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Bob Dylan

Robert Allen Zimmerman, dit Bob Dylan [bɑb ˈdÉȘlən][1], est un auteur-compositeur-interprĂšte, musicien, peintre, sculpteur, cinĂ©aste et poĂšte amĂ©ricain[2], nĂ© le Ă  Duluth, dans le Minnesota. Il est l'une des figures majeures de la musique populaire mondiale.

Bob Dylan
Bob Dylan en 1963.
Biographie
Naissance
Nom de naissance
Robert Allen Zimmerman
Pseudonyme
Bob Dylan
Nationalité
Domicile
Formation
Université du Minnesota (en)
Hibbing High School (en)
Sidwell Friends School (en)
Activités
Période d'activité
depuis
PĂšre
Abram Zimmerman (d)
MĂšre
Beatrice Stone (d)
Conjoints
Sara Lownds (de Ă  )
Carolyn Dennis (en) (de Ă  )
Enfants
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Distinctions
Prix Princesse des Asturies pour les arts ()
Prix Nobel de littérature ()

Discographie
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USA Musique
signature de Bob Dylan
Signature

Ses Ɠuvres les plus cĂ©lĂšbres datent majoritairement des annĂ©es 1960 ; Ă  une Ă©poque, il fut chroniqueur informel des troubles sociaux aux États-Unis, avec des chansons d'abord explicites puis de plus en plus allĂ©goriques comme Masters of War, Blowin' in the Wind, The Times They Are a-Changin', A Hard Rain's a-Gonna Fall, Gates of Eden, All Along the Watchtower, Ballad of a Thin Man, ou encore Like a Rolling Stone (Ă©lue plus grande chanson de tous les temps par le magazine Rolling Stone). Certaines de ses chansons comme Blowin' in the Wind et The Times They Are a-Changin' sont devenues des hymnes anti-guerre — en particulier contre la guerre du Vietnam — et des mouvements civiques de l'Ă©poque[3]. L'un de ses albums studio plus tardifs, Modern Times, publiĂ© en 2006, est entrĂ© directement Ă  la premiĂšre place dans le classement Billboard 200[4] et a Ă©tĂ© nommĂ© « Album de l'annĂ©e » par le Rolling Stone.

Dans ses premiĂšres chansons, Dylan a abordĂ© les questions sociales. Si Ă  ses dĂ©buts il faisait souvent rĂ©fĂ©rence aux symboles de la contre-culture de l'Ă©poque, il s'en est par la suite dĂ©marquĂ© en orientant son Ă©criture vers une facture de plus en plus allĂ©gorique et symboliste. Tout en Ă©largissant et en personnalisant les styles musicaux abordĂ©s, il a mis l'accent sur de nombreuses traditions de la musique amĂ©ricaine : folk, country, blues, gospel, rock 'n' roll et rockabilly, ainsi que sur les musiques folk anglaise, Ă©cossaise et irlandaise. Depuis le dĂ©but de sa carriĂšre, Dylan a, par ses textes et par sa recherche de voies nouvelles (allant parfois mĂȘme Ă  l’encontre des attentes de son public), marquĂ© la culture musicale contemporaine. En tĂ©moignent les nombreux artistes de premier plan qui revendiquent son influence (The Beatles, David Bowie, Neil Young, Paul Simon, Jeff Buckley, Bruce Springsteen, Tom Waits, Elvis Costello et bien d'autres) ou le vaste rĂ©pertoire des chansons qu'il a composĂ©es, dans lequel puisent des musiciens de tous horizons et de toutes gĂ©nĂ©rations (Tom Waits, Elvis Presley, The Beach Boys, Mark Knopfler, U2, PJ Harvey, Syd Barrett, Guns N' Roses, Jimi Hendrix, Jerry Garcia, etc.).

Les rĂ©fĂ©rences dont s’inspire Bob Dylan pour faire Ă©voluer son art sont non seulement Ă  rechercher du cĂŽtĂ© de musiciens lĂ©gendaires des États-Unis d'AmĂ©rique, tels Hank Williams (country), Pete Seeger, Woody Guthrie (baladins syndicalistes)[ch 1] et Robert Johnson (l'un des fondateurs du blues)[ch 2], mais aussi chez des Ă©crivains de la Beat Generation, comme Jack Kerouac ou Allen Ginsberg. Il a Ă©galement puisĂ© son inspiration dans l'Ɠuvre d'Arthur Rimbaud, auquel il a Ă©tĂ© souvent comparĂ©[5] - [6], ou celle de dramaturges tel Bertolt Brecht.

Complexe, en constante Ă©volution (sur scĂšne il rĂ©invente rĂ©guliĂšrement chacun de ses standards), s'inscrivant dans diffĂ©rents registres, allant du rock agressif aux ballades, et proche des aspirations sociales et culturelles des Ă©poques qu’elle a traversĂ©es, l’Ɠuvre de Bob Dylan, qui a contribuĂ© au rayonnement de la culture populaire amĂ©ricaine, est couronnĂ©e le quand il obtient le prix Nobel de littĂ©rature « pour avoir crĂ©Ă© de nouvelles expressions poĂ©tiques dans la grande tradition de la chanson amĂ©ricaine »[7] - [8] - [9] - [10].

Biographie

Origines

Les grands-parents de Robert Zimmerman, juifs d'Europe de l'Est, fuient les pogroms antisĂ©mites de la fin du XIXe et du dĂ©but du XXe siĂšcle[a 1]. Son grand-pĂšre maternel, Ben D. Stone, s'installe Ă  Hibbing, tandis que son grand-pĂšre paternel, Zigman Zimmerman, qui a fui Odessa en 1907, s'installe Ă  Duluth, ces deux villes Ă©tant situĂ©es dans le Minnesota. Beatrice Stone (1915-2000) et Abraham Zimmerman (1911-1968), deux de leurs enfants, se marient en 1934 et donnent naissance Ă  Robert (Bob) le , loin des combats, loin de l'Europe « cimetiĂšre des Juifs »[d 1] (ce qui a fait dire plus tard Ă  Dylan : « Le monde volait en morceaux et dĂ©jĂ  le chaos fichait son poing dans la figure des nouveaux venus »[ch 3]). Il reçoit le nom juif de Shabtai Zisel ben Avraham (Ś©Ś‘ŚȘŚŚ™ Ś‘ŚŸ ŚŚ‘ŚšŚ”Ś en hĂ©breu)[11] - [12] - [13]. Il passe sa petite enfance Ă  Duluth oĂč sa mĂšre est couturiĂšre[14] tandis que son pĂšre occupe un bon emploi de salariĂ© dans une sociĂ©tĂ© pĂ©troliĂšre (l’une de celles issues de la scission de la Standard Oil en 1914), lui permettant de subvenir aux besoins de la famille[d 1]. Puis en 1947, il dĂ©mĂ©nage avec ses parents et David, son jeune frĂšre, Ă  Hibbing, ville natale de Beatty[c 1].

Dans le premier volume de son autobiographie[15], Dylan Ă©crit que sa grand-mĂšre maternelle portait le nom de Kirghiz, que la famille de celle-ci avait vĂ©cu Ă  TrĂ©bizonde (Trabzon), sur la cĂŽte turque de la mer Noire ; bien qu'elle eĂ»t grandi dans le district de Kağızman, elle venait d'Istanbul. Son grand-pĂšre maternel Ă©tait Ă©galement originaire de TrĂ©bizonde.

Hibbing

La maison d'enfance de Robert Zimmerman (Bob Dylan), 2425 Septiùme Avenue Est, Hibbing (Minnesota), États-Unis.

Hibbing est Ă  l'Ă©poque une ville miniĂšre, d'environ 17 000 habitants. Les mƓurs y sont conservatrices et de tradition chrĂ©tienne. Son pĂšre, Abraham, frĂ©quente le Rotary Club de la ville et une loge juive maçonnique : le B'nai B'rith[d 2] ; guĂ©ri de la poliomyĂ©lite qu'il a contractĂ©e Ă  Duluth, il ouvre un magasin d'Ă©lectro-mĂ©nager.

Vers l’ñge de 8 ou 9 ans, Robert s’initie au piano, et plus tard Ă  la guitare et Ă  l’harmonica. Il se passionne tout d’abord pour la musique country de Hank Williams dont il rĂ©pĂšte les morceaux, et Ă©coute les stations de radio qui diffusent du blues, tel que celui de Muddy Waters, Howlin' Wolf, John Lee Hooker ou Jimmy Reed[16]. Il est Ă©galement influencĂ© par Elvis Presley, Buddy Holly, Bill Haley et Little Richard, dont la gestuelle scĂ©nique et les attitudes anticonformistes fascinent les adolescents autant qu'elles dĂ©plaisent Ă  leurs aĂźnĂ©s[17].

À l'Ă©cole secondaire[18], l'adolescent intĂšgre des petites formations musicales, telles que The Golden Chords, avec lesquelles il joue dans des fĂȘtes et des talent contests. Il Ă©tend sa culture musicale en Ă©changeant des disques de jazz et de rhythm and blues avec des amis partageant son goĂ»t pour la musique[c 2]. Il quitte l'Ă©cole secondaire en 1959 avec son diplĂŽme de fin d'Ă©tudes correspondant approximativement au baccalaurĂ©at français[d 3].

DĂ©buts de carriĂšre (1959-1961)

En septembre 1959, alors ĂągĂ© de 18 ans, Robert Zimmerman s’inscrit Ă  l’universitĂ© du Minnesota pour y suivre des cours de musicologie et s’installe Ă  Dinkytown, le quartier Ă©tudiant dans la banlieue de Minneapolis, repaire de droguĂ©s et d'artistes influencĂ©s par le mouvement Beat. Peu assidu Ă  des cours qu’il ne suit que quelques mois, il dĂ©couvre le folk (Pete Seeger, Cisco Houston (en)), « des chansons qu’on tient toujours de quelqu’un »[19]. Il joue occasionnellement dans des cafĂ©s folk tels que The Scholar ou The Purple Onion pour 2 ou 3 dollars. C’est Ă  cette Ă©poque qu’il commence Ă  prendre le pseudonyme de Bob Dylan. L’origine de ce pseudonyme fut longtemps considĂ©rĂ©e comme une rĂ©fĂ©rence au poĂšte gallois Dylan Thomas, que Robert Zimmerman connaissait[b 1], mais il s’agirait en rĂ©alitĂ©, selon l'intĂ©ressĂ©, de la dĂ©formation de son deuxiĂšme prĂ©nom Allen[19]. Au Chicago Daily News qui l'interrogeait en 1965 sur l'influence de Dylan Thomas sur le choix de son nom, il rĂ©torquait : « Non, bon Dieu non. J'ai pris Dylan parce que j'ai un oncle qui s'appelle Dillion. J'ai modifiĂ© l'orthographe mais seulement parce que ça faisait mieux. J'ai lu des textes de Dylan Thomas et ça ne ressemble pas aux miens »[20]. Le , Dylan a fait lĂ©galement changer son nom auprĂšs de la Cour suprĂȘme[b 2].

Dylan est un jeune homme sobrement vĂȘtu[21]. Sa façon de jouer de la guitare est jugĂ©e Ă  peine convenable, sa voix trop monotone, trop rauque, pas assez juste, mais il sĂ©duit. Il apprend beaucoup et rapidement : en recherche continuelle de nouvelles chansons Ă  apprivoiser, il profite de sa culture et des discothĂšques folk des parents de ses amis — Ă  une Ă©poque oĂč les disques folk sont rares et prĂ©cieux[22]. Affabulant parfois (Dylan a ainsi prĂ©tendu ĂȘtre orphelin, originaire du Nouveau-Mexique)[b 3], Dylan acquiert progressivement toutes les caractĂ©ristiques d'un authentique chanteur folk. Il fait la connaissance de David Whittaker, Ă©tudiant engagĂ© politiquement Ă  gauche, avec qui il se lie d'amitiĂ©. Whittaker semble ĂȘtre l'auteur des photos du disque pirate Great White Wonder, en 1969[b 4]. Il fait dĂ©couvrir Woody Guthrie Ă  Dylan, qui dĂ©vore son autobiographie, Bound for Glory. En dĂ©cembre 1960, Dylan prend la route pour New York afin d'y rencontrer son idole, qui sĂ©journe au Greystone Hospital, dans le New Jersey, atteint de la chorĂ©e de Huntington[b 5]. AprĂšs un sĂ©jour de quelques semaines Ă  Chicago, Dylan arrive Ă  New York oĂč il fait trĂšs froid en cette fin de janvier 1961. Il se rend directement Ă  Greenwich Village, un quartier bohĂšme oĂč cohabitent chanteurs, artistes et militants politiques ; le soir mĂȘme, il joue au CafĂ© Wha?[b 6]. Il se rend au chevet de Woody Guthrie et, au fur et Ă  mesure de ses visites, les deux hommes sympathisent. « Ce gosse a vraiment de la voix. Je ne sais pas s’il rĂ©ussira par ses paroles, mais il sait chanter », aurait dit Woody Guthrie[b 7]. Dylan fait la connaissance des Gleason, chez qui Guthrie passe ses week-ends, et dont l'appartement dans East Orange s’est peu Ă  peu transformĂ© en un lieu de crĂ©ativitĂ© autour de Guthrie, oĂč se rĂ©unissent les plus grands noms de la scĂšne folk, comme Cisco Houston (en), Jack Elliot, ou encore Pete Seeger. Ne dĂ©daignant pas l’hospitalitĂ© des Gleason, chez qui il utilise l'immense bibliothĂšque et ouvre ainsi son esprit aux classiques de la littĂ©rature mondiale[d 4], Dylan Ă©tudie et rĂ©pĂšte les enregistrements de Guthrie que ceux-ci possĂšdent[b 8].

