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Constitution de la RĂ©publique romaine

L'expression constitution de la RĂ©publique romaine, n'a pas de sens prĂ©cis en droit romain, car Rome n'a jamais eu de constitution formelle au sens moderne du terme. Il existait cependant un ensemble tacite de rĂšgles qui se transmettent oralement[1] et peuvent ĂȘtre ponctuellement complĂ©tĂ©s par des dispositions lĂ©gislatives adoptĂ©es selon la procĂ©dure habituelle.

Comme dans la plupart des systÚmes politiques, le fonctionnement concret des organes politiques de Rome pouvait sensiblement différer des rÚgles formelles.

Les principes fondamentaux des institutions politiques romaines sont les suivants : la source de la souveraineté (mais ce concept est lui aussi anachronique pour Rome) était le peuple (populus : universi cives, ensemble des citoyens) [2]. Le peuple romain se rassemblait en assemblées législatives pour ratifier les lois et élire les magistrats[3].

Le SĂ©nat traitait des affaires administratives et diplomatiques.

Les magistrats faisaient respecter le droit, convoquaient et prĂ©sidaient le SĂ©nat et les assemblĂ©es lĂ©gislatives[4]. Les trois pouvoirs s’équilibraient et se contrĂŽlent mutuellement mais lĂ  encore l'idĂ©e de trois pouvoirs sĂ©parĂ©s, Ă©quilibrĂ©s est un anachronisme. Le concept romain d'Ă©quilibre des pouvoirs correspondait Ă  un Ă©quilibre entre dĂ©mocratie (le Peuple), aristocratie (le SĂ©nat) et monarchie (les magistrats).

NĂ©anmoins, la sĂ©paration des pouvoirs entre ces trois branches n’est pas systĂ©matique. Il y a ainsi de frĂ©quents usages d’outils constitutionnels qui ne sont pas en harmonie avec l’esprit de la constitution romaine[5].

L’équilibre constitutionnel a Ă©tĂ© rompu la premiĂšre fois en faveur de l’élĂ©ment dĂ©mocratique pendant les tribunats de Tiberius et Caius Sempronius Gracchus[6]. Quarante ans plus tard, pour rĂ©pondre Ă  la crise constitutionnelle amorcĂ©e par les Gracques, le dictateur Lucius Cornelius Sulla transfĂšre de façon radicale le pouvoir de l’élĂ©ment dĂ©mocratique (les assemblĂ©es lĂ©gislatives) vers l’élĂ©ment aristocratique (le SĂ©nat). Durant les quarante annĂ©es suivantes, ce dĂ©sĂ©quilibre constitutionnel continue de se dĂ©tĂ©riorer comme il dĂ©rive ostensiblement vers la formation de dictatures militaires. Cette crise constitutionnelle conduit finalement Ă  l’écroulement de la RĂ©publique romaine et son Ă©volution en une forme de gouvernement autocratique qui sera plus tard appelĂ© « Empire romain »[7].

Fonctionnement théorique de la République romaine vers les IIIe et IIe siÚcles av. J.-C.

Histoire des institutions politiques romaines

Au dĂ©but de son histoire, Rome aurait Ă©tĂ© dominĂ©e par une succession de rois[8]. Les Romains pensent que cette Ăšre, la Monarchie romaine, commence en 753 av. J.-C. et se termine en 509 av. J.-C. AprĂšs la chute de la RoyautĂ©, la RĂ©publique est fondĂ©e avec deux consuls Ă©lus par le peuple Ă  la tĂȘte de l'État[9].

L’histoire des institutions politiques de la RĂ©publique romaine peut se diviser en cinq phases. La premiĂšre phase commence avec la fin de la RoyautĂ© en 509 av. J.-C. alors que la derniĂšre phase se finit en 27 av. J.-C. avec l’effacement de la RĂ©publique.

Ère patricienne (509-367 av. J.-C.)

Selon la lĂ©gende, le dernier roi aurait Ă©tĂ© banni en 509 av. J.-C. Bien que cet Ă©pisode ne soit qu’une lĂ©gende que les Romains ont crĂ©Ă© pour expliquer leur passĂ©, il est probable que Rome ait Ă©tĂ© dirigĂ© par des rois[8] - [10]. Cette monarchie historique, comme le suggĂšre la lĂ©gende, a probablement Ă©tĂ© trĂšs vite remplacĂ©e et les changements les plus importants qui ont lieu immĂ©diatement aprĂšs concernent le chef de l’exĂ©cutif. AprĂšs 509 av. J.-C., deux consuls (portant le nom de « prĂ©teurs ») sont Ă©lus par les citoyens pour une annĂ©e[9], chaque consul contrĂŽle son collĂšgue. Le caractĂšre limitĂ© de leur mandat fait que s’ils abusent de leurs pouvoirs, ils risquent des poursuites. Durant la pĂ©riode consĂ©cutive Ă  la rĂ©volution, le SĂ©nat et les assemblĂ©es ont aussi peu de pouvoirs que sous la Monarchie.

En 494 av. J.-C., les plĂ©bĂ©iens font sĂ©cession et s’installent sur la colline de l’Aventin, et demandent le droit d’élire leurs propres reprĂ©sentants[11] - [12]. Les patriciens cĂšdent comme il se doit, ce qui marque la fin de la premiĂšre sĂ©cession de la plĂšbe. Les plĂ©bĂ©iens nomment leurs nouveaux reprĂ©sentants « tribuns de la plĂšbe ». Au dĂ©but, on leur adjoint deux assistants, appelĂ©s « Ă©diles plĂ©bĂ©iens »[13], ensuite on leur donne le pouvoir de mettre leur veto au SĂ©nat et d’accĂ©der Ă  la prĂ©sidence du concile plĂ©bĂ©ien. En 443 av. J.-C., la censure est crĂ©Ă©e[14] et en 367 av. J.-C., les plĂ©bĂ©iens peuvent se prĂ©senter comme candidat au consulat. L’ouverture du consulat aux plĂ©bĂ©iens leur permet implicitement l’accĂšs Ă  la censure ainsi qu’à la dictature[15]. En 366 av. J.-C., dans un effort des patriciens pour rĂ©affirmer leur influence sur les diffĂ©rentes magistratures, ils en crĂ©ent deux nouvelles : la prĂ©ture et l’édilitĂ© curule[14] - [13]. Ce n’est pas long avant que ces deux nouvelles magistratures soient occupĂ©es par des plĂ©bĂ©iens, en effet, le premier prĂ©teur plĂ©bĂ©ien est Ă©lu en 337 av. J.-C.

Guerre des ordres (367 - 287 av. J.-C.)

Cette pĂ©riode voit l’émergence de tendances alarmantes, tel que le rapprochement continu des tribuns et des sĂ©nateurs[5]. Le SĂ©nat commence Ă  donner aux tribuns un rĂ©el pouvoir, tel que la reconnaissance officielle de leur droit de veto. Les tribuns se sentent alors redevables au SĂ©nat[5]. Comme les tribuns et les sĂ©nateurs se rapprochent de plus en plus, les sĂ©nateurs plĂ©bĂ©iens sont souvent en mesure de rĂ©server le tribunat aux membres de leurs propres familles[16]. De plus, en 342 av. J.-C., deux lois importantes sont ratifiĂ©es : la premiĂšre rend illĂ©gal le fait de cumuler les magistratures, la deuxiĂšme impose un dĂ©lai de dix ans avant la rĂ©Ă©lection Ă  une mĂȘme magistrature[17]. Ces deux lois introduisent un nouveau point faible dans la constitution, qui peut Ă©ventuellement ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme l’amorce du dĂ©clin de la RĂ©publique et facilitera l’avĂšnement de l’Empire.

