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Grand brochet

Origine du nom et surnoms

DĂ©tail de la tĂŞte d'un brochet
Squelette de la tête d'un Grand brochet, avec mâchoires à large ouverture et dents typiques d'un poisson prédateur
Esox Lucius - squelette conservé au mnhn Paris

Le mot brochet est issu du français broche car le museau pointu et le corps allongé de cet animal rappellent la forme de l'ustensile de cuisine.

Le brochet est affublé de nombreux surnoms : broc, bec, bec-de-canard, bec de canne, gros bec, béquet, brocheton, brochette, brouché, buché, filaton, flute, goulu, grand-bec, grand-gousier, lanceron, lançon, luceau, pognan, pogneau, poignard, sifflet, gobe poisson, fusil, requin de rivière ou d'eau douce.

Description

Détail des flancs de deux brochets d'environ m, capturés dans la même baie de la mer Baltique (environs de Helsinki en Finlande).

Le brochet est un poisson fusiforme, dont les flancs de couleur verdâtre ou jaunâtre vers le dos deviennent blancs vers le ventre. Les nageoires sont de couleur rouge-orange et portent des rayures sombres.

Sa taille Ă  l'âge adulte varie de 30 Ă  110 cm et son poids entre 2 et 10 kg. Cependant des individus de plus de 130 cm et de plus de 30 kg existent mais sont moins frĂ©quents (ce sont gĂ©nĂ©ralement des femelles). L'actuel record du plus gros brochet homologuĂ© par la ConfĂ©dĂ©ration internationale de la pĂŞche sportive est un spĂ©cimen de 147 cm (58 cm de tour de ventre) pour 31 kg, capturĂ© en 1983 en Allemagne, surnommĂ© Hecht (brochet en allemand). Le plus grand brochet jamais mesurĂ© et confirmĂ© (152 cm de long, 60 cm de tour de ventre, 28 kg) fut capturĂ© et relâchĂ© en mai 2004 dans le lac Apisko, Manitoba (Canada). Quelques Ă©crits datĂ©s de la fin du XIXe siècle rapportent Ă©galement la capture au filet de brochets gĂ©ants (173–175 cm de long, 67–68 cm de large pour 41-42 kg) en Irlande[1], Ă©crits dont la vĂ©racitĂ© est douteuse faute de preuves matĂ©rielles et parce qu'aucun brochet gĂ©ant n'a Ă©tĂ© capturĂ© depuis (soit plus de 50 ans).

Les jeunes brochets ont des bandes jaunes le long du corps qui, plus tard, se divisent en pointillés clairs.

Les patrons de couleurs sur les flancs varient d'un individu à l'autre mais il n'a pour l'instant pas été établi de lien clair avec son milieu de vie. En Italie, Esox cisalpinus fut longtemps considéré comme une variation de couleur du grand brochet, mais a été reconnu comme une espèce à part entière en 2011[2].

Ce poisson a environ 500 dents[3].

Chez le grand brochet, 5 pores sensoriels sont visibles sous ses mandibules inférieures[4] contre 6 à 9 chez le maskinongé et 4 pores chez le brochet maillé[5]. Seule la partie supérieure des opercules est écaillée tandis que la totalité de celles du brochet maillé est recouverte d'écailles.

Un hybride entre le grand brochet et le maskinongé est parfois observé là où les deux espèces co-existent. Sa livrée rappelle celle du maskinongé mais certains traits (forme de la queue notamment) sont intermédiaires. Certains de ces hybrides ont été introduits à d'autres endroits pour la pêche sportive. Il est probable que le grand brochet s'hybride également naturellement aussi avec le brochet maillé.

RĂ©partition

Le Grand brochet fait partie des poissons d'eau douce ayant la plus vaste répartition naturelle au monde, comme l'omble chevalier, l'épinoche et l'épinochette. On le rencontre dans la majorité des régions tempérées et froides de l'hémisphère nord : en Europe, dans le nord de l'Asie et en Amérique du Nord. C'est un poisson plutôt nordique que l'on trouve dans les nombreux lacs et les vastes marais de la taïga arctique, dans presque l'ensemble de la Russie et du Canada, allant dans certaines régions jusqu'à la toundra. En Europe il est naturellement présent au sud jusqu'en Grèce et dans le sud-est de la France, sous climat méditerranéen. On le trouve aussi dans le nord de l'Iran (régions côtières de la mer Caspienne) et en Asie centrale. Aux États-Unis il est présent naturellement des Grands Lacs jusqu'en Arkansas et au nord du Mississippi, ainsi qu'en Alaska.