ArrivĂ© Ă  New York depuis peu, Dylan n'a donc pas tardĂ© Ă  nouer des relations, mais, considĂ©rĂ© comme trop marginal par les propriĂ©taires de cafĂ©, il peine Ă  se faire engager. Il Ă©voquera cette pĂ©riode dans une chanson : « Man there said “Come back some other day, / You sound like a hillbilly / We want folk singer here” »[23] (« Le gars m'a dit : « Reviens une autre fois / Tu sonnes comme un paysan / Nous cherchons un chanteur folk »). Cependant, en avril 1961, Dylan joue devant la sociĂ©tĂ© de musique folk de l’universitĂ© de New York, au Loeb Student Center[b 9]. À cette occasion, il rencontre Susan Rotolo, ĂągĂ©e de 17 ans[24]. Dessinatrice, peintre, Suze ne reprĂ©sente pas le stĂ©rĂ©otype de l’admiratrice inconditionnelle. Son implication dans les mouvements Ă©tudiants, sa connaissance de Brecht, de Rimbaud, de Villon transforment un Dylan lĂ©gĂšrement anachronique, jouant volontiers l'ignorance, en un auteur.

Lors de soirĂ©es pour dĂ©butants (des hoots, ou hootnanny) d’un club cĂ©lĂšbre du Village, le Gerde's Folk City, Dylan est repĂ©rĂ© par son directeur Mike Porco, qui l'engage pour deux semaines, sur les conseils de Robert Shelton, critique musical au New York Times : le est le premier engagement d'importance pour Dylan ; il joue pendant deux semaines en premiĂšre partie de John Lee Hooker, un guitariste « incroyable », encore peu connu du grand public[b 10]. Dylan dira par la suite : « Comme je n'avais pas l'Ăąge requis, Mike s'est portĂ© garant de moi auprĂšs de deux syndicats. C'est devenu le pĂšre — le pĂšre Sicilien qui me manquait. »[d 4] Lorsque Mike Porco reprogramme Dylan le , Robert Shelton est prĂ©sent et publie trois jours plus tard un article Ă©logieux sur « un nouveau styliste du folk »[25], qui renforce la notoriĂ©tĂ© naissante de Dylan.

Bob Dylan (1962)

La Renaissance Folk ne se limite pas au seul Greenwich Village : Ă  Cambridge, en Nouvelle-Angleterre, Joan Baez et Eric Von Schmidt enthousiasment Ă©galement leur public, notamment Ă  l’Unicorn et au Club 47. C’est dans ce dernier que Dylan fait la connaissance de Carolyn Hester, une chanteuse texane de folk, qui vient de signer un contrat avec Columbia Records. Carolyn est Ă  la recherche d’un harmoniciste pour l’album auquel elle travaille, et propose la place Ă  Dylan, qui accepte. Lors des sĂ©ances d’enregistrement, Dylan joue Ă  Carolyn un morceau qu’il a composĂ©, Come Back Baby, qui sĂ©duit John H. Hammond, un des directeurs artistiques de Columbia. Au fur et Ă  mesure des sĂ©ances, Hammond prend conscience du talent de Dylan et, malgrĂ© les rĂ©ticences de sa direction, lui fait signer un contrat : « J’ai vu ce gosse avec sa casquette qui jouait de l’harmonica — pas terrible d’ailleurs, mais j’ai tout de suite Ă©tĂ© sĂ©duit. Je lui ai demandĂ© s’il savait chanter. S’il composait. Si ça l’intĂ©resserait d’enregistrer[b 11]. » En novembre 1961, Dylan enregistre les 15 chansons de son tour de chant dans les studios de la Columbia, joue d'une Gibson 1950, mais refuse de refaire les prises.

L’imprĂ©sario de Dylan, Albert Grossman (en), est un agent cĂ©lĂšbre et controversĂ© de New York : saluĂ© pour les succĂšs auxquels il a participĂ©[26], il est aussi critiquĂ© pour ses objectifs essentiellement commerciaux, peu conciliables avec le discours contre la misĂšre populaire que chantent les chanteurs folk. Grossman est Ă©galement le cofondateur, avec George Wein, propriĂ©taire d’un club folk Ă  Boston, en 1959, du festival folk de Newport, et gĂšre les carriĂšres du Kingston Trio, d’Odetta et du trio folk Peter, Paul and Mary[b 12]. Cachant son intĂ©rĂȘt Ă  promouvoir la carriĂšre de Dylan[27], Grossman incite Izzy Young, propriĂ©taire du Folklore Center au Village Ă  produire le premier concert de Dylan en tĂȘte d’affiche, au Carnegie Chapter Hall, le [b 13].

En mars 1962 paraĂźt le premier album de Dylan (Bob Dylan). ComposĂ© principalement de reprises folk et blues, celui-ci contient Ă©galement deux titres originaux : Talkin' New York et Song to Woody. Ce premier album, confinĂ© au cĂ©nacle folk, se vend mal, Ă  5 000 exemplaires en un an, mais le contrat de Dylan, fermement dĂ©fendu par Hammond et Johnny Cash, n'est pas rompu, comme cela fut envisagĂ© au dĂ©part[b 14].

Depuis fĂ©vrier 1962 paraĂźt pĂ©riodiquement Broadside Magazine, un magazine folk fondĂ© par Agnes Cunningham Ă  l’initiative de Pete Seeger. Des albums sont Ă©galement produits par le magazine, The broadside Ballads, oĂč Dylan apparaĂźt sous le pseudonyme Blind Boy Grunt[28]. Dans ce magazine, pour lequel Ă©crivent rĂ©guliĂšrement Gil Turner, Tom Paxton et Phil Ochs, sont publiĂ©s les textes de chansons d’actualitĂ©, les topical songs. Dylan y Ă©crit une douzaine de textes[29], souvent rĂ©digĂ©s dans l’instant[30], qui tĂ©moignent de sa facultĂ© incoercible Ă  composer sur tous les sujets, de l’inanitĂ© de la chasse aux communistes[31], ou encore le dĂ©goĂ»t qu’il Ă©prouve aprĂšs l’exĂ©cution sommaire d’un jeune homme noir ĂągĂ© de 14 ans, et la relaxe de ses assassins, blancs[32].

PortĂ© par la puissance Ă©vocatrice de ses textes, Dylan devient la voix d’une gĂ©nĂ©ration excĂ©dĂ©e par les injustices et le conservatisme qui prĂ©valent alors. Blowin' in the Wind, que Dylan compose en avril 1962, paraĂźt dans le numĂ©ro six de Broadside. Reprise sur tous les campus et popularisĂ©e par le trio Peter, Paul and Mary, cette chanson symbolise la dimension sociale et politique qu’est en train d’acquĂ©rir son jeune auteur[b 15]. Son succĂšs commercial sans prĂ©cĂ©dent doit beaucoup Ă  l'activisme d'Albert Grossman, qui suscite d’innombrables reprises[33], commandĂ©es aux artistes du catalogue de la Warner — la compagnie disposant, grĂące Ă  Grossman, des droits sur la chanson[34].

The Freewheelin' Bob Dylan (1963)

Blowin' in the Wind est la premiĂšre chanson de son deuxiĂšme album, The Freewheelin' Bob Dylan, qu’il commence Ă  enregistrer en juin 1962. La chanson est constituĂ©e de trois strophes, chacune composĂ©e de trois vers. Chaque vers comprend une question, dont la rĂ©ponse, toujours identique, constitue le refrain : « La rĂ©ponse, mon ami, est soufflĂ©e par le vent. La rĂ©ponse est soufflĂ©e par le vent[35]. »

Bob Dylan à l'université de St. Lawrence, New-York, 26 novembre 1963.

Dylan compose de nombreuses chansons engagĂ©es telles que A Hard Rain's a-Gonna Fall, Ă©crite pendant la crise des missiles de Cuba, Masters of War qui dĂ©nonce le complexe militaro-industriel[36] et Oxford Town, Ă  propos des Ă©vĂšnements qui se sont dĂ©roulĂ©s Ă  l’universitĂ© du Mississippi, situĂ©e prĂšs de la ville d'Oxford, oĂč James Meredith, un vĂ©tĂ©ran de l’US Air Force, a Ă©tĂ© le premier noir Ă  ĂȘtre admis. Mais il rompt Ă©galement avec la tradition folk de son premier album avec des titres plus intimistes tels que Don't Think Twice, It's All Right, Girl from the North Country, et Bob Dylan's Dream, rĂ©vĂ©lateurs de la mythologie et du sens de la poĂ©sie qui l'habitent[28].

Les sessions d'enregistrement et la production de l'album, plus longue que celle du premier, révÚlent également l'animosité qui oppose John H. Hammond à Albert Grossman : celui-ci conteste tout d'abord la validité du contrat qui lie CBS à Dylan, mineur lorsqu'il le signa ; il s'oppose ensuite à Hammond sur la production de Mixed Up Confusion[37], accompagnée par un piano, une batterie, deux guitares et une basse. Le simple, qui comprend également Corrina, Corrina, ne concorde pas avec l'image de chanteur de folk de Dylan et est rapidement retiré de la vente[b 16].

DĂ©couvert par le rĂ©alisateur Philippe Saville Ă  Greenwich Village, Dylan part pour Londres en dĂ©cembre 1962 et participe Ă  une piĂšce tĂ©lĂ©visĂ©e : Madhouse on Castle Street, diffusĂ©e le soir du Ă  la BBC[38]. La piĂšce dĂ©crit l'histoire d'un jeune homme rebelle qui s'enferme dans une pension et refuse d'en sortir ; sa sƓur et son voisinage tentent d'en dĂ©couvrir la raison. Dylan est d'abord pressenti pour jouer le rĂŽle principal, mais, constatant le manque de naturel de Dylan lorsqu'il joue, Saville rĂ©Ă©crit la piĂšce et attribue Ă  Dylan un rĂŽle de narrateur chantant[39]. Dylan interprĂšte quatre chansons dont Blowin' in the Wind, dont c'est la premiĂšre diffusion ; l'original de l'enregistrement fut dĂ©truit en 1968 et aucune copie n'a depuis Ă©tĂ© retrouvĂ©e[38].

Le , Dylan doit participer au Ed Sullivan Show, une Ă©mission accueillant tous les styles de musique populaire et dont la diffusion est nationale ; elle est prĂ©sentĂ©e par Ed Sullivan et produite par Bob Precht. Ceux-ci acceptent Talkin' John Birch Society Blues, que Dylan dĂ©sire interprĂ©ter, mais Stove Phelps, conseiller Ă  la programmation de CBS, la refuse : dans cette chanson moqueuse, les membres de la John Birch Society sont ridiculisĂ©s et sont associĂ©s Ă  Hitler[40]. Phelps dit craindre un procĂšs en diffamation, Ă  la surprise de Ed Sullivan[41] : Hootenany, une autre Ă©mission tĂ©lĂ©visĂ©e, avait acceptĂ© de diffuser une chanson du Chad Mitchell Trio, dont la cible Ă©tait aussi la John Birch Society[28]. Dylan refuse alors d'interprĂ©ter une autre chanson, et s’en va, furieux[42]. La chanson, sous la pression des avocats de CBS, est Ă©galement retirĂ©e de l'album The Freewheelin', sur lequel elle devait figurer[b 17].

