Faibles doses d'irradiation
Les faibles doses d'irradiation dĂ©signent en radiobiologie, Ă©pidĂ©miologie et en physique mĂ©dicale des expositions (externes ou internes) Ă des rayonnements ionisants qui se situent Ă un niveau faible (infĂ©rieures Ă 100 milligray) ou Ă de faibles dĂ©bits de dose (moins de 5 milligray par heure), situation rencontrĂ©e « dans un large Ă©ventail de contextes mĂ©dicaux, industriels, militaires et commerciaux »[1] et trĂšs largement infĂ©rieur Ă celui oĂč apparaĂźt un effet dĂ©terministe (brĂ»lures, voire syndrome d'irradiation aiguĂ« pour des expositions supĂ©rieures au gray). Il est sous les limites actuelles de dĂ©tection des effets stochastiques (leucĂ©mies ou autres formes de cancers, voire peut-ĂȘtre mutations gĂ©nĂ©tiques).
« Les expositions professionnelles aux rayonnements ionisants se produisent principalement à de faibles doses et peuvent accumuler des doses efficaces pouvant atteindre plusieurs centaines de milligray »[2]. Le domaine des doses inférieures à une dizaine de millisieverts par an, correspond à ce que reçoit la plus grande partie de la population, principalement via une exposition externe (induite par la radioactivité naturelle et les examens radiologiques) et moindrement via une exposition interne (notamment due au radon, à certains traitements ou examens médicaux ou à l'ingestion accidentelle de radionucléides). Hors accidents graves et accidents nucléaires, l'exposition induite par l'industrie nucléaire concerne surtout sur ses travailleurs. Ceci en fait un sujet complexe et polémique, et qui a une incidence sur l'optimisation des politiques de radioprotection et de santé publique. Mi-2022, les Académies américaines des sciences, de l'ingénierie et de la médecine suggÚrent de relancer la recherche sur ce sujet, estimant que 100 millions de dollars par an seraient nécessaires durant 15 ans pour cela[1].
Questions ouvertes
En 2022, selon un rapport conjoint des AcadĂ©mies amĂ©ricaines des Sciences, de l'ingĂ©nierie et de mĂ©decine, « les effets de l'exposition Ă ces niveaux ne sont pas entiĂšrement compris et on craint depuis longtemps qu'une telle exposition puisse avoir des effets nĂ©gatifs sur la santĂ© humaine. Bien que le cancer soit liĂ© Ă l'exposition aux rayonnements Ă faible dose depuis des dĂ©cennies, il existe de plus en plus de preuves qu'il peut Ă©galement ĂȘtre associĂ© Ă des maladies cardiovasculaires, des troubles neurologiques, un dysfonctionnement immunitaire et des cataractes ». Parmi les questions ouvertes :
- L'effet macroscopique reste difficile Ă Ă©valuer pour des expositions infĂ©rieures au centigray car il ne peut ĂȘtre statistiquement Ă©tudiĂ© que par des Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques classiques, basĂ©es sur lâextrapolation des effets cancĂ©rogĂšnes observĂ©s entre 0,2 et 3 sieverts[3]. En outre, cet effet dĂ©pend Ă la fois de la dose reçue et du dĂ©bit de dose radioactive, d'une maniĂšre encore mal comprise.
- Quelques exemples d'irradiation de cohorte statistique existent toutefois, comme le cas des 10 000 habitants d'immeubles contaminés de Taïwan, un exemple exceptionnel du point de vue de l'étude des faibles doses.
- Au niveau microscopique, pour un rayonnement traversant un tissu biologique, l'effet physique et chimique élémentaire dépend de la nature du rayonnement. Le gray, la grandeur de dose absorbée est l'une des grandeurs physiques en cause (énergie du rayonnement) ; l'effet dépend aussi du type de rayonnement et de contamination (externe, interne ou mixte) ainsi que du nombre et de la vulnérabilité des tissus et cellules traversés et dans une certaine mesure, du hasard. La traduction biologique de cet effet au niveau macroscopique (mesurée en Sievert) est un processus complexe encore en cours d'exploration.
Monde des faibles doses
Sources et modes d'irradiation
Les faibles doses d'irradiations peuvent ĂȘtre reçues suivant trois modalitĂ©s. La principale source d'irradiation est naturelle, Le niveau d'exposition variant alors selon le lieu, gĂ©nĂ©ralement dans le rapport de un Ă trois. Localement, il peut ĂȘtre beaucoup plus Ă©levĂ©[4].
Les mesures d'irradiation et la radioactivité s'expriment en unité SI (sievert, becquerel...).
- le gray mesure l'irradiation physique, une énergie fournie par unité de masse, indépendamment de ses effets biologiques.
- le rad autrefois utilisé dans de nombreuses publications, correspond au centigray (ce qui explique que ce sous-multiple soit fréquemment utilisé).
- le sievert est utilisé pour mesurer les effets stochastiques d'une irradiation sur un organisme, avec des termes correctifs permettant de prendre en compte la dangerosité relative des différents rayonnements et la sensibilité relative des tissus.
- le becquerel, mesure le nombre de désintégrations radioactives par seconde. Il représente indirectement la quantité de matiÚre radioactive présente si l'on connaßt par ailleurs l'activité massique du radionucléide concerné.
Trois modes d'exposition sont :
- L'exposition à de faibles doses ponctuelles. Reçues en une seule fois, elles sont mesurées en millisieverts. Pour le public, il s'agit surtout d'examens radiologiques (radiographies, gammagraphies, scanners...).
- L'exposition (chronique ou Ă©pisodique) Ă un environnement irradiant. Il expose Ă un dĂ©bit de dose plus ou moins Ă©levĂ©, mesurĂ© en microsieverts par heure. Ce peut ĂȘtre un environnement de travail (cabinet mĂ©dical de radiologie, mines ou installation de l'industrie nuclĂ©aire) ou habitation (vie en altitude ou dans une rĂ©gion riche en uranium ou en thorium, prĂ©sence de radon...).
- La contamination interne par des radionuclĂ©ides (acquis par inhalation, ingestion, en passage percutanĂ© ou via une blessure). Elle expose l'organisme Ă des rayonnements faibles, mais directement en contact avec les tissus, et sur une durĂ©e potentiellement longue (fonction de la pĂ©riode biologique du radioisotope, de son mode d'ingestion, de son Ă©tat chimique...). Ces contaminations se mesurent en becquerels ; la plus ou moins grande radiotoxicitĂ© de la substance est Ă©valuĂ©e en sieverts par becquerel (l'unitĂ© typique Ă©tant le ”Sv/kBq). Dans ce cas l'effet du rayonnement peut ĂȘtre aggravĂ© par une Ă©ventuelle toxicitĂ© chimique du radionuclĂ©ide[2]. Par rapport au rayonnement externe qui expose les organes de maniĂšre homogĂšne, la contamination interne implique une exposition hĂ©tĂ©rogĂšne des organes[2]. Par exemple l'iode radioactif sera fortement concentrĂ© dans la thyroĂŻde.
Quand commence-t-on Ă parler de faibles doses ?
La limite des faibles doses est mal dĂ©finie, car elle dĂ©pend de la vulnĂ©rabilitĂ© de l'organisme ou de l'organe Ă©tudiĂ©, et du domaine scientifique considĂ©rĂ©[5] - [6] - [7] : le plafond proposĂ© varie ainsi de 1 mGy pour la microdosimĂ©trie Ă 200 mGy pour l'Ă©pidĂ©miologie, en passant par 20 mGy pour la radiobiologie[8]. Pour la radioprotection, on s'intĂ©resse gĂ©nĂ©ralement Ă la limite en dessous de laquelle aucun effet nocif des radiations n'est dĂ©montrĂ©, soit â100 mGy[5] - [9] - [10] : c'est donc cette limite qui est la plus couramment rencontrĂ©e[11] - [12].
Les « faibles doses » correspondent donc Ă des domaines de doses ou de dĂ©bits variĂ©s mais souvent amalgamĂ©s. On peut facilement dĂ©tecter des radioactivitĂ©s de l'ordre du becquerel, qui correspondent Ă une irradiation de l'ordre du nano- voire pico-sievert, mais on est alors trĂšs en deçà des plafonds communĂ©ment admis pour ce domaine, mĂȘme si l'on prend la valeur de 1 mSv considĂ©rĂ© pour la microdosimĂ©trie. La diffĂ©rence entre l'irradiation dĂ©tectable par les moyens modernes et celle dont on sait qu'elle a des effets prouvĂ©s est de neuf ordres de grandeur - quantitativement c'est la mĂȘme diffĂ©rence qu'entre boire une larme (0,1 cm3) de whisky dans toute sa vie, et en boire dix litres par jour.
Ordres de grandeurs des faibles doses
En général, le domaine des faibles doses correspond aux doses inférieures à 10 mSv en radiobiologie, et aux doses inférieures à 100 mSv en radioprotection.
Une dose peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme reçue en une seule exposition quand la durĂ©e d'irradiation est plus faible que le temps de rĂ©paration des cassures de l'ADN par la cellule, de l'ordre de l'heure.
Niveau | Augmentation du risque statistique de cancer mortel par rapport au risque naturel existant dans la population générale d'aprÚs l'hypothÚse LNT[13] - [14] | Dose en une exposition |
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1 000 mSv =1 sievert |
1 / 20 | Seuil des effets déterministes : apparition de la fiÚvre des radiations. |
100 mSv | 1 / 200 | Limite de l'effet statistiquement observable des excĂšs de cancers sur les survivants de Hiroshima et Nagasaki[4].
La limite d'exposition du personnel d'intervention est de 100 mSv en cas dâurgence radiologique, voire 300 mSv pour des interventions destinĂ©es Ă sauver des vies humaines (France)[15]. Les systĂšmes de rĂ©paration de lâADN des cellules sont activĂ©s Ă des doses comprises entre 10 et 100 mSv. |
10 mSv | 1 / 2000 | En dessous du seuil de 2 cGy (20 mSv) on ne dĂ©tecte plus d'augmentation de la frĂ©quence dâaberrations chromosomiques[16].
