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Servius Tullius

Servius Tullius est le sixième roi légendaire (et parmi eux, le deuxième des rois étrusques) de la Rome antique. Il aurait régné de 575 à 535 av. J.-C., dates incertaines.

Servius Tullius
Illustration.
Servius Tullius, portrait imaginaire sur une gravure de Frans Huys (XVIe siècle)
Titre
6e roi de Rome
– 535 av. J.-C. (~40 ans)
Prédécesseur Tarquin l'Ancien
Successeur Tarquin le Superbe
Biographie
Dynastie Étrusque
Date de décès 535 av. J.-C. (Rome)
Conjoint Tarquinia

Servius Tullius
Louve capitoline
Liste des rois de Rome
SĂ©rie Rome antique

Biographie

Ce prince avait pour mère Ocrésia, une femme noble, pourtant prisonnière et servante de Tanaquil. Selon la tradition historique romaine, il soumit les Sabins, joignit à la Ville trois monts : le Quirinal, le Viminal, l'Esquilin, et fit creuser des fossés autour de ses remparts.

Il institua le cens. Sous lui, Rome, après qu'on eut procédé au recensement général, compta quatre-vingt-trois mille têtes de citoyens romains, y compris les habitants des campagnes. Il fut tué, la 40e année de son règne, victime du forfait de son gendre, Tarquin le Superbe, fils du roi auquel il avait lui-même succédé, et du crime de sa fille, que Tarquin avait épousée. Il aurait introduit dans la Rome antique le principe de la division topographique.

Il semble établi qu'au VIe siècle av. J.-C., un certain nombre de rois ou magistri d'origine étrusque ou latine se soient intercalés entre les règnes de la dynastie tarquinienne, et que la tradition latine a désigné sous le nom générique de Servius Tullius. Leurs politiques furent inspirées par Solon et les tyrans de Milet et d'Athènes, en particulier Pisistrate[1].

Selon la tradition rapportée par les annalistes latins, notamment par Aurelius Victor, Servius Tullius (également dénommé « Marcstrna »[2], ou « Macstrana » en étrusque[3] - [4]) était le fils de Publius, de la ville de Corniculum, et d'une captive, Ocresia, esclave de Tanaquil, l'épouse de Tarquin l'Ancien, versée dans l'art des augures. Dans d'autres sources, Ocresia servait les rites domestiques du foyer royal en tant que vestale vierge, et lors d'une telle occasion, après avoir étouffé les flammes du foyer avec une offrande sacrificielle, elle fut pénétrée par un phallus désincarné qui s'est levé du foyer. Selon Tanaquil, il s'agissait d'une manifestation divine, soit du Lar de la maison ou de Vulcain lui-même. Ainsi Servius, divinement engendré, était déjà destiné à la grandeur, malgré le statut servile de sa mère[5]. Une flamme mystérieuse brûlant au-dessus de sa tête confirmera quelques années plus tard son origine divine[6].

Alors que Servius Tullius était enfant, une flamme parut sur sa tête. Tanaquil y vit le présage de la dignité royale[7] et conseilla à son époux de lui donner la même éducation qu'à leurs propres fils. Devenu grand, Servius Tullius épousa la fille de Tarquin l'Ancien. Il faut cependant noter que Tite-Live favorise une version un peu différente[8].

Selon les historiens latins[9], Servius accède à la royauté à la suite de l'assassinat de Tarquin l'Ancien[10], dont il avait épousé la fille. C'est le premier souverain à accéder au pouvoir sans consultation populaire (579 av. J.-C.). Paul Martin y voit la marque d'une succession exogamique en ligne utérine de la royauté[11] - [12], chaque roi romain accédant au trône par mariage avec la fille de son prédécesseur[13] - [14] - [15]. On accrédite également l'édification de deux temples étrusco-romains surplombant l'aire cultuelle de Sant'Omobono. Le premier se pourvoit au culte de la déesse Fortuna[16] - [17] - [18] et le second à la déesse Mater Matuta[19] - [16] - [20] - [21] - [22] - [23] - [24].

Après des campagnes militaires contre Véies et les Étrusques, il améliora l'organisation administrative et politique de l'Urbs. Il instaura le cens, répartit la population en classes (réforme servienne) selon la fortune, et accomplit des travaux publics[25] - [26] de grande importance[27] - [28] - [29] - [30] - [31].
La monnaie n'arrivant à la cité capitoline[alpha 1] qu'au cours du IIIe siècle av. J.-C., la répartition de la population romaine n'a pas pu se faire directement à partir de données financières. En réalité, le cens servilien se basait sur des données agricoles, combinant jugères (c'est-à-dire parcelles de terrain) et têtes de bétail.

