Histoire des poisons
Lâhistoire des poisons[1] s'Ă©tend de 4500 av. J.-C. Ă nos jours. Les poisons ont Ă©tĂ© utilisĂ©s Ă de nombreuses fins, au fil de lâhistoire humaine, plus communĂ©ment comme arme, antidote au venin et mĂ©dicament. Le poison a Ă©tĂ© Ă lâorigine de beaucoup de progrĂšs dans diffĂ©rentes branches de la mĂ©decine, comme la toxicologie, parmi dâautres sciences.
Le poison a Ă©tĂ© dĂ©couvert dans lâantiquitĂ© et a Ă©tĂ© utilisĂ© par les tribus et les civilisations anciennes comme outil de chasse pour accĂ©lĂ©rer et assurer la mort de leurs proies ou de leurs ennemis. Cet usage du poison sâest dĂ©veloppĂ© et bon nombre de ces peuples de lâantiquitĂ© ont commencĂ© Ă fabriquer des armes spĂ©cifiquement conçues pour lâusage du poison. Plus tardivement dans l'histoire, en particulier au moment de lâEmpire romain, l'un des usages les plus frĂ©quents du poison Ă©tait lâassassinat. DĂšs 331 av. J.-C., des empoisonnements perpĂ©trĂ©s Ă la table du repas ou par ingestions de boissons ont Ă©tĂ© signalĂ©s et cette pratique est devenue un phĂ©nomĂšne rĂ©pandu. Le recours Ă des substances mortelles a Ă©tĂ© observĂ© dans toutes les classes sociales, mĂȘme la noblesse les a souvent utilisĂ©es pour Ă©liminer des adversaires politiques ou Ă©conomiques.
Dans lâEurope mĂ©diĂ©vale, le poison est devenu une des mĂ©thodes d'assassinat les plus populaires, mĂȘme si des antidotes sont apparus pour beaucoup de substances parmi les poisons les plus largement rĂ©pandus. Cette pratique a Ă©tĂ© stimulĂ©e par la disponibilitĂ© accrue des poisons, des boutiques connues sous le nom dâapothicairies, vendant des produits divers Ă usage mĂ©dicinal, ont Ă©tĂ© ouvertes au public et, Ă partir de lĂ , des substances qui Ă©taient traditionnellement utilisĂ©es dans un but thĂ©rapeutique ont Ă©tĂ© employĂ©es Ă des fins moins avouables. Ă peu prĂšs au mĂȘme moment, d'autres rĂ©gions du monde ont fait de grands progrĂšs en matiĂšre de poison, les arabes sont parvenus Ă obtenir des composĂ©s dâarsenic inodores et incolores, ce qui rendait les tentatives dâassassinats impossibles Ă dĂ©tecter. Ă ce moment-lĂ , cette « Ă©pidĂ©mie dâempoisonnement » sâest Ă©galement rĂ©pandue dans certaines parties de lâAsie.
Au cours des siĂšcles, l'usage de poisons Ă des fins rĂ©prĂ©hensibles a continuĂ© Ă se rĂ©pandre. Les moyens de traiter les empoisonnements ont Ă©galement continuĂ© Ă progresser, mais de nouveaux poisons sont apparus et ont Ă©tĂ© en vogue chez les criminels. De nos jours, l'intoxication intentionnelle est moins frĂ©quente et le risque dâintoxication accidentelle par diverses substances et produits existe dĂ©sormais davantage dans la vie quotidienne. En outre, son usage s'est Ă©largi de façon exponentielle; le poison est souvent utilisĂ© comme pesticide, dĂ©sinfectant, solution de nettoyage ou conservateur, entre autres. MalgrĂ© cela, le premier usage du poison â comme engin de chasse â persiste encore dans certaines rĂ©gions reculĂ©es des pays en dĂ©veloppement, en particulier en Afrique, en AmĂ©rique du Sud, et en Asie.
Antiquité et préhistoire
Les dĂ©couvertes archĂ©ologiques prouvent que, bien que les hommes primitifs aient utilisĂ© surtout des armes classiques telles que la hache et la massue, et plus tard l'Ă©pĂ©e, ils disposaient de moyens de destruction plus subtils, pour provoquer la mort â quelque chose qui pouvait ĂȘtre obtenu par le poison[2]. Des rainures pour introduire et utiliser des poisons, tels que la tubocurarine, ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es sur leurs armes et outils de chasse, montrant que les premiers humains avaient dĂ©couvert des poisons de diffĂ©rentes puissances et les utilisaient pour leurs armes[2]. Il est probable que l'existence de ces Ă©tranges substances nocives, ainsi que leur mode dâemploi a Ă©tĂ© gardĂ© secret par les membres les plus importants d'une tribu ou dâun clan et ont Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme les emblĂšmes d'un grand pouvoir. Cela peut Ă©galement avoir donnĂ© naissance au concept ou au stĂ©rĂ©otype dâ "homme mĂ©decine" ou de "sorcier"[2].
Le poison est d'usage au sein de nombreuses royautés du monde antique. Ainsi, pendant la seconde guerre punique qui voit s'affronter Rome et Carthage, la princesse carthaginoise Sophonisbe l'utilise pour mettre fin à ses jours, afin de ne pas tomber vivante aux mains de ses ennemis.