Il a aussi été largement introduit en dehors de son aire d'origine, par exemple au Maroc par les Français au début du XXe siècle, dans les lacs d'Aguelmame Aziza et d'Aguelmame Sidi Ali.

Habitat

Brochet dans une gravière d'Alsace.
Brochet à l'affût dans les branches d'un arbre mort.

Contrairement au sandre qui préfère les fonds des lacs, le brochet occupe principalement la première moitié de la colonne d'eau. Adulte, il affectionne les écosystèmes lentiques (rivières à courant lent, bras morts, fleuves, étangs et lacs riches en végétation)[6]. Ainsi, une étude canadienne a montré que sa présence était « directement corrélée avec la présence de barrages de castor »[7].

Le brochet est aussi commun en eaux saumâtres. C'est notamment le cas dans certaines régions de la mer Baltique, surtout à l'est, où la salinité est moindre et où une couche d'eau douce de plusieurs mètres surnage à l'eau salée. Les brochets vivent principalement dans cette couche d'eau douce, et font des intrusions fréquentes dans la couche salée pour s'y nourrir. Les brochets peuvent y atteindre de grandes tailles et les individus dépassant le mètre y sont très fréquents.

Dans certaines régions du monde peuplées et industrialisées, l'habitat du brochet tend souvent à se dégrader, ou a été très dégradé. S'il peut profiter d'anciennes gravières ou carrières inondées qui lui offrent des habitats de substitution, son biotope naturel est le plus souvent négativement affecté par les activités humaines (pollution de l'eau, pêche abusive, drainage ou comblement de nombreuses zones inondables, eutrophisation, turbidité accrue, artificialisation des berges, pompages excessifs d'eau, etc.)[6]. En particulier, les prairies inondables propices à sa reproduction et de nombreux milieux peu profonds servant de nourriceries ont fréquemment disparu [6], selon certaines études la dégradation des nourriceries aurait un impact encore plus négatif pour l'espèce que la dégradation ou régression des zones de fraie[6]. Ceci explique la régression de l'espèce dans une grande partie de ses habitats potentiels. Une autre étude a porté sur les effets du manque d'habitats de fraie, le manque de nourriceries pour les alevins et le manque d'habitats pour les jeunes brochets[8]. Les auteurs ont dans ce cas conclu que contrairement à une idée répandue, c'est la disponibilité en aire de fraie et d'alimentation des jeunes qui a le plus d'importance pour la survie des populations, plus que les nourriceries d'alevins. Mais selon les résultats de leurs modélisations « les habitats de fraye peuvent être les plus rares en quantité absolue »[8]. L'étendue, mais aussi la profondeur et le profil hypsographique d'un lac influent aussi sur le nombre et la biomasse des brochets[8].

Mode de vie

C'est un chasseur habituellement sédentaire et solitaire, mais il vit parfois temporairement en groupe de deux ou trois.

Dans les grands lacs, on le trouve aussi en bancs, surtout quand il s'agit de jeunes sujets. Le brochet peut vivre plus de 20 ans.

Alimentation

L'alimentation du brochet Ă©volue avec l'âge. Il commence par se nourrir de zooplanctons et d'insectes lorsqu'il est alevin (30 mm). En grandissant, son rĂ©gime alimentaire intègre des proies de plus en plus grosses. Adulte il consomme principalement diverses espèces de poissons, notamment les espèces les plus communes dans le milieu oĂą il vit. Le grand brochet est nĂ©anmoins très opportuniste, et il peut aussi consommer des Ă©crevisses, des amphibiens, des canetons ou des rongeurs. La taille de ses proies peut correspondre Ă  la moitiĂ© de sa propre taille[9]. Le cannibalisme n'est pas rare chez le brochet et il peut arriver que les brochetons constituent la majeure partie des proies des gros brochets. En Ă©levage, il peut ĂŞtre rĂ©duit par l'isolement des fratries[10].

Il a été longtemps considéré comme un monstre vorace[11], depuis qu'on peut le filmer et l'observer dans son milieu, on sait que ce n'est pas toujours vrai. Le brochet est reconnu comme un excellent régulateur des populations de poisson fourrage[12].