Un scanner comportant dix coupes (voire beaucoup plus pour un scanner coronaire moderne) entraßne une exposition de 15 mSv[17]. Un scanner abdominal correspond à 12 mSv. Le demi million d'habitants des zones faiblement contaminées aux alentours de Tchernobyl recevra une dose cumulée sur 70 ans de l'ordre de 14 mSv[18]. |
1 mSv 1 000 ”Sv |
1 / 20 000 | Une exposition de lâensemble de lâorganisme Ă 1 mGy entraĂźne, en moyenne, la traversĂ©e de chaque cellule par un Ă©lectron[19].
L'irradiation par scintigraphie est de l'ordre de 4 mSv lors de l'Ă©tude des os, et 2 mSv pour l'examen de la thyroĂŻde[17]. |
100 ”Sv | 1 / 200 000 | Une radiographie des poumons entraßne une dose de 0,3 mSv[20] à 1 mSv[17]. Une radiographie dentaire correspond à une dose de 0,2 mSv. L'exposition moyenne due aux retombées des essais nucléaires atmosphériques a atteint un pic en 1963 avec 0,15 mSv[21]. Une mammographie correspond à une dose effective de 0,13 mSv[22]. |
10 ”Sv | 1 / 2 000 000 | Un voyage Paris-New York aller et retour : 0,06 mSv[20]. |
1 ”Sv | 1 / 20 000 000 | Les radionucléides contenus dans une cigarette entraßnent en moyenne une exposition aux rayonnements de 7,3 ”Sv par cigarette[23] (outre l'exposition aux goudrons cancérigÚnes). |
Ordres de grandeurs des faibles débits de doses
La limite du domaine des faibles dĂ©bits de dose, en dessous de laquelle aucun effet biologique n'a Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©, peut ĂȘtre placĂ©e vers 1 mSv/h, voire 100 ”Sv/h, c'est-Ă -dire les limites rĂ©glementaires des zones contrĂŽlĂ©es marquĂ©es « zones jaunes » en France. Dans la dĂ©finition proposĂ©e par l'UNSCEAR, cette limite est placĂ©e Ă 0,1 mGy/min (moyennĂ©s sur une heure) du point de vue de la radioprotection, soit 6 mGy/h[8].
Ces débits de dose sont mesurés en milli- ou en microsieverts par minute, par heure ou par an.
Il s'agit presque toujours d'une irradiation par rayonnement gamma (ou par rayonnement X pour les cabinets mĂ©dicaux). Mais les irradiations reçues Ă proximitĂ© immĂ©diate d'un rĂ©acteur nuclĂ©aire (jusqu'Ă quelques dizaines de mĂštres) sont surtout dues aux flux de neutrons qui s'Ă©chappent du cĆur (des dosimĂštres spĂ©ciaux les mesurent). Des neutrons sont Ă©galement prĂ©sents dans le rayonnement cosmique.
Pour une source externe, un faible dĂ©bit de dose entraĂźne en pratique une faible irradiation (pour des durĂ©es d'exposition raisonnablement limitĂ©es). De forts dĂ©bits de dose, dans des environnements exceptionnels, impliquent une forte irradiation : Ă la limite entre « zone orange » et « zone rouge », oĂč le dĂ©bit de dose serait de 100 mSv/h, on peut transiter pendant 6 minutes avant de recevoir une dose de 10 mSv (rĂ©glementairement acceptable en circonstances exceptionnelles), et il faut rester plusieurs heures pour atteindre une dose d'un sievert (niveau oĂč apparaĂźt la fiĂšvre des radiations). Pour ces forts dĂ©bits de dose, l'exposition est normalement exceptionnelle, la durĂ©e d'exposition est normalement infĂ©rieure Ă l'heure, et c'est la dose totale reçue en une seule exposition qu'il faut considĂ©rer pour en Ă©valuer l'impact sanitaire.
Niveau | DĂ©bit de dose | |
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100 mSv/h |
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10 mSv/h |
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1 mSv/h 1 000 ”Sv/h |
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100 ”Sv/h |
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100 mSv/an 11 ”Sv/h |
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10 mSv/an 1,1 ”Sv/h |
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1 mSv/an 110 nSv/h |
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100 ”Sv/an 11 nSv/h |
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10 ”Sv/an 1,1 nSv/h |
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1 ”Sv/an 0,11 nSv/h |
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<1 ”Sv/an <0,11 nSv/h |
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ProgrĂšs des connaissances en radiobiologie
Ătudes des moyennes et fortes doses
De nombreuses Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques ont permis d'estimer les effets stochastiques (principalement l'apparition leucĂ©mies Ă court terme et de cancers Ă long terme) des rayonnements ionisants pour des expositions entre 200 millisieverts et 5 sieverts. Il n'y a guĂšre de contestation sur le fait que ces doses produisent des effets observables, et ces effets suivent le plus souvent une loi linĂ©aire, c'est-Ă -dire que le risque de dĂ©velopper un cancer croĂźt proportionnellement aux doses reçues[64]. Certaines exceptions sont cependant connues, par exemple lâobservation des cancers osseux induits par le radium 226 (Radium girls[65]) et des cancers du foie induits par le Thorotrast, ou les leucĂ©mies induites Ă Hiroshima et chez les patients traitĂ©s par lâiode radioactif[40].
à partir des données sur les survivants des bombardements atomiques au Japon, il a été statistiquement établi qu'une exposition à un rayonnement de 2 sieverts (rayonnement gamma, uniformément réparti sur le corps, et reçu en quelques secondes) conduit à doubler le risque de mourir d'un cancer, c'est-à -dire engendre un « risque relatif » de deux[66]. C'est ce chiffre, associé à l'idée d'une relation linéaire entre dose et effet, qui est à la base de la « rÚgle » qu'une exposition à 100 mSv conduit à un risque relatif de 1.05, ou encore (du fait que le risque « naturel » est de l'ordre de 20 %) qu'une exposition à 100 mSv entraßne une probabilité de 1 % de provoquer un cancer.
Ces Ă©tudes ne permettent d'estimer que les effets de doses supĂ©rieures ou Ă©gales Ă 100 mSv chez l'adulte, reçues avec des dĂ©bits de dose Ă©levĂ©s. Lâextrapolation des effets des fortes doses Ă ceux des faibles doses ne reflĂšte absolument pas la rĂ©alitĂ©[67]. L'extrapolation de ces constantes et de ce modĂšle linĂ©aire en dessous de cette limite est l'objet du dĂ©bat sur les faibles doses. Ătudier les effets liĂ©s Ă de faibles expositions chroniques est donc primordial.
Limites statistiques des études épidémiologiques
En effet, il n'est pas possible d'observer les Ă©ventuels effets de faibles doses d'irradiation, car des cancers apparaissent spontanĂ©ment dans la population, avec une certaine moyenne (ligne de base), et des variations alĂ©atoires autour de cette moyenne (bruit statistique). Pour qu'un excĂšs de cancer radio-induit soit observable, il doit ĂȘtre nettement supĂ©rieur Ă ces variations alĂ©atoires ; en d'autres termes, le rapport signal sur bruit doit ĂȘtre suffisant. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, le signal croĂźt proportionnellement Ă la taille N de la population alors que le bruit des fluctuations, proportionnel Ă l'Ă©cart-type, croĂźt avec la racine carrĂ©e de N; le rapport signal/bruit s'amĂ©liore donc comme la racine carrĂ©e de la taille N de la cohorte.
Ainsi, sur la base du modÚle linéaire sans seuil, 500 personnes exposées suffisent , théoriquement, à détecter (8 fois sur 10) les effets d'une dose de 1 000 mSv. Pour détecter les effets d'une dose dix fois moindre (100 mSv),il faut une population exposée d'au moins 50 000 personnes. Et pour 10 mSv il faudrait une cohorte 100 fois plus grande (soit 5 millions de personnes exposées)[18].
En 2001, Maurice Tubiana et l'AcadĂ©mie de mĂ©decine (2001) estimaient « important de remarquer que l'incidence des cancers dans la plupart des populations exposĂ©es Ă de faibles supplĂ©ments de doses de radiation nâa pas Ă©tĂ© trouvĂ©e augmentĂ©e et que, dans la plupart des cas, cette incidence semble avoir Ă©tĂ© rĂ©duite »[40] (cette apparente rĂ©duction Ă©tant cependant plus faible que l'Ă©cart statistiquement significatif attendu).
En 2005, sur le plan Ă©pidĂ©miologique, le fait quâil nây a pas de preuve dâun effet cancĂ©rogĂšne pour des doses infĂ©rieures Ă 100 mSv[55] n'est pas contestĂ©. « Les Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques disponibles ne dĂ©cĂšlent aucun effet pour des doses infĂ©rieures Ă 100 mSv, soit quâil nâen existe pas, soit que la puissance statistique des enquĂȘtes ait Ă©tĂ© insuffisante pour les dĂ©tecter »[25]. En effet, un problĂšme mĂ©thodologique est que les cohortes exposĂ©es (et suivies sur un temps assez long pour dĂ©tecter des effets tels que des cancers) atteignent rarement 100 000 individus. Ceci a longtemps limitĂ© les chercheurs Ă l'Ă©tude des doses supĂ©rieures ou Ă©gales Ă â100 mSv. Le nombre de cohortes suivies augmentant avec le temps, un moyen de dĂ©passer ces limitations liĂ©es Ă la taille des cohortes est la mĂ©ta-analyse (qui agrĂšgent les donnĂ©es provenant de plusieurs cohortes)[68].