Vers le milieu du IVe siĂšcle av. J.-C., le concile plĂ©bĂ©ien ratifie la Lex Ovinia qui transfĂšre des consuls aux censeurs le pouvoir de nommer les nouveaux sĂ©nateurs. Cette loi permet aussi aux censeurs de nommer n’importe quel magistrat nouvellement Ă©lu au SĂ©nat[18]. Les plĂ©bĂ©iens dĂ©tenant dĂ©jĂ  de nombreuses magistratures, leur nombre au SĂ©nat augmente probablement rapidement[19]. Le rapprochement entre les tribuns et le SĂ©nat a facilitĂ© la crĂ©ation d’une nouvelle aristocratie plĂ©bĂ©ienne : la plupart des plĂ©bĂ©iens Ă©lus aux magistratures proviennent d’une de ces familles plĂ©bĂ©iennes[19]. Cette nouvelle aristocratie plĂ©bĂ©ienne se fond bientĂŽt dans l’ancienne aristocratie patricienne, crĂ©ant une aristocratie combinĂ©e « patricio-plĂ©bĂ©ienne »[19]. L’ancienne aristocratie existait par la force des lois car seuls les patriciens pouvaient accĂ©der aux magistratures supĂ©rieures. La nouvelle aristocratie s’est installĂ©e par une rĂ©organisation de la sociĂ©tĂ©, un ordre qui ne pourrait ĂȘtre remis en cause qu’au travers d’une rĂ©volution[20].

En 287 av. J.-C., les plĂ©bĂ©iens font sĂ©cession sur la colline du Janicule. Pour mettre un terme Ă  cette nouvelle sĂ©cession, une loi est adoptĂ©e (la Lex Hortensia), qui donne force de loi aux rĂ©solutions de l’assemblĂ©e de la plĂšbe (plĂ©biscites) sans ratification du SĂ©nat[21]. Ce n’est pas la premiĂšre loi qui donne force de loi Ă  un acte du concile plĂ©bĂ©ien[22] : il acquiert ce pouvoir lors de la promulgation des Leges Valeriae Horatiae en 449 av. J.-C[22]. La signification fondamentale de cette loi dans les faits est qu’elle retire aux patriciens toute possibilitĂ© de s’opposer aux plĂ©bĂ©iens, ce qui entraĂźne que les sĂ©nateurs plĂ©bĂ©iens ont dorĂ©navant les mĂȘmes droits que les sĂ©nateurs patriciens. Par consĂ©quent, le contrĂŽle de l’état ne retombe pas sur les Ă©paules de la dĂ©mocratie mais sur les Ă©paules de cette nouvelle aristocratie « patricio-plĂ©bĂ©ienne »[23] - [24].

Suprématie de la nouvelle noblesse (287 - 133 av. J.-C.)

La grande nouveautĂ© des lois hortensiennes rĂ©side dans ce qu’elle retire au patriciat sa derniĂšre arme contre la plĂšbe, rĂ©solvant ainsi un des grands problĂšmes des dĂ©buts de la RĂ©publique. NĂ©anmoins, il n’y a pas de changements politiques important entre 287 et 133 av. J.-C[25]. Les lois critiques de cette pĂ©riode sont toujours ratifiĂ©es par le SĂ©nat[26]. En effet, l’élĂ©ment dĂ©mocratique est satisfait de la rĂ©partition des pouvoirs, mais ne cherche pas vraiment Ă  user du sien. Le SĂ©nat joue un rĂŽle majeur pendant cette pĂ©riode, celle-ci Ă©tant dominĂ©e par des questions de politiques Ă©trangĂšres et d’ordre militaire. En fait, ces annĂ©es sont les plus riches en Ă©vĂšnements militaires de toute la rĂ©publique.

La derniĂšre dĂ©cennie de cette pĂ©riode voit une aggravation des problĂšmes financiers pour de nombreux plĂ©bĂ©iens[27]. En effet, les longues campagnes militaires ont tenu de nombreux citoyens loin de chez eux pour se battre, sans qu’ils ne puissent plus s’occuper de leurs terres, laissĂ©es Ă  l’abandon. L’aristocratie terrienne commence alors Ă  les racheter Ă  des prix trĂšs faibles et les exploitent avec de la main d’Ɠuvre bon marchĂ©, rĂ©duisant leurs coĂ»ts de production. Les autres fermiers ne bĂ©nĂ©ficiant pas de ces avantages ne peuvent plus exploiter leur terre Ă  profit et font faillite[27]. Les nombreux plĂ©bĂ©iens alors sans emploi convergent vers Rome, grossissant les rangs des assemblĂ©es lĂ©gislatives, oĂč leur statut Ă©conomique leur permet, pour la plupart, de voter pour le candidat qui leur promet le meilleur avenir. Une nouvelle culture de dĂ©pendance apparaĂźt qui favorisera la montĂ©e en puissance des meneurs les plus populaires[28].

Des Gracques Ă  CĂ©sar (133 - 49 av. J.-C.)

Le siĂšcle prĂ©cĂ©dent a connu d’importants succĂšs militaires, de grandes crises Ă©conomiques tandis que dans un grand Ă©lan de patriotisme, les plĂ©bĂ©iens ne rĂ©clament plus de nouvelles rĂ©formes. La situation militaire Ă©tant dĂ©sormais stabilisĂ©e, de moins en moins de soldats sont requis. Ceci, en conjonction avec l’arrivĂ©e de nouveaux esclaves importĂ©s des nouvelles provinces, augmente encore le chĂŽmage. L’afflux de citoyens sans emploi Ă  Rome grossit encore les rangs des assemblĂ©es, rendant l’élĂ©ment dĂ©mocratique constamment plus agressif.

Tribunats des Gracques

TibĂ©rius Sempronius Gracchus Ă©lu tribun de la plĂšbe en 133 av. J.-C., tente de faire voter une loi qui permettrait de limiter la taille maximale des terres qu’un citoyen peut possĂ©der[24]. Son but est de faire bĂ©nĂ©ficier Ă  de nombreux citoyens dĂ©sargentĂ©s, exclus de la propriĂ©tĂ© terrienne et donc de la participation Ă  l'armĂ©e romaine du fait de leur statut de proletarii / infra classem, d'un bien foncier suffisamment consĂ©quent pour assurer leur subsistance alimentaire et Ă©conomique (et ainsi ne plus dĂ©pendre des distributions publiques de blĂ©) et pour les rendre mobilisables dans la lĂ©gion, Ă  une Ă©poque oĂč l'empire territorial de Rome s'est considĂ©rablement agrandi et oĂč les besoins militaires vont grandissants aux quatre coins de la MĂ©diterranĂ©e. TibĂ©rius bĂ©nĂ©ficie du soutien du peuple mais se trouve opposĂ© Ă  l’aristocratie qui perdrait Ă  cette occasion une large source de revenus (elle prospĂšre en effet sur une Ă©conomie rurale servile, alimentĂ©e par les esclaves issus de la conquĂȘte, main-d'Ɠuvre peu coĂ»teuse) et le contrĂŽle des terres publiques et des ventes de blĂ© si cette loi venait Ă  ĂȘtre ratifiĂ©e. TibĂ©rius soumet sa loi au concile plĂ©bĂ©ien mais le tribun Marcus Octavius, Ă©minence servant en rĂ©alitĂ© le SĂ©nat pour barrer la route au projet de TibĂ©rius, met son veto face Ă  son collĂšgue. Afin de faire capituler Octavius, Tiberius tente d'organiser un blocus des lieux de la vie politique romaine tels la curie et le forum, ce qui a pour effet de paralyser la ville entiĂšre et de provoquer plusieurs Ă©meutes. Son plan ayant Ă©chouĂ©, Tiberius renvoie violemment Octavius et utilise ensuite le concile plĂ©bĂ©ien pour le faire mettre en accusation et ainsi l'empĂȘcher de faire usage de son veto. Le fait qu’un reprĂ©sentant du peuple puisse ĂȘtre renvoyĂ© de ses fonctions quand il agit Ă  l’encontre de la volontĂ© du peuple est Ă  cette heure totalement inĂ©dit et en thĂ©orie fortement en contradiction avec le fonctionnement traditionnel du tribunat de la plĂšbe. La loi est finalement votĂ©e et TibĂ©rius se reprĂ©sente au tribunat de la plĂšbe pour l'annĂ©e 122. ContestĂ© dans cette initiative, il dĂ©cide de faire pression sur l'assemblĂ©e avec quelques partisans. Une Ă©meute conduite par le grand pontife Scipion Nasica Ă©clate, au cours de laquelle Tiberius est tuĂ© ainsi que 300 de ses partisans. Le corps de Tiberius est jetĂ© dans le Tibre[24].

