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John Dewey

John Dewey (prononcĂ© [ˈdjuːi]), nĂ© le Ă  Burlington dans le Vermont et mort le Ă  New York, est un psychologue et philosophe amĂ©ricain majeur du courant pragmatiste dĂ©veloppĂ© initialement par Charles S. Peirce et William James. Il a Ă©galement beaucoup Ă©crit dans le domaine de la pĂ©dagogie oĂč il est aussi une rĂ©fĂ©rence en matiĂšre d'Ă©ducation nouvelle. Enfin, il a eu des engagements politiques et sociaux forts, notamment Ă  travers ses articles publiĂ©s dans le journal The New Republic.

John Dewey
John Dewey en 1902.
Naissance
DĂ©cĂšs
SĂ©pulture
Nationalité
Formation
École/tradition
Principaux intĂ©rĂȘts
Idées remarquables
ƒuvres principales
DĂ©mocratie et Ă©ducation (1916),
Reconstruction en philosophie (1920),
Expérience et Nature (1925),
Le Public et ses problĂšmes (1927),
La Logique (1938)
Influencé par
A influencé
PĂšre
Capt. Archibald Sprague Dewey (d)
Fratrie
Davis Rich Dewey (en)
Conjoints
Alice Chipman Dewey (d)
Estelle Roberta Lowitz Grant (d)
Distinction

Sa philosophie est d'abord marquĂ©e par l'instrumentalisme, c'est-Ă -dire par sa volontĂ© de rompre avec une philosophie classique qu'il voyait comme plus ou moins liĂ©e Ă  la classe dominante, pour en faire un instrument de transformation collective et dĂ©libĂ©rative du monde. Le principal moyen envisagĂ© par Dewey Ă  cette fin est ce qu'il nomme la « thĂ©orie de l'enquĂȘte », qui fait partie de son approche de la dĂ©mocratie et dans le cadre de laquelle les thĂ©ories philosophiques traditionnelles sont alors vues comme des moyens de fournir des hypothĂšses Ă  tester.

Dewey a participĂ© Ă©galement, en parallĂšle avec le nouveau libĂ©ralisme anglais, Ă  la constitution de ce qui est actuellement nommĂ© le « social-libĂ©ralisme » dont il se situe Ă  l'aile gauche. Pour lui l'individu n'est pas un ĂȘtre isolĂ©, mais participe Ă  une sociĂ©tĂ©. Cette thĂšse marque sa philosophie politique comme en tĂ©moigne l'importance donnĂ©e au public, et la rĂ©gulation des consĂ©quences des transactions et interactions entre individus, rĂ©gulation qu'il ne tient pas comme allant de soi, mais comme rĂ©sultant de l'« enquĂȘte », mais aussi du conflit, de la dĂ©libĂ©ration et de la persuasion. Sa philosophie politique vise aussi, et peut-ĂȘtre surtout, le dĂ©veloppement de l'individualitĂ©, c'est-Ă -dire de la rĂ©alisation de soi Ă  travers la dĂ©mocratie, conçue non pas comme une forme de gouvernement, mais comme une participation des individus Ă  l'action collective et comme Ă©thos ou culture. Enfin, sa pĂ©dagogie, Ă©troitement liĂ©e Ă  son idĂ©al dĂ©mocratique, vise Ă  donner aux Ă©tudiants les moyens et le caractĂšre nĂ©cessaires pour participer activement Ă  la vie publique et sociale.

Biographie

Les années de jeunesse

Transport de pétrole à Oil City en Pennsylvanie en 1864. Dewey a enseigné dans cette ville vers 1880.

John Dewey est né à Burlington dans le Vermont, au sein d'une classe moyenne d'origine flamande[1]. Il est le fils d'Archibal Sprague Dewey, homme d'affaires, et de Lucina Artemisia Rich Dewey, une évangéliste fervente. Il a un grand frÚre Davis Rich Dewey, économiste et un plus jeune frÚre, Charles Miner Dewey. Les parents de John étaient trÚs différents l'un de l'autre : alors que son pÚre était imprégné de l'expansion commerciale et économique, sa mÚre était plus préoccupée par le développement intellectuel, le service public et les valeurs morales[2].

Comme son ainĂ©, Davis Rich Dewey, il Ă©tudie Ă  l'universitĂ© du Vermont (Phi Beta Kappa), d'oĂč il sort diplĂŽmĂ© en 1879. L’intĂ©rĂȘt de Dewey en tant qu’étudiant se situait principalement dans le domaine de la philosophie politique et sociale, un cours enseignĂ© par Matthew Buckham, mais Ă©galement dans le domaine de la philosophie mentale et morale, enseignĂ© par H. A. P. Torrey[3].

Une fois diplĂŽmĂ©, Dewey enseigne pendant deux ans au niveau primaire et secondaire Ă  Oil City en Pennsylvanie. Pendant son temps libre, il poursuit son projet de lecture des classiques de la philosophie. Cette Ă©tude de la philosophie est soutenue par des cours particuliers de philosophie classique enseignĂ©s par son ancien professeur, H.A.P. Torrey. C’est, par ailleurs, ce dernier qui a encouragĂ© Dewey Ă  faire de la philosophie la carriĂšre de sa vie[4].

Dewey a presque 23 ans lorsqu’il continue ses Ă©tudes Ă  l’universitĂ© Johns-Hopkins en septembre 1882. Parmi les professeurs ayant eu une influence sur lui, on retrouve le philosophe et Ă©ducateur George Sylvester Morris qui lui fait dĂ©couvrir Hegel, et par G. Stanley Hall, un philosophe et psychologue qui dirige sa thĂšse[1]. Paradoxalement, alors qu'Ă  cette Ă©poque Charles S. Peirce enseigne Ă  cette universitĂ©, il ne se lie pas Ă  lui et ne dĂ©couvre le pragmatisme de Peirce que vingt ans plus tard[1]. Dewey obtient son Ph.D (doctorat) de l'universitĂ© Johns-Hopkins en 1884 avec une thĂšse non publiĂ©e et perdue, intitulĂ©e The Psychology of Kant[5]. Il est nommĂ© instructeur Ă  l'universitĂ© du Michigan (1884-1888 et 1889-1894), grĂące Ă  George Sylvester Morris.

Les années à l'université de Michigan

En septembre 1884, Dewey commence Ă  travailler en tant que professeur de philosophie Ă  l’universitĂ© du Michigan. Dewey a pris en charge les cours de psychologie et de philosophie[3]. Il poursuit ses recherches en psychologie et il a l’idĂ©e de rĂ©unir la nouvelle psychologie et le nĂ©o-hĂ©gĂ©lianisme en un seul systĂšme de pensĂ©e qu’on retrouve dans son livre Psychologie, paru en 1887[3]. Ce sont pendant ses premiĂšres annĂ©es dans le Michigan, que commence l’intĂ©rĂȘt de Dewey pour l’éducation primaire et secondaire. Il recherche alors une thĂ©orie de l’éducation qui viendrait concilier les exigences de l’éducation, de la psychologie et de la philosophie[3].

En 1888, Dewey est nommĂ© professeur de philosophie mentale et morale Ă  l’universitĂ© du Minnesota mais son sĂ©jour ne durera que six mois. En effet, Ă  la mort de G.S. Morris en mars 1889, Dewey retourne Ă  l’UniversitĂ© du Michigan oĂč il sera Ă©lu au poste prĂ©cĂ©demment occupĂ© par Morris, Ă  savoir au poste de directeur du dĂ©partement de philosophie[3]. Au cours de sa deuxiĂšme pĂ©riode au Michigan, influencĂ© par la biologie darwinienne et la psychologie fonctionnelle de William James, Dewey commence Ă  s’éloigner de l’hĂ©gĂ©lianisme pour se rapprocher de l’instrumentalisme[3]. Ce changement de pensĂ©e se reflĂšte notamment dans deux ouvrages : « Outlines of a Critical Theory of Ethics » et « The Study of Ethics »[3].

Dewey dĂ©veloppe l’idĂ©alisme expĂ©rimental selon lequel, la seule façon pour l’individu d’acquĂ©rir la connaissance de la RĂ©alitĂ©, ou de la VĂ©ritĂ©, c’est par l’action et l’expĂ©rimentation[3]. Selon Dewey, la science est un facteur d’organisation et d’intĂ©gration de la sociĂ©tĂ©. Le changement de pensĂ©e est Ă©galement accompagnĂ© d’un changement d’intĂ©rĂȘt : les intĂ©rĂȘts sociaux absorbent ses intĂ©rĂȘts religieux et la prĂ©occupation pour la dĂ©mocratie remplace sa prĂ©occupation pour l’Église[3].

Les années à l'université de Chicago

En 1886, il se marie avec Alice Chipman, une femme d'une grande force de caractĂšre. Ils ont six enfants. Cette union lui donne « punch et substance »[6]. InfluencĂ© par les idĂ©es libĂ©rales de sa femme, il abandonne le conservatisme de sa jeunesse ainsi que le calvinisme de sa mĂšre, une Ă©vangĂ©lique fervente[7]. En 1894, Dewey rejoint la nouvelle universitĂ© de Chicago[8] et, influencĂ© par le livre de William James, Principles of Psychology, abandonne l'idĂ©alisme pour se rapprocher du pragmatisme[9]. Durant ses annĂ©es Ă  l'universitĂ©, il publie quatre essais sous le titre collectif de Thought and its Subject-Matter, dans un ouvrage rassemblant Ă©galement des essais de ses collĂšgues de Chicago, dont le titre collectif est Studies in Logical Theory (1903). Il dirige le dĂ©partement de philosophie, de psychologie et d'Ă©ducation et fonde l'University of Chicago Laboratory Schools oĂč il peut tester ses idĂ©es en pĂ©dagogie, idĂ©es qu'il expose dans une sĂ©rie d'articles rassemblĂ©s dans son Ɠuvre principale en matiĂšre d'Ă©ducation : The School and Society (1899)[10]. En 1899, il est Ă©lu prĂ©sident de la SociĂ©tĂ© amĂ©ricaine de psychologie.

Pendant ses annĂ©es Ă  Chicago, Dewey se dissocie de plus en plus de la religion organisĂ©e pour la remplacer avec l’intĂ©rĂȘt pour les affaires Ă©ducatives et sociales. Dewey appartenait Ă  la FĂ©dĂ©ration civile de Chicago, un comitĂ© libĂ©ral qui rassemblait de nombreux professeurs d’universitĂ©s et qui rĂ©alisait des Ă©tudes sur les aspects politiques, Ă©ducatifs, moraux, philanthropiques et de santĂ© publique de la vie de la ville. En outre, Dewey entretient des relations Ă©troites avec Hull House, fondĂ©e en 1889 par Jane Addams. Il s’agit d’un des plus cĂ©lĂšbres Ă©tablissements sociaux des grandes villes Ă  cette Ă©poque. Il s’agissait d’un lieu de rencontre populaire pour les personnes aux opinions sociales diverses et ce sont ces contacts qui ont approfondi et affinĂ© les idĂ©es propres de Dewey[3].

Des dĂ©saccords avec l'administration de l'universitĂ© le conduisent Ă  dĂ©missionner de son poste. En 1904, alors qu'il visite l'Europe avec sa famille, un de ses fils, Gordon, meurt en Irlande de la fiĂšvre typhoĂŻde. C'est le second fils qu'ils perdent ainsi, et mĂȘme si, durant le sĂ©jour en Italie, ils adoptent un enfant du mĂȘme Ăąge, Dewey et sa femme ne s'en remettent jamais vraiment[11] - [12]. À partir de 1905, et jusqu'Ă  son dĂ©cĂšs, il est professeur de philosophie Ă  la fois Ă  l'universitĂ© Columbia Ă  New York[9] et au Teachers College de cette universitĂ©[13].

Maturité et postérité

BibliothĂšque Harper de l'universitĂ© de Chicago. Harper est le prĂ©sident de cette universitĂ© Ă  l'Ă©poque oĂč Dewey y enseigne.

Dewey considĂšre que sa pĂ©riode de maturitĂ© commence avec son ouvrage The Need for a Recovery of Philosophy (1917), dans lequel il insiste pour que la philosophie s'occupe d'abord des problĂšmes de l'homme et moins de ce qu'il appelle des pseudo-problĂšmes (comme l'Ă©pistĂ©mologie et la mĂ©taphysique)[9]. La pĂ©riode de l'entre-deux-guerres est particuliĂšrement fĂ©conde ; en dĂ©pit de la mort de son Ă©pouse en 1927. Il Ă©crit de nombreux ouvrages importants : Reconstruction in Philosophy (1919 ; traduit en français sous le titre : Reconstruction en philosophie, 2012), Human nature and conduct (1922), Experience and Nature (1925 ; en français : ExpĂ©rience et Nature, 2012), The Quest for Certainty (1929), Art as Experience (1934 ; en français : L'Art comme expĂ©rience, 2005), A Common Faith (1934)), Logic: The Theory of Inquiry (1938 ; en français : Logique : la thĂ©orie de l'enquĂȘte, 1967) ou encore Theory of Valuation (1939)[9].

Durant cette période, il écrit aussi des ouvrages plus tournés vers la philosophie politique : Le Public et ses problÚmes (1927) écrit pour partie en réponse à Walter Lippmann, Individualism Old and New (1930), Liberalism and Social Action (1935 ; en français : AprÚs le libéralisme) et Freedom and Culture (1939 ; en français : Liberté et culture)[9]. En plus de ses livres, il écrit dans des journaux, tel que The New Republic, et participe à la vie publique. Politiquement, il soutient lors des élections présidentielles Theodore Roosevelt en 1912 et le sénateur Robert M. La Follette en 1924[14]. Plus tard, il s'oppose au communisme soviétique et à ses affiliés. Sur l'échiquier politique, on le classe à l'aile gauche du New Deal de Franklin Delano Roosevelt[9]. Durant cette époque, il voyage notamment au Japon et en Chine (1919-1921), en Turquie (1924), au Mexique (1926) et en URSS (1928). Il écrit à la suite de ce voyage Impressions of Soviet Russia and the Revolutionnary World[11].

En 1946, John Dewey se remarie avec Roberta Lowitz Grant (1904-1970), et ils adoptent deux enfants, orphelins de guerre[15]. Il meurt en 1952, Ă  92 ans.

Si durant sa maturitĂ© il jouit d'une grande influence, celle-ci disparaĂźt trĂšs rapidement aprĂšs sa mort en 1952 alors que, dĂšs la fin de la Seconde Guerre mondiale, sa philosophie est supplantĂ©e par la philosophie analytique[9]. Toutefois, cette Ă©clipse est brĂšve et sa pensĂ©e connaĂźt assez rapidement un regain d'intĂ©rĂȘt notamment Ă  travers les Ɠuvres de Richard Rorty, Richard J. Bernstein, de Charles Taylor et de JĂŒrgen Habermas, qui dĂ©veloppent une approche de la dĂ©mocratie dont il peut ĂȘtre vu comme un des prĂ©curseurs[16].

Engagements humanistes

Dewey participe à de nombreuses activités humanistes des années 1930 aux années 1950. Il siÚge au conseil de la First Humanist Society of New York (1929) et fait partie des 34 signataires du premier Manifeste humaniste (1933), puis il est élu en 1936 membre honorifique de l'Association de la presse humaniste. Dans un article intitulé « What Humanism Means to Me » publié dans l'édition de de Thinker 2, il définit ainsi son humanisme : « Ce que l'humanisme signifie pour moi est une expansion, et non une contraction, de la vie humaine, une expansion dans laquelle la Nature et la science de la nature sont faites servantes consentantes du bien humain[17]. »

Engagements politiques et sociaux

Benedetto Croce, philosophe, historien et homme politique libéral italien, membre comme John Dewey du CongrÚs pour la liberté de la culture.