Puis en 2009, une Ă©tude[2] conduite par 6 chercheurs allemands sâest donnĂ© comme objectif dâĂ©valuer les preuves de risques de cancer induits par des dĂ©bits de dose faibles et modĂ©rĂ©s mais cumulĂ©es (exposition chronique). Ce travail sâest appuyĂ© sur les principales Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques alors disponibles sur l'incidence du cancer et les risques de mortalitĂ© dus Ă de telles expositions (publiĂ©es de 2002 Ă 2007), et sur la mise Ă jour de l'Ă©tude du registre national britannique pour les travailleurs exposĂ© aux radiation. Pour chaque Ă©tude les auteurs ont comparĂ© le risque pour les mĂȘmes types de cancer chez les survivants de la bombe atomique (Ă doses Ă©gales et avec la mĂȘme proportion de sexe et en tenant compte de l'Ăąge moyen atteint et de l'Ăąge moyen Ă l'exposition)[2]. Les Ă©tudes prĂ©sentaient toutes des limitations rendant leurs rĂ©sultats Ă eux-seuls non significatifs (puissance statistique insuffisante, Ăąge de fin de suivi encore jeuneâŠ), mais selon les auteurs puis dâautres chercheurs[69] une conclusion peut nĂ©anmoins ĂȘtre tirĂ©e de leur analyse combinĂ©e : les estimations de relation dose-effet sont positives dans toutes les Ă©tudes (ou Ă©gale Ă zĂ©ro dans une Ă©tude). Et pour 7 de ces 13 Ă©tudes, la relation dose-effet a Ă©tĂ© estimĂ©e statistiquement significative. Enfin, l'excĂšs de risque relatif par dose Ă©tait comparable Ă la valeur correspondante pour les survivants de la bombe atomique. Les auteurs ont conclu que les donnĂ©es disponibles « ne confirment pas que le risque de cancer par exposition chronique Ă des dĂ©bits de dose faibles et modĂ©rĂ©s est plus faible que pour les survivants de la bombe atomique », ajoutant que « ce rĂ©sultat remet en question les valeurs de risque de cancer actuellement supposĂ©es pour les expositions professionnelles » ; autrement dit : les Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques ne peuvent dĂ©tecter un Ă©ventuel risque liĂ© aux faibles doses dâirradiation, mais elles sont pareillement incapables dâexclure lâexistence d'un tel risque.
CancérogenÚse
Dans le modĂšle monoclonal Ă Ă©tapes multiples de la cancĂ©rogenĂšse, on pensait que le cancer Ă©tait l'aboutissement d'une succession de mutations spĂ©cifiques d'une cellule unique, indĂ©pendamment de son environnement : ce modĂšle monocellulaire relativement simple Ă©tait une condition importante pour justifier une relation dose-effet de type linĂ©aire sans seuil. Des Ă©tudes plus rĂ©centes remettent en cause ce schĂ©ma classique : en rĂ©alitĂ©, l'Ă©volution tumorale d'une cellule mutĂ©e se heurte Ă des mĂ©canismes efficaces de dĂ©fense Ă lâĂ©chelle du tissu et de lâorganisme, par un processus faisant intervenir des relations complexes entre la cellule mutĂ©e et les cellules environnantes.
Au niveau du tissu, les mĂ©canismes qui interviennent dans lâembryogenĂšse (et pour diriger la rĂ©paration tissulaire aprĂšs une agression) semblent jouer un rĂŽle pour contrĂŽler la prolifĂ©ration dâune cellule, mĂȘme quand celle-ci est devenue autonome. Ce mĂ©canisme pourrait expliquer lâabsence dâeffets cancĂ©rigĂšnes aprĂšs contamination par de faibles quantitĂ©s de radioĂ©lĂ©ments Ă©metteurs α (phĂ©nomĂšne dans lequel un petit nombre de cellules ont Ă©tĂ© fortement irradiĂ©es mais sont environnĂ©es par des cellules saines) avec lâexistence, dans ce cas, dâun seuil chez lâhomme comme chez lâanimal[25]. L'effet biologique des irradiations ne paraĂźt pas dĂ©terminĂ© par le nombre de mutations Ă©lĂ©mentaires qu'elles crĂ©ent, mais plutĂŽt par la charge qu'elle font peser sur le systĂšme de rĂ©paration de l'ADN[70] :
« Vu le mécanisme en plusieurs étapes de la carcinogenÚse, on ne sait pas si la linéarité dose-effet pour la lésion primaire complexe de l'ADN et les lésions cellulaires fixées, qui sont critiques, entraßne une relation dose-effet linéaire en ce qui concerne les cancers induits par l'exposition aux rayonnements»[71].
Mécanismes de réparation
L'idĂ©e d'une loi linĂ©aire s'appuie initialement sur l'observation des ruptures de l'ADN provoquĂ©es par les radiations ionisantes. On observe en effet que le nombre de ruptures est directement proportionnel Ă la dose, sans effet de seuil : il y a un effet possible dĂšs le premier rayonnement. Cette observation de base n'est pas contestĂ©e, mais doit ĂȘtre complĂ©tĂ©e par l'Ă©tude du devenir de ces ruptures Ă travers les mĂ©canismes que la cellule met en Ćuvre pour rĂ©parer l'ADN.
Dans la vie normale de la cellule, l'ADN est en permanence attaqué par des composés trÚs réactifs, les radicaux oxygénés produits par le métabolisme cellulaire[72]. Une premiÚre ligne de défense contre ces attaques est la présence de molécules qui neutralisent les espÚces réactives oxygénées, les antioxydants: les vitamines C et E, le glutathion, la catalase, la superoxyde dismutase,...
Mais les antioxydants ne font pas tout, et l'ADN a d'autres ennemis (perte de bases, déamination, dimérisation des thymines par les rayons ultra-violets...). Finalement, les cellules subissent en permanence de nombreuses ruptures de l'ADN, qu'elle doivent en permanence réparer. La réparation de l'ADN fait intervenir les enzymes les plus remarquables que l'on connaisse[73] : « les ruptures simple brin sont réparées en quelques secondes ou minutes ; la plupart des autres lésions sont réparées en quelques heures. »
L'Ă©tude de l'effet des rayonnements ionisants sur les dommages de l'ADN montre que les dommages constatĂ©s sont de mĂȘme nature que ceux que subissent spontanĂ©ment les cellules, mais dans des proportions diffĂ©rentes. L'exposition d'une cellule Ă des rayonnements ionisants crĂ©Ă© moins de lĂ©sions isolĂ©es et davantage de groupes de lĂ©sions (lĂ©sions en grappe), ce qui augmente la proportion de cassures double brin et de ponts ADN/ADN et ADN/protĂ©ine[71].
Dommage ADN | Lésions spontanées/cellule/j | Lésions radio-induites/Gy |
Réparation de l'ADN : DNA ligase I réparant des dommages causés à un chromosome |
Cassures simple brin | 10 000 Ă 55 000 | 1000 | |
Perte de base | 12 600 | Non évaluée | |
Dommage de base | 3 200 | 2 000 | |
Cassure double brin | 8 | 40 | |
pont ADN/ADN | 8 | 30 | |
pont ADN-proteine | quelques | 150 | |
sites multilésés | Non évalué | quelques |
L'existence d'un systĂšme de rĂ©paration n'est pas en soi une objection Ă l'hypothĂšse linĂ©aire. Les effets stochastiques des rayonnements sont la consĂ©quence lointaine des erreurs de rĂ©paration, et il n'y a pas de raison de supposer que ces erreurs disparaissent en dessous d'un certain seuil : Ă partir du moment oĂč un taux d'erreur existe, les erreurs du systĂšme se produiront en proportion de la dose.
Cependant, l'existence de ces agressions permanentes sur l'ADN montre que la question de l'effet des rayonnements ionisants ne se limite pas à créer des cassures double brin « normales », qui dérÚglent ensuite le fonctionnement de la cellule. On estime en effet que les radicaux libres, les molécules ionisées ou excitées naturellement présents dans la cellule provoquent des ruptures équivalentes à ce que provoquerait une dose de radiation de 200 mGy par jour (soit 8.3 mGy par heure)[74]. De toute évidence, ce n'est ni la dégradation de l'ADN ni sa correction par le systÚme de réparation de l'ADN qui peuvent entraßner des conséquences biologiques significativement différentes d'un fonctionnement cellulaire normal : si c'était le cas, le taux de cancer observé naturellement serait beaucoup plus élevé qu'il ne l'est en réalité. Les rayonnements ionisants produisent donc nécessairement un signal spécifique, qui oriente le systÚme de réparation vers un fonctionnement différent de son fonctionnement naturel.
Il semble que ce signal spécifique corresponde au fait que dans le cas des lésions provoquées par un rayonnement ionisant, plusieurs dégradations de l'ADN tendent à se concentrer sur de petits segments d'ADN, alors qu'elles se répartisent aléatoirement quand l'agression est le fait d'agents internes à la cellule[75]. De ce fait, une dose suffisante de rayonnements ionisants est nécessaire pour activer ces systÚmes de réparation à partir d'un premier seuil, lesquels perdront ensuite leur efficacité quand la dégradation dépasse un certain seuil.
Effets sur la fertitlité et le sex-ratio
Selon une étude[76], l'exposition in utero à de faibles doses d'irradiation est aussi une préoccupation. On constate depuis plusieurs décennies que le nombre de naissances, mais aussi le sex-ratio à la naissance sont statistiquement significativement modifiés à proximité des installations nucléaires[76]. La modification du sex-ratio montre qu'il ne s'agit pas ou pas uniquement d'effets liés à une volonté de ces personnes de faire moins d'enfants.