Le frĂšre de Tiberius, Caius, est Ă©lu tribun de la plĂšbe en 123 av. J.-C., Ă©galement sur une vague populiste. Le principal objectif de Caius Sempronius Gracchus est d’affaiblir le SĂ©nat et de renforcer la dĂ©mocratie[29]. Le SĂ©nat peut Ă©liminer des opposants politiques en Ă©tablissant des commissions judiciaires ou en usant du senatus consultum ultimum. Ces deux outils autorisent le SĂ©nat Ă  outrepasser les droits des citoyens[30]. Caius rend illĂ©gal les commissions judiciaires et dĂ©clare le senatus consultum ultimum comme inconstitutionnel. Caius propose ensuite une loi qui donnerait aux citĂ©s italiennes alliĂ©es les mĂȘmes droits que les citoyens romains, mais il est abandonnĂ©, les citoyens romains prĂ©fĂ©rant conserver Ă©goĂŻstement et jalousement leurs droits[30]. Il se prĂ©sente pour un troisiĂšme mandat en 121 av. J.-C., mais il est battu et ensuite assassinĂ©. L’élĂ©ment dĂ©mocratique rĂ©alise finalement combien le SĂ©nat a Ă©tĂ© affaibli et commence Ă  protester si violemment qu’il finit par rompre l’équilibre constitutionnel (entre le peuple et le SĂ©nat) qui a assurĂ© la stabilitĂ© du systĂšme pendant quatre siĂšcles[30].

Partis politiques et réformes constitutionnelles de Sylla

Le consul de 88 av. J.-C., Lucius Cornelius Sulla[31], lĂšve une armĂ©e pour combattre le roi du Pont, Mithridate. Mais un ancien consul et opposant de Sylla, Caius Marius, par le biais d’un des tribuns, retire le commandement Ă  Sylla pour se l’approprier. Alors que Marius est un membre du parti dĂ©mocratique (« populare »), Sylla est membre du parti aristocratique (« optimate »). Sylla, outragĂ© par sa destitution, ramĂšne son armĂ©e en Italie et devient le premier gĂ©nĂ©ral romain de l’histoire Ă  marcher sur Rome[32]. Sylla se trouve tant en colĂšre contre le tribun de Marius qu’il finit par dĂ©velopper une animositĂ© tenace envers les tribuns en particulier et le pouvoir de la dĂ©mocratie en gĂ©nĂ©ral. En effet, Ă  Rome, il fait assassiner de nombreux amis politiques de Marius et promulgue une loi qui tend Ă  affaiblir de façon permanente le pouvoir des tribuns[33]. Il retourne Ă  la guerre contre Mithridate[32] laissant le champ libre aux populares de Caius Marius et de Lucius Cornelius Cinna qui reprennent le contrĂŽle de la ville.

Dans leurs parcours politiques, les populares ont souvent fait des entorses Ă  la loi en transgressant les principes de la dĂ©mocratie, prĂ©sentant des individus inĂ©ligibles Ă  diverses magistratures et substituant des Ă©dits des magistrats Ă  la lĂ©gislation[34]. En 83 av. J.-C., aprĂšs avoir fait la paix avec Mithridate, Sylla retourne Ă  Rome, reprend la ville par la violence et fait massacrer les derniers soutiens politiques de Marius[35]. En 82 av. J.-C., Sylla se nomme lui-mĂȘme dictateur et utilise son nouveau statut pour passer toute une sĂ©rie de rĂ©formes constitutionnelles[36].

Sylla, qui avait Ă©tĂ© tĂ©moin des violentes consĂ©quences des rĂ©formes des populares (en particulier celles de Marius et Cinna), est plutĂŽt conservateur, de sorte que son conservatisme est plus rĂ©actionnaire qu’il n’est visionnaire[34]. Pour rĂ©duire la menace que reprĂ©sente la dĂ©mocratie pour la stabilitĂ© constitutionnelle, Sylla cherche Ă  renforcer l’aristocratie et donc le SĂ©nat[34] et conserve ses premiĂšres rĂ©formes qui imposent l’accord prĂ©alable du SĂ©nat avant qu’une action soit soumise au vote du concile plĂ©bĂ©ien et qui restaurent l’organisation aristocratique servienne des comices centuriates[33]. Ces rĂ©formes ont pour consĂ©quences d’affaiblir la dĂ©mocratie et retirent aux tribuns le pouvoir de lĂ©gifĂ©rer. Sylla empĂȘche ensuite les anciens tribuns de se reprĂ©senter Ă  une magistrature. DĂ©sormais, les plus ambitieux ne cherchent plus Ă  se faire Ă©lire tribun puisque cela marquerait la fin de leur carriĂšre politique[37]. Sylla affaiblit ensuite les magistratures en augmentant le nombre de magistrats Ă©lus pour une annĂ©e donnĂ©e[34], ce qui diminue les pouvoirs de chaque magistrat et augmente la probabilitĂ© de voir deux magistrats mettre leur veto. Bien que les assemblĂ©es populaires Ă©lisent toujours tous les magistrats, cette rĂ©forme en particulier affaiblit finalement les pouvoirs de la dĂ©mocratie. Par la suite, Sylla augmente le pouvoir des sĂ©nateurs en transfĂ©rant le contrĂŽle des tribunaux des chevaliers (qui dĂ©tiennent ce contrĂŽle depuis les rĂ©formes des Gracques) vers les sĂ©nateurs[37] - [38].

Afin de rĂ©duire les risques de voir un meneur rassembler trop de pouvoirs (comme Sylla lui-mĂȘme l’a fait), il fait en sorte que chaque magistrat doive attendre dix ans avant sa rĂ©Ă©lection Ă  n’importe quelle magistrature et ceci de maniĂšre dĂ©finitive. Sylla est le premier Ă  crĂ©er officiellement le cursus honorum[37], qui oblige un individu Ă  attendre un certain Ăąge et une certaine expĂ©rience avant de se prĂ©senter pour une magistrature. Il Ă©tablit Ă©galement un systĂšme oĂč les consuls et prĂ©teurs servent Ă  Rome pendant leur mandat annuel et commandent ensuite une armĂ©e provinciale comme gouverneurs pendant l’annĂ©e qui suit[37] - [38].

En 80 av. J.-C., Sylla abdique de la dictature et reste consul une derniĂšre fois, puis se retire, avant de mourir en 78 av. J.-C. Bien qu’il pensait avoir fermement Ă©tabli la domination de l’aristocratie, sa propre carriĂšre illustre un point faible primordial dans la constitution : c’est l’armĂ©e, et non le SĂ©nat, qui dicte son destin Ă  l’état[39].

Premier triumvirat

En 77 av. J.-C., le SĂ©nat envoie un lieutenant officiel de Sylla, Cnaeus Pompeius Magnus (« PompĂ©e le Grand »), pour mettre fin Ă  une rĂ©volte en Hispanie. En 71 av. J.-C., PompĂ©e retourne Ă  Rome aprĂšs avoir complĂ©tĂ© sa mission. À peu prĂšs en mĂȘme temps, un autre lieutenant officiel de Sylla, Marcus Licinius Crassus, vient de mater une rĂ©volte d’esclaves en Italie. À leur retour, PompĂ©e et Crassus trouvent le parti populare attaquant fĂ©rocement la constitution de Sylla[40]. Ils tentent d’établir un accord avec le parti populare : si PompĂ©e et Crassus sont Ă©lus consuls en 70 av. J.-C., ils dĂ©mantĂšleront les parties les plus polĂ©miques de la constitution de Sylla[41]. Ils sont Ă©lus tous les deux et tiennent leur promesse[41]. Peu aprĂšs, PompĂ©e est envoyĂ© une nouvelle fois Ă  l’étranger, cette fois pour mettre fin Ă  la menace posĂ©e par les pirates mĂ©diterranĂ©ens, et finalement trouver la gloire Ă  l’est.

En 62 av. J.-C., PompĂ©e revient victorieux d’Asie, mais se heurte au SĂ©nat qui refuse de ratifier les changements qu’il a fait Ă  la constitution. Il est alors plus aisĂ© pour Jules CĂ©sar, qui est gouverneur en Hispanie en 61 av. J.-C., de proposer un accord avec PompĂ©e[42]. CĂ©sar et PompĂ©e, accompagnĂ©s de Crassus forment une alliance connue comme le premier triumvirat. À la suite de cette alliance, les changements de PompĂ©e sont appliquĂ©s, Crassus est promis Ă  un futur consulat et CĂ©sar brigue le consulat de 59 av. J.-C. avec le poste de gouverneur des Gaules immĂ©diatement aprĂšs[42].

