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Mater Matuta

Mater Matuta (littĂ©ralement : « mère du matin, mère de la bonne heure[1] ») est la divinitĂ© du matin et de l'Aurore[2]. Le culte de Mater Matuta est rĂ©pandu anciennement dans de nombreuses villes de l'Italie centrale[3].

Mater Matuta
Divinité de la mythologie romaine
Image illustrative de l’article Mater Matuta
Caractéristiques
Nom latin Mater Matuta
Fonction principale Divinité du matin et de l'Aurore
Équivalent(s) par syncrétisme Leucothée
Culte
Temple(s) Forum Boarium
Symboles
Attribut(s) Épée
Animal Vipère

Culte

Servius Tullius lui édifia un temple au Forum Boarium (il fut détruit en 506 av. J.-C. puis reconstruit par Camille en 396 av. J.-C.[4]). Les vestiges de ce temple ont été découverts dans l'aire de Sant'Omobono, fouillée à partir de 1937[5] - [6] - [7] - [8] - [9].

Les Matrialia sont des fêtes consacrées à Mater Matuta le 11 juin à Rome. À l’aurore[10], les matrones romaines, font entrer une esclave dans l'enceinte du temple, elles la fouettent avec des verges puis la chassent[11]. Lors de la cérémonie, ce sont leurs neveux et leurs nièces qu'elles portent dans les bras et honorent, et non leurs propres enfants.

Interprétation: un rite cosmogonique

Georges DumĂ©zil[10], spĂ©cialiste de la religion indo-europĂ©enne, a expliquĂ© cette cĂ©rĂ©monie en la mettant en parallèle avec la lĂ©gende (issue d'un mĂŞme hĂ©ritage indo-europĂ©en) d'Usas et Usasah des Indiens vĂ©diques dans le Rig Veda. Usas et sa sĹ“ur Usasah sont les dĂ©esses de l'Aurore. Usas chasse les tĂ©nèbres après les avoir d'abord attirĂ©es : ce qui explique le rite de l'accueil puis d'Ă©viction de l'esclave (reprĂ©sentant les tĂ©nèbres) par les matrones. DumĂ©zil propose Ă©galement une autre interprĂ©tation de type cosmogonique : l’aurore, le « bon matin Â», est bĂ©nĂ©fique car elle chasse les tĂ©nèbres mais malĂ©fique si elle s’éternise, il faut qu’elle disparaisse, il faut la chasser pour qu’elle fasse place au jour. Le rituel d’éviction est identique Ă  celui de dĂ©cembre oĂą, symboliquement, on aide le soleil Ă  se relever. DumĂ©zil[10] met en parallèle les Matralia fĂ©minines du 11 juin avec les Agonalia solaires et masculines du 11 dĂ©cembre, et celles du printemps oĂą l’on chasse l’hiver.

Les dames romaines portent leurs neveux (ou nièces) dans leurs bras, comme l’Aurore porte le soleil. « De la mĂŞme façon, chez les Indiens vĂ©diques, l’Aurore prend bien soin du soleil, fils de sa propre sĹ“ur, la Nuit[12] ». « Mater Matuta a Ă©tĂ© une dĂ©esse Aurore, moins poĂ©tique mais aussi personnelle que l’Aurore des Indiens vĂ©diques[10]. Â»

Il est probable, souligne encore DumĂ©zil, qu’à l’époque classique, le sens profond du rite ait Ă©tĂ© oubliĂ© - d’oĂą son rattachement mythologique et tardif avec la dĂ©esse grecque Ino[13], aussi appelĂ©e LeucothĂ©e, la « blanche dĂ©esse Â».

Plus tard encore, Augustin d'Hippone en fait une divinité de la maturation. Il la mentionne dans La Cité de Dieu, ouvrage où il attribue, parfois à raison, souvent à tort, des attributs aux divinités romaines pour servir son œuvre de propagande chrétienne.

Archéologie

De petits bronzes votifs datés des VIIe-VIe siècles trouvés dans le grand sanctuaire italique de Mater Matuta à Satricum figurent une déesse, la tête surmontée d'un disque manifestement solaire. Ils confirment l'interprétation dumézilienne et semblent attester que l'Italie, et la Rome même de l'époque royale, gardaient encore le sens cosmique du culte de Mater Matuta[14].

Anecdotes

En 378 av. J.-C., comme ils mettent à sac la ville de Satricum, les Latins n'osent pas toucher à l'édifice de la déesse, car une voix terrifiante, jaillie du temple, les menace de représailles épouvantables s'ils ne s'éloignent pas.

En 213 av. J.-C., un incendie ravage le cœur de la ville de Rome, de l'Aventin au Capitole, détruisant les temples de Fortuna et de Mater Matuta situés près du Forum Boarium.

Le mot latin « matutina Â», Matines, premier office du cursus catholique, proviendrait de Mater Matuta ; « matutinal Â» est le terme littĂ©raire pour « matinal Â».

Bibliographie

  • Georges DumĂ©zil, Mythe et Ă©popĂ©e, III.– Histoires romaines, Paris, Gallimard, 1973

Notes et références

  1. Voyez la section étymologique de Matuta ; son nom est étymologiquement apparenté aux dieux Mânes.
  2. Selon le poète Lucrèce, dans De rerum natura.
  3. Raymond Bloch, « Recherches sur la religion romaine du VIe siècle av. J.-C. Â», in Comptes-rendus des sĂ©ances de l'annĂ©e... - AcadĂ©mie des inscriptions et belles-lettres, 122e annĂ©e, N. 3, 1978, pp. 669-687,
  4. Tite-Live, Histoire romaine, livre V, 14.
  5. (it) Filippo Coarelli, Il foro boario, _ Rome, , pages 205 Ă  220
  6. (it) Jacques Poucet, « La Rome archaïque. Quelques nouveautés archéologiques : S. Omobono le Comitium la Regia », L'antiquité classique, vol. 49,‎ , p. 286-315 (lire en ligne, consulté le )
  7. Alexandre Grandazzi, « La Roma quadrata : mythe ou réalité ? », Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité, vol. tome 105, no 2,‎ , pages 493-545 (DOI 10.3406/mefr.1993.1813, lire en ligne, consulté le )
  8. Annie Dubourdieu, Les origines et le développement du culte des Pénates à Rome, vol. 118, Rome : École française de Rome, Publications de l'École française de Rome, , 594 p. (lire en ligne)
  9. Dominique Briquel, « Les figures féminines dans la tradition sur les rois étrusques de Rome », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 142e année, no 2,‎ , pages 397-414 (DOI 10.3406/crai.1998.15871, lire en ligne, consulté le )
  10. Georges DumĂ©zil, DĂ©esses latines et mythes vĂ©diques, Bruxelles, coll. Latomus XXV, 1956 : chap. I « Mater Matuta », pp. 9-43. La rĂ©flexion sur Mater Matuta a Ă©tĂ© reprise et dĂ©veloppĂ©e dans Mythe et Ă©popĂ©e, III.– Histoires romaines, Paris, Gallimard, 1973 (deuxième partie : « La saison de l'Aurore Â» ; appendice I : « Mater Matuta Â»).
  11. DumĂ©zil fait remarquer qu’il s’agit du seul cas dans la religion romaine de rituel de type « bouc Ă©missaire Â», i.e. oĂą l’on chasse une personne considĂ©rĂ©e comme impure.
  12. Raymond Bloch, op. cit., p. 679.
  13. Selon Cicéron, dans De natura deorum.
  14. Jacqueline Champeaux, La religion romaine, Paris : Librairie générale française, 1998, p.44.

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