Dewey adhĂšre en 1935, en mĂȘme temps qu'Albert Einstein et Alvin Johnson, Ă  la section amĂ©ricaine de la Ligue internationale pour la libertĂ© acadĂ©mique[18].

En 1936, Il est Ă  la tĂȘte de la Commission Dewey chargĂ©e d'enquĂȘter sur les accusations portĂ©es par Joseph Staline Ă  l'encontre de LĂ©on Trotski. Lors d'une rĂ©union en 1938 Ă  Mexico, cette commission conclut Ă  la non-pertinence des arguments de Staline[19]. En 1950, Bertrand Russell, Benedetto Croce, Karl Jaspers et Jacques Maritain se mettent d'accord pour porter Dewey Ă  la prĂ©sidence honorifique du CongrĂšs pour la libertĂ© de la culture[20].

Engagement en matiÚre pédagogique

John Dewey est un des fondateurs du Michigan Schoolmaster's Club ainsi que de l'University of Chicago Laboratory Schools[6]. Parmi ses Ă©crits sur la pĂ©dagogie, certains sont notables : The School and Society (1899 ; traduction française : L'École et la sociĂ©tĂ©), How We think (1916 ; traduction française : Comment nous pensons), Democracy and Education (1916 ; traduction française : DĂ©mocratie et Ă©ducation) ou encore Experience and education (1938). Au dĂ©part, il conçoit l'Ă©cole comme un Ă©lĂ©ment-clĂ© de la dĂ©mocratie avant de revoir un peu son rĂŽle Ă  la baisse et de la considĂ©rer comme un Ă©lĂ©ment parmi d'autres[21]. Selon GĂ©rard Deledalle, Dewey est Ă  l'origine du fonctionnalisme en psychologie[5].

Sa mĂ©thode repose sur le « hands-on learning » (« apprendre par l'action ») oĂč le maĂźtre est un guide et oĂč l'Ă©lĂšve apprend en agissant[22]. Cette mĂ©thode est attaquĂ©e d'une part par les tenants d'une mĂ©thode « centrĂ©e sur les programmes » et d'autre part par ceux d'une mĂ©thode idĂ©aliste « centrĂ©e sur l'enfant »[22]. Pour Dewey, ces deux mĂ©thodes antagonistes reposent sur un dualisme entre l'expĂ©rience et les matiĂšres enseignĂ©es, dualisme qu'il rĂ©cuse[23].

À la crĂ©ation de la Progressive Education Association en 1919, John Dewey refuse tout d'abord d'en faire partie, puis accepte d'en ĂȘtre le prĂ©sident en 1926, et le reste jusqu'Ă  la fin de sa vie[24].

Les étapes de la pensée de Dewey

Auguste Renoir, Enfants sur la plage de Guernesey (1883). La Fondation Barnes est une institution oĂč Dewey a donnĂ© des confĂ©rences sur l'art, regroupĂ©es plus tard sous le titre Art as Experience (1934).

Pour Gérard Deledalle, dans sa jeunesse, Dewey a été influencé par Hegel et par Charles Darwin et il serait possible de dire « que l'histoire de la pensée de Dewey est la chronique d'un long effort pour réconcilier Darwin et Hegel »[1]. Si Darwin l'a conduit à se soucier de l'expérience, Hegel l'a préservé de l'empirisme[1].

Jusque vers les annĂ©es 1891, ses Ă©crits sont trĂšs marquĂ©s par l'idĂ©alisme de George Sylvester Morris. À partir de 1894 et de son Study of Ethics, l'instrumentalisme de Dewey commence Ă  s'exprimer en partie en lien avec l'Ă©ducation de ses enfants et en partie avec ses conversations avec George Herbert Mead[5].

En 1905, Ă  son arrivĂ©e Ă  l'universitĂ© Columbia, Dewey s'engage dans le courant pragmatique au sein duquel il dĂ©fend une position instrumentaliste. En 1917, il fait paraĂźtre un recueil d'essais d'auteurs tels que H. C. Brown, Addison Webster Moore, George Herbert Mead, B. H. Bode[25], H. W. Stuart, J. H. Tufts, Horace Kallen et lui-mĂȘme, intitulĂ© Creative Intelligence, un ouvrage que GĂ©rard Deledalle considĂšre « comme le manifeste du groupe de philosophes qui, Ă  la suite de Dewey, donnĂšrent au pragmatisme une interprĂ©tation instrumentaliste »[14]. Les rĂ©flexions de Dewey sur l'expĂ©rience et l'expĂ©rimentation le conduisent alors Ă  Ă©crire deux livres que GĂ©rard Deledalle estime importants : Experience and Nature (1925) et The Quest for Certainty (1929)[14].

Durant sa période à Columbia, il rencontre aussi Albert Barnes, un grand collectionneur d'impressionnistes (notamment de tableaux d'Auguste Renoir) et de postimpressionnistes, ce qui l'amÚne à réfléchir sur l'art. Les conférences données à la Fondation Barnes sont publiées sous le titre Art as Experience (1934)[14]

Les grands traits du projet philosophique de Dewey

Dewey et l'instrumentalisme

L'influence de Charles Darwin amĂšne Dewey Ă  « comprendre la pensĂ©e gĂ©nĂ©tiquement, comme le produit d'une interaction entre un organisme et son environnement, et la connaissance comme ayant une instrumentalitĂ© pratique dans l'orientation et le contrĂŽle de cette interaction »[trad 1] - [26]. Son instrumentalisme prend naissance avec son article de 1896 The Reflex Arc Concept in Psychology, dans lequel il conteste l'idĂ©e qu'une prise de conscience dĂ©coule de maniĂšre univoque d'une stimulation de l'environnement. Il voit dans cette façon de penser des rĂ©miniscences du dualisme corps/esprit[27]. À cette façon passive de concevoir l'ĂȘtre humain, il oppose une vision plus active, reposant sur un processus d'interaction entre l'homme et son environnement. Il dĂ©veloppe ce « naturalisme interactif » dans l'introduction des quatre essais Studies in Logical Theory dans lequel il lie instrumentalisme et pragmatisme en se rĂ©fĂ©rant Ă  William James[27]. C'est Ă©galement dans cet ouvrage qu'il Ă©nonce les phases du processus de son concept d'« enquĂȘte » : situation problĂ©matique, recherche des donnĂ©es et des paramĂštres, phase rĂ©flexive d'Ă©laboration des solutions et de tests de façon Ă  trouver la solution qui convient[27]. Pour lui, cette solution dĂ©bouche non sur la vĂ©ritĂ© mais sur ce qu'il appelle l'« assertabilitĂ© garantie ». De 1906 Ă  1909, en parallĂšle avec William James, il s'interroge sur ce qu'est la vĂ©ritĂ© pour un pragmatiste[27].

John Dewey commence Ă  appliquer les principes de l'instrumentalisme Ă  la logique[28] - [27] dans son livre Essays on Experimental Logic (1916). Toutefois, pour Clarence Edwin Ayres, ce n'est que dans les Gifford Lectures, publiĂ©es sous le titre The Quest for Certainty, que Dewey expose clairement le but et la signification de la logique instrumentale[29]. Celle-ci est d'abord Ă©volutionniste et « constitue la premiĂšre tentative sĂ©rieuse de commencer l'analyse de la pensĂ©e avec l'hypothĂšse que l'homme est une espĂšce animale qui lutte pour sa survie sur une planĂšte mineure »[28]. Dans cette optique, pour Dewey, les idĂ©es sont des instruments dont le domaine de validitĂ© n'est pas absolu mais dĂ©pend des besoins et des dĂ©fis que rencontrent les hommes. Dans les Gifford Lectures, il oppose la philosophie traditionnelle issue de Platon, qu'il considĂšre comme relevant du mythe et de la magie, Ă  l'instrumentalisme qui, selon lui, ne cherche pas refuge dans l'imagination mais cherche Ă  transformer les conditions de vie en faisant face Ă  la rĂ©alitĂ©, au moyen d'une enquĂȘte intelligible, ancrĂ©e dans la rĂ©alitĂ© prĂ©sente, et instrumentale, c'est-Ă -dire qui permet d'agir[29].

Reconstruction en philosophie

Bertrand Russell (1872-1970), un des fondateurs de la philosophie analytique auquel Dewey reproche de s'ĂȘtre contentĂ© de mathĂ©matiser la logique issue de la tradition aristotĂ©licienne.

Reconstruction in Philosophy paraĂźt en 1919. Dans ce livre, Dewey cherche une reconstruction de l’éthique pour pouvoir rĂ©pondre au changement et, pour cela, il cherche Ă  identifier une mĂ©thode pour amĂ©liorer le jugement moral. Pour lui, le jugement moral est un outil pour diriger notre conduite quand les habitudes sont en dĂ©faut et il peut ĂȘtre Ă©valuĂ© sur la base de ses consĂ©quences pratiques. Pour Richard Rorty, c'est le livre de Dewey qui « regroupe la plupart de ses idĂ©es les plus importantes »[30]. C'est un ouvrage qui « a Ă©tĂ© au centre de la vie politique et intellectuelle aux États-Unis pendant la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle »[30]. C'est aussi le plus polĂ©mique de Dewey, celui oĂč il s'en prend le plus aux philosophes qui se prĂ©occupent plus de la philosophie pour elle-mĂȘme que de son utilitĂ© pour la communautĂ©[30]. Dewey concentre ses attaques sur deux grands modĂšles philosophiques : l'empirisme logique qui devient par la suite la philosophie analytique et le modĂšle qui se focalise sur l'histoire de la philosophie[31]. Aux partisans du premier modĂšle, Bertrand Russell, Rudolf Carnap, Willard Van Orman Quine, Max Black et leurs disciples, il reproche leur technicitĂ©. Aux historiens de la philosophie, il reproche une trop forte exĂ©gĂšse sans lien avec le prĂ©sent. Pour Dewey, la question centrale Ă  se poser est la suivante : « Que peuvent les professeurs de philosophie pour contribuer Ă  la crĂ©ation d'un monde meilleur ? »[32].

Dans ce livre, John Dewey critique la tradition philosophique issue de Platon et d'Aristote en se plaçant d'un point de vue gĂ©nĂ©tique, c'est-Ă -dire en montrant son lien avec le contexte grec de l'Ă©poque[33]. Dewey insiste sur le fait que ce type de philosophie est liĂ©e aux intĂ©rĂȘts d'une classe sociale[34] et n'est pas adaptĂ© aux exigences du monde moderne. Il s'Ă©lĂšve aussi contre la prĂ©tention de ce type de philosophie Ă  se considĂ©rer comme investie d'une mission plus haute que les autres arts ou sciences[34]. Par ailleurs, s'il admire la fonction critique de la philosophie classique, il regrette qu'elle soit si peu utilisĂ©e Ă  l'Ă©gard de la philosophie elle-mĂȘme[33]. Enfin, il est en dĂ©saccord avec la philosophie classique sur l'objet mĂȘme de la philosophie. Pour lui, elle ne doit pas se focaliser sur des objets comme « Être, Nature, Univers, Cosmos, RĂ©alitĂ©, VĂ©ritĂ© » en les considĂ©rant comme « quelque chose de fixe, immobile, hors du temps, quelque chose d'Ă©ternel ou d'universel englobant tout »[35], mais s'occuper des problĂšmes de l'Homme.

La philosophie, selon Dewey, doit accompagner l'Ă©volution du monde et lui donner un sens, de façon Ă  apporter au monde une certaine harmonie. Il appartient Ă  un courant du libĂ©ralisme qui ne croit pas en une harmonie prĂ©Ă©tablie. Pour lui, « supposer qu'harmonie et ordre puissent rĂ©gner si de nouvelles fins, de nouvelles normes et de nouveaux principes ne sont pas au prĂ©alable Ă©laborĂ©s avec suffisamment de clartĂ© et de cohĂ©rence est intellectuellement futile et conduirait Ă  une impossibilitĂ© pratique[36]. » Selon lui, la reconstruction en philosophie ou, pour le dire autrement, l'orientation que devrait prendre la philosophie, repose sur trois piliers : (1) la philosophie est un processus — pour Dewey il n'y a rien d'Ă©ternellement fixe, (2) les thĂ©ories deviennent des hypothĂšses Ă  tester et, en consĂ©quence, (3) pour philosopher, il est urgent de mettre « au point des instruments d'enquĂȘte sur les faits humains ou moraux[37]. »

Expérience et nature

BronisƂaw Malinowski vers 1930. Pour Dewey, l'expĂ©rience n'est pas purement individuelle mais dĂ©pend des autres, de la culture au sens de Malinowski, de Franz Boas ou d'Edward Sapir.

Experience and Nature, paru en 1925 et traduit en français en 2012 sous le titre ExpĂ©rience et Nature, se place dans la continuitĂ© de Reconstruction en philosophie. L'ouvrage veut expliciter la façon de dĂ©passer les dualismes de la tradition philosophique. Pour ce faire, Dewey considĂšre l'« « expĂ©rience » [comme] le socle commun et indiffĂ©renciĂ© Ă  partir duquel l'existence se diffĂ©rencie, en acquĂ©rant les formes qu'elle revĂȘt sous l'effet de la vie sociale et du langage »[38]. En somme, l'expĂ©rience permet de surmonter les dualismes (thĂ©orie, pratique, etc.) tout en rendant compte de la multiplicitĂ© des situations[38]. À la question : « pourquoi le titre ExpĂ©rience et Nature », Dewey rĂ©pond : « Le titre (...) est destinĂ© Ă  indiquer que la philosophie qui s'y trouve peut ĂȘtre dĂ©signĂ©e aussi bien sous le nom de naturalisme empirique que sous celui d'empirisme naturaliste, ou bien encore, si l'on prend le terme « expĂ©rience » dans sa signification habituelle, sous celui d'humanisme naturaliste. »[39]

Qu'est-ce que Dewey entend par « naturalisme empirique » ou « empirisme naturaliste » ? Pour Jean-Pierre Cometti, Dewey ne considĂšre pas le terme d'« empirisme » dans son sens logique qui renvoie Ă  l'opposition analytique/synthĂ©tique mais Ă  quelque chose qui mĂȘle expĂ©rience scientifique et biologique entendue comme Ă©changes entre des organismes vivants et leurs milieux[40]. Pour Dewey, ce qui distingue l'homme de la bĂȘte c'est, d'une part, le langage et, d'autre part, l'utilisation d'instruments. Si ceux qu'il appelle les transcendantalistes ont mieux pris conscience de ce fait que les empiristes, il les accuse de s'ĂȘtre trop Ă©loignĂ©s du corps et de la nature physique[41]. De sorte que, pour lui, l'expĂ©rience n'est pas mentale mais s'enracine dans la nature sociale de l'homme entendue comme une sorte de naturalisme[42].

Faire une expérience a usuellement une double signification : « c'est « participer » à la constitution de l'objet aussi bien qu'à celle des méthodes pour connaßtre, c'est examiner la situation sous divers angles pour la déprendre de ses caractÚres problématiques et agir sur elle[43]. » Mais la vision de l'expérience chez Dewey est plus large. En effet, pour lui, « l'objet de l'expérience (l'objet « expériencé », experienced) »[43] est essentiel et « lui confÚre des caractéristiques spécifiques » de sorte que s'établissent entre l'individu et son environnement la réalité : « une vaste zone de dialogue »[44].

