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Nationalisme de gauche

Le nationalisme de gauche est une forme de nationalisme qui lie la culture d'une conscience nationale avec les principes d'égalité citoyenne, de souveraineté populaire, d'autodétermination nationale et de solidarité internationale[1]. On peut également retrouver le terme social-nationalisme. Le nationalisme de gauche est souvent anti-impérialiste et anti-colonialiste[2] - [3]. Il s'oppose au nationalisme de droite, c'est-à-dire le nationalisme fondé sur la tradition ou la révolution conservatrice (une race comme fondement de la nation). Toutefois, certaines formes de nationalismes de gauche ont adopté des thèses ethno-différencialistes[2]. En France, le nationalisme de gauche trouve ses origines dans le jacobinisme de la Révolution française[1]. Il est utilisé par Lénine pour désigner les socialistes qui ont voté les crédits de guerre en Allemagne et en France et par Bordiga contre ceux qui ont soutenu l'entrée en guerre de l'Italie pendant la Première Guerre mondiale.

Description

Parmi les mouvements nationalistes notables dans l'histoire on peut citer le Congrès national indien à l'époque de Mohandas Karamchand Gandhi, le Sinn Féin durant la guerre d'indépendance irlandaise et durant le conflit nord-irlandais, et de le Congrès national africain en Afrique du Sud sous Nelson Mandela qui s'attaqua à l'apartheid.

Le nationalisme de gauche peut se décliner sous des formes autoritaires. Le Parti Baas en Syrie et dans le passé en Irak qui ont professé le panarabisme et le socialisme d'État. Josip Broz Tito en tant que leader de la Yougoslavie et de la Ligue des communistes de Yougoslavie a promu le nationalisme de gauche. Joseph Staline, influencé par les idées d'Ilia Tchavtchavadzé et de Noé Jordania, théorisa la doctrine marxiste-léniniste du « Patriotisme révolutionnaire » (reprise plus tard par Mao Zedong) qui était la forme de nationalisme communiste en vigueur dans la plupart des pays socialistes d'Europe de l'Est ainsi qu'en URSS.

Historique

En France

Autour de 1900, le nationalisme français passe d'un nationalisme de gauche jacobin, unitaire, mystique (patriotisme républicain) notamment sous le second Empire et après 1870 avec Gambetta, à un nationalisme de droite barrèsien, militariste, tourné vers le revanchisme germanophobe et le régionalisme.

Dans l'entre-deux-guerres, une fraction de la SFIO a développé une théorie concluant à la nécessité de rompre avec l'internationalisme pour permettre la victoire du socialisme, en construisant une puissance publique étatique soutenue par l'ensemble des classes sociales et non par la classe ouvrière seulement. C'est l'idée d'un État porté par un peuple rassemblé dans l'idée de nation au détriment d'un État porté par la classe ouvrière rassemblée dans l'idée de révolution. Adrien Marquet et surtout Marcel Déat (cf. l'article de Déat dans La Vie socialiste, no 325, et son livre Perspectives Socialistes, Paris, Libraire Valois, 1930) sont les théoriciens de ce social-nationalisme français, vivement dénoncé par Léon Blum : "un socialisme national ne serait plus le socialisme et deviendrait rapidement anti-socialiste à moins qu'il ne le fût à l'origine". Ailleurs il ajoutera : "tout ce qui contribue à intensifier le sentiment national, à le passionner, à lui donner un caractère de repliement méfiant et d'animosité, contribue par là même à créer le milieu favorable au développement et au succès du fascisme" (Le Populaire, ). Ce conflit interne provoquera la scission dite des "neo-socialistes", en , lors du XXXe congrès de la SFIO, poussés à l'extérieur par Léon Blum écrivant : "J'ai réfléchi, depuis ce matin. Je l'avoue, ce sentiment d'épouvante ne s'est pas atténué. Il s'est fortifié. Il y a eu même des moments où je me suis demandé si ce n'était pas là le programme d'un parti 'socialiste national' […] Et je vous dis du plus profond de mon expérience : gardez-vous du danger que le discours de Marquet faisait apparaître, que dans votre haine du fascisme, vous ne lui empruntiez ses moyens et même son idéologie" (Le Populaire, ).

Il a été repris plus récemment par Dominique Reynié pour désigner la partie de la gauche française ayant appelé à voter non au référendum de 2005 sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe.

En Amérique latine

Le nationalisme de gauche a notamment inspiré de nombreux militaires latino-américains, réceptifs à cette doctrine en raison de l’ingérence répétée des États-Unis dans les affaires politiques et économiques des nations du Sud et de la misère sociale solidement enracinée dans le continent. Si certains des régimes militaires étaient de droite, à l'image de la dictature argentine et du régime d'Augusto Pinochet au Chili, des militaires de gauche s’emparent du pouvoir à l'occasion d'un coup d’État militaire au Pérou, en 1968, et instaurent un « Gouvernement révolutionnaire des Forces armées » présidé par le général Velasco. Celui-ci, bien que de nature dictatoriale, n'adopta toutefois pas un caractère aussi répressif que les régimes cités précédemment. De façon analogue et également en 1968, le général Omar Torrijos prend le pouvoir au Panama, s'allie aux sandinistes du Nicaragua et à Cuba, et surtout mène un bras de fer contre les États-Unis pour la nationalisation du canal de Panama.

Certains militaires nationalistes ont démocratiquement accédé à la tête de l’État et préservé les caractéristiques d'une démocratie pluraliste. Ainsi, le général Juan Perón est élu président de la nation argentine en 1946 et réélu en 1951, puis à nouveau en 1973. Au Venezuela, Hugo Chávez est élu en 1998, et réélu en 2000, 2006 et 2012. Il s'emploie à fonder le Parti socialiste unifié du Venezuela afin de rassembler le plus largement possible la gauche vénézuélienne au sein d'une structure unique et de pérenniser la « révolution bolivarienne ».

Des mouvements de guérilla ont combiné des éléments de souveraineté nationale et de justice sociale à leurs motivations, le manifestant parfois en incorporant le nom d'une figure patriotique de leur pays. Ainsi, le Front Farabundo Martí de libération nationale (Salvador), le Front sandiniste de libération nationale (Nicaragua), le Mouvement révolutionnaire Túpac Amaru (Pérou) et le Front patriotique Manuel Rodriguez (Chili). Les Forces armées révolutionnaires de Colombie et les Montoneros argentins ont aussi adopté un discours aux accents patriotiques assez prononcés, revendiquant pour la première de ces deux guérillas une filiation à l'idéologie bolivarienne.

Dans les pays arabes

Après 1945, le socialisme est au cœur d’un certain nombre de discours anti-impérialistes et nationalistes dans le monde arabe. L'historien Georges Corm souligne que le socialisme apparaît aussi comme « une recette pour sortir le monde arabe de son sous-développement ». Outre la question de la justice sociale, le socialisme est considéré comme un vecteur de modernisation économique[4]. Les nationalistes inventent ainsi l'expression « socialisme arabe »[5]. Bien qu'il se distingue du communisme, notamment dans son rapport à la religion, il en partage aussi certaines caractéristiques telles qu'une méfiance plus ou moins prononcée à l'égard de la féodalité, du tribalisme ou encore du patriarcat[4].

Parmi les principaux représentants de ce courant se trouvent notamment l’Égyptien Gamal Abdel Nasser, le Marocain Mehdi Ben Barka, les Algériens Ahmed Ben Bella et Houari Boumédiène, le Tunisien Salah Ben Youssef, l’Irakien Ahmad Hassan al-Bakr, les Palestiniens Yasser Arafat et Georges Habache, ou encore le Libanais Kamal Joumblatt.

Mouvements de gauche nationaliste actuels

Bibliographie

  • Henry Milner et Sheilagh Hodgins. 1973. The Decolonization of Quebec: An Analysis of Left-Wing Nationalism. Toronto: McClelland and Stewart. [p. 257 available online: http://classiques.uqac.ca/contemporains/milner_henry/decolonization_of_quebec/decolonization_qc.html online]
  • Milner, Henry. 1989. Sweden: Social Democracy in Practice. New York: Oxford University Press.
  • Nimni, Ephraim. 1991. Marxism and nationalism: theoretical origins of a political crisis. London: Pluto Press.
  • Pask, Kevin. "Late Nationalism: The Case of Quebec", New Left Review, 11, September–October 2001 (preview)
  • Perica, Vjekoslav. 2002. Balkan Idols: Religion and Nationalism in Yugoslav States. New York: Oxford University Press.
  • Ramet, Sabrina P. 2006. The three Yugoslavias: state-building and legitimation, 1918-2005. Bloomington: Indiana University Press.
  • Dominique ReyniĂ© Le vertige social-nationaliste : La gauche du Non et le rĂ©fĂ©rendum de 2005, Éditions de La Table Ronde, 2005, notamment les pages 277-286 consacrĂ©es aux neo-socialistes.
  • Sa'adah, Anne. 2003. Contemporary France: a democratic education. Lanham: Rowman Littlefield & Publishers.
  • Schmitt, Richard. 1997, "Introduction to Marx and Engels: a critical reconstruction." Dimensions of Philosophy Series. Boulder and Oxford: Westview Press. [Originally published in 1987].
  • Smith, Angel; Berger, Stefan. 1999. Nationalism, labour and ethnicity 1870-1939. Manchester and New York: Manchester University Press.
  • Taras, Ray (ed.). 1992. The Road to disillusion: from critical Marxism to post-communism in Eastern Europe. Armonk: M. E. Sharpe.
  • van Ree, Erik. 2002. The political thought of Joseph Stalin: a study in twentieth-century revolutionary patriotism. London and New York: RoutledgeCurzon.
  • Wachtel, Andrew. 2006. Remaining relevant after communism: the role of the writer in Eastern Europe. Chicago and London: University of Chicago Press.
  • Patrick Cabanel, « La gauche et l'idĂ©e nationale », dans Jean-Jacques Becker et Gilles Candar (dir.), Histoire des gauches en France, La dĂ©couverte, .

Notes et références

  1. Sa'adah 2003, 17-20.
  2. Smith 1999, 30.
  3. Delanty, Gerard; Kumar, Krishan. The SAGE handbook of nations and nationalism. London, England, UK; Thousand Oaks, California, USA; New Delhi, India: Sage Publications, Ltd, 2006. p. 542.
  4. « Que reste-t-il du socialisme dans le monde arabe ? », sur Middle East Eye édition française,
  5. « Monde arabe : ni bolivarisme, ni socialisme », sur Middle East Eye édition française,
  6. Nicolas Lebourg, « Oui, le Parti communiste dans les années 1970 était chauvin et populiste. Non, le FN n'est pas l'équivalent du PCF », sur Slate.fr, (consulté le )
  7. « Congrès du PCF : le texte de la direction mis en minorité, une situation inédite pour le parti », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. « Choc historique au PCF : la direction du parti mise en minorité », sur LEFIGARO (consulté le )
  9. (en-US) David Adler, « Meet Europe’s Left Nationalists », The Nation,‎ (ISSN 0027-8378, lire en ligne, consulté le )
  10. « Des souverainistes de gauche, ex-proches de Mélenchon, veulent lancer leur parti », sur LEFIGARO (consulté le )

Voir aussi

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