CĂ©sar devient consul en 59 av. J.-C. avec Marcus Calpurnius Bibulus comme collĂšgue[42]. Il soumet des lois que PompĂ©e avait promis aux assemblĂ©es, mais Bibulus, un aristocrate extrĂ©miste, tente d’en empĂȘcher l’application. CĂ©sar utilise de violentes alternatives pour assurer la ratification de ces lois, moyens qui intimident tellement Bibulus que celui-ci passe le reste de l’annĂ©e enfermĂ© dans sa maison, dĂ©clarant ĂȘtre tĂ©moin de mauvais prĂ©sages[42]. CĂ©sar, qui ne se heurte plus Ă  aucune opposition, domine l’état jusqu’à la fin de son consulat. Quand son mandat arrive Ă  terme, il emmĂšne quatre lĂ©gions vers le nord et entame un mandat de cinq ans comme gouverneur de trois provinces.

Pendant que CĂ©sar est absent, PompĂ©e et Crassus se rĂ©vĂšlent aussi incompĂ©tents que CĂ©sar l’espĂ©rait[43]. AmorcĂ©e durant l’étĂ© de 54 av. J.-C., une vague de corruption politique et de violence balaie Rome[44]. En fin de compte, le triumvirat est renouvelĂ© : PompĂ©e et Crassus prennent le consulat de 55 av. J.-C. tandis que CĂ©sar voit son mandat en tant que gouverneur rallongĂ© de cinq ans. Ce dernier donne sa fille, Julia, en mariage Ă  PompĂ©e pour consolider leur entente mais Julia meurt en couches. Ce dĂ©cĂšs, combinĂ© Ă  la mort de Crassus dans une bataille en 53 av. J.-C., remet sĂ©vĂšrement en cause les liens unissant CĂ©sar Ă  PompĂ©e.

Le 1er janvier de 49 av. J.-C., le SĂ©nat passe une rĂ©solution qui dĂ©clare que si CĂ©sar ne jette pas les armes avant juillet de cette mĂȘme annĂ©e, il sera considĂ©rĂ© comme un ennemi de la RĂ©publique[45]. Le 7 janvier, le SĂ©nat use du senatus consultum ultimum et investi PompĂ©e des pouvoirs dictatoriaux. En guise de rĂ©ponse, CĂ©sar franchit le Rubicon avec son armĂ©e de vĂ©tĂ©rans et marche sur Rome. L’avance rapide de CĂ©sar force PompĂ©e, les consuls et le SĂ©nat Ă  abandonner Rome pour la GrĂšce, ce qui laisse la voie libre Ă  CĂ©sar pour prendre possession de la ville. AprĂšs la guerre civile, il s'empare du pouvoir Ă  Rome avant d'ĂȘtre assassinĂ© aux ides de Mars 44 av. J.-C.

SĂ©nat

L’auctoritas (« autoritĂ© ») du SĂ©nat dĂ©coule de son prestige basĂ© sur les coutumes et la dignitĂ© et le prestige des sĂ©nateurs[46]. Comme le SĂ©nat est la seule institution politique Ă  ĂȘtre Ă©ternelle et continue (comparĂ© au consulat par exemple, qui expire au terme d’un mandat annuel), il acquiert la dignitĂ© des traditions antiques[47].

Le SĂ©nat romain est tournĂ© essentiellement vers la politique Ă©trangĂšre[48]. Alors que son rĂŽle dans les conflits armĂ©s se limite thĂ©oriquement Ă  celui de conseiller, le SĂ©nat finit par superviser ces conflits : les consuls commandent directement les armĂ©es et le SĂ©nat s’occupe de la stratĂ©gie globale.

Le SĂ©nat gĂšre Ă©galement l’administration civile au sein de la ville. Par exemple, seul le SĂ©nat peut autoriser que de l’argent public soit puisĂ© au trĂ©sor[48]. De plus, il s’occupe des cas individuels de crimes politiques, telle que la trahison[48].

Le SĂ©nat promulgue des dĂ©crets, appelĂ© senatus consultum. Officiellement, il s’agit de « conseils » donnĂ©s aux magistrats, bien qu’en pratique, ces dĂ©crets sont souvent suivis Ă  la lettre par les magistrats[49]. Si un senatus consultum entre en conflit avec une loi promulguĂ©e par une assemblĂ©e lĂ©gislative, la loi prend un statut prioritaire et outrepasse le senatus consultum[48].

Le SĂ©nat est davantage une institution religieuse qu’une institution politique. De sorte qu’il opĂšre en obĂ©issant Ă  diverses restrictions d’ordre religieux. Chaque SĂ©nat se rĂ©unit dans un espace consacrĂ© (un templum). Avant chaque rĂ©union, un sacrifice aux dieux est fait et les auspices sont prises afin de dĂ©terminer si le SĂ©nat a la faveur des dieux pour ce jour[50].

Procédures sénatoriales

Les rÚgles et procédures du Sénat romain sont à la fois complexes et trÚs anciennes. Nombre de ces rÚgles trouvent leur origine dans les premiÚres années de la République et ont été transmises au fil des siÚcles.

Les rĂ©unions peuvent se faire Ă  l’intĂ©rieur comme Ă  l’extĂ©rieur des limites sacrĂ©es de la ville (pomƓrium). Elles commencent Ă  l’aube et sont prĂ©sidĂ©es par un consul (ou un prĂ©teur si les consuls se trouvent en dehors de la ville)[48]. Le magistrat qui prĂ©side commence souvent chaque rĂ©union par un discours[51], et laisse ensuite la parole aux sĂ©nateurs qui discutent de chaque problĂšme. Les sĂ©nateurs prennent la parole par ordre d’anciennetĂ©[52]. Les problĂšmes de moindre importance se soldent gĂ©nĂ©ralement par un vote oral ou Ă  mains levĂ©es. Pour les votes les plus importants, les sĂ©nateurs se dĂ©placent et se sĂ©parent en diffĂ©rents groupes[52], chaque sĂ©nateur prenant place du cĂŽtĂ© correspondant Ă  son vote. Bien que chaque rĂ©union doive se terminer Ă  la tombĂ©e de la nuit[49], un sĂ©nateur peut proposer d’écourter la sĂ©ance (par un diem consumere) dans le cas oĂč le dĂ©bat lancĂ© peut ĂȘtre continuĂ© jusqu’à la tombĂ©e de la nuit, sans trouver d’issue[51].

Il y a un droit naturel au libre parler dans le SĂ©nat[52]. Durant les rĂ©unions, les sĂ©nateurs disposent de diffĂ©rents moyens d’influencer (ou de s’opposer) au magistrat qui prĂ©side. Quand un magistrat prĂ©sidant propose une motion, les sĂ©nateurs peuvent appeler un consule. Cela oblige le magistrat Ă  demander l’opinion de chaque sĂ©nateur. Au dĂ©but de chaque rĂ©union, on procĂšde Ă  l’appel (numera) des sĂ©nateurs prĂ©sents. Pour que la session ait lieu, il faut un nombre minimum de sĂ©nateurs : le quorum (similaire au quorum moderne). Chaque vote prend la forme d’un pour ou contre[53].

Toute proposition de motion peut ĂȘtre bloquĂ©e par le veto du tribun de la plĂšbe[54]. Chaque motion bloquĂ©e par un veto est enregistrĂ©e dans les annales comme senatus auctoritas. Chaque motion ratifiĂ©e devient finalement un senatus consultum. Chaque senatus auctoritas et chaque senatus consultum sont transcris dans un document par le prĂ©sident, qui est ensuite dĂ©posĂ© dans le bĂątiment abritant le trĂ©sor[49].

Assemblées législatives

Il existe deux types d’assemblĂ©es romaines : les comices (comitia)[55] et les conciles (concilium). Les comices sont les assemblĂ©es de tous les citoyens (populus romanus ou peuple de Rome)[56]. Les comices sont utilisĂ©es Ă  des fins officielles comme la ratification des lois. Les dĂ©cisions d’une comice s’appliquent Ă  tous les membres de cette comice (c'est-Ă -dire Ă  tout le peuple de Rome).