Une fois que l'usage et le danger du poison a Ă©tĂ© connu, il est devenu Ă©vident quâil fallait faire quelque chose pour sâen prĂ©munir. Mithridate VI, roi du Pont (un Ă©tat du nord de lâAnatolie pendant lâantiquitĂ© hellĂ©nistique), vers 114-63 av. J.-C., vivait dans la peur constante d'ĂȘtre assassinĂ© par le poison. En vĂ©ritable pionnier, il a entrepris un laborieux travail Ă la recherche d'un remĂšde contre les poisons[2]. Dans sa position au sommet du pouvoir, il avait la possibilitĂ© dâexpĂ©rimenter lâeffet des poisons sur des condamnĂ©s Ă mort, puis de tester un Ă©ventuel antidote. Il Ă©tait paranoĂŻaque au point de sâadministrer quotidiennement de faibles doses de substances toxiques dans l'espoir de sâimmuniser lui-mĂȘme contre le plus grand nombre possible de poisons[2]. Finalement, il a dĂ©couvert une formule associant, en petites quantitĂ©s, plusieurs dizaines de plantes mĂ©dicinales parmi les plus connues de l'Ă©poque et il avait appelĂ© cette panacĂ©e, le Mithridatium[2]. Sa composition Ă©tĂ© gardĂ©e secrĂšte jusqu'Ă lâinvasion de son royaume par PompĂ©e qui a ramenĂ© Ă Rome le nouveau remĂšde. AprĂšs la victoire de PompĂ©e, les notes secrĂštes dĂ©crivant les plantes mĂ©dicinales qui composaient lâantidote de Mithridate ont Ă©tĂ© trouvĂ©es par les Romains et traduites en latin[3].
Pline l'Ancien a dĂ©crit plus de 7 000 poisons diffĂ©rents. Il dĂ©crit lâun dâeux comme Ă©tant « Le sang d'un canard trouvĂ© dans un certain quartier du Pont, lequel Ă©tait censĂ© se nourrir dâaliments empoisonnĂ©s, aussi le sang de ce canard a-t-il ensuite Ă©tĂ© utilisĂ© pour la prĂ©paration du Mithridatum, parce quâil se nourrit de plantes toxiques et nâen souffre aucunement[2]. »
Le chirurgien indien Sushruta a dĂ©fini les Ă©tapes dâun long empoisonnement et les remĂšdes quâil fallait utiliser. Il mentionne Ă©galement les antidotes et lâutilisation de substances traditionnelles pour contrer les effets de l'intoxication[4].
Inde
Les armes empoisonnĂ©es ont Ă©tĂ© utilisĂ©es dans l'Inde ancienne[5], et les tactiques de guerre de lâInde antique faisaient rĂ©fĂ©rence Ă des poisons. Un verset en sanscrit qui se lit "Jalam visravayet sarmavamavisravyam ca dusayet, ce qui se traduit par « les eaux de puits ont Ă©tĂ© contaminĂ©es par du poison, et donc polluĂ©es[5] ».
ChÄnakya (c. 350â283 av. J.-C.), Ă©galement connu sous le nom de Kautilya, a Ă©tĂ© conseiller et premier ministre[6] Ă lâĂ©poque du premier empereur Maurya Chandragupta Maurya (c. 340â293 av. J.-C.). Kautilya a suggĂ©rĂ© lâemploi de moyens tels que la sĂ©duction, lâutilisation dâarmes secrĂštes et le poison Ă des fins politiques[7]. Il a Ă©galement recommandĂ© des prĂ©cautions dĂ©taillĂ©es pour prĂ©venir les assassinats â la dĂ©signation de goĂ»teurs pour les aliments et lâĂ©laboration de moyens de dĂ©tection du poison[8]. En outre, la peine de mort pour les violations des arrĂȘtĂ©s royaux a Ă©tĂ© souvent infligĂ©e par le poison[9].
Ăgypte
Contrairement Ă ce qui sâest passĂ© pour de nombreuses autres civilisations, la transcription Ă©crite des connaissances Ă©gyptiennes sur lâusage des substances toxiques ne remonte pas au-delĂ de 300 av. J.-C. Toutefois, on pense gĂ©nĂ©ralement, d'aprĂšs les textes les plus anciens, que le tout premier Pharaon Ă©gyptien connu, MĂ©nĂšs, a Ă©tudiĂ© les propriĂ©tĂ©s des plantes toxiques et des venins[2].
Plus tard cependant, on peut trouver la preuve de la connaissance des poisons dans l'Ăgypte ptolĂ©maĂŻque dans les Ă©crits d'un alchimiste de lâantiquitĂ©, Agathodiamon (100 av. J.-C. environ), oĂč il cite un minĂ©ral (non identifiĂ©) qui, mĂ©langĂ© avec le natron, produit un «poison de feu». Il a dĂ©crit ce poison comme « disparaissant dans l'eau » pour donner une solution limpide[10]. Selon une spĂ©culation dâEmsley le « poison de feu » serait du trioxyde d'arsenic, les minĂ©raux non identifiĂ©s seraient soit le rĂ©algar soit lâorpiment, dâaprĂšs la relation existant entre les minĂ©raux non identifiĂ©s et ses autres Ă©crits[10].
On pense que les Ăgyptiens ont Ă©galement eu connaissance de lâexistence de substances telles que lâantimoine, le cuivre, lâarsenic pur, le plomb, lâopium et la mandragore (entre autres). D'autres secrets ont Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©s dans les papyrus. On pense dĂ©sormais que Les Ăgyptiens ont Ă©tĂ© les premiers Ă maĂźtriser correctement la distillation et Ă manipuler le poison qui peut ĂȘtre prĂ©parĂ© Ă partir de noyaux de pĂȘche[2].