Cet Ă©pisode ne marque pas l'arrĂȘt des apparitions tĂ©lĂ©visĂ©es de Bob Dylan : en mai est diffusĂ©e Folk songs and more folk songs, une Ă©mission des Westinghouse Studios, prĂ©sentĂ©e par John Henry Faulk ; y participent Ă©galement les Brothers Four, Carolyn Hester (en), Barbara Dane et The Staple Singers. Dylan y interprĂšte Blowin' in the Wind, Man of Constant Sorrow et Ballad of Hollis Brown[28].

Engagement social

Bob Dylan et Joan Baez lors de la Marche sur Washington le .

Le , Ă  Greenwood, dans le Mississippi, Dylan chante lors d'un rassemblement organisĂ© par le ComitĂ© Ă©tudiant de coordination non-violente (ou SNCC[43]), pour inciter la population noire des États du Sud Ă  s'inscrire sur les listes Ă©lectorales[17]. Le , Dylan, comme Joan Baez, Mahalia Jackson et d'autres, participe Ă  la Marche sur Washington, oĂč plus de 200 000 pacifistes se rassemblent pour dĂ©noncer l'inĂ©galitĂ© des droits civiques que subit la population noire. AprĂšs que les orateurs se sont succĂ©dĂ© et que Martin Luther King a prononcĂ© son cĂ©lĂšbre discours I have a dream, il interprĂšte When the Ship Comes In et Only a Pawn in Their Game, tandis que Peter, Paul and Mary chantent Blowin' in the Wind[b 18]. Cet Ă©pisode illustre l'implication de Dylan et de nombreux autres artistes pour les droits civiques Ă  cette pĂ©riode : par l'intermĂ©diaire de Suze Rotolo, qui travaillait au CORE (le Congress of Racial Equality), et de Broadside[28] - [17], il cĂŽtoie le milieu contestataire Ă©tudiant, qui milite pour les minoritĂ©s, dans un contexte difficile[44]. De mĂȘme, sa prĂ©sence aux concerts de Joan Baez, ainsi que leur relation amoureuse, contribuent Ă  forger son image de hĂ©ros de la contestation sociale, aux cĂŽtĂ©s de Joan.

Surgissent cependant trÚs vite des frustrations liées à l'étroitesse et à l'inexactitude de cette image. Le , au cours d'un banquet de charité organisé par le Comité de secours aux libertés civiques (Emergency Civil Liberties Committee, ECLC), Dylan reçoit le prix Tom Paine, récompensant « une personnalité qui a symbolisé le juste combat pour la liberté et l'égalité »[45]. Mais, grisé par l'alcool, il prononce un discours désastreux.
À l'occasion d'un profil rĂ©alisĂ© par Nat Hentof pour le New Yorker, Dylan dĂ©crivit son impression : « Je suis tombĂ© dans un piĂšge quand j'ai acceptĂ© le prix Tom Paine [
]. DĂšs que je m'y suis pointĂ©, je me suis senti oppressĂ©. [
] Ça m'a vraiment pris Ă  la gorge. Je me suis mis Ă  boire. J'ai
 vu un groupe de gens qui n'avaient rien Ă  voir avec mon genre d'idĂ©es politiques. J'ai regardĂ© le parterre et j'ai eu la trouille. [
] On aurait dit qu'ils donnaient de leur argent parce qu'ils culpabilisaient[46]. » Dans cet article, Dylan dit Ă©galement : « Je ne fais partie d'aucun mouvement. Sinon je ne pourrais rien faire d'autre que d'ĂȘtre dans le mouvement. Je ne peux pas voir des gens s'asseoir et fabriquer des rĂšgles pour moi. Je fais un tas de trucs qu'aucun mouvement n'autoriserait. »

Joan Baez, dont il s'éloigne en 1964, le décrit ainsi : « Pour on ne sait quelle raison, à mon avis, il veut se libérer de toute responsabilité. N'importe quelle responsabilité, concernant n'importe qui, me semble-t-il. S'en tirer tout juste avec ce que les autres ont à offrir[c 3]. »

The Times They Are a-Changin' (1964)

C'est le [47] que paraßt The Times They Are a-Changin', l'album qui constitue le deuxiÚme volet de ce qui est parfois appelé la « trilogie folk » de Bob Dylan.

Dans cet album, sur lequel Dylan a, pour la premiĂšre fois, un contrĂŽle total[c 4], il approfondit encore le registre de la topical song avec des chansons jaillies du contexte politique et social aux États-Unis : par exemple Only a Pawn in Their Game qui Ă©voque le meurtre au dĂ©but de l'Ă©tĂ© 1963 de Medgar Evers, leader de la National Association for the Advancement of Colored People du Mississippi ; ou The Lonesome Death of Hattie Carroll, inspirĂ©e par un fait divers de la banlieue de Baltimore, oĂč un homme « de la bonne sociĂ©tĂ© » tua une domestique en lui assĂ©nant un coup de canne et s'en tira avec six mois de prison[c 5].
Surtout, l'album contient The Times They Are a-Changin', nouveau titre emblĂ©matique qui, deux ans aprĂšs Blowin' in the Wind, devient le nouvel hymne de la jeunesse. Cette chanson rĂ©sume l'ambiance des annĂ©es 1960, dans laquelle une voix prophĂ©tique annonce un monde en pleine mutation, oĂč journalistes, critiques, hommes politiques, qui n'ont plus la maĂźtrise des mutations en cours, ne doivent pas barrer la route aux eaux montantes du changement[b 19].

Cependant, The Times They Are a-Changin' rĂ©vĂšle une Ă©volution sensible chez son auteur : tout d'abord au dos de la pochette et dans un encart sont imprimĂ©s 11 Outlined Epitaphs, « 11 Ă©pitaphes esquissĂ©es », qui constituent la premiĂšre publication de poĂ©sie de Dylan[48], et oĂč, subjectivement, il parle plus librement de lui-mĂȘme. Des allusions Ă  la route, Ă  la fuite y sont Ă©galement rĂ©currentes. Ces poĂšmes seront republiĂ©s plus tard dans Writings and Drawings et seront Ă©galement le support d'une biographie de Dylan : Bob Dylan, Epitaphs 11. D'autre part, sont incluses dans l'album des chansons comme One Too Many Mornings ou Boots of Spanish Leather, oĂč Dylan exprime des sentiments sur les femmes, l'amour, l'amitiĂ©, que les ballades folk traditionnelles se refusent Ă  exprimer[b 20].

Son public, aussi, change : Ă  un public d'amoureux de musique folk, calmes, aux mƓurs vestimentaires sobres, succĂšde un public pop, jeune, enthousiaste, exubĂ©rant[c 6]. C'est aussi ce que remarque Terri Van Ronk, qui s'occupe de la toute jeune carriĂšre de Dylan[b 21], Ă  l'occasion d'un concert au Carnegie Hall le , devant 3 000 spectateurs : « C'Ă©tait trĂšs Ă©tonnant. Comme un avant-goĂ»t de la Beatlemania. La premiĂšre grande ascension de Bobby Ă©tait dĂ©jĂ  lĂ , dans ce concert au Carnegie Hall. Quand ce fut fini, nous nous retrouvĂąmes tous dans les coulisses, et ils cherchaient la ruse pour Ă©chapper Ă  l'assaut des jeunes filles qui hurlaient au dehors[49]. »

Another Side of Bob Dylan (1964)

En fĂ©vrier 1964, Dylan part donner plusieurs concerts Ă  travers les États-Unis pour « tester » ces nouvelles interprĂ©tations. AprĂšs le concert folk de Monterey en Californie fin mai, il s'envole pour une tournĂ©e au Royaume-Uni et un concert grandiose au Royal Festival Hall[d 5]. AprĂšs Londres il fait un bref dĂ©tour par la France oĂč il avoue avoir dĂ©diĂ© sa premiĂšre chanson Ă  Brigitte Bardot ; il est Ă©galement un admirateur de Françoise Hardy[d 6].

L'album suivant, Another Side of Bob Dylan, enregistrĂ© en un jour, en juin, paraĂźt le . C'est un album dans la continuitĂ© de Freewheelin', qui reste fidĂšle Ă  l’idiome folk (guitare et harmonica), mais ne contient plus de chanson protestataire Ă  proprement parler. Ici aussi, des poĂšmes accompagnent l'album[c 7].

Les thĂšmes centraux de cet album sont l'amour, la libertĂ© individuelle, les rapports humains. Dylan y aborde Ă©galement un autre thĂšme d'importance : la futilitĂ© de l'engagement, Ă©voquĂ©e notamment dans My Back Pages. Dylan s'y moque de lui-mĂȘme, de sa vision passĂ©e manichĂ©enne, et juge que les vieux discours et autres symboles ne sont que futilitĂ©s et mensonges (« Ah j'Ă©tais si vieux alors / Je suis plus jeune que ça maintenant »).

Dylan participe ainsi Ă  la crĂ©ation d'un climat culturel qui va permettre aux artistes musicaux, plus particuliĂšrement dans le domaine de la musique rock, de faire partager leur vision poĂ©tique, de dĂ©passer les limites de la chanson d'alors[b 22]. Lors de l'enregistrement en studio de l'album, Dylan confie Ă  Nat Hentoff, journaliste au New Yorker : « Il n'y aura pas de chanson protestataire dans cet album. Ces chansons, je les avais faites parce que je ne voyais personne faire ce genre de choses. Maintenant beaucoup de gens font des chansons de protestation, pointant du doigt ce qui ne va pas. Je ne veux plus Ă©crire pour les gens, ĂȘtre un porte-parole. [
] Je veux que mes textes viennent de l'intĂ©rieur de moi-mĂȘme[50]. »

L'album est mal accueilli par la critique et par le milieu folk, lui reprochant notamment son excÚs de subjectivité, son manque d'esthétisme. Un journaliste le critique sur le ton de la parodie : « Mais Bob / il a deux problÚmes / des petits / la langue qu'il écrit / est pas de l'anglais / la mesure qu'il bat / est pas de la chanson / et c't'espÚce d'/ intellectualisme inverti / fait rien que / me barber à mort[c 8]. »

PremiĂšre pĂ©riode rock (1964–1966)

Le , Dylan rencontre pour la premiĂšre fois les Beatles Ă  leur hĂŽtel Ă  New York, lors de leur tournĂ©e amĂ©ricaine. Au-delĂ  de l'initiation[51] - [52] ou non[53] Ă  la marijuana des seconds par le premier, cette rencontre marque le dĂ©but de leur influence artistique rĂ©ciproque au cours des annĂ©es 1960 : alors qu'au dĂ©but de 1964 Dylan avait observĂ© avec attention l'ascension des Beatles[54], ceux-ci Ă©taient sensibles « aux paroles et Ă  l'attitude [
] incroyablement originales et gĂ©niales » de Dylan[55]. En 1965, lors de la tournĂ©e anglaise de Dylan, les Beatles affichent ostensiblement leur attirance, comme le titre l'article de Ray Coleman dans le journal Melody Maker du : Les Beatles disent : Dylan montre la voie[c 9].

L’avenir est dans les instruments Ă©lectriques. En 1965, il engage le guitariste montant de l’époque, Mike Bloomfield, surnommĂ© « le Clapton amĂ©ricain », et enregistre un nouvel album, mi-acoustique, mi-Ă©lectrique, Bringing It All Back Home. Son public folk ne suit pas et boude l’album, pourtant encore assez proche des prĂ©cĂ©dents, mĂȘme sur les titres avec instruments Ă©lectriques. L'album est classĂ© numĂ©ro un au Royaume-Uni alors qu'il n'atteint que la sixiĂšme place dans les charts aux États-Unis. Seulement trois mois plus tard paraĂźt Highway 61 Revisited. EntiĂšrement Ă©lectrique, l’album s'appuie majoritairement sur un son rock basique, trĂšs incisif. LĂ  oĂč les morceaux de l’album prĂ©cĂ©dent n’étaient souvent que du folk « Ă©lectrifiĂ© », les nouvelles compositions laissent libre cours aux guitares rageuses et aux orgues tortueuses. Les paroles, abstraites et imagĂ©es, se dĂ©marquent Ă©galement de la sobriĂ©tĂ© folk. Les admirateurs du chanteur sont perplexes : Bob Dylan est pour eux la perpĂ©tuation d'une tradition solidement ancrĂ©e, entre musique amĂ©ricaine des origines et engagement social, tandis que le rock est perçu comme une musique commerciale, dansante et vulgaire. Dylan, soutenu par un petit groupe de garage rock, The Hawks (qui deviendra plus tard The Band), part en tournĂ©e : c'est, Ă  l’époque, la plus longue tournĂ©e jamais entreprise. Dylan joue ses nouvelles chansons partout dans le monde, et il est parfois huĂ©, notamment Ă  Manchester le (lors du fameux concert longtemps connu sous le nom « The Royal Albert Hall concert », en raison d'une confusion apparue lors de la diffusion de l'enregistrement bootleg) : lors d'un intermĂšde entre deux chansons un homme lui hurle « Judas! », Ă  quoi Dylan rĂ©pond « I don't believe you... you're a liar! », puis s'adresse Ă  son groupe en disant « Play fucking loud », avant d'entamer une version particuliĂšrement rageuse de Like a Rolling Stone. Le divorce est consommĂ© : Dylan ne sera jamais lĂ  oĂč on l'attend. Au milieu de cette tournĂ©e Ă©prouvante, oĂč le groupe joue plus fort que n’importe qui avant eux[56], Dylan enregistre le dernier volet de « la trilogie Ă©lectrique » : Blonde on Blonde.