Chez Dewey, l'expĂ©rience n'est pas purement individuelle, elle s'inscrit au contraire dans un contexte qu'il a Ă©tĂ© tentĂ©, Ă  la rĂ©Ă©dition de ce livre en 1948, de nommer « culturel », entendu au sens de l'anthropologie de Franz Boas, d'Edward Sapir et de BronisƂaw Malinowski dont il connait les Ɠuvres[45]. Aussi, Dewey insiste-t-il sur le rĂŽle des rites et des institutions dans l'accomplissement des actes les plus banals. Il en rĂ©sulte chez lui deux consĂ©quences importantes : d'une part l'expĂ©rience ne concerne pas un individu seul mais un ensemble d'individus et d'autre part l'individu n'est pas prisonnier de ses codes car, par son expĂ©rience et ses enquĂȘtes, il peut Ă©galement les faire Ă©voluer. La lecture de Franz Boas peut ici Ă©clairer la pensĂ©e de Dewey : « Les activitĂ©s de l'individu sont largement dĂ©terminĂ©es par son environnement social, mais rĂ©ciproquement ses propres activitĂ©s influencent la sociĂ©tĂ© dans laquelle il vit, et peuvent apporter des modifications dans sa forme. Il est Ă©vident que ce problĂšme est l'un des plus importants qu'il faille envisager dans une Ă©tude des changements culturels[46]. »

Une volonté de bùtir une logique adaptée au raisonnement scientifique

Portrait d'Aristote. La thĂ©orie de l'enquĂȘte vise Ă  Ă©laborer une logique destinĂ©e Ă  ĂȘtre pour le monde moderne ce qu'avait Ă©tĂ© l'Organon d'Aristote pour les anciens.

Pour GĂ©rard Deledalle, John Dewey vise Ă  Ă©laborer une logique qui rĂ©ponde « aux exigences scientifiques de l'esprit moderne, comme la logique d'Aristote rĂ©pondait aux exigences grammairiennes de l'esprit grec »[47]. Dewey estime qu'il « n'est pas suffisant d'extrapoler l'Organon, comme le firent Bacon et Mill, ni de le parer des atours mathĂ©matiques, comme le fit Russell »[47] mais qu'il faut la fonder sur de nouvelles bases. Aussi, le livre Logique, sous-titrĂ© La thĂ©orie de l'enquĂȘte, n'est ni un traitĂ© de logique au sens aristotĂ©licien ni au sens actuel puisqu'il ne comporte aucun symbole mathĂ©matique[48]. En effet, ce qui intĂ©resse Dewey dans la logique ce n'est pas de s'assurer du caractĂšre vĂ©ritable de la chose par un raisonnement dĂ©ductif et formel, mais, comme l'indique le sous-titre et en lien avec son instrumentalisme, d'Ă©tablir un lien entre idĂ©e et action fondĂ© Ă  la fois sur l'intuition et sur l'Ă©tude et la vĂ©rification de cette idĂ©e. La logique chez Dewey consiste d'abord en une rĂ©flexion sur l'enquĂȘte oĂč« [le] logicien ne s'occupe pas du processus de l'enquĂȘte « temporelle », mais seulement de sa structure formelle, c'est-Ă -dire des diffĂ©rentes sortes de termes et de canons mĂ©thodologiques et de leurs interrelations. Le critĂšre qui permet de distinguer les mĂ©thodes d'enquĂȘte qui rĂ©ussissent de celles qui Ă©chouent, doit ĂȘtre Ă©tabli Ă  « l'intĂ©rieur » des rĂšgles de l'enquĂȘte. Autrement, nous n'aurions pas un processus scientifique autonome[49]. »

Le dĂ©but de l'enquĂȘte : la situation indĂ©terminĂ©e

Pour qu'il y ait enquĂȘte, il faut une situation indĂ©terminĂ©e c'est-Ă -dire incertaine, instable et douteuse[50]. Cette indĂ©termination n'est pas subjective, c'est-Ă -dire d'essence psychologique, mais objective, c'est-Ă -dire rĂ©elle. Rappelons que Dewey, marquĂ© par Charles Darwin, a une vision organique du monde. Il voit les hommes comme organiquement liĂ©s Ă  leur environnement de sorte qu'un changement dans l'environnement est pour lui objectif — au sens oĂč ce n'est pas une illusion psychologique — et provoque une situation indĂ©terminĂ©e avant qu'un changement dans le comportement des hommes n'intervienne[51]. Toutefois, ces changements objectifs impliquent aussi chez lui des changements dans la façon dont les hommes perçoivent les choses. En effet, l'homme n'est pas seulement un organisme, c'est aussi un ĂȘtre culturel, la transition entre les deux se faisant par le langage de sorte que « les problĂšmes qui provoquent l'enquĂȘte ont pour origine les relations dans lesquelles les ĂȘtres humains se trouvent engagĂ©es, et les organes de ces relations ne sont pas seulement l'Ɠil et l'oreille mais les significations qui se sont dĂ©veloppĂ©es au cours de la vie, en mĂȘme temps que les façons de former et de transmettre la culture avec tous ses Ă©lĂ©ments constitutifs, les outils, les arts, les institutions, les traditions et les croyances sĂ©culaires[52]. »

Le processus de l'enquĂȘte

Une enquĂȘte commence par la recherche des Ă©lĂ©ments qui rendent la situation indĂ©terminĂ©e. Ces observations provoquent des hypothĂšses qui deviennent des idĂ©es quand elles peuvent servir fonctionnellement Ă  la solution du problĂšme[53]. Dewey Ă©crit Ă  ce propos : « une hypothĂšse, une fois suggĂ©rĂ©e et soutenue, se dĂ©veloppe en relation avec d'autres structures conceptuelles jusqu'Ă  ce qu'elle reçoive une forme dans laquelle elle peut produire et diriger une expĂ©rimentation qui dĂ©voilera prĂ©cisĂ©ment les conditions qui ont le maximum de force possible pour dĂ©terminer si l'hypothĂšse doit ĂȘtre acceptĂ©e ou rejetĂ©e. Ou bien, il se peut que l'expĂ©rimentation indique les modifications que requiert l'hypothĂšse pour ĂȘtre applicable, c'est-Ă -dire convenir Ă  l'interprĂ©tation et Ă  l'organisation des Ă©lĂ©ments du problĂšme[54]. »

La fin de l'enquĂȘte : l'assertabilitĂ© garantie et la solution au problĂšme

Pour Dewey, « si l'enquĂȘte commence dans le doute, elle s'achĂšve par l'institution de conditions qui suppriment le besoin du doute »[55]. Il y a alors assertabilitĂ© garantie, c'est-Ă -dire qu'on a trouvĂ© la solution au problĂšme. Toutefois, conformĂ©ment Ă  la vision darwinienne de Dewey, l'environnement continue Ă  changer de sorte que d'autres problĂšmes surgissent, et avec eux de nouvelles enquĂȘtes sont nĂ©cessaires. Chez Dewey, on ne parvient jamais Ă  la VĂ©ritĂ©, une notion qu'il utilise peu dans son traitĂ© de logique[53]. Il l'utilise d'autant moins que pour lui l'assertabilitĂ© garantie est synonyme de satisfaction, d'utilitĂ©, de « ce qui paie », de « ce qui marche »[56].

La philosophie morale de Dewey

La psychologie sociale

La psychologie sociale de Dewey s'organise autour de trois pĂŽles : l'impulsion (ou force motrice), les habitudes et la conduite intelligente[57].

L'impulsion n'est pas liée chez lui à une idée de fin, elle inclut « ce que nous appelons aujourd'hui les pulsions, les appétits, les instincts et les réflexes inconditionnés »[57]. La psychologie de Dewey se distingue des psychologies basées sur le désir par deux aspects : tout d'abord, pour lui, l'activité est la norme et le repos l'exception, par ailleurs, alors que les désirs impliquent une fin, l'impulsion peut conduire à de multiples fins[58].

Les habitudes sont « des dispositions socialement façonnĂ©es par certaines formes d'activitĂ© ou par certains modes de rĂ©ponse Ă  l'environnement. Elles canalisent les impulsions dans une direction donnĂ©e »[58]. Elles font agir de façon non consciente et peuvent se perpĂ©tuer alors qu'elles ne sont plus adaptĂ©es aux temps prĂ©sents et que les causes qui leur ont donnĂ© naissance ont disparu[57]. Changer les habitudes est difficile pour au moins deux raisons : on s'y attache, et surtout des idĂ©ologies vont les adopter et les voir comme des valeurs intangibles et indiscutables[59]. Dewey aspire Ă  ce que le monde s'adapte plus facilement aux changements de l'environnement que ce n'a Ă©tĂ© le cas jusqu'Ă  lui. À cette fin, il plaide en faveur d'une Ă©ducation favorisant l'indĂ©pendance d'esprit, l'expĂ©rimentation et l'enquĂȘte[59], Ă©lĂ©ments qui chez lui facilitent les adaptations.

La conduite intelligente survient quand les impulsions et les habitudes ne peuvent plus répondre aux problÚmes et se bloquent. Alors les hommes doivent délibérer pour trouver des moyens de surmonter les problÚmes[60].

L'Ă©thique sociale

Aristote, dans l'Éthique, dĂ©signe le monde sensible et immanent par les concepts de rationalisme et d'empirisme (fresque vaticane de l'École d'AthĂšnes).

Dewey ambitionne de changer la moralitĂ© de son temps qu'il estime comme n'Ă©tant plus adaptĂ©e au monde moderne[61]. Aussi, ce qui l'intĂ©resse c'est l'Ă©tude du processus d'Ă©volution et le lien entre les thĂ©ories morales et leur contexte. À cette fin, son livre Ethics commence par « une brĂšve histoire des problĂšmes moraux et des pratiques des anciens HĂ©breux, Grecs et Romains »[62].

Dans ce livre, Dewey voit la morale et les philosophies traditionnelles comme Ă©tant au service d'une Ă©lite[61]. La volontĂ© de changer cet Ă©tat de fait est Ă  la base de son Ă©thique sociale. Il veut notamment mettre fin Ă  la dichotomie qui sous-tend la philosophie morale traditionnelle entre « Les Biens purement instrumentaux et les Biens intrinsĂšques »[62], car il y perçoit un Ă©cho de la dichotomie antique entre les gens instruits qui ont des loisirs et le peuple qui travaille. Pour lui, le Bien conçu comme contemplation ou apprĂ©ciation de la beautĂ© ne peut ĂȘtre l'apanage que de la classe des loisirs qui, pour son contemporain Thorstein Veblen, dĂ©signe les trĂšs riches d'alors qui se consacraient notamment aux collections d'art[63].

Si l'on examine ses propositions concernant l'Ă©thique sociale, on constate que Dewey ne se focalise pas tant sur les comportements des individus que sur la façon dont la sociĂ©tĂ© doit ĂȘtre organisĂ©e et sur les rĂ©formes institutionnelles qui doivent ĂȘtre entreprises[63].

Les valeurs esthétiques

Dewey traite de l'esthĂ©tique dans son livre Art as Experience. Pour lui, l'art crĂ©e des objets qui nous permettent de mieux comprendre notre environnement[62] et, Ă  ce titre, il est Ă  la fois un complĂ©ment et un Ă©lĂ©ment de l'enquĂȘte[64]. Chez lui, l'art ne se clĂŽt pas sur la rĂ©alisation de l'Ɠuvre par l'artiste, mais implique une participation de ceux qui la reçoivent[65]. Dans cette optique, la critique a pour objet d'enrichir notre expĂ©rience de l'art. Elle ne doit pas juger les Ɠuvres en fonction d'une esthĂ©tique du passĂ©, mais ĂȘtre tournĂ©e vers le futur et renforcer nos capacitĂ©s Ă  les apprĂ©cier par nous-mĂȘme.

La critique peut, selon lui, rendre les valeurs esthĂ©tiques d'une Ɠuvre d'art objectives dans la mesure oĂč, en attirant l'attention sur quelques traits saillants, elle rĂ©ussit Ă  saisir ce que ressentent plusieurs observateurs[64]. Ce qui compte dans la critique, c'est qu'elle accroisse notre capacitĂ© Ă  apprĂ©cier l'art de façon Ă  enrichir la vie des hommes. Il Ă©crit Ă  ce propos : « l'auditeur informĂ© par la thĂ©orie musicale apprend Ă  Ă©couter, et par consĂ©quent prend plaisir Ă  diffĂ©rentes modulations (...) crĂ©ant des tensions alternĂ©es, des accomplissements, et des surprises comme nous les procurent les Ɠuvres musicales lorsqu'elles sont jouĂ©es. Des constatations similaires peuvent ĂȘtre faites pour tous les arts, qu'ils soient artistiques [NdT : fine en anglais] ou pratiques[64] ».

Chez Dewey, l'esthĂ©tique n'est pas limitĂ©e Ă  l'Ɠuvre d'art. Elle peut ĂȘtre Ă©galement prĂ©sente dans le travail[66]. Ici, il reprend une critique adressĂ©e de façon rĂ©currente dans son Ɠuvre au travail trĂšs parcellisĂ© des sociĂ©tĂ©s modernes. Pour lui, le taylorisme, en sĂ©parant fortement ceux qui conçoivent de ceux qui produisent de façon quasi mĂ©canique, rĂ©serve aux premiers la participation Ă  l'art qu'elle interdit aux autres. Le dĂ©fi de la sociĂ©tĂ© moderne est d'arriver Ă  faire en sorte que l'ensemble de la population fasse Ɠuvre d'art Ă  travers le travail[62].

La philosophie du droit de Dewey

John Dewey n’a pas nĂ©cessairement inventĂ© ou dĂ©couvert quelque chose, il a plutĂŽt consacrĂ© sa vie Ă  analyser des questions juridiques d’un point de vue pragmatique. John Dewey Ă©tait promoteur d’une version particuliĂšre du pragmatisme, appelĂ©e l’instrumentalisme[67]. Dewey Ă©tait un critique du libĂ©ralisme et du laissez-faire. Ainsi, il considĂ©rait qu’une intervention sociale et politique Ă©tait nĂ©cessaire pour corriger les dysfonctionnements des Ă©changes libres sur le marchĂ© et protĂ©ger l’individu. De plus, c’était un critique de premier plan de la gauche du New Deal de Roosevelt, tout en s'opposant au communisme soviĂ©tique et Ă  ses apologistes[68]. Tout au long de sa vie, il a analysĂ© un Ă©tat de choses dont les trois sujets sur lesquels nous allons plus particuliĂšrement nous intĂ©resser dans ce chapitre sont : la critique du droit naturel, la prise de la dĂ©cision judiciaire et la thĂ©orie sociale du droit.

1. Critique du droit naturel

Dewey avait critiquĂ© Ă  plusieurs reprises la loi naturelle, la considĂ©rant comme un rempart contre la rĂ©forme. Toutefois, il avait admis que les arguments de la loi naturelle peuvent parfois servir comme sources d’amĂ©lioration juridique[68].

Il affirme que les affirmations d'intemporalitĂ© universelle faites au nom de la loi naturelle sont des dĂ©guisements. « Comme un fait, les philosophies juridiques ont reflĂ©tĂ© et continueront certainement de reflĂ©ter les mouvements de la pĂ©riode au cours de laquelle ils sont produits, et ne peuvent donc pas ĂȘtre sĂ©parĂ©s de ce que les mouvements reprĂ©sentent. » Il considĂšre que celles-ci sont liĂ©es aux systĂšmes du passĂ©, aux philosophies juridiques et doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©es en rapport avec les mouvements culturels et sociaux rĂ©els des pĂ©riodes pendant lesquelles elles sont apparues[68].