Le second type d’assemblĂ©es, les conciles, sont des forums (fora) oĂč des groupes spĂ©cifiques de citoyens se rĂ©unissent dans un but officiel (ratification des lois)[56]. Par exemple, le concile plĂ©bĂ©ien (concilium plebis) est un concile oĂč se rĂ©unissent les plĂ©bĂ©iens[57]. Les dĂ©cisions d’un concile s’appliquent aux membres du concile considĂ©rĂ©. C’est pourquoi, par exemple, les dĂ©cisions prises par le concile plĂ©bĂ©ien (« plĂ©biscites ») ne s’appliquent Ă  l’origine qu’aux seuls plĂ©bĂ©iens.

Au contraire des comices et des conciles, une convetio est un forum Ă  caractĂšre officieux oĂč les Romains peuvent se rĂ©unir pour Ă©couter un discours politique[53]. Les citoyens ordinaires peuvent seulement s’exprimer devant ce genre d’assemblĂ©e (et non devant une comice ou un concile)[58]. Ces conventiones sont de simples rĂ©unions plutĂŽt qu’un moyen permettant de lĂ©gifĂ©rer. En fait, les votants se rassemblent d’abord en conventiones pour entendre chaque discours puis se rĂ©unissent en comices ou conciles afin de voter de façon effective[59].

Avant que chaque rĂ©union ne commence, les auspices (une recherche de prĂ©sages envoyĂ©s par les dieux) doivent ĂȘtre prises. Le jour de l’assemblĂ©e, les Ă©lecteurs se rĂ©unissent en conventio[59]. Pendant tout ce temps, ils peuvent Ă©couter les discours et Ă©couter la lecture de billets par un hĂ©raut. Les Ă©lecteurs sont ensuite amenĂ©s Ă  rejoindre leurs centuries, tribus ou curies respectives. Les votes (sous forme de cailloux ou de billets manuscrits) sont collectĂ©s, comptĂ©s et le rĂ©sultat est apportĂ© au magistrat prĂ©sident. Les votes de tous les membres d’une centurie, tribu ou curie ne comptent que pour un vote[60] (c'est-Ă -dire que, par exemple, les votes des membres de la mĂȘme centurie ne reprĂ©sentent qu’un seul vote, celui de la majoritĂ© au sein de la centurie).

Comices curiates

Durant la premiĂšre dĂ©cennie de la RĂ©publique, le peuple de Rome est rĂ©parti en trente curies[46] - [61] - [62]. Les curies sont organisĂ©es sur la base des gentes (parentĂ© ethnique)[63]. En ce temps, les centuries et tribus ne sont pas utilisĂ©es Ă  des fins politiques. Les curies se rassemblent dans des buts lĂ©gislatif, Ă©lectoral et judiciaire sous forme de comices curiates[64]. Peu aprĂšs la fondation de la RĂ©publique, le pouvoir des comices curiates est transfĂ©rĂ© aux comices centuriates et aux comices tributes[61]. Les comices curiates devenues obsolĂštes restent prĂ©sidĂ©es par un consul[48]. Toute loi ratifiĂ©e par cette assemblĂ©e peut ĂȘtre bloquĂ©e par le veto d’un tribun. L’activitĂ© de cette assemblĂ©e est dĂ©pendante des auspices[62].

AprĂšs qu’elles sont tombĂ©es en dĂ©suĂ©tude, le principal rĂŽle lĂ©gislatif des comices curiates est de passer la loi annuelle lex curiata de imperio. ThĂ©oriquement, cette loi est nĂ©cessaire Ă  la ratification des Ă©lections des consuls et prĂ©teurs, leur transmettant l’imperium. NĂ©anmoins, en pratique, il s’agit plutĂŽt d’une simple cĂ©rĂ©monie facultative[62].

Les curies sont organisĂ©es Ă  partir des gentes (ou parentĂ© ethnique, les familles)[63]. Par consĂ©quent, bien aprĂšs que les comices curiates ont perdu une grande partie de leurs pouvoirs politiques, elles ont conservĂ© la juridiction des problĂšmes liĂ©s aux gentes[64]. Sous la direction du pontifex maximus[61], les comices curiates s’occupent des vƓux et adoptions[61]. Elles peuvent Ă©galement introniser certains prĂȘtres et transfĂ©rer des citoyens des classes patriciennes vers les classes plĂ©bĂ©iennes.

Comices centuriates

Pendant toute la RĂ©publique romaine, les citoyens sont rĂ©partis en centuries Ă  des fins militaires, et en tribus Ă  des fins civiles. Chacun des deux groupes (centuries et tribus) se rassemble pour des buts lĂ©gislatifs, Ă©lectoraux et judiciaires. L’assemblĂ©e des centuries s’appelle les comices centuriates (comitia centuriata).

Les 193 centuries (plus tard on en comptera 373)[46] sont divisées en plusieurs niveaux. Il y a les equites, pedites et les adjoints non-armés[46] - [65].

Les equites (la cavalerie) reprĂ©sentent le plus haut grade des soldats montĂ©s. Ils sont l’élite de l’armĂ©e et ont le grade d’officier[65]. Les equites sont organisĂ©s en 18 centuries[46].

Les 170 centuries de pedites constituent l’infanterie de l’armĂ©e romaine. Les pedites sont divisĂ©s en cinq classes[46], chacune de ces cinq classes est elle-mĂȘme divisĂ©e en centuries des iunores (« jeunes soldats », de 17 Ă  45 ans) et des seniores (« vieux soldats », de 46 Ă  60 ans)[46].

Les soldats non-armĂ©s sont rĂ©partis dans les cinq derniĂšres centuries. Quatre de ces centuries se composent d’artisans et de musiciens. La cinquiĂšme centurie, les proletarii, consiste en soldats ayant peu ou pas de propriĂ©tĂ©[46] - [66].

Les comices centuriates sont organisĂ©es Ă  l’origine (temps qui remonterait au rĂšgne du roi Servius Tullius) d’une maniĂšre trĂšs aristocratique (organisation servienne)[46]. Selon cette organisation, les classes les plus Ă©levĂ©es (cavalerie et premiĂšre classe d’infanterie) contrĂŽlent suffisamment de centuries pour obtenir la majoritĂ© Ă  chaque vote. En 241 av. J.-C., une rĂ©organisation de l’assemblĂ©e la rend plus dĂ©mocratique[67]. Sous l’ancien systĂšme, il y avait un total de 193 centuries. Sous le nouveau systĂšme, on compte 373 centuries. DorĂ©navant, la majoritĂ© ne peut pas ĂȘtre atteinte Ă  coup sĂ»r avant que la troisiĂšme classe d‘infanterie n’ait commencĂ© Ă  voter.

Les sept classes (une classe de cavalerie, cinq classes d’infanterie et une classe de soldats non-armĂ©s) votent par ordre d’anciennetĂ©. Les centuries de chaque classe votent une par une, jusqu’à ce que toute la classe a votĂ©. Selon CicĂ©ron, l’assemblĂ©e est dĂ©libĂ©rĂ©ment arrangĂ©e de telle sorte que le petit peuple (le plus grand nombre) n’ait que peu de pouvoir[46]. Selon Tite-Live, le but est que chacun puisse voter, mais que le vote des « meilleurs individus » de l’État ait plus de poids[68].

Le prĂ©sident des comices centuriates est gĂ©nĂ©ralement un consul[48]. Elles peuvent promulguer une loi qui donne les pouvoirs de l’imperium aux consuls et prĂ©teurs ainsi que les pouvoirs de la censure aux censeurs[69]. De plus, seules les comices centuriates peuvent Ă©lire les consuls, prĂ©teurs et censeurs, dĂ©clarer une guerre offensive[69], ou encore valider le cens (recensement des citoyens par classes)[62]. Elles servent aussi comme la plus haute cour d’appel dans certains cas de justice (en particulier, les cas punis de la peine capitale)[46]. Bien que les comices centuriates aient le pouvoir de ratifier les lois ordinaires, elles ne s’en sert que rarement.