EnregistrĂ© en deux semaines de studio pendant lesquelles Dylan Ă©crit souvent les paroles quelques minutes avant le dĂ©but de la session, Blonde on Blonde, premier double album de l’histoire du rock[57], est un Ă©trange moment de calme au milieu de la fureur de cette Ă©poque. Voix et musique s’y fondent pour nous raconter toutes les derniĂšres expĂ©riences de Dylan, vĂ©cues et rĂȘvĂ©es, dans une ode Ă  l’amour sous toutes ses formes, de la mĂšre Ă  la prostituĂ©e, en passant par l’amour illusoire que donne la drogue. Dylan est au sommet du monde, vibrant intĂ©rieurement de mille sensations Ă©tranges, et fait partager ses expĂ©riences dans cet album si surrĂ©aliste qu’il est difficile de le dĂ©crire. Un chef-d’Ɠuvre hors du temps qui fait de Dylan la locomotive du rock and roll d'alors.

Le , lors du Festival de folk de Newport, s'accompagnant habituellement avec une guitare acoustique et un harmonica, il fait irruption sur scĂšne avec trois membres du Paul Butterfield Blues Band dont Mike Bloomfield Ă  la lead guitar omniprĂ©sente[58], et le pianiste Barry Goldberg, en attaquant Maggie's Farm. Le son est inouĂŻ (mais jugĂ© exĂ©crable, les techniciens d'alors Ă©tant inexpĂ©rimentĂ©s pour un groupe ainsi galvanisĂ© par l'Ă©lectricitĂ©). Pete Seeger, furieux de la "trahison" de Dylan, est sur le point de couper Ă  la hache l'alimentation Ă©lectrique des amplificateurs, mais y renonce finalement[59]. MalgrĂ© les critiques et les sifflets, Dylan continue avec It Takes a Lot to Laugh, It Takes a Train to Cry et Like a Rolling Stone. Il quitte alors la scĂšne et revient avec une guitare sĂšche pour entonner It's All Over Now, Baby Blue, puis, Ă  la demande du public, Mr. Tambourine Man (comme l'an passĂ© au mĂȘme endroit). La prestation a fortement troublĂ© les esprits, et dĂ©chaĂźnĂ© les critiques, mais conquis de nouveaux fans. DĂšs lors cette fusion du rock'n'roll et du protest song va s'avĂ©rer universelle.

Le , Dylan se marie secrĂštement avec Sara Lownds, jeune femme de 25 ans travaillant comme mannequin[60] - [a 2]. Certains amis de Dylan, dont Ramblin' Jack Elliott, disent que ce dernier niait s'ĂȘtre mariĂ© dans les conversations suivant immĂ©diatement la cĂ©rĂ©monie[b 23]. La journaliste Nora Ephron est la premiĂšre Ă  rendre la nouvelle publique, en fĂ©vrier 1966, dans un article du New York Post intitulĂ© « Hush! Bob Dylan is wed »[61].

Racines country (1966–1970)

En juillet 1966, l'Ă©popĂ©e rock and roll de Bob Dylan s’arrĂȘte plus brutalement encore qu’elle n'a commencĂ© : la moto Triumph Bonneville du chanteur sort de la route, l’envoyant Ă  l’hĂŽpital, ce qui l’écarte des scĂšnes pendant trois ans. ForcĂ© au repos, Dylan rompt avec la vie remplie d'excĂšs qu'il menait jusqu'alors, tandis que les rumeurs les plus folles circulent Ă  son propos : on le croit mort[62], devenu fou, kidnappĂ© par la CIA, entre autres. Sa longue retraite est l'occasion pour lui et ses amis du groupe The Band d'enregistrer des Ă©bauches de chansons, qui sortiront dans les annĂ©es 1970 sous le nom de The Basement Tapes (diffusĂ©es auparavant en circuit parallĂšle : l'un des tout premiers albums « pirates », paru en 1969 sous forme d'un double-LP, the Great White Wonder).

Ce n’est qu’en 1968 que Dylan refait parler de lui, avec la publication de John Wesley Harding, un album acoustique apaisĂ©, dĂ©voilant un Dylan moins surrĂ©aliste, davantage intĂ©ressĂ© par le passĂ© de son pays et les histoires populaires nimbĂ©es d’un mystĂšre irrĂ©el. Mais il rechigne toujours Ă  apparaĂźtre publiquement. Pour autant, ses cohortes d'admirateurs ne se sont pas calmĂ©s : Dylan est encore leur meneur et ils attendent qu’il assume son rĂŽle. HarcelĂ©, le chanteur se rĂ©fugie Ă  la campagne, puis prend anonymement un appartement Ă  New York, mais rien n’y fait. Lors du festival de Woodstock, en aoĂ»t 1969, Bob Dylan est attendu comme le messie (le lieu ayant Ă©tĂ© choisi expressĂ©ment dans l'espoir qu'il y fasse une apparition), mais Ă  nouveau il prĂ©fĂšre rester Ă  l'Ă©cart.

Ce vedettariat, dont il ne veut pas, est sans doute en partie Ă  l’origine de la rupture de ton des deux albums suivants, oĂč un Dylan Ă  la voix parfois plus grave (notamment pour Lay Lady Lay sur Nashville Skyline) que celle si caractĂ©ristique qu'on lui connaissait (parfois qualifiĂ©e de « nasillarde » Ă  ses dĂ©buts[63], ou « d'enrouĂ©e » plus tardivement)[64], habillĂ© façon cow-boy, s'essaie Ă  la country sentimentale. Le double album Self Portrait, tout en ballades miĂšvres, consterne bon nombre de ses admirateurs : leur « idole » semble abandonner pour de bon la poĂ©sie de la contre-culture pour devenir un tranquille pĂšre de famille, avec des prĂ©occupations plus prosaĂŻques, voire Ă©goĂŻstes. Nashville Skyline marque la rencontre de Dylan avec un autre monstre sacrĂ© de la chanson amĂ©ricaine : Johnny Cash. Les chansons I Threw It All Away, leur reprise de Girl from the North Country participent Ă  la rĂ©ussite de l'album. Le double album Self Portrait, composĂ© en majeure partie de reprises de titres folk et pop, est plus hĂ©tĂ©rogĂšne, voire dĂ©cousu. On y trouve une version Ă©purĂ©e de l'un de ses grands succĂšs, Like a Rolling Stone, cĂŽtoyant Let It Be Me, son adaptation de Je t'appartiens (chanson française composĂ©e par Gilbert BĂ©caud sur des paroles de Pierre DelanoĂ«). LassĂ© d'ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une icĂŽne et « la voix d'une gĂ©nĂ©ration », Dylan prend ce virage artistique et ponctue Self Portrait de cordes, de cuivres et chƓurs. « Je voulais leur faire quelque chose qu'ils ne pourraient dĂ©cemment pas aimer » dĂ©clare le chanteur[65].

Renaissances et dĂ©clins (1970–1978)

Bob Dylan et le Band en 1974.

Au dĂ©but des annĂ©es 1970, Dylan se consacre Ă  sa vie de famille. Il sort New Morning, un album trĂšs serein, d'une grande maturitĂ©, abordant une palette de styles trĂšs variĂ©s (y compris une valse : Winterlude), laissant une bonne place au piano en plus des guitares Ă©lectriques. Plus blues que jamais, avec des chƓurs, et dĂ©jĂ  un peu mystique (Three Angels et Father of Night), avec mĂȘme une pointe d'humour lĂ©ger (If Dogs Run Free) qu'on ne lui connaissait plus depuis ses dĂ©buts. The Man In Me sera repris par Joe Cocker.

Il participe au concert pour le Bangladesh organisé par George Harrison, en août 1971, à New York. Premier concert de charité de l'histoire de la musique populaire, un disque et un film en seront tirés.

En 1973 il interprĂšte le rĂŽle du reporter Alias dans Pat Garrett et Billy the Kid, western de Sam Peckinpah avec Kris Kristofferson (une prestation cinĂ©matographique trĂšs attendue, mais ironiquement quasi-muette — bien que cruciale dans le rĂ©cit). Il en Ă©crit la musique[66] : en grande partie instrumentale, cette bande originale contient le tube Knockin' on Heaven's Door. Son ami Roger McGuinn (des Byrds) y participe activement et le disque sort la mĂȘme annĂ©e, rencontrant un franc succĂšs.

Ce n’est qu'en 1974, aprĂšs la parution de Planet Waves, un album enregistrĂ© avec The Band, que Dylan dĂ©cide de repartir en tournĂ©e[67].

Il chante de maniĂšre plus agressive que jamais : il mord et crache les mots, joue sur leur sonoritĂ©, crie, la voix flexible, vigoureuse, sauvage et emportĂ©e[68]. La tournĂ©e, illustrĂ©e par l'album live Before the Flood, est suivie par la sortie d'un nouvel album, Blood on the Tracks, oĂč Dylan Ă©voque son divorce avec Sara Lownds-Dylan (clairement Ă©voquĂ© dans Desire)[69]. Les chansons explorent toutes les facettes de la dĂ©tresse amoureuse : l’apitoiement sur soi-mĂȘme, la colĂšre, les rechutes amoureuses, etc. Tout cela dans un style poĂ©tique proche de son « Ăąge d'or » du milieu des annĂ©es 1960, et avec un tout nouveau son, synthĂšse entre l’ancien et le nouveau : acoustique habillĂ©e de batteries, de basses et de claviers. Le disque remporte un grand succĂšs, qui ne suffit pas Ă  sortir Dylan de sa dĂ©pression, mais ne lui enlĂšve pas non plus le sens de la rĂ©partie : Ă  une journaliste qui lui confie son enthousiasme, il rĂ©torque qu’il ne voit vraiment pas comment on peut aimer Ă©prouver des sentiments tels que ceux exprimĂ©s par Blood on the Tracks[70].

Bob Dylan et Allen Ginsberg pendant la Rolling Thunder Revue (2 novembre 1975).

À l'automne de l'annĂ©e suivante, le chanteur rĂ©unit ses vieux amis, parmi lesquels la chanteuse folk Joan Baez, les guitaristes Roger McGuinn et Mick Ronson, et entame une tournĂ©e qui se veut Ă©pique et bohĂšme, dans un esprit hippie dĂ©jĂ  un peu dĂ©passĂ© Ă  l’époque : la Rolling Thunder Revue[71]. La caravane, forte de dizaines de fĂȘtards et de musiciens, fait escale dans de petites salles, joue avec des musiciens de bar recrutĂ©s sur place, et un film est tournĂ© Renaldo et Clara[72]. Toutefois, durant la seconde moitiĂ© de la tournĂ©e, au printemps 1976, l'enthousiasme a laissĂ© place Ă  une lassitude qui transparaĂźt sur l'album Hard Rain, enregistrĂ© et paru en 1976. Il faudra attendre prĂšs de 30 ans pour qu'un tĂ©moignage live des concerts de l'automne 1975 soit publiĂ©, dans le cadre des Bootleg Series[73].

