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Cloaca Maxima

La Cloaca Maxima est un long canal, principal égout collecteur de la Rome antique. Il combine trois fonctions : la récupération des eaux de pluie, l'évacuation des eaux usées et l'assainissement des marécages qui occupaient dans les premiers temps de Rome la dépression située entre le Quirinal, l'Esquilin et le Tibre. C'est le plus ancien système de drainage encore en usage aujourd'hui puisque les conduits antiques servent encore à évacuer les eaux de pluie et les débris du Foro Romano, du Velabro et du Foro Boario.

Cloaca Maxima
Image illustrative de l’article Cloaca Maxima
Débouché de la Cloaca Maxima dans le Tibre,
vu du Pont Palatino.

Lieu de construction Forums impériaux, Forum Romain, Vélabre, Forum Boarium
Date de construction Royauté romaine
Ordonné par Tarquin l'Ancien
Type de bâtiment Égout
Le plan de Rome ci-dessous est intemporel.
Carte de la Rome antique montrant la localisation de Cloaca Maxima.
Cloaca Maxima
DĂ©part de la Cloaca Maxima
Passage de la Cloaca Maxima dans le VĂ©labre
Localisation du départ des conduits, du passage dans le Vélabre
et de l'embouchure de la Cloaca Maxima
dans la Rome antique (en rouge)

CoordonnĂ©es 41° 53′ 20″ nord, 12° 28′ 48″ est
Liste des monuments de la Rome antique
Tracé de la Cloaca Maxima des Forums impériaux au Forum Boarium.

Localisation

Le canal de la Cloaca Maxima, alimenté par sept canaux affluents selon Pline l'Ancien[a 1], recueille les eaux de tous les vallons situés entre les collines du Quirinal et de l'Esquilin puis traverse le forum romain sur une ligne nord-est sud-ouest pour aller se déverser dans le Tibre, un peu en aval de l'île Tibérine[1]. Le canal suit un itinéraire irrégulier, probablement parce que les Romains ont soigneusement évité certaines zones jugées hostiles ou dangereuses pour des raisons religieuses[1].

Fonction

Le canal et ses affluents deviennent le principal réseau d'égouts de la Rome antique[1], ce que rappelle son nom de Cloaca Maxima qui signifie littéralement « le plus grand égout ». Son rôle est d'assécher les zones marécageuses afin de les assainir et de les rendre constructibles. Cet assèchement est devenu incontournable tant la population de Rome augmente rapidement au cours de la Royauté romaine puis au début de la République. Au début, cet égout est conçu comme un grand canal à ciel ouvert ayant pour fonction de drainer l'eau du sol. Au cours des siècles, par travaux successifs, il est transformé en véritable égout souterrain pour des raisons d'hygiène car Rome est fréquemment la proie d'épidémies. Strabon, contemporain des grands travaux de rénovation menés par Agrippa sous Auguste, se montre impressionné par le dispositif d'assainissement.

« À ces avantages résultant pour Rome de la nature de son territoire, ses habitants ont ajouté tous ceux que peut procurer l'industrie humaine […] Les Romains se sont surtout appliqués […] à construire des chaussées, des aqueducs et des égouts destinés à entraîner dans le Tibre toutes les immondices de la ville. […] Ils ne se sont pas bornés non plus à voûter leurs égouts en pierres de taille, mais ils les ont faits si larges qu'en certains endroits des chariots à foin auraient encore sur les côtés la place de passer […] Leurs aqueducs amènent l'eau à Rome en telle quantité que ce sont de véritables fleuves qui sillonnent la ville en tous sens et qui nettoient les égouts. »

— Strabon, Géographie, V, 3, 8

Histoire

Antiquité : construction et rénovations

Selon la tradition telle qu'elle est encore rapportée du temps de Tite-Live[a 2], le début des travaux remonte aux environs de 600 av. J.-C. et est attribué à Tarquin l'Ancien. Dans un même temps, la zone du Forum est dégagée et recouverte de terre battue[2]. C'est Tarquin le Superbe qui met un terme à ces premiers travaux qui consistent dans le creusement d'un canal à ciel ouvert selon une technique maîtrisée par les Étrusques. Pour accélérer la progression des travaux, le dernier des Tarquins aurait mis à contribution de force les plébéiens, ce qui aurait valu au canal le nom populaire de « Fossé des Quirites » (Fossae Quiritium[a 3])[3]. Le canal n'a été entièrement couvert qu'assez tardivement puisque du temps de Plaute, vers la fin du IIIe siècle av. J.-C., un canal ouvert coupe encore le Forum en son milieu[a 4].