Comices tributes

Durant la RĂ©publique, les tribus se rassemblent en deux assemblĂ©es : le concile plĂ©bĂ©ien (concilium plebis) et les comices tributes (comitia tributa). La seule diffĂ©rence entre les deux assemblĂ©es rĂ©side dans ce que les patriciens ne peuvent voter dans le concile plĂ©bĂ©ien. Comme les patriciens sont exclus, le concile plĂ©bĂ©ien ne reprĂ©sente pas tout le peuple, de sorte que le concile ne put pas Ă©lire de magistrats. Mais le concile plĂ©bĂ©ien Ă©lit ses propres reprĂ©sentants (tribuns de la plĂšbe et Ă©diles plĂ©bĂ©iens)[70]. En effet, le concile plĂ©bĂ©ien est l’assemblĂ©e des tribus plĂ©bĂ©iennes alors que les comices tributes sont l’assemblĂ©e des tribus « patricio-plĂ©bĂ©iennes »[71].

Le prĂ©sident des comices tributes est gĂ©nĂ©ralement un consul[48]. Plusieurs autres magistrats peuvent ĂȘtre prĂ©sents pendant les rĂ©unions, pour servir comme adjoints. Leur principal objectif est d’aider Ă  rĂ©soudre les dĂ©saccords concernant la procĂ©dure[72]. Les comices tributes Ă©lisent les questeurs, les Ă©diles curules et les tribuns militaires[73]. Elles ont Ă©galement le pouvoir d’instruire des cas judiciaires. Bien que les comices tributes aient le pouvoir de promulguer de nouvelles lois, elles ne s’en sert que rarement.

Les comices tributes et le concile plĂ©bĂ©ien se composent de 35 groupes appelĂ©s tribus. Celles-ci ne sont pas basĂ©es sur des considĂ©rations ethniques ou par liens de parentĂ© mais sur les divisions gĂ©ographiques[74]. C’est ce qui distingue les tribus des curies. Contrairement aux centuries, l’appartenance Ă  une tribu ne dĂ©pend pas de la richesse.

Concile plébéien

Avant la premiĂšre sĂ©cession de la plĂšbe (494 av. J.-C.), les plĂ©bĂ©iens se rĂ©unissaient probablement en une assemblĂ©e basĂ©e sur les curies. NĂ©anmoins, cette assemblĂ©e n’avait pas de rĂŽle politique jusqu’à la crĂ©ation des magistratures du tribunat et de l’édilitĂ© plĂ©bĂ©iens, Ă  la suite de la sĂ©cession plĂ©bĂ©ienne. Le tribun commence Ă  prĂ©sider le concile plĂ©bĂ©ien peu aprĂšs 494 av. J.-C. Cette assemblĂ©e peut Ă©lire Ă  la fois les tribuns et les Ă©diles plĂ©bĂ©iens[70]. Elle peut aussi lĂ©gifĂ©rer en votant des plĂ©biscites qui, durant les dĂ©buts de la RĂ©publique, ne s’appliquent qu’aux seuls plĂ©bĂ©iens.

Autour de 471 av. J.-C.[70], le concile plébéien est réorganisé. Il commence à utiliser les tribus, plutÎt que les curies, comme base de son organisation. Quand il était organisé par curies (et donc par gentes), les plébéiens étaient dépendants de leurs patrons patriciens. Quand le concile plébéien est passé à une organisation basée sur les tribus (c'est-à-dire dépendant de considération géographique), les plébéiens gagnent leur indépendance vis-à-vis des patriciens[75].

À la suite de la ratification de toute une sĂ©rie de lois, dont la principale est la Lex Hortensia de 287 av. J.-C., force de loi est donnĂ©e aux rĂ©solutions prises par le concile (plebiscites) qui s’appliquent non plus aux seuls plĂ©bĂ©iens comme c’était le cas avant, mais Ă  tout le peuple de Rome[76]. À partir de ce moment, la plupart des lois ratifiĂ©es proviennent du concile plĂ©bĂ©ien. Comme le concile n’est composĂ© que de plĂ©bĂ©iens, il est beaucoup plus populiste que les comice curiates. Par consĂ©quent, il se trouve en gĂ©nĂ©ral derriĂšre les rĂ©formes controversĂ©es (telles que celles lancĂ©es par les tribuns Tiberius et Caius Sempronius Gracchus).

Magistrats

Chaque magistrat romain (magistratus) est investi d’une partie plus ou moins importante du pouvoir, et ainsi tous les magistrats ont un certain rang de pouvoir (maior potestas ou « pouvoirs majeurs »)[77]. Les dictateurs possĂšdent plus de pouvoirs que n’importe quel autre magistrat. Chaque magistrat peut seulement bloquer par son veto une action prise par un magistrat de rang Ă©gal ou infĂ©rieur au sien. Par consĂ©quent, aucun magistrat ne peut mettre son veto aux dĂ©cisions du SĂ©nat ou des assemblĂ©es.

Comme les tribuns de la plĂšbe et les Ă©diles plĂ©bĂ©iens ne sont pas Ă  proprement parler des magistrats[70], ils ne sont pas concernĂ©s par la rĂ©partition des « pouvoirs majeurs ». En gĂ©nĂ©ral, cela fait d’eux des magistrats indĂ©pendants des autres[48] - [77]. C’est la raison pour laquelle, par exemple, ils ne peuvent voir leurs actes bloquĂ©s par le veto des consuls. Les tribuns ne comptent pas sur leurs pouvoirs pour faire obstruction par un veto aux magistrats, assemblĂ©es et SĂ©nat, mais sur la sacro-saintetĂ© de leur personne[48] (intercessio). Si un magistrat, une assemblĂ©e ou le SĂ©nat ne se conforment pas aux ordres d’un tribun, celui-ci, en usant de l’intercessio, pourra bloquer cette action particuliĂšre. La moindre agression envers un tribun est considĂ©rĂ©e comme une offense capitale.

Pouvoirs des magistrats

Chaque magistrat rĂ©publicain dĂ©tient certains pouvoirs constitutionnels (potestas), qui comprennent l’imperium, le coercitio et l’auspicia (pouvoirs religieux). Ces pouvoirs sont Ă©quilibrĂ©s par plusieurs contraintes constitutionnelles, incluant la collĂ©gialitĂ© (collega), le droit des citoyens d’en appeler au peuple (provocatio) et une division constitutionnelle des pouvoirs (provincia). Seul le peuple de Rome (plĂ©bĂ©iens et patriciens) a le droit de confĂ©rer ces pouvoirs Ă  un magistrat[78].

Le plus important des pouvoirs constitutionnels est l’imperium. Il est dĂ©tenu Ă  la fois par les consuls et les prĂ©teurs. DĂ©fini de façon limitĂ©e, il donne simplement Ă  un magistrat l’autoritĂ© nĂ©cessaire pour commander une force militaire. De façon plus gĂ©nĂ©rale, il donne au magistrat l’autoritĂ© constitutionnelle nĂ©cessaire pour commander que ce soit dans le domaine militaire, diplomatique, civil ou autre. L’imperium du magistrat est Ă  son maximum lorsqu’il se trouve Ă  l’étranger. Pendant qu’un magistrat se trouve en personne dans la ville de Rome, il peut avoir Ă  abandonner complĂštement son imperium[79].

Tous les magistrats ont le pouvoir de coercitio, qui est utilisĂ© pour maintenir l’ordre public[80], bien qu’à Rome tous les citoyens bĂ©nĂ©ficient d’une protection absolue contre le coercitio. Cette protection garantie le droit Ă  l’appel au peuple (provocatio).

Les magistrats ont Ă  la fois le pouvoir et le devoir de lire les prĂ©sages (auspicia). Un prĂ©sage est un Ă©vĂšnement qui est compris comme un signe envoyĂ© par les dieux. Les auspices peuvent ĂȘtre utilisĂ©es pour faire obstruction aux ennemis politiques. En dĂ©clarant avoir Ă©tĂ© tĂ©moin d’un prĂ©sage, un magistrat peut justifier sa dĂ©cision de mettre fin Ă  une rĂ©union d’une assemblĂ©e lĂ©gislative ou du SĂ©nat, ou la dĂ©cision de mettre son veto contre un collĂšgue.

Limites des pouvoirs du magistrat

Le pouvoir des magistrats romains est limitĂ© par plusieurs restrictions. L’une d’entre elles est la collĂ©gialitĂ© (collega). Chaque magistrature est dĂ©tenue de maniĂšre concurrentielle par au moins deux personnes de façon Ă  minimiser les risques de tyrannie (et faciliter les successions). Par exemple, les consuls gouvernent toujours par paire[81].