Entre les deux segments de la tournĂ©e, Dylan sort l'album Desire, rĂ©sultat d'une collaboration avec le parolier Jacques Levy. Cette idĂ©e aboutit Ă  des rĂ©cits nimbĂ©s de mystĂšre pleins de pyramides, de gangsters et de voyous, habillĂ©s par une orchestration trĂšs riche oĂč le violon, tenu par Scarlet Rivera, musicienne rencontrĂ©e par hasard pendant la tournĂ©e, occupe une grande place. On y trouve Ă©galement pour la premiĂšre fois depuis plus de dix ans un chant de protestation : Hurricane, qui raconte le procĂšs du boxeur Hurricane Carter emprisonnĂ© pour meurtre[74], et que Dylan est alors rĂ©solu Ă  faire libĂ©rer.

L'année 1977 sera principalement consacrée au montage de Renaldo et Clara, qui sera mal compris par les critiques et le public. AprÚs un premier montage d'une durée de quatre heures, Dylan le remonte, coupe, édite, pour aboutir à une version de deux heures. Il entreprend une nouvelle tournée mondiale au Japon avec une série de concerts qui feront l'objet du double album Live at Budokan, réservé dans un premier temps exclusivement au marché japonais, avant que Columbia ne décide de le sortir mondialement. Au retour de sa tournée et avant de repartir pour sa premiÚre tournée européenne depuis 1966, Dylan enregistre en une quinzaine de jours, dans son propre studio Rundown Studios de Santa Monica, un nouvel album, Street-Legal, lequel est publié en .

PĂ©riode chrĂ©tienne (1979–1981)

En 1979, Dylan se convertit au christianisme et se met Ă  Ă©crire sobrement Ă  propos de spiritualitĂ©, Ă©voquant aussi sa relation avec Dieu[a 3]. Si le premier disque de cette pĂ©riode, Slow Train Coming, avec notamment Mark Knopfler Ă  la guitare et Tim Drummond Ă  la basse, se rĂ©vĂšle remarquablement singulier et novateur dans son Ɠuvre, les suivants sont plus traditionnels : les textes et les arrangements sont souvent inspirĂ©s du gospel, comme pour un retour aux sources, aux « roots » de cette musique qu'il a contribuĂ© Ă  rĂ©volutionner. La production y est soignĂ©e, habillant notamment sa musique de chƓurs et de cuivres, fervents, dans Saved, et Shot of Love. Dans ce dernier opus il rend hommage Ă  Lenny Bruce (humoriste et activiste notoire aux États-Unis, inventeur du stand-up). On y retrouve un membre des Beatles (Ringo Starr), et un membre des Rolling Stones (Ron Wood).

Bob Dylan Gospel Tour, Toronto, Canada,1980.

Ces albums, une fois de plus discutĂ©s par les critiques, contiennent quelques perles comme Man Gave Names to All the Animals (premier morceau reggae de son rĂ©pertoire, et immense succĂšs commercial), ou Every Grain of Sand. Un tel souffle Ă©pique parcourt cette trilogie pleine de ferveur (dĂ©monstration vocale, « profession de foi » musicale quelle que soit la croyance intime adoptĂ©e parmi les divers cultes chrĂ©tiens), qu'elle perturbera par exemple un journaliste de Gala, qui dira que Slow Train Coming « est un petit bijou inspirĂ© » et que « Saved et Shot of Love sont plus proches d’une extase habitĂ©e : litanies ecclĂ©siastiques et textes liturgiques Ă©touffĂ©s par les chƓurs et des cuivres assourdissants. »[75]. Les paroles donnent des signes avant-coureurs des grands concerts de charitĂ© du milieu des annĂ©es 1980, le Live Aid et le Farm Aid auxquels il participera[76].

Le fait que Dylan soit ostensiblement devenu chrétien l'a éloigné de plusieurs disciples et collÚgues[77]. Peu de temps avant son assassinat, John Lennon enregistre Serve Yourself (sv) en réponse à la chanson Gotta Serve Somebody (en)[78] (ce titre a valu à Dylan un Grammy Award comme « Best Male Rock Vocal Performance » en 1979[79] ; ce qui n'est pas sans surprendre ceux qui ont toujours raillé sa diction).

En 1981, quand la foi de Dylan est révélée à l'opinion publique et abondamment commentée, Stephen Holden écrit dans le New York Times que « ni son ùge (il a 40 ans), ni sa conversion au christianisme trÚs médiatisée n'ont modifié son tempérament essentiellement iconoclaste »[80].

Années 1980

En 1983, Dylan met fin Ă  sa pĂ©riode « born-again » et enchaĂźne avec Infidels, dont les thĂšmes tournent autour de la spiritualitĂ© de maniĂšre plus nuancĂ©e que dans la trilogie prĂ©cĂ©dente, incluant les sentiments amoureux, la sĂ©mantique rastafari (comme dans le titre I & I), le JudaĂŻsme, et quelques rĂ©flexions sociĂ©tales (comme dans Union Sundown). Il aborde de nouveau des thĂ©matiques plus concernĂ©es par l'actualitĂ© que par l'Ă©ternitĂ©. De son propre aveu[19], le chanteur a perdu quelque chose de son « feu sacrĂ© » : les chansons ne viennent plus avec la mĂȘme facilitĂ© qu’avant, et son enthousiasme s'est Ă©rodĂ©[19]. Toutefois, selon Michael Gray[81], les sessions pour cet album, produit Ă  nouveau par Knopfler, ont abouti Ă  plusieurs chansons notables que Dylan a laissĂ©es de cĂŽtĂ© par manque de jugement, et qui seront en partie diffusĂ©es via le bootleg de 1983 Rough Cuts, et publiĂ©es plus tard officiellement dans la compilation d'inĂ©dits Bootleg Series 1-3 Rare & Unreleased 1961-1991)[82].

En 1987, il s'associe avec Grateful Dead pour une série de concerts[83] : un album intitulé Dylan and the Dead regroupe un florilÚge des nombreux morceaux joués en commun, et le Grateful Dead inclut systématiquement par la suite plusieurs morceaux de Bob Dylan lors de chacun de ses concerts proposant ainsi sa propre lecture de ces morceaux. Sur les conseils de Bono, le chanteur de U2, il enregistre ensuite avec le producteur Daniel Lanois l'album Oh Mercy[84] - [85]. En 1988 et 1989, il fait partie du super groupe éphémÚre les Traveling Wilburys pour deux albums, regroupant, sous des pseudonymes, outre Bob Dylan, George Harrison, Jeff Lynne, Tom Petty et Roy Orbison[86].

Reprises folk et blues (1992–1995)

Bob Dylan en concert Ă  Stockholm en 1996.

Alors que sa maison de disques commence à éditer des coffrets regroupant ses archives, Dylan entame la décennie 1990 avec les albums Good as I Been to You et World Gone Wrong, entiÚrement composés de reprises de vieux titres folk et blues[85]. On peut donc penser, au vu de la qualité de ce qu'a composé Bob Dylan par la suite, qu'il s'agit pour lui d'un nouveau départ.

Renaissance sans fin (1997–2009)

Bob Dylan au Jazzfest de La Nouvelle-Orléans en 2006.

Depuis la fin des annĂ©es 1980, Dylan enchaĂźne les concerts sur les cinq continents. Ce « Never Ending Tour (en) » (une appellation dĂ©sapprouvĂ©e par Dylan) est l’occasion pour lui de revisiter ses standards en laissant la part belle Ă  l’improvisation : son groupe change de set-list tous les soirs, et ne rejoue quasiment jamais une chanson de la mĂȘme façon d’un soir sur l’autre.

En 1997, Dylan s’associe Ă  nouveau avec Daniel Lanois pour enregistrer Time Out of Mind, son premier album de compositions originales depuis sept ans. JalonnĂ© de compositions habitĂ©es, Time Out of Mind est une chronique dĂ©sespĂ©rĂ©e mais bien vivante de la vieillesse d’une vedette du rock. Dylan y pose un regard sans complaisance sur son Ăąge, Ă©vitant au passage les clichĂ©s rock and roll.

En 2000, il obtient le prix Polar Music.

En sort Love and Theft. TrĂšs bluesy et jazzy, dĂ©pouillĂ© et proche du son de ses concerts, ce nouvel album est nettement plus enthousiaste que ses prĂ©cĂ©dents. Ce n'est que cinq ans plus tard, en aoĂ»t 2006, que sort son successeur, Modern Times, dont le titre fait rĂ©fĂ©rence au film homonyme de Charlie Chaplin. Modern Times est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ© comme le troisiĂšme volet d'une trilogie commencĂ©e avec Time Out of Mind, bien que Dylan lui-mĂȘme considĂšre que, si trilogie il doit y avoir, elle s'ouvre plutĂŽt sur Love and Theft. Produit par Dylan et enregistrĂ© dans des conditions quasi live avec le groupe qui l'accompagne sur scĂšne, Modern Times retrouve les accents de jazz, de ragtime, de bluegrass et de rockabilly de Love and Theft, dans une ambiance plus feutrĂ©e et glamour, qui fait rĂ©fĂ©rence Ă  l'Ăąge d'or des annĂ©es 1930 : celle des postes Ă  galĂšne, de Bing Crosby et de Louis Armstrong. Pour accompagner la sortie de cet album, Dylan dĂ©clare dans le magazine Rolling Stone que rien de ce qui a Ă©tĂ© fait depuis les vingt derniĂšres annĂ©es n'a grĂące Ă  ses yeux.

Graffiti Ă  Manchester, Grande-Bretagne, 2006.

D’autre part, alors que Martin Scorsese lui consacre le film documentaire No Direction Home, Dylan finalise la rĂ©daction de la premiĂšre partie de ses mĂ©moires, Chroniques, Volume 1. Ce livre prĂ©sente sa vision personnelle sur des pĂ©riodes mal connues de sa vie, comme ses dĂ©buts Ă  New York, ou l’enregistrement de Oh Mercy en 1989. La parution rĂ©guliĂšre des Bootleg Series, enregistrements jadis uniquement disponibles sous forme de disques pirates (bootlegs en anglais) de piĂštre qualitĂ©, dĂ©sormais remasterisĂ©s et publiĂ©s officiellement, lĂšve le voile sur des prestations lĂ©gendaires audibles pour la premiĂšre fois par le grand public. (Le huitiĂšme volume de cette sĂ©rie, Tell Tale Signs: Rare and Unreleased 1989-2006, est sorti en .)

En sort la compilation Dylan 07, ainsi que le remix inclus de Most Likely You Go Your Way and I'll Go Mine par le DJ Mark Ronson. En dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e, le film de Todd Haynes I'm Not There s'inspire « des nombreuses vies » et chansons de Bob Dylan, qui y est interprĂ©tĂ© par six acteurs et une actrice. Dylan obtient le prix Pulitzer de musique en avril 2008, « pour son profond impact sur la musique populaire et la culture amĂ©ricaine, Ă  travers des compositions lyriques au pouvoir poĂ©tique extraordinaire », selon le jury[87]. Fin , Dylan sort son trente-troisiĂšme album : Together Through Life, issu d'une collaboration avec Robert Hunter, parolier du Grateful Dead. En octobre de la mĂȘme annĂ©e paraĂźt Christmas in the Heart, un album de reprises de chants de NoĂ«l dont les bĂ©nĂ©fices sont intĂ©gralement reversĂ©s Ă  diverses Ɠuvres caritatives.

Années 2010

Une tournée européenne a lieu fin 2011 avec Mark Knopfler, avec qui il a enregistré Slow Train Coming. En mars 2012, le musicien et chanteur David Hidalgo, du groupe de rock mexicain Los Lobos (qui a déjà travaillé sur Together Through Life et Christmas in the Heart), annonce que Dylan travaille sur un nouvel album studio aux consonances mexicaines, dans les studios de Jackson Browne, à Los Angeles. L'album intitulé Tempest sort le [88]. Tempest est largement défendu sur scÚne au cours des concerts du « Never Ending Tour » de 2013 et 2014 : six titres de Tempest constituent désormais presque systématiquement l'ossature des setlists du groupe.

Fin 2014, en rappel de presque toutes ses dates amĂ©ricaines, Dylan reprend le standard Stay With Me de Frank Sinatra. C'est un aperçu de ce qui constituera son prochain album. C'est un Dylan extrĂȘmement appliquĂ© qui livre ces performances, certaines lui valant mĂȘme, lors des dates finales de la tournĂ©e au Beacon Theater de New York, une ovation de plusieurs minutes. Un article de Rolling Stone souligne alors avec enthousiasme le retour d'une forme d'implication certaine dans les performances vocales du songwriter qui assure dĂ©sormais un spectacle efficace et rodĂ©.

