Titan (lune)
Titan, aussi appelĂ© Saturne VI, est le plus grand satellite naturel de Saturne. D'un diamĂštre 6 % plus grand que celui de Mercure, Titan est par la taille au deuxiĂšme rang des satellites du SystĂšme solaire, aprĂšs GanymĂšde, le plus gros satellite de Jupiter. Il sâagit du seul satellite connu Ă possĂ©der une atmosphĂšre dense. DĂ©couvert par lâastronome nĂ©erlandais Christian Huygens en 1655, Titan est la premiĂšre lune observĂ©e autour de Saturne[7].
Titan Saturne VI | |
Vue au centre de Titan en prise de vue réelle. Les six autres vues sont prises dans l'infrarouge par la Sonde Cassini entre 2004 et 2017. | |
Type | Satellite naturel de Saturne |
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CaractĂ©ristiques orbitales (Ăpoque , JJ 2453200.5[1]) | |
Demi-grand axe | 1 221 870 km[1] |
PĂ©riapside | 1 186 680 km[2] |
Apoapside | 1 257 060 km[2] |
Excentricité | 0,028 8[1] |
Période de révolution | 15,95 d[1] |
Inclinaison | 0,280°[1] (par rapport au plan de Laplace de Saturne) |
Caractéristiques physiques | |
DiamÚtre | 5 151,0±4,0 km[3] |
Masse | (1,345 2 ± 0,000 2) à 1023 kg[4] |
Masse volumique moyenne | 1,880±0,004 ĂâŻ103 kg/m3[3] |
Gravité à la surface | 1,352 m/s2 |
PĂ©riode de rotation | 15,95 d (Synchrone) |
Magnitude apparente | 8,2 (Ă l'opposition)[3] |
Albédo moyen | 0,2[3] |
Température de surface | 93,7 K[5] |
Caractéristiques de l'atmosphÚre | |
Pression atmosphérique | 146,7 kPa (98,4 % N2, 1,6 % CH4)[6] |
DĂ©couverte | |
DĂ©couvreur | Christian Huygens |
Date de la découverte | |
DĂ©signation(s) | |
Nommé d'aprÚs | Titan (mythologie) |
Titan est principalement composĂ© de roche et dâeau gelĂ©e. Son Ă©paisse atmosphĂšre a longtemps empĂȘchĂ© lâobservation de sa surface, jusquâĂ lâarrivĂ©e de la mission Cassini-Huygens en 2004. Cette derniĂšre a permis la dĂ©couverte de lacs dâhydrocarbures liquides dans les rĂ©gions polaires du satellite. Du point de vue gĂ©ologique, la surface de Titan est jeune ; quelques montagnes ainsi que des cryovolcans Ă©ventuels y sont rĂ©pertoriĂ©s, mais cette surface demeure relativement plate et lisse, prĂ©sentant peu de cratĂšres dâimpact.
LâatmosphĂšre de Titan est composĂ©e Ă 98,4 % de diazote et Ă 1,6 % de mĂ©thane et dâĂ©thane. Le climat â qui comprend des vents et de la pluie de mĂ©thane â crĂ©e sur la surface des caractĂ©ristiques similaires Ă celles rencontrĂ©es sur Terre, telles que des dunes et des cĂŽtes. Comme la Terre, Titan prĂ©sente des saisons. Par ses liquides (Ă la fois Ă la surface et sous la surface) et son Ă©paisse atmosphĂšre de diazote, Titan est perçu comme un analogue de la Terre primitive, mais Ă une tempĂ©rature beaucoup plus basse. Le satellite est citĂ© comme pouvant peut-ĂȘtre hĂ©berger de la vie extraterrestre microbienne ou, au moins, comme un milieu naturel prĂ©biotique riche en chimie organique complexe. Certains chercheurs suggĂšrent ainsi quâun ocĂ©an souterrain pourrait probablement servir dâenvironnement favorable Ă la vie[8] - [9].
Caractéristiques physiques
Dimensions
Titan orbite à une distance de 1 222 000 kilomÚtres de Saturne (soit 20,2 rayons saturniens). Il a un diamÚtre de 5 151 kilomÚtres ; en comparaison, la planÚte Mercure a un diamÚtre moyen volumétrique de 4 879 kilomÚtres, la Lune de 3 474 km, Mars de 6 779 kilomÚtres et la Terre de 12 742 kilomÚtres.
Avant lâarrivĂ©e de la sonde Voyager 1 en 1980, la communautĂ© scientifique pensait Titan lĂ©gĂšrement plus grand que GanymĂšde (qui fait 5 262 km de diamĂštre), ce qui aurait fait de lui la plus grande lune du SystĂšme solaire. Cette surestimation Ă©tait induite par lâatmosphĂšre dense et opaque de Titan, qui sâĂ©tend Ă plus de 100 kilomĂštres au-dessus de sa surface et augmente ainsi son diamĂštre apparent[10].
Titan est donc le deuxiĂšme plus grand satellite du SystĂšme solaire et le plus grand satellite de Saturne.
Structure interne
Le diamĂštre et la masse de Titan (et donc sa masse volumique) sont similaires Ă ceux des lunes galilĂ©ennes GanymĂšde et Callisto[11]. Sur la base dâune masse volumique de 1,88 g cmâ3, Titan serait composĂ© Ă moitiĂ© de glace dâeau et Ă moitiĂ© de roches (silicates et fer). Ces composĂ©s plus lourds sont trĂšs peu prĂ©sents en surface, oĂč la glace est le composant principal de la croĂ»te (par un phĂ©nomĂšne de diffĂ©renciation). Cette glace est majoritairement de la glace dâeau, mais elle est probablement mĂ©langĂ©e avec de la glace dâammoniac (NH3) ainsi quâĂ des glaces dâhydrocarbures, principalement du mĂ©thane (CH4) et de lâĂ©thane (C2H6).
Titan est trĂšs probablement diffĂ©renciĂ© en plusieurs couches, son noyau rocheux de 3 400 km de diamĂštre Ă©tant alors entourĂ© par plusieurs couches de diffĂ©rentes formes cristallines de glace[12]. LâintĂ©rieur du satellite est peut-ĂȘtre toujours chaud, et il est possible quâune couche liquide dâeau et dâammoniac existe entre la croĂ»te de glace Ih et les couches de glaces plus internes. L'existence dâun tel ocĂ©an est suggĂ©rĂ©e par la sonde Cassini, qui a dĂ©tectĂ© des ondes radio Ă trĂšs basse frĂ©quence dans lâatmosphĂšre de Titan ; la surface du satellite serait un mauvais rĂ©flecteur de ce type dâondes, lesquelles sont plutĂŽt rĂ©flĂ©chies par la transition liquide-glace dâun ocĂ©an interne[13].