Ce constat avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© fait aprĂšs la pĂ©riode des essais nuclĂ©aires atmosphĂ©riques, et aprĂšs la catastrophe de Tchernobyl. Une Ă©tude rĂ©cente (2019) s'est intĂ©ressĂ©e aux changements dans le nombre de naissances allant de pair avec des changements significatifs dans les sex-ratios autour des installations nuclĂ©aires (dans un rayon de 35 km oĂč les habitants courent plus de risque d'ĂȘtre exposĂ© Ă de faibles doses d'irradiation) ; ce travail s'est appuyĂ© sur le dĂ©nombrement annuel des naissances par commune et par sexe, mis Ă jour de 2016 en France et en 2017 en Allemagne[76].
- En France en 2000 autour du Centre de stockage de l'Aube, dans un rayon de 35 km autour de cette installation, le nombre de naissance est moindre qu'attendu statistiquement, et le sex-ratio à la naissance est anormalement "favorable" aux garçons (Il y a 3,44% de garçons nés en moins, pour 8,44% de naissances de filles en moins)[76].
- En Allemagne, la différence dans le taux de natalité est encore plus marquée en périphérie (trÚs urbanisée) de la centrale nucléaire de Philippsburg avec 5,56% de garçons en moins, et 6,92% de filles en moins[76].
Ces chiffres confirment et précisent des observations plus anciennes. Les auteurs de l'étude invitent donc à « intensifier la recherche biophysique sur les mécanismes d'exposition et les voies d'exposition aux rayonnements ionisants naturels ou artificiels, y compris le rayonnement neutronique et d'activation neutronique. La recherche biologique et épidémiologique renforcée devrait viser à clarifier les conséquences génétiques et cancérogÚnes associées au niveau de la population »[76].
Effets non linéaires
Les travaux rĂ©cents sur la rĂ©paration de l'ADN montrent que certains systĂšmes intracellulaires qui gouvernent la rĂ©paration ne sont dĂ©clenchĂ©s qu'au-dessus d'un seuil d'irradiation[55]. Ă partir du moment oĂč ces mĂ©canismes de rĂ©paration sont activĂ©s par une irradiation suffisante, le mĂ©tabolisme cellulaire est modifiĂ©, et la rĂ©ponse de la cellule aux irradiations ultĂ©rieures change de nature. La diminution aprĂšs une premiĂšre irradiation Ă faible dose de la radiosensibilitĂ© in vivo et in vitro est bien Ă©tablie (phĂ©nomĂšne dâadaptation)[55] - [16].
Sous ce seuil, les dĂ©fauts crĂ©Ă©s par les faibles doses et dĂ©bits de dose ne sont pas rĂ©parĂ©s. On constate expĂ©rimentalement une hypersensibilitĂ© individuelle des cellules aux trĂšs faibles doses, l'effet macroscopique de cette hypersensibilitĂ© Ă©tant plus que compensĂ© par la faiblesse de la dose. Cette hypersensibilitĂ©, qui ne se manifeste plus pour des dĂ©bits de dose importants, montre que la nature de la rĂ©action cellulaire dĂ©pend de la dose. Elle montre Ă©galement que certains effets, qui n'apparaissent qu'Ă faible dose, sont donc nĂ©cessairement sous-estimĂ©s par la loi linĂ©aire sans seuil, mĂȘme s'il n'est pas possible de dĂ©terminer si ces effets sont nocifs pour l'organisme dans son ensemble.
L'effet Ă long terme dĂ©pend donc de la dose et du dĂ©bit de dose : pour de nombreux gĂšnes, la transcription des gĂšnes cellulaires est modifiĂ©e par des doses beaucoup plus faibles (de lâordre du mSv) que celles pour lesquelles on observe une mutagenĂšse ; et donc selon la dose et le dĂ©bit de dose ce ne sont pas les mĂȘmes gĂšnes qui sont transcrits[77].
- Pour de trĂšs faibles doses d'irradiation (<10 mSv), les lĂ©sions ne sont pas rĂ©parĂ©es et le contrĂŽle qualitĂ© de la cellule fonctionne en tout ou rien. Les lĂ©sions sont Ă©liminĂ©es par la disparition des cellules, soit directement par apoptose (suicide cellulaire programmĂ© par l'apparition d'un gĂ©nome anormal), soit au moment d'une mitose ultĂ©rieure (l'anomalie gĂ©nĂ©tique empĂȘchant la division cellulaire, mais pas son fonctionnement). Pour ces faibles doses et dĂ©bits de doses, les anomalies sont suffisamment rares pour que l'Ă©limination des cellules anormales n'entraĂźne pas d'effet somatique sur le tissu.
- Des doses un peu plus Ă©levĂ©es endommagent un nombre notable de cellules, et sont donc susceptibles de causer des lĂ©sions tissulaires. Pour des doses comprises entre 10 et 100 mSv, les systĂšmes de rĂ©paration de lâADN sont activĂ©s. La rĂ©paration permet alors la survie cellulaire, mais peut gĂ©nĂ©rer des erreurs. Le nombre de rĂ©parations fautives mutagĂšnes est petit mais son importance relative, par unitĂ© de dose, croĂźt avec la dose et le dĂ©bit de dose.
Par la suite, une mutation sera transmise lors de la division cellulaire, mais l'Ă©volution de la cellule anormale dĂ©pendra de son environnement : le processus de cancĂ©rogenĂšse se heurte Ă des mĂ©canismes efficaces de dĂ©fense Ă lâĂ©chelle du tissu et de lâorganisme, qui doivent eux-mĂȘmes ĂȘtre mis en dĂ©faut pour qu'un cancer apparaisse.
Il faut enfin tenir compte de facteurs tels que la sensibilité génétique individuelle et du caractÚre interne ou externe de l'exposition[78].
Effets épigénétiques
Des invertĂ©brĂ©s exposĂ©s Ă de faibles doses de rayonnements prĂ©sentent des anomalies transmissibles sur plusieurs gĂ©nĂ©rations. Une question Ă©tait de savoir s'il s'agit dâune mutation gĂ©nĂ©tique (quâon ne trouve pas toujours) ou s'il pouvait sâagir dâun effet Ă©pigĂ©nĂ©tique (processus induisant une modification de lâexpression de certains gĂšnes sans impliquer de modification de l'ADN)[79]. L'IRSN, parmi d'autres, a cherchĂ© Ă le savoir : Il note (en 2019) que des altĂ©rations dâADN entraĂźnant des variations de lâinformation gĂ©nĂ©tique ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© dĂ©crites, mais que dans le cas dâune faible irradiation, une modifications de la mĂ©thylation de lâADN â processus Ă©pigĂ©nĂ©tique nâaffectant pas la sĂ©quence â a effectivement mises en Ă©vidence in situ chez des grenouilles et des pins sylvestres vivant dans les zones contaminĂ©es par la catastrophe de Tchernobyl et par celle de Fukushima[79].
Et plus récemment en laboratoire le phénomÚne a été observé chez des daphnies exposées à un faible rayonnement gamma[80].
Effet « bystander » et adaptatifs
Un effet de proximité (en anglais, « bystander » désigne celui qui assiste à un accident) a été identifié dans certaines expériences, en particulier des thérapies anti-tumorales[81].
On sait depuis quelques annĂ©es que la rĂ©ponse d'un tissu exposĂ© Ă des radiations est coordonnĂ©e, faisant intervenir des rĂ©ponses adaptatives y compris de la part de cellules qui n'avaient pas Ă©tĂ© elles-mĂȘmes irradiĂ©es. Les mĂ©canismes impliquĂ©s sont encore mal compris, mais on ne dĂ©tecte pas de relation dose-effet simple aux faibles doses. Les cellules qui dĂ©clenchent une mort programmĂ©e par apoptose ne sont pas nĂ©cessairement celles qui ont Ă©tĂ© irradiĂ©es (!) et des irradiations peuvent dĂ©clencher des instabilitĂ©s du gĂ©nome, persistant sur plusieurs gĂ©nĂ©rations cellulaires[82] - [83].
Ce domaine est Ă peine explorĂ©[84], mais il est clair que si l'effet d'une faible dose d'irradiation est une rĂ©ponse globale du tissu, la relation dose-effet peut prĂ©senter des seuils et des hystĂ©rĂ©sis, et aussi bien ĂȘtre en forme de "J" avec effet de seuil ou en forme de "n" avec une sur-rĂ©action aux faibles doses. La seule chose certaine est que, si cet effet est gĂ©nĂ©ralisĂ© et possĂšde un impact suffisant, la logique justifiant le modĂšle linĂ©aire sans seuil, qui prĂ©suppose entre autres l'addition de rĂ©ponses indĂ©pendantes de chaque cellule isolĂ©e, n'a pas de justification rĂ©elle, ce qui interdirait d'extrapoler aux faibles doses d'irradiation les effets observĂ©s aux doses plus fortes.
DĂ©bat sur l'effet des faibles doses
Partisans et opposants à l'hypothÚse linéaire sans seuil
(a) Extrapolation linéaire.
(b) Supralinéaire en n (pente diminuant avec la dose).
(c) Courbe en J (pente augmentant avec la dose).
(d) Linéaire à effet de seuil.
(e) HormÚse, effet bénéfique des faibles doses.
Les premiĂšres normes en matiĂšre de radioprotection fixaient une limite de 0,2 rad/jour (soit 2 mGy/jour); et personne n'a jamais constatĂ© de problĂšme de santĂ© induit dans le respect de cette limite[85]. Cette norme initiale a Ă©tĂ© remise en cause dans les annĂ©es 1950, non pas sur la base de rĂ©sultats scientifiques nouveaux, mais dans le but politique de provoquer l'arrĂȘt des essais nuclĂ©aires atmosphĂ©riques, en jouant sur la peur qu'inspirent les faibles doses d'irradiation[85] - [86] - [87]
L'utilisation du modĂšle linĂ©aire (plus exactement du modĂšle linĂ©aire-quadratique) sans seuil[88] est soutenue depuis les annĂ©es 1970 par la grande majoritĂ© des comitĂ©s d'experts en Ă©pidĂ©miologie et en radioprotection[89] : le National Research Council (NRC) de l'AcadĂ©mie des sciences ou le National Council on Radiation Protection and Measurements (en) (NCRP) aux Ătats-Unis[72] - [90], le ComitĂ© scientifique des Nations Unies pour l'Ă©tude des effets des rayonnements ionisants aux Nations unies[8]. Ce modĂšle est Ă©galement soutenu, ou au moins acceptĂ© en vertu du principe de prĂ©caution, par de grandes agences officielles de santĂ© publique : la Health Protection Agency (en) britannique[91], l'Environmental Protection Agency amĂ©ricaine[92], la Commission canadienne de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire[93].