Shadows in the Night, le trente sixiĂšme album studio de Bob Dylan, sort en fĂ©vrier 2015. L'accueil critique de cet album de reprises est extrĂȘmement positif ; la presse internationale salue la qualitĂ© d'interprĂ©tation de ces standards, enregistrĂ©s en condition live, et la performance habitĂ©e de Dylan. En France, le mensuel Les Inrocks qualifie ainsi Shadows in the Night : « [
] Un album de ballades Ă©ternelles, dont la grĂące incontestable doit beaucoup Ă  ses musiciens. [
] Dylan n’a plus qu’à y poser sa voix, du coup adoucie et languide, de moins en moins astringente. » Y figure la reprise de Autumn Leaves, adaptation par Frank Sinatra du standard d'Yves Montand Les feuilles mortes. Dans la foulĂ©e, le « Never Ending Tour » reprend, les setlists incluant en gĂ©nĂ©ral deux extraits de Shadows in the Night en milieu et fin de concert.

Le , le single intitulĂ© The Night We Called It a Day se voit dotĂ© d'un clip, rĂ©alisĂ© par Nash Edgerton. La vidĂ©o, prĂ©sentĂ©e en noir et blanc, reprend avec ironie les procĂ©dĂ©s visuels de grands films noirs. Dylan y interprĂšte un gangster. Le , Ă  l'occasion de son ultime prĂ©sentation du cĂ©lĂšbre Late Show, David Letterman invite Bob Dylan. C'est la premiĂšre apparition tĂ©lĂ©visĂ©e de ce dernier depuis 1984[89], au sein de cette mĂȘme Ă©mission. L'artiste y interprĂšte The Night We Called It a Day, aprĂšs avoir Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© par Letterman comme « le plus grand chanteur et songwriter de l'Ă©poque moderne »[90].

Le , Ă  la surprise gĂ©nĂ©rale, le prix Nobel de littĂ©rature est attribuĂ© Ă  Bob Dylan « pour avoir crĂ©Ă© de nouvelles expressions poĂ©tiques »[7]. Au journal britannique The Telegraph, il a confessĂ© en ĂȘtre trĂšs Ă©tonnĂ©. « C'est dur Ă  croire ! », a-t-il dĂ©clarĂ©, brisant deux semaines de silence de maniĂšre assez lapidaire[91]. Il est le premier poĂšte musicien Ă  ĂȘtre rĂ©compensĂ© par l'acadĂ©mie depuis la crĂ©ation du prix en 1901[8]. Mais le chanteur, toujours aussi rĂ©fractaire au star-system, tout en acceptant cette attribution, s'en est tenu Ă  l'Ă©cart : « Ce qui a le don d'agacer un membre Ă©minent de l'AcadĂ©mie suĂ©doise, qui a fustigĂ© un comportement « arrogant » de la part de l'AmĂ©ricain »[92]. La secrĂ©taire de l'AcadĂ©mie a dĂ©clarĂ©[93] avoir renoncĂ© Ă  le joindre. « À l'heure actuelle, nous ne faisons rien. J'ai appelĂ© et envoyĂ© des courriers Ă©lectroniques Ă  son collaborateur le plus proche. » Elle reconnaissait avoir obtenu « des rĂ©ponses trĂšs aimables », qui comblaient ce silence dans lequel s'Ă©tait rĂ©fugiĂ© l'auteur ; avant qu'il annonce qu'il ne participerait pas Ă  la cĂ©rĂ©monie de remise des prix, car « malheureusement il avait d'autres engagements »[91]. C'est finalement sa consƓur Patti Smith qui s'est arrangĂ©e avec lui pour venir chercher la mĂ©daille le jour J. La poĂ©tesse a lu un message sincĂšre du rĂ©compensĂ©, avant d'interprĂ©ter avec Ă©motion It's a Hard Rain That Gonna Fall devant l'honorable assemblĂ©e, et d'ĂȘtre chaleureusement applaudie[94]. « J'ai choisi A Hard Rain's A-Gonna Fall parce que c'est l'un de ses plus beaux morceaux. À sa maĂźtrise trĂšs rimbaldienne de la langue amĂ©ricaine, elle mĂȘle une profonde comprĂ©hension des causes de la souffrance humaine, et finalement de sa rĂ©silience », avait Ă©crit en prĂ©ambule Patti Smith sur sa page Facebook.

Il enregistre son discours d’acceptation du prix Nobel le à Los Angeles[95].

Années 2020

Le , Dylan annonce la sortie de son 39e album studio, Rough and Rowdy Ways, pour le . Il s'agit de son premier album de chansons originales depuis Tempest en 2012[96] - [97] - [98].

Trois titres ont Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©s au public en amont de la sortie de l'album : Murder Most Foul le , I Contain Multitudes le , et False Prophet le . Le premier single, Murder Most Foul, long de 17 minutes, se rĂ©fĂšre Ă  l'assassinat du prĂ©sident Kennedy en 1963. En dĂ©cembre 2020, le groupe Universal Music rachĂšte l’intĂ©gralitĂ© du catalogue de Bob Dylan ; il cĂšde certains des morceaux les plus cĂ©lĂšbres comme Blowin in the Wind, ou encore Like a Rolling Stone. Selon le New York Times, la transaction pourrait dĂ©passer les trois cents millions de dollars[99].

Vie privée

Le , à Wilmington, Dylan épouse Sara Lownds, mannequin (née Shirley Marlin Noznisky le dans le Delaware). Ce mariage reste secret jusqu'en , quand paraßt dans le New York Post un article de la journaliste Nora Ephron intitulé « Hush! Bob Dylan is wed » (Chut ! Bob Dylan est marié).

Ils ont quatre enfants : Jesse Dylan, né le , Anna Leigh, née le , Samuel Isaac Abraham, né le , et Jakob Luke Dylan, né le à New York[100]. Bob Dylan a également adopté la fille de Sara d'un mariage antérieur, Maria Lownds (devenue Maria Dylan, née le ). Bob Dylan et Sara divorcent le [101].

Maria s'est mariée au musicien Peter Himmelman (en). Depuis 1989, leur fils Jakob est le chanteur principal et le parolier du groupe de rock de Los Angeles The Wallflowers. Jesse Dylan est un réalisateur et un homme d'affaires prospÚre et Samuel Isaac Abraham Dylan est devenu photographe.

Le , Bob Dylan épouse la choriste Carolyn Dennis (en)[102] - [103]. Leur fille, Désirée Gabrielle, naßt le à Los Angeles[100]. Dylan et Carolyn Dennis divorcent en [a 4] - [104].

Dylan aurait une autre fille prénommée Narette[100], née d'une relation avec Clydie King (née Clydie May Crittendon le à Dallas au Texas)[105]. Clydie King fut la choriste de Bob Dylan sur Saved en 1980, Shot of Love en 1981, et Infidels en 1983.

Distinctions

Analyses

Passages au Festival Folk de Newport

Le , le retour de Bob Dylan au festival de folk de Newport fut l’occasion de s’interroger sur la rupture prĂ©sumĂ©e entre lui et son public en 1965. La protestation de ceux qui le conspuent est nettement perceptible sur les bandes, et n’est pas anecdotique : elle ponctuera en effet les tournĂ©es amĂ©ricaines et europĂ©ennes qui suivront, dĂšs lors que Dylan est rejoint par son groupe.

RĂ©vĂ©lĂ©e quatre ans plus tĂŽt Ă  ce mĂȘme festival, Joan Baez est la tĂȘte d’affiche de l'Ă©dition 1963 et y introduit Dylan (chemise militaire kaki et blue-jeans dĂ©lavĂ©s), prĂ©cĂ©dĂ© par sa renommĂ©e grandissante de chanteur protestataire. AprĂšs son tour de chant, il rejoint sur scĂšne Peter, Paul and Mary, Joan Baez, Pete Seeger et The Freedom Singers, et la fĂȘte s’achĂšve en chƓur sur We shall Overcome. Le dimanche soir, Baez, qui chante With God on our side l’invite Ă  la rejoindre sur scĂšne et le festival se conclut sur le triomphe de Dylan, alors en communion totale avec son public[28].

En 1964, Dylan, par ses chansons, les concerts qu'il donne, est une cĂ©lĂ©britĂ© du monde folk[107], tandis que les topical songs que composent des artistes tels que Phil Ochs, Tom Paxton ou Buffy Sainte-Marie sont trĂšs populaires[28]. Dylan, qui fait trois apparitions cette annĂ©e-lĂ , chante cependant des chansons plus personnelles de l'album Ă  paraĂźtre Another Side, telles que All I Really Want to Do, It Ain't Me Babe et To Ramona, ainsi que Mr. Tambourine Man qui figurera sur Bringing It All Back Home. Ses premiers fans le ressentent dĂ©jĂ  comme une trahison : Irwin Silber, alors rĂ©dacteur en chef du magazine folk Sing Out!, rĂ©digea ainsi en novembre 1964 « une lettre ouverte Ă  Dylan » dans laquelle il manifeste son inquiĂ©tude Ă  propos du « dĂ©tachement », du « potentiel d'auto-destruction » de Dylan et de ses nouvelles chansons « centrĂ©es sur lui-mĂȘme, sentimentales et cyniques »[108] ; tandis que Paul Wolfe, un auteur de Broadside, dĂ©crivit Dylan comme « un faussaire, un hypocrite et un manipulateur de son public »[28].

Le , Dylan est la tĂȘte d’affiche du festival mais, Ă  l’image de sa tenue vestimentaire (lunettes de soleil Wayfarer et blouson de cuir), les choses ont changĂ©. Pour lui d’abord : en mars est paru Bringing It All Back Home, composĂ© pour moitiĂ© de morceaux acoustiques et pour moitiĂ© de morceaux Ă  l'instrumentation rock. Puis le soit quelques jours seulement avant le festival est sortie Like a Rolling Stone, chanson radicalement novatrice, qu’il compte jouer au festival. Sur les ondes d’autre part : alors que les Beatles monopolisent le Top Ten, la reprise pop de Mr. Tambourine Man par les Byrds marque les esprits. Au Royaume-Uni, parallĂšlement Ă  la Beatlemania, le rock renaĂźt grĂące Ă  la redĂ©couverte du blues (c'est d'ailleurs le sens du titre « Bringing it all back home » — soit « Ramenons tout ça Ă  la maison »).

À l’atelier blues de ce festival est Ă©galement prĂ©sent le Paul Butterfield Blues Band, un groupe de blues urbain, avec guitares Ă©lectriques et amplificateurs, qui connait le succĂšs avec le titre Born In Chicago, tirĂ© de leur premier album The Paul Butterfield Blues Band. Outre le chanteur Paul Butterfield, le groupe se compose du guitariste Mike Bloomfield, du bassiste Jerome Arnold et du batteur Sam Lay. RenforcĂ©s par le pianiste Barry Goldberg et l’organiste Al Kooper, Dylan et les musiciens du Paul Butterfield Blues Band rĂ©pĂštent toute la nuit un nombre limitĂ© de chansons : Maggie’s Farm, Like a Rolling Stone et Phantom Engineer[109]. Le lendemain, ils jouent ces trois morceaux, et les transitions entre chaque sont accompagnĂ©es d’un brouhaha indescriptible[110]. Sur la demande du prĂ©sentateur Peter Yarrow, de Peter, Paul And Mary, Dylan revient accompagnĂ© d’une guitare acoustique et interprĂšte seul deux de ses succĂšs passĂ©s : It’s All Over Now Baby Blue et Mr. Tambourine Man[111].