Les donnĂ©es collectĂ©es par Cassini entre et montrent que des repĂšres caractĂ©ristiques de la surface se sont dĂ©placĂ©s jusquâĂ 30 km pendant cette pĂ©riode. Ce dĂ©placement suggĂšre que la croĂ»te est sĂ©parĂ©e de lâintĂ©rieur de la lune, ce qui constitue un indice supplĂ©mentaire quant Ă lâexistence dâun ocĂ©an interne[14].
AtmosphĂšre
Généralités
Titan est le seul satellite du systĂšme solaire possĂ©dant une atmosphĂšre significativement dĂ©veloppĂ©e ; les autres satellites nâont au mieux que des traces de gaz. L'Ă©paisseur de lâatmosphĂšre de Titan serait comprise entre 200 km[15] et 880 km[16] (sur Terre, 99,999 % de la masse de lâatmosphĂšre rĂ©side en dessous de 100 km dâaltitude). Elle est opaque sur de nombreuses longueurs dâonde et interdit lâobtention dâun spectre de rĂ©flectance complet de la surface depuis lâextĂ©rieur[17].
Lâexistence dâune atmosphĂšre est dĂ©couverte par Gerard Kuiper en 1944 par spectroscopie. Il estime que la pression partielle de mĂ©thane est de lâordre de 0,1 bar[18]. Plus tard, les observations des sondes Voyager montrent que la pression Ă la surface du satellite dĂ©passe une fois et demie celle de la Terre (soit 1,5 bar). LâatmosphĂšre comporte des couches opaques de brouillard qui bloquent la pĂ©nĂ©tration de la majoritĂ© de la lumiĂšre reçue du Soleil. Pour cette raison, la sonde Huygens a Ă©tĂ© incapable de dĂ©tecter la position de celui-ci lors de sa descente et, bien quâelle ait rĂ©ussi Ă prendre des images de la surface, lâĂ©quipe de chercheurs responsables de la sonde dĂ©crit le processus comme « photographier un parking recouvert dâasphalte au crĂ©puscule »[19].
La tempĂ©rature moyenne de lâatmosphĂšre au niveau du sol est de 94 K (â179 °C ou â290 °F) ; elle atteint un minimum de 72 K (â201 °C ou â330 °F) au niveau de la tropopause (Ă une altitude de 40 km).
Composition
LâatmosphĂšre de Titan est composĂ©e Ă 98,4 % de diazote â ce qui en fait la seule atmosphĂšre dense riche en azote du SystĂšme solaire en dehors de la Terre â, le 1,6 % restant Ă©tant composĂ© de mĂ©thane et de traces dâautres gaz comme des hydrocarbures (dont lâĂ©thane, le diacĂ©tylĂšne, le mĂ©thylacĂ©tylĂšne, lâacĂ©tylĂšne et le propane), du cyanoacĂ©tylĂšne, du cyanure d'hydrogĂšne, du dioxyde de carbone, du monoxyde de carbone, du cyanogĂšne, de lâargon et de lâhĂ©lium[6].
Les chercheurs de la NASA pensent que les hydrocarbures forment la haute atmosphĂšre. Ils proviennent de rĂ©actions de dissociation du mĂ©thane par la lumiĂšre ultraviolette du soleil, qui produisent un Ă©pais smog orangĂ©. Titan nâa aucun champ magnĂ©tique et orbite parfois en dehors de la magnĂ©tosphĂšre de Saturne, lâexposant directement au vent solaire. Il est possible que certaines molĂ©cules soient ionisĂ©es et emportĂ©es en dehors de la haute atmosphĂšre. En , des scientifiques dĂ©couvrent des anions lourds dans lâionosphĂšre de Titan et estiment que ceux-ci tombent vers les rĂ©gions plus basses pour former la brume orange qui obscurcit la surface du satellite. Leur structure nâest pas connue, mais il pourrait sâagir de tholins formant les bases de molĂ©cules plus complexes, comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques[20] - [21] - [22]. Ces rĂ©sidus atmosphĂ©riques pourraient avoir formĂ© des couches plus ou moins Ă©paisses et ainsi recouvrir certaines parties de la surface de Titan dâune sorte de bitume. Les traces dâĂ©coulement observĂ©es par la mission Cassini-Huygens sont bien plus sombres que le matĂ©riau sur lequel elles serpentent. Il est probable quâelles soient recouvertes de tholins apportĂ©s par les pluies dâhydrocarbures liquides qui lessivent les parties apparaissant plus claires.
En 2013, les chercheurs du Dapnia, un institut du CEA situé à Saclay, découvrent du propÚne dans l'atmosphÚre de Titan en analysant les mesures de la sonde Cassini[23].
Vents
La circulation atmosphĂ©rique suit la direction de la rotation de Titan, dâouest en est[24]. Les observations de lâatmosphĂšre effectuĂ©es par Cassini en 2004 suggĂšrent que lâatmosphĂšre tourne plus rapidement que la surface[25].
IonosphĂšre
LâionosphĂšre de Titan est plus complexe que celle de la Terre. La partie principale se situe Ă 1 200 km dâaltitude, mais une couche additionnelle de particules chargĂ©es est prĂ©sente Ă 63 km dâaltitude. LâatmosphĂšre de Titan est donc en quelque sorte sĂ©parĂ©e en deux chambres rĂ©sonnantes aux ondes radio distinctes. Titan Ă©met des ondes Ă trĂšs basse frĂ©quence dont lâorigine nâest pas connue, car il ne semble pas y avoir dâactivitĂ© orageuse intense[13].
Généralités
- Photographie de Titan en fausses couleurs, montrant des dĂ©tails de la surface et de lâatmosphĂšre. Xanadu est la rĂ©gion brillante situĂ©e dans le centre-droit.
- Vue de Titan par la mission Cassini, le . Cette mosaĂŻque de neuf images montre des variations dâĂ©clat de la surface de Titan et des nuages lumineux prĂšs du pĂŽle sud. La rĂ©gion la plus lumineuse du cĂŽtĂ© droit et la rĂ©gion Ă©quatoriale portent le nom de Xanadu, tandis que la plus sombre s'appelle Shangri-La. La surface semble jeune du fait de l'absence de cratĂšre visible.
- Image recomposée de Titan en infrarouge vu par la sonde Cassini en . Le bleu représente les longueurs d'onde centrées sur 1,3 ”m, le vert sur 2,0 et le rouge sur 5,0.
La surface de Titan est dĂ©crite comme « complexe, produite par des fluides et gĂ©ologiquement jeune »[26]. La sonde Cassini utilise un altimĂštre radar et un radar Ă synthĂšse dâouverture pour cartographier certaines zones de Titan pendant ses survols. Les premiĂšres images rĂ©vĂšlent une gĂ©ologie diversifiĂ©e, comportant des rĂ©gions lisses et dâautres irrĂ©guliĂšres. Dâautres semblent dâorigine volcanique, probablement liĂ©es Ă un dĂ©gorgement dâeau mĂ©langĂ©e Ă de lâammoniac. Certaines zones sont susceptibles dâavoir Ă©tĂ© crĂ©Ă©es par des particules poussĂ©es par le vent[27] - [28]. Globalement, la surface est relativement plate, les quelques zones ressemblant Ă des cratĂšres dâimpact semblent avoir Ă©tĂ© remplies, peut-ĂȘtre par des pluies dâhydrocarbures ou des volcans. LâaltimĂ©trie radar suggĂšre que les variations dâaltitude sont faibles, typiquement de lâordre de 150 m. NĂ©anmoins, certaines zones atteignent jusquâĂ 500 m de dĂ©nivelĂ© et Titan possĂšde des montagnes, certaines hautes de plusieurs centaines de mĂštres, jusquâĂ plus dâun kilomĂštre[29].
La surface de Titan est marquĂ©e par de grandes rĂ©gions de terrain clair ou foncĂ©. Parmi celles-ci, Xanadu est une zone Ă©quatoriale rĂ©flĂ©chissante d'une surface Ă©gale Ă celle de lâAustralie. Elle est identifiĂ©e pour la premiĂšre fois grĂące Ă des images prises dans lâinfrarouge par le tĂ©lescope spatial Hubble en 1994, puis observĂ©e par la suite par la sonde Cassini. Cette rĂ©gion est couverte de collines et parcourue de vallĂ©es et de gouffres[30]. Elle est traversĂ©e par endroits par des lignes sombres sinueuses ressemblant Ă des crĂȘtes ou des crevasses. Celles-ci pourraient ĂȘtre dâorigine tectonique et indiquer que Xanadu est une zone gĂ©ologiquement jeune. Il pourrait Ă©galement sâagir de canaux dâorigine liquide, suggĂ©rant au contraire un terrain ancien Ă©rodĂ© par des ruisseaux[31]. Des zones sombres de taille similaire existent ailleurs sur la lune et sont observĂ©es depuis lâespace comme depuis le sol ; il pourrait s'agir de lacs de mĂ©thane et dâĂ©thane, mais les observations rĂ©centes de Cassini semblent indiquer que ce nâest pas le cas.
En 2005, le module Huygens se pose sur Titan Ă lâest de la rĂ©gion nommĂ©e Adiri et photographie des collines pĂąles traversĂ©es de « riviĂšres » sombres se dirigeant vers une plaine Ă©galement sombre. Ces collines seraient composĂ©es de glace dâeau. Des composĂ©s organiques sombres, crĂ©Ă©s dans la haute atmosphĂšre de Titan par le rayonnement ultraviolet du Soleil, pourraient pleuvoir sur ces montagnes. Ils seraient ensuite lessivĂ©s par la pluie de mĂ©thane et dĂ©posĂ©s sur les plaines[32].
AprĂšs sâĂȘtre posĂ©, Huygens photographie une plaine sombre couverte de petits rochers et de cailloux, tous composĂ©s de glace dâeau[32]. Des signes dâĂ©rosion sont visibles Ă la base des rochers, indiquant une possible activitĂ© fluviale. La surface se rĂ©vĂšle alors plus sombre que prĂ©vu et est composĂ©e dâun mĂ©lange dâeau et de glace dâhydrocarbures. Le « sol » visible dans les images prises par la sonde pourrait sâĂȘtre formĂ© par prĂ©cipitation dâhydrocarbures. Il est possible que des rĂ©gions de la surface de Titan soient recouvertes dâune couche de tholins, sans que ce point ait pu ĂȘtre encore confirmĂ©[33].
Une cartographie complÚte de Titan avec une résolution inférieure au kilomÚtre a été publiée en 2019, basée sur les données de la sonde Cassini[34].
Liquides
Les conditions de tempĂ©rature et de pression Ă la surface de Titan permettent au mĂ©thane et Ă lâĂ©thane dâexister sous forme liquide. Titan et la Terre sont les seuls objets du systĂšme solaire Ă la surface desquelles existent des Ă©tendues liquides[36]. La prĂ©sence de mĂ©thane liquide Ă la surface permettrait dâexpliquer la grande quantitĂ© de mĂ©thane dans lâatmosphĂšre. Cette hypothĂšse a Ă©tĂ© formulĂ©e lorsque les planĂ©tologues se sont rendu compte du phĂ©nomĂšne de destruction du mĂ©thane atmosphĂ©rique, au cours des annĂ©es 1970. LâhypothĂšse dâun ocĂ©an planĂ©taire dâhydrocarbures est mĂȘme envisagĂ©e mais les premiĂšres observations de la surface de Titan en infrarouge et en ondes radio depuis la Terre rĂ©futent cette possibilitĂ©. Les sondes Voyager montrent que lâatmosphĂšre de Titan est compatible avec lâexistence de liquides, mais une preuve directe nâest obtenue quâen 1995, lorsque des donnĂ©es du tĂ©lescope Hubble ainsi que dâautres observations ont suggĂ©rĂ© lâexistence sur Titan de mĂ©thane liquide sous forme soit de poches disjointes soit de lacs et de mers de la taille dâocĂ©ans[37].
La mission Cassini ne confirme pas immĂ©diatement cette derniĂšre hypothĂšse. En effet, lorsque la sonde arrive dans le systĂšme de Saturne en 2004, les chercheurs de la NASA et de lâESA espĂšrent que des lacs dâhydrocarbures soient dĂ©tectables par la rĂ©flexion du Soleil Ă leur surface, mais aucune rĂ©flexion spĂ©culaire nâest initialement observĂ©e[38]. De nombreuses images â qui furent prises par Cassini en 2004 et 2005 â Ă©voquant des cĂŽtes sâavĂšreront finalement nâĂȘtre que des limites entre zones claires et zones sombres[39].
Câest en , au pĂŽle sud, que le premier lac potentiel est identifiĂ© sous lâaspect dâune zone trĂšs sombre, a posteriori nommĂ©e Ontario Lacus. Ce lac a probablement Ă©tĂ© crĂ©Ă© par les prĂ©cipitations des nuages qui se concentrent Ă cet endroit[40]. Ă la suite du survol du , Cassini prend les images des latitudes nord du satellite et met en Ă©vidence de grandes zones lisses (et donc sombres au radar) qui constellent la surface prĂšs du pĂŽle[41]. Sur la base de ces observations, lâexistence de lacs remplis de mĂ©thane Ă la surface de Titan est alors confirmĂ©e en janvier[42] - [43]. LâĂ©quipe scientifique de CassiniâHuygens conclut que les rĂ©gions imagĂ©es sont selon toute vraisemblance des lacs dâhydrocarbures, devenant ainsi les premiĂšres Ă©tendues de liquide stables dĂ©couvertes en dehors de la Terre. Certaines dâentre elles sont localisĂ©es dans des dĂ©pressions topographiques et semblent possĂ©der des canaux associĂ©s avec du liquide[42]. Les petits lacs de mĂ©thane aux bords abrupts pourraient ĂȘtre des maars rĂ©sultant de la vaporisation explosive d'azote liquide en sub-surface[44].
En , l'altimĂštre radar de la sonde Cassini cartographie les chenaux de Vid Flumina, un rĂ©seau hydrographique reliĂ© Ă Ligeia Mare, une mer d'hydrocarbures (la seconde de Titan, par la taille). L'analyse des Ă©chos radar montre que Vid Flumina est formĂ© de canyons profonds (jusqu'Ă â 570 âm) et escarpĂ©s. Le fond des canyons montre une rĂ©flexion spĂ©culaire caractĂ©ristique des surfaces liquides, Ă la mĂȘme altitude (Ă 70 cm prĂšs) que la surface de Ligeia Mare, ce qui indique un rĂ©seau ennoyĂ©. Des affluents d'altitude supĂ©rieure montrent Ă©galement une rĂ©flexion spĂ©culaire, ce qui en fait un rĂ©seau d'Ă©coulement du mĂ©thane liquide vers le rĂ©seau ennoyĂ© et Ligeia Mare. Titan est, avec la Terre, le seul objet du SystĂšme solaire qui soit sujet Ă de l'Ă©rosion active par des Ă©coulements de liquide[45] - [46].
CratĂšres
La sonde Cassini ne dĂ©couvre que peu de cratĂšres dâimpact Ă la surface de Titan, ce qui suggĂšre une surface jeune. Parmi les cratĂšres dĂ©couverts, les plus notables sont Menrva, le plus grand avec un bassin de 440 km de diamĂštre Ă plusieurs anneaux[47] ; Sinlap, un cratĂšre Ă fond plat de 80 km de diamĂštre[48] ; et Ksa, un cratĂšre de 30 km de large possĂ©dant un pic central et un plancher sombre[49]. Cassini met Ă©galement en Ă©vidence des « cratĂ©riformes », des objets circulaires Ă la surface de Titan qui pourraient ĂȘtre liĂ©s Ă des impacts, mais qui ne possĂšdent pas certaines caractĂ©ristiques rendant leur identification certaine. Par exemple, un anneau de matĂ©riau clair de 90 km de diamĂštre nommĂ© Guabonito[50] pourrait ĂȘtre un cratĂšre rempli de sĂ©diments sombres. Dâautres zones similaires sont observĂ©es dans les rĂ©gions sombres nommĂ©es Shangri-la et Aaru. Des objets circulaires sont Ă©galement observĂ©s par Cassini dans la rĂ©gion claire Xanadu lors du survol du [51].
Des modĂšles de trajectoires et dâangles dâimpact rĂ©alisĂ©s avant la mission Cassini suggĂšrent que lors dâun impact avec la croĂ»te dâeau glacĂ©e, une petite partie des Ă©jectas aqueux reste Ă lâĂ©tat liquide dans le cratĂšre. Celle-ci pourrait demeurer Ă lâĂ©tat liquide pendant plusieurs siĂšcles, une durĂ©e suffisante pour la synthĂšse de molĂ©cules prĂ©curseurs Ă lâapparition de la vie[52]. LâatmosphĂšre de Titan pourrait Ă©galement jouer un rĂŽle de bouclier en divisant par deux le nombre d'impacts et donc de cratĂšres Ă sa surface[53].
Cryovolcanisme et montagnes
Titan est sujet au cryovolcanisme. De lâargon 40 dĂ©tectĂ© dans lâatmosphĂšre indique que des volcans expulsent des panaches non pas de lave mais de liquides composĂ©s dâeau et dâammoniac[54]. Cassini ayant dĂ©tectĂ© des Ă©missions de mĂ©thane provenant dâun cryovolcan, la communautĂ© scientifique pense dĂ©sormais que ce volcanisme est une source significative de la prĂ©sence de mĂ©thane dans lâatmosphĂšre[32] - [55]. Lâun des premiers objets observĂ©s par Cassini, Ganesa Macula, ressemble Ă certains volcans de VĂ©nus et est suspectĂ© dâĂȘtre dâorigine cryovolcanique[56]. La pression nĂ©cessaire pour alimenter les cryovolcans pourrait ĂȘtre gĂ©nĂ©rĂ©e par la couche de glace externe de Titan. La glace, surplombant une couche de sulfate dâammonium liquide, pourrait flotter vers le haut et ce systĂšme instable pourrait produire des Ă©panchements brutaux. Des grains de glace et de la cendre de sulfate dâammonium feraient surface de cette façon[57].
Une chaĂźne de montagnes mesurant 150 km de long, 30 km de large et 1,5 km de haut est dĂ©couverte par Cassini en 2006. Cette chaĂźne, situĂ©e dans lâhĂ©misphĂšre sud, serait composĂ©e dâun matĂ©riau glacĂ© recouvert dâune glace de mĂ©thane. Le mouvement des plaques tectoniques, peut-ĂȘtre influencĂ© par un bassin dâimpact proche, pourrait avoir ouvert une brĂšche Ă travers laquelle le matĂ©riau a fait surface[58].
Les montagnes de Titan sont nommées suivant les noms fictifs donnés par Tolkien dans son univers littéraire fantastique.
Dunes
Sur les premiĂšres images de la surface de Titan prises depuis la Terre au dĂ©but des annĂ©es 2000, de grandes rĂ©gions sombres sont mises en Ă©vidence Ă cheval sur lâĂ©quateur[59]. Avant lâarrivĂ©e de Cassini, les chercheurs pensaient que ces rĂ©gions Ă©taient des mers de matiĂšre organique, de bitume ou d'hydrocarbures liquides[60]. Les images radar prises par Cassini rĂ©vĂšlent que certaines de ces rĂ©gions sont en rĂ©alitĂ© de grandes plaines recouvertes de dunes, certaines mesurant jusquâĂ 330 mĂštres de hauteur[61]. Des dunes de ce type seraient formĂ©es par des vents modĂ©rĂ©ment variables qui soufflent dans une direction moyenne ou alternent entre deux directions distinctes. Dans le cas de Titan, des vents zonaux constants se combineraient avec des vents de marĂ©es variables[62]. Ces derniers rĂ©sultent des forces de marĂ©e de Saturne sur lâatmosphĂšre de Titan, lesquelles sont 400 fois plus importantes que celles de la Lune sur la Terre et tendent Ă orienter le vent vers lâĂ©quateur. Ces motifs de vent conduisent les dunes Ă se former sur de longues lignes parallĂšles orientĂ©es dâouest en est. Ces dunes se brisent autour des montagnes, oĂč la direction du vent change. Selon Athena Coustenis de lâobservatoire de Paris-Meudon, ces dunes seraient au contraire formĂ©es de poussiĂšres dont la densitĂ© est bien moindre que sur Terre, oĂč les grains de sable sont formĂ©s de dioxyde de silicium. Des vents rĂ©guliers de faible puissance suffiraient donc Ă mettre les sables titaniens en mouvement.
Le sable sur Titan pourrait sâĂȘtre formĂ© Ă la suite de l'Ă©coulement du mĂ©thane liquide responsable de lâĂ©rosion du substrat de glace, peut-ĂȘtre sous la forme de crues. Il pourrait Ă©galement provenir de solides organiques produits lors de rĂ©actions photochimiques dans lâatmosphĂšre du satellite[63] - [61] - [62].
Orbite
Titan parcourt son orbite autour de Saturne en 15 jours et 22 heures. Comme la Lune et de nombreux autres satellites des gĂ©antes gazeuses, sa pĂ©riode orbitale est identique Ă sa pĂ©riode de rotation : Titan est donc en rotation synchrone avec Saturne. Son excentricitĂ© orbitale atteint 0,0288 et son inclinaison 0,348° par rapport Ă lâĂ©quateur de Saturne[64]. Titan est situĂ© Ă 1,2 million de kilomĂštres de Saturne (soit 20 rayons saturniens). Il est le vingtiĂšme satellite confirmĂ© en partant du centre de la planĂšte, le sixiĂšme des sept satellites de la planĂšte suffisamment grands pour possĂ©der une forme sphĂ©rique (seul Japet est plus externe).
Les orbites de Titan et d'HypĂ©rion â un petit satellite irrĂ©gulier â sont en rĂ©sonance 3:4 : Titan effectue quatre orbites autour de Saturne quand HypĂ©rion en accomplit trois. Sur la base des modĂšles de formation du systĂšme saturnien, HypĂ©rion se serait probablement formĂ© dans cet Ăźlot de stabilitĂ© orbitale, Titan ayant absorbĂ© ou Ă©jectĂ© les objets situĂ©s en dehors[65].
Climat
La tempĂ©rature Ă la surface de Titan est dâenviron 94 K (â179 °C). Ă cette tempĂ©rature, la glace dâeau ne se sublime pas et lâatmosphĂšre est presque entiĂšrement dĂ©nuĂ©e de vapeur d'eau. Le brouillard de lâatmosphĂšre contribue Ă un contre-effet de serre en rĂ©flĂ©chissant la lumiĂšre du soleil : la surface de Titan est nettement plus froide que sa haute atmosphĂšre[66]. Les nuages de Titan, probablement composĂ©s de mĂ©thane, dâĂ©thane et d'autres composĂ©s organiques simples, sont Ă©pars et variables et ponctuent lâensemble du brouillard[10]. Ce mĂ©thane atmosphĂ©rique crĂ©e quant Ă lui un effet de serre sans lequel la surface de Titan serait encore plus froide[67]. Les donnĂ©es de la sonde Huygens indiquent quâil pleut pĂ©riodiquement du mĂ©thane liquide, ainsi que dâautres composĂ©s organiques, depuis lâatmosphĂšre jusquâĂ la surface de la lune[68]. En , une augmentation de lâopacitĂ© apparente des nuages au-dessus de la rĂ©gion Ă©quatoriale de Xanadu est mesurĂ©e, suggĂ©rant une « bruine de mĂ©thane », bien quâil nây ait aucune preuve directe de pluies[69].
Les simulations de la configuration globale des vents, fondĂ©es sur les donnĂ©es de la vitesse des vents prises par Huygens durant sa descente, ont suggĂ©rĂ© que lâatmosphĂšre de Titan circule dans une Ă©norme et unique cellule de Hadley. Lâair chaud monte dans lâhĂ©misphĂšre sud de Titan (hĂ©misphĂšre qui Ă©tait en « Ă©tĂ© » lors de la descente de Huygens) et descend dans lâhĂ©misphĂšre nord. Cela entraĂźne un dĂ©bit dâair de haute altitude du sud vers le nord, et un flux dâair Ă basse altitude du nord au sud. Une telle cellule de Hadley nâest possible que sur un systĂšme qui tourne lentement, ce qui est le cas de Titan[24]. La circulation du vent de pĂŽle Ă pĂŽle semble ĂȘtre centrĂ©e sur la stratosphĂšre ; les simulations suggĂšrent quâils changent tous les douze ans, avec une pĂ©riode de transition de trois ans, au cours de lâannĂ©e de Titan (Ă©quivalente Ă 30 annĂ©es terrestres)[70]. Cette cellule crĂ©e une bande globale de basse pression, ce qui correspond Ă une variation de zone de convergence intertropicale terrestre (ZCIT). Contrairement Ă la Terre, cependant, oĂč les ocĂ©ans limitent la ZCIT aux tropiques, sur Titan, la zone se promĂšne dâun pĂŽle Ă lâautre, transportant avec elle des nuages chargĂ©s dâune pluie de mĂ©thane. Cela signifie que Titan, en dĂ©pit de ses tempĂ©ratures glaciales, peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme ayant un climat tropical[71].
Le nombre de lacs de mĂ©thane visibles prĂšs du pĂŽle sud de Titan est nettement plus petit que le nombre observĂ© Ă proximitĂ© du pĂŽle nord. Quand le pĂŽle Sud est en Ă©tĂ© et le nord en hiver, une hypothĂšse se dĂ©gage selon laquelle les pluies de mĂ©thane sâabattent sur les pĂŽles en hiver et sâen Ă©vaporent en Ă©tĂ©[72].
Nuages
En septembre, Cassini a pris une image d'un gros nuage Ă une altitude de 40 km au-dessus du pĂŽle nord de Titan. Bien que le mĂ©thane soit connu pour se condenser dans lâatmosphĂšre de Titan, le nuage serait plus probablement composĂ© dâĂ©thane, car les particules dĂ©tectĂ©es mesuraient seulement de 1 Ă 3 ”m, et que lâĂ©thane pouvait aussi congeler Ă ces altitudes. En dĂ©cembre, Cassini a de nouveau observĂ© la couverture nuageuse et dĂ©tectĂ© du mĂ©thane, de lâĂ©thane et dâautres composĂ©s organiques. Le nuage mesurait plus de 2 400 km de diamĂštre, et Ă©tait toujours visible au cours dâun survol suivant, un mois plus tard. Une hypothĂšse est quâil pleut (ou, sâil fait suffisamment froid, quâil neige) sur le pĂŽle nord, les courants descendant Ă des latitudes septentrionales sont assez forts pour « souffler » les particules organiques sur la surface de la lune. Ce sont lĂ les preuves les plus solides qui plaident pour la vieille hypothĂšse du cycle mĂ©thanologique (analogue au cycle hydrologique terrestre) sur Titan[73].