Le brochet chasse principalement en embuscade ; il se camoufle dans les herbes aquatiques ou se confond avec des branchages immergés, et attend qu'une proie passe à sa portée. Son corps élancé n'est pas adapté à de longues poursuites mais bien aux accélérations brusques et en ligne droite. Il lui arrive parfois de s'attaquer aux poissons pris dans les lignes des pêcheurs.

Vision

Esox lucius est un prédateur qui chasse principalement à vue, mais qui dispose aussi d'autres sens très développés, car on le trouve parfois aussi dans des eaux très turbides (dans certains canaux eutrophes par exemple).

Son Ĺ“il a fait l'objet d'Ă©tudes anatomiques fines (microscopie optique et Ă©lectronique)[13] concernant notamment :

  • l'ultra-structure de l'Ă©pithĂ©lium pigmentaire rĂ©tinien : Il est composĂ© d'une couche unique de grosses cellules Ă©pithĂ©liales, toutes riches en mitochondries, rĂ©ticulum endoplasmique lisse, corps myĂ©loĂŻdes, phagosomes et pigments granuleux. Selon C.R. Braekevelt (1974), « le rĂ©ticulum endoplasmique hĂ©rissĂ© et les ribosomes sont rares. La bordure sclĂ©rale ou basale de la cellule Ă©pithĂ©liale n'est pas repliĂ©e en dedans, alors que la surface vitrĂ©ale ou apicale montre plusieurs fins procès allongĂ©s qui entourent les segments internes et externes des photorĂ©cepteurs »[13] ;
  • la membrane de Bruch, Ă©paisse de 3,5 Ă  4 ÎĽm. Elle est formĂ©e d'une triple couche, avec la lamina lucida de l'Ă©pithĂ©lium pigmentaire (formant la couche interne) puis une couche intermĂ©diaire, la lamina densa, formĂ©e de fragiles fibrilles, puis une couche externe, la Lamina fibro-reticularis (en), qui est la lamina basale de l'endothĂ©lium de choriocapillaires[13] ;
  • les choriocapillaires[13] ; leur paroi endothĂ©liale borde la membrane de Bruch ; elle est mince et « non fĂ©nestrĂ©e ». Le cytoplasme endothĂ©lial contient de nombreuses vĂ©sicules[13]. Selon Braekevelt (1974), cette zone de l’œil prĂ©sente une morphologie diffĂ©rente de celles dĂ©crites chez tous les autres vertĂ©brĂ©s[13].

Reproduction

Le brochet est une espèce phytophile dont la frai survient de fĂ©vrier Ă  avril dans une eau dont la tempĂ©rature est comprise entre 5 et 12 °C. La femelle pond entre 15 000 et 20 000 Ĺ“ufs par kilogramme de son poids (entre 3 000 et 600 000 Ĺ“ufs). Aucun nid n'est construit ; les Ĺ“ufs semblent Ă©parpillĂ©s au hasard dans des herbiers situĂ©s près des berges. Une grosse femelle est fĂ©condĂ©e par un ou deux mâles plus petits qu'elle.

Les Ĺ“ufs sont ambre clair de 2,5 Ă  3,0 mm et se fixent Ă  la vĂ©gĂ©tation. Comme chez la plupart des poissons pondant un grand nombre d'Ĺ“ufs sans ensuite les protĂ©ger, la très grande majoritĂ© de ces Ĺ“ufs mourront dessĂ©chĂ©s ou mangĂ©s par d'autres animaux. Une Ă©tude a ainsi estimĂ© la fĂ©conditĂ© potentielle et quantifiĂ© la survie entre l'Ĺ“uf et les juvĂ©niles de l'annĂ©e en sortie de frayère (« survie Ĺ“ufs–juvĂ©niles ») ; cette Ă©tude a Ă©tĂ© faite dans le milieu naturel d'une part (en 1975) et en situation de niveau contrĂ´lĂ© des eaux d'autre part (en 1976). Dans le premier cas 3 393 juvĂ©niles 0+ ont survĂ©cu Ă  partir d'environ 9 210 900 Ĺ“ufs estimĂ©s pondus par 404 femelles. 0,037 % des Ĺ“ufs ont donnĂ© un brocheton d'un an. Dans le second cas, 34 062 juvĂ©niles 0+ ont survĂ©cu (issus d'environ 8 536 800 Ĺ“ufs estimĂ©s pondus par 310 femelles, soit un taux de survie nettement meilleur de 0,399 % (sans doute en partie dĂ» au contrĂ´le de l'eau et Ă  une crue plus forte l'annĂ©e de l'expĂ©rience). Les auteurs ont notĂ© que les alevins nĂ©s dans ces deux cas (1975 et 1976) ont Ă©tĂ© plus nombreux que la moyenne, « suggĂ©rant que la fĂ©conditĂ© potentielle et la production de juvĂ©niles 0+ sur les frayères ne sont pas les seuls facteurs qui dĂ©terminent l'importance du recrutement chez cette espèce ».