Il recensa la population romaine (quatre-vingt mille citoyens en âge de porter les armes, selon Quintus Fabius Pictor). Servius réforma l'armée et modifia les impôts en divisant la ville en quatre régions qui furent confondues avec des tribus urbaines[34] : regio Suburana, regio Esquillina, regio Collina et regio Palatina. Tite-Live joue ici sur les mots « tribus » et « tribut » (l'impôt) dans son explication. Mais Servius transforma ainsi les institutions romaines de façon radicale : le vote cessait d'être individuel et dépendait du cens : le pouvoir allait désormais appartenir totalement aux plus riches[35] - [36] - [37].

Il déplaça le pomœrium et augmenta la superficie de la Ville, renfermant dans une nouvelle enceinte (dite muraille servienne[38] - [39] - [40]), le Quirinal, le Viminal et aménagea l'Esquilin où il choisit de résider pour améliorer le prestige du quartier[41] - [42] - [43] - [44] - [45] - [46].

À la longue, Servius exerça un pouvoir de plus en plus autoritaire et démagogique, favorisant les plus démunis aux dépens des plus aisés afin d'obtenir les faveurs de la plèbe, ce qui suscita une certaine opposition.

Il mourut tragiquement (535 av. J.-C.), victime d'un complot organisé par sa propre fille et par son gendre, Tarquin le Superbe, le fils de Tarquin l'Ancien.

RĂ©forme servienne

Muraille Servienne, Rome, Gare Termini.

La « réforme servienne », attribuée anachroniquement à Servius Tullius, et attestée à la fin du IVe et au début du IIIe siècle av. J.-C., propose une répartition des citoyens en cinq classes, selon leur fortune (le cens). Ces cinq classes sont divisées en centuries et en deux groupes d'âge (juniores et seniores). Les juniores (de 17 à 45 ans) devant servir dans l'armée active, et les seniores (de 46 à 60 ans) dans la réserve[47] - [48] - [49]. D'autre part, les légions d'infanterie lourde, dénommées troupes hoplitiques étaient essentiellement constituées des soldats les plus jeunes et les opulents[50] - [51] - [52] - [53] - [54].

Classes Centuries Juniores Seniores Cens (au minimum)
Classe Ă©questre 18 (Ă©questres) 12 6 1 million d'as
Première classe 80 (pédestres) 40 40 100 000
Deuxième classe 20 (pédestres) 10 10 75 000
Troisième classe 20 (pédestres) 10 10 50 000
Quatrième classe 20 (pédestres) 10 10 25 000
Cinquième classe 30 (pédestres) 15 15 11 000

À cela s'ajoutent 5 centuries hors classes : 2 centuries d'ouvriers du génie, 2 centuries de sonneurs de trompettes, 1 centurie de métiers infamants et de capite censi (regroupés en une seule centurie). Le nombre de centuries s'élève donc à 193. Les capite censi (qui n'ont que leur tête), dont le cens était inférieur à 11 000 as, étaient exclus du service militaire, tout comme les esclaves et les orphelins[50] - [51] - [52] - [53] - [55].

Cependant, cette organisation censitaire décrite par les auteurs antiques du Ier siècle av. J.-C. est anachronique, et date plutôt de la fin du IVe ou du début du IIIe siècle av. J.-C., à l'époque des guerres samnites. La réforme initiale sous la monarchie ne comporte tout au plus que deux catégories, ceux étant capables de financer leurs équipements et les autres.

Cette répartition des citoyens avait un impact considérable dans l'organisation politique de la cité. En effet, la centurie était une unité militaire mais également une unité de vote. Puisqu'il fallait la majorité des voix, il est évident que les 18 centuries équestres et les 80 unités de la première classe suffisaient pour valider une loi. De fait, les quatre dernières classes n'étaient jamais consultées (la consultation se faisait en commençant par la classe la plus riche jusqu'à la cinquième). Les comices centuriates étaient donc dominées par les citoyens les plus riches de la cité.

Mastarna dans la légende étrusque

Claude, dans un discours devant le Sénat, a fait allusion aux « aventures » de Mastarna (qu'il assimile à Servius Tullius)[56] - [57].

Claude a fait valoir que Mastarna a quitté l'Étrurie avec les restes de l'armée de Cælius Vibenna[58] et a occupé la colline Cælius, la nommant par la suite Vibenna[59] - [60].

« Fils de l’esclave Ocrésia, si nous en croyons nos historiens, Servius Tullius prit place sur le trône entre ce prince et son fils ou son petit-fils, car les auteurs varient sur ce point. Si nous suivons les Toscans, il fut le compagnon de Cælius Vivenna, dont il partagea toujours le sort. Chassé par les vicissitudes de la fortune avec les restes de l’armée de Cælius, Servius sortit de l’Etrurie et vint occuper le mont Cælius, auquel il donna ce nom en souvenir de son ancien chef ; lui-même changea son nom, car en étrusque, il s’appelait Mastarna et prit le nom que j’ai déjà prononcé, de Servius Tullius, et il obtint la royauté pour le plus grand bien de la République »

— Claude, Table claudienne, première colonne

La Tombe François à Vulci contenait une scène montrant Cælius et Aulus Vibenna prenant part à l'une de ces aventures.

