AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Formation des mots

En linguistique, le syntagme « formation des mots » dĂ©signe le moyen interne principal d’enrichissement du lexique d’une langue, consistant en un ensemble de procĂ©dĂ©s de crĂ©ation de nouveaux lexĂšmes Ă  partir d’un matĂ©riau linguistique prĂ©existant[1] - [2] - [3].

Les entitĂ©s bases de la formation des mots sont de diverses provenances. Certaines sont internes Ă  la langue, tels les mots hĂ©ritĂ©s d’une langue dont a Ă©voluĂ© celle en cause, et les mots crĂ©Ă©s autrement que par formation, Ă  savoir des interjections et des onomatopĂ©es. D’autres bases sont des emprunts lexicaux Ă  d’autres langues[4] - [5].

Quant Ă  la nature des bases, il peut s’agir de radicaux libres (en mĂȘme temps des mots autonomes), de radicaux liĂ©s (inexistants en tant que mots autonomes), d’autres parties de mots non autonomes, ainsi que de mots crĂ©Ă©s auparavant par un procĂ©dĂ© de formation[4].

Les procĂ©dĂ©s de formation peuvent ĂȘtre groupĂ©s de plusieurs façons.

Une division en deux groupes est celle en mots formĂ©s spontanĂ©ment (leur grande majoritĂ©) et en mots formĂ©s consciemment, certains par des procĂ©dĂ©s existant dans la formation spontanĂ©e, d’autres qui impliquent des rĂ©ductions conscientes (par exemple les sigles et les acronymes)[6].

Deux groupes Ă©galement sont constituĂ©s par, d’un cĂŽtĂ©, les formations lexicalisĂ©es, qui sont rĂ©pertoriĂ©s dans les dictionnaires, et, d’un autre cĂŽtĂ©, les non lexicalisĂ©es, tels les mots composĂ©s occasionnels formĂ©s dans certaines langues[7], ou la plupart des sigles et acronymes. Ces derniers ne sont mĂȘme pas inclus par certains linguistes dans la formation des mots[8]. Les prĂ©noms diminutivĂ©s par des procĂ©dĂ©s de formation des mots entrent aussi dans la seconde catĂ©gorie[9] - [10].

Une autre classification est faite selon les modes de formation[4] :

  • ajout d’un affixe, c’est-Ă -dire dĂ©rivation lexicale ;
  • combinaison de mots autonomes ou de parties de mots non autonomes, c’est-Ă -dire composition ;
  • redoublement ;
  • modification de mots ou de syntagmes par rĂ©duction ou altĂ©ration ;
  • autres procĂ©dĂ©s suivis de lexicalisation.

Il y a aussi des formations qui combinent des procédés différents, par exemple la réduction et la composition dans les mots-valises et les acronymes.

La formation des mots peut aussi ĂȘtre considĂ©rĂ©e dans la perspective diachronie vs synchronie, puisque certains mots nouvellement formĂ©s remplacent leur base, qui tombe en dĂ©suĂ©tude, alors que d’autres vivent en parallĂšle avec leur base, d’ordinaire dans des registres de langue diffĂ©rents.

L’importance des procĂ©dĂ©s de formation des mots diffĂšre d’une langue Ă  une autre, mais aussi dans le cadre d’une mĂȘme langue. Par exemple, en allemand, la composition est beaucoup plus frĂ©quente qu’en français[11] et, du moins dans les langues mentionnĂ©es ici, la dĂ©rivation est beaucoup plus importante que le tĂ©lĂ©scopage.

Procédés de formation des mots

La dérivation

La dĂ©rivation est un procĂ©dĂ© de formation d’unitĂ©s lexicales par ajout d’un affixe Ă  une base. L’affixe peut ĂȘtre un suffixe ou un prĂ©fixe. Le plus souvent est ajoutĂ© soit l’un (suffixation), soit l’autre (prĂ©fixation), ou, plus rarement, les deux Ă  la fois (dĂ©rivation parasynthĂ©tique)[4], par exemple : amĂ©ricain[12], dĂ©charger[13], imparable[14].

En français, la base de la dĂ©rivation est un mot autonome ou un radical non autonome[4], mais dans d’autres langues, cela peut ĂȘtre une autre entitĂ©. En BCMS[15], par exemple, la suffixation est souvent concomitante avec la composition d’un nom et d’un radical verbal, ex. staklorezac « vitrier » < staklo « verre » + le radical du verbe rezati « couper » + le suffixe -ac[16]. En hongrois, la base peut ĂȘtre un mot rĂ©duit par apocope et suffixĂ©. C’est ainsi qu’on forme des diminutifs de prĂ©noms (ex. Viki < Viktor), procĂ©dĂ© appliquĂ© Ă  des noms communs aussi, ex. mozi « cinĂ©ma » < mozgĂłkĂ©pszĂ­nhĂĄz « cinĂ©matographe », tronquĂ© en moz- + -i[10].

Dans certaines linguistiques, comme la française, on parle aussi de dĂ©rivation rĂ©gressive, qui consiste en la suppression d’un affixe lexical rĂ©el (ex. accorder > accord [17]) ou d’une partie de mot considĂ©rĂ©e de façon erronĂ©e comme tel, ex. (ro) smochină « figue » > smochin « figuier » [18]. Dans d’autres linguistiques, comme celle de langue anglaise[19] ou la hongroise[20], c’est considĂ©rĂ© comme un procĂ©dĂ© de formation Ă  part, Ă©tant en fait contraire Ă  la dĂ©rivation proprement-dite.