Enfin, on sait que ClĂ©opĂątre sâest empoisonnĂ©e elle-mĂȘme avec un aspic aprĂšs avoir appris la disparition de Marc Antoine. Avant sa mort, elle aurait utilisĂ© un grand nombre de ses serviteurs comme cobayes pour tester diffĂ©rents poisons, y compris la belladone, lâhyoscyamus niger et les fruits de l'arbre Ă strychnine (noix vomique)[11].
Rome
Ă l'Ă©poque romaine, l'empoisonnement Ă la table du repas par la nourriture ou la boisson n'Ă©tait pas exceptionnel, ni mĂȘme rare et il est apparu dĂšs 331 av J. C[2]. Ces mĂ©thodes Ă©taient utilisĂ©es pour diverses raisons dans toutes les classes sociales. L'Ă©crivain Tite-Live dĂ©crit l'empoisonnement des membres de la classe supĂ©rieure et des nobles de Rome et lâempereur romain NĂ©ron est connu pour avoir usĂ© de poisons sur ses proches, et mĂȘme dâavoir recrutĂ© des empoisonneurs. Son poison prĂ©fĂ©rĂ© Ă©tait, dit-on, le cyanure[2].
Le prĂ©dĂ©cesseur de Neron, Claude, aurait Ă©tĂ© empoisonnĂ© avec des champignons ou des poisons Ă base dâherbes[12]. Toutefois, les comptes rendus de la mort de Claude varient considĂ©rablement suivant les auteurs. Halotus, son dĂ©gustateur, XĂ©nophon son mĂ©decin, et la cĂ©lĂšbre empoisonneuse Locuste ont tous Ă©tĂ© accusĂ©s d'avoir administrĂ© la substance mortelle, mais Agrippine sa derniĂšre Ă©pouse, est celle quâon suspecte le plus d'avoir organisĂ© son assassinat et peut ĂȘtre mĂȘme dâavoir elle-mĂȘme administrĂ© le poison. Certains rapportent que Claude est mort dans dâatroces souffrances aprĂšs avoir reçu une dose unique Ă son repas du soir, alors que certains disent que son Ă©tat sâest dâabord un peu amĂ©liorĂ©, avant quâil soit une fois de plus empoisonnĂ© par une plume trempĂ©e dans du poison qui avait Ă©tĂ© introduite au fond de sa gorge sous prĂ©texte de le faire vomir[13], ou encore quâil aurait Ă©tĂ© empoisonnĂ© par une bouillie ou un lavement[12]. Agrippine est considĂ©rĂ©e comme la meurtriĂšre, parce qu'elle avait de lâambition pour son fils NĂ©ron, et Claude commençait Ă la suspecter dâintriguer en sa faveur[14].
Moyen Ăge
Plus tard, dans lâEurope du Moyen Ăge, lorsque la nature des substances toxiques a Ă©tĂ© connue autrement que par son usage en magie et en sorcellerie, des vendeurs et des fournisseurs de potions et de poisons, ont ouvert des boutiques connues sous le nom dâapothicaireries[15]. Bien que lâusage des poisons en tant que mĂ©dicaments soit maintenant connu, il n'Ă©tait un secret pour personne que ceux qui achetaient ces poisons le faisaient pour des raisons beaucoup moins lĂ©gitimes. Quant Ă ceux qui travaillaient dans ces apothicaireries ils sâexposaient Ă un risque considĂ©rable pour leur santĂ©, du fait quâils travaillaient toujours Ă proximitĂ© de substances toxiques[16]. Ă la mĂȘme Ă©poque, dans d'autres rĂ©gions du monde, les techniques de prĂ©paration des substances toxiques progressaient et, dans les pays arabes, certains avaient rĂ©ussi Ă fabriquer de l'arsenic incolore, inodore et sans saveur lorsqu'il Ă©tait mĂ©langĂ© Ă une boisson, mĂ©thode employĂ©e pendant au moins un millĂ©naire[17].
Un extrait de lâĆuvre de Chaucer, Les Contes de Canterbury, un texte qui Ă©tait connu au XIVe siĂšcle et au XVe siĂšcle met en scĂšne un tueur achetant un poison Ă un apothicaire pour venir Ă bout dâune pullulation de rats :
« Et aussitĂŽt il sâen va â sans plus tarder â
dans la ville vers un « pothicairerie
et priant quâon veuille bien lui vendre
du poison, qui pourrait le débarrasser des rats ...
lâapothicaire rĂ©pondit : " tu auras
une chose qui, que Dieu me garde,
telle que, dans le monde entier il n'existe pas de créature
qui ait mangé ou bu une confiture de cette sorte
non mais de la mouture de maïs ou de blé
car il perdra bientĂŽt la vie
oui, il mourra de faim, tandis que
que tu ira dâun bon pas mais moins dâun mille
le poison est tellement fort et violent »
â Les Contes de Canterbury - Le Pardoner's Tale . Vers 565â581.
C'est un exemple classique dâĆuvre littĂ©raire citant le poison. Les poisons et les potions ont Ă©tĂ© un thĂšme trĂšs populaire dans les Ćuvres de fiction, comme celles de Shakespeare. Il existait aussi des textes universitaires traitant de la question et les deux types dâĆuvres, de fiction ou non, ont Ă©tĂ© Ă©crites pour la plupart par des moines, dont le savoir et la sagesse Ă©taient respectĂ©es et qui sont les auteurs d'une grande partie des travaux publiĂ©s sur le sujet[15].
Un exemple dâouvrage qui nâest pas une Ćuvre de fiction est Le Livre des Venins, un livre dĂ©crivant les poisons connus Ă l'Ă©poque, leurs effets et leurs usages, Ă©crit par Magister Santes de Ardoynis en 1424. Il a Ă©galement dĂ©taillĂ© les traitements les plus connus pour les empoisonnements. MalgrĂ© cela, il est jugĂ© probable que ces travaux nâont pas Ă©tĂ© portĂ©s Ă la connaissance du public, mais conservĂ©s dans des cercles Ă©troits Ă des fins d'Ă©tudes et de recherches[15].
