AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Histoire de la constitution romaine

La constitution romaine Ă©volue continuellement au fil des ans. En , la RoyautĂ© laisse place Ă  la RĂ©publique romaine. En , celle-ci se donne lieu Ă  la constitution de l'Empire romain. Enfin, vers 300, la constitution opĂšre un dernier changement majeur en devenant la constitution du Bas-Empire. NĂ©anmoins, les vrais changements sont plus graduels. Ces quatre constitutions forment quatre pĂ©riodes dans l’évolution de la constitution romaine principale. Celle-ci survivra prĂšs de mille ans et servira de modĂšle pour les constitutions modernes.

Histoire de la constitution de la Monarchie

La constitution de la Monarchie romaine investit le roi du pouvoir souverain. Il existe deux contrĂŽles rudimentaires sur ce pouvoir qui prennent la forme d’un conseil d’anciens (le SĂ©nat) et d’une assemblĂ©e populaire (les comices curiates).

Les premiers Romains sont organisĂ©s en divisions hĂ©rĂ©ditaires appelĂ©es gens ou « clans »[1]. Pendant longtemps, ce genre de divisions est familier de la majoritĂ© des Indo-EuropĂ©ens. Chaque clan se compose d’un agrĂ©gat de famille vivant sous la tutelle d’un patriarche, appelĂ© patre (mot latin pour « pĂšre »). Les plus simples des communautĂ©s indo-europĂ©ennes se composent d’un petit nombre de clans. Ces communautĂ©s, connues sous le nom de pagi, se regroupent autour d’un point fortifiĂ© appelĂ© arx[2]. Chaque pagi est soit purement dĂ©mocratique, soit purement aristocratique[2]. Bien avant la date traditionnelle de la fondation de Rome, un groupe de pagi s’est fondu en une confĂ©dĂ©ration, la ville d’Albe-la-Longue (Alba Longa) constituant son point de rassemblement. NĂ©anmoins, aprĂšs un certain temps, le siĂšge de cette confĂ©dĂ©ration se dĂ©place Ă  Rome[2].

DĂ©buts de la Monarchie

La monarchie peut ĂȘtre divisĂ©e en deux pĂ©riodes[3]. La premiĂšre voit le rĂšgne des quatre premiers rois lĂ©gendaires, mettant sur pied les fondations des institutions politiques et religieuses de la ville[4]. La ville est organisĂ©e en curies, le SĂ©nat et les comices deviennent officiels[4].

Les premiers Romains sont divisĂ©s en trois groupes ethniques[5]. Les familles appartenant Ă  l’un de ces trois groupes constituent les premiĂšres familles patriciennes. Afin d’organiser la ville, ces familles patriciennes l’ont divisĂ© en unitĂ©s appelĂ©es curies[4].

Quelques-uns des clans s’autogouvernent de façon dĂ©mocratique avec chaque membre possĂ©dant le droit de vote. D’autres s’autogouvernent de façon aristocratique, organisĂ©s autour d’un conseil d’anciens. Quand ces clans ont fusionnĂ© pour donner naissance Ă  une plus large communautĂ©, les deux mĂ©thodes ont Ă©tĂ© conservĂ©es pour gouverner. Les premiers Romains s’expriment dĂ©mocratiquement au travers d’une comitia (« assemblĂ©e » ou « comice »). Les deux principales assemblĂ©es formĂ©es sont connues sous les noms de comices curiates et de comices calates. Les comices sont l’incarnation des tendances dĂ©mocratiques des premiers clans. Pour mieux respecter la forme de dĂ©mocratie directe utilisĂ©e par les clans confĂ©dĂ©rĂ©s, les deux comices sont organisĂ©es de façon Ă  reflĂ©ter au mieux les divisions ethniques de la ville. Les comices sont donc organisĂ©es par curies. L’équivalent aristocratique des assemblĂ©es prend la forme d’un conseil des anciens municipal[3], conseil qui deviendra le SĂ©nat.

Le peuple et les anciens ont reconnu la nĂ©cessitĂ© d’avoir un dirigeant politique unique[3], appelĂ© le rex. Le peuple Ă©lit le roi tandis que les anciens le conseillent[3].

Monarchie tardive

La deuxiĂšme pĂ©riode, plus riche en Ă©vĂšnements que la premiĂšre, voit le rĂšgne des trois derniers rois lĂ©gendaires. Ces trois rois Ă©trusques entament une politique de conquĂȘte. Sans se pencher en dĂ©tail sur le degrĂ© de vĂ©racitĂ© de ces lĂ©gendes, il est trĂšs probable que de telles conquĂȘtes aient bien eu lieu Ă  la fin de la monarchie. Il devient alors nĂ©cessaire de dĂ©terminer ce qui doit ĂȘtre fait des peuples conquis[4]. Le plus souvent, les habitants des villes conquises y demeurent. Leur vie quotidienne et leur systĂšme de gouvernement restent les mĂȘmes, mais leurs villes perdent leur indĂ©pendance vis-Ă -vis de Rome[6]. NĂ©anmoins, un certain nombre vient Ă  Rome[6]. Pour acquĂ©rir un statut Ă©conomique viable et lĂ©gal, les nouveaux arrivants doivent accepter une dĂ©pendance envers une famille patricienne ou envers le roi (qui est lui-mĂȘme un patricien)[6] ; ils deviennent alors clients d’une famille patricienne. En fin de compte, ceux qui s’étaient attachĂ©s au roi sont libĂ©rĂ©s de leur dĂ©pendance. Ces derniers constituent alors les premiers plĂ©bĂ©iens[6]. À cette Ă©poque, seuls les patriciens servent dans l’armĂ©e. Pour faire venir ces plĂ©bĂ©iens dans l’armĂ©e, les patriciens ont dĂ» faire des concessions[7], dont on ne connaĂźt pas exactement la nature. Tous ces Ă©lĂ©ments qui se mettent en place conduiront Ă  la Guerre des ordres.

Pour faire revenir les plĂ©bĂ©iens dans l’armĂ©e, le roi Servius Tullius abolit l’ancien systĂšme qui organisait les armĂ©es sur la base des curies et le remplace par un systĂšme basĂ© sur la propriĂ©tĂ© terrienne[8]. Suivant la rĂ©organisation de Servius Tullius, de nouvelles unitĂ©s sont crĂ©Ă©es. L’armĂ©e est divisĂ©e en centuries (centuriae). De futures rĂ©organisations seront plus efficaces en se basant sur les tribus[9]. Les centuries se rassemblent dans une nouvelle assemblĂ©e appelĂ©e comices centuriates (comitia centuriata). À sa crĂ©ation, cette assemblĂ©e ne dispose d’aucun pouvoir politique ou lĂ©gislatif[10]. Elle est simplement utilisĂ©e comme point de rĂ©union de l’armĂ©e.

Fin de la Monarchie

Le rĂšgne des quatre premiers rois se distingue du rĂšgne des trois rois prĂ©cĂ©dents. Les premiers rois sont Ă©lus mais entre le rĂšgne des quatre premiers et celui des trois suivants, la monarchie devient hĂ©rĂ©ditaire[11]. Le fait que l’auspicia ne revient plus au SĂ©nat entre la mort d’un roi et l’accession au trĂŽne de son successeur constitue une sĂ©rieuse atteinte Ă  l’autoritĂ© du SĂ©nat et l’empĂȘche de faire Ă©lire le roi de son choix[11]. C’est cette atteinte Ă  la souverainetĂ© du SĂ©nat, plutĂŽt qu’une tyrannie intolĂ©rable, qui pousse les patriciens a chasser le dernier roi[11].

Histoire de la constitution de la RĂ©publique

L’histoire de la constitution de la RĂ©publique romaine peut se diviser en cinq phases. La premiĂšre phase commence avec la fin de la Monarchie en alors que la derniĂšre phase se finit en avec l’effondrement de la RĂ©publique. Durant toute son histoire, l’évolution de la constitution se fait au rythme des conflits opposant l’aristocratie aux citoyens ordinaires.

Ère patricienne (509-)

Selon la lĂ©gende, le dernier roi a Ă©tĂ© banni en Bien que cet Ă©pisode ne soit qu’une lĂ©gende que les Romains ont crĂ©Ă©e pour expliquer leur passĂ©, il est probable que Rome ait Ă©tĂ© dirigĂ© par des rois[2]. Cette monarchie historique, comme le suggĂšre la lĂ©gende, a probablement Ă©tĂ© trĂšs vite remplacĂ©e.