Les rĂšgles juridiques et les principes doivent rester flexibles pour faire face aux nouvelles circonstances et permettre l'expĂ©rimentation avec des rĂ©formes, sinon, ils font obstacle au progrĂšs. Au contraire, s'ils sont conçus comme des outils Ă  adapter aux conditions dans lesquelles ils sont employĂ©s plutĂŽt qu’en tant que « principes » absolus et intrinsĂšques, l'attention se portera sur les faits de la vie sociale, et les rĂšgles ne pourront ainsi pas attirer l'attention et devenir des vĂ©ritĂ©s absolues Ă  maintenir intactes Ă  tout prix[68].

2. Prise de décision judiciaire

Il a écrit des essais sur la personnalité juridique des entreprises, la prise de décision judiciaire, la force coercitive de la loi, et le caractÚre raisonnable et sur le droit en général. En outre, il a soutenu de nombreuses réformes sociales, y compris, par exemple, les droits des travailleurs à former et à adhérer à des syndicats[69].

Dewey situe le raisonnement juridique comme une instance d'enquĂȘte gĂ©nĂ©ralement, compris dans les termes instrumentaux Ă©noncĂ©s par le pragmatisme. Ainsi, il distingue deux types de conduite humaine. Le premier type implique une action humaine sans dĂ©libĂ©ration, suivre des routines, des intuitions, une intuition entraĂźnĂ©e. Le second type s'engage dans un processus d'enquĂȘte dans lequel les faits sont pesĂ©s, les alternatives sont Ă©valuĂ©es et les consĂ©quences probables sont anticipĂ©es lors de la dĂ©cision d’action Ă  entreprendre[69].

Il affirme qu’« il est trĂšs important que les rĂšgles de droit devrait former des systĂšmes logiques gĂ©nĂ©ralisĂ©s aussi cohĂ©rents que possible, mais ces logiques systĂ©matisations du droit dans tous les domaines
 est clairement en dernier ressort subordonnĂ© Ă  l'Ă©conomie et prise de dĂ©cision efficace dans des cas particuliers. »[69]

La systĂ©matisation des connaissances, en droit comme dans d'autres domaines, implique souvent des concepts. Les concepts sont indispensables et bĂ©nĂ©fiques de plusieurs maniĂšres, y compris l'organisation des idĂ©es et expĂ©riences, au service de l'efficacitĂ© et de la stabilitĂ©. « Il est pratiquement Ă©conomique d'utiliser un concept prĂȘt Ă  portĂ©e de main plutĂŽt que de prendre du temps, des ennuis et des efforts pour le changer ou pour concevoir un nouveau ». Cependant, les concepts contiennent une « inertie intrinsĂšque pour leur propre compte » et combinĂ©s avec la tendance humaine Ă  un comportement habituel, ils changent lentement et peuvent ne pas ĂȘtre synchronisĂ©s avec l'Ă©volution des circonstances et des besoins[69].

Dewey se tourne vers les dĂ©cisions judiciaires, en prĂ©cisant que les motivations des dĂ©cisions ont plusieurs fins importantes : fournir des raisons qui justifient la dĂ©cision (montrant qu'elle n'Ă©tait pas arbitraire ou ad-hoc), pour articuler une rĂšgle qui guide la dĂ©termination des affaires futures et facilite l’uniformitĂ©, et pour fournir un avis, une stabilitĂ© et une prĂ©visibilitĂ© aux personnes qui ont besoin de consĂ©quences juridiques de leurs actes. Il ajoute que le juge doit rĂ©diger les dĂ©cisions judiciaires sous une forme logique, pour donner l’impression qu’il est impersonnel et objectif[69].

Souvent, les juges sont confrontĂ©s Ă  trouver le juste Ă©quilibre entre le maintien de la stabilitĂ© juridique et les changements juridiques. Il souligne qu’« il y a de bien sĂ»r toutes les raisons pour lesquelles les rĂšgles de droit devraient ĂȘtre aussi rĂ©guliĂšres et dĂ©finies que possible ». Cependant, la rĂ©alitĂ©, est que les rĂšgles comportent des ambiguĂŻtĂ©s, sont parfois vagues et indĂ©terminĂ©e et ne peut ĂȘtre Ă©crite pour prĂ©voir ou traiter toutes les circonstances et que « les situations ne se rĂ©pĂštent pas littĂ©ralement dans tous les dĂ©tails, et les questions de degrĂ© de ce facteur ou qui ont le poids principal dans la dĂ©termination de la rĂšgle gĂ©nĂ©rale qui sera utilisĂ©e pour juger de la situation en question. »[69]

Lorsque les juges tiennent obstinĂ©ment aux interprĂ©tations du passĂ©, « l’écart entre conditions et les principes utilisĂ©s par les tribunaux » s’élargit constamment, suscitant « l'irritation » du public et « le non-respect de la loi ». Dewey soutient que les juges, devraient appliquer « une logique relative aux consĂ©quences plutĂŽt qu'aux antĂ©cĂ©dents, une logique de prĂ©diction des probabilitĂ©s plutĂŽt qu'une logique de dĂ©duction de certitudes. »[69]

En conclusion, nous pouvons affirmer que la philosophie de Dewey incite les thĂ©oriciens du droit Ă  plus d’humilitĂ© conceptuelle et Ă  une plus grande implication dans la comprĂ©hension des phĂ©nomĂšnes sociaux et culturels du prĂ©sent. De plus, la critique de Dewey invite Ă  un autre type d’enquĂȘtes, attentives aux effets des concepts et appuyĂ©es notamment sur la diversitĂ© des sciences sociales empiriques[69].

3. Théorie sociale du droit

Lors d’une confĂ©rence organisĂ©e Ă  l’universitĂ© de Northwestern il avait exposĂ© sa conception de la philosophie de droit. Dewey conçoit le droit comme du social et propose de se dĂ©tacher des approches traditionnelles en philosophie de droit[70].

Le texte fondateur de sa philosophie de droit est l’ouvrage intitulĂ© My Philosophy of Law (ma philosophie de droit). Ce texte est une analyse de sa position sur le droit qui vise Ă  montrer que le droit « est de part en part un phĂ©nomĂšne social : c’est une activitĂ© humaine, mais aussi une interactivitĂ© entre des humains ». Il affirme Ă©galement que : « Le point de vue adoptĂ© est que le droit est Ă  travers et Ă  travers un phĂ©nomĂšne social, social dans origine, dans le but ou la fin, et dans l’application. »[70].

Dewey a fait valoir que les interactions ont une influence sur le droit parce que celles-ci se stabilisent progressivement dans des habitudes, des coutumes, qui peuvent devenir des sources de droit. Il identifie les coutumes, qui sont liĂ©es Ă  la tendance humaine Ă  un comportement habituel, comme l'origine premiĂšre et la source du droit. Il essaye de dĂ©montrer que la rĂšgle juridique Ă©volue et dĂ©pend des pratiques sociales et que sa valeur doit ĂȘtre Ă©valuĂ©e. Dewey militera pour l’utilisation des « meilleures mĂ©thodes » pour examiner et mesurer les effets des rĂšgles, des dĂ©cisions, des lois, ouvrant ainsi aux approches empiriques du droit et de la justice. Il invite Ă  porter un regard plus attentif au droit comme pratique et Ă  construire de nouveaux objets de recherche[70].

Il dĂ©crit l'Ă©mergence du droit et du gouvernement en termes Ă©volutifs comme une « cristallisation » des forces sociales en institutions organisĂ©es qui gouvernent efficacement par la loi. Les rĂšgles juridiques sont des « formulations prĂ©cipitĂ©es » de coutumes sociales de longue date, tandis que la transposition des coutumes en loi renforce et prolonge Ă  son tour la stabilitĂ© de ces coutumes. Les dĂ©cisions judiciaires sont les principaux mĂ©canismes par lesquels les douanes sont incorporĂ©es dans la loi. La lĂ©gislation applique Ă©galement la coutume, bien que la rĂ©cente immense explosion de l'activitĂ© lĂ©gislative est liĂ©e aux intĂ©rĂȘts sociaux, en particulier ceux liĂ©s aux facteurs. Toutes les lois, y compris le droit constitutionnel, la « common law » et la lĂ©gislation, impliquent cristallisation des forces morales (ou sociales) au sein de la sociĂ©tĂ© en tant que produits de « tout le complexe des activitĂ©s sociales »[70].

Dewey soutient que le droit et l’application est une forme d’utilisation de la force.  Selon lui, le droit et la force ne sont pas deux notions sĂ©parĂ©es, mais qu’il forme ensemble un tout. Cette idĂ©e de Dewey s’avĂšre dĂ©cisive pour la thĂ©orie du droit constitutionnel. Ainsi compris, le droit constitutionnel porte sur l’existence du gouvernement, et son Ă©tude requiert prĂ©cisĂ©ment l’étude de ces « forces sociales » qui dĂ©finissent et soutiennent l’existence des gouvernements. Pour rĂ©aliser la souverainetĂ©, il faut que celle-ci puisse s’exprimer et s’exercer de maniĂšre prĂ©cise et distincte par des organes, ce qui dĂ©finit justement le droit constitutionnel. Dewey permet ainsi de dĂ©velopper une thĂ©orie des diffĂ©rents modes de la souverainetĂ© et d’envisager un renouvellement fĂ©cond des instruments conceptuels en droit constitutionnel, notamment (mais pas seulement) Ă  propos du changement constitutionnel[70].

Dewey applique cette analyse aux batailles en cours entre employeurs et grévistes, qui étaient soumis à des injonctions prononcées par un tribunal contre les grÚves et l'application sévÚre de la police. Il utilise le test instrumental non seulement pour évaluer l'usage de la force par la police, mais aussi l'usage de la force par grévistes. Le recours à la force par la police qui est excessif, brutal ou provoque des réactions négatives ne progresse pas dans des fins sociales : « Un usage immoral de la force est un usage stupide »[70].

Les valeurs

JĂŒrgen Habermas et Dewey ne considĂšrent pas les valeurs de la mĂȘme façon. Pour Dewey, Ă  travers les enquĂȘtes, on arrive Ă  une objectivitĂ© des valeurs alors que pour Habermas, les valeurs sont liĂ©es Ă  des groupes.

Pour Dewey, les valeurs sont des faits. Il Ă©crit : « Les valeurs sont des valeurs, les choses ayant immĂ©diatement certaines qualitĂ©s intrinsĂšques. De celles-ci en tant que valeurs, il n'y a par consĂ©quent rien Ă  dire : elles sont ce qu'elles sont[71] ». Les valeurs sont des qualitĂ©s attribuĂ©es aux choses, des propositions qui doivent ĂȘtre soumises Ă  enquĂȘte[59] - [72]. Il s'inscrit ainsi dans une perspective assez diffĂ©rente de celle connue habituellement en France. En effet, usuellement on oppose normes entendues, notamment par JĂŒrgen Habermas, comme pouvant ĂȘtre universelles et valeurs entendues comme beaucoup plus liĂ©es Ă  des groupes ou des personnes[72]. Dans cette optique, les conflits de valeur sont vus comme sans issue[73]. Pour Dewey, au contraire, il y a « une objectivitĂ© des valeurs »[74] et cette objectivitĂ© apparaĂźt Ă  travers les enquĂȘtes et les expĂ©rimentations auxquelles sont soumises les valeurs[75].

La valuation

La valuation comprend Ă  la fois une apprĂ©ciation (valuing) affective qui nous pousse vers une chose ou nous la fait vouloir l'Ă©viter et l'Ă©valuation qui est objective et basĂ© sur l'analyse des consĂ©quences[76]. L'apprĂ©ciation primitive (primitive valuings) est une expĂ©rience passive du plaisir qui diffĂšre du dĂ©sir en ce qu'elle n'a pas, Ă  la diffĂ©rence du dĂ©sir, une « fin en vue »[76]. Pour Dewey, la valuation rĂ©side dans « la formation raisonnĂ©e des dĂ©sirs, des intĂ©rĂȘts et des fins dans une situation concrĂšte », Ă©tant entendu que « la valuation implique le dĂ©sir »[77]. De lĂ  il en dĂ©coule que la valuation n'est pas purement mentale puisqu'elle se rĂ©fĂšre Ă  des situations concrĂštes.

Pour Hans Joas, « les valeurs semblent plus durables, peut-ĂȘtre aussi plus stables, et supĂ©rieures aux simples dĂ©sirs momentanĂ©s mais n'en diffĂšrent pas fondamentalement[77] ». Dewey distingue le dĂ©sirĂ© du dĂ©sirable. Le processus de valuation permet de passer de l'impulsion aux dĂ©sirs et aux intĂ©rĂȘts : « Le dĂ©sirable, ou l'objet qui devrait ĂȘtre dĂ©sirĂ© (valuĂ©), ne descend ni d'un ciel a priori ni d'un SinaĂŻ de la morale. Il vient de ce que l'expĂ©rience a montrĂ© qu'agir en toute hĂąte, en suivant sans examen son dĂ©sir, conduisait Ă  l'Ă©chec et potentiellement Ă  la catastrophe. Le «dĂ©sirable», en tant qu'il se distingue du « dĂ©sirĂ© », ne dĂ©signe donc pas une chose en gĂ©nĂ©ral ni a priori. Il met en exergue la diffĂ©rence entre l'action et les consĂ©quences d'impulsions irrĂ©flĂ©chies et celles de dĂ©sirs et d'intĂ©rĂȘts qui procĂšdent d'une recherche sur les conditions et les consĂ©quences[78]. »

Pour Dewey, un intĂ©rĂȘt est « un ensemble de dĂ©sirs Ă©troitement reliĂ©s »[79] et dans un contexte donnĂ©, les intĂ©rĂȘts sont si liĂ©s qu'en fait pour en valuer un, il faut valuer l'ensemble[80].

Le jugement de valeur comme instrument

Selon Elizabeth Anderson, le jugement de valeur est triplement instrumental[81]. Il est d'abord un instrument pour guider l'action future. Le jugement de valeur intervient aprĂšs une pĂ©riode de crise et de remise en cause des valeurs prĂ©cĂ©dentes. Il s'agit d'un jugement pratique qui ne dĂ©crit pas les choses mais qui vise Ă  rĂ©soudre le problĂšme et Ă  guider l'action future[81]. Le jugement de valeur Ă©value les actions et les objets en fonction de leurs consĂ©quences au sens large[76]. Enfin, il est un moyen pour reprendre l'activitĂ© sur de nouvelles bases jusqu’à la prochaine crise[81].

Les jugements de valeur sont testĂ©s comme des hypothĂšses scientifiques en vĂ©rifiant que les consĂ©quences qui en dĂ©coulent sont bien celles prĂ©vues. Mais ils ne s'inscrivent pas dans un processus d'essais et d'erreur (Trial-and-error). En effet, avant de prendre la dĂ©cision, on essaye de la tester Ă  partir de situations analogues[82]. Il faut ici avoir en tĂȘte que Dewey est un pragmatiste et que la philosophie morale pragmatiste rejette les philosophies qui dĂ©terminent le bien ou le mal a priori. Pour eux, ce Ă  quoi arrivent ces philosophies sont des hypothĂšses qui doivent ĂȘtre testĂ©es. Il y a, chez eux, l'idĂ©e que si l'on s'en tient Ă  de purs raisonnements thĂ©oriques, on a peu de chances d'atteindre une vie meilleure par l'expĂ©rimentation[82].