Une autre restriction est la provocatio, prĂ©curseur du principe moderne de l’habeas corpus. Tout citoyen de Rome a un droit absolu de provocatio. Si un magistrat tente d’utiliser ses pouvoirs Ă  l’encontre d’un citoyen (par exemple pour punir un citoyen d’un crime qu’il est prĂ©sumĂ© avoir commis), ce citoyen peut en appeler au peuple (provoco ad populum). Dans ce cas, un tribun intervient avec le pouvoir de secourir le citoyen[46]. Souvent, le tribun amĂšne le cas de justice devant une assemblĂ©e lĂ©gislative, un tribunal ou le collĂšge des tribuns, pour prononcer le verdict final. La provocatio sert Ă  contrĂŽler le pouvoir de cƓrcition (coercitio) des magistrats.

La provincia constitue un contrĂŽle supplĂ©mentaire du pouvoir des magistrats. La provincia oblige Ă  diviser les responsabilitĂ©s. Par exemple, les gouverneurs de provinces ont chacun un pouvoir suprĂȘme sur leur province. En suivant le principe de la provincia, ces gouverneurs ne peuvent amener leur armĂ©e dans une autre province[82].

Une fois que le mandat annuel d’un magistrat a expirĂ©, il doit attendre dix ans avant de pouvoir se prĂ©senter de nouveau Ă  la mĂȘme magistrature. Comme cela crĂ©e des problĂšmes pour certains magistrats (en particulier les consuls et prĂ©teurs), leur imperium peut ĂȘtre occasionnellement « prorogĂ© ». Ils dĂ©tiennent alors les mĂȘmes pouvoirs (comme promagistrat) sans occuper officiellement la magistrature. En pratique, ils agissent comme gouverneurs provinciaux[83]. L’usage frĂ©quent de cet outil constitutionnel, qui n’est pas en harmonie avec l’esprit de la constitution romaine, jouera un rĂŽle primordial dans la chute de la RĂ©publique.

Consuls, préteurs, censeurs, édiles et questeurs

La plus haute magistrature sous la RĂ©publique est le consulat[48] - [79]. Deux consuls sont Ă©lus par les comices centuriates pour un mandat annuel[46] - [79]. Chaque consul est accompagnĂ© de douze gardes du corps appelĂ©s licteurs. Chacun d’eux porte une hache cĂ©rĂ©moniale connue sous le nom de faisceaux (fasces), qui symbolise le pouvoir de l’état Ă  punir et exĂ©cuter. Ils occupent aussi une chaise curule, qui est le symbole de haut pouvoir. Au fil des ans, un des consuls devient supĂ©rieur Ă  son collĂšgue. Ce surplus de pouvoir est Ă©changĂ© tous les mois entre les deux consuls[46]. Le consul qui a le plus de pouvoir pour un mois donnĂ© dĂ©tient les faisceaux[84].

Les consuls ont un pouvoir suprĂȘme Ă  la fois en ce qui concerne les domaines civil et militaire. En fait Ă  Rome, c’est le consul qui dĂ©tient les faisceaux qui est Ă  la tĂȘte du gouvernement romain[48]. La gestion du gouvernement est placĂ©e finalement sous l’autoritĂ© de ce consul. Il doit alors mettre en vigueur les lois promulguĂ©es par les assemblĂ©es et le SĂ©nat[4] qu’il prĂ©side[48] - [4]. Il est Ă©galement le chef de la diplomatie et doit faciliter les Ă©changes entre les ambassades Ă©trangĂšres et le SĂ©nat[48]. Le consul est investi du plus haut niveau de l’imperium ordinaire. Alors qu’il se trouve Ă  l’étranger, chaque consul commande une armĂ©e[48] - [4]. À ce moment, ni le SĂ©nat, ni les assemblĂ©es, ni les tribuns ne peuvent s’opposer Ă  lui. Si bien qu’à l’étranger, son autoritĂ© est quasi absolue[48].

Les prĂ©teurs administrent les lois civiles[85] et commande les armĂ©es provinciales. Ils sont Ă©lus par les comices centuriates, pour un mandat annuel Ă  l’instar des consuls. Quand les deux consuls se trouvent Ă  l’extĂ©rieur de Rome, le prĂ©teur urbain gouverne sur la ville[85] comme « consul-intĂ©rim ». Certains prĂ©teurs aident Ă  la gestion du gouvernement central. Ils peuvent administrer les lois civiles ou agir en tant que juge dans les tribunaux. D’autres prĂ©teurs ont des responsabilitĂ©s dans les affaires Ă©trangĂšres. Souvent, ces derniers agissent en gouverneurs de provinces[86].

Tous les cinq ans, deux censeurs sont Ă©lus par les comices centuriates pour un mandat de dix-huit mois. Les censeurs ne dĂ©tiennent pas l’imperium et ne peuvent donc convoquer ni le SĂ©nat ni aucune assemblĂ©es lĂ©gislatives. Bien qu’ils possĂšdent des chaises curules, ils ne dĂ©tiennent aucun faisceau (fasces) et ne sont pas accompagnĂ©s de licteurs. Comme ils occupent thĂ©oriquement un rang plus Ă©levĂ© que les consuls (et donc plus Ă©levĂ© que toutes les magistratures ordinaires), leurs dĂ©cisions ne peuvent ĂȘtre bloquĂ©es que par le veto d’un autre censeur ou d’un tribun.

Pendant qu’ils occupent la censure, ils mĂšnent Ă  bien un recensement qui leur permet d’intĂ©grer des citoyens dans le SĂ©nat ou de les en expulser[87]. Ils doivent mettre Ă  jour la liste des citoyens et leurs biens dans la ville, ce qui les pousse Ă  connaĂźtre certains dĂ©tails de leurs vies. Ces enquĂȘtes conduisent parfois les censeurs Ă  agir contre un citoyen pour le punir de diverses fautes morales. De telles fautes comprennent la banqueroute et la lĂąchetĂ©. Comme sentence (« censure »), le censeur peut frapper le citoyen d’une amende[46] ou vendre ses biens[87]. Une fois que le recensement est complĂ©tĂ©, le censeur dirige une cĂ©rĂ©monie religieuse, le lustrum, qui valide le rĂ©sultat du recensement[88].

Les Ă©diles sont des magistrats qui s’occupent des affaires domestiques dans Rome. Les comices tributes, sous la prĂ©sidence d’un consul, Ă©lisent deux Ă©diles curules pour un mandat annuel[89]. Bien que les Ă©diles curules ne dĂ©tiennent pas de faisceaux (fasces), ils occupent une chaise curule. Ils bĂ©nĂ©ficient deux larges pouvoirs concernant les affaires quotidiennes dans la ville de Rome. Ils gĂšrent les marchĂ©s, les spectacles et les jeux[76]. Ils s’occupent Ă©galement de la conservation des bĂątiments tels que les temples, les aqueducs et les Ă©gouts[90].

La magistrature de questeur est considĂ©rĂ©e comme celle de rang le plus bas[76]. Les questeurs sont Ă©lus par les comices tributes pour un mandat annuel[76]. Ils assistent les consuls dans Rome et les gouverneurs de provinces. Leurs tĂąches sont souvent d’ordre financiĂšres.

Tribun de la plÚbe et édiles plébéiens

Comme les tribuns de la plĂšbe et les Ă©diles plĂ©bĂ©iens ne sont Ă©lus que par les plĂ©bĂ©iens, plutĂŽt que par tout le peuple de Rome, ils ne sont pas techniquement des magistrats. Ils sont Ă©lus par le concile plĂ©bĂ©ien. À l’origine, la seule tĂąche d’un Ă©dile plĂ©bĂ©ien est d’assister le tribun. NĂ©anmoins, au fil des ans, la distinction entre Ă©diles plĂ©bĂ©ien et curule a disparu.