RĂ©action sociale
Si la vĂ©ritĂ© a Ă©tĂ© cachĂ©e, elle n'a pas empĂȘchĂ© la naissance dâun folklore et la propagation de rumeurs sur les poisons et leur utilisation Ă des fins criminelles. Cela a provoquĂ© une sorte de paranoĂŻa dans toutes les couches de la sociĂ©tĂ© en Angleterre et en Europe[15]. Cette vague d'inquiĂ©tude a Ă©tĂ© favorisĂ©e par la disponibilitĂ© dâun "mĂ©dicament" suffisamment puissant pour ĂȘtre mortel lorsquâil Ă©tait secrĂštement administrĂ© en quantitĂ© suffisante â il fournissait un moyen facile Ă utiliser pour tuer, et de plus, subtil, discret et permettant gĂ©nĂ©ralement au criminel de rester anonyme[15].
Câest peut-ĂȘtre cette vague de paranoĂŻa qui a balayĂ© les rues, ou encore la nĂ©cessitĂ© pour le public dâobtenir des rĂ©ponses sur ces toxiques, mais les livres sur les moyens de lutte contre les poisons ont eu beaucoup de succĂšs et ont largement attisĂ© la montĂ©e de l'anxiĂ©tĂ©, mĂȘme si elle Ă©tait gĂ©nĂ©ralement totalement infondĂ©e[15].
Naturellement, des vendeurs de livres avisĂ©s ont cherchĂ© Ă attiser cette inquiĂ©tude dans leur stratĂ©gie de marketing et Ă exagĂ©rer le risque pour inciter les gens Ă acheter leurs livres Ă la recherche d'une impossible sĂ©curitĂ©. D'autres commerçants comme les joailliers proposaient des amulettes censĂ©es protĂ©ger des effets du poison et certains mĂ©decins vendaient des remĂšdes magiques, tout ce monde aura tirĂ© beaucoup de profits de cette pĂ©riode de doute. L'information rĂ©clamĂ©e par le public provenait d'eux, des connaissances considĂ©rĂ©es comme un trĂ©sor pour les savants et les scientifiques, et le public Ă©tait abandonnĂ© Ă lui-mĂȘme pour Ă©chafauder ses propres hypothĂšses[15].
Empires dâAsie de la fin du Moyen Ăge
MalgrĂ© les effets nĂ©gatifs du poison, qui Ă©taient si Ă©vidents dans ces temps reculĂ©s, des remĂšdes ont Ă©tĂ© dĂ©couverts Ă partir du poison, mĂȘme au moment oĂč il Ă©tait dĂ©testĂ© par la majoritĂ© de la population. Un exemple peut ĂȘtre trouvĂ© dans les Ćuvres de Rhazes un mĂ©decin, philosophe et savant perse, nĂ© en Iran, auteur du Secret des Secrets, une Ă©numĂ©ration de composĂ©s chimiques, minĂ©raux et autres, dont il avait dressĂ© une liste interminable. RhazĂšs fut le premier homme Ă distiller l'alcool et Ă l'utiliser comme anti-septique et celui qui a suggĂ©rĂ© que le mercure pouvait ĂȘtre utilisĂ© comme laxatif. Il a fait des dĂ©couvertes relatives Ă un chlorure de mercure appelĂ© sublimĂ© corrosif. Une pommade dĂ©rivĂ©e de ce sublimĂ© a Ă©tĂ© utilisĂ©e pour guĂ©rir ce que Rhazes dĂ©crit comme «le prurit», qui est maintenant connu comme Ă©tant la gale. Ce traitement s'est avĂ©rĂ© efficace en raison de la nature toxique du mercure et de sa capacitĂ© Ă pĂ©nĂ©trer la peau, lui permettant d'Ă©liminer la maladie et les dĂ©mangeaisons[18].
En Inde, lâĂ©poque troublĂ©e des XIVe et XVe siĂšcles le Rajasthan a connu des invasions dans le pays RĂąjput. Les femmes Rajput pratiquaient la coutume du Jauhar (littĂ©ralement la prise de vie) lorsque leurs fils, frĂšres ou maris affrontaient une mort certaine au combat. Le Jauhar Ă©tait pratiquĂ© Ă l'intĂ©rieur de la caste des guerriers Kshatriya pour leur Ă©viter le triste sort de l'asservissement, de l'esclavage, du viol, ou de la mise Ă mort par les forces d'invasion[19].
Renaissance
Au moment de la Renaissance, le recours au poison pour des motivations illĂ©gales et rĂ©prĂ©hensibles a atteint son point culminant, il est sans doute devenu un outil essentiel pour tout assassin ou meurtrier[20]. Ce pic de popularitĂ© du poison dans les cercles criminels Ă©tait probablement dĂ», au moins en partie, aux nouvelles dĂ©couvertes qui avaient Ă©tĂ© faites sur les poisons[20]. Les alchimistes Italiens ont Ă©tĂ© les premiers Ă rĂ©aliser, au cours du14Ăšme et du XVe siĂšcle, le potentiel de la combinaison de plusieurs substances toxiques pour crĂ©er un effet encore plus puissant que la simple addition des effets de chaque substance prise isolĂ©ment[20], et d'autres nouvelles propriĂ©tĂ©s des poisons sont devenues plus claires. Un nouveau domaine de la science Ă©tait en train de naĂźtre, la discipline connue aujourd'hui sous le nom de toxicologie. Mais la notion de poison, au sein de la sociĂ©tĂ©, Ă©tait tellement Ă©troitement associĂ©e Ă lâidĂ©e dâhomicide que l'on craignait mĂȘme de participer Ă un dĂźner, de peur que la nourriture ou les boissons ne soient empoisonnĂ©es par l'hĂŽte ou l'un des invitĂ©s[20].