La croissance de l'alevin et du brocheton est rapide, lui permettant d'atteindre 30 cm en fin de sa première annĂ©e, 50 cm Ă  la fin de sa seconde, puis 10 cm par an jusqu'Ă  100 cm, en cas de croissance normale. Chez le brochet, le muscle crĂ©Ă© correspond Ă  17 % de la nourriture ingĂ©rĂ©e : ainsi, si un brochet ingurgite 100 g de nourriture, 17 g de muscle seront fabriquĂ©s[14].

Les spécificités de la reproduction du brochet le rendent vulnérable à la régression des zones humides et à la pollution des zones inondables où il pond. Ce poisson recherche des herbiers situés entre 0,2 et 0,8 m de profondeur, qui doivent rester immergés durant la période de frai. Le marnage important et le manque d'herbiers au niveau des lacs de barrage entraînent des difficultés pour le brochet. Ainsi des rempoissonnements sont annuellement ou périodiquement effectués par des sociétés de pêche.

Les lieux de fraie de ce poisson ont beaucoup décliné depuis la révolution industrielle en raison de l’artificialisation des cours d'eau, du drainage ou de la pollution des zones humides (le brochet comme tous les poissons est mortellement sensible à de nombreux pesticides), souvent sans solution alternative[15].

La restauration de frayères par les pêcheurs[16] ou d'autres acteurs est un pis-aller ; le retour du castor dans les petites rivières et ruisseaux (où il fait volontiers des barrages) pourrait être favorable au frai du grand brochet et à une bonne croissance de ses alevins[7]. Le castor nord-américain et le castor eurasiatique vivaient autrefois dans la plupart des cours d'eau des zones froides et tempérées de tout l'hémisphère nord et même dans les petits cours d'eau de certains déserts (au Nouveau-Mexique et en Arizona par exemple). Ces deux espèces reconstituent depuis quelques décennies des populations respectivement en Amérique du Nord et en Europe. De nombreuses études scientifiques ont montré l'intérêt des barrages de castors pour de nombreuses espèces de poissons et d'autres espèces aquatiques (qui sont des proies pour le brochet et d'autres poissons carnivores). Là où le castor ne fait pas de barrage, il lui arrive fréquemment de creuser de petits canaux dans les milieux herbacés, canaux qui peuvent aussi être exploités par les poissons (dont pour le frai).

Évaluation quantitative des populations

Évaluer le nombre de brochets et la dynamique de population de l'espèce dans les eaux turbides n'est pas aisé ; il faut alors faire appel à des techniques de pêche électrique ou de capture-marquage-recapture.

En revanche des observateurs expérimentés peuvent produire des comptages assez précis dans les eaux très claires et pauvres en caches. Ainsi, en Alberta, une expérience d'échantillonnage systématique (de deux jours chacun) de grands brochets d'un an ou plus a été faite (en cinq séquences) en été (juin, juillet, août) dans un petit lac méromictique profond et très clair (le lac Roi, qui a une forme de grand bassin)[17]. L'estimation finale combinée a donné dans ce cas 180 ± 39 grands brochets (soit environ 23 brochets par hectare de surface de lac). Une observation subaquatique a évalué la distribution des brochets selon la profondeur et leur réponse à la présence d'un observateur. Dans ce cas, les grands brochets privilégiaient les zones de moins d'un mètre de profondeur (la méthode d'échantillonnage stratifié est donc pertinente). Les résultats de comptages variaient peu selon l'observateur et n'étaient entachés que de 4 % d'erreur de précision[17].

PĂŞche

PĂŞche commerciale

Il est soumis à une certaine pêche commerciale dans plusieurs provinces canadiennes[18] bien qu'il ne soit pas l'espèce directement visée par ces pêches.