Cependant, le consensus sur l'utilisation de ce modĂšle dans le domaine de la radioprotection ne signifie pas qu'il correspond Ă la vĂ©ritĂ©. La position de l'Organisation mondiale de la santĂ© sur la modĂ©lisation des agents cancĂ©rigĂšnes en gĂ©nĂ©ral est plus nuancĂ©e[94] : « Le choix du modĂšle d'extrapolation dĂ©pend de l'Ă©tat actuel de nos connaissances sur les mĂ©canismes de la cancĂ©rogenĂšse, et il n'existe pas de mĂ©thode mathĂ©matique universelle qui puisse ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme parfaitement adaptĂ©e Ă ce problĂšme. »
Concernant les Ă©metteurs de rayons X et Îł, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l'OMS considĂšre que[95] : « En l'absence de donnĂ©es fiables sur les effets des faibles doses, on suppose frĂ©quemment que l'extrapolation aux faibles doses devrait ĂȘtre linĂ©aire et sans seuil. Cette hypothĂšse demeure controversĂ©e, certains opposant qu'il y a en rĂ©alitĂ© un seuil, d'autres opposant que les risques rĂ©els sont plus Ă©levĂ©s que ceux prĂ©vus par une relation linĂ©aire, alors que d'autres encore font valoir que de faibles expositions pourraient ĂȘtre bĂ©nĂ©fiques. »
Ă l'opposĂ©, le modĂšle linĂ©aire sans seuil a Ă©galement ses opposants, et en premier lieu l'industrie nuclĂ©aire. En effet, si la dose la plus infime peut ĂȘtre dangereuse, aucune mesure de protection n'est jamais suffisante, et les coĂ»ts s'envolent en proportion. Des coĂ»ts de la radioprotection Ă ceux de l'enfouissement des dĂ©chets en passant par la question des rejets[96], de la reconnaissance des cancers radio-induits comme maladies professionnelles[97] - [98] - [99] Ă l'indemnisation des habitants exposĂ©s aux retombĂ©es d'essais nuclĂ©aires (les downwinders (en))[100] - [101], les enjeux financiers sont Ă©normes[102].
Ă titre d'exemple, un dĂ©bat fait rage aux Ătats-Unis depuis plusieurs dĂ©cennies entre diffĂ©rentes agences gouvernementales sur l'objectif de dĂ©contamination Ă viser pour les anciens sites des essais nuclĂ©aires dans le Nevada. En effet, les coĂ»ts de dĂ©contamination s'Ă©lĂšvent Ă 35 millions de dollars si l'on veut ramener la radioactivitĂ© ambiante Ă 1 mSv/an, 100 millions de dollars pour descendre Ă 0,25 mSv/an et atteignent 1 milliard de dollars si l'on vise un objectif idĂ©al de 50 ÎŒSv/an[103]. On s'en doute aisĂ©ment, les associations professionnelles de l'industrie nuclĂ©aire sont fortement opposĂ©es au modĂšle linĂ©aire sans seuil[104] - [105], et financent activement des recherches qui pourraient dĂ©montrer que les faibles doses sont inoffensives voire bĂ©nĂ©fiques[106] - [107].
Au fur et à mesure de son usage, le modÚle linéaire sans seuil a aussi soulevé des questions parmi les physiciens responsables de sa mise en pratique. En effet, appliquer le principe ALARA est un travail sans fin et peu gratifiant : quand on a atteint les limites réglementaires à 20 mSv/an, on doit optimiser pour viser 15, puis 10, puis 5, et ainsi de suite. Au fur et à mesure que le risque théorique diminue, sur la base d'un modÚle théorique d'extrapolation dont personne ne peut garantir s'il est juste, certains se demandent si ces budgets et ce travail sont réellement justifiés. Cette préoccupation a été trÚs explicitement exprimée en 1979 par l'un des principaux opposants au modÚle linéaire sans seuil, le physicien nucléaire B. L. Cohen[108] :
« On estime que rĂ©duire la limite d'exposition d'un facteur dix coĂ»terait Ă l'industrie nuclĂ©aire 500 millions de dollars par an, et ne rĂ©duirait mĂȘme pas la dose collective ; cela ne ferait que redistribuer cette dose sur davantage de personnes. Mais mĂȘme si cela permettait de supprimer toute exposition, on pourrait difficilement justifier de dĂ©penser 500 millions de dollars pour sauver 10 vies quand on peut sauver une vie pour chaque tranche de 25 000$ investis dans un programme de dĂ©pistage mĂ©dical ou pour chaque tranche de 100 000$ investis en dispositifs de sĂ©curitĂ© sur les voitures ou les autoroutes. »
Dans le prolongement de ces considérations, quelques associations professionnelles de radiophysiciens, et en premier la Health Physics Society américaine, ont officiellement pris parti contre l'utilisation du modÚle linéaire sans seuil en dessous de 50 mSv[109] - [110] - [111]. En France ce modÚle est aussi contesté depuis la fin des années 1990 par deux Académies :
Rapport conjoint des académies françaises
ApprouvĂ© en 2005 Ă la quasi-unanimitĂ© par les AcadĂ©mie des sciences et AcadĂ©mie de mĂ©decine françaises, il affirme qu'« il nâest pas justifiĂ© dâutiliser une relation linĂ©aire sans seuil (RLSS) pour estimer le risque cancĂ©rogĂšne des faibles doses. » (...) « la relation linĂ©aire sans seuil peut constituer un outil pragmatique utile pour fixer les rĂšgles de la radioprotection pour des doses supĂ©rieures Ă une dizaine de mSv ; mais, nâĂ©tant pas fondĂ©e sur des concepts biologiques correspondant Ă nos connaissances actuelles, elle ne peut pas ĂȘtre utilisĂ©e sans prĂ©caution pour estimer par extrapolation lâeffet des faibles et surtout des trĂšs faibles doses (< 10 mSv). » Issu d'un groupe de travail emmenĂ© par les professeurs AndrĂ© Aurengo et Maurice Tubiana[25], ce rapport fait grand bruit dans le dĂ©bat sur les faibles doses en contestant les conclusions du National Research Council et de la Commission internationale de protection radiologique. Le rapport conclut que les travaux rĂ©cents en radiobiologie et en carcinogenĂšse suggĂšrent lâexistence d'une relation dose-effet non linĂ©aire, avec un seuil de dose sous lequel aucun effet n'est constatĂ©, voire montrent un effet d'hormĂšse.
Ce modĂšle se fonde en effet sur deux hypothĂšses implicites, qui sont :
- la constance de la probabilité de mutation (par unité de dose) quels que soient la dose et le débit de dose ;
- l'indépendance des cellules dans le tissu, qui permet au processus de cancérogenÚse, aprÚs avoir été initié dans une cellule, d'évoluer indépendamment des cellules environnantes.
Mais un organisme diffÚre d'un dosimÚtre ou d'une pellicule photographique en deux points : la relation dose-effet n'est pas nécessairement linéaire, elle peut comporter des seuils sous lesquels la nature ou l'efficacité des mécanismes de défense peut changer radicalement ; et surtout une cellule ou un organisme pluricellulaire sont des systÚmes complexes régulés, capables dans une certaine mesure de se réparer et de maintenir leur fonctionnement malgré des perturbations internes ou externes.
On savait que lâefficacitĂ© de la rĂ©paration de l'ADN est meilleure Ă faible dĂ©bit de dose, mais les AcadĂ©mies considĂšrent ici qu'en montrant lâampleur de ces diffĂ©rences, on a maintenant enlevĂ© tout fondement scientifique aux extrapolations des fortes doses vers les faibles doses[25]. Les donnĂ©es expĂ©rimentales montrent que lâefficacitĂ© des systĂšmes de rĂ©paration varie selon la dose ou du dĂ©bit de dose, en raison de divers mĂ©canismes (activation des systĂšmes de rĂ©paration, arrĂȘt temporaire du cycle, augmentation de lâefficacitĂ© de la rĂ©paration quand le nombre de lĂ©sion est petit, etc.)[55].
La remise en cause de la validitĂ© des hypothĂšses sur lesquelles se fonde l'approche linĂ©aire sans seuil ne signifie pas qu'il n'y a pas dâeffet cancĂ©rogĂšne pour des faibles doses, et de fait, les donnĂ©es ne permettent pas dâexclure un effet cancĂ©rogĂšne. Cependant, cet effet peut ĂȘtre beaucoup plus faible par unitĂ© de dose que ce que prĂ©dit la thĂ©orie linĂ©aire sans seuil. Il pourrait par exemple exister une relation dose-effet sans seuil mais non linĂ©aire avec une baisse considĂ©rable de lâefficacitĂ© pour des doses infĂ©rieures Ă une dizaine de mSv, et un effet trivial pour des doses de lâordre dâun mSv ou infĂ©rieures[55]. Certains supposent mĂȘme que la superposition d'effets Ă seuil pourrait conduire Ă des effets d'hormĂšse, oĂč de petites irradiations auraient en rĂ©alitĂ© des effets bĂ©nĂ©fiques sur la santĂ©.