La dĂ©rivation rĂ©gressive est en mĂȘme temps un procĂ©dĂ© de formation par rĂ©duction de mot, plus exactement par apocope (voir plus bas).

La composition

La composition consiste en la formation de mots nouveaux à partir de deux ou plusieurs mots autonomes (ex. entrecîte[21], hors-la-loi[22]), d’un mot autonome et d’une partie de mot (ex. inforoute[23]) ou de deux parties de mots, ex. viticole[24].

Dans certaines langues il y a aussi des noms propres composĂ©s, surtout d’entreprises, crĂ©Ă©s volontairement de mots complets:

(hr) Naftaplin < nafta « pétrole » + plin « gaz »[25] ;
(hu) Budataxi < Buda + taxi[26].

Le téléscopage

Certains auteurs, tels Grevisse et Goosse 2007, incluent parmi les mots composĂ©s ceux formĂ©s par tĂ©lĂ©scopage, c’est-Ă -dire les mots-valises, combinaisons de la partie initiale d’un mot et de la partie finale d’un autre, Ă  la suite de la rĂ©duction de ceux-ci, par apocope du premier et par aphĂ©rĂšse du second[21]. Exemples :

(fr) autobus < automobile omnibus[21] ;
(ro) tembeliziune (familier) < tembel « idiot » + televiziune « télévision »[27] ;
(en) brunch < breakfast « petit déjeuner » + lunch « déjeuner »[28] ;
(hu) csalagĂșt « le tunnel sous la Manche » < csatorna « canal » + alagĂșt « tunnel »[29].

Le redoublement

Le redoublement, appelĂ© aussi rĂ©duplication, est un procĂ©dĂ© de formation des mots, lorsqu’il n’est pas grammatical.

Certains linguistes l’incluent dans la composition quand il consiste en :

  • la rĂ©pĂ©tition d’un mot : (fr) cache-cache[23] ;
  • la combinaison de deux entitĂ©s entre lesquelles il y a une petite diffĂ©rence de forme :
    • des mots autonomes : (ro) calea-valea, dans l’expression ce mai calea-valea « enfin bref » (littĂ©ralement « quoi encore la voie-la vallĂ©e »)[30] ;
    • un mot autonome et un autre inexistant en tant que tel : (en) easy-peasy (familier) « fastoche »[31] ;
    • deux entitĂ©s inexistantes en tant que mots autonomes : (hu) ĂĄkombĂĄkom « gribouillage »[32].

Par redoublement de syllabes on forme aussi des mots simples. Tels sont de nombreux diminutifs de prénoms en français, ex. Mimile[33].

Dans le langage enfantin, des mots formĂ©s par des adultes et employĂ©s avec les petits enfants sont formĂ©s de la mĂȘme façon, ex. (fr) dormir > dodo. Ce sont en mĂȘme temps des altĂ©rations[33] (voir plus bas).

RĂ©ductions

La rĂ©duction est le raccourcissement d’un mot simple, d’un mot composĂ© ou d’un syntagme, par la suppression d’une de ses parties.

L’aphĂ©rĂšse

Cette rĂ©duction ou troncation consiste Ă  Ă©liminer la partie initiale d’un mot, ex. (fr) amĂ©ricain > ricain (populaire)[34].

La syncope

Le terme « syncope » dĂ©nomme l’omission d’un segment de l’intĂ©rieur d’un mot, ex. (hu) gyƑzedelem > gyƑzelem « victorie »[35].

L’haplologie

L’haplologie est une variante de syncope consistant Ă  Ă©liminer l’un de deux segments identiques ou semblables qui se succĂšdent Ă  l’intĂ©rieur d’un mot, ex. (fr) tragico-comĂ©die > tragi-comĂ©die[21].

L’apocope

Cette rĂ©duction consiste Ă  omettre un segment de la fin d’un mot, ex. (fr) cinĂ©matographe > cinĂ©ma[34].

La dĂ©rivation rĂ©gressive est un type spĂ©cial d’apocope (voir plus haut).

La rĂ©duction d’un syntagme ou d’un mot composĂ©

Ces deux entitĂ©s se correspondent souvent d’une langue Ă  une autre, la premiĂšre ayant une plus grande frĂ©quence dans certaines (par exemple en français), la seconde Ă©tant plus frĂ©quente dans d’autres, comme le hongrois. Leur rĂ©duction est au moins partiellement contextuelle.

Certaines rĂ©ductions de syntagmes se sont imposĂ©es au cours de l’histoire de la langue. Exemples :

(la) iecur ficatum « foie d’animal nourri de figues »[36] > (fr) foie, (ro) ficat[37] ;
(ro) pătlăgea roșie « tomate » (littĂ©ralement « aubergine rouge ») > roșie[37] ;
(hu) napkelet > kelet « est », « orient »[10].

D’autres rĂ©ductions de syntagmes sont totalement contextuelles. Par exemple, la dĂ©signation du Parti communiste par le Parti est une rĂ©duction due au contexte social. Certaines rĂ©ductions de syntagmes sont conditionnĂ©es par le contexte de la situation de communication. Il s’agit de l’omission de prĂ©cisions qui ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© faites. Par exemple, aprