AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Oxohalogénure

Un oxohalogĂ©nure ou oxyhalogĂ©nure est un composĂ© chimique dans lequel au moins un atome d'oxygĂšne et au moins un atome d'halogĂšne sont liĂ©s Ă  un autre Ă©lĂ©ment A dans une molĂ©cule unique. La formule gĂ©nĂ©rale des oxohalogĂ©nures est donc AOmXn, oĂč X = F, Cl, Br, ou I. L'Ă©lĂ©ment A peut faire partie du groupe principal, ĂȘtre un Ă©lĂ©ment de transition ou un actinide. Les oxohalogĂ©nures peuvent ĂȘtre vus comme des intermĂ©diaires entre les oxydes et les halogĂ©nures.

Le terme oxohalogĂ©nure peut aussi faire rĂ©fĂ©rence aux minĂ©raux et autres composĂ©s cristallins de mĂȘme formule chimique gĂ©nĂ©rale mais ayant une structure ionique.

Nomenclature

Si la nomenclature IUPAC du composé AOmXn est n-halogénure m-oxyde de A(nombre d'oxydation), les oxohalogénures sont en général simplement nommés sous la forme « oxyhalogénure de A » ou encore « halogénure de A-yle ».

Par exemple, la dénomination IUPAC du composé CrO2Cl2 est « dichlorure dioxyde de chrome », mais il est communément appelé chlorure de chromyle ou encore oxychlorure de chrome.

SynthĂšse

Chlorure de chromyle sous forme liquide et gazeuse.

Il existe en général trois méthodes de synthÚse des oxyhalogénures :

  • Oxydation partielle de l'halogĂ©nure :
2PCl3 + O2 → 2POCl3.

Dans cet exemple, l'état d'oxydation du phosphore augmente de deux, mais la charge électrique reste inchangée.

  • HalogĂ©nation partielle de l'oxyde :
2V2O5 + 6Cl2 + 3C → 4VOCl3 + 3CO2
  • Remplacement d'oxyde :
[CrO4]2− + 2Cl− + 4H+ → CrO2Cl2 + 4H2O

De plus, de nombreux oxohalogĂ©nures peuvent ĂȘtre produits par rĂ©action d'Ă©change d'halogĂšne, ce type de rĂ©action pouvant Ă©galement produire des oxohalogĂ©nures mixtes, tels que POFCl2 ou CrO2FCl.

Propriétés

Pour un Ă©tat d'oxydation donnĂ© d'un Ă©lĂ©ment A, si deux atomes d'halogĂšne remplacent un atome d'oxygĂšne (ou vice versa), la charge totale de la molĂ©cule reste inchangĂ©e, mais la coordinence augmente (ou diminue) de un. Par exemple, aussi bien l'oxychlorure de phosphore (POCl3) que le pentachlorure de phosphore (PCl5) sont des composĂ©s covalents neutres oĂč le phosphore est Ă  l'Ă©tat d'oxydation +5, mais dans le premier cas sa coordinence est de 4, alors qu'elle est de 5 dans le second. Si un atome d'oxygĂšne est simplement remplacĂ© par un atome d'halogĂšne, la charge de la molĂ©cule augmente d'une unitĂ©, mais la coordinence reste la mĂȘme.

Les oxohalogénures d'éléments dans un haut état d'oxydation sont des oxydants forts, avec un pouvoir oxydant similaire à l'oxyde ou l'halogénure correspondant. La plupart des oxohalogénures s'hydrolysent facilement. Par exemple, le chlorure de chromyle est hydrolysé en chromate par la réaction inverse de sa synthÚse. La force motrice de cette réaction est la formation d'une liaison A-O bien plus forte qu'une liaison A-Cl. Ceci résulte en une contribution enthalpique favorable à l'enthalpie libre de la réaction[1].

Beaucoup d'oxohalogĂ©nures peuvent agir comme des acides de Lewis. C'est particuliĂšrement le cas avec des oxohalogĂ©nures de coordinence 3 ou 4 qui, en acceptant une ou plusieurs paires d'Ă©lectron d'une base de Lewis, deviennent des composĂ©s de coordinence 5 ou 6. Les anions oxohalogĂ©nures tels que [VOCl4]2− peuvent ĂȘtre vus comme des complexes acide-base de l'oxohalogĂ©nure (VOCl2) avec plus d'ions halogĂ©nure agissant comme des bases de Lewis. Un autre exemple est VOCl2 qui forme un complexe bipyramidal trigonal VOCl2(N(CH3)3)2 avec la base trimĂ©thylamine[2].

Le spectre vibrationnel de nombreux oxohalogĂ©nures a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© en dĂ©tail. Il donne des informations utiles concernant la force relative de liaison. Par exemple, dans CrO2F2, la vibration d'Ă©longation de Cr–O est Ă  1 006 cm-1 et 1 016 cm-1 alors que celle de Cr–F est Ă  727 cm-1 et 789 cm-1. Une telle diffĂ©rence est bien trop grande pour ĂȘtre seulement due Ă  une diffĂ©rence de masse entre les atomes d'oxygĂšne et de fluor ; elle montre plutĂŽt que la liaison Cr–O est bien plus forte que la liaison Cr–F. Les liaisons A–O sont en gĂ©nĂ©ral considĂ©rĂ©es comme Ă©tant des liaisons doubles, ce qui est confirmĂ© par la mesure des longueurs de liaison A–O. Ceci implique que les Ă©lĂ©ments A et O sont liĂ©s par des liaisons σ et π[3].

Les oxohalogénures d'éléments dans des hauts états d'oxydation ont une couleur intense du fait des transitions de transfert de charge entre le ligand et le métal[4].

ÉlĂ©ments du groupe principal

F5AOAF5 (A = S, Se, Te)
TĂ©flate de bore. Code couleur : rose : B, rouge : O, orange-brun : Te, jaune-vert : F.
  • ChalcogĂšnes : le soufre forme des oxohalogĂ©nures[7] Ă  l'Ă©tat d'oxydation +4, tels que le chlorure de thionyle, SOCl2 ou Ă  l'Ă©tat d'oxydation +6, tels que le fluorure de sulfuryle, SO2F2 et le tĂ©trafluorure de thionyle, SOF4. Tous ces composĂ©s s'hydrolysent facilement. Le chlorure de thionyle est d'ailleurs utilisĂ© comme dĂ©shydratant, les molĂ©cules d'eau Ă©tant converties en produits gazeux, laissant derriĂšre elles un solide anhydre[8].
    MgCl2·6H2O + 6SOCl2 → MgCl2 + 6SO2 + 12 HCl
    • Le sĂ©lĂ©nium et le tellure forment des composĂ©s similaires, mais aussi des espĂšces oxo-pontĂ©es du type F5AOAF5 (A = S, Se, Te). Ces composĂ©s sont non-linĂ©aires avec un angle de liaison A-O-A de 142,5, 142,4 et 145,5° respectivement pour S, Se et Te[9]. L'anion de tellure [TeOF5]−, connu sous le nom de tĂ©flate, est un gros anion, plutĂŽt stable, utile pour former des sels stables de gros cations[8].
  • HalogĂšnes : les halogĂšnes forment de nombreux oxofluorures, XO2F, XO3F et XOF3 avec X = Cl, Br et I. On connaĂźt Ă©galement les composĂ©s IO2F3 et IOF5[10].
  • Gaz nobles : oxytĂ©trafluorure de xĂ©non, XeOF4

MĂ©taux de transition et actinides

Structure cristalline de Ti[ClO4]4. Couleurs : gris : Ti, vert : Cl, rouge : O[11].
Structure des ions [Ta2OX10]2− et [M2OCl10]4− (M=W, Ru, Os)

Ci-dessous est présentée une sélection d'oxohalogénures connus de métaux de transition[12]. X représente les différents halogÚnes halides, le plus souvent F et Cl.

  • État d'oxydation +3 : VOCl, VOBr[13], FeOCl
  • État d'oxydation +4 : [TiOCl4]2−, Cl3TiOTiCl3, VOCl2, [VOCl4]2−
  • État d'oxydation +5 : VOX3,VO2X, [CrOF4]−, [CrOF5]2−, MnOCl3, TcOCl3. Exemples : oxytrichlorure de vanadium, VO2Cl, oxychlorure de niobium
  • État d'oxydation +6 : MnO2Cl2, CrO2X2, [CrO3Cl]−, ReOX4, ReO2F2, OsOF4. Exemples : fluorure de chromyle, chlorure de chromyle, dichlorure dioxyde de tungstĂšne, oxytĂ©trachlorure de tungstĂšne
  • État d'oxydation +7 : MnO3Cl, ReOF5, ReO2F3, ReO3Cl, OsOF5
  • État d'oxydation +8 : OsO2F4, OsO3F2

Le fait que les métaux soit à un haut état d'oxydation vient du fait que l'oxygÚne est un oxydant fort, tout comme le fluor. Le brome et l'iode sont des oxydants relativement faibles, on connaßt donc beaucoup moins d'oxobromures et d'oxoiodures. Les structures de ces composés sont facilement prédites par la théorie VSEPR. Ainsi, CrO2Cl2 est tétraédrique, OsO3F2 est bipyramidal trigonal, XeOF4 est pyramidal à base carrée et OsOF5 est octaédrique[14]. Un cas intéressant est ReOCl4 qui a une structure pyramidale à base carrée, mais avec un seul électron au lieu d'un doublet non-liant en position 6.

[AgOTeF5−(C6H5CH3)2]2. Couleurs: noir : C, jaune-vert : F, rouge : O, brun : Te, gris : Ag[15].

Les composĂ©s [Ta2OX10]2− et [M2OCl10]4− (M = W, Ru, Os) ont deux groupes MX5 joints par un pont oxygĂšne[16], chaque mĂ©tal Ă©tant dans un environnement octaĂ©drique. La structure M—O—M inhabituellement linĂ©aire peut ĂȘtre expliquĂ©e en termes d'orbitales molĂ©culaires, indiquant la prĂ©sence ode liaisons dπ — pπ entre les atomes de mĂ©tal et d'oxygĂšne[17]. Les ponts oxygĂšne ont aussi des configurations plus complexes telles que M(cp)2(OTeF5)2 (M = Ti, Zr, Hf, Mo or W; cp = η5−C5H5)[18] ou [AgOTeF5−(C6H5CH3)2]2[15].

Dans la sĂ©rie des actinides, les composĂ©s d'uranyle tels que UO2Cl2 et [UO2Cl4]2− sont bien connus et contiennent une moitiĂ© UO2 linĂ©aire. Des composĂ©s similaires existent pour le neptunium et le plutonium.

Minéraux et composés ioniques

Structure cristalline de la bismoclite. Couleurs : rouge : O, vert : Cl, gris : Bi.

L'oxychlorure de bismuth (BiOCl, ou bismoclite) est un rare exemple d'oxohalogĂ©nure minĂ©ral. Sa structure cristalline possĂšde une symĂ©trie tĂ©tragonale et peut ĂȘtre dĂ©crite comme une sĂ©rie de couches d'ions Cl−, Bi3+ et O2− dans l'ordre Cl-Bi-O-Bi-Cl-Cl-Bi-O-Bi-Cl. Cette structure multi-feuillet, similaire Ă  celle du graphite, rĂ©sulte en une faible duretĂ© relative de la bismoclite (2–2,5 dans l'Ă©chelle de Mohs), ainsi que de la plupart des autres oxohalogĂ©nures minĂ©raux[19]. On peut citer parmi eux la terlinguaĂŻte Hg2OCl[20], ou la mendipite, Pb3O2Cl2.

Les éléments fer, antimoine, bismuth et lanthane forment des oxochlorures de formule générale MOCl. On connaßt aussi les composés MOBr et MOI pour Sb et Bi, et la plupart de leurs structures cristallines ont été déterminées[21].