De cet Ă©vĂ©nement, relatĂ© par Robert Shelton, naquit la lĂ©gende de Dylan dĂ©laissant le folk pour le rock, indiffĂ©rent Ă  l’indignation et Ă  l’amertume de son public[112], tandis qu’en coulisse, les bruits les plus fous circulaient (la rumeur prĂ©tendit que le chanteur Pete Seeger, furieux, Ă©tait allĂ© chercher une hache pour couper les cĂąbles du micro, ce qu’il dĂ©mentit[111], de mĂȘme que l'organisateur[113]). Cependant, des arguments viennent contredire cette interprĂ©tation, notamment ceux avancĂ©s par Bruce Jackson, un des organisateurs du festival, qui a Ă©tudiĂ© de prĂšs les enregistrements qu’il avait conservĂ©s[111]. Jackson argue tout d’abord que la premiĂšre personne sifflĂ©e ne fut pas Dylan, mais Peter Yarrow, chargĂ© de l'annoncer et dont les phrases entrecoupĂ©es par de longs silences agaçaient un public impatient. D’autre part, les applaudissements sont nourris quand Dylan apparaĂźt, alors que les instruments Ă©lectriques sont dĂ©jĂ  installĂ©s et visibles sur la scĂšne. Par ailleurs, quand le groupe joue, la voix de Dylan est noyĂ©e sous le volume de l’instrumentation, en raison d’une balance sonore trop hĂątive. Jackson avance Ă©galement que, bien que Dylan soit la tĂȘte d’affiche du festival, il ne joue que quinze minutes, alors que d’autres sont restĂ©s sur scĂšne 45 minutes ; une partie du public aurait donc rĂ©agi Ă  ce passage trop court[111]. Mais il n'en reste pas moins que ce passage si bref constitue, pour plusieurs historiens, la bataille d'Hernani de la musique populaire, et l'irruption sur la scĂšne musicale de la contre-culture des annĂ©es 1960. En mariant la puissance du rock Ă  l'introspection du poĂšte, Bob Dylan ouvre la voie Ă  une nouvelle vague d'auteurs-compositeurs : Jim Morrison, Neil Young, Leonard Cohen, Lou Reed, Bruce Springsteen, Patti Smith, Laura Nyro, tout en ayant une influence considĂ©rable sur les Beatles et bien d'autres, Ă  partir du milieu des annĂ©es 1960 et durant les dĂ©cennies suivantes[111].

Influence sur son Ă©poque

Le festival de Newport de 1965, mais aussi l’album Highway 61 Revisited, la tournĂ©e europĂ©enne de 1966, et les sessions musicales dans une bĂątisse de Woodstock (Big Pink) en aoĂ»t 1967, ont marquĂ© durablement l’histoire de la musique amĂ©ricaine. De cette « annĂ©e oĂč Bob Dylan a disjonctĂ© »[114], vĂ©cue par une partie de son public comme une rupture, voire une trahison, est sortie une musique qui s'est rĂ©vĂ©lĂ©e, avec le recul, une des premiĂšres synthĂšses de la country, du folk, du blues, du rock et de la soul. Bob Dylan, avec le groupe The Band, a contribuĂ© Ă  faire rentrer la musique populaire amĂ©ricaine dans l'Ăšre moderne[115].

DĂšs ses dĂ©buts en 1961, Dylan fait Ă©galement parler de lui dans les milieux folk aux États-Unis en adoptant une maniĂšre de chanter trĂšs expressive, loin des standards de la chanson. Dylan a en rĂ©alitĂ© recherchĂ© davantage l'expressivitĂ© que la beautĂ© classique. Il a considĂ©rablement expĂ©rimentĂ© l'usage des dissonances, se faisant ainsi l’hĂ©ritier direct des bluesmen des annĂ©es 1930, tel Howlin' Wolf. Il a jouĂ© de sa voix et l’a fait Ă©voluer, tout en lui gardant un timbre si particulier[e 1] - [116].

Mais un autre domaine dans lequel Dylan a frappĂ© les esprits est celui des textes : dĂšs son deuxiĂšme album (le premier Ă©tant presque entiĂšrement composĂ© de reprises, comme cela se pratiquait trĂšs couramment Ă  l’époque), il a incarnĂ© une nouvelle maniĂšre d’envisager l'Ă©criture de chansons. InspirĂ©s par la littĂ©rature, la poĂ©sie symboliste et surrĂ©aliste, mais aussi les « folksongs » rĂ©alistes de la grande tradition amĂ©ricaine, ses textes dessinent un univers intĂ©rieur d’une grande richesse. DĂšs le dĂ©but, le thĂšme principal de l’Ɠuvre de Dylan est son expĂ©rience personnelle du monde, sa vision des choses, qu’elle soit rĂ©elle ou fantasmĂ©e. Le surrĂ©alisme et les images qui imprĂšgnent la plupart de ses textes, mĂȘme les plus simples, atteignent leur sommet en 1965 et 1966 lorsque Dylan dĂ©laisse le folk pour le rock 'n' roll. Les textes de cette Ă©poque ne cherchent pas Ă  avoir un sens figĂ©, mais Ă  dĂ©crire des impressions et des sentiments au-delĂ  des mots. Comme un tableau abstrait, ils peuvent acquĂ©rir un sens diffĂ©rent selon l’humeur de l’auditeur, tout en conservant une trĂšs forte identitĂ©. En cela, les mots de Dylan s’approchent de l’essence mĂȘme de la musique, qui tire une partie de son pouvoir du fait qu’elle est le seul art Ă  n’ĂȘtre aucunement figuratif, Ă  une Ă©poque oĂč la plupart des chansons populaires, et particuliĂšrement les chansons rock, parlaient encore des (mĂ©s)aventures sentimentales de leurs auteurs et de voitures. Elles ont considĂ©rablement influencĂ© l'ensemble des artistes pop de l’époque, y compris les Beatles[117], qui ont Ă  leur tour contribuĂ© Ă  rĂ©volutionner l'esthĂ©tique pop, en y insufflant une ambition artistique jusqu'alors insoupçonnĂ©e.

Enfin, par son attitude de mĂ©fiance voire de dĂ©fiance envers son statut de vedette, Dylan a remis en cause certaines conceptions du rĂŽle des artistes dans la sociĂ©tĂ©. AdulĂ© par le public folk et les milieux contestataires du dĂ©but des annĂ©es 1960, il refusa d’assumer ce rĂŽle de musicien engagĂ©, prĂ©fĂ©rant inciter ses admirateurs Ă  rejeter toute tutelle, comme il l’exprime dans certains de ses textes (« Don't follow leaders / Watch the parkin' meters » — « Ne suis pas les meneurs / Observe les parcmĂštres », dĂšs 1965)[118], Ă  penser par eux-mĂȘmes et Ă  renoncer aux « prophĂštes » (auto-proclamĂ©s), de quelque bord qu’ils soient. Il a fui Ă©galement toute position d'idole du public, rock ou autre. Il a refusĂ© de se faire enfermer dans son passĂ©, de se laisser musĂ©ifier[119].

Discographie

Composition du groupe de scĂšne depuis 2007

En 2007, le groupe de scÚne de Bob Dylan réunit les musiciens suivants[120] :

Filmographie

Longs-métrages

Documentaires

Peinture

Copenhague, banderole de l'exposition Bob Dylan au Statens Museum for Kunst (2010).

Bob Dylan est aussi peintre. Il commence à peindre en 1974, sous la direction du peintre Norman Raeben. Ses toiles les plus connues ont été peintes lors de périples successifs au Brésil, dont il donne une vision toute personnelle. Sans tomber dans la dénonciation sociale, il peint des figures originales de la société brésilienne, remarquables par leurs aspects démodés (tenues traditionnelles, danses folkloriques
), à rebours des canons contemporains de la mode et de la beauté. Il cherche avant tout à donner une image la plus vivante possible, et surtout la plus matérielle, comme pour le plat de pùtes mangé par le couple du tableau The eaters[121].

D'autres peintures, reprenant des croquis réalisés sur la route entre 1989 et 1992, ont été exposées en 2007 et 2014[122].

Expositions de ses peintures :

Notes et références

Références par ouvrage

  • (en) Howard Sounes, Down the Highway : The Life of Bob Dylan, Black Swan, , 624 p. (ISBN 978-0-552-99929-8). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
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  • (en) Anthony Scaduto, Bob Dylan, Helter Skelter Publishing, , 5e Ă©d. (1re Ă©d. 1972), 350 p. (ISBN 978-1-900924-23-8). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  1. p. 41, 45.
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  17. p. 240-242.
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  22. p. 301.
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  • Robert Shelton (trad. Jacques Vassal), Bob Dylan sa vie et sa musique. « Like a Rolling Stone », Albin Michel, coll. « Rock & folk », , 556 p. (ISBN 978-2-226-02885-3). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  1. p. 26-28.
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  • Julien Gautier, Bob Dylan, un gĂ©nie en libertĂ©, Paris, Publibook, , 162 p. (ISBN 978-2-7483-5295-5). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
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  • (en) Greil Marcus, Bob Dylan : Writings 1968-2010, Faber & Faber, . Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  1. p. XVIII-XX.

Autres notes et références

  1. Prononciation en anglais américain retranscrite selon la norme API.
  2. Il a légalement changé de nom en 1962.
  3. (en) « Dylan 'reveals origin of anthem' », BBC News, .
  4. (en) « Modern Times numéro un au Billboard 200 », Billboard, .
  5. (en-GB) « Bob Dylan and Arthur Rimbaud (Part III) | Untold Dylan » (consulté le )
  6. Fabrice Pliskin, « “Bob Dylan est un disciple de Rimbaud” », sur https://www.nouvelobs.com/bibliobs/, L'Obs, (consultĂ© le )
  7. Page du prix Nobel de littérature 2016..
  8. « Bob Dylan, prix Nobel de littĂ©rature 2016 », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consultĂ© le ).
  9. Voir, (en) Sara Lyall. Dylan, Polite? It Ain't Him, Babe. The New York Times, December 9, 2016..
  10. Voir, (en) Bob Dylan's Nobel Prize Acceptance Speech. The New York Times, December 10, 2016..
  11. Sur les 10 chansons « juives » de Bob Dylan, voir (en) Seth Rogovoy. Bob Dylan's 10 Most Jewish Songs. The Forward, New York, October 1, 2012.
  12. Voir, (en) Ilan Preskovsky. Bob Dylan's Jewish Oyssey. aish.com..
  13. Voir, (en) Gabe Friedman. Nobel winner Bob Dylan's 5 most Jewish moments. The Times of Israel. October 13, 2016.
  14. JĂ©rĂŽme Pintoux, Bob Dylan. Dictionnaire, Camion Blanc, , p. 47.
  15. Chroniques, Volume 1 paru en 2004.
  16. (en) Bob Dylan: The Rolling Stone Interview. The rock & roll poet reflects on life, love, politics and God - Kurt Loder, Rolling Stone, 21 juin 1984 [lire en ligne].
  17. Anthony Scaduto (trad. Dashiell Hedayat, postface Hervé Muller), Bob Dylan, Paris, C. Bourgois, , 509 p. (ISBN 978-2-267-00350-5, OCLC 301541413).
  18. The Hibbing High School.
  19. Bob Dylan (trad. Jean-Luc Piningre), Chroniques, vol. 1, Paris, Fayard, , 316 p. (ISBN 978-2-213-62340-5, OCLC 491269765).
  20. (en) « Interview with Joseph Haas », Chicago Daily News, 27 novembre 1965 (Jonathan Cott, Bob Dylan: The Essential Interviews, p. 59).
  21. Dylan, Bob, (1941- ...)., et Impr. Maury), Chroniques. Volume I, vol. 1, Gallimard, impr. 2010 (ISBN 978-2-07-041392-8 et 2070413926, OCLC 758632744, lire en ligne), p. 11
  22. Martin Scorsese ; No Direction Home ; Paramount Pictures (2005).
  23. Talkin New York – Bob Dylan (1962).
  24. Suze Rotolo apparait sur la pochette de l’album The Freewhelin’ Bob Dylan. Photographie : Don Hunstein.
  25. (en) Bob Dylan: A Distinctive Stylist ; Robert Shelton ; The New York Times (29 septembre 1961), [lire en ligne].
  26. Par exemple Tom Dooley, vieille chanson folk interprétée par The Kingston Trio.
  27. Le contrat liant Grossman à Dylan est signé officiellement le , et ne sera d'ailleurs connu que tardivement. Il sera rompu le .
  28. Robert Shelton, Bob Dylan sa vie et sa musique : Like a Rolling Stone.
  29. Broadside Magazine - Wikipedia anglophone.
  30. À rapprocher de la littĂ©rature de l’instant des auteurs de la Beat Generation.
  31. Talkin' John Birch Society Blues - The Bootleg Series, Vol. 1.
  32. The Death of Emmitt Till – non commercialisĂ©.
  33. Parmi les reprises de Blowing in the Wind dans les années 1960, on compte celles de The Hollies, Chet Atkins, Odetta, Dolly Parton, Judy Collins, The Kingston Trio, Marianne Faithfull, Jackie DeShannon, The Seekers, Sam Cooke, Etta James, Duke Ellington, Neil Young, The Doodletown Pipers, Marlene Dietrich, Bobby Darin, Bruce Springsteen, Elvis Presley, Sielun Veljet, Stevie Wonder, John Fogerty, Joan Baez.
  34. Eric Scavennec, Al Grossman, un « spin doctor » de l’industrie du disque, Le Zinc, octobre 2012, http://zinc.ouvroir.info/spip.php?article50.
  35. (en) The answer, my friend, is blowin' in the wind / The answer is blowin' in the wind.
  36. 1960-1970 : les 20 protest songs les plus marquantes.
  37. « Albert [
] eut l'idĂ©e lumineuse de faire enregistrer Bobby avec un orchestre de dixieland sur Mixed Up Confusion. C'Ă©tait un vrai dĂ©sastre. » - John H. Hammond (Anthony Scaduto, Bob Dylan, p. 222-223.
  38. (en) www.BBC.co.uk Madhouse On Castle Street.
  39. « Dans son rĂŽle de clochard cĂ©leste, Dylan Ă©tait intĂ©ressant, mĂȘme s’il n’est pas permis de juger de sa maniĂšre de chanter sur un rĂŽle dans une nullitĂ© aussi affligeante » - The Daily Mirror.
  40. « Now we all agree with Hitlers' views / Although he killed six million Jews » - Talkin' John Birch Society Blues.
  41. « Mais la John Birch Society
 j'ai dit que je ne comprenais pas pourquoi elle jouissait d'une telle protection » – Ed Sullivan – The New York Post 14 mai 1963.
  42. « Conneries ! Je chante ça ou rien » (Anthony Scaduto, Bob Dylan, p. 241.
  43. Student Nonviolent Coordination Committee, surnommé SNICK.
  44. www.acontresens.com Les étudiants noirs entrent en lutte : le « Snick ».
  45. Robert Shelton, Bob Dylan sa vie et sa musique : Like a Rolling Stone, p. 205.
  46. (en) Profiles: The Crackin’, Shakin’, Breakin’ Sounds – Nat Hentoff, The New Yorker, 24 octobre 1964 [lire en ligne].
  47. Bob Dylan: The Times They Are A-Changin' liner notes.
  48. Robert Shelton, Bob Dylan sa vie et sa musique : Like a Rolling Stone, p. 222.
  49. Anthony Scaduto, Bob Dylan, p. 268-269.
  50. (en) The Crackin', Shakin' Breakin' Sounds, Nat Hentoff, 24/10/1964. (Jonathan Cott, Bob Dylan: The Essential Interview, p. 16).
  51. (en) Al Aronowitz; introduced Beatles to Bob Dylan in 1964, Matt Schudel, The Washington Post, 7-08-2005.
  52. Dylan : Portraits et témoignages, p. 46.
  53. (en) Joint accounts, Cherri Gilham, The Observer, 10-09-2000.
  54. « Leurs accords Ă©taient vraiment extravagants. Seuls des musiciens ensemble pouvaient faire ça. C'Ă©tait Ă©vident. Ça m'a donnĂ© des idĂ©es. [
] Dans ma tĂȘte, les Beatles Ă©taient des gĂ©nies. J'avais l'impression qu'il y aurait un avant et un aprĂšs Beatles. », Dylan : Portraits et tĂ©moignages, p. 46.
  55. George Harrison, ibid.
  56. « les deux choses les plus bruyantes qu’il m’ait Ă©tĂ© donnĂ© d’entendre, c’est un train de marchandises en train de dĂ©railler et Bob Dylan avec le Band » - Marlon Brando (voir François Ducray, Philippe ManƓuvre, HervĂ© Muller, Jacques Vassal, Dylan, Albin Michel, 30/06/1978 (ISBN 2226001271).
  57. Freak Out! de Frank Zappa a été enregistré un peu avant, mais publié aprÚs.
  58. « Bob Dylan Live at the Newport Folk Festival » [vidéo], sur YouTube (consulté le ).
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 Remboursez !
 C'est un festival folk !
 DĂ©barrasse-toi de ce groupe ! ».
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Voir aussi