PĂŞche sportive

Brochet capturé au jerkbait

Le brochet est une des grandes espèces de poissons, considĂ©rĂ© comme le roi des lacs et rivières qu'il frĂ©quente. Sa taille et ses « combats » parfois spectaculaires en eau douce font qu'il est recherchĂ© par les pratiquants de la pĂŞche sportive en rivière ou en lacs. Les petits spĂ©cimens (moins de 60 cm) sont relativement faciles Ă  prendre lĂ  oĂą le brochet abonde. Les gros spĂ©cimens reprĂ©sentent un rĂ©el dĂ©fi.

La bouche du brochet est tapissée de plus de 700 dents, d'où l'utilisation de bas de ligne adéquats.

Ses dents Ă©tant très coupantes, le fil de nylon utilisĂ© pour sa pĂŞche est facilement sectionnĂ©, c'est pourquoi il faut avoir recours Ă  un bas de ligne d'au moins 20 cm en crinelle d'acier, tresse ou fluorocarbone. Il se pĂŞche au vif mais bon nombre de pĂŞcheurs prĂ©fèrent aujourd'hui des techniques moins meurtrières tant pour les vifs que pour les brochets qui ont tendance Ă  engammer l'esche profondĂ©ment. Ainsi, beaucoup de pĂŞcheurs lui prĂ©fèrent le maniement de divers leurres dont le poisson nageur, le leurre souple ou la cuillère, dont la rĂ©cupĂ©ration lors du maniement permet d'hameçonner les brochets le plus souvent sur l'extĂ©rieur de la gueule, facilitant la remise Ă  l'eau des captures. Certains pĂŞcheurs le pĂŞchent Ă  la mouche. Les mouches de grandes tailles ou imitant un petit poisson utilisĂ©es sont alors appelĂ©es streamers.

Remise Ă  l'eau d'un brochet de 94 cm

Il est conseillĂ© de relâcher les petits brochets (moins de 65 cm) mais aussi les plus gros poissons (plus de 90 cm). Les individus les plus petits n'ont pas beaucoup de chair mais beaucoup d'arĂŞtes, tandis que la chair des brochets les plus gros, qui sont les plus âgĂ©s, ont la rĂ©putation d'avoir une faible valeur gastronomique (en plus d'avoir accumulĂ© une plus forte concentration de polluants dans leur chair). Plus important, les plus gros individus dans les populations sont des femelles et plus ces brochets sont gros, plus ils produisent d'Ĺ“ufs et, de ce fait, contribuent au maintien des populations.

Pour maximiser les chances de survie des poissons relâchés, il est préférable de toujours prendre avec soi une pince pliante à long cou et une pince coupante à long cou, afin de pouvoir décrocher les hameçons logés dans le fond de la gueule du poisson et de couper ceux qui sont logés dans les branchies. De même, l'utilisation d'un bâillon pour ouvrir la gueule du brochet est déconseillée car peut causer d'importants dommages, notamment sur les plus petits individus. Les poissons doivent être sortis le moins possible de l'eau, surtout en été et après un long combat. La remise à l'eau doit comporter des va-et-vient en tenant le poisson par la queue, face au courant, afin de faciliter le passage d'eau dans les branchies. Lorsque le poisson part de lui-même, la remise à l'eau est achevée.

Certains pêcheurs considèrent en revanche le brochet comme un animal « nuisible » parce qu'il est perçu, souvent à tort, comme une menace envers les populations de poissons ciblés. C'est notamment le cas des pêcheurs de sandre en Europe ou encore doré au Canada, qui ne voient en lui qu'un compétiteur de ces percidés. Cependant, une étude canadienne a montré en 2006 que le brochet et le doré recherchent et occupent des niches écologiques différentes[19].

Statuts et protections

Le brochet est une espèce partiellement protégée en France[20].

Écotoxicologie

Le brochet concentre et retient au fil du temps les polluants persistants (c'est-à-dire peu dégradables ou non dégradables) accumulés par les proies qu'il consomme (on parle de bioconcentration). En tant que superprédateur pouvant vivre plusieurs années et atteindre une grande taille, il est considéré comme un poisson fortement bioaccumulateur. Il peut notamment bioaccumuler certains métaux lourds dont le plomb, le cadmium et le mercure[21] et l'une de ses formes les plus toxiques, le méthylmercure[22]. Il accumule aussi le sélénium[23], divers métalloïdes et certains radionucléides là où il y est exposé[24]. Il peut aussi bioaccumuler d'autres polluants tels que des pesticides, PCB, furanes, TCDD, dioxines[25] et autres[26].