Les nuages ont Ă©galement Ă©tĂ© trouvĂ©s dans le ciel titanien austral. Tout en couvrant gĂ©nĂ©ralement 1 % du disque de la lune, des explosions ont Ă©tĂ© observĂ©es dans la couverture nuageuse, qui sâĂ©tend alors rapidement Ă pas moins de 8 %. Une hypothĂšse conclut que les nuages se forment lors dâaccroissement de la lumiĂšre du Soleil pendant lâĂ©tĂ© titanien, gĂ©nĂ©rant un soulĂšvement dans lâatmosphĂšre, qui contribue Ă la convection. Cette explication est compliquĂ©e par le fait que la formation des nuages a Ă©tĂ© observĂ©e, non seulement aprĂšs le solstice dâĂ©tĂ©, mais Ă©galement Ă la mi-printemps. Lâaugmentation du taux dâ«humiditĂ© de mĂ©thane» au pĂŽle sud contribue Ă©ventuellement Ă lâaugmentation rapide de la taille des nuages[74]. La pĂ©riode estivale sur Titan dure environ quinze ans dans chaque hĂ©misphĂšre, lorsque lâorbite de Saturne, qui rĂ©git le mouvement de la lune, les fait alternativement pencher vers le Soleil[24]. Lors du changement de saison, lâĂ©thane commence Ă se condenser au-dessus du pĂŽle passant dans sa pĂ©riode hivernale[75].
Les modĂšles de recherche, qui sont Ă©tayĂ©s par les observations, suggĂšrent que des nuages titaniens se groupent sur des zones privilĂ©giĂ©es, et que la couverture nuageuse varie, selon sa distance Ă la surface, sur les diffĂ©rents paysages du satellite. Dans les rĂ©gions polaires (supĂ©rieures Ă 60° de latitude), des nuages dâĂ©thane rĂ©pandus et durables apparaissent dans et au-dessus de la troposphĂšre ; Ă des latitudes infĂ©rieures, ce sont principalement des nuages de mĂ©thane qui se trouvent entre 15 et 18 km dâaltitude, et sont plus sporadiques et localisĂ©s. Dans lâhĂ©misphĂšre dâĂ©tĂ©, des nuages de mĂ©thane sont frĂ©quents et Ă©pais mais sporadiques, et semblent se regrouper autour de 40° de latitude[70].
Les observations au sol rĂ©vĂšlent aussi des variations saisonniĂšres de la couverture nuageuse. Au cours de lâorbite de trente ans de Saturne, les systĂšmes nuageux de Titan semblent se manifester pendant vingt-cinq ans, puis se dissiper durant les quatre Ă cinq annĂ©es suivantes, avant de rĂ©apparaĂźtre[73].
Conditions prébiotiques et possible vie
La composition actuelle de lâatmosphĂšre de Titan semble assez proche de l'hypothĂšse faite pour celle de lâatmosphĂšre primitive de la Terre, câest-Ă -dire avant que les premiers organismes vivants n'aient commencĂ© Ă libĂ©rer de lâoxygĂšne. La prĂ©sence, au sein de lâatmosphĂšre de Titan, de molĂ©cules organiques complexes identiques Ă celles qui pourraient ĂȘtre Ă lâorigine de lâapparition de la vie sur Terre, fait de Titan un objet dâĂ©tude trĂšs intĂ©ressant pour les exobiologistes.
LâexpĂ©rience de Miller-Urey et dâautres expĂ©riences ultĂ©rieures dĂ©montrent quâil est possible de produire des molĂ©cules complexes et des polymĂšres, comme les tholins, Ă partir dâune atmosphĂšre similaire Ă celle de Titan soumise Ă un rayonnement ultraviolet. Les rĂ©actions dĂ©butent par la dissociation de lâazote et du mĂ©thane, formant du cyanure dâhydrogĂšne et de lâacĂ©tylĂšne. Des rĂ©actions ultĂ©rieures sont le sujet de nombreuses Ă©tudes[76].
Toutes ces expĂ©riences suggĂšrent quâil existe suffisamment de matĂ©riau organique sur Titan pour initier une Ă©volution chimique analogue Ă celle qui sâest produite sur Terre. Cette analogie suppose la prĂ©sence dâeau liquide sur de plus longues pĂ©riodes que ce qui est actuellement observĂ©, mais plusieurs thĂ©ories avancent que de lâeau liquide provenant dâun impact pourrait ĂȘtre prĂ©servĂ©e sous une couche isolante de glace[77]. Des ocĂ©ans dâammoniac liquide pourraient Ă©galement exister sous la surface[8] - [78] ; un modĂšle suggĂšre une couche dâeau et dâammoniac situĂ©e Ă 200 km de profondeur sous la croĂ»te, des conditions qui « semblent extrĂȘmes du point de vue terrestre, mais telles que la vie pourrait y survivre »[9]. Les transferts de chaleur entre lâintĂ©rieur et les couches externes sont critiques dans le maintien dâune vie dans un tel ocĂ©an[8].
La dĂ©tection dâune vie microbienne sur Titan dĂ©pend de ses effets biogĂ©niques : par exemple, une origine biologique du mĂ©thane et de lâazote de lâatmosphĂšre peut ĂȘtre prise en compte[9]. LâhydrogĂšne est citĂ© comme une molĂ©cule capable d'indiquer lâexistence de vie sur Titan : si une forme de vie produisant du mĂ©thane consomme de lâhydrogĂšne en volume suffisant, elle aura un effet mesurable sur leur concentration dans la troposphĂšre[79].
MalgrĂ© ces possibilitĂ©s, lâanalogie avec la Terre est inexacte. Ă cette distance du Soleil, Titan est glaciale (un effet accru par lâanti-effet de serre de sa couverture nuageuse), et son atmosphĂšre est dĂ©pourvue de dioxyde de carbone, qui est gelĂ© dans le sol, mĂ©langĂ© Ă la glace d'eau. Par contre, le mĂ©thane peut faire un effet de serre, mais seulement sur les bandes spectrales du rayonnement thermique Ă©mis Ă ces tempĂ©ratures trĂšs basses. Du fait de ces contraintes, le sujet de la vie sur Titan est sans doute mieux dĂ©crit comme une expĂ©rience permettant de tester les thĂ©ories traitant des conditions nĂ©cessaires prĂ©cĂ©dant le dĂ©veloppement de la vie sur Terre[80]. MĂȘme si la vie nây existe pas, les conditions prĂ©biotiques de lâenvironnement de Titan et la possible prĂ©sence dâune chimie organique restent dâun grand intĂ©rĂȘt dans la comprĂ©hension de lâhistoire primitive de la biosphĂšre terrestre[81].