Agrippa entreprend une rénovation du réseau des aqueducs et des égouts en tant qu'édile en 33 av. J.-C.[a 5] Au début du IVe siècle, la Cloaca Maxima est utilisée pour évacuer les eaux usées des thermes de Dioclétien[4].

Renaissance : redécouverte

Le canal antique est brièvement mentionnĂ© par Antonio Bosio, spĂ©cialiste des catacombes de Rome, qui parle d'un conduit navigable durant l'AntiquitĂ© qui a pu servir depuis de sĂ©pultures pour le corps de saints[5]. Dans la deuxième moitiĂ© du XVIIe siècle, le canal semble encore accessible et il est possible d'emprunter le tunnel pour se rendre du Tibre jusqu'au Forum. La Cloaca Maxima bĂ©nĂ©ficie peu Ă  peu d'un regain d'intĂ©rĂŞt des archĂ©ologues italiens, comme Famiano Nardini en 1661, dont les travaux sont repris par l'abbĂ© de Cortone Ridolfino Venuti en 1766. La dernière portion du conduit, qui traverse le VĂ©labre de l'Ă©glise San Giorgio au Tibre, se situe Ă  10 mètres sous le niveau du sol de l'Ă©poque et est entièrement dĂ©gagĂ©e en 1742[4]. Deux ans plus tard, Francesco de Ficoroni dĂ©crit les vestiges du canal près de l'embouchure, impressionnĂ© par les rĂ©alisations de l'ingĂ©nierie romaine[5].

Fouilles archéologiques

En 1871, lors de fouilles sur le Forum menées par l'architecte et topographe Pietro Rosa, le tracé de la Cloaca Maxima est mis au jour entre la Via della Salara Vecchia et Marrana di San Giorgio. Celle-ci est purgée et débarrassée de la boue et des gravats qui l'encombrent ; toutefois, il n'est pas possible aux archéologues de déterminer sa profondeur à cause de dépôts. Au début du XXe siècle, le conduit est restauré par Giacomo Boni, qui fait ajouter un quai en maçonnerie permettant de le parcourir à pied sec[6]. La Cloaca Maxima est étudiée de manière approfondie par l'archéologue allemand Heinrich Bauer, qui publie ses résultats en 1989 sous le titre Die Cloaca Maxima in Rom. Ce n'est que récemment qu'a été rendue possible l'exploration de tous les conduits, y compris celui parallèle à la Via Bucimazza que Bauer n'avait pu emprunter même après plusieurs tentatives de dégagement[7].

Description

Les vestiges du grand Ă©gout sont longs d'environ 812 mètres. La largeur des conduits varie tout au long du tracĂ©, d'un peu plus de 2 mètres pour les passages les plus Ă©troits Ă  4,50 mètres près de l'embouchure[8]. Le premier canal est construit en pierre sèche avec des blocs de 2,50 mètres de longueur, 1 mètre de largeur et 0,80 mètre d'Ă©paisseur, taillĂ©s dans du pĂ©pĂ©rin ou du tuf volcanique de la rĂ©gion de Rome. Au fil de nombreuses rĂ©novations, les matĂ©riaux de construction Ă©voluent. La voĂ»te de couverture est en bĂ©ton recouvert de briques. L'usage de pierres de Gabies, qui se gĂ©nĂ©ralise Ă  Rome entre l'Ă©poque de Jules CĂ©sar et celle de NĂ©ron, pourrait dater d'une restauration ordonnĂ©e par Agrippa[9].

Du Transitorium au Forum Romanum

Les conduits dĂ©butent Ă  l'extrĂ©mitĂ© du Transitorium (appelĂ© aussi forum de Nerva) mais Ă  l'Ă©poque antique, son conduit se poursuivait le long de l'Argilète, oĂą il collectait les eaux de pluie. Le conduit fait 3,20 mètres de large pour 4,20 mètres de hauteur[8]. Après avoir traversĂ© le Transitorium, la Cloaca Maxima se divise en deux canaux : le canal principal, plus ancien, passe sous la basilique Aemilia, section appelĂ©e Braccio Morto, tandis qu'une dĂ©viation postĂ©rieure contourne l'extrĂ©mitĂ© de la basilique[7]. Les deux canaux se rejoignent au niveau du sacellum de la VĂ©nus Cloacina. Ă€ proximitĂ© du sacellum, un raccordement permet de rĂ©cupĂ©rer les eaux de drainage de la Voie SacrĂ©e[9]. Le canal traverse ensuite le forum selon une direction oblique et passe sous le sol de la basilique Julia, Ă  3 mètres de profondeur, oĂą sa largeur se rĂ©trĂ©cit Ă  2,15 mètres[4].