Le jugement de valeur dans la problématique moyen-fins

Il est souvent objectĂ© Ă  Dewey que sa thĂ©orie instrumentale de la valeur ne traite que des moyens et pas des fins. Il se distingue, sur ce point, assez fortement d'autres grands penseurs. Pour Max Weber, par exemple, il existe une distinction entre rationalitĂ© en valeur et en finalitĂ©[83]. La mĂȘme idĂ©e se retrouve chez Amartya Sen qui distingue une tradition Ă©thique associĂ©e Ă  Aristote, dotĂ©e d'une finalitĂ© claire, et une tradition mĂ©caniste associĂ©e Ă  la pensĂ©e de l'ingĂ©nieur. Pour Dewey, Ă  l'inverse, il y a une interaction entre fin et moyen. « La « fin-en-vue » est l'activitĂ© particuliĂšre qui Ɠuvre comme facteur de coordination de toutes les activitĂ©s engagĂ©es. ReconnaĂźtre la fin comme une coordination ou comme une organisation unifiĂ©e des activitĂ©s, et la « fin-en-vue » comme l'activitĂ© spĂ©ciale permettant d'opĂ©rer cette coordination, c'est lever l'apparent paradoxe attachĂ© Ă  l'idĂ©e d'un continuum temporel d'activitĂ©s, oĂč les stades successifs sont Ă  parts Ă©gales fins et moyens. Une fin ou une consĂ©quence atteinte a toujours la mĂȘme « forme » : celle d'une coordination appropriĂ©e[84]. » Le jugement de valeur, dans cette optique, est un jugement pratique[85], crĂ©atif puisqu'il crĂ©e de nouvelles « fin-en-vue »[85] et transformatif, c'est-Ă -dire qu'il transforme notre façon de voir les choses et de les valoriser[85].

Dewey face aux théories morales normatives

Les théories morales normatives qui cherchent à harmoniser les conflits de désirs sont de trois types[86] :

  1. Les thĂ©ories tĂ©lĂ©ologiques qui cherchent Ă  identifier un bien suprĂȘme et qui voient le droit et la vertu comme un moyen de l'atteindre[86] ;
  2. Les thĂ©ories dĂ©ontologiques qui cherchent un principe ou des lois de moralitĂ© suprĂȘmes auxquels ils subordonnent la poursuite du bien[86] ;
  3. Les thĂ©ories de la vertu dans lesquelles le principe fondamental d'oĂč dĂ©rivent le bien et le droit est celui de l'approbation ou de la dĂ©sapprobation[86].
Emmanuel Kant (1724-1804). Dewey est assez critique envers l'impératif catégorique de Kant

Le pragmatisme en éthique étant « souvent vu comme une forme de téléologie ou de conséquentialisme », il est important d'analyser comment Dewey se positionne par rapport aux trois formes courantes que peut prendre le courant téléologique : l'hédonisme, l'idéalisme et les théories morales basées sur le désir informé[87].

Concernant les thĂ©ories hĂ©donistes la position de Dewey est nuancĂ©e. D'un cĂŽtĂ©, il estime que raisonner en termes de plaisir et peine est trop individualiste et ne permet pas d'atteindre une fin approuvĂ©e par tous. D'un autre cĂŽtĂ©, pour Dewey, le dĂ©sir est important car sans dĂ©sir il ne peut y avoir de bien. Aussi il va adopter une certaine forme d'hĂ©donisme oĂč le dĂ©sir est plus rĂ©flexif, c'est-Ă -dire basĂ© sur l'Ă©tude des consĂ©quences. Dewey considĂšre que le plaisir en soi ne suffit pas comme critĂšre car contient dĂ©jĂ  des Ă©lĂ©ments de jugement (La valeur morale d’une personne influence ce Ă  quoi elle prend plaisir ou dĂ©plaisir) mais donne nĂ©anmoins une indication mĂ©thodologique pour l’enquĂȘte[88].

Concernant les thĂ©ories idĂ©alistes, son jugement est Ă©galement nuancĂ© — dans sa jeunesse, il a Ă©tĂ© idĂ©aliste. D'un cĂŽtĂ©, il croit en la valeur motrice de l'idĂ©al. Mais pour lui les idĂ©aux n'ont pas une portĂ©e atemporelle, ils sont liĂ©s Ă  une Ă©poque, Ă  un contexte[86] et ne constituent fondamentalement que des hypothĂšses Ă  tester[89]. Si Dewey est proche des thĂ©ories du dĂ©sir informĂ© du bien[86], sa conception de l'Homme l'Ă©loigne des courants contemporains qui ont une vision de la nature humaine plus « fixiste », moins mallĂ©able que lui[86]. Pour Dewey notre caractĂšre fait partie de l’information Ă  prendre en compte. Il n’est pas une donnĂ©e fixe mais change. Il n’y a jamais d’information complĂšte car le monde change et notre imagination crĂ©e de nouvelles possibilitĂ©s. La recherche de ce qu’est le bien est donc une recherche infinie et est en fait la vie[88].

« Les thĂ©ories dĂ©ontologiques tendent Ă  identifier le juste soit Ă  des lois ou rĂšgles de conduites fixĂ©es, tels les Dix commandements soit Ă  un seul principe suprĂȘme de moralitĂ© comme l'impĂ©ratif catĂ©gorique, compris comme fournissant une procĂ©dure de dĂ©cision en Ă©thique »[87]. Pour Dewey, le problĂšme est que, d'une part, les choses changent et que donc les lois doivent Ă©voluer et que, d'autre part, les principes gĂ©nĂ©raux ne permettent pas de traiter tous les cas particuliers. Il conçoit l'impĂ©ratif catĂ©gorique Ă  la façon des critiques de Kant ; c'est-Ă -dire comme un « formalisme vide ». Pour lui, en effet, il faut d'abord avoir une idĂ©e du Bien si l'on veut traiter de morale. NĂ©anmoins, l'impĂ©ratif catĂ©gorique peut ĂȘtre un instrument intĂ©ressant dans le cadre de l'enquĂȘte car il permet de s'assurer que « les intĂ©rĂȘts de tous ont Ă©tĂ© Ă©quitablement examinĂ©s »[87]. Le juste ne se rĂ©duit pas au bien car il fait appel Ă  l’autoritĂ© (et non Ă  l’attirance comme le bien) et vise Ă  harmoniser des prĂ©tentions Ă©manant de conceptions conflictuelles du bien et donc ne vise ni le bien de chaque individu et ni le bien de la sociĂ©tĂ© sans qu’une conception prĂ©alable du juste permette de dĂ©finir comment incorporer les conceptions individuelles du bien. Mais le juste et le bien sont liĂ©s car le juste est un Ă©lĂ©ment important de relations sociales bonnes[88].

Parmi les thĂ©ories morales basĂ©es sur la vertu, Dewey est assez approbateur des utilitaristes anglais et de leur ambition d'atteindre le standard de bien-ĂȘtre (Welfare) qu'approuverait un spectateur impartial et bienveillant[90], mais il y fait plusieurs objections : en premier lieu, en lien avec son darwinisme, la notion de bien-ĂȘtre n'est pas fixe et doit donc varier en fonction de l'environnement, en second lieu la notion de standard de bien-ĂȘtre ne doit pas ĂȘtre utilisĂ©e pour prendre des dĂ©cisions de façon algorithmique (ou mĂ©canique). Ces objections faites, il est favorable aux principes d'approbation et de dĂ©sapprobation dĂ©duits de la norme de bien-ĂȘtre des utilitaristes comme ils rendent les individus plus conscients des consĂ©quences de leurs actes et par lĂ  plus aptes Ă  se gouverner[90].

La moralité réflexive de Dewey

Si Dewey est surtout influencĂ© par la thĂ©orie tĂ©lĂ©ologique et par celle reposant sur la vertu, nĂ©anmoins il tient les trois types de thĂ©orie comme pouvant servir d'hypothĂšses dans sa conception de l'enquĂȘte. En effet, elles nous permettent dans ce cadre de mieux comprendre l'ensemble des consĂ©quences de nos actes[66]. Les idĂ©aux du bien nous permettent de nous projeter vers un bien futur et de le tester, les principes de droit nous obligent Ă  prendre en compte les intĂ©rĂȘts des autres, l'approbation ou la dĂ©sapprobation de spectateurs impartiaux nous oblige Ă  non seulement examiner les consĂ©quences de nos actes, mais Ă©galement leurs motifs[66]. Ce que Dewey refuse c'est de voir ces thĂ©ories comme des impĂ©ratifs transcendants[66].

John Dewey considĂšre que la conduite morale doit rĂ©sulter d’une enquĂȘte. Dans cette enquĂȘte, les principes proposĂ©s par les thĂ©ories morales doivent ĂȘtre pris comme des hypothĂšses qui prennent chaque fois un point de vue donnĂ©, les thĂ©ories tĂ©lĂ©ologiques, fondĂ©es sur des  principes du bien, prenant le point de vue de l’individu prudent et informĂ©, les thĂ©ories dĂ©ontologiques, fondĂ©es sur des principes du juste, prenant le point de vue des personnes affectĂ©es, ayant des prĂ©tentions sur l’individu et, enfin, les thĂ©ories fondĂ©es sur des principes de la vertu prenant le point de vue de l’observateur externe[88].

La philosophie politique de Dewey

Les sources de sa philosophie politique

Thomas Hill Green (1836-1882), un philosophe idĂ©aliste et libĂ©ral anglais prĂ©curseur du Nouveau libĂ©ralisme. Dewey a travaillĂ© sur son Ɠuvre.

La philosophie politique de Dewey s'enracine d'une part dans l'idĂ©alisme, notamment celui de Thomas Hill Green, dans le Nouveau libĂ©ralisme de Leonard Trelawny Hobhouse et dans sa thĂ©orie de l'enquĂȘte[91].

Avec Thomas Hill Green, Leonard Trelawny Hobhouse et le Nouveau libĂ©ralisme, Dewey pense que le libĂ©ralisme classique traditionnel part d'une conception fausse de l'individu qui mine la pensĂ©e libĂ©rale[16]. Pour eux, Ă  l'inverse du libĂ©ralisme traditionnel, l'individu ne se rĂ©sume pas Ă  une entitĂ© en compĂ©tition avec les autres. Au contraire, ils mettent l'accent sur les relations entre individus et perçoivent la vie sociale sur un mode plutĂŽt organique. Chez lui, comme dans le Nouveau LibĂ©ralisme, la libertĂ© n'est pas simplement une absence de contrainte, mais rĂ©side Ă©galement dans la participation Ă  la vie sociale et politique. En consĂ©quence, Dewey ne croit pas que les hommes, en poursuivant leurs intĂ©rĂȘts particuliers, puissent arriver Ă  un riche « vivre ensemble ». Il faut aussi, comme il l'Ă©crit dans The Ethics of Democracy, qu'ils soient « dotĂ©s d'une unitĂ© de but et d'intĂ©rĂȘt »[92].

La thĂ©orie de l'enquĂȘte de Dewey constitue un point important de sa philosophie politique. En effet, il rĂ©cuse la « thĂ©orie du spectateur » qui conçoit la connaissance comme la recherche par un sujet d'une vĂ©ritĂ© fixe et a priori[92]. Il conçoit l'enquĂȘte comme un combat menĂ© par les ĂȘtres humains pour rĂ©soudre les problĂšmes[92]. Le but n'est pas de chercher une vĂ©ritĂ© qui, dans la perspective darwinienne de Dewey, est forcĂ©ment mouvante, mais de rĂ©soudre des problĂšmes ici et maintenant. Pour cela, il faut tester et vĂ©rifier des hypothĂšses, des valeurs, des thĂ©ories destinĂ©es un jour Ă  Ă©voluer. Le modĂšle est la recherche scientifique. Dewey ne fait pas de distinction a priori entre les enquĂȘtes dans les domaines de la science, de l'Ă©thique et de la politique[93].

D'une certaine façon, il est possible de voir « la philosophie politique de Dewey comme le mariage des vues de l'idĂ©alisme et du Nouveau LibĂ©ralisme avec sa conception pragmatique ou expĂ©rimentale de l'enquĂȘte[93]. »

Le libéralisme de Dewey

Pour Dewey, les valeurs sont vues comme construites pour rĂ©soudre un problĂšme social et doivent Ă©voluer en fonction des situations auxquelles il convient de faire face. Il reproche au libĂ©ralisme classique, notamment dans Logical Method and Law, de n'avoir pas su Ă©voluer et d'ĂȘtre devenu ainsi « le rempart de la rĂ©action »[94], et de trop penser en termes d'individu et pas assez d'individualitĂ©.

Une critique de l'individualisme abstrait du libéralisme classique

John Dewey reproche au libĂ©ralisme classique de concevoir l'individu comme « quelque chose de donnĂ©, quelque chose de dĂ©jĂ  lĂ  » avant les institutions. Au contraire, pour lui, ce sont les institutions (comme il le note dans son livre Reconstruction en philosophie) qui crĂ©ent les individus[94]. Dewey rejette l’idĂ©e de base de la thĂ©orie du contrat selon laquelle il y aurait des individus isolĂ©s concluant un contrat et, ensuite seulement, formant une sociĂ©tĂ©. Les hommes ne sont hommes, selon lui, qu’en relation avec d’autres hommes. L’homme est dans son essence un ĂȘtre social. La dĂ©mocratie ne peut donc pas ĂȘtre vue comme le gouvernement de la multitude car il n’y a pas de multitude (comme il y a multitude de grains de sable par exemple). Le caractĂšre social de l’homme a une signification tant descriptive que normative. La prise en compte de cette dimension normative mĂšne Ă  l’idĂ©e de dĂ©mocratie comme forme de vie Ă©thique. En tant qu’idĂ©e, la dĂ©mocratie est l’idĂ©e de communautĂ© elle-mĂȘme[95].

De sorte que le libĂ©ralisme classique se trompe en analysant sĂ©parĂ©ment le comportement des ĂȘtres humains et les choses physiques, erreur qui pour lui trouve sa source dans les dualismes (esprit/corps et thĂ©orie/pratique) de la philosophie traditionnelle. Pour lui, il faut au contraire Ă©tudier les relations entre les individus et les institutions. Parlant de son libĂ©ralisme, il Ă©crit dans The Future of Liberalism : « le libĂ©ralisme sait qu'un individu n'est pas quelque chose de fixe, de donnĂ© fin prĂȘt. C'est quelque chose Ă  achever et Ă  achever non pas dans l'isolement mais avec l'aide et le support d'Ă©lĂ©ments culturels et physiques - en incluant dans « culturel », l'Ă©conomie, la loi et les institutions politiques aussi bien que les arts et sciences[trad 2] - [94] ».

Liberté et individualité

Pour Dewey, la libertĂ© ne peut ĂȘtre seulement une absence de contraintes. L'individu doit accĂ©der Ă  l'individualitĂ© qui est Ă  la fois « rĂ©flexive, sociale et [qui] doit ĂȘtre exercĂ©e pour ĂȘtre aimĂ©e »[96]. Elle est rĂ©flexive au sens oĂč l'individu doit ĂȘtre capable de choisir en procĂ©dant Ă  un examen critique des alternatives. Elle est sociale car elle exige une participation aux dĂ©cisions qui contribuent Ă  forger les conditions de vie. Enfin, l'ĂȘtre humain ne doit pas avoir seulement l'opportunitĂ© de prendre des dĂ©cisions, il doit rĂ©ellement en prendre[96].

Dewey, de façon générale, veut remplacer des politiques de laissez-faire par des politiques fondées sur un contrÎle social intelligent basées sur une participation active des individus[94] vue comme un moyen d'atteindre une cohérence transcendante. En général, les chercheurs qui ont étudié Dewey estiment que sa conviction que des individus instruits peuvent arriver à un objectif commun est liée au christianisme de sa jeunesse[92]. Dans Christianity and Democracy, il écrit : « L'incarnation de Dieu en l'Homme (...) devient une chose vivante et présente (...) la vérité descend dans la vie, la séparation est retirée ; ce qui conduit à une vérité commune présente dans tous les domaines d'action, et non plus dans une sphÚre isolée appelée religion »[92].