Historique
DĂ©couverte
Titan est dĂ©couvert le par lâastronome nĂ©erlandais Christian Huygens, inspirĂ© par la dĂ©couverte des quatre satellites de Jupiter par GalilĂ©e en 1610 Ă lâaide dâun tĂ©lescope. La chance a Ă©tĂ© de son cĂŽtĂ© car il l'a observĂ© au moment oĂč l'anneau Ă©tait sur le point de se cacher. Mais il serait injuste d'attribuer Ă la chance tout le mĂ©rite de l'observation de Huygens. Lorsqu'il Ă©tait adolescent, d'autres astronomes avaient dĂ©jĂ repĂ©rĂ© ce point lumineux prĂšs de Saturne, mais l'avaient confondu avec une Ă©toile. Huygens a suivi avec tĂ©nacitĂ© la trajectoire du point autour de la planĂšte (il alla jusqu'Ă enregistrer 68 cycles pendant quatre ans) pour fixer sa pĂ©riode avec prĂ©cision[n 1]. Il contribue lui-mĂȘme Ă certaines avancĂ©es dans le domaine des tĂ©lescopes et dĂ©couvre Titan alors quâil cherche Ă Ă©tudier les anneaux de Saturne dont la nature nâest, Ă cette Ă©poque, pas encore connue[83]. Il publie sa dĂ©couverte la mĂȘme annĂ©e dans lâouvrage De Saturni Luna Observatio Nova.
Nom
Huygens nomme sa dĂ©couverte simplement Saturni Luna (ou Luna Saturni), nom latin qui signifie « lune de Saturne ». Lorsque Jean-Dominique Cassini dĂ©couvre quatre autres satellites de Saturne entre 1673 et 1686, les astronomes prennent lâhabitude dâappeler les cinq corps de Saturne I Ă Saturne V, Titan recevant le plus souvent le numĂ©ro quatre. Titan est officiellement numĂ©rotĂ© « Saturne IV » lorsque la numĂ©rotation est figĂ©e aprĂšs 1789. Ce nâest quâen 1847 que John Herschel, fils de William Herschel (dĂ©couvreur de Mimas et Encelade en 1789), propose que les dĂ©signations numĂ©riques soient remplacĂ©es par les noms de Titans, frĂšres et sĆurs de Cronos (Ă©quivalent de Saturne dans la mythologie grecque)[84].
Observation
Titan nâest jamais visible Ă lâĆil nu, mais peut ĂȘtre observĂ© Ă lâaide de petits tĂ©lescopes ou de bonnes jumelles. Son observation en amateur est difficile Ă cause de la proximitĂ© du globe de Saturne et du systĂšme annulaire. Câest pourquoi les observations du satellite sont peu nombreuses avant lâĂąge spatial. En 1907, lâastronome espagnol Josep Comas i SolĂĄ annonce quâil a observĂ© un assombrissement des bords du disque de Titan et deux zones blanches et rondes en son centre. En 1940, Gerard Kuiper dĂ©duit que Titan possĂšde une atmosphĂšre[85].
Exploration
La premiĂšre sonde Ă visiter Saturne est Pioneer 11 en 1979. Elle permet de dĂ©terminer que Titan Ă©tait probablement trop froid pour hĂ©berger toute forme de vie[86]. Lâengin prend les premiĂšres photos de la lune, mais celles-ci sont de faible qualitĂ©. Le premier plan rapprochĂ© de Titan est pris le [87].
Titan est ensuite approchĂ© par Voyager 1 en 1980 et Voyager 2 en 1981. La trajectoire de Voyager 1 est modifiĂ©e pour passer plus prĂšs de la lune, mais la sonde ne possĂšde aucun instrument capable de voir Ă travers lâatmosphĂšre du satellite, une caractĂ©ristique non envisagĂ©e lors de la rĂ©alisation de la sonde. Plusieurs annĂ©es aprĂšs, un traitement intensif des images prises par Voyager 1 Ă lâaide de son filtre orange suggĂšre lâexistence des rĂ©gions claires et sombres dĂ©sormais connues sous le nom de Xanadu et Shangri-la[88] mais, Ă ce moment-lĂ , elles ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© observĂ©es dans lâinfrarouge par le tĂ©lescope spatial Hubble. Voyager 2 ne passe pas Ă proximitĂ© de Titan. LâĂ©quipe responsable de la sonde a la possibilitĂ© de la placer soit sur une trajectoire lâamenant prĂšs du satellite, soit dans la direction dâUranus et Neptune. Du fait de lâexpĂ©rience de Voyager 1, la deuxiĂšme option est choisie.
CassiniâHuygens
Titan a Ă©tĂ© lâun des objectifs principaux de la mission Cassini-Huygens, la premiĂšre Ă ĂȘtre spĂ©cialement consacrĂ©e Ă lâexploration de Saturne et de son environnement. La mission est composĂ©e de deux parties distinctes : lâorbiteur Cassini, dĂ©veloppĂ© par la NASA, et le module dâexploration Huygens, dĂ©veloppĂ© par lâESA. LancĂ©e en , elle a atteint le systĂšme saturnien le .
Cassini, qui a Ă©tudiĂ© plusieurs satellites de Saturne, survole Titan et Ă©tudie lâastre au cours de passages rapprochĂ©s (fly-by), Ă lâaide principalement des instruments RADAR et VIMS. Le , la sonde prend des photographies en haute rĂ©solution de la surface de la lune, Ă seulement 1 200 km de distance, permettant de discerner des zones claires et sombres invisibles depuis la Terre. Le , Cassini commence le premier dâune sĂ©rie de plusieurs survols de Titan, tous Ă seulement 950 km du satellite. Des zones liquides sont supposĂ©ment dĂ©tectĂ©es prĂšs du pĂŽle nord, aprĂšs le seiziĂšme passage, sous la forme de plus de soixante-quinze lacs de mĂ©thane[41]. En avril, des mesures de Cassini indiquent que Titan nâest pas complĂštement sphĂ©rique, mais de forme ovale car aplati aux pĂŽles. Cette observation est compatible avec la prĂ©sence dâun ocĂ©an de mĂ©thane liquide sous sa surface[89]. Mais une Ă©tude publiĂ©e en dĂ©cembre propose au contraire lâexistence dâun ocĂ©an dâeau liquide avec une solution dâammoniac, sous une couche de glace de quelques dizaines de kilomĂštres dâĂ©paisseur[90].
Le module Huygens, destinĂ© Ă l'Ă©tude de l'atmosphĂšre de Titan, se pose sans encombre, le , Ă la surface de la lune saturnienne. Titan est ainsi devenu le cinquiĂšme astre sur lequel lâhomme a rĂ©ussi Ă faire atterrir un engin spatial, aprĂšs la Lune, VĂ©nus, Mars et lâastĂ©roĂŻde Eros. Titan est aussi le premier corps du SystĂšme solaire lointain (au-delĂ de la ceinture d'astĂ©roĂŻdes) et le premier satellite dâune autre planĂšte que la Terre sur lequel un objet terrestre se soit posĂ©.
Huygens est entiĂšrement consacrĂ© Ă lâĂ©tude de lâatmosphĂšre et de la surface du satellite. Il fournit de nombreuses informations au cours de sa descente dans lâatmosphĂšre et, une fois au sol, permet de dĂ©couvrir que de nombreuses zones de la surface semblent avoir Ă©tĂ© formĂ©es par lâĂ©coulement de liquides par le passĂ©[91].
Prochaine mission : Dragonfly
La prochaine mission qui doit explorer Titan est Dragonfly, sonde qui doit ĂȘtre lancĂ©e en 2027 et arriver Ă la surface de Titan en 2034[92]. Dragonfly a Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©e en tant que quatriĂšme mission du programme New Frontiers : ce programme de l'agence spatiale amĂ©ricaine, la NASA, regroupe des missions d'exploration du SystĂšme solaire dont le coĂ»t est plafonnĂ© Ă un milliard de dollars[93]. Dragonfly tire parti de la gravitĂ© de Titan, largement infĂ©rieure Ă celle de la Terre (13,8 %), et de son atmosphĂšre quatre fois plus Ă©paisse. Ces deux caractĂ©ristiques sont favorables Ă la mise en Ćuvre d'un engin volant. Dragonfly est ainsi un drone hĂ©licoptĂšre de 450 kg comportant quatre rotors d'un mĂštre de diamĂštre. Il est capable d'effectuer de courts vols en pilotage automatique d'environ huit kilomĂštres avant de se poser pour recharger ses batteries Ă l'aide d'un gĂ©nĂ©rateur thermoĂ©lectrique Ă radioisotope embarquĂ©. Durant la phase de vol (Ă une vitesse 36 km/h et une altitude plafonnĂ©e Ă 4 km), le drone analyse la composition de l'atmosphĂšre et Ă©tablit le profil vertical de celle-ci. Lorsqu'il est au sol, il Ă©tudie la composition des matĂ©riaux organiques et des glaces de la surface en utilisant un spectromĂštre de masse et un spectromĂštre gamma Ă neutrons actifs. Le drone dispose Ă©galement d'instruments pour Ă©tudier la mĂ©tĂ©orologie et effectuer des Ă©tudes sismiques[94] - [95].
La mission primaire de l'aérobot doit durer 2,7 années, au cours desquelles il devrait parcourir environ 175 kilomÚtres. Il doit atterrir dans le champ de dunes de Shangri-La et étudier notamment le cratÚre d'impact de Selk pour tenter d'identifier la présence passée d'eau sous forme liquide, d'éléments organiques et de l'énergie qui auraient pu permettre l'apparition de la vie. L'objectif scientifique principal est de mesurer la composition des matériaux dans différents terrains géologiques afin de déterminer comment la chimie prébiotique a évolué dans un environnement qui permet de disposer des éléments clés pour l'apparition de la vie : pyrimidines et acides aminés[96].
Autres projets passés ou futurs
La NASA et lâESA se sont regroupĂ©es pour Ă©laborer en 2007 une mission Ă destination de Titan qui prendrait la suite de Cassini : la Titan Saturn System Mission (TSSM). Cette mission, beaucoup plus ambitieuse que Cassini-Huygens, devait comporter trois parties : un orbiteur, une montgolfiĂšre et une sonde au sol. Le dĂ©part Ă©tait prĂ©vu pour 2020, avec une arrivĂ©e Ă destination vers 2030. Le projet a Ă©tĂ© abandonnĂ© en 2009[97].
La mission Titan Mare Explorer est proposée en 2011 dans le cadre du programme Discovery de la NASA. La sonde spatiale devait se poser à la surface de l'un des plus grands lacs de Titan, Ligeia Mare (superficie 100 000 km2) pour étudier ses caractéristiques et le cycle du méthane[98]. La mission fait partie des trois finalistes, mais c'est finalement la mission InSight qui est retenue[99].
En 2015, dans le cadre du programme NIAC de la NASA, un projet de sous-marin est proposé pour explorer Kraken Mare[100].
Titan dans la fiction
Dans l'univers Marvel, monde imaginaire dans lequel se passe l'action de la plupart des comics publiĂ©s par Marvel Comics, Titan est la base d'opĂ©rations d'une des branches des Ăternels, une des ramifications de l'humanitĂ©. Ătablie tout d'abord sur Terre, certains de ses reprĂ©sentants sont partis pour Uranus Ă la suite d'une guerre civile divisant leur peuple. AprĂšs la quasi-annihilation de ses reprĂ©sentants par les Krees, les survivants sont partis sur la lune de Saturne pour y trouver refuge. Ses reprĂ©sentants les plus cĂ©lĂšbres sont Kronos, considĂ©rĂ© par les hommes comme le dieu du Temps, et Thanos, le plus puissant des Ăternels de Titan.
Dans le film Oblivion de Joseph Kosinski avec Tom Cruise et Morgan Freeman, sorti en salles en 2013, la population terrienne se serait rĂ©fugiĂ©e sur Titan Ă la suite de l'invasion de la Terre par des ĂȘtres extraterrestres.
Dans le roman Les Joueurs de Titan de Phillip K. Dick, des extra-terrestres venus de Titan prennent le contrĂŽle de la Terre pour y instaurer un modĂšle socio-Ă©conomique fondĂ© sur un jeu de hasard. Une partie du roman se dĂ©roule Ă la surface de la lune saturnienne, dont la description diffĂšre de la rĂ©alitĂ©, le livre ayant Ă©tĂ© Ă©crit bien avant lâĂ©tude du satellite par la mission Cassini-Huygens, alors que Titan Ă©tait encore un monde trĂšs mystĂ©rieux dont les nuages n'avaient jamais pu ĂȘtre percĂ©s, et commençait Ă intĂ©resser les astronomes et le grand public.
Dans la bande dessinĂ©e de science fiction Shangri-La de Mathieu Bablet, qui se dĂ©roule dans un futur Ă©loignĂ©, la sociĂ©tĂ© Tianzhu Enterprises terraforme la lune Titan et crĂ©e une nouvelle espĂšce d'ĂȘtre humain particuliĂšrement rĂ©sistante, adaptĂ©e et destinĂ©e Ă vivre sur le satellite.
Notes et références
Notes
- Ainsi il ne masquait pas les abords de la planÚte par un excÚs de lumiÚre qui aurait rendu le satellite indétectable. Les huit premiÚres lunes de Saturne furent découvertes à des moments similaires, qui correspondent à ce qu'on appelle le « croisement du plan de l'anneau ». Le disque se présente alors de chant, c.a.d. sous son aspect le plus étroit, et sa grande surface ne réfléchit pas la lumiÚre solaire vers la Terre. Les croisements sont brefs et ne réapparaissent que tous les quatorze ans[82].
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Voir aussi
Bibliographie
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Articles connexes
Liens externes
- Ressource relative à la bande dessinée :
- (en) Comic Vine
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Jean-Pierre Lebreton (responsable scientifique Ă lâESA de la mission Cassini-Huygens), « Sous les brumes de Titan » (audio), podcasts de Ciel & Espace radio.
- (en) « Titan Profile », NASAâs Solar System Exploration (consultĂ© le )
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