Le mercure constitue l'un des contaminants les plus préoccupants de la chair des poissons prédateurs.
Des chercheurs ont voulu savoir quels organes étaient les plus touchés, et si dans une eau propre le brochet pouvait s'en libérer. Aussi, à titre expérimental des grands brochet très contaminés par du mercure du lac Clay (Ontario), ont été prélevés et transportés dans un autre lac contenant lui très peu de mercure (le lac Heming dans le Manitoba)[21]. Après le transfert, le sérum sanguin des poissons transplantés s'est rapproché de celui des brochets natifs du lac non contaminé[21], par contre la décroissance du taux de mercure du muscle et de divers organe a été faible et lente : les analyses de biopsies de muscle faites lors du transfert puis les mois suivants lors de plusieurs recaptures ont montré que seul 30 % du méthylmercure avait disparu du muscle après un an[21]. Et dans le même temps, la répartition du mercure total analysée dans plusieurs tissus n'a pratiquement pas changé ; les organes les plus contaminés étant (avant et après le transfert et par ordre décroissant) le cristallin, le rein et le foie, alors que les analyses de sang montraient que le sérum sanguin avait nettement changé (« particulièrement sous le rapport phosphate inorganique, protéine totale, phosphatase alcaline, et cortisol »)[21].
Une autre étude, menée en 1993, a porté sur les effets du mercure chez les brochets de l'Oder[27]. Des tissus de ces brochets (muscle, reins, foie) ont été analysés et comparés aux taux de l'eau et du sédiment : le sédiment contenait de 0,03 à 1,1 mg de mercure par kg de sédiment sec[27]. Le muscle de brochet en contenait lui de 0,22 à 0,85 mg/kg en poids humide. Des effets adverses ont été mis en évidence sur les macrophages de trois organes (foie, rate et reins), avec des corrélations positives entre le mercure et la réponse macrophagique (MC) pour chacun de ces organes, ce qui a fait conclure aux auteurs que chez le brochet, la réponse MC est un biomarqueur pertinent de la dégradation de la santé des poissons exposés au mercure[27].

Le brochet Ă©tant relativement sĂ©dentaire, il a Ă©tĂ© testĂ© en Suède dès les annĂ©es 1960 comme bioindicateur de pollution des milieux aquatiques par le mercure (et le mĂ©thylmercure, car ce dernier s'accumule plus facilement que le mercure dans le muscle [chair] des poissons carnivores)[28]. En Suède, dans les zones concernĂ©es par l'Ă©tude, le facteur de concentration (de l'eau au brochet) Ă©tait d'environ 3 000 ou plus[28].
Cette étude a permis d'évaluer la quantité moyenne de mercure contenue par kg de brochet selon les zones étudiées et de faire des comparaison géographique, qui ont confirmé la responsabilité des pollutions industrielles par le mercure (les brochets pêchés en aval des zones industrielles contiennent nettement plus de mercure que ceux échantillonnés en amont ; cependant des indices forts plaident aussi en faveur d'une source atmosphérique plus diffuse ; les auteurs ont conclu que « dans de nombreux domaines, des activités anthropiques ont augmenté la teneur environnementale du mercure bien au-delà des taux naturels »[28], contaminant toute la chaine alimentaire aquatique). Ce type d'étude apporte aussi des informations utiles sur le risque d'exposition des consommateurs selon la provenance du poisson.

Pour ces raisons, la pêche du brochet peut être interdite dans certains plans d'eau et sa détention ou commercialisation prohibée[29].

Génétique

Malgré une aire de répartition très large, les populations de brochet montrent en général un faible niveau de polymorphisme et de divergence génétique[12].

Illustrations complémentaires

Spécimen de grand brochet dans un aquarium.