Les Borgia
CĂ©sar Borgia est le fils du Pape Alexandre VI, peut-ĂȘtre l'un des papes dont la lĂ©gitimitĂ© a Ă©tĂ© la plus contestĂ©e, parce quâil avait utilisĂ© son pouvoir pour promouvoir ses cinq fils Ă de hautes fonctions[20]. Il avait la rĂ©putation d'ĂȘtre un homme rude et sans pitiĂ©, il Ă©tait craint et on le fuyait. Borgia a Ă©tĂ© cĂ©lĂšbre, non seulement parce quâil Ă©tait le fils d'un homme trĂšs controversĂ©, mais aussi parce qu'il Ă©tait connu pour ĂȘtre un meurtrier faisant usage du poison[20]. Dans la citation suivante, Apollinaire dĂ©crit ce qu'il considĂšre comme une sorte de « Recette Borgia » utilisĂ©e pour l'Ă©limination de ses adversaires :
« La Cantarella. La substance que Borgia utilisait conjointement avec lâarsenic, mais sans le savoir, Ă©tait le phosphore, un secret qui avait Ă©tĂ© divulguĂ© aux Borgia par un moine espagnol, qui connaissait aussi l'antidote spĂ©cifique, ainsi quâun antidote pour l'arsenic, on voit donc qu'ils Ă©taient bien armĂ©s. »
AprĂšs la mort du pĂšre de CĂ©sar Borgia, circulĂšrent de nombreuses rumeurs colportant plusieurs thĂ©ories sur la cause de la mort du pape, mĂȘme si pour la plupart des gens il sâagissait bien dâun horrible meurtre, probablement par empoisonnement. L'idĂ©e dâApollinaire Ă©tait que le pape avait Ă©tĂ© empoisonnĂ© par le vin qui Ă©tait en fait destinĂ© Ă un autre convive, assis Ă la table du dĂźner, le Cardinal de corneto. Sanuto a dĂ©fendu une thĂ©orie similaire, au dĂ©tail prĂšs quâil mentionnait une boĂźte de sucreries, au lieu du vin[20]. Quelle quâen soit la cause, la mort du pape a suscitĂ© peu de regrets, elle Ă©tait attendue aprĂšs le scandaleux exercice de son pontificat. Des preuves historiques donnent Ă penser que le pape a effectivement Ă©tĂ© empoisonnĂ© de quelque maniĂšre que ce soit, car lorsque son corps a Ă©tĂ© exposĂ©, il Ă©tait dans un Ă©tat de dĂ©composition particuliĂšrement avancĂ©. Afin de ne pas donner prise Ă la suspicion, il n'a Ă©tĂ© exposĂ© que de nuit et Ă la lumiĂšre des chandelles[20].
La disparition de CĂ©sar Borgia n'a pas suscitĂ© beaucoup de tristesse non plus, du fait de la rĂ©putation qu'il sâĂ©tait lui-mĂȘme forgĂ©e. Toutefois, sa sĆur LucrĂšce a portĂ© le deuil de cet homme qui avait Ă©tĂ© accusĂ© de nombreux crimes. LucrĂšce a Ă©galement Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme une meurtriĂšre, elle peut en effet ĂȘtre tenue pour responsable de certains des mĂ©faits de CĂ©sar[20]. Toutefois, les nombreux travaux d'historiens tendent Ă rĂ©habiliter sa mĂ©moire, et montrent qu'elle Ă©tait davantage un instrument politique pour son pĂšre et son frĂšre, tendant Ă rĂ©sister contre leurs mĂ©faits bien qu'elle ne pouvait les empĂȘcher.
Conseil des dix
Au XVIe siĂšcle, l'usage du poison est devenu une sorte d'art et, dans plusieurs villes dâItalie, y compris Venise et Rome, il existait des Ă©coles enseignant les mĂ©thodes de lâempoisonnement et l'art qui en Ă©tait issu[21]. Plus tĂŽt, au XVe siĂšcle, une guilde des alchimistes et empoisonneurs connue sous le nom de Conseil des Dix a Ă©tĂ© formĂ©e. Cette secte dâempoisonneurs concluait des contrats dâassassinat avec les personnes qui lui donnaient suffisamment d'argent, et gĂ©nĂ©ralement toute personne sur la tĂȘte de qui un contrat avait Ă©tĂ© conclu Ă©tait assassinĂ©e, tuĂ©e par une dose indĂ©tectable de substances lĂ©tales[21].
Neopoliani Magioe Naturalis
Le Neopoliani Magioe Naturalis est une publication imprimĂ©e pour la premiĂšre fois juste avant 1590 qui dĂ©taillait les subtilitĂ©s de l'art de l'empoisonnement, et les mĂ©thodes les plus efficaces pour commettre un homicide Ă l'aide de poisons. Le moyen le plus efficace de tuer quelqu'un avec du poison, selon cet ouvrage, Ă©tait de droguer le vin de quelqu'un, une mĂ©thode qui Ă©tait trĂšs populaire Ă l'Ă©poque[21]. Un «mĂ©lange trĂšs fort» prĂ©conisĂ© dans le livre Ă©tait le Veninum Lupinum qui se composait d'un mĂ©lange de dâaconit, de taxus baccata, dâoxyde de calcium, dâarsenic, dâamandes amĂšres et de poudre de verre mĂ©langĂ©s avec du miel. Le produit final Ă©tait une pilule dont la taille approximative Ă©tait celle d'une noix[21].