Sur la démocratie

Le SĂ©nat des États-Unis. Pour Dewey, la dĂ©mocratie n'est pas un bĂątiment, c'est aussi un mode de vie, une participation Ă  la vie publique.

Pour Dewey, penser que la dĂ©mocratie est seulement une forme de gouvernement, c'est comme penser qu'une Ă©glise n'est qu'un bĂątiment, c'est oublier l'essentiel. Pour lui, la finalitĂ© essentielle de la dĂ©mocratie est l'Ă©thique, c'est-Ă -dire le dĂ©veloppement de la personnalitĂ©. C'est aussi une façon de gĂ©rer des conflits de valeurs[97]. Il explique : « La dĂ©mocratie est la forme de sociĂ©tĂ© dans laquelle tout homme possĂšde une chance, et sait qu'il la possĂšde (...) la chance de devenir une personne. Il me semble que l'on peut concevoir la dominante de la dĂ©mocratie, comme mode de vie, comme la nĂ©cessaire participation de tout ĂȘtre humain adulte Ă  la formation des valeurs qui rĂšglent la vie des hommes en commun[98] ».

Pour Dewey, la dĂ©mocratie se distingue de l’aristocratie en ce qu’elle est basĂ©e sur la conviction que chaque humain est capable de responsabilitĂ© individuelle et d’initiative. Il y a donc dans la dĂ©mocratie un individualisme Ă©thique que Dewey appelle personnalitĂ© et qu’il voit comme une rĂ©alisation. Dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique, chaque citoyen souverain peut atteindre, rĂ©aliser la personnalitĂ©. La dĂ©mocratie implique des changements radicaux des institutions sociales, Ă©conomiques, lĂ©gales et culturelles. La dĂ©mocratie dĂ©passe les questions institutionnelles et procĂ©durales. Elle concerne toutes les sphĂšres sociales y compris sur le lieu de travail. Elle consiste en l’enquĂȘte et en les conditions de celle-ci. Elle est fondĂ©e sur l’égalitĂ© (chacun peut contribuer Ă  l’enquĂȘte critique). Elle accorde une place centrale Ă  la dĂ©libĂ©ration. Elle est la meilleure maniĂšre de faire face aux conflits des intĂ©rĂȘts. Elle implique que le public se perçoive comme agent politique (et en fasse l’apprentissage par un rĂ©seau d’interactions sociales locales et quotidiennes). On arrive Ă  l’idĂ©e de la dĂ©mocratie en partant de la communautĂ© comme fait et en tentant de clarifier et de promouvoir les Ă©lĂ©ments constitutifs de ce fait. Pour qu’il y ait communautĂ©, il faut qu’il y ait action en commun et que les consĂ©quences de l’action commune soient perçues et deviennent objet de dĂ©sir et d’effort, ce qui implique la communication qui permet d’attacher une signification aux choses et aux actes[95].

La dĂ©mocratie est pour lui un prĂ©requis Ă  la libertĂ© au sens de l'individualitĂ©[99]. L'individu n'est pas pour lui un atome mais un ĂȘtre en relation avec les autres, ce qui le conduit Ă  rejeter les thĂ©ories du contrat social Ă  la Jean-Jacques Rousseau puisque dans ce cas les relations prĂ©existent[100] Ă  la sociĂ©tĂ©, alors que l'essentiel rĂ©side dans les interactions sociales dans la sociĂ©tĂ©. Si pour lui la philosophie et la dĂ©mocratie sont liĂ©es, c'est que dans les deux cas, les choix ne peuvent ĂȘtre imposĂ©s de l'extĂ©rieur. Dans les deux cas, c'est Ă  travers la discussion, les questions et les rĂ©flexions, que nos convictions s'enracinent en nous, deviennent nĂŽtres[101].

C'est parce que l'individu doit participer au dĂ©bat de façon Ă  se rĂ©aliser que Dewey se mĂ©fie des experts. Toutefois, pour Festenstein[102], chez Dewey, la dĂ©mocratie est instrumentale et d'une certaine façon minimale. Certes, la dĂ©mocratie permet la participation des citoyens et les protĂšge des experts qu'il voit comme une oligarchie dont les intĂ©rĂȘts ne sont pas forcĂ©ment ceux des citoyens mais, malgrĂ© tout, les techniciens experts conservent une place importante[99] dans l'enquĂȘte sociale, la piĂšce maĂźtresse de sa philosophie[99], celle qui conditionne sa foi dans la dĂ©mocratie. Dans cette optique, pour JoĂ«lle Zask, chez Dewey « la participation est le terme Ă©thique et politique qui Ă©quivaut Ă  l'expĂ©rimentation »[103]. En lien avec le darwinisme de Dewey, si les institutions politiques et administratives doivent favoriser Ă  la fois le processus dĂ©mocratique et la participation des citoyens, elles n'en demeurent pas moins contingentes et soumises Ă  l'obligation d'Ă©voluer sans cesse en fonction des problĂšmes[101]. Pour Dewey, les questions politiques sont techniques, complexes et demandent une enquĂȘte Ă©tablissant des faits, enquĂȘte qui ne peut ĂȘtre menĂ©e que par ceux qui sont Ă©quipĂ©s pour cela. Pourtant, ceci ne supprime pas la question du public ni le fait qu’arriver Ă  une question technique est dĂ©jĂ  le rĂ©sultat d’un processus. L’enquĂȘte est le travail des experts. Pour autant, un gouvernement d’experts, mĂȘmes compĂ©tents et bien intentionnĂ©s, ne suffit pas sans la participation du peuple car, sans ce dernier, les experts sont coupĂ©s des besoins et des troubles sociaux. La masse, elle, doit avoir l’aptitude de juger la portĂ©e de la connaissance fournie par d’autres sur les prĂ©occupations communes. Elle en est capable si les conditions (publicitĂ©, enquĂȘte) sont rĂ©unies et si elle reçoit une Ă©ducation qui dĂ©veloppe son intelligence[104].

Ce souci d'ancrer la rĂ©flexion politique dans les problĂšmes effectifs que soulĂšve une sociĂ©tĂ© explique que l'analyse deweyienne de l'industrialisation de la sociĂ©tĂ© l'ait conduit Ă  penser qu'une rĂ©activation de l'idĂ©al dĂ©mocratique implique de dĂ©passer l'opposition entre le libĂ©ralisme et le collectivisme, notamment d'inspiration marxiste[105]. Cette tentative le conduit Ă  critiquer la position de Walter Lippmann, dont la critique du collectivisme s'explique parce qu'il l'a rĂ©duit au collectivisme d'État sur le modĂšle soviĂ©tique ou sur le modĂšle, attĂ©nuĂ©, du New Deal. Au contraire, la force des organisations, dans une sociĂ©tĂ© industrielle comme la nĂŽtre, implique, pour Dewey, de penser un "collectivisme libĂ©ral"[106], pour mieux refondre l'individualitĂ©, son pouvoir et sa libertĂ©. Cette comprĂ©hension d'un socialisme qui ne serait plus Ă©tatique conduit Dewey Ă  nourrir le libĂ©ralisme, tel qu'il souhaite le reconstruire, de motifs marxistes, dont il critique la forme dogmatique adoptĂ©e dans la plupart des courants communistes, mais dont il valide les intentions, Ă  commencer par la comprĂ©hension de la sociĂ©tĂ© en termes de lutte des classes, l'importance du facteur Ă©conomique pour comprendre les processus sociaux, et la nĂ©cessaire socialisation de l'industrie pour en finir avec l'"autocratie industrielle"[107].

Le public et ses problĂšmes

Le livre de Dewey Le Public et ses problÚmes est publié en 1927 en partie pour traiter un thÚme abordé par Walter Lippmann dans ses deux livres : Public Opinion (1922) et The Phantom Public (1925). Les problématiques de base de ces ouvrages sont assez proches : « Il s'agit de dénoncer le mythe libéral de l'« omnicompétence » des citoyens »[108] et d'étudier des pistes visant à une meilleure intégration du public dans le systÚme de décision des pays qui à la fois deviennent des Grandes Sociétés et doivent s'insérer dans une société monde.

Le public et l'État

Pour Dewey, l'État n'a rien de mĂ©taphysique comme chez les hĂ©gĂ©liens. Il ne dĂ©pend pas non plus d'une cause unique comme la volontĂ© gĂ©nĂ©rale chez Jean-Jacques Rousseau, ni de raisons historiques ou psychologiques comme la peur chez Hobbes. L'État est de nature essentiellement fonctionnelle et tient Ă  la nĂ©cessitĂ© de gĂ©rer les consĂ©quences des actes des hommes[109]. Pour lui, il y a un État parce que « les actes humains ont des consĂ©quences sur d'autres hommes, que certaines de ces consĂ©quences sont perçues, et que leur perception mĂšne Ă  un effort ultĂ©rieur pour contrĂŽler l'action de sorte que certaines consĂ©quences soient Ă©vitĂ©es et d'autres assurĂ©es[110] ». C'est uniquement parce que les gens prennent conscience qu'une telle fonction doit ĂȘtre assurĂ©e qu'un public se forme et constitue un État[111]. Pour Dewey, « l'État est l'organisation du public effectuĂ©e par le biais de fonctionnaires pour la protection des intĂ©rĂȘts partagĂ©s par ses membres. Mais, ce qu'est le public, ce que sont les fonctionnaires, s'ils assurent convenablement leur fonction, voilĂ  des choses que nous ne pouvons dĂ©couvrir qu'en allant dans l'histoire[112]. »

Le public et la politique

Dewey veut dĂ©substantialiser la politique, c'est-Ă -dire ne pas la limiter aux cercles du pouvoir mais faire en sorte que les individus puissent enrichir et dĂ©velopper leur individualitĂ© en participant Ă  la politique de façon concrĂšte Ă  partir des problĂšmes qui se posent Ă  eux. Il n'y a organisation politique du public que s'il prend conscience de ses intĂ©rĂȘts et de lui-mĂȘme. Cette prise de conscience est facilitĂ©e par l'Ă©ducation et rendue plus efficiente par la thĂ©orie de l'enquĂȘte[113]. La politique, pour Dewey, c'est quand des personnes indirectement affectĂ©es par un problĂšme qui limite leur possibilitĂ© d'individuation deviennent actives non plus seulement au niveau social mais au niveau politique, c'est-Ă -dire pour promouvoir des rĂ©gulations lĂ©gales ou institutionnelles plus adaptĂ©es. Dit autrement : « la tĂąche essentielle du public est d'assurer un mouvement de passage entre les situations sociales problĂ©matiques et les actes de rĂ©glementation politique[109] ». La formation de publics Ă©clairĂ©s implique ainsi de poser adĂ©quatement le problĂšme des implications sociales et de la forme sociale de la connaissance[114].

John Dewey et le New Deal[115]

Dewey a Ă©crit prĂšs de 150 textes pour commenter les diffĂ©rents aspects du New Deal pendant la pĂ©riode. Ses idĂ©es thĂ©oriques influencent Roosevelt et plusieurs de ses conseillers proches dont le juriste Adolf Berle et l’économiste Rexford Tugwell, notamment en ce qui concerne l’incapacitĂ© du libĂ©ralisme formel ou du laissez-faire Ă  faire face aux problĂšmes crĂ©Ă©s par la sociĂ©tĂ© industrielle et, de maniĂšre corollaire, le besoin d’une intervention et d’une planification Ă©tatiques plus forte dans l’économie. Plusieurs recommandations politiques spĂ©cifiques de Dewey sont reprises par le New Deal telles que la distribution plus Ă©quitable des revenus, la taxation progressive, des programmes de rĂ©novation urbaine par le logement, la sĂ©curitĂ© sociale, l’aide directe aux pauvres, le renforcement des syndicats, le droit du travail.

Mais, pour John Dewey, le New Deal, mĂȘme s’il va dans le bon sens, est loin d’ĂȘtre assez radical. Le New Deal  ne dĂ©mocratise pas assez l’économie et ne donne pas aux travailleurs la possibilitĂ© de dĂ©finir leur intĂ©rĂȘt dans la production, la distribution et la consommation. Il ne vise pas Ă  organiser politique les citoyens pour crĂ©er une nouvelle culture de dĂ©mocratie radicale (populaire, Ă©galitaire, dĂ©libĂ©rative). Il ne tient pas assez en compte que la production et la consommation ne sont que des moyens, pas des fins en soi, la fin Ă©tant la production d’ĂȘtres humains libres associĂ©s entre eux dans un lien d’égalitĂ©. Il favorise le capitalisme plutĂŽt que la dĂ©mocratie, et ne questionne pas le statut et le pouvoir de la classe capitaliste.

Pour Dewey, le New Deal aurait dĂ» crĂ©er un cadre institutionnel permettant aux citoyens de communiquer entre eux et d’arriver Ă  une comprĂ©hension de leurs intĂ©rĂȘts communs. Mais l’organisation effective de l’État ne va pas dans le sens de ce renforcement de la dĂ©mocratie et le public est dĂ©sorganisĂ©. Le vide que ce public dĂ©sorganisĂ© laisse au sein de l’État est accaparĂ© par les intĂ©rĂȘts organisĂ©s, Ă  savoir les intĂ©rĂȘts capitalistes. Pour Dewey, le dĂ©fi du libĂ©ralisme est de construire un État au service des intĂ©rĂȘts de la communautĂ© des citoyens et pas des intĂ©rĂȘts capitalistes privĂ©s. Pour lui, les deux grands partis servent les intĂ©rĂȘts du capitalisme. Il en ressort un mauvais gouvernement et des citoyens apathiques (car ils savent que leur vote ne change pas grand-chose).

Dewey critique le New Deal Ă  partir de ce qu’il considĂšre ĂȘtre une tradition Ă©thique typiquement amĂ©ricaine de la dĂ©mocratie dont les Ă©lĂ©ments centraux sont le droit et le devoir de chaque personne de participer au gouvernement de la localitĂ©, de l’État, de la nation, des idĂ©es morales centrĂ©es sur l’égalitĂ©, la libertĂ© et l’individualisme (au sens de libertĂ© et non au sens d’égoĂŻsme) et la vision d’un gouvernement comme relevant de l’organisation volontaire et impliquant le droit de changer les institutions si elles ne rĂ©pondent plus Ă  l’intĂ©rĂȘt commun. Pour lui, le socialisme reprĂ©sente le rĂ©sultat de l’application de valeurs libĂ©rales dans le contexte de la sociĂ©tĂ© capitaliste amĂ©ricaine. Il appelle Ă  une dĂ©mocratie et Ă  un libĂ©ralisme radicaux fondĂ©s sur l’intelligence comme guide de l’enquĂȘte et de l’action (ce qui implique d’utiliser les moyens Ă  disposition, d’ĂȘtre flexible, de comprendre les dĂ©fis et d’adopter une approche expĂ©rimentale).

Pour autant, Dewey ne se considĂšre pas communiste car, pour lui, le communisme ne fait pas partie de la tradition amĂ©ricaine et ne tient pas compte du contexte amĂ©ricain, la doctrine communiste tend Ă  l’uniformitĂ© tant pratique que thĂ©orique, ce qui est profondĂ©ment antidĂ©mocratique, le communisme promeut la violence, ce que Dewey considĂšre ĂȘtre une grave erreur et les tactiques des communistes amĂ©ricains (perversion des processus dĂ©mocratiques, malhonnĂȘtetĂ© intellectuelle, etc.) l’exaspĂšrent.

