence d’une identitĂ© perdue », Cercles, vol. 15,‎ , p. 80 (lire en ligne [PDF]).
  31. Alexis Broca, « Mescaline, la fleur et les Ă©pines du cactus », Le Magazine LittĂ©raire, no 542,‎ , p. 60 (lire en ligne AccĂšs payant)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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