Notes et références

  1. Greenwood & Earnshaw, p. 1023
  2. Greenwood & Earnshaw, p. 996.
  3. K. Nakamoto, Infrared and Raman spectra of inorganic and coordination compounds, 5e Ă©d., Partie A, Wiley, 1997 (ISBN 0-471-19406-9), Tables II-4c, II-6g, II-6h, II-7b, II-8c
  4. Shriver & Atkins, Figure 13.8, p. 447
  5. Shriver & Atkins, p. 358
  6. Housecroft & Sharpe, p. 329–330
  7. Housecroft & Sharpe, p. 365–367
  8. Shriver & Atkins, p. 397
  9. Heinz Oberhammer et Konrad Seppelt, « Molecular Structure of F5SOSF5, F5SeOSeF5, and F5TeOTeF5: d-Orbital Participation in Bonds between Main Group Elements », Angewandte Chemie International Edition, vol. 17, no 1,‎ , p. 69–70 (DOI 10.1002/anie.197800691)
  10. Housecroft & Sharpe, p. 395
  11. Mohieddine Fourati, Moncef Chaabouni, Claude Henri Belin, Monique Charbonnel, Jean Louis Pascal et Jacqueline Potier, « A strongly chelating bidentate CLO4. New synthesis route and crystal structure determination of Ti(CLO4)4 », Inorg. Chem., vol. 25, no 9,‎ , p. 1386–1390 (DOI 10.1021/ic00229a019)
  12. Greenwood & Earnshaw, chapitres 22–25, section Halides and oxohalides
  13. Greenwood & Earnshaw p. 993.
  14. Housectroft & Sharpe, Chapters 21 and 22 illustrate many structures, including M-O and M-Cl bond lengths.
  15. Steven H. Strauss, Mark D. Noirot et Oren P. Anderson, « Preparation and characterization of silver(I) teflate complexes: bridging OTeF5 groups in the solid state and in solution », Inorg. Chem., vol. 24, no 25,‎ , p. 4307–4311 (DOI 10.1021/ic00219a022)
  16. John. C. Dewan et Edwards, Anthony J.; Calves, Jean Y.; Guerchais, Jacques E., « Fluoride crystal structures. Part 28. Bis(tetraethylammonium)”-oxo-bis[pentafluorotantalate(V)] », J. Chem. Soc., Dalton Trans., no 10,‎ , p. 978–980 (DOI 10.1039/DT9770000978). La structure est illustrĂ©e dans Housectroft & Sharpe, Figure 22.5.
  17. Housectroft & Sharpe, Figure 22.15.
  18. Martin C. Crossman, Eric G. Hope et Graham C. Saunders, « Cyclopentadienyl metal teflate (OTeF5) complexes », J. Chem. Soc., Dalton Trans., no 4,‎ , p. 509–511 (DOI 10.1039/DT9960000509)
  19. (en) Handbook of Mineralogy, vol. III (Halides, Hydroxides, Oxides), Chantilly, VA, Mineralogical Society of America, PDF (ISBN 0-9622097-2-4, lire en ligne), « Bismoclite »
  20. W. F. Hillebrand et W. T. Schaller, « Art. XXVI. The Mercury Minerals from Terlingua, Texas: Kleinite, Terlinguaite, Eglestonite, Montroydite, Calomel, Mercury », The American Journal of Science, no 139,‎ , p. 259–274 (lire en ligne, consultĂ© le )
  21. Wells, p. 390–392

Bibliographie

  • (en) Norman N. Greenwood et Alan Earnshaw, Chemistry of the Elements, Butterworth-Heinemann, (ISBN 0080379419)
  • Housecroft, C. E. et Sharpe, A. G., Inorganic Chemistry, 2e Ă©d., Pearson Prentice-Hall 2005 (ISBN 0-582-31080-6)
  • Shrivr, D. F. et Atkins, P. W., Inorganic Chemistry, 3e Ă©d., Oxford University Press, 1999 (ISBN 0-19-850330-X)
  • A. F. Wells, Structural Inorganic Chemistry, Oxford, Clarendon Press, , 3e Ă©d., 384–392 p. (ISBN 0-19-855125-8).
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.