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Senatus consultum ultimum

Le senatus consultum ultimum (« décret ultime du Sénat »), plus exactement senatus consultum de re publica defendenda (« décret du Sénat pour la défense de la République »), est un terme moderne basé sur la formulation utilisée par Jules César[1] :

« Decurritur ad illud extremum atque ultimum senatus consultum, quo nisi paene in ipso urbis incendio atque in desperatione omnium salutis sceleratorum audacia numquam ante descensum est: dent operam consules, praetores, tribuni plebis, quique pro consulibus sint ad urbem, ne quid res publica detrimenti capiat. »

— Gaius Julius Caesar, Commentarii de bello civili, Liber I, V

« Enfin on a recours à ce sénatus-consulte, qui, par son importance, venait le dernier de tous, alors que Rome était, pour ainsi dire, menacée d'incendie, et que chacun désespérait de son salut : "Que les consuls, les préteurs, les tribuns du peuple, et les consulaires qui sont prÚs de Rome, veillent à ce que la république ne reçoive aucun dommage." »

— Jules CĂ©sar, Commentaires sur la Guerre civile, Livre I, 5 (trad. Nisard, Paris, 1865)

La forme est usuellement consules darent operam ne quid detrimenti res publica caperet ou videant consules ne res publica detrimenti capiat (« que les consuls veillent à ce que la République ne subisse aucun dommage. »).

Historique

DĂšs 464 av. J.-C., on trouve une dĂ©cision du SĂ©nat similaire Ă  un senatus consultum ultimum : le consul Furius fait la guerre contre les Èques, et battu, il se retrouve enfermĂ© dans son camp, en infĂ©rioritĂ© numĂ©rique contre ces ennemis qui ont Ă©tĂ© renforcĂ©s par leurs alliĂ©s volsques. À Rome, c'est l'effroi : la patrie romaine est proclamĂ©e en danger et le SĂ©nat donne Ă  Postumius les pleins pouvoirs de prendre toute mesure pour sauver l'État[2]. Cette prĂ©figuration apparente du senatus consultum ultimum n'est peut-ĂȘtre cependant qu'une projection anachronique de Tite-Live.

AprĂšs 202 av. J.-C., date de la nomination du dernier dictateur conventionnel, le senatus consultum ultimum remplace finalement et efficacement la dictature tombĂ©e en dĂ©suĂ©tude, en donnant aux magistrats, surtout les consuls, des pouvoirs semi-dictatoriaux pour prĂ©server l’État quand les circonstances exigent des mesures extraordinaires. Il suspend le gouvernement civil et instaure la loi martiale (ou quelque chose d’analogue)[3].

Plusieurs raisons poussent le SĂ©nat Ă  user du senatus consultum ultimum plutĂŽt que de nommer un dictateur lors des cas d’extrĂȘme urgence. Pendant le IIIe siĂšcle av. J.-C., une sĂ©rie de lois est ratifiĂ©e permettant un contrĂŽle du pouvoir dictatorial. De plus, en 217 av. J.-C., une loi est promulguĂ©e qui donne aux assemblĂ©es populaires le droit de nommer les dictateurs, Ă©liminant alors le monopole de l’aristocratie sur ce pouvoir[3].

Il est décrété par le Sénat de la République en quelques occasions, dont notamment :

AprÚs l'essor du principat et de l'Empire romain, il est peu nécessaire au Sénat de le décréter à nouveau.

Controverse sur sa légalité

Ce décret pose néanmoins des problÚmes de légalité et de compatibilité avec les Institutions de la République romaine. Il n'énumÚre pas les pouvoirs réels donnés aux consuls en cette occasion, et notamment s'il peut permettre d'outrepasser les protections et la liberté des citoyens romains.

Caius Sempronius Gracchus déclare le senatus consultum ultimum inconstitutionnel. Mais non réélu au tribunat de la plÚbe en 121 av. J.-C., ses lois étant annulées, il tente alors de faire sécession avec ses partisans comme la plÚbe jadis avait fait sécession contre les patriciens au Mont Sacré. Le Sénat réplique en promulguant un senatus consultum ultimum qui autorise l'élimination de Caius par n'importe quel moyen. Il est tué par son esclave à la demande du Sénat, lors d'un affrontement sur l'Aventin avec 3000 partisans contre le consul Lucius Opimius[14].

En 63 av. J.-C., CicĂ©ron use du senatus consultum ultimum comme moyen pour procĂ©der Ă  des exĂ©cutions extra-judiciaires d'hommes accusĂ©s de complicitĂ© dans la conjuration de Catilina, dont l’ancien consul Publius Cornelius Lentulus Sura. Il soutient alors, comme Caton, qu'Ă©tant donnĂ© le danger extraordinaire de la crise, le dĂ©cret lui donne ce pouvoir exceptionnel en cette occasion. Jules CĂ©sar, et quelques autres, s'opposent en soulignant que le senatus consultum ultimum ne peut lui permettre de passer outre les lois fondamentales de l’État romain, mais seulement de faire tout leur possible dans le cadre de la RĂ©publique pour rĂ©soudre la crise. En 58 av. J.-C., alors que les exĂ©cutions sommaires de CicĂ©ron avaient Ă©tĂ© approuvĂ©es par le SĂ©nat durant la crise, son ennemi politique Publius Clodius Pulcher le condamne Ă  l'exil, celui-ci durant environ un an. Le consul de l'annĂ©e 57, Lentulus Sphinter aide Ă  son retour. La rĂ©ussite de Clodius d'exiler CicĂ©ron par hostilitĂ©, et non par souci constitutionnel, ne rĂšgle pas la question de la lĂ©galitĂ© du senatus consultum ultimum[15]

Sources

Notes

  1. Jules CĂ©sar, Guerre civile, Livre I, 5
  2. Tite-Live, Histoire romaine, Livre III, 4
  3. Abbott, 240
  4. Cicéron, Catilinaires, Livre I, 2
  5. Cicéron, Philippiques, Livre VIII, 4
  6. Tite-Live, Periochae, Livre LXI
  7. Plutarque, Les Vies parallĂšles, Les Gracques, 35
  8. Salluste, Histoires, Livre I, 77
  9. Dion Cassius, Histoire romaine, Livre XXXVII, 31
  10. Plutarque, Les Vies parallÚles, Cicéron, 15
  11. Salluste, Conjuration de Catilina, 28-29
  12. Dion Cassius, Histoire romaine, Livre XLI, 3
  13. Tite-Live, Periochae, Livre CIX
  14. Abbott, p 98
  15. Everitt, Cicero

Références

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