XVIe â XVIIIe siĂšcle
Ă la fin du XVIe siĂšcle, l'art et la vogue du poison sâĂ©taient dĂ©placĂ©s de l'Italie vers la France, oĂč l'intoxication criminelle est devenue de plus en plus frĂ©quente. On estime que, dans les annĂ©es 1570, il y avait une trentaine de milliers de personnes, Ă Paris seulement, qui utilisaient le poison ou qui avaient un lien avec lâutilisation du poison dâune maniĂšre illĂ©gale ou de façon immorale[22]. Il Ă©tait de plus en plus dĂ©crit comme un «flĂ©au» ou une «épidĂ©mie»[22]. Et cette Ă©pidĂ©mie, tout en contribuant de toute Ă©vidence beaucoup Ă la mortalitĂ©, a Ă©galement grandement affectĂ© les citoyens qui n'avaient aucun lien avec le poison.
Beaucoup de gens, surtout les nobles, avaient trĂšs peur d'ĂȘtre empoisonnĂ©s. Ils ne participaient quâaux seuls dĂźners les plus dignes de confiance, et recrutaient uniquement des serviteurs triĂ©s sur le volet.
Parmi plusieurs exemples de personnes cĂ©lĂšbres ou de trĂšs haute extraction qui avaient trĂšs peur de l'empoisonnement citons Ă la fois Henriette d'Angleterre et Henri IV[22]. La princesse Henriette d'Angleterre avait tellement peur de l'empoisonnement qu'elle fait immĂ©diatement supposer quâelle Ă©tait empoisonnĂ©e quand elle a Ă©tĂ© atteinte dâune pĂ©ritonite Ă la suite d'une perforation dâulcĂšre duodĂ©nal, alors quâon raconte quâHenri IV, en visite au Louvre, nâavait consommĂ© que des Ćufs qu'il avait lui-mĂȘme cuit, et bu seulement l'eau qu'il sâĂ©tait lui-mĂȘme versĂ©e[22]. Plus tard, en 1662, Louis XIV a limitĂ© la commercialisation des poisons dans les apothicaireries et certains poisons ont Ă©tĂ© interdits Ă la vente, sauf pour les personnes que le commerçant connaissait comme Ă©tant dignes de confiance[22].
Les alchimistes dignes de confiance, cependant, sont devenus difficiles Ă trouver au cours de cette pĂ©riode, beaucoup d'entre eux Ă©taient des escrocs et trompaient leurs clients et le grand public en leur faisant croire que le Mercure, Ă©tait un Ă©lĂ©ment «de base» â Ă partir duquel Ă©taient invariablement composĂ©s toutes les autres substances â quâil Ă©tait possible de le transmuter en or et en dâautres mĂ©taux prĂ©cieux. Alors que beaucoup dâentre eux ont tirĂ© profit de cette croyance, d'autres ont rĂ©ellement tentĂ©, au nom de la science, de fabriquer de l'or avec des Ă©lĂ©ments de moindre valeur. Ces alchimistes Ă©taient mobilisĂ©s vers le mĂȘme objectif, celui d'atteindre trois objets devenus mythiques dans la quĂȘte de lâalchimie : la pierre philosophale, capable de changer les mĂ©taux ordinaires en or pur, lâĂlixir de longue vie, qui allongeait la durĂ©e de la vie, et, enfin lâAlkahest, une substance qui Ă©tait capable de dissoudre toutes les autres. La poursuite de ces objectifs fantastiques, mais menĂ©e de maniĂšre scientifique a considĂ©rablement retardĂ© le progrĂšs de la science alchimique, du fait que ces objectifs Ă©taient finalement impossibles Ă atteindre[16].
Chambre ardente
Au moment mĂȘme de l'interdiction des poisons, les prĂȘtres de Notre-Dame de Paris stupĂ©faits du nombre de confessions liĂ©es Ă des empoisonnements, ont dĂ©cidĂ© d'informer le roi sur le dĂ©roulement de cette dramatique «épidĂ©mie» de poisons[22]. En rĂ©ponse, le roi a crĂ©Ă© un ordre spĂ©cialisĂ© pour les enquĂȘtes sur les cas d'empoisonnement appelĂ© la « Chambre ardente », et l'enquĂȘte elle-mĂȘme est connue sous le nom dâaffaire des Poisons . Le drame de la marquise de Brinvilliers, qui empoisonna de nombreux membres de sa famille pour des histoires de succession, marque le dĂ©but de cette pĂ©riode sombre du rĂšgne de Louis XIV.
MalgrĂ© le fait que les inquisiteurs Ă©taient missionnĂ©s par le souverain lui-mĂȘme, ils ont Ă©chouĂ© Ă confondre beaucoup dâempoisonneurs de la pire espĂšce et de la plus meurtriĂšre, qui avaient probablement de multiples complicitĂ©s quâils ont fait jouer pour se soustraire au chĂątiment. Toutefois, tout au long de la vie de l'ordre, environ 442 personnes ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es et condamnĂ©es[22]. Les travaux de lâordre ont provoquĂ© un retour de flamme, ou un effet pervers, qui a Ă©tĂ© de focaliser l'intĂ©rĂȘt sur les poisons et la façon de les utiliser et, inexplicablement, de nombreuses personnes ont Ă©tĂ© incitĂ©es Ă participer effectivement et activement Ă des empoisonnements, aprĂšs la parution d'une ordonnance destinĂ©e Ă rĂ©duire le nombre dâempoisonnements[22].