Magistrats de l'exécutif

Les changements dans la constitution aprĂšs la rĂ©volution ne sont peut-ĂȘtre pas aussi importants que ne le suggĂšre la lĂ©gende. Le plus important de ceux-ci concerne le chef de l’exĂ©cutif. Avant la rĂ©volution, un roi Ă©tait Ă©lu Ă  vie par les sĂ©nateurs (patres). DorĂ©navant, deux consuls (appelĂ©s « prĂ©teurs », praetores) sont Ă©lus par les citoyens pour un mandat annuel[12].

Chaque consul surveille son collĂšgue et leurs mandats limitĂ©s les exposent Ă  des poursuites en justice s’ils abusent de leur pouvoir. Le chef de l’exĂ©cutif est investi du mĂȘme niveau d’imperium (commandement) que l’ancien roi : ses pouvoirs politiques, en exercice conjoint avec son collĂšge, ne diffĂšrent pas de ceux du roi[13]. Juste aprĂšs le renversement de la Monarchie, le SĂ©nat et les assemblĂ©es lĂ©gislatives se retrouvent aussi impuissants que sous la Monarchie.

En , la ville est en guerre contre deux peuples voisins[14]. Les soldats plĂ©bĂ©iens refusent de marcher contre l’ennemi et se retirent (secessio) sur la colline de l’Aventin : c'est la premiĂšre sĂ©cession de la plĂšbe. Les plĂ©bĂ©iens demandent le droit d’élire leurs propres reprĂ©sentants. Ils retournent finalement sur le champ de bataille aprĂšs que les patriciens ont accĂ©dĂ© Ă  leur requĂȘte[14] en leur permettant d’élire leurs reprĂ©sentants : les tribuns de la plĂšbe. Ces derniers sont assistĂ©s par deux Ă©diles plĂ©bĂ©iens. En , les tribuns Caius Licinius Stolon et Lucius Sextius Lateranus promulguent des lois appelĂ©es lois licinio-sextiennes[15] - [16]. Cette loi impose l’élection d’au moins un plĂ©bĂ©ien au consulat de chaque annĂ©e. En , la censure est crĂ©Ă©e[17], et en , c’est au tour de la prĂ©ture et de l’édilitĂ© curule.

Sénat et les assemblées législatives

Durant la royautĂ©, seuls les patriciens (patres) sont admis au SĂ©nat. AprĂšs la rĂ©volution, les siĂšges vides sont tellement nombreux qu’un groupe de plĂ©bĂ©iens (conscripti) est dĂ©tachĂ© pour occuper les places vacantes. L’ancien SĂ©nat patricien se transforme en SĂ©nat des patriciens et plĂ©bĂ©iens[13].

Peu aprĂšs la crĂ©ation de la RĂ©publique, les comices centuriates deviennent la principale assemblĂ©e lĂ©gislative. Les magistrats y sont Ă©lus et les lois ratifiĂ©es. Également au mĂȘme moment, les plĂ©bĂ©iens se rassemblent en comices curiates plĂ©bĂ©iennes non officielles, Ă  l’origine du concile plĂ©bĂ©ien (concilium plebis). Comme ils sont organisĂ©s sur la base des curies (et donc des clans), ils restent dĂ©pendants de leurs patrons. En , le tribun Volero Publilius promulgue une loi autorisant les plĂ©bĂ©iens Ă  s’organiser par tribu plutĂŽt que par curie, rendant les plĂ©bĂ©iens politiquement indĂ©pendants[18]. Les comices curiates plĂ©bĂ©iennes deviennent alors les comices tributes plĂ©bĂ©iennes.

À la suite de la ratification de toute une sĂ©rie de lois pendant le IVe siĂšcle av. J.-C., force de loi est donnĂ©e aux rĂ©solutions prises par le concile plĂ©bĂ©ien (plebiscites). Avant que ces lois ne soient ratifiĂ©es, les tribuns pouvaient seulement opposer la sacrosaintetĂ© de leur personne pour bloquer les actions du SĂ©nat, des assemblĂ©es et des magistrats.

Guerre des ordres (367-287 av. J.-C.)

Durant les dĂ©cennies suivant le passage des lois licinio-sextiennes de (qui impose l’élection d’au moins un plĂ©bĂ©ien au consulat de chaque annĂ©e), une sĂ©rie de lois donnent aux plĂ©bĂ©iens un statut politique identique Ă  celui des patriciens[16]. L’ùre patricienne se finit dĂ©finitivement en , avec le passage des lois hortensiennes (leges Hortensiae)[16].

AprĂšs la crĂ©ation de l’édilitĂ© plĂ©bĂ©ienne, les patriciens crĂ©ent l’édilitĂ© curule[19]. Au dĂ©but, cette magistrature est seulement ouverte aux patriciens mais il est probable qu’elle ait Ă©tĂ© accessible aux plĂ©bĂ©iens Ă©galement. AprĂšs que le consulat a Ă©tĂ© ouvert aux plĂ©bĂ©iens, ceux-ci acquiĂšrent de facto le droit d’occuper Ă  la fois la dictature et la censure (puisque seuls les consuls officiels peuvent accĂ©der Ă  ces magistratures). En , le premier prĂ©teur plĂ©bĂ©ien est Ă©lu[20]. En , deux lois importantes sont ratifiĂ©es. Une de ces deux lois rend illĂ©gal le fait de cumuler les magistratures. L’autre loi impose un intervalle de dix ans avant qu’un magistrat ne puisse briguer une autre magistrature quelle qu’elle soit[21]. Du fait de ces deux lois, la situation militaire devient trĂšs vite ingĂ©rable. Durant cette pĂ©riode, Rome continue de s’étendre en Italie et commence Ă  prendre pied au-delĂ . Il devient alors nĂ©cessaire aux commandants des armĂ©es de rester en poste plusieurs annĂ©es consĂ©cutives. Ce problĂšme est rĂ©solu avec la crĂ©ation des pro-magistratures, qui permet, dans certains cas, Ă  un magistrat de conserver son imperium, mĂȘme aprĂšs la fin de son mandat[22]. Ce dispositif n’est clairement pas en harmonie avec l’esprit de la constitution romaine et son usage abusif finira peut-ĂȘtre par prĂ©cipiter la fin de la RĂ©publique.

Au fil des ans, les tribuns et les sĂ©nateurs deviennent trĂšs semblables[22]. Le SĂ©nat rĂ©alise qu’il serait bon d’utiliser les tribuns pour accomplir certaines missions[22]. Pour prendre le dessus, les sĂ©nateurs donnent aux tribuns un pouvoir important. Ceux-ci, finalement, commencent Ă  se sentir redevable au SĂ©nat. Les sĂ©nateurs plĂ©bĂ©iens sont souvent capables de rĂ©server le tribunat Ă  un membre de leur propre famille[23]. Le tribunat devient alors une Ă©tape importante dans toute carriĂšre politique, ouvrant la voie vers les plus hautes magistrature[23].

Nouvelle aristocratie plébéienne

Vers le milieu du IVe siĂšcle av. J.-C., le concile plĂ©bĂ©ien promulgue le plebiscitum Ovinium (dit aussi lex Ovinia)[24] qui transfĂšre le pouvoir de nommer les nouveaux sĂ©nateurs des consuls aux censeurs. Ceux-ci se chargent Ă©galement de nommer les magistrats nouvellement Ă©lus au SĂ©nat. Or Ă  ce moment-lĂ , les plĂ©bĂ©iens dĂ©tiennent dĂ©jĂ  un nombre important de magistratures. Il est alors probable que le nombre de sĂ©nateurs plĂ©bĂ©iens augmente rapidement[25]. C’est dĂ©sormais une simple question de temps avant que le SĂ©nat soit dominĂ© par les plĂ©bĂ©iens.

Selon ce nouveau systĂšme, les magistrats sont rĂ©compensĂ©s en devenant automatiquement membres du SĂ©nat mais cela reste nĂ©anmoins assez difficile pour un plĂ©bĂ©ien d’y accĂ©der s’il n’appartient pas Ă  une famille politique[25]. Finalement, une nouvelle aristocratie patricio-plĂ©bĂ©ienne (nobilitas) Ă©merge[25] remplaçant l’ancienne aristocratie patricienne. C’est la domination de cette noblesse patricienne qui a finalement poussĂ© les plĂ©bĂ©iens Ă  mettre un terme Ă  leur lutte pour acquĂ©rir plus de pouvoirs politiques. NĂ©anmoins, la nouvelle noblesse est fondamentalement diffĂ©rente de l’ancienne[26]. Cette derniĂšre n’existait que parce que les hautes magistratures Ă©taient rĂ©servĂ©es aux seuls patriciens par la force de la loi. Le changement de ces lois a fini par y mettre un terme. DĂ©sormais, la nouvelle noblesse doit son existence Ă  l’organisation de la sociĂ©tĂ© de telle sorte que seule une rĂ©volution pourrait maintenant la renverser[26].

Lex Hortensia et la fin de la guerre des Ordres

En , les conditions de vies du plĂ©bĂ©ien moyen sont devenues trĂšs dures. Cette situation semble ĂȘtre due Ă  un important endettement[27] et les plĂ©bĂ©iens demandent Ă  en ĂȘtre soulagĂ©s. Les sĂ©nateurs, dont la plupart sont leurs crĂ©anciers, refusent d’accĂ©der Ă  la demande des plĂ©bĂ©iens, refus qui conduit Ă  la derniĂšre sĂ©cession plĂ©bĂ©ienne, sur la colline du Janicule. Pour mettre fin Ă  ce conflit, un dictateur est nommĂ©, il s’agit de Quintus Hortensius. Il promulgue alors une loi appelĂ©e lex Hortensia, qui met fin Ă  l’obligation d’obtenir l’aval des sĂ©nateurs patriciens (usant de leur auctoritas patrum) avant que n’importe quel projet de loi puisse ĂȘtre soumis au concile plĂ©bĂ©ien ou aux comices tributes[27].

La lex Hortensia rĂ©affirme Ă©galement le fait que les dĂ©cisions prises par le concile plĂ©bĂ©ien ont force de loi, bien que le concile ait ce pouvoir depuis , grĂące Ă  la modification des leges Valeriae Horatiae[28]. Le point crucial de cette loi est qu’elle enlĂšve aux patriciens leur derniĂšre arme permettant de s’opposer aux plĂ©bĂ©iens. Le contrĂŽle de l’État tombe alors aux mains, non pas de la dĂ©mocratie, mais de la nouvelle noblesse[29].

Finalement, les plĂ©bĂ©iens atteignent un statut politique Ă©gal Ă  celui des patriciens[26]. NĂ©anmoins, le quotidien du plĂ©bĂ©ien moyen n’a pas changĂ© ; seul un petit nombre de familles plĂ©bĂ©iennes bĂ©nĂ©ficie d’une qualitĂ© de vie que seules les familles patriciennes connaissaient jusque lĂ . De sorte que ces nouveaux plĂ©bĂ©iens aristocrates se dĂ©sintĂ©ressent vite du sort du plĂ©bĂ©ien moyen, comme l’avait toujours fait l’ancienne aristocratie patricienne[26].

Suprématie de la nouvelle noblesse (287-133 av. J.-C.)

La principale consĂ©quence de la lex Hortensia est qu’elle prive les patriciens de leur derniĂšre arme contre les plĂ©bĂ©iens. Par consĂ©quent, la nouvelle aristocratie plĂ©bĂ©ienne supplante l’ancienne aristocratie patricienne, rĂ©solvant par lĂ  mĂȘme la grande question politique des Ă©poques prĂ©cĂ©dentes. Aucun grand changement politique n’aura lieu entre 287 et [30], ces annĂ©es Ă©tant dominĂ©es par des guerres contre un ennemi extĂ©rieur. Ces guerres ont pour consĂ©quences d’éliminer toute opposition au systĂšme politique. En effet, le sentiment de patriotisme des plĂ©bĂ©iens les fait se dĂ©sintĂ©resser des affaires politiques et des rĂ©formes.

Au moment oĂč la lex Hortensia a Ă©tĂ© promulguĂ©e, Rome est thĂ©oriquement devenue une dĂ©mocratie. En rĂ©alitĂ©, Rome reste une oligarchie : les lois les plus importantes sont toujours ratifiĂ©es par le SĂ©nat[31]. En effet, l’élĂ©ment dĂ©mocratique est satisfait de la rĂ©partition des pouvoirs, mais ne cherche pas vraiment Ă  user du sien. Le SĂ©nat joue un rĂŽle majeur pendant cette pĂ©riode, celle-ci Ă©tant dominĂ©e par des questions de politiques Ă©trangĂšres[32].

Durant cette pĂ©riode, les magistrats se soumettent eux-mĂȘmes au SĂ©nat[33]. Comme la plupart des sĂ©nateurs occupent une magistrature, le SĂ©nat devient liĂ© par un fort sentiment de collĂ©gialitĂ©. De plus, les consuls prĂ©sidant sont toujours choisis comme provenant du SĂ©nat. Il devient alors improbable qu’un consul puisse se retourner contre les sĂ©nateurs. La Lex Ovinia, qui rend l’appartenance au SĂ©nat obligatoire pour briguer une magistrature, augmente encore le prestige et le pouvoir du SĂ©nat.

Les derniĂšres dĂ©cennies de cette pĂ©riode voient une aggravation de la situation Ă©conomique pour de nombreux plĂ©bĂ©iens[34]. Les longues campagnes militaires ont forcĂ© les citoyens Ă  quitter leurs terres qui tombent Ă  l’abandon. La situation est encore aggravĂ©e pendant la deuxiĂšme guerre punique quand Hannibal combat les Romains Ă  travers toute l’Italie. L’aristocratie terrienne commence alors Ă  les racheter Ă  des prix trĂšs faibles et les exploite avec de la main d’Ɠuvre bon marchĂ© (des esclaves que les guerres ont amenĂ©s Ă  Rome), rĂ©duisant leurs coĂ»ts de production. Les autres fermiers ne bĂ©nĂ©ficiant pas de ces avantages ne peuvent plus exploiter leur terre Ă  profit et font faillite[34]. Les nombreux plĂ©bĂ©iens alors sans emploi convergent vers Rome, grossissant les rangs des assemblĂ©es lĂ©gislatives, oĂč leur statut Ă©conomique leur permet, pour la plupart, de voter pour le candidat qui leur promet le meilleur avenir. Une nouvelle culture de dĂ©pendance apparaĂźt qui favorisera la montĂ©e en puissance des meneurs les plus populaires[35].

Des Gracques Ă  CĂ©sar (133-49 av. J.-C.)

Le siĂšcle prĂ©cĂ©dent a connu d’importants succĂšs militaires, de grandes crises Ă©conomiques tandis que dans un grand Ă©lan de patriotisme, les plĂ©bĂ©iens ne rĂ©clament plus de nouvelles rĂ©formes. La situation militaire Ă©tant dĂ©sormais stabilisĂ©e, de moins en moins de soldats sont requis. Ceci, en conjonction avec l’arrivĂ©e de nouveaux esclaves importĂ©s des nouvelles provinces, augmente encore le chĂŽmage. L’afflux de citoyens sans emploi Ă  Rome grossit encore les rangs des assemblĂ©es, rendant l’élĂ©ment dĂ©mocratique constamment plus agressif.

Tribunats des Gracques

Tiberius Sempronius Gracchus est Ă©lu tribun en Il tente d’appliquer une clause de l’ancienne loi licinienne qui n’avait jamais Ă©tĂ© utilisĂ©e pour limiter la quantitĂ© de terre que peut possĂ©der un individu. Les aristocrates, risquant de perdre beaucoup d’argent, s’opposent violemment Ă  cette manƓuvre. Tiberius soumet cette loi au concile plĂ©bĂ©ien mais elle est bloquĂ©e par le veto du tribun Marcus Octavius. Tiberius utilise le concile plĂ©bĂ©ien pour le mettre en accusation. Le fait qu’un reprĂ©sentant du peuple puisse ĂȘtre renvoyĂ© de ses fonctions quand il agit Ă  l’encontre de la volontĂ© du peuple est totalement contradictoire avec l’esprit de la constitution romaine[36]. En continuant dans cette logique, on pourrait supprimer toutes les contraintes constitutionnelles Ă  la volontĂ© du peuple et se retrouver alors avec un Ă©tat dirigĂ© temporairement par une majoritĂ© populaire au pouvoir absolu[36]. Sa loi aurait pu ĂȘtre promulguĂ©e, mais Tiberius est assassinĂ© au moment oĂč il se prĂ©sente Ă  sa rĂ©Ă©lection au tribunat.

Le frĂšre de Tiberius, Caius, est Ă©lu tribun de la plĂšbe en Le principal objectif de Caius Sempronius Gracchus est d’affaiblir le SĂ©nat et de renforcer la dĂ©mocratie[37]. Il promulgue une loi qui donne aux equites (les chevaliers, classe aisĂ©e des citoyens) la gestion des tribunaux Ă  la place des sĂ©nateurs. Se faisant, Caius retourne contre le SĂ©nat la classe de non-sĂ©nateur la plus puissante[37].

Par le passĂ©, le SĂ©nat Ă©liminait ses rivaux politiques en Ă©tablissant des commissions juridiques spĂ©ciales ou en utilisant un senatus consultum ultimum. Ces deux moyens permettaient au SĂ©nat d’outrepasser les droits que tout citoyen possĂ©dait[38]. Caius rend illĂ©gales les commissions judiciaires et dĂ©clare le senatus consultum ultimum comme inconstitutionnel. Caius propose ensuite une loi qui donnerait aux citĂ©s italiennes alliĂ©es les mĂȘmes droits que les citoyens romains, mais il est abandonnĂ©, les citoyens romains prĂ©fĂ©rant conserver Ă©goĂŻstement et jalousement leurs droits[38]. Il se prĂ©sente pour un troisiĂšme mandat en , mais est battu et ensuite assassinĂ©. L’élĂ©ment dĂ©mocratique rĂ©alise finalement combien le SĂ©nat a Ă©tĂ© affaibli[38].

Parti populaire et le parti aristocratique

En , Micipsa, roi de Numidie, meurt. Ses deux fils naturels, Adherbal et Hiempsal, lui succĂšdent, ainsi que son fils adoptif, Jugurtha. Micipsa divise son royaume entre ses trois fils. NĂ©anmoins c’est Jugurtha qui prĂ©sente la personnalitĂ© la plus forte et une plus grande ouverture d’esprit. Ces traits de caractĂšres, combinĂ©s Ă  la vĂ©nalitĂ© et l’incompĂ©tence du sĂ©nat romain entraĂźnent la disgrĂące du nom romain et la dĂ©faite des armĂ©es romaines[39].

Jugurtha dĂ©fait plusieurs armĂ©es romaines et soudoie plusieurs gĂ©nĂ©raux romains ainsi que deux tribuns au moins. Finalement, un jeune lĂ©gat du nom de Caius Marius est Ă©lu consul en , passant outre les objections du SĂ©nat. Marius, originaire d’une famille politique inconnue, met rapidement un terme Ă  la guerre. L’incompĂ©tence du SĂ©nat et le talent de Marius y sont pour beaucoup[40]. Le parti populaire tire avantage de la situation en s’alliant Ă  Marius.

AprĂšs plusieurs annĂ©es, un nouveau danger, incarnĂ© par le roi Mithridate du Pont, Ă©merge en Asie. En , une armĂ©e romaine est envoyĂ©e mais elle est dĂ©faite. Un ancien questeur de Marius, Lucius Cornelius Sulla, est Ă©lu consul pour cette annĂ©e. Sylla se voit confier le commandement de la guerre contre Mithridate par le SĂ©nat. Marius, membre du parti dĂ©mocratique (populare), envoie un tribun rĂ©voquer le commandement de Sylla dans cette guerre. Sylla, membre du parti aristocratique (optimate), ramĂšne son armĂ©e en Italie et marche sur Rome. Marius et ses soutiens fuient ou sont assassinĂ©s par Sylla. Ce dernier est tellement en colĂšre contre le tribun de Marius qu’il promulgue une loi affaiblissant de maniĂšre permanente le tribunat[41]. Il retourne ensuite Ă  la guerre contre Mithridate. Sylla absent, les populares, dirigĂ©s par Caius Marius et Lucius Cornelius Cinna, reprennent le contrĂŽle de la ville.

Le parti populare transgresse à plusieurs reprises le principe de la démocratie. Marius est réélu plusieurs fois sans respecter le délai de dix ans. Le parti avance également des individus jamais élus pour occuper des magistratures et substituent aux édits magistériels des lois populaires[42].

Sylla fait bientĂŽt la paix avec Mithridate. En , il retourne Ă  Rome, balaie toute rĂ©sistance et reprend Ă  nouveau le contrĂŽle de la ville. Sylla et ses soutiens Ă©liminent la plupart des soutiens de Marius. Sylla, spectateur des consĂ©quences violentes des rĂ©formes radicales des populares (en particulier celles passĂ©es sous Marius et Cinna) est par nature conservateur, ce conservatisme Ă©tant plus rĂ©actionnaire que visionnaire[42]. Il cherche Ă  renforcer l’aristocratie et donc le sĂ©nat[42]. Sylla retient ses premiĂšres rĂ©formes qui requiĂšrent l’approbation du SĂ©nat avant qu’un projet de loi soit prĂ©sentĂ© au concile plĂ©bĂ©ien, qui restaure l’ancienne organisation servienne pour les comices centuriates[41]. Il interdit ensuite aux ex-tribuns de dĂ©tenir une autre magistrature[43] et rĂ©affirme l’obligation pour chaque individu d’attendre dix ans avant d’ĂȘtre rĂ©Ă©lu Ă  une magistrature. Il Ă©tablit Ă©galement dĂ©finitivement le cursus honorum[43], qui requiert d’atteindre un certain Ăąge et un certain niveau d’expĂ©rience avant de se prĂ©senter Ă  une magistrature.

Sylla abdique en et meurt un an plus tard. Tandis qu’il pensait avoir renforcĂ© durablement l’élĂ©ment aristocratique, sa propre carriĂšre illustre un point faible de la constitution qui lui sera fatal. Finalement, c’est l’armĂ©e, et non le SĂ©nat, qui dicte l’avenir de l’État[44].

Pompée, Crassus et Cicéron

En , le SĂ©nat envoie un des lieutenants officiels de Sylla, Cnaeus Pompeius Magnus, mettre un terme Ă  une rĂ©volte en Hispanie. En , PompĂ©e revient Ă  Rome aprĂšs avoir achevĂ© sa mission. À peu prĂšs au mĂȘme moment, un autre lieutenant de Sylla, Marcus Licinius Crassus, met fin Ă  une rĂ©volte servile en Italie. À leur retour, PompĂ©e et Crassus trouvent le parti populare s’attaquant fĂ©rocement la constitution de Sylla[45]. Ils tentent alors de trouver un arrangement avec les populares : si PompĂ©e et Crassus sont Ă©lus consuls en , ils dĂ©mantĂšleront les Ă©lĂ©ments les plus polĂ©miques de la constitution de Sylla[46]. Ils sont Ă©lus et modifient la constitution comme convenu[46].

Autour de , un mouvement usant de moyens constitutionnels, ou du moins pacifiques, pour adresser les plaintes des diffĂ©rentes classes apparaĂźt[47]. AprĂšs plusieurs Ă©checs, les dirigeants du mouvement dĂ©cident d’utiliser n’importe quels moyens qui se rĂ©vĂšleront nĂ©cessaire pour parvenir Ă  leurs fins. Le mouvement se regroupe derriĂšre un aristocrate du nom de Lucius Sergius Catilina. Catilina veut ratifier une sĂ©rie de rĂ©formes radicales visant Ă  aider tous les pauvres sans exception[48]. Le mouvement est basĂ© dans la ville de Faesulae qui constitue un foyer rĂ©current de troubles ruraux[48]. Son but est de marcher sur Rome[49], profitant d’un soulĂšvement de la population dans la ville. AprĂšs avoir assassinĂ© les consuls et la plupart des sĂ©nateurs, Catilina aurait les mains libres pour ratifier ses rĂ©formes.

Le consul Marcus Tullius Cicero intercepte les messages envoyĂ©s par Catilina dans le but de recruter plus de membres. Les principaux conspirateurs Ă  Rome sont alors exĂ©cutĂ©s avec l’autorisation du SĂ©nat et le soulĂšvement planifiĂ© est empĂȘchĂ©. CicĂ©ron envoie une armĂ©e qui rĂ©duit en piĂšce les forces de Catilina.

La principale consĂ©quence de la conspiration est d’avoir jetĂ© le discrĂ©dit sur le parti populare[49]. Les 70 annĂ©es prĂ©cĂ©dentes avaient Ă©tĂ© tĂ©moins d’une Ă©rosion graduelle du pouvoir des sĂ©nateurs. La nature violente de la conspiration, ajoutĂ©e Ă  l’efficacitĂ© du SĂ©nat pour y remĂ©dier, contribue Ă  amĂ©liorer l’image du SĂ©nat[49].

Premier triumvirat

En , PompĂ©e revient victorieux d’Asie. Le SĂ©nat, confortĂ© par ses succĂšs contre Catilina[50], refuse de ratifier les modifications que PompĂ©e, devenu impuissant, avait apportĂ© Ă  la constitution. Caius Julius Caesar, revenant Ă  Rome aprĂšs avoir occupĂ© le poste de gouverneur d’Hispanie en , peut alors traiter sans difficultĂ© avec PompĂ©e[50]. CĂ©sar et PompĂ©e, ainsi que Crassus, Ă©tablissent une alliance privĂ©e, connue sous le nom de premier triumvirat. Selon cet accord, les modifications de PompĂ©e seront ratifiĂ©es, CĂ©sar sera Ă©lu consul en puis servira ensuite comme gouverneur des Gaules pour cinq ans, et enfin, Crassus sera promis Ă  un prochain consulat[50].

César devient consul en Son collÚgue, Marcus Calpurnius Bibulus, est un aristocrate radical[50]. César soumet les lois promises à Pompée aux assemblées. Bibulus tente alors de bloquer leur ratification et pousse César à user de moyens violents (et donc illégaux) pour assurer leur passage[50]. César se voit ensuite donner le commandement de quatre légions et est promis au poste de gouverneur de trois provinces (Gaule cisalpine, Gaule transalpine et Illyrie).

CĂ©sar ne souhaite pas laisser le sĂ©nat aux mains de politiciens aussi incompĂ©tents que PompĂ©e et Crassus avant de l’avoir dĂ©barrassĂ© de ses deux plus dangereux reprĂ©sentants, Caton et CicĂ©ron[51]. Il envoie alors Caton en mission Ă  Chypre dans l’espoir de ruiner sa rĂ©putation[51]. Il facilite ensuite l’élection du patricien Publius Clodius Pulcher au tribunat de Clodius est un dangereux dĂ©magogue et un ennemi acharnĂ© de CicĂ©ron[51].

Clodius, anticipant l’offensive imminente de CicĂ©ron, assure le passage de plusieurs lois[51]. L’une d’elles empĂȘche l’utilisation des auspices comme moyen de faire obstruction au concile plĂ©bĂ©ien. Il ratifie ensuite une loi rendant lĂ©gaux certains groupes de nature « semi-politique Â» (i.e. des groupes armĂ©s)[51]. Il fait passer enfin deux lois qui bannissent CicĂ©ron, se basant sur le fait qu’il a privĂ© de ses droits les conspirateurs de Catilina, quand il les a fait exĂ©cuter sur ordre du SĂ©nat[51].

Fin du premier triumvirat

PompĂ©e et Crassus se montrent aussi incompĂ©tents que CĂ©sar l’avait espĂ©rĂ©[51]. Clodius terrorise la ville avec ses groupes armĂ©es. En fin de compte, le triumvirat est renouvelĂ©. PompĂ©e et Crassus se voient promettre le consulat de , et CĂ©sar bĂ©nĂ©ficie de cinq annĂ©es supplĂ©mentaires comme gouverneur et commandant dans la guerre des Gaules. C’est alors que la fille de ce dernier, mariĂ©e Ă  PompĂ©e, meurt en couches. Cet Ă©vĂšnement vient tout remettre en cause et brise les derniers liens unissant PompĂ©e et CĂ©sar.

Au dĂ©but de l’étĂ© , une vague de violence et de corruption balaie Rome[52]. Ce chaos atteint son paroxysme en , quand Clodius est tuĂ© dans une guerre de rue. De plus, le calendrier est nĂ©gligĂ© du fait des troubles civils. Celui-ci nĂ©cessite d’ĂȘtre ajustĂ© annuellement pour Ă©viter un dĂ©calage lors de l’équinoxe de printemps. Pour corriger le dĂ©calage du calendrier, un mois est insĂ©rĂ© Ă  la fin de fĂ©vrier de PompĂ©e est Ă©lu unique consul pour ce mois. Cette accession Ă  un pouvoir extraordinaire devient de trop pour CĂ©sar[52].

En , un agent de CĂ©sar prĂ©sente un ultimatum au sĂ©nat. Celui-ci est rejetĂ© et le SĂ©nat adopte une rĂ©solution dĂ©clarant que si CĂ©sar ne rend pas les armes avant juillet de cette mĂȘme annĂ©e, il deviendra adversus rem publicam (c'est-Ă -dire qu’il sera considĂ©rĂ© comme ennemi de la RĂ©publique)[53]. Le 7 janvier, le SĂ©nat promulgue un senatus consultum ultimum, investissant PompĂ©e des pouvoirs dictatoriaux. NĂ©anmoins, l’armĂ©e de PompĂ©e se compose principalement de troupes inexpĂ©rimentĂ©es. CĂ©sar franchit le Rubicon avec son armĂ©e de vĂ©tĂ©rans et marche sur Rome. L’avance rapide de CĂ©sar pousse PompĂ©e, les consuls et le SĂ©nat Ă  abandonner Rome et Ă  se rĂ©fugier en GrĂšce. CĂ©sar reprend alors le contrĂŽle de Rome sans coup fĂ©rir.

PĂ©riode de transition (49-)

La pĂ©riode qui commence quand Jules CĂ©sar franchit le Rubicon en et se finit quand Octavien revient Ă  Rome aprĂšs Actium en peut ĂȘtre divisĂ©e en deux parties distinctes sĂ©parĂ©es par l’assassinat de CĂ©sar en NĂ©anmoins, d’un point de vue constitutionnel, il n’y a pas vraiment de sĂ©paration[54]. Les forces ayant soutenues PompĂ©e au dĂ©but de cette pĂ©riode se sont alliĂ©es contre Marc Antoine et Octavien en 43 et Les moyens constitutionnels utilisĂ©s par CĂ©sar pour obtenir le pouvoir avant son assassinat sont les mĂȘmes que ceux que Marc Antoine et Octavien utiliseront aprĂšs son assassinat. L’évolution de la constitution s’accĂ©lĂšre durant cette pĂ©riode. En , Rome a achevĂ© sa transformation d’une citĂ©-État avec son rĂ©seau de dĂ©pendances en une capitale d’un vaste empire[54].

Au dĂ©but de sa carriĂšre, CĂ©sar s’était rendu compte Ă  quel point la RĂ©publique romaine Ă©tait devenue chaotique et fragile. La machinerie rĂ©publicaine a cĂ©dĂ© sous le poids de l’impĂ©rialisme. Le gouvernement central est devenu impuissant. Les provinces se sont transformĂ©es en principautĂ©s indĂ©pendantes sous le contrĂŽle absolu des gouverneurs. Avec une gouvernement central aussi faible, la corruption a pu se dĂ©velopper et Ă©chapper Ă  tout contrĂŽle. Cet Ă©tat des choses a Ă©tĂ© maintenu par une aristocratie patricio-plĂ©bĂ©ienne corrompue qui ne voyait pas l’utilitĂ© de changer un systĂšme qui les avait rendus riche.

Entre le moment oĂč il traverse le Rubicon en et son assassinat en , CĂ©sar Ă©tablit une nouvelle constitution. Celle-ci devait ramener l’ordre dans l’empire et renforcer le gouvernement central. Le premier objectif est atteint quand PompĂ©e et ses alliĂ©s sont dĂ©faits. DĂ©sormais, CĂ©sar peut s’atteler au renforcement du gouvernement central. Pour atteindre cet objectif, il a besoin d’établir un contrĂŽle incontestĂ© sur le gouvernement. Les pouvoirs qu’il se donne lui-mĂȘme seront plus tard utilisĂ©s par ses successeurs impĂ©riaux[54]. Il s’octroie ces pouvoirs en renforçant son autoritĂ© et en affaiblissant celle de toutes les autres institutions de Rome.

RĂ©formes constitutionnelles de CĂ©sar

CĂ©sar dĂ©tient Ă  la fois la dictature et le tribunat mais alterne entre le consulat et le proconsulat[55]. En , CĂ©sar quitte son poste d’unique consul et facilite l’élection de deux successeurs pour le reste de l’annĂ©e. Ceci crĂ©e un prĂ©cĂ©dent que suivront ses successeurs impĂ©riaux[56] : sous l’empire, les consuls serviront pour plusieurs mois, abdiqueront et l’empereur facilitera l’élection de deux nouveaux consuls pour le reste du mandat consulaire.

En , CĂ©sar se voit donner les pouvoirs tribuniciens de façon permanente[57] qui rendent sa personne sacro-sainte. Cela l’autorise Ă©galement Ă  bloquer les dĂ©cisions du SĂ©nat par son veto et Ă  prĂ©sider le concile plĂ©bĂ©ien. Bien que les tribuns soient toujours Ă©lus par le concile plĂ©bĂ©ien, il espĂšre pouvoir empĂȘcher l’élection de tribuns qui pourraient s’opposer Ă  lui[57]. En , CĂ©sar crĂ©e et dĂ©tient le titre de praefectura morum. Ce titre est nouveau seulement dans son appellation. En effet, les fonctions de ce poste son identiques Ă  celles de la censure[57]. Par consĂ©quent, il dĂ©tient les pouvoirs censoriaux bien qu’il ne fasse pas techniquement l’objet des contrĂŽles qu’un censeur ordinaire doit subir. Il utilise ce pouvoir pour remplir le sĂ©nat de ses propres partisans.