Dans le VĂ©labre et le Forum Boarium

Juste au sud du Forum et de la basilique Julia, une section du canal est construite en opus caementicium. Il s'agit d'une modification datant de la construction du temple d'Auguste[9]. La Cloaca Maxima longe le vicus Tuscus et s'enfonce dans le VĂ©labre selon un trajet irrĂ©gulier. Le canal est plus Ă©troit Ă  ce niveau, avec 2,12 mètres de large pour 2,72 mètres de haut. Vers la fin de son parcours, le canal passe sous l'arc de Janus puis entre les temples de Portunus au nord et d'Hercule Olivarius au sud dans le Forum Boarium avant de dĂ©boucher dans le Tibre. Sur la fin de son parcours, le canal s'Ă©largit pour atteindre 4,50 mètres de large et 3,30 mètres de haut[4]. L'extrĂ©mitĂ© du canal est renforcĂ©e par une triple voĂ»te en pierre de Gabies, toujours visible aujourd'hui[4].

  • EntrĂ©e de la Cloaca Maxima sur le Forum.
    Entrée de la Cloaca Maxima sur le Forum.
  • Plaque moderne citant un passage de Denys d'Halicarnasse.
    Plaque moderne citant un passage de Denys d'Halicarnasse.
  • Vue de la rive moderne du Tibre au niveau de l'embouchure.
    Vue de la rive moderne du Tibre au niveau de l'embouchure.

Notes et références

  • Sources antiques :
  1. Pline l'Ancien, Histoire naturelle, XXXVI, 105
  2. Tite-Live, Histoire romaine, I, 38-56
  3. Pseudo-Aurelius Victor, Liber de viris illustribus
  4. Plaute, Curculio, 476
  5. Dion Cassius, Histoire romaine, Livre XL, 43
  • Sources modernes :

Voir aussi

Ouvrages généraux

  • (en) Filippo Coarelli, Rome and environs : an archaeological guide, University of California Press, , 555 p. (ISBN 978-0-520-07961-8, lire en ligne).
  • Charles Delvoye, « Rome impĂ©riale et l'urbanisme dans l'antiquitĂ© », Revue belge de philologie et d'histoire, vol. 32, nos 2-3,‎ , p. 596-598 (lire en ligne, consultĂ© le ).
  • Alain Malissard, Les Romains et l'eau, Les Belles Lettres, coll. « RĂ©alia », , 342 p. (ISBN 2-2513-3814-4).
  • (en) Lawrence Richardson, A New Topographical Dictionary of Ancient Rome, Baltimore, (Md.), Johns Hopkins University Press, , 488 p. (ISBN 0-8018-4300-6).

Ouvrages sur la Cloaca Maxima

  • (it) Elisabetta Bianchi et Luca Antognoli, « La Cloaca Massima dal Foro al Velabro : dagli studi di Heinrich Bauer alle nuove indagini », dans Elisabetta Bianchi (dir.), La Cloaca Maxima e i sistemi fognari di Roma dall'antichitĂ  ad oggi, , p. 109-155.
  • (de) Heinrich Bauer, « Die Cloaca Maxima in Rom », Mitteilungen-Leichtweiss Institut fĂĽr Wasserbau der Technischen UniversitätBraunschweig, vol. 103,‎ , p. 45-67.
  • (de) Heinrich Bauer, « Cloaca, Cloaca Maxima », dans Eva Margareta Steinby (dir.), Lexicon Topographicum Urbis Romae : Volume Primo A - C, Edizioni Quasar, , 480 p. (ISBN 88-7097-019-1), p. 288-290.
  • (en) D. Borbonus et C. F. Noreña, « Cloaca Maxima », dans Lothar Haselberg (dir.), Mapping Augustan Rome, Portsmouth, Rhode Island, Elisha Ann Dumser, , p. 91-93.
  • (en) John Hopkins, « The sacred Sewer : tradition and religion in the Cloaca Maxima », dans Max Bradley, Rome, pollution and property, .

Articles connexes

Liens externes

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