Le rapport entre Dewey et le New Deal n’est pas uniquement intellectuel. Entre 1928 et 1936, John Dewey participe activement Ă  la League For Independent Political Action (LIPA) et au People’s Lobby afin d’éduquer le public et de crĂ©er un troisiĂšme parti devant servir Ă  faire passer le contrĂŽle des mains des intĂ©rĂȘts capitalistes Ă  celles des citoyens, deux objectifs cruciaux selon lui. En 1933, Dewey participe activement Ă  la formation de la Farmer Labor Political Federation et en devient le prĂ©sident d’honneur, avec l’objectif de fĂ©dĂ©rer les intĂ©rĂȘts des fermiers et des ouvriers. En 1934, la FLPF remporte des succĂšs Ă©lectoraux dans les grands lacs (Minnesota, Wisconsin) et sur la cĂŽte ouest (État de Washington, Oregon, Californie). En 1936, ces tentatives de promouvoir un troisiĂšme parti Ă©chouent du fait de divers facteurs (factionnalisme, accords de certains avec Roosevelt, peur de se ridiculiser, peur de faire le jeu des RĂ©publicains, etc.).

Éducation et dĂ©mocratie chez Dewey

Table des matiĂšres du livre Democracy and Education

L'University of Chicago Laboratory Schools

Lorsque Dewey arrive Ă  Chicago en 1886, la ville compte de nombreux mouvements Ă©ducatifs progressistes : « la SociĂ©tĂ© Herbart pour l'Ă©tude scientifique de l'enseignement, le Mouvement pour l'Ă©tude de l'enfant, le Mouvement pour l'Ă©ducation manuelle, le Mouvement hĂ©gĂ©lien de William Harris et le Mouvement du colonel Parker »[116]. Dewey envoie ses enfants Ă  l'Ă©cole du colonel Parker, bien qu'Harris le voie comme un de ses disciples. En 1896, il crĂ©e une Ă©cole-laboratoire au sein de l'universitĂ© de Chicago, l'University of Chicago Laboratory Schools ; Ă  ses dĂ©buts elle compte seize enfants et deux maĂźtres. En 1903, elle compte 140 Ă©lĂšves, 23 instituteurs et dix assistants[117]. Les Ă©lĂšves dont les parents appartiennent au corps enseignant de l'universitĂ© de Chicago sont peu nombreux. Dewey fixe Ă  cette expĂ©rience deux objectifs : ĂȘtre une source d'inspiration pour d'autres et constituer un centre de recherche dans le domaine de la pĂ©dagogie[118].

Les Ă©lĂšves sont rĂ©partis en onze groupes d'Ăąge[119] et vont « en classe pour faire des choses : cuisiner, coudre, travailler le bois et utiliser des outils pour des actes de construction simples, et c'est dans le contexte et Ă  l'occasion de ces actes que s'ordonnent les Ă©tudes : Ă©criture, arithmĂ©tique, etc[119]. » L'Ă©cole expĂ©rimentale, pour Westbrook, est d'abord « une expĂ©rience d'Ă©ducation Ă  la dĂ©mocratie ». L'esprit dĂ©mocratique ne doit pas seulement animer les Ă©lĂšves mais Ă©galement les enseignants qui doivent participer Ă  la gestion des Ă©tablissements. Dewey est critique sur ce qui s'est passĂ© aux États-Unis oĂč le pouvoir Ă  l'Ă©cole est passĂ© des politiques aux directeurs sans que le caractĂšre autocratique du pouvoir n'ait Ă©tĂ© modifiĂ©[118]. Pour lui, la participation des Ă©lĂšves est importante. Il Ă©crit Ă  ce propos : « tant qu'on ne s'attache pas Ă  crĂ©er des conditions obligeant l'enfant Ă  participer activement Ă  la construction personnalisĂ©e de ses propres problĂšmes et Ă  concourir Ă  la mise en Ɠuvre des mĂ©thodes qui lui permettront de les rĂ©soudre (fĂ»t-ce au prix d'essais et d'erreurs multiples), l'esprit ne peut ĂȘtre rĂ©ellement libĂ©rĂ© »[120]

À la suite du rattachement de l'Ă©cole de Francis Parker en 1903, les enseignants de celle-ci refusent la participation Ă  l'Ă©cole de « M. et Mme Dewey ». Ce dĂ©saccord est tranchĂ© en leur faveur par le prĂ©sident de l'universitĂ© de Chicago, qui congĂ©die l'Ă©pouse de Dewey, lequel dĂ©missionne en 1904[121].

Pragmatisme, instrumentalisme et pédagogie

La pĂ©dagogie de Dewey est trĂšs marquĂ©e par son instrumentalisme qui veut que la pensĂ©e aide l'humanitĂ© Ă  survivre et Ă  accroĂźtre son bonheur[122]. Tout comme sa philosophie est basĂ©e sur le refus du dualisme entre pensĂ©e et pratique et sur une interaction entre les deux, de mĂȘme, l'Ă©cole a pour fonction de partir de l'expĂ©rience des enfants et de lui donner une direction Ă  partir des quatre impulsions qui sont : « de communiquer, de construire, de chercher Ă  savoir et d'affiner son expression »[123].

Cette façon de voir le distingue des deux courants pĂ©dagogiques qui s'opposent vers 1890, Ă  savoir : les traditionalistes et les partisans d'une pĂ©dagogie « centrĂ©e sur l'enfant »[124]. Aux premiers, il reproche de ne pas Ă©tablir de liens entre ce qui est enseignĂ© et les intĂ©rĂȘts et activitĂ©s des enfants[125]. Aux seconds, il reproche d'ĂȘtre trop centrĂ©s sur l'enfant et d'oublier la sociĂ©tĂ©, la rĂ©alitĂ© Ă©conomique. Pour Dewey, en effet, il ne faut pas « traiter les intĂ©rĂȘts et les capacitĂ©s de l'enfant comme des choses significatives par elles-mĂȘmes »[126], car « les faits et les vĂ©ritĂ©s qui entrent dans l'expĂ©rience de l'enfant et ceux que renferment les programmes d'Ă©tude sont le terme initial et le terme final d'une mĂȘme rĂ©alitĂ©[127]. »

La pĂ©dagogie de Dewey est en gĂ©nĂ©ral considĂ©rĂ©e comme trĂšs exigeante pour l'enseignant. Matthew et Edwards, deux auteurs qui ont Ă©tudiĂ© sa pĂ©dagogie, comparent le rĂŽle de l'institutrice Ă  celui d'Alice dans le roman de Lewis Carroll : « comme Alice, Ă©crivent-ils, l'institutrice doit passer avec ses enfants derriĂšre le miroir et, dans ce prisme de l'imaginaire, elle doit voir toutes choses avec leurs yeux et avec les limites qui sont celles de leur expĂ©rience ; mais, lorsque la nĂ©cessitĂ© s'en fait sentir, elle doit ĂȘtre capable de recouvrer sa vision exercĂ©e et, avec le point de vue rĂ©aliste de l'adulte, de fournir aux enfants les repĂšres du savoir et les outils de la mĂ©thode »[128].

DĂ©mocratie et Ă©ducation

Longtemps, John Dewey a perçu la pĂ©dagogie comme « un moyen essentiel de dĂ©mocratisation de la vie amĂ©ricaine »[21] avant de miser davantage sur l'action politique. In fine, pourtant, selon Westbrook, la diffusion de la philosophie s'est plus rĂ©alisĂ©e Ă  travers son Ɠuvre pĂ©dagogique qu'Ă  travers ses ouvrages philosophiques[129]. Il Ă©crit son ouvrage plus abouti sur la pĂ©dagogie, DĂ©mocratie et Ă©ducation, en 1916 juste avant de produire ses grandes Ɠuvres philosophiques. Le succĂšs de ce livre, rĂ©guliĂšrement rĂ©Ă©ditĂ© en anglais, tient Ă  ce qu'il pose les questions de fonds sur l'enfant et la sociĂ©tĂ© qui s'ouvre devant lui. Selon GĂ©rard Deledalle, pour Dewey, « l'Ă©cole n'est pas un moyen d'adapter l'enfant Ă  la sociĂ©tĂ© des adultes, quelle qu'elle soit ; l'Ă©cole est la sociĂ©tĂ© oĂč l'enfant se prĂ©pare Ă  la sociĂ©tĂ© qui sera la sienne demain »[130].

Pour Dewey, la fonction essentielle de l'Ă©cole est d'aider l'enfant Ă  acquĂ©rir du « caractĂšre », c'est-Ă -dire une « somme d'habitudes et de vertus qui lui permettront de se rĂ©aliser pleinement »[131]. Pour cela, il faut utiliser au mieux le dĂ©sir innĂ© qu'il perçoit chez les enfants, « de donner, de faire, c'est-Ă -dire de servir ». Il se mĂ©fie d'une Ă©cole basĂ©e sur la crainte et la rivalitĂ© car elle fait perdre le sens de la communautĂ© au profit de motivations individualistes[131]. Ce type d'Ă©cole conduit Ă©galement les plus faibles Ă  perdre leur capacitĂ© et Ă  intĂ©rioriser leur position d'infĂ©rioritĂ© scolaire[131]. Au contraire, elle doit favoriser le sens social et dĂ©mocratique en Ă©tant une communautĂ© coopĂ©rative, c'est-Ă -dire « une institution qui soit, provisoirement, un lieu de vie pour l'enfant, oĂč l'enfant soit un membre de la sociĂ©tĂ©, ait conscience de cette appartenance et accepte d'apporter sa contribution »[132].

Dewey et l'Ă©ducation progressive

Selon GĂ©rard Deledalle, « Dewey est considĂ©rĂ© comme le thĂ©oricien — le porte-parole, le reprĂ©sentant et le symbole de l'Ă©ducation progressive en AmĂ©rique et dans le monde, qu'on l'en fĂ©licite ou qu'on lui en fasse le reproche »[133]. Les reproches viendront trĂšs rapidement aux États-Unis et dĂšs la fin des annĂ©es 1920, il lui sera reprochĂ© tout ce qui ne va pas dans le systĂšme Ă©ducatif de son pays[133]. Ailleurs, son influence se fait Ă©galement ressentir, notamment dans la rĂ©forme chinoise de 1922. En Irak, il a eu de nombreux disciples dont Mohammed Fadhel Jamali[133].

Une des forces de la pédagogie de Dewey, ce qui le distingue des autres pédagogies progressives américaines, tient à ce qu'il ne propose pas des recettes mais des méthodes d'expérimentation. Il eut aussi la chance d'avoir des disciples compétents : William H. Kilpatrick, Georges Counts et John L. Childs[134]. Toutefois si Dewey est classé parmi l'éducation progressive, il n'appartient pas à « l'école progessiste « romantique » » centrée sur l'enfant et la réalisation du soi[135]. En effet, conformément à sa philosophie, l'enfant, comme tout individu, interagit avec son environnement et son moi se heurte aux contraintes de la réalité et lui font faire des expériences d'adaptation.

Il ne participe pas aux congrĂšs de la Ligue internationale pour l'Ă©ducation nouvelle, hormis celui de 1934 en Afrique du Sud[24], mais, traduit en français dĂšs 1913, il est considĂ©rĂ© comme une rĂ©fĂ©rence par des praticiens francophones de l'Ă©cole nouvelle comme CĂ©lestin Freinet, Roger Cousinet ou Ovide Decroly[136], et d'autres partisans des mĂ©thodes de pĂ©dagogie active[137]. Entre Dewey et eux, il existe une diffĂ©rence de perspective. Ce sont d'abord des pĂ©dagogues, mĂȘme s'ils sont conscients des enjeux politiques et sociaux de l'Ă©cole. Dewey est d'abord un philosophe qui intĂšgre d’emblĂ©e la pĂ©dagogie dans le cadre plus vaste de sa pensĂ©e philosophique[138]. Sa pĂ©dagogie est Ă©galement proche sur certains points de celle du sociologue français Émile Durkheim[139]. Tous deux donnent Ă  l'Ă©cole la mission de faire vivre un sentiment de sociĂ©tĂ© et assigne au maĂźtre d'Ă©cole un rĂŽle de coordinateur. Toutefois leur conception de la nature humaine est radicalement diffĂ©rente. Durhkeim voit l'enfant comme une table rase dont « il faut que, par les voies les plus rapides, Ă  l'ĂȘtre Ă©goĂźste et asocial qui vient de naĂźtre, elle [la sociĂ©tĂ©] en ajoute un autre, capable de mener une vie morale et sociale »[140]. Dewey voit dans cette perception de l'homme des rĂ©miniscences du dualisme Ăąme/corps. L'immaturitĂ© de l'enfant n'est pas un manque, elle est plutĂŽt la base Ă  partir de laquelle il va pouvoir faire des expĂ©riences, c'est « une force positive, une capacitĂ© d'agir, une possibilitĂ© de croissance qui ne demande qu'Ă  ĂȘtre stimulĂ©e et dirigĂ©e »[139].

La philosophie de l'Ă©ducation

En 1916, il publie le livre « DĂ©mocratie et Ă©ducation » qui est un vrai classique. Dans son livre, Dewey Ă©crit qu'un changement est nĂ©cessaire dans deux domaines, l'Ă©cole et la sociĂ©tĂ© civile, en particulier en vue de stimuler la crĂ©ativitĂ© et le pluralisme et de construire une sociĂ©tĂ© sociale, oĂč les systĂšmes tels que le gouvernement, l'Ă©glise et les entreprises sont en Ă©quilibre, une contrepartie du systĂšme totalitaire.

Dewey est convaincu que les Ă©lĂšves apprennent principalement en faisant de l'Ă©ducation progressive. Il considĂšre qu'il est important que les intĂ©rĂȘts et les besoins des Ă©tudiants soient soigneusement pris en compte. Il est essentiel de permettre la dĂ©couverte du monde, de prĂ©fĂ©rence Ă  travers un programme interdisciplinaire, tel que l'enseignement par projet, dans lequel les Ă©lĂšves peuvent entrer ou sortir de la classe de leur propre initiative, l'enseignant apportant plus de soutien et de facilitation[141].

Pour John Dewey et d'autres pragmatiques, apprendre par la pratique est trÚs important, ils sont convaincus que les étudiants ou d'autres personnes qui apprennent devraient vivre la réalité telle qu'elle est. Du point de vue pédagogique de John Dewey, cela signifie que les élÚves doivent s'adapter à leur environnement pour apprendre[142].

Selon lui, ce n'est pas seulement l'élÚve qui apprend, mais c'est l'expérience des élÚves et des enseignants ensemble qui apporte une valeur ajoutée aux deux[143].

Ce qui précÚde montre que John Dewey est un partisan des réformes progressives de l'éducation. Il est convaincu que le systÚme éducatif présente des défauts et doit se concentrer sur l'apprentissage par la pratique. Lui et sa femme Harriet ont donc créé leur propre école primaire expérimentale en 1894 : l'école élémentaire universitaire[142].

De 1894 à 1904, Dewey se concentre sur une expérience pédagogique "Laboratory School" de l'Université de Chicago : les étudiants ne sont pas enseignés sur des matiÚres standards, mais travaillent sur des sujets à travers un "projet". Cette école fait actuellement partie des cinq meilleures écoles du pays. Plus de vingt-cinq ans plus tard, en 1919, Dewey a fondé la New School for Social Research avec ses collÚgues Charles Beard, James Harvey Robinson et Wesley Slair Mitchell. C'était une autre école expérimentale et progressive qui stimulait le libre-échange d'idées dans les domaines de l'art et des sciences sociales[142].

Influence et postérité

Critique de la philosophie de Dewey par Russell et Santayana

George Santayana, un philosophe critique vis-Ă -vis de la philosophie Dewey.