Notes et références

  1. Buller, F., The Domesday Book of Mammoth Pike, , 286 p. (ISBN 978-0-09-136170-9)
  2. Lucientini, L. et al., « Molecular and Phenotypic Evidence of a New Species of Genus Esox (Esocidae, Esociformes, Actinopterygii): The Southern Pike, Esox flaviae », PLoS One,‎ (DOI 10.1371/journal.pone.0025218)
  3. Jérôme Nadaud (dir.), La Pêche, Paris, Larousse, 1955. Cité dans « Le brochet », sur lapassiondubrochet.be (consulté le 2 décembre 2016).
  4. Fiche sur le grand brochet sur le site du ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec.
  5. Fiches sur le maskinongé et sur le brochet maillé sur le site du ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec.
  6. J M Casselman, C A Lewis (1996) Habitat requirements of northern pike (Essox lucius) ; Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences, 53(S1): 161-174, 10.1139/f96-019 (résumé)
  7. Bertolo A & , Magnan P (2006) Spatial and environmental correlates of fish community structure in Canadian Shield lakes ; Journal canadien des sciences halieutiques et aquatiques, 2006, 63(12): 2780-2792, 10.1139/f06-161 (résumé)
  8. C K Minns, R G Randall, J E Moore, V W Cairns (1996) A model simulating the impact of habitat supply limits on northern pike, Essox lucius, in Hamilton Harbour, Lake Ontario ; Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences, , 53(S1): 20-34, 10.1139/f95-258
  9. Le grand brochet avale tout ce qu'il trouve, vidéo Nat Geo Wild.
  10. Bry, C., & Gillet, C. (1980). Réduction du cannibalisme précoce chez le brochet (Esox lucius) par isolement des fratries. Bulletin Français de Pisciculture, (277), 142-153.
  11. plusieurs dictionnaires français le citent, (avec le chien, le loup et le requin) comme exemple d'animal « vorace ».
  12. (en) Craig, J.F., « A short review on pike ecology », Hydrobiologia, no 601,‎ , p. 5-16
  13. Braekevelt CR (1974) Fine Structure of the Retinal Pigment Epithelium, Bruch's Membrane, and Choriocapillaris in the Northern Pike (Esox lucius) ; Journal of the Fisheries Research Board of Canada, 31(10): 1601-1605, 10.1139/f74-202
  14. « Le Brochet », sur www.etangs-creusois.fr (consulté le )
  15. Methodology for drawing up a Red List of threatened freshwater fish in France P. KEITH and L. MARION
  16. Zones Humides Infos no 90-91, 2016, Zones humides, pêche et pisciculture d’eau douce, pp. 4-6
  17. Turner LJ & Mackay WC (1985) Use of Visual Census for Estimating Population Size in Northern Pike (Esox lucius); Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences, 42(11): 1835-1840, 10.1139/f85-231 (résumé)
  18. Fiche sur le grand brochet sur Pêches et Océans Canada
  19. Bertolo A. & Magnan, P., « Spatial and environmental correlates of fish community structure in Canadian Shield lakes », Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences, no 63(12),‎ , p. 2780-2792
  20. Légifrance : Arrêté du 8 décembre 1988 fixant la liste des espèces de poissons protégées sur l'ensemble du territoire national (Version consolidée au 22 décembre 1988)
  21. Lockhart, W. L., Uthe, J. F., Kenney, A. R., & Mehrle, P. M. (1972). Methylmercury in northern pike (Esox lucius): distribution, elimination, and some biochemical characteristics of contaminated fish. Journal of the Fisheries Board of Canada, 29(11), 1519-1523 (résumé)
  22. Lockhart, W. L., Uthe, J. F., Kenney, A. R., & Mehrle, P. M. (1972). Methylmercury in northern pike (Esox lucius): distribution, elimination, and some biochemical characteristics of contaminated fish. Journal of the Fisheries Board of Canada, 29(11), 1519-1523.
  23. Turner, M. A., & Swick, A. L. (1983). The English-Wabigoon River system: IV. Interaction between mercury and selenium accumulated from waterborne and dietary sources by northern pike (Esox lucius). Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences, 40(12), 2241-2250.
  24. Ilyinskikh, N. N., Ilyinskikh, E. N., & Ilyinskikh, I. N. (1998). Micronucleated erythrocytes frequency and radiocesium bioconcentration in pikes (Esox lucius) caught in the Tom River near the nuclear facilities of the Siberian Chemical Complex (Tomsk-7). Mutation Research/Fundamental and Molecular Mechanisms of Mutagenesis, 421(2), 197-203 (résumé).
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Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

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