Travaux universitaires en français

  • Jean-Pierre AncĂšle sous la direction de Laurette Veza, Bob Dylan, une voix amĂ©ricaine : Ă©tude thĂ©matique et stylistique des chansons de 1962 Ă  1978. ThĂšse de doctorat en Ă©tudes nord-amĂ©ricaines, Paris 3, 1982, 387 p.
  • Pascal Bert, Dylan acteur-tĂ©moin d’une dĂ©cennie de rĂ©volte, 1960-1970. MĂ©moire de fin d’études Ă  l’IEP de Bordeaux, 1979, 142 p. + annexes.
  • Baptiste Fabre, La figure du vagabond dans la littĂ©rature et la chanson populaire amĂ©ricaines Ă  travers les Ɠuvres de Jack London, Woody Guthrie, Jack Kerouac et Bob Dylan. MĂ©moire de recherche Ă  l’IEP de Bordeaux, 2002, 109 p.
  • Ebenezer Brouzakis sous la direction de Jean-Louis Genard, Chimes of Freedom : Au cƓur de la contestation, quels liens entre Bob Dylan et la politique amĂ©ricaine des annĂ©es 60 ? Analyse de morceaux choisis. MĂ©moire de licence en sciences politiques et relations internationales, UniversitĂ© libre de Bruxelles (Belgique), 2002, 90 p. + 20 p. de lyrics.
  • Christophe Lebold sous la direction de Claire Maniez, Écritures, masques et voix : Pour une poĂ©tique des chansons de Leonard Cohen et Bob Dylan. ThĂšse de doctorat en langues vivantes, UniversitĂ© Marc Bloch, Strasbourg 2, 2004, 493 p.

Livres en français

  • Mark Blake et Mojo (trad. Isabelle Chelley et Jean-Pierre Sabouret, prĂ©f. Bono), Dylan : portraits & tĂ©moignages [« Dylan : visions, portraits and back pages »], Paris, Tournon, , 288 p. (ISBN 978-2-35144-017-9, OCLC 470709947)
  • François Bon, Bob Dylan : Une biographie, Paris, Albin Michel rĂ©Ă©ditĂ© chez Livre de poche en 2009 avec une postface inĂ©dite, , 486 p. (ISBN 978-2-226-17936-4)
    Tiré de cette biographie, un feuilleton radiophonique diffusé sur France Culture en 2007 puis février 2010.
  • Jean-Paul Bourre, Bob Dylan, Vivre Ă  plein, Cerf, coll. « L’histoire Ă  vif », , 150 p. (ISBN 2-204-02501-1)
  • Dora Breitman, Demain j'ai rendez-vous avec Bob Dylan, Paris, Maurice Nadeau, , 218 p. (ISBN 978-2-86231-225-5)
  • (en) Luke Crampton, Dafydd Rees et Wellesley Marsh (trad. de l'anglais par Alice PĂ©tillot), Bob Dylan, Hong Kong/Köln/Paris etc., Taschen France, coll. « Music Icons », , 192 p. (ISBN 978-3-8365-1126-1)
    Édition trilingue.
  • Stan Cuesta, Dylan Cover, Paris, Editions du Layeur, 2017, 158 p. (ISBN 978-2-915126-33-4)
  • Bob Dylan (trad. Dashiell Hedayat), Tarantula suivi de « Portrait de l’artiste en pop star », UGE 10-18, 1973, rĂ©Ă©ditĂ© en 1993, 186 p. (ISBN 978-2-264-00009-5 et 2-264-00009-0)
  • Bob Dylan (trad. Daniel Bismuth), Tarantula, Hachette LittĂ©ratures, , 232 p. (ISBN 978-2-01-235582-8)
    Texte intégral.
  • Bob Dylan (trad. de l'anglais par Nicolas Richard), Discours Ă  l'AcadĂ©mie suĂ©doise, Paris, Fayard, 2017, 32 p. (ISBN 978-2-213-70614-6)
  • Bob Dylan et Jonathan Cott (trad. de l'anglais par Denis Griesmar), Dylan par Dylan : Interviews 1962-2004, Paris, Bartillat, , 557 p. (ISBN 978-2-84100-417-1)
  • François Ducray, Philippe ManƓuvre, HervĂ© Muller et Jacques Vassal, Dylan, Paris, A. Michel, coll. « Rock & folk », (rĂ©impr. mise Ă  jour en 1978) (ISBN 978-2-226-00127-6, OCLC 1503898)
  • Daniel Mark Epstein (trad. de l'anglais par Philippe Paringaux), La ballade de Bob Dylan, Paris, Laffont, , 537 + 8 p. de photos (ISBN 978-2-221-12572-4)
  • Andy Gill (trad. de l'anglais par Jacques Collin), Bob Dylan 1962-1969 : l’intĂ©grale des annĂ©es 60, Paris, Hors collection, , 144 p. (ISBN 2-258-05088-X)
  • Michael Gross et Robert Alexander (trad. Marie Aufaure et Jacques-Émile Deschamps), Bob Dylan : une histoire illustrĂ©e [« Bob Dylan : an illustrated history »], Albin Michel, coll. « Rock & folk », , 159 p. (ISBN 978-2-226-00905-0, OCLC 77372751)
  • Thomas Karsenty-Ricard, Dylan, l'authenticitĂ© et l'imprĂ©vu, L'Harmattan, coll. « Logiques sociales », , 104 p. (ISBN 978-2-7475-9151-5)
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  • Nicolas Livecchi (prĂ©face Arnaud Desplechin), Dylanographie - Bob Dylan en 176 disques, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, coll. Traverses, 2021, 216 p. (ISBN 978-2-87449-863-3)
  • Greil Marcus (trad. de l'anglais par Thierry Pitel), Like a Rolling Stone : Bob Dylan Ă  la croisĂ©e des chemins, Paris, Galaade, , 312 p. (ISBN 978-2-7578-0391-2)
    Réédité chez Points en 2007, titre et sous-titre intervertis.
  • Philippe Margotin et Jean-Michel Guesdon, Bob Dylan - La totale, Vanves, ChĂȘne-EPA, 2015, rĂ©Ă©ditĂ© en 2019, 703 p. (ISBN 978-2-85120-825-5)
  • Nicolas Rainaud, Figures de Bob Dylan, Marseille, Le mot et le reste, coll. « Formes », , 207 p. (ISBN 978-2-915378-84-9)
  • Nicolas Rainaud, Not Dark Yet - Chansons de Bob Dylan, Marseille, Le mot et le reste, 2015, 502 p. (ISBN 978-2-36054-148-5)
  • Alain RĂ©mond, Les chemins de Bob Dylan, Paris, ÉPI, , 190 p. (ASIN B007CK4X6I)
  • Alain RĂ©mond, Et puis un jour j'ai entendu Bob Dylan, Paris, JBZ, , 199 p. (ISBN 978-2-7556-0710-9, OCLC 711831075)
  • Robert Santelli (trad. de l'anglais par Laurence Romance), Bob Dylan, l'album - 1956-1966, Paris, Fayard, 2005, 64 p. (ISBN 2-213-62343-0)
  • Anthony Scaduto (trad. Dashiell Hedayat, postface HervĂ© Muller), Bob Dylan, Paris, C. Bourgois, (1re Ă©d. [V.O. 1972]), 510 p. (ISBN 978-2-267-00350-5, OCLC 301541413)
  • Harry Shapiro (trad. de l'anglais par Christian SĂ©ruzier), Dylan : images de sa vie, Paris, Hugo & Cie, , 256 p. (ISBN 978-2-7556-0870-0)
  • Robert Shelton (trad. de l'anglais par Jacques Vassal), Bob Dylan - Sa vie et sa musique, Paris, Albin Michel, coll. Rock & Folk, 1987, 566 p. (ISBN 2-226-02885-4)
  • Sam Shepard (trad. Bernard Cohen, ill. Ken Regan), Rolling Thunder : Sur la route avec Bob Dylan, Éditions NaĂŻve, , 209 p. (ISBN 978-2-35021-018-6).
  • Silvain Vanot, Bob Dylan, Paris, Librio, 2001, 96 p. (Librio musique)
  • Nigel Williamson (trad. de l'anglais par FrĂ©dĂ©ric Valion), Bob Dylan, Paris, Tournon, coll. « L'essentiel sur
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Livres en anglais

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  • (en) Bob Dylan, Bob Dylan Little Black Songbook, Wise Publications, coll. « Little Black Song Book », , 176 p. (ISBN 978-1-84609-492-7).
  • (en) Andy Gill, Classic Bob Dylan : My Back Pages, Carlton Books, , 144 p. (ISBN 978-1-85868-481-9).
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  • (en) David Hajdu, Positively 4th Street : The Lives and Times of Joan Baez, Bob Dylan, Mimi Baez Farina, and Richard Farina, Bloomsbury, , 336 p. (ISBN 978-0-7475-5826-2).
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Autres sources

Exposition consacrée à Bob Dylan

Articles connexes

Liens externes

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