La scène semble montrer Cælius, Aulus Vibenna et Mastarna avec des compagnons nommés « Larth Ulthes », « Rasce » et « Marce Camitlnas ». Ces images montrent l'exécution des ennemis dont les noms « Laris Papathnas Velznach », « PESNA Arcmsnas Sveamach », « Venthical » [...] « plsachs » et « Cneve Tarchunies Rumach » (assimilé à « Cnaeus Tarquin de Rome »).

Scène de la Libération de Celio Vibenna, à l'origine dans la Tombe François, Vulci.

Il semble que le groupe avait fait prisonnier Cælius, Aulus, Rasce et Marce, mais pendant leur sommeil, Larth Ulthes s'est introduit dans leur camp, armé d'épées qu'il a données à ses compagnons.

Les prisonniers sont représentés en train de tuer leurs ravisseurs. Mastarna est montré libérant Cælius Vibenna[61].

Selon Massimo Pallottino[62] Mastarna serait le « serviteur » de Cælius Vibenna (Caile Vipinas), car le suffixe « na » indique l'appartenance, donc « Macstrna » signifierait « appartenant au magister » (macstr = magister).

Notes et références

Notes

  1. Terminologie historiographique et urbaine qui fait référence à l'édifice monumental du Capitole, l'occurrence architecturale la plus symbolique de l'ère antique romaine[32] - [33].

Références

  1. Michel Humbert, Institutions politiques et sociales de l'Antiquité, Editions Dalloz.
  2. Irollo 2010, p. 96
  3. Piel et Mineo 2011, p. 63
  4. Dominique Briquel, « Le témoignage de Claude sur Mastarna/Servius Tullius », Revue belge de philologie et d'histoire, Antiquité - Oudheid, t. 68, no 1,‎ , pages 86-108 (DOI 10.3406/rbph.1990.3702, lire en ligne, consulté le )
  5. Jean Haudry, Les feux de Rome, Revue des Ă©tudes latines 90, 2013, p.57-82
  6. GĂ©rard Capdeville, Volcanus. Recherches comparatistes sur les origines du culte de Vulcain, De Boccard, 1995, p.38
  7. Florus, Épitome ou Abrégé de l'histoire romaine depuis Romulus jusqu'à Auguste, I, 6 : « clarum fore visa circa caput flamma promiserat » ↔ « une flamme, qu'elle (Tarquinil) avait vue autour de sa tête, lui avait présagé sa gloire future ».
  8. Selon Tite-Livre (I, XXXIX, 5) il est impossible que Tarquin ait donné sa fille à un esclave. Il se range à une autre version des faits (« Eorum magis sententiae sum »), qui rapporte que Servius Tullius était le fils d'un autre Servius Tullius, chef de Corniculum. Après la prise de cette ville et la mort de son père au combat, sa mère enceinte de lui (dont Tite-Live ne précise pas le nom) a été recueillie dans la maison de Tarquin par Tanaquil, qui en raison de sa noblesse (« ob unicam nobilitatem ») a interdit que la servitude lui soit imposée.
  9. Tite-Live, Histoire de Rome depuis sa fondation, et Caton, Les origines.
  10. Philippe Dain, Mythologie du Vatican I, (lire en ligne), page 31
  11. André Piganiol, « Une nouvelle histoire critique des premiers temps de Rome », Journal des savants,‎ , page 104-113 (DOI 10.3406/jds.1928.2853, lire en ligne, consulté le )
  12. Jean-Claude Richard, « Denys d'Halicarnasse historien des origines de Rome », dans Arnaldo Momigliano e Aldo Schiavone, Storia di Roma : Roma in Italia, 1988., éditions du Mirail, coll. « Pallas, 39/1993 », (lire en ligne), pages 224-229
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  31. Jean-Marie Thiveaud, « Monnaie, État, marché : histoire et dérivations », dans sous la direction de François Henrot et Catherine Lubochinsky, Revue d'économie financière, vol. 24, (DOI 10.3406/ecofi.1993.1982, lire en ligne), pages 313-337
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  58. Cette étymologie est en accord avec la tradition historique de la fondation de Rome qui situe les Étrusques sur le mont Cælius, les Romains sur le mont Palatin, les Sabins sur le mont Capitolin.
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  61. T.J. Cornell, The Beginnings of Rome, p. 135-139, Routledge, Londres, 1995.
  62. Massimo Pallottino Origini e storia primitiva di Roma

Voir aussi

Bibliographie

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  • Jean-Marc Irollo, Histoire des Étrusques : l'antique civilisation toscane, VIIIe – Ier siècle av. J.-C., Paris, Perrin, coll. « Tempus » (no 313), , 212 p. (ISBN 978-2-262-02837-4)

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