Selon Bertrand Russell, la vĂ©ritĂ© pour les philosophes professionnels est le plus souvent « statique et finale, parfaite et Ă©ternelle »[144] et, en terme religieux, peut ĂȘtre identifiĂ©e Ă  la raison divine ou la rationalitĂ© que nous partageons avec Dieu[144]. Russell tient la table de multiplication comme Ă©tant la perfection en matiĂšre de vĂ©ritĂ©. D'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale chez ce philosophe, la vĂ©ritĂ© est liĂ©e avec les mathĂ©matiques[144]. Dewey, au contraire, partage avec Hegel une vision plus organique du monde, mais alors que chez le philosophe allemand, l'existence d'un absolu n'est pas remise en cause, au contraire, chez Dewey tout est processus sans idĂ©e d'Ă©ternitĂ© ou d'ordre Ă©ternel de la nature. OĂč, plutĂŽt pour Russell, cet ordre sous-tend la thĂ©orie de Dewey sans qu'il arrive Ă  comprendre jusqu'Ă  quel point Dewey en est conscient[145].

Bertrand Russell estime que la principale divergence entre lui et Dewey est « qu'il juge une croyance par ses effets alors que moi je la juge par ses causes »[146]. « Si la vĂ©ritĂ© est dĂ©terminĂ©e par ce qui est arrivĂ©, elle est indĂ©pendante de volontĂ© prĂ©sente ou future ». Au contraire, voir la vĂ©ritĂ© comme assertabilitĂ© garantie comme chez Dewey, introduit une possibilitĂ© pour l'homme de peser sur ce qui doit ĂȘtre assertĂ©. C'est ainsi que pour Russell, un partisan de Dewey ingĂ©nieux pourrait arriver Ă  l'assertabilitĂ© garantie que Jules CĂ©sar n'a pas franchi le Rubicon[146].

Pour Russell, la pensée de Dewey est trÚs liée au monde de la révolution industrielle et il se déclare d'accord avec George Santayana lorsque ce dernier écrit « chez Dewey, comme dans la science et l'éthique présente, il y a une forte tendance quasi-hégélienne à dissoudre l'individu dans ses fonctions sociales, comme tout ce qui est substantiel et véritable en quelque chose de relatif et de transitoire »[147].

Critique de la démocratie délibérative de Dewey par Posner

Pour Richard Posner, le mot dĂ©mocratie a deux significations principales chez Dewey. La premiĂšre consiste en une perception Ă©pistĂ©mique de la dĂ©mocratie qui rompt Ă  travers la thĂ©orie de l'enquĂȘte avec une dĂ©marche de recherche essentiellement individualiste. La seconde rĂ©side dans une vision de la dĂ©mocratie comme systĂšme de dĂ©cision politique oĂč les dĂ©cideurs sont Ă©lus[148]. Posner nomme « dĂ©mocratie dĂ©libĂ©rative » la tentative de Dewey de concevoir la dĂ©mocratie ni comme un conflit d'intĂ©rĂȘts comme dans la thĂ©orie des choix publics, ni comme une agrĂ©gation de prĂ©fĂ©rences comme les disciples de Jeremy Bentham, ni comme une surveillance de l'Ă©lite au pouvoir Ă  la façon de Joseph Schumpeter, mais comme une mise en commun de diffĂ©rentes approches suivie de dĂ©bats pour sĂ©lectionner la meilleure[149]. Selon Posner, « cette dĂ©mocratie dĂ©libĂ©rative est presque aussi purement une espĂ©rance d'un irrĂ©alisme sans espoir que le gouvernement par des gardiens platoniciens »[149]. Selon lui, un des seuls avantages de ce systĂšme est permettre aux politiques de prendre le « pouls de l'opinion publique »[149].

Posner adresse plusieurs autres critiques Ă  John Dewey. Il estime que, comme bien des intellectuels, il « exagĂšre l'importance de la connaissance et de l'intelligence dans les affaires publiques »[150]. Par ailleurs, il craint qu'impliquer les citoyens dans la vie publique soit plus susceptible d'affaiblir la dĂ©mocratie que la renforcer. À cela deux raisons. D'une part, l'implication des citoyens risque plus d'exacerber les conflits que d'en faciliter une rĂ©solution rationnelle. D'autre part, les citoyens connaissent surtout leurs intĂ©rĂȘts. Les impliquer dans la vie publique leur fait aborder des champs qu'ils connaissent mal et risque fort de les distraire de la poursuite de leurs affaires de sorte que la vie publique et la vie privĂ©e vont en pĂątir[151]. Si, selon Richard Posner, la dĂ©mocratie reprĂ©sentative, qui est de nature aristocratique au sens aristotĂ©licien du terme de gouvernement par les meilleures, est supĂ©rieure, l'important pour lui est ailleurs. Il est d'abord dans la libertĂ© d'expression et dans celle d'enquĂȘter comme le soulignait dĂ©jĂ  John Stuart Mill dans son livre LibertĂ©[150].

Dewey, l'école institutionaliste américaine et le « capitalisme raisonnable »

John Rogers Commons, un économiste américain marqué par la philosophie de Dewey.

Des Ă©conomistes se sont intĂ©ressĂ©s aux liens entre la philosophie de John Dewey et l'institutionnalisme amĂ©ricain. Pour Rick Tilmman, « la thĂ©orie politique instrumentaliste de John Dewey constitue la contrepartie politique de l'institutionnalisme Ă©conomique »[152], Laure Bazzoli et VĂ©ronique Dutraive ont Ă©tudiĂ© d'une part l'influence de la philosophie pragmatique de Dewey et de Peirce sur l'Ă©pistĂ©mologie de l’institutionnalisme amĂ©ricain puis sur le lien entre la philosophie de Dewey et les rĂ©flexions de John Rogers Commons sur le capitalisme raisonnable[153].

Il est possible de discerner au moins deux grands points de convergence entre le pragmatisme, notamment celui de Dewey, et l'institutionnalisme amĂ©ricain. D'une part, tout comme le pragmatisme de Dewey, les institutionnalistes rejettent le dualisme cartĂ©sien qui permet Ă  l'Ă©cole nĂ©oclassique de considĂ©rer comme hors de son champ la psychologie de l'ĂȘtre humain pour se centrer sur la rationalitĂ©[154]. C'est ainsi que Veblen va mettre en avant les instincts, les habitudes et les transactions[155] et Commons la volontĂ©, les coutumes et les transactions[156]. D'autre part, l'individu chez Dewey n'est pas isolĂ© et n'est pas seulement rĂ©actif Ă  son environnement mais cherche Ă  s'adapter Ă  son environnement de façon plus complexe et plus globale, notamment Ă  travers les institutions (lois, transactions, gouvernements, organisations etc.) que dans la thĂ©orie nĂ©oclassique. Commons traduit le concept d'individualitĂ© de Dewey en considĂ©rant l'individu comme une personne et « un esprit institutionnalisĂ© »[157].

John Rogers Commons reprend la thĂ©orie de l'enquĂȘte de Dewey et, comme lui, voit la dĂ©marche scientifique comme la « rĂ©duction [de la philosophie sociale] en thĂ©ories et hypothĂšses pour l'investigation »[158]. Commons va mettre en Ɠuvre des enquĂȘtes sociales dans ses recherches « pour rendre la capitalisme meilleur »[159]. Pour Bazzoli et Dutraive, la convergence entre John Dewey et John Rogers Commons s'Ă©tend Ă  leur philosophie sociale fondĂ©e sur la dĂ©mocratie[160]. Elles considĂšrent Ă©galement que les valeurs raisonnables et la pratique du capitalisme raisonnables « peuvent constituer le prolongement cohĂ©rent de la philosophie de Dewey et le rendre opĂ©ratoire dans le domaine de la vie Ă©conomique, comme point d'ancrage essentiel, dans le monde, d'une « dĂ©mocratie crĂ©atrice » »[161]. À la question : qu'est-ce une valeur raisonnable chez Commons ?, il est possible de rĂ©pondre que ce sont des valeurs qui ont Ă©mergĂ© d'un processus Ă  la Dewey de rĂ©solutions successives de problĂšmes[162]. Toutefois, Commons est plus concret que Dewey et ses processus incluent les arrĂȘts de la Cour suprĂȘme des États-Unis ou d'instances politiques[162].

Présence de la pensée de Dewey aujourd'hui

John Dewey a Ă©tĂ© le philosophe amĂ©ricain le plus influent durant la premiĂšre moitiĂ© de XXe siĂšcle[129]. Puis sa pensĂ©e a connu une Ă©clipse. Durant cette pĂ©riode, sa vision de la dĂ©mocratie est vue par Reinhold Niebuhr et les rĂ©alistes qui dominent la pensĂ©e politique comme relevant d'un optimisme aveugle. À cette pĂ©riode, sa thĂ©orie de l'enquĂȘte est souvent perçue, tant Ă  gauche qu'Ă  droite, comme une reprise creuse et peut-ĂȘtre dangereuse de la mĂ©thode scientifique[16]. Avec le dĂ©clin de la philosophie analytique, son Ɠuvre revient sur le devant de la scĂšne. Ce mouvement de retour Ă  Dewey et au pragmatisme est initiĂ© par plusieurs philosophes, dont Richard Rorty et Hilary Putnam pour ne citer que les plus influents. De nos jours Dewey est souvent considĂ©rĂ© comme un prĂ©curseur des philosophes Charles Taylor et JĂŒrgen Habermas, tout comme une des sources d'inspiration des notions de dĂ©mocratie dĂ©libĂ©rative ou participative[16].

Si en Angleterre la pensée de Dewey a été trÚs discutée et critiquée, notamment par Bertrand Russell, en France sa pensée philosophique a été longtemps ignorée, seuls certains de ses livres de pédagogie ayant été traduits[163]. Sa philosophie ne sera réellement connue et étudiée qu'à partir de 1967 et la traduction par Gérard Deledalle du livre La Logique. Depuis, ses principaux ouvrages sont disponibles en français.

AprĂšs sa mort, les opposants aux mĂ©thodes progressistes en pĂ©dagogie, comme Allan Bloom, ont eu tendance Ă  faire de Dewey le coupable dans tout ce qui ne va pas dans le systĂšme Ă©ducatif amĂ©ricain et Ă  en faire le reprĂ©sentant d'une Ă©cole centrĂ©e sur l'enfant d'inspiration romantique et rousseauiste, ce qu'il n'Ă©tait pas et ce qu'il avait rĂ©cusĂ© trĂšs fortement[21]. MalgrĂ© tout, la pensĂ©e pĂ©dagogique de Dewey reste forte aux États-Unis et gagne du terrain en France, pays pourtant marquĂ© par la pensĂ©e d'Émile Durkheim[164]. Au niveau mondial, Meuret considĂšre le programme PISA comme proche de la pensĂ©e de Dewey. S'il ne croit pas qu'il ait Ă©tĂ© conçu par des disciples de Dewey, malgrĂ© tout la proximitĂ© de dĂ©marche est pour lui un signe de la fĂ©conditĂ© de la pĂ©dagogie de Dewey[164].

Récemment des articles de journaux ont mis l'accent sur l'influence de la pensée de Dewey sur le président Obama[165] - [166]. De façon plus anecdotique, l'anthropologue Alice Dewey, une petite-fille de John Dewey, a dirigé la thÚse de la mÚre d'Obama, Ann Dunham[167] et ses filles ont été scolarisées dans une école à « pédagogie Dewey »[168].

Publications

En langue française

  • John Dewey (trad. Ou Tsui Chen), Mon credo pĂ©dagogique [« My Pedagogic Creed, 1897 »], Paris, Vrin, (1re Ă©d. 1931)
  • John Dewey, L’École et la sociĂ©tĂ© [« The School and Society, 1900 »]
    Traduction partielle dans L'Éducation, juin 1909 et dĂ©cembre 1912
  • John Dewey (trad. O. Decroly), Comment nous pensons [« How we Think, 1910 »], Paris, Flammarion, coll. « BibliothĂšque de philosophie scientifique »,
  • John Dewey (trad. R. Duthil), Les Écoles de demain [« Schools of Tomorrow, 1915 »], Paris, Flammarion,
  • John Dewey (trad. GĂ©rard Deledalle), DĂ©mocratie et Ă©ducation [« Democracy and Education, 1916 »], Paris, Armand Colin et Nouveaux Horizons, (1re Ă©d. 1975) (prĂ©sentation en ligne)
  • John Dewey (trad. Pierre Messiaen), LibertĂ© et culture [« Freedom and Culture, 1939 »], Paris, Aubier,
  • John Dewey (trad. de l'anglais par GĂ©rard Deledalle), Logique : la thĂ©orie de l'enquĂȘte, Paris, Presses universitaires de France, coll. « L'interrogation philosophique », , 2e Ă©d. (1re Ă©d. 1967), 693 p. (ISBN 2-13-045176-4 et 978-2130451761)
  • John Dewey (trad. de l'anglais par JoĂ«lle Zask), Le Public et ses problĂšmes, Paris, Folio, coll. « Folio essais », (rĂ©impr. 2010 Éditions Farrago/UniversitĂ© de Pau) (1re Ă©d. 2003), 336 p. (ISBN 978-2-07-043587-6)
  • John Dewey (trad. Patrick Di Mascio), Reconstruction en philosophie, Éditions Farrago/UniversitĂ© de Pau,
  • John Dewey (trad. Ovide Decroly), Comment nous pensons, Les EmpĂȘcheurs de penser en rond, coll. « Comment faire de la philosophie ? », (1re Ă©d. 1909), 293 p. (ISBN 978-2-84671-117-3)
  • John Dewey, L'École et l'enfant, Fabert, (1re Ă©d. 1913)
  • John Dewey (trad. Jean-Pierre Cometti et al.), L'Art comme expĂ©rience, Gallimard, (1re Ă©d. 2005)
  • John Dewey (trad. Alexandra Bidet, Louis QuĂ©rĂ© et GĂ©rĂŽme Truc), La Formation des valeurs, Paris, La DĂ©couverte,
  • John Dewey (trad. JoĂ«lle Zask), ExpĂ©rience et Nature [« Experience and Nature »], Gallimard,
  • John Dewey (trad. de Nathalie Ferron) AprĂšs le libĂ©ralisme ? Ses impasses, son avenir (Liberalism and Social Action, 1935), Ed. Climats-Flammarion, )
  • John Dewey (trad. Philippe Pignarre), A propos de "Leur morale et la nĂŽtre" (On "Their Morals And Ours" in The New International, no 8, vol. IV, aout 1938) in John Dewey, LĂ©on Trotsky Leur morale et la nĂŽtre, Paris, Les empĂȘcheurs de penser en rond-La DĂ©couverte,
  • John Dewey (trad Michel Guy Gouverneur), L'expĂ©rience et la nature (Experience and nature, 1925), l'Harmattan,
  • John Dewey (trad. Patrick Savidan), La quĂȘte de la certitude (The quest of certainty, 1929), Gallimard,
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Center for Dewey Studies

Le Center for Dewey Studies de la Southern Illinois University a rassemblé les écrits de John Dewey en trois séries d'ouvrages : The Early Works, The Middle Works et The Later Works (premiers, intermédiaires et derniers travaux). La collection est publiée par la Southern Illinois University Press (SIU Press) sous la direction de Jo Ann Boydston[169], qui a aussi été la directrice du Center for Dewey Studies[170] - [171]. Depuis 2014 une antenne française du Center for Dewey Studies a été créée. Elle est hébergée à l'Institut Marcel Mauss.

Notes et références

Citations originales

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Références

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Voir aussi

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