Espagne
Alors que les criminels dâItalie et dâAngleterre ont Ă©tĂ© les premiers Ă utiliser le poison comme arme pour tuer ou blesser, au cours de cette pĂ©riode le recours au poison a vraiment commencĂ© Ă se rĂ©pandre dans toute l'Europe.
LâEmpire espagnol sâest distinguĂ© en commettant, par un moyen ou par un autre, plusieurs tentatives dâassassinat infructueuses contre la Reine Ălisabeth d'Angleterre[22]. Un certain Dr Rodrigo Lopez, un mĂ©decin juif, est venu d'Espagne pour tuer la reine, mais il a Ă©tĂ© capturĂ© et plus tard pendu et Ă©cartelĂ© pour ce complot, mĂȘme si Ălisabeth elle-mĂȘme et Robert Cecil doutaient de sa culpabilitĂ©[22]. On pense que par certains aspects, le personnage de Shylock dans la piĂšce de Shakespeare le Marchand de Venise se rĂ©fĂšre peut ĂȘtre Ă ce Dr Lopez ou a Ă©tĂ© inspirĂ© par lui.
AprĂšs cet incident, la nourriture de la reine a dĂ» ĂȘtre goĂ»tĂ©e pour Ă©viter un empoisonnement, et une plus grande surveillance a Ă©tĂ© mise en Ćuvre. Il a mĂȘme Ă©tĂ© dit quâelle prenait des antidotes chaque semaine, comme moyen de protection.
En revanche, les tentatives de rĂ©gicide par poison ont Ă©galement Ă©tĂ© perpĂ©trĂ©es en Espagne, par plusieurs personnes ou groupes qui voulaient tuer les monarques. Une tentative rĂ©ussie (probablement une des rares en Europe) aurait Ă©tĂ© l'empoisonnement de Marie Louise, lâĂ©pouse de Charles II qui est dĂ©cĂ©dĂ©e subitement en septembre 1689[22].
XXe siĂšcle
La mĂȘme tendance sâest poursuivie pendant lâĂ©poque victorienne, et a Ă©tĂ© toujours Ă©tĂ© dĂ©finie comme une sorte d'Ă©pidĂ©mie. Le poison Ă©tait encore considĂ©rĂ© comme l'un des moyens les plus faciles et les plus simples de commettre un meurtre[23]. Toutefois, plusieurs changements sont intervenus dans l'Ăšre victorienne, tels que l'apparition de lâassurance-vie, de lâindustrie, qui ont fait l'empoisonnement un crime "Ă la mode", compte tenu de la garantie dâun profit lucratif par le meurtre dâune personne dont la vie Ă©tait assurĂ©e par une garantie Ă©levĂ©e fixĂ©e sur sa tĂȘte[24]. Mais quand est survenu le tournant des annĂ©es 1900 les techniques pour prĂ©venir lâempoisonnement se sont amĂ©liorĂ©es et sont devenues plus efficaces et les empoisonneurs ont rencontrĂ© davantage de difficultĂ©s que dans les siĂšcles prĂ©cĂ©dents[24].
Il fallait dĂ©sormais ĂȘtre plus soigneux et mieux organisĂ© pour dĂ©jouer les techniques dĂ©sormais opĂ©rationnelles employĂ©es contre les apprentis empoisonneurs[24].
Poisons anciens
Les poisons utilisĂ©s dans le passĂ© Ă©taient Ă©galement connus par les meurtriers du XXe siĂšcle. Au dĂ©but du XXe siĂšcle, l'arsenic Ă©tait souvent utilisĂ©, mais au milieu du siĂšcle, le cyanure est devenu trĂšs populaire. Il a Ă©tĂ© utilisĂ© au cours de la seconde Guerre mondiale, aprĂšs leur capture par les nazis, par des agents de la RĂ©sistance qui voulaient se suicider pour Ă©chapper aux tortures odieuses de leurs ennemis[24]. Le dignitaire nazi Hermann Göring, lâa mĂȘme utilisĂ© pour mettre fin Ă ses jours pendant la nuit prĂ©cĂ©dant son exĂ©cution qui devait survenir par pendaison au cours du procĂšs de Nuremberg[25].Adolf Hitler a Ă©galement pris une pilule de cyanure en mĂȘme temps que sa femme, Eva Braun[26].
Toutefois, de nouvelles substances toxiques ont Ă©tĂ© plus frĂ©quemment utilisĂ©es pour faire progresser les connaissances dans le domaine de la science toxicologique. De cette façon, disposant dâun poison nouveau et inconnu, un empoisonneur pouvait tuer quelqu'un et le dĂ©cĂšs pouvait ĂȘtre attribuĂ© Ă tort Ă un cas malheureux de maladie rare[24]. Cela a mis une nouvelle pression sur la toxicologie et d'autres branches de la science travaillant sur les poisons et les toxicologues ont dĂ» travailler sans relĂąche pour maintenir leur avance sur des criminels qui utilisaient des poisons jamais rencontrĂ©s auparavant.
De nos jours
à la fin du XXe siÚcle, un nombre croissant de produits utilisés dans la vie quotidienne se sont révélés toxiques. Aujourd'hui le risque d'intoxication est surtout accidentel, le poison étant absorbé par erreur ou par accident. Ces problÚmes surviennent plus fréquemment chez les enfants, et les intoxications sont la 4e cause la plus fréquente de décÚs chez les enfants. Les ingestions accidentelles concernent le plus souvent les enfants de moins de 5 ans.