Puisque les tribuns sont considĂ©rĂ©s comme l’incarnation des plĂ©bĂ©iens, ils sont sacrosaints[91]. Leur sacrosaintetĂ© est renforcĂ©e par la promesse faite par les plĂ©bĂ©iens de tuer quiconque portera atteinte au tribun durant son mandat. Tous les pouvoirs des tribuns dĂ©rivent de ce statut sacrosaint. Une consĂ©quence Ă©vidente se traduit par le fait qu’il est considĂ©rĂ© comme une offense capitale d’agresser un tribun, d’ignorer son veto ou de contrecarrer ses actions[91]. Comme ils sont indĂ©pendants de tous les autres magistrats[4], ils ne peuvent voir leurs actions bloquĂ©e que par le veto d’autres tribuns. NĂ©anmoins, la sacrosaintetĂ© du tribun prend seulement effet le temps que le tribun reste Ă  Rome. Si celui-ci quitte Rome, les plĂ©bĂ©iens ne peuvent plus appliquer leur serment.

Les tribuns peuvent utiliser leur sacrosaintetĂ© lorsqu’il maltraite physiquement un individu (comme lors d’une arrestation)[92] et pour ordonner l’application de la peine capitale contre un individu qui se serait mis en travers de leur route[91]. De plus, les tribuns peuvent s’interposer physiquement[48] (intercessio) contre un magistrat, le SĂ©nat ou une assemblĂ©e, cette action ayant le mĂȘme effet qu’un veto[93]. Si un magistrat, le SĂ©nat ou une assemblĂ©e refusent de respecter le veto d’un tribun, ce dernier peut user de la sacrosaintetĂ© comme protection et les forcer physiquement Ă  s’y conformer.

Dictateurs et senatus consultum ultimum

En temps de guerre, lors de circonstances critiques pour la RĂ©publique romaine, un dictateur est nommĂ© pour six mois[94]. AprĂšs autorisation du SĂ©nat, les consuls nomment un dictateur, qui devient alors le maĂźtre absolu de l’état[46]. Il prend le pouvoir immĂ©diatement et nomme un maĂźtre de cavalerie (magister equitum) agissant comme son principal lieutenant[84]. Souvent, le dictateur se retire dĂšs que le problĂšme justifiant sa nomination est rĂ©solu[94], restaurant par la mĂȘme le gouvernement tel qu’il Ă©tait avant son arrivĂ©e.

Le dernier dictateur conventionnel est nommĂ© en 202 av. J.-C. AprĂšs cette date, les cas d’extrĂȘme urgence sont gĂ©rĂ©s par le passage d’un senatus consultum ultimum, qui suspend le gouvernement civil et instaure la loi martiale (ou quelque chose d’analogue)[95]. En effet, cela investit les consuls des pouvoirs dictatoriaux.

Il y a plusieurs raisons pour que le SĂ©nat commence Ă  user du senatus consultum ultimum plutĂŽt que de nommer un dictateur lors des cas d’extrĂȘme urgence aprĂšs 202 av. J.-C. Pendant le IIIe siĂšcle av. J.-C., une sĂ©rie de lois est ratifiĂ©e permettant un contrĂŽle du pouvoir dictatorial[95]. De plus, en 217 av. J.-C., une loi est promulguĂ©e qui donne aux assemblĂ©es populaires le droit de nommer les dictateurs, Ă©liminant alors le monopole de l’aristocratie sur ce pouvoir[95].

Transition de la RĂ©publique Ă  l’Empire (49-27 av. J.-C.)

La pĂ©riode qui commence avec Jules CĂ©sar franchissant le Rubicon en 49 av. J.-C., et qui se finit quand Octavien revient Ă  Rome aprĂšs la bataille d'Actium en 29 av. J.-C., voit l’évolution constitutionnelle accĂ©lĂ©rer et atteindre son apogĂ©e. En 29 av. J.-C., Rome a fini sa transformation de citĂ©-Ă©tat avec son rĂ©seau de dĂ©pendances en une capitale d’un empire mondial[96].

AprĂšs avoir vaincu PompĂ©e et ses soutiens, CĂ©sar veut s’assurer que son contrĂŽle sur le gouvernement est incontestĂ©[97]. Les pouvoirs qu’il s’est attribuĂ© lui-mĂȘme seront finalement utilisĂ©s par ses successeurs impĂ©riaux[97]. Il assure ses pouvoirs en augmentant sa propre autoritĂ© et en abaissant celle des autres institutions politiques de Rome.

CĂ©sar dĂ©tient Ă  la fois la dictature et le tribunat, mais alterne entre le consulat et le proconsulat[97]. En 48 av. J.-C., CĂ©sar se voit donner les pouvoirs tribuniciens de façon permanente[98], ce qui rend sa personne sacrosainte, lui donne le pouvoir de s’opposer au SĂ©nat par son veto et l’autorise Ă  dominer le concile plĂ©bĂ©ien. De ce fait, il peut ratifier n’importe quelle loi sans aucune opposition. En 46 av. J.-C., CĂ©sar obtient les pouvoirs censoriaux[98], qu’il utilise pour remplir le SĂ©nat de ses propres partisans. Il augmente ensuite le nombre des membres du SĂ©nat Ă  900[92] - [99], ce qui enlĂšve son prestige Ă  l’aristocratie SĂ©natoriale et assure sa soumission[100]. Bien que les assemblĂ©es continuent de se rĂ©unir, il choisit tous les candidats aux Ă©lections et toutes les actions Ă  appliquer. Par consĂ©quent, les assemblĂ©es deviennent impuissantes et sont incapables de s’opposer Ă  CĂ©sar[100].

Vers la fin de sa vie, CĂ©sar commence Ă  se prĂ©parer pour une guerre contre les Parthes. Comme son absence lui rendra la tĂąche plus difficile pour installer ses propres consuls, il promulgue plusieurs lois qui l’autorisent Ă  nommer tous les magistrats, ainsi que tous les consuls et tribuns[99]. Les magistrats qui Ă©taient jusque-lĂ  des reprĂ©sentants du peuple deviennent des reprĂ©sentants du dictateur[99].

AprĂšs que CĂ©sar a Ă©tĂ© assassinĂ© en 44 av. J.-C., Marc Antoine forme une alliance avec le fils adoptĂ© et petit neveu de CĂ©sar, Octavien. Avec Marcus Aemilius Lepidus, ils forment une alliance connue sous le nom de Second triumvirat, et dĂ©tiennent des pouvoirs Ă  peu prĂšs identiques Ă  ceux de CĂ©sar. De sorte que le SĂ©nat et les assemblĂ©es restent impuissants, mĂȘme aprĂšs la mort de CĂ©sar. En effet, il n’existe aucune diffĂ©rence constitutionnelle entre un individu dĂ©tenant le titre de dictateur et celui de triumvir. Bien que les conspirateurs ayant assassinĂ© CĂ©sar aient Ă©tĂ© dĂ©faits Ă  la bataille de Philippes en 42 av. J.-C., la paix qui en rĂ©sulte est seulement temporaire. Marc Antoine et Octavien se livrent une derniĂšre bataille. Marc Antoine est dĂ©fait lors de la bataille navale d’Actium en 31 av. J.-C., et se suicide en 30 av. J.-C. En 29 av. J.-C., Octavien retourne Ă  Rome comme maĂźtre incontestĂ© de l’État, oĂč il fait vraisemblablement passer une sĂ©rie de rĂ©formes constitutionnelles mettant fin Ă  l’ancienne RĂ©publique. Le rĂšgne d’Octavien, dont on se souviendra sous le nom d’Auguste, le premier empereur romain, marque la rupture entre la RĂ©publique romaine et l’Empire romain.

Voir aussi

Bibliographie

Sources antiques
Sources modernes utilisées
Autres ouvrages francophones
Autres ouvrages anglophones

Notes et références

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  2. Holland 2005, p. 25
  3. Lintott 1999, p. 40
  4. Byrd 1995, p. 179
  5. Abbott 1901, p. 44
  6. Abbott 1901, p. 96
  7. Abbott 1901, p. 133
  8. Holland 2005, p. 1
  9. Holland 2005, p. 2
  10. Abbott 1901, p. 25
  11. Abbott 1901, p. 28
  12. Holland 2005, p. 22
  13. Holland 2005, p. 5
  14. Abbott 1901, p. 37
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  16. Abbott 1901, p. 45
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  20. Abbott 1901, p. 48
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  91. Byrd 1995, p. 23
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  98. Abbott 1901, p. 135
  99. Abbott 1901, p. 137
  100. Abbott 1901, p. 138

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