CĂ©sar Ă©lĂšve ensuite le nombre de sĂ©nateurs Ă  900[56]. Toutes les nouvelles nominations concernent des individus qui lui sont loyaux. Ceci retire son prestige Ă  l’aristocratie sĂ©natoriale, ce qui la rend de plus en plus subordonnĂ©e[58]. Bien que les assemblĂ©es continuent de se rĂ©unir, il leur soumet lui-mĂȘme tous les candidats pour les Ă©lections et tous les projets de lois pour leurs ratifications. Les assemblĂ©es deviennent alors impuissantes et incapables de s’opposer Ă  CĂ©sar[58].

Vers la fin de sa vie, CĂ©sar commence Ă  prĂ©parer la guerre contre l’empire parthe. Comme son absence de Rome aurait rendu difficile le contrĂŽle des Ă©lections des nouveaux consuls, il promulgue une loi lui permettant de nommer tous les magistrats de et tous les consuls et tribuns pour [56], ce qui a pour effet de transformer des reprĂ©sentants du peuple en reprĂ©sentants d’un dictateur[56] et de retirer ce qui leur restait d’influence aux assembĂ©es[56].

Assassinat de CĂ©sar et le second triumvirat

CĂ©sar est assassinĂ© en Les motifs des conspirateurs sont Ă  la fois personnels et politiques[59]. La plupart d’entre eux sont des sĂ©nateurs et beaucoup lui reprochaient d’avoir retirĂ© au SĂ©nat une grande partie de son pouvoir et tout son prestige[59]. Des rumeurs couraient Ă©galement qui disaient que CĂ©sar s’apprĂȘtait Ă  se couronner roi et Ă  transfĂ©rer le siĂšge du pouvoir Ă  Alexandrie. Les griefs qu’ils retenaient contre lui restent assez vagues[59], tout comme l’est leur conspiration. Le fait qu’ils agissent sur des motifs flous et qu’ils n’aient aucune idĂ©e de ce qu’ils feraient aprĂšs l’assassinat jouera beaucoup dans la suite des Ă©vĂšnements[59].

AprĂšs l’assassinat, Marc Antoine forme une alliance avec le fils adoptif et grand neveu de CĂ©sar, Caius Octavianus. Avec Marcus Lepidus, ils forment une alliance connue sous le nom de second triumvirat. Ils dĂ©tiennent un pouvoir Ă©quivalent Ă  celui dĂ©tenu par CĂ©sar sous sa constitution, de sorte que les assemblĂ©es et le sĂ©nat restent impuissants, mĂȘme aprĂšs que CĂ©sar a Ă©tĂ© tuĂ©. Les conspirateurs sont dĂ©faits lors de la bataille de Philippes en Marc Antoine part en Égypte Ă  la recherche de gloire vers l’est tandis que Octavien retourne Ă  Rome. En fin de compte, Marc Antoine et Octavien se retrouveront ennemis dans une derniĂšre bataille, la bataille navale d’Actium oĂč Marc Antoine est dĂ©fait en En , Marc Antoine se suicide. En , Octavien revient Ă  Rome comme maĂźtre incontestĂ© de l’État.

Histoire de la constitution de l’Empire

Les annĂ©es qui suivent la dĂ©faite de Marc Antoine sont marquĂ©es par les rĂ©formes constitutionnelles d’Octavien qui conduisent finalement Ă  l’abolition de la RĂ©publique. Bien qu’il soit vrai qu’Octavien cherche Ă  accumuler les pouvoirs, il est vrai Ă©galement que l’ancien systĂšme est devenu obsolĂšte. Ce simple fait est la cause de beaucoup d’émoi durant le Ier siĂšcle. Sous le rĂšgne des futurs empereurs, la constitution qu’Octavien laissera facilitera la transition vers une vĂ©ritable monarchie.

RĂ©formes constitutionnelles d’Auguste

L’arrivĂ©e d’Octavien en cause une vague d’optimisme se propageant dans toute l’Italie[60]. AussitĂŽt arrivĂ©, il commence Ă  se pencher sur les problĂšmes qui gangrĂšnent Rome. DĂšs que ses rĂ©formes sont mises en place, sa popularitĂ© atteint de nouveaux sommets. Octavien possĂšde dĂ©sormais les appuis nĂ©cessaires pour aller plus loin.

En , Octavien est investi des pouvoirs tribuniciens de façon permanente (tout comme l’avait fait CĂ©sar durant sa dictature). Quand Octavien s’oppose Ă  Marc Antoine en , il abandonne son statut de triumvir[61]. NĂ©anmoins, il est investi la mĂȘme annĂ©e de pouvoirs similaires Ă  ceux qu’il vient d’abandonner.

Octavien veut renforcer sa position de maĂźtre de l’État mais Ă©viter le destin de son pĂšre adoptif. Le , Octavien rend le contrĂŽle de l’État au SĂ©nat et au peuple de Rome[61]. En toute vraisemblance, Octavien avait anticipĂ© la consĂ©quence d’un tel transfert. Sans lui, Rome risque de nouveau de tomber dans le chaos et la guerre civile.

Ni le SĂ©nat, ni le peuple de Rome n’accepteront qu’Octavien puisse abdiquer. Le SĂ©nat l’autorise Ă  demeurer consul et Ă  conserver ses pouvoirs tribuniciens. Selon cet arrangement, Octavien a dĂ©sormais des collĂšgues qui peuvent user de leur veto pour bloquer ses actions. Octavien Ă©vite alors que sa position apparaisse trop monarchique et se retrouve rĂ©intĂ©grĂ© au sein du dispositif constitutionnel. NĂ©anmoins, son prestige enlĂšve tout risque de voir un de ses collĂšgues tenter de s’opposer Ă  lui[62].

Le SĂ©nat donne ensuite Ă  Octavien le poste unique de proconsul pour une pĂ©riode de dix ans[63]. Le degrĂ© d’imperium dĂ©tenu par Octavien est supĂ©rieur Ă  celui dĂ©tenu par les proconsuls ordinaires. Il a autoritĂ© sur tous les proconsuls. Sous l’ancienne rĂ©publique, les proconsuls gouvernaient les provinces les plus difficiles. Les lĂ©gions Ă©taient stationnĂ©es pour la plupart dans ces provinces. Par consĂ©quent, Octavien a le contrĂŽle d’une grande part de l’armĂ©e romaine[62]. Octavien se voit Ă©galement donnĂ© par le sĂ©nat le titre d’« Augustus »[63]. Avec ce titre, il est fait maĂźtre de l’État par le SĂ©nat et le peuple de Rome. Il prend aussi le titre de Princeps, ou « premier citoyen »[62]. Il prend les pouvoirs dictatoriaux comme l’a fait son pĂšre adoptif vingt ans plus tĂŽt tout en restant dans l’esprit de la constitution rĂ©publicaine.

En , Auguste (Octavien s’étant lui-mĂȘme rebaptisĂ©) tente de nouveau de rĂ©former la constitution[62]. Son statut de consul est une des causes de sa faiblesse dans cette constitution[64]. Bien qu’il soit vrai que son prestige minimise les risques de voir ses actions bloquĂ©es, ce risque demeure. De plus, la tradition impose certaines restrictions au consulat[64]. Octavien abandonne alors le consulat et renforce ses pouvoirs tribuniciens et le proconsulat[64].

Le but d’Auguste est de mettre sur pied une mĂ©thode de succession. Sous la constitution d’Auguste, le sĂ©nat et le peuple de Rome dĂ©tiennent le pouvoir suprĂȘme. Tous les pouvoirs spĂ©ciaux d’Auguste lui sont accordĂ©s pour des durĂ©es limitĂ©es ou Ă  vie. Par consĂ©quent, Auguste ne peut pas lĂ©guer ses pouvoirs Ă  son successeur Ă  sa mort[65]. Tout successeur devra possĂ©der des pouvoirs indĂ©pendants de ceux d’Auguste.

En , Auguste donne les pouvoirs tribuniciens Ă  son gendre TibĂšre[65]. Auguste, qui n’a jamais eu grande estime de TibĂšre, rĂ©alise qu’il n’a plus d’autre choix que de le reconnaĂźtre comme hĂ©ritier. En 13, une loi est passĂ©e, appelĂ©e lex consularis, qui lie les pouvoirs qu’Auguste dĂ©tient sur les provinces Ă  ceux de TibĂšre[66]. DĂ©sormais, Les pouvoirs de TibĂšre, lĂ©gitimes, sont Ă©quivalents et indĂ©pendants de ceux d’Auguste[66].

De TibĂšre Ă  Vespasien

Le principat s’achĂšve lĂ©galement quand Auguste meurt en 14[67]. Bien qu’Auguste ait donnĂ© Ă  son lĂ©gat TibĂšre le statut lĂ©gal dont il a besoin pour devenir Princeps, il ne peut pas lĂ©galement le nommĂ© Princeps lui-mĂȘme. À la mort d’Auguste, TibĂšre prend le commandement de la garde prĂ©torienne et utilise l’imperium que lui confĂšrent ses pouvoirs proconsulaires pour forcer les armĂ©es Ă  lui porter allĂ©geance, acceptĂ©e tout de suite par le SĂ©nat et les magistrats[67].