Toutefois, les hĂŽpitaux et les services dâurgences se sont beaucoup amĂ©liorĂ©s par rapport Ă la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle et les antidotes sont plus facilement disponibles.
Des antidotes ont été découverts pour de nombreux poisons, et ceux qui correspondent à quelques-uns des poisons les plus communément rencontrés sont répertoriés dans le tableau ci-dessous :
Poison/Toxique | Antidote | |
---|---|---|
paracétamol (acétaminophÚne) | acétylcystéine[27] | |
anticoagulants anti-vitamine K, par exemple warfarine | vitamine K, protamine[27] | |
narcotiques/opioĂŻdes | naloxone[28] | |
fer (et autres métaux lourds) | déféroxamine[27] | |
benzodiazépines | flumazénil[27] | |
éthylÚne glycol | éthanol ou fomépizole[28] | |
méthanol | éthanol ou fomépizole[28] - [29] | |
cyanure | nitrite d'amyle, nitrite de sodium, et thiosulfate de sodium[27] - [30] | |
Toutefois, le poison reste encore aujourd'hui une arme utilisĂ©e pour commettre des meurtres, mais cette mĂ©thode n'est plus aussi populaire que par le passĂ©, probablement en raison dâun plus large Ă©ventail de moyens disponibles pour tuer des gens et que d'autres facteurs doivent ĂȘtre pris en considĂ©ration.
L'un des cas les plus rĂ©cents de mort par empoisonnement a Ă©tĂ© celui du dissident russe Alexandre Litvinenko, dĂ©cĂ©dĂ© en 2006 dâun syndrome d'irradiation aiguĂ« provoquĂ© par le polonium-210 dans des circonstances trĂšs suspectes[31].
Autres usages
Aujourd'hui, le poison est utilisĂ© dans des circonstances beaucoup plus variĂ©es quâauparavant. Par exemple, le poison peut ĂȘtre utilisĂ© pour Ă©liminer une infestation par des parasites ou pour dĂ©truire les mauvaises herbes. Ces produits chimiques, dĂ©signĂ©s sous le nom de pesticides[32], sont connus et utilisĂ©s sous une certaine forme depuis 2500 av. J.-C. environ. Toutefois, l'usage des pesticides a incroyablement augmentĂ© Ă partir de 1950, et actuellement environ 2,5 millions de tonnes de pesticides industriels sont utilisĂ©es chaque annĂ©e[33]. D'autres poisons peuvent Ă©galement ĂȘtre utilisĂ©s pour la conservation des aliments et des matĂ©riaux de construction.
Pays en voie de développement
Aujourd'hui, pour les peuples de nombreux pays en voie dĂ©veloppement tels que certaines parties de l'Afrique, de l'AmĂ©rique du Sud et de l'Asie, l'emploi du poison comme arme de chasse et d'attaque perdure encore. En Afrique, certaines flĂšches empoisonnĂ©es sont fabriquĂ©es Ă partir dâingrĂ©dients vĂ©gĂ©taux tels que ceux provenant dâune plante, lâAcokanthera. Cette plante contient de la ouabaĂŻne qui est un glycoside cardiotoxique, comme le laurier rose et lâasclepias[34]. Les flĂšches empoisonnĂ©es sont Ă©galement utilisĂ©es dans la jungle dâAssam, en Birmanie et en Malaisie. Les ingrĂ©dients utilisĂ©s pour la fabrication de ces poisons sont principalement extraits de plantes des genres âAntiaris , Strychnos et Strophanthus, ainsi lâAntiaris toxicaria (Un arbre de la famille du mĂ»rier et de lâarbre Ă pain), par exemple, est utilisĂ© dans lâ Ăźle de Java en IndonĂ©sie, ainsi que dans plusieurs Ăźles de la rĂ©gion. Le jus ou les extraits liquides dont la pointe de flĂšche est enduite, provoquent chez la cible une paralysie, des convulsions et / ou un arrĂȘt cardiaque, presque sur le champ en raison de la rapiditĂ© dâaction du poison[35].
En plus des poisons Ă base de plantes, il en existe d'autres qui sont fabriquĂ©s Ă partir dâanimaux. Par exemple, la larve ou la chrysalide d'une espĂšce de colĂ©optĂšre du Nord du Kalahari est utilisĂ©e pour fabriquer un poison dâaction lente qui peut ĂȘtre trĂšs utile lors de la chasse. Le colĂ©optĂšre lui-mĂȘme est appliquĂ© sur la flĂšche, en Ă©crasant son contenu directement sur la pointe. La sĂšve de diffĂ©rentes plantes est ensuite mĂ©langĂ©e pour servir de colle. Toutefois, au lieu de la sĂšve des plantes, on peut aussi utiliser une poudre faite de cadavres de larves Ă©viscĂ©rĂ©es[36].
Notes et références
- le terme « poison » est dĂ©fini comme dĂ©signant une « substance qui provoque la mort ou des maladies en cas dâingestion ou dâabsorption. » Colins Dictionaries, from the Bank of English, Collins English Dictionary, HarperCollins, , 594 p. (ISBN 0-00-766691-8)
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- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « History of poison » (voir la liste des auteurs).
Voir aussi
Articles connexes
- Liste des éléments
- Liste des substances particuliĂšrement dangereuses
- Toxicité
- Liste de poisons
- Poison
- FlÚches empoisonnées
Bibliographie
- John Emsley, The Elements of Murder : A History of Poison, New York, Oxford University Press, (ISBN 0-19-280599-1 et 978-0-641-82389-3)