Le débat officiellement ouvert par les académies françaises en 2005 continue donc[55] - [112]. En 2005, juste aprÚs ce rapport, une étude épidémiologique du Centre international de recherche sur le cancer a porté sur plus de 400 000 travailleurs du nucléaire exposés à des faibles doses de radiations, mais pas aux doses trÚs faibles habituelles en radiodiagnostic (médiane : 19 mSiev)[113]. Des articles pour ou contre le modÚle linéaire sans seuil continuent à paraßtre réguliÚrement sans qu'aucun des camps change significativement de position[64] - [114] - [115] - [116].
HypothĂšse d'un effet d'hormĂšse
D'aprĂšs le rapport des acadĂ©mies françaises[25], « la mĂ©ta-analyse qui a Ă©tĂ© faite des rĂ©sultats de lâexpĂ©rimentation animale montre dans 40 % de ces Ă©tudes une diminution de la frĂ©quence spontanĂ©e des cancers chez les animaux aprĂšs de faibles doses, observation qui avait Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©e car on ne savait pas lâexpliquer. » Ces rĂ©sultats ne sont pas compatibles avec une loi linĂ©aire sans seuil, mais suggĂšrent au contraire un effet d'hormĂšse (effet inverse dâun agent qui est toxique Ă fortes doses mais a un effet favorable protecteur Ă petites doses)[117] - [118].
Les radiations de l'ordre du mGy ont globalement un double effet sur les cellules et leur ADN. D'une part, il y a une faible probabilité pour que l'ADN soit endommagé, et cette probabilité croßt avec la dose. L'autre effet découle de la réponse adaptative de la cellule contre tout dommage important de l'ADN, quelle qu'en soit la source. Si des cellules exposées à une faible dose (1 cGy) de rayons X sont ultérieurement exposées à une forte dose (1 Gy), on n'observe que la moitié des ruptures d'ADN normalement observées à cette forte dose[119]. Cette protection adaptative stimule le systÚme de protection et de réparation de la cellule. La réponse apparaßt en quelques heures, et peut durer plusieurs jours voire des mois. Elle sature puis décroßt fortement au-delà de doses d'une centaine de mGy, et n'apparaßt plus au-delà de 500 mGy[120].
à faible dose d'irradiation, l'avantage provenant de cette réponse adaptative pourrait l'emporter sur les dommages primaires induits sur l'ADN : une irradiation ponctuelle de l'ordre du cGy stimulerait la radiorésistance et diminuait l'effet d'autres doses.
Selon certains experts tels que G. Meyniel (1998) « ce faisceau de présomptions de plus en plus serré et étoffé montre qu'aujourd'hui, compte tenu des données épidémiologiques et des conditions expérimentales objectives, il est nécessaire d'informer la société afin de tenter de dédramatiser les dangers d'exposition aux faibles doses»[121].
Régions à radioactivité naturelle élevée
Dans ces régions, généralement désignées par les acronymes anglais HLNRA (High Levels of Natural Radiation Areas) ou HBRA (High Background radiation Areas), l'environnement est source d'une exposition annuelle supérieure à 5 mSv/an (soit deux fois l'exposition annuelle moyenne, toutes sources confondues dans le monde (2,4 mSv)[36].
Ainsi Ă Ramsar (Iran), les habitants des quartiers Ă haute radioactivitĂ© (environ 2 000 personnes) subissent des doses pouvant dĂ©passer 100 mSv/an, avec une moyenne de 10 mSv/an et un maximum estimĂ© Ă 260 mSv/an[122]. Ă quarante ans, un habitant de la cinquantaine de maisons oĂč la dose atteint 100 mSv/an a reçu une dose cumulĂ©e supĂ©rieure Ă 4 sieverts ; selon le modĂšle linĂ©aire sans seuil, ils devraient dĂ©clarer 20 % de cancers en plus (par rapport Ă des habitants normalement exposĂ©s). Rien de tel n'est observĂ©[123] - [124]. Mais la cohorte concernĂ©e est beaucoup trop petite, et il n'y a pas de donnĂ©es fiables sur l'Ă©pidĂ©miologie du cancer de cette population[124] - [125] - [126]. Une Ă©tude cas-tĂ©moins constate par ailleurs Ă Ramsar un taux de stĂ©rilitĂ© fĂ©minine trois fois plus Ă©levĂ© que dans le groupe tĂ©moin retenu, mais le taux d'Ă©tudes universitaires est aussi trois fois plus Ă©levĂ©, ces deux facteurs Ă©tant significativement corrĂ©lĂ©s[127].
La rĂ©gion de Yangjiang (Chine) est plus radioactives que la moyenne, Ă cause de sables contenant de la monazite (un minerai de thorium). PrĂšs de 80 000 personnes sont exposĂ©es Ă un dĂ©bit de dose d'environ 6.4 mSv/an, soit 4 mSv/an au-dessus de la moyenne mondiale. Elle a fait l'objet d'Ă©tudes rĂ©pĂ©tĂ©es[128]. L'Ă©tude statistique de l'excĂšs relatif de cancer ne montre pas lĂ d'effet statistiquement significatif. Le taux de cancer tend mĂȘme Ă ĂȘtre plus faible que la moyenne. Une Ă©tude (2000) sur 125 079 sujets comparĂ©s Ă un groupe tĂ©moin sur 1,7 million d'hommes/annĂ©e et 1003 dĂ©cĂšs par cancer, a trouvĂ© un risque relatif de 0,99 (intervalle de confiance : 0,87 Ă 1,14,) soit aucune augmentation de risque, le risque calculĂ© en appliquant la LNT se situant lui Ă 1,2, donc au-dessus de l'intervalle de confiance[129]. Mais l'interprĂ©tation de ces rĂ©sultats doit ĂȘtre prudente, car l'Ă©tude est de type « Ă©cologique » sans mesure individuelle de l'exposition aux radiations et des diffĂ©rences faibles de style de vie en particulier sur le nombre de fumeurs ou le taux d'infection peuvent ĂȘtre l'explication de l'Ă©cart[130].
Les études menées dans les régions HBRA montrent souvent des anomalies microbiologiques mais sans élévation significative du risque de cancer, ce qui contredit le modÚle linéaire sans seuil[131] - [132]. La prise en compte de ces résultats reste compliquée par le manque de données épidémiologiques fiables dans des régions situées dans des pays émergents ou en développement.
Ătude des liquidateurs de Tchernobyl
Les quelque 600 000 liquidateurs qui étaient intervenus sur le site de la catastrophe de Tchernobyl reçurent en moyenne une dose de l'ordre de 100 millisieverts (de 10 à 500 mSv)[133].
L'incidence des cancers (hors thyroïde) ne semble pas significativement différente chez les liquidateurs et dans le reste de la population : des études signalent une légÚre augmentation des cancers chez les liquidateurs et d'autres études concluent à une légÚre diminution[134] - [135]. Les cancers de la thyroïde pourraient avoir augmenté parmi les liquidateurs, mais on n'a pas trouvé de relation dose-effet probante (il semble cependant y avoir une relation au temps de séjour dans les territoires contaminés)[136].
L'incidence des leucĂ©mies a augmentĂ© chez les liquidateurs (lâannĂ©e qui a suivi l'accident), mais les premiers rĂ©sultats d'ensemble manquaient de cohĂ©rence du point de vue de la relation dose-effet[137] - [138] - [139]. L'absence de relation dose-effet pourrait ĂȘtre due aux imprĂ©cisions sur le suivi dosimĂ©trique : en reconstruisant a posteriori la dosimĂ©trie des liquidateurs plutĂŽt qu'en utilisant les chiffres des registres officiels, les auteurs retrouvent bien une corrĂ©lation statistique entre dose absorbĂ©e et risque de leucĂ©mie[140].
Si les premiÚres études indiquaient plutÎt un « effet travailleur sain », les liquidateurs semblent sur le long terme souffrir d'autres maux, principalement de cataractes radio-induites, de problÚmes cardiovasculaires et de troubles psychologiques (syndrome post-traumatique, dépression, suicide)[141] - [142]. Pour les problÚmes cardiovasculaires, le doute persiste entre une éventuelle origine radio-induite et un lien avec un mode vie à risque (alcoolisme, tabagisme, surpoids)[143].
DĂ©bat sur le radon
Le Pr Cohen Ă©tait physicien Ă l'UniversitĂ© de Pittsburgh, spĂ©cialisĂ© dans la gestion et l'enfouissage des dĂ©chets nuclĂ©aires. Dans les annĂ©es 1980, il teste le modĂšle linĂ©aire sans seuil en comparant le taux de cancer du poumon et l'exposition au radon pour 1601 comtĂ©s couvrant prĂšs de 90 % de la population des Ătats-Unis[144]. Il montre que le risque relatif de cancer du poumon diminue quand le taux de radon augmente. Ceci contredit le modĂšle linĂ©aire sans seuil testĂ© (le modĂšle BEIR IV de 1988), l'Ă©cart atteignant 20 Ă©carts types. Cette Ă©tude examine l'effet possible de 54 facteurs socioĂ©conomiques et 7 variables gĂ©ographiques ou climatiques, sans identifier de variable explicative. Des observations similaires ont pu ĂȘtre faites en France[145] ou dans d'autres pays durant les annĂ©es 1990.
Peut-on pour autant affirmer qu'il existe un effet d'hormĂšse ? En thĂ©orie, Ă partir d'une Ă©tude Ă©cologique, non car mĂȘme quand l'effet de certains facteurs explicatifs potentiels a Ă©tĂ© Ă©cartĂ© (ici, le tabac et le niveau de vie), la nature mĂȘme de l'Ă©tude ne permet pas de garantir que tous les facteurs explicatifs potentiels ont Ă©tĂ© pris en compte. Mais selon le Pr. Cohen[144], mĂȘme si son existence reste logiquement possible, le portrait robot d'un facteur explicatif bĂ©nĂ©fique agissant par accident Ă l'inverse de la concentration en radon serait trĂšs contraignant :
- Il doit ĂȘtre trĂšs corrĂ©lĂ© avec le cancer du poumon, Ă un niveau comparable Ă celui du tabagisme, mais n'a pas encore Ă©tĂ© identifiĂ© ;
- Il doit ĂȘtre fortement et nĂ©gativement corrĂ©lĂ© avec le niveau ambiant de radon ;
- Il ne doit ĂȘtre corrĂ©lĂ© avec aucune des 54 variables socio-Ă©conomiques examinĂ©es par l'Ă©tude ;
- Il doit rester valide dans de nombreuses régions géographiques, indépendamment de l'altitude ou du climat.