Sous le rĂšgne de TibĂšre, le pouvoir d’élire des magistrats est transfĂ©rĂ© des assemblĂ©es vers le SĂ©nat[68]. Les assemblĂ©es sont rĂ©unies uniquement pour prendre connaissance du rĂ©sultat des Ă©lections, bien qu’elles gardent thĂ©oriquement un pouvoir lĂ©gislatif. À la mort de TibĂšre, Caligula est proclamĂ© empereur par le SĂ©nat. Celui-ci rend temporairement le pouvoir d’élire les magistrats aux assemblĂ©es avant de faire marche arriĂšre[68]. Les deux jours suivant son assassinat en 41, le SĂ©nat discute des avantages qu’il y aurait Ă  restaurer la rĂ©publique[69]. NĂ©anmoins, l’armĂ©e fait pression pour dĂ©clarer Claude empereur. L’intĂ©rĂȘt que Claude porte aux anciennes institutions se traduit par ses tentatives de restaurer la censure et rendre un certain degrĂ© d’indĂ©pendance au SĂ©nat[70]. Finalement, Claude est tuĂ© et NĂ©ron lui succĂšde.

Un des gros inconvĂ©nients de la constitution laissĂ©e par Auguste concerne le problĂšme de la succession. Ce point faible est violemment mis en avant durant l’annĂ©e 69[71]. Auguste avait Ă©tabli une armĂ©e permanente oĂč les soldats servaient dans la mĂȘme province sur une pĂ©riode plus longue. Ces soldats ont alors dĂ©veloppĂ© un sentiment de loyautĂ© de plus en plus fort envers leurs commandants qu’ils ne ressentent pas envers l’empereur. L’Empire est devenu en quelque sorte une union de principautĂ©s plus ou moins indĂ©pendantes. Cet Ă©tat des choses, en empirant, risque de voir l’empire se disloquer[71].

En 68, Servius Sulpicius Galba, gouverneur de Tarraconaise (Hispania Tarraconensis), est proclamĂ© empereur par ses troupes[72]. À Rome, l’empereur NĂ©ron perd bientĂŽt tous ses soutiens. Le 9 juin 68, il se suicide. NĂ©anmoins, Galba ne se montre pas trĂšs avisĂ©. Il perd le soutien de la garde prĂ©torienne en ne respectant pas les promesses qu’il avait faite[72]. Peu de temps aprĂšs, le gouverneur de Germanie infĂ©rieure, Aulus Vitellius, est proclamĂ© empereur par ses troupes alors qu’à Rome, la garde prĂ©torienne proclame Marcus Salvius Otho empereur[72]. En , Galba est assassinĂ© et le SĂ©nat proclame Othon empereur. Celui-ci prend une armĂ©e pour affronter Vitellius en Germanie, mais il est vaincu par ce dernier et se suicide en avril 69[72]. Vitellius est alors proclamĂ© empereur par le SĂ©nat. Mais un autre gĂ©nĂ©ral, Vespasien, dĂ©fait Vitellius. Ce dernier est exĂ©cutĂ© et Vespasien est nommĂ© Auguste, Ă©lu consul et se voit confĂ©rĂ© les pouvoirs tribuniciens[73].

Ces Ă©vĂšnements montrent l’influence des armĂ©es qui constituent en fait le « corps Ă©lectoral ». DĂ©sormais, tout gĂ©nĂ©ral victorieux peut prĂ©tendre au trĂŽne[74]. Il devient Ă©galement clair que bien que le sĂ©nat doive donner son aval pour l’installation sur le trĂŽne d’un nouvel empereur, son accord n’est qu’une question de forme.

De Vespasien Ă  Nerva

Le , Vespasien devient empereur[73]. Il nomme des citoyens venant de tout l’empire au SĂ©nat[75]. Le SĂ©nat perd alors le contrĂŽle sur ses propres membres. En plus d’enlever au SĂ©nat son prestige, et par lĂ  mĂȘme son pouvoir, cet acte affaiblit Ă©galement les magistratures[75]. NĂ©anmoins, les rĂ©formes de Vespasien renforcent l’Empire dans son ensemble[76]. Cet honneur que l’empereur peut dĂ©sormais accorder Ă  n’importe quel citoyen devient rapidement trĂšs recherchĂ©. Les individus ayant reçu cet honneur se montrent trĂšs fiers ce qui assure Ă  l’empereur leur loyautĂ©, tandis que ceux qui n’ont pas encore Ă©tĂ© honorĂ©s de la sorte tentent de gagner l’estime de l’empereur. L’une des consĂ©quences est le renforcement du gouvernement central. Plusieurs futurs empereurs (tels que Trajan, Hadrien et Marc AurĂšle) apparaĂźtront grĂące Ă  ces rĂ©formes[76].

AprĂšs la mort de Vespasien, son fils, Titus, devient empereur. Le rĂšgne de Titus ne dure pas assez longtemps pour lui permettre de modifier de maniĂšre consĂ©quente la constitution. NĂ©anmoins, le pouvoir du SĂ©nat continue d’ĂȘtre affaibli[77]. Domitien succĂšde Ă  son frĂšre Titus en 81. Son rĂšgne est marquĂ© par un tournant majeur vers une forme de monarchie[77]. En 84, Domitien se nomme lui-mĂȘme censeur Ă  vie. Il utilise ses pouvoirs pour assujettir un peu plus le SĂ©nat en contrĂŽlant ses membres[77]. Il modifie Ă©galement une loi lui permettant de prĂ©sider des procĂšs capitaux contre des sĂ©nateurs. Toujours en 84, Domitien se nomme consul pour dix ans. La façon dont il domine son collĂšgue illustre le degrĂ© d’impuissance atteint par le consulat[77].

En fin de compte, Domitien est un tyran dont le caractĂšre rend cette tyrannie nĂ©gative[78]. Ces traits de caractĂšres dĂ©rivent en partie de sa propre paranoĂŻa, attisĂ©e par le fait qu’il n’a pas de fils. N’ayant pas d’hĂ©ritier Ă©vident, il risque constamment d’ĂȘtre renversĂ©[78]. Une fois de plus, le problĂšme de succession se montre mortellement dangereux puisqu’en , Domitien est assassinĂ©.

De Nerva à l’abolition du principat

Environ Ă  la mĂȘme Ă©poque, l’empire commence Ă  s’affaiblir. Le recrutement militaire devient difficile, l’inflation se rĂ©vĂšle problĂ©matique et l’empire va droit Ă  la faillite. Durant cette pĂ©riode, le gouvernement se transforme, petit Ă  petit mais sans doute possible, en monarchie. Commode, en particulier, illustre bien l’utopie que reprĂ©sente dĂ©sormais le partage des pouvoirs entre l’empereur et le SĂ©nat. Celui-ci est devenu complĂštement impuissant. La rĂ©organisation bureaucratique d’Hadrien renforce un peu le sĂ©nat en transfĂ©rant la plupart de ses fonctions dans la nouvelle bureaucratie.

Marcus Cocceius Nerva devient empereur aprĂšs le meurtre de Domitien. Son rĂšgne, qui ne dure que deux ans, est trop court pour apporter de grosses modifications Ă  la constitution. NĂ©anmoins, il fait marche arriĂšre concernant certains abus dont ses prĂ©dĂ©cesseurs sont responsables. Par exemple, il met un terme (durant son rĂšgne du moins) aux poursuites en justice pour irrespect envers l’empereur[79]. En 97, Nerva adopte Marcus Ulpius Trajanus, qui est alors gouverneur de la Germanie supĂ©rieure. Quand Nerva meurt en , la succession se dĂ©roule sans heurt. Trajan refuse de prĂ©sider les procĂšs capitaux contre les sĂ©nateurs et respecte la libertĂ© de parole durant les rĂ©unions du sĂ©nat. Il est hors de Rome pendant des durĂ©es tellement longues que le sĂ©nat finit mĂȘme par regagner quelques pouvoirs lĂ©gislatifs indĂ©pendants[79]. De plus, Trajan se montre respectueux envers les magistratures rĂ©publicaines en ne dĂ©tenant que pendant quatre ans le titre de consul sur les 19 annĂ©es de son rĂšgne[79].

Hadrien succĂšde Ă  Trajan comme empereur. Son plus important changement de la constitution est la crĂ©ation d’un systĂšme bureaucratique[80]. Dans ce systĂšme, le rĂŽle de chaque magistrat est clairement dĂ©fini et de nombreuses fonctions qui avaient Ă©tĂ© abandonnĂ©es par le passĂ©, telles que la perception des taxes, sont de nouveau gĂ©rĂ©es par l’État[80]. Hadrien meurt peu de temps aprĂšs avoir adoptĂ© Antonin le Pieux, en faisant son hĂ©ritier. Celui-ci ne modifie pas la constitution et fait de Marc AurĂšle son hĂ©ritier en 161, avant de mourir.

Le retour au principe de la collĂ©gialitĂ© constitue le changement majeur de la constitution durant le rĂšgne de Marc AurĂšle[81]. Il fait de Lucius Verus son coempereur. Ce dernier gouverne la partie est de l’empire tandis que Marc AurĂšle s’occupe de la partie ouest. En 169, Verus meurt. En 176, Marc AurĂšle nomme comme nouveau coempereur son propre fils, Commode. Celui-ci devient empereur Ă  la mort de son pĂšre en 180. Sa tyrannie ravive les plus mauvais souvenirs qu’avaient laissĂ©s les derniers empereurs juliens[82]. Il accapare des pouvoirs qu’il ne dĂ©tient pas lĂ©galement de façon beaucoup plus directe que ses prĂ©dĂ©cesseurs. Il est assassinĂ© en 192.

Plus aucune rĂ©forme constitutionnelle n’a lieu pendant le principat. Le seul fait marquant reste la dĂ©rive continue vers la monarchie. À partir de 235, avec le rĂšgne de l’empereur barbare Maximin le Thrace, l’empire traverse une pĂ©riode de tensions graves tant au niveau militaire qu’économique. Cette crise s’achĂšve avec l’arrivĂ©e au pouvoir de l’empereur DioclĂ©tien en 284 et l’abolition du principat.

Histoire de la constitution du Bas-Empire

Quand DioclĂ©tien devient empereur en 284, il hĂ©rite d’une constitution qui ne fonctionne plus. DioclĂ©tien fait alors passer les plus importantes des rĂ©formes depuis celles d’Octavien, tentant de corriger les erreurs de la constitution. Avec ces rĂ©formes, l’espoir du retour de la RĂ©publique est dĂ©finitivement perdu et le principat est aboli. À la place, DioclĂ©tien Ă©tablit un systĂšme que les historiens modernes appellent « dominat ».

Entre la mort de Septime SĂ©vĂšre en 211 et l’accession au trĂŽne de DioclĂ©tien en 284, vingt-trois empereurs se sont succĂ©dĂ©, tous ont Ă©tĂ© assassinĂ©s. La plupart de ces empereurs doivent leur accession au trĂŽne Ă  la force des armes. Ce problĂšme dĂ©rive du fait qu’il n’existe pas de mĂ©canismes universellement reconnu facilitant la succession. L’absence d’un tel mĂ©canisme lĂ©gitime le recours aux armes comme outil pour renverser le pouvoir en place et installer un nouvel empereur.

DioclĂ©tien ressuscite le systĂšme que Marc AurĂšle avait dĂ©jĂ  utilisĂ© et divise l’empire en deux[83]. Chaque partie est dirigĂ©e par un des deux coempereurs, appelĂ©s Augusti. Il revient ensuite sur le systĂšme de succession crĂ©Ă© par Hadrien et s’assure que chaque empereur nommera son successeur au dĂ©but de son rĂšgne. Il appelle ce successeur le CĂ©sar[83]. DioclĂ©tien crĂ©e ensuite un systĂšme bureaucratique similaire a celui fondĂ© par Hadrien. Chaque poste dans ce systĂšme a des responsabilitĂ©s bien dĂ©finies, un rang et tout un panel de promotions possibles. Dans ce systĂšme administratif, DioclĂ©tien suit l’exemple de ce qu’avait mis en place Domitien et divise l’empire en petites unitĂ©s administratives[84]. DioclĂ©tien a simplement repris des concepts dĂ©jĂ  existants, les rassemblant en une unique constitution[83].

Quand DioclĂ©tien abdique, une pĂ©riode de chaos s’ensuit. NĂ©anmoins, aprĂšs que ce chaos s'est dissipĂ©, la plupart de ces rĂ©formes restent en place. Cette constitution survivra jusqu’à la chute de l’Empire romain en 476.

Voir aussi

Bibliographie

Sources antiques
Sources modernes utilisées
Autres ouvrages francophones
Autres ouvrages anglophones

Notes et références

  1. F.F. Abbott, A History and Description of Roman Political Institutions, p.1
  2. F.F. Abbott, op. cit., p.2
  3. F.F. Abbott, op. cit., p.6
  4. F.F. Abbott, op. cit., p.3
  5. F.F. Abbott, op. cit., p.5
  6. F.F. Abbott, op. cit., p.7
  7. F.F. Abbott, op. cit., p.8
  8. F.F. Abbott, op. cit., p.9
  9. F.F. Abbott, op. cit., p.4
  10. F.F. Abbott, op. cit., p.21
  11. F.F. Abbott, op. cit., p.10
  12. F.F. Abbott, op. cit., p.25
  13. F.F. Abbott, op. cit., p.26
  14. F.F. Abbott, op. cit., p.28
  15. F.F. Abbott, op. cit., p.36
  16. F.F. Abbott, op. cit., p.41
  17. F.F. Abbott, op. cit., p.37
  18. F.F. Abbott, op. cit., p.29
  19. F.F. Abbott, op. cit., p.42-43
  20. F.F. Abbott, op. cit., p.42
  21. F.F. Abbott, op. cit., p.43
  22. F.F. Abbott, op. cit., p.44
  23. F.F. Abbott, op. cit., p.45
  24. F.F. Abbott, op. cit., p.46
  25. F.F. Abbott, op. cit., p.47
  26. F.F. Abbott, op. cit., p.48
  27. F.F. Abbott, op. cit., p.52
  28. F.F. Abbott, op. cit., p.51
  29. F.F. Abbott, op. cit., p.53
  30. F.F. Abbott, op. cit., p.63
  31. F.F. Abbott, op. cit., p.65
  32. F.F. Abbott, op. cit., p.66
  33. F.F. Abbott, op. cit., p.67
  34. F.F. Abbott, op. cit., p.77
  35. F.F. Abbott, op. cit., p.80
  36. F.F. Abbott, op. cit., p.96
  37. F.F. Abbott, op. cit., p.97
  38. F.F. Abbott, op. cit., p.98
  39. F.F. Abbott, op. cit., p.101
  40. F.F. Abbott, op. cit., p.100
  41. F.F. Abbott, op. cit., p.103
  42. F.F. Abbott, op. cit., p.104
  43. F.F. Abbott, op. cit., p.105
  44. F.F. Abbott, op. cit., p.107
  45. F.F. Abbott, op. cit., p.108
  46. F.F. Abbott, op. cit., p.109
  47. F.F. Abbott, op. cit., p.109-110
  48. F.F. Abbott, op. cit., p.110
  49. F.F. Abbott, op. cit., p.111
  50. F.F. Abbott, op. cit., p.112
  51. F.F. Abbott, op. cit., p.113
  52. F.F. Abbott, op. cit., p.114
  53. F.F. Abbott, op. cit., p.115
  54. F.F. Abbott, op. cit., p.129
  55. F.F. Abbott, op. cit., p.134
  56. F.F. Abbott, op. cit., p.137
  57. F.F. Abbott, op. cit., p.135
  58. F.F. Abbott, op. cit., p.138
  59. F.F. Abbott, op. cit., p.133
  60. F.F. Abbott, op. cit., p.266
  61. F.F. Abbott, op. cit., p.267
  62. F.F. Abbott, op. cit., p.269
  63. F.F. Abbott, op. cit., p.268
  64. F.F. Abbott, op. cit., p.270
  65. F.F. Abbott, op. cit., p.272
  66. F.F. Abbott, op. cit., p.273
  67. F.F. Abbott, op. cit., p.289
  68. F.F. Abbott, op. cit., p.292
  69. F.F. Abbott, op. cit., p.293
  70. F.F. Abbott, op. cit., p.294
  71. F.F. Abbott, op. cit., p.296
  72. F.F. Abbott, op. cit., p.297
  73. F.F. Abbott, op. cit., p.305
  74. F.F. Abbott, op. cit., p.298
  75. F.F. Abbott, op. cit., p.308
  76. F.F. Abbott, op. cit., p.309
  77. F.F. Abbott, op. cit., p.310
  78. F.F. Abbott, op. cit., p.312
  79. F.F. Abbott, op. cit., p.317
  80. F.F. Abbott, op. cit., p.318
  81. F.F. Abbott, op. cit., p.319
  82. F.F. Abbott, op. cit., p.320
  83. F.F. Abbott, op. cit., p.339
  84. F.F. Abbott, op. cit., p.340

Liens internes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.