Si l'on admet les rĂ©sultats de cette Ă©tude, l'explication naturelle du rĂ©sultat statistique est que la stimulation d'un mĂ©canisme biologique par le radon fait plus que compenser l'induction de cancers annoncĂ©e par la thĂ©orie, et que le radon agit en pratique comme un agent protecteur, rĂ©duisant le risque de cancer dans la gamme des faibles doses et de faibles dĂ©bits de dose[146]. De ce fait, ces rĂ©sultats jettent le doute sur le bien-fondĂ© des politiques de lutte contre le radon, mises en place par ailleurs, ce qui conduit Ă un dĂ©bat. AprĂšs plus de 20 ans de dĂ©bat (aux Ătats-Unis surtout), de nombreux experts et organismes officiels considĂšrent que le raisonnement du Pr Cohen est incorrects, parmi lesquels le National Research Council et l'Environmental Protection Agency[147] - [148], le Centre international de recherche sur le cancer de l'OMS[149], etc. En Europe, la plupart des recommandations officielles sur le radon ignorent les travaux de Cohen.
Ces Ă©tudes statistiques sont dites Ă©tudes Ă©cologiques car elles comparent des populations supposĂ©es prĂ©senter les mĂȘmes caractĂ©ristiques mais vivant dans des milieux diffĂ©rents. Elles s'opposent aux Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques de cohortes (oĂč une population particuliĂšre, choisie pour ĂȘtre reprĂ©sentative, est identifiĂ©e a priori et suivie dans le temps), qui sont beaucoup plus prĂ©cises, mais bien plus coĂ»teuses. Il est reconnu en Ă©pidĂ©miologie que des Ă©tudes de type Ă©cologique ne peuvent pas servir de base Ă des relations dose-effet, parce qu'elles ne permettent pas d'accĂ©der aux doses individuellement reçues, et que l'effet rĂ©el d'une dose moyenne n'est gĂ©nĂ©ralement pas le mĂȘme que l'effet moyen d'une dose rĂ©elle : des phĂ©nomĂšnes de non-linĂ©aritĂ© et/ou de couplage entre facteurs peuvent conduire Ă des effets trĂšs diffĂ©rents de l'effet rĂ©el, pouvant aller jusqu'Ă l'inverser. C'est entre autres sur ces bases que la communautĂ© des Ă©pidĂ©miologues rejette les Ă©tudes Ă©cologiques, arguant que par nature ces Ă©tudes n'autorisent pas de conclusion fiable[150] - [151].
Cohen a toujours considéré avoir correctement pris en compte d'éventuels biais statistiques, notamment ceux liés au tabagisme, un biais réguliÚrement invoqué par la communauté des épidémiologues, qui montrent sur des modÚles théoriques qu'il peut facilement conduire à une inversion des résultats[152] - [153] - [154] - [149] - [155] - [156] - [157].
Cependant, le Pr Cohen considÚre que l'argument avancé par les épidémiologues est incorrect[158] - [159] - [160] car son étude vise à mettre à l'épreuve l'hypothÚse linéaire sans seuil, non à évaluer l'effet cancérigÚne du radon et un effet d'hormÚse éventuel. L'hypothÚse linéaire sans seuil revient précisément à dire que le risque de cancer est directement proportionnel à la dose reçue. On peut alors montrer mathématiquement que dans cette hypothÚse particuliÚre, la dose moyenne détermine directement le risque moyen, parce que -par hypothÚse- un effet non linéaire a été exclu dans ce cas. Par conséquent, selon le Pr Cohen, si l'hypothÚse linéaire sans seuil est correcte, une étude écologique doit trouver le résultat annoncé ; et comme le résultat annoncé n'est pas trouvé, c'est bien que l'hypothÚse linéaire sans seuil est incorrecte. Le Pr Cohen en conclut que si l'on ne peut pas dire quel est l'effet réel (puisqu'une étude écologique ne le permet pas), on peut affirmer que l'hypothÚse linéaire sans seuil est invalide pour les faibles doses d'irradiation.
En rĂ©sumĂ©, pour le Pr. Cohen[144], « l'existence d'un tel facteur explicatif hypothĂ©tique est irrĂ©aliste » ; pour ses dĂ©tracteurs, le facteur explicatif est simplement une prise en compte incorrecte du tabagisme et du dĂ©placement des populations dans l'Ă©tude de Cohen. En particulier pour le CIRC[149], des rĂ©sultats comparables dans 3 Ă©tudes ont Ă©tĂ© invalidĂ©s une fois des donnĂ©es plus prĂ©cises prises en compte, 8 Ă©tudes de cas sur des mineurs et l'exposition rĂ©sidentielle au radon donnent des valeurs incompatibles avec son rĂ©sultat pour des niveaux d'exposition Ă©quivalents, en sorte que[161] « le poids des Ă©lĂ©ments de preuve disponibles montrent que les analyses Ă©cologiques de Cohen peuvent ĂȘtre Ă©cartĂ©es ». Une nouvelle Ă©valuation du risque radon a conclu que le risque augmente pour une exposition domestique infĂ©rieure Ă 200 Bq/m3 durant 25 ans, concluant que le radon est le 2e facteur de risque aprĂšs le tabac[162]
Constructions contaminées de Taïwan
Ă TaĂŻwan, dans les annĂ©es 1980, des constructions neuves sont Ă©difiĂ©es avec de l'acier de recyclage fortement contaminĂ© au cobalt 60 (de demi-vie 5,2714 ans), exposant environ dix mille personnes Ă des doses moyennes de 400 mSv (avec pour les 10 % les plus exposĂ©s un dĂ©bit de dose dĂ©passant souvent largement 15 mSv/an). En 2004, une Ă©tude estime que d'aprĂšs le modĂšle linĂ©aire sans seuil on aurait dĂ» observer pour cette population sur les 20 derniĂšres annĂ©es environ 232 cancers mortels spontanĂ©s plus un excĂšs de 70 cancers mortels radio-induits, mais qu'on observe seulement 7 cancers en tout et pour tout, donc seulement 3 % du chiffre attendu. Les auteurs concluent que l'exposition chronique Ă des faibles radiations amĂ©liore les dĂ©fenses naturelles (hormĂšse) contre le cancer[163], contrairement Ă ce que l'hypothĂšse LNT (Linear No-Threshold model; loi linĂ©aire sans seuil) aurait conduit Ă attendre[164]. Cependant, pour dĂ©terminer le taux "thĂ©orique" de cancer, les auteurs de cette Ă©tude n'avaient pas analysĂ© l'effet de la distribution des Ăąges des rĂ©sidents, Ă laquelle ils n'avaient pas accĂšs, et qu'ils avaient supposĂ© ĂȘtre identique Ă celle de la population de Taiwan.
En 2006, des travaux plus approfondis ont porté sur une cohorte de 7 271 habitants, 141 ont développé un cancer ou une leucémie, dont 95 sont prises en compte pour une étude statistique. Le nombre de cancers observés (141 en tout, 95 retenus dont 82 cancers solides) est plus élevé d'un facteur 10 comparé au chiffre de 7 cancers mortels publié par l'AEC. Les auteurs observent que tous cancers solides confondus, le risque est effectivement significativement abaissé parmi les habitants par rapport à une population normale, avec 82 cancers retenus contre 110 attendus. Cependant, ils observent que les habitants des immeubles contaminés ont un risque significativement élevé pour le cancer de la thyroïde et marginalement élevé pour les leucémies (hors Leucémie lymphoïde chronique)[165]. Les auteurs concluent que l'étude initiale n'a pris en compte que des statistiques incomplÚtes, n'a pas correctement ajusté ses chiffres à la constitution de la cohorte, et que le délai par rapport à l'exposition est encore trop court pour ce type d'étude[166].
En 2008, les rĂ©sultats Ă©pidĂ©miologiques sur les habitants des immeubles contaminĂ©s sont complĂ©tĂ©s par une estimation du risque radio-induit pour une exposition de 100 mSv, fondĂ©e sur l'Ă©tude de 117 cancers retenus parmi 165 cas observĂ©s. Que ce soit tous cancers confondus ou tous cancers solides confondus, on n'observe pas d'accroissement significatif du risque global de cancer. Par contre, le risque de leucĂ©mie est significativement reliĂ© Ă la dose, et une relation dose-rĂ©ponse pourrait ĂȘtre prĂ©sente pour le cancer du sein[167].
Les habitants ont aussi développé des effets non cancéreux[168] :
- anomalies cytogénétiques et du systÚme immunitaire[169] ;
- le cristallin d'enfants ayant grandi dans ces immeubles continue à s'opacifier progressivement (évolution vers une cataracte radio-induite), plus d'une décennie aprÚs leur relogement[170] ;
- le développement physique des garçons ayant subi une exposition supérieure à 60 mSv a été ralenti, avec une relation dose-effet significative[171].
Enjeux sur la politique sanitaire
Doses collectives
L'utilisation la plus polĂ©mique de la loi linĂ©aire sans seuil consiste Ă calculer le nombre de cancers provoquĂ©s par une trĂšs faible dose de radiation Ă laquelle est exposĂ©e une trĂšs grande population. En thĂ©orie, la relation linĂ©aire sans seuil permet de calculer une dose collective, exprimĂ©e en personnes·sieverts, oĂč une faible dose est multipliĂ©e par la population qui la subit. Dans l'hypothĂšse linĂ©aire, en effet, on obtiendra le mĂȘme rĂ©sultat en exposant vingt millions de personnes Ă un microsievert, ou vingt mille personnes Ă un millisievert, ou vingt personne Ă un sievert : dans tous les cas, la dose collective de vingt personnes·sievert conduira Ă un cancer supplĂ©mentaire (Ă raison de 5 % de cancer par sievert)[172]. Typiquement, si la population française (de 60 millions d'habitants) est exposĂ©e Ă une radioactivitĂ© moyenne de 2,5 millisievert par an (l'exposition moyenne aux radiations naturelles), et qu'une exposition aux rayonnements provoque un excĂšs de cancers de 5 % de cancers par sievert, cette exposition provoque globalement 60 ĂâŻ106 Ă 2,5 ĂâŻ10â3 Ă 5 % = 7 500 cancers par an, c'est-Ă -dire 2,3 % des cancers observĂ©s.
En 1973, le comitĂ© de l'AcadĂ©mie des Sciences amĂ©ricaines spĂ©cialisĂ© dans l'Ă©tude des effets biologiques des radiations (BEIR) avait estimĂ© que la radioactivitĂ© naturelle pouvait induire 6 000 morts par cancers par an aux Ătats-Unis (soit environ le double, si on prend en compte les cancers non mortels Ă cette Ă©poque), mais ce type d'Ă©valuation peut ĂȘtre rĂ©Ă©valuĂ© si l'on tient compte de modĂšles plus rĂ©cents[72].
Le rapport conjoint de l'acadĂ©mie des sciences et de l'acadĂ©mie de mĂ©decine d'avril 2005[25] a Ă©tĂ© publiĂ© en rĂ©action Ă une Ă©tude (2004) de lâestimation de la part de cancers attribuables au radiodiagnostic[173] construite sur l'hypothĂšse de linĂ©aritĂ© sans seuil de la relation entre le risque de cancer et la dose de radiations ionisantes. Cette Ă©tude concluait que 0,6 % Ă 3 % des cancers seraient attribuables au radiodiagnostic, mais si la relation linĂ©aire sans seuil nâest pas fondĂ©e, ces estimations ne seraient que des constructions de lâesprit[55].
Le dilemme est manifeste si l'on prend par exemple le cas de la présence domestique du radon. D'aprÚs les études disponibles, et sur la base du modÚle linéaire sans seuil, il est considéré comme la deuxiÚme cause de cancer du poumon aprÚs le tabagisme, responsable de 5 à 12 % de ces cancers, et causant entre 1000 et 3000 morts par an en France[174] - [175] - [176] - [177] - [178], entre autres parce que les faibles doses d'irradiation correspondantes concernent une trÚs grande population. Dans cette logique, il est logique de vouloir diminuer autant que possible le radon des immeubles et habitations[179] - [180] - [181] - [182]. Si l'effet inverse suggéré par les travaux du Pr. Cohen n'était pas seulement un artefact statistique, une telle politique serait en réalité néfaste à la population.
Ăvaluation bĂ©nĂ©fice / risque en radiologie mĂ©dicale
Environ 50 millions dâexamens radiologiques sont effectuĂ©s en France chaque annĂ©e qui dĂ©livrent en moyenne 1 millisievert par an Ă chaque Français. Selon la fonction utilisĂ©e, on peut dĂ©duire, soit quâils pourraient induire quelques milliers de cancers, soit quâils ne prĂ©sentent aucun danger significatif[25].
LâĂ©valuation du rapport entre bĂ©nĂ©fice et risque est imposĂ©e en radiologie par la directive europĂ©enne 97-43. Les risques Ă©ventuels dans la gamme de dose des examens radiologiques (0,1 Ă 5 mSv ; jusquâĂ 20 mSv pour certains examens) doivent ĂȘtre estimĂ©s en tenant compte des donnĂ©es radiobiologiques et de lâexpĂ©rimentation animale. Cependant, selon les opposants au modĂšle linĂ©aire sans seuil, les mĂ©canismes biologiques sont diffĂ©rents pour des doses infĂ©rieures Ă quelques dizaines de mSv et pour des doses supĂ©rieures. Lâusage dâune relation empirique qui nâest validĂ©e que pour des doses supĂ©rieures Ă 200 mSv pourrait donc, en surĂ©valuant les risques, faire renoncer Ă des examens susceptibles dâapporter au malade des informations utiles[25] - [55]. Elle pourrait aussi en radioprotection conduire Ă des conclusions erronĂ©es.
Le risque dépend de l'ùge du patient puisqu'il est à distance : un scanner multicoupe à 80 ans n'a pratiquement aucun risque (le patient a toute chance de mourir d'autre chose dans les quarante ans à venir). Ce n'est pas le cas chez un adolescent.
Coûts de décontamination
Les dĂ©cideurs confrontĂ©s au problĂšme des dĂ©chets radioactifs ou au risque de contamination doivent rĂ©examiner la mĂ©thodologie utilisĂ©e pour Ă©valuer les risques des trĂšs faibles doses et des doses dĂ©livrĂ©es avec un trĂšs faible dĂ©bit[25]. Si les effets des faibles doses d'irradiation sur la santĂ© n'Ă©taient pas seulement faibles (donc difficiles Ă identifier) mais nuls ou pratiquement nuls en dessous dâun niveau qui resterait Ă dĂ©finir (hypothĂšse de seuil), de nombreux pans des politiques publiques dans ce domaine nâauraient pas de justification scientifique et seraient Ă revoir entiĂšrement[55].
Faibles doses, Ă©lectronique et nanotechnologies
L'effet des faibles doses Ă Ă©chelle nanomĂ©trique intĂ©resse aussi le domaine de la microĂ©lectronique (dont pour les dĂ©tecteurs Ă©lectroniques qui ne doivent pas donner de mesures biaisĂ©es par la radioactivitĂ© elle-mĂȘme).
La miniaturisation des composants les rend en effet plus sensibles à des modifications intervenant à l'échelle atomique et susceptibles de produire des erreurs dans le fonctionnement de certaines puces électroniques, systÚmes de mémoires ou logiciels les utilisant.
Une expĂ©rience a Ă©tĂ© conduite avec du matĂ©riel Intel dans un milieu trĂšs pauvre en radiation au fond d'une cavitĂ© creusĂ©e dans une profonde couche de sel pour l'entreposage de dĂ©chets radioactifs[183] (Ă prĂšs de 500 mĂštres de profondeur sous le dĂ©sert de Chihuahua aux Ătats-Unis), de maniĂšre Ă ĂȘtre le moins exposĂ© au rayonnement ambiant (alpha notamment), solaire et cosmique (neutrons surtout). Il s'agissait aussi de vĂ©rifier si les faibles radiations Ă©mises par les matĂ©riaux tels que ceux de la carte-mĂšre ou le silicium des puces Ă©taient responsables de ces petites erreurs, et en quelle proportion. Le fonctionnement d'une SRAM 45nm a ainsi Ă©tĂ© testĂ© durant un an, faisant conclure Ă Intel que plus de 90 % des particules ionisantes causant ces petites erreurs dans le fonctionnement des puces viennent de l'environnement et non du silicium, ce qui repose la question du blindage Ă©lectromagnĂ©tique des matĂ©riels sensibles[184].
Recherche
En Juin 2022, une Ă©tude (parrainĂ©e par le DOE) conclue par un rapport[185] des AcadĂ©mies nationales des sciences, d'ingĂ©nierie et de mĂ©decine concluent que « la recherche sur les effets sur la santĂ© des rayonnements Ă faible dose aux Ătats-Unis est limitĂ©e et fragmentĂ©e, manquant de leadership, de coordination centrale et d'un programme stratĂ©gique global[1] ».
Alors que cette recherche Ă©tait gĂ©rĂ©e dans le passĂ© par le Bureau des sciences du DĂ©partement amĂ©ricain de l'Ă©nergie, l'attention du bureau a Ă©tĂ© rĂ©orientĂ©e[1]. Selon ce rapport : 100 millions de dollars par an seraient nĂ©cessaires dans les 15 ans, pour financer un Programme et une infrastructure de recherche coordonnĂ© d'Ă©tude sur les « impacts de l'exposition Ă de faibles doses de rayonnement sur la santĂ© humaine ». Ce programme pourrait « tirer parti des rĂ©centes percĂ©es scientifiques - telles qu'une plus grande puissance de calcul, la recherche gĂ©nĂ©tique et les systĂšmes de partage de donnĂ©es - que les recherches prĂ©cĂ©dentes n'ont pas fait », pour amĂ©liorer les approches Ă©pidĂ©miologiques et biologiques, rĂ©Ă©valuer les risques de cancer, de maladies cardiovasculaires, de troubles neurologiques et d'autres maladies et la recherche d'Ă©ventuels liens de causalitĂ© entre faibles doses et certains problĂšmes de santĂ©, en tenant compte des effets des doses de rayonnement, des dĂ©bits de dose, des types de rayonnement et de la durĂ©e d'exposition[1]. « Les 5 millions de dollars allouĂ©s au programme de rayonnement Ă faible dose du DOE en 2021 et 2022 ne sont mĂȘme pas suffisants pour lancer un programme de recherche fĂ©dĂ©ral coordonnĂ© », prĂ©cise ce rapport[1].
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Annexes
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Articles connexes
Liens externes
- Mieux comprendre les faibles doses, Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire
- Les faibles doses, Unité Protection sanitaire contre les rayonnements ionisants et toxiques nucléaires (Prositon), Commissariat à l'énergie atomique
- (en) Projet RISC-RAD (Radiosensitivity of Individuals and Susceptibility to Cancer induced by ionizing radiations.
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- (en) Multidisciplinary European Low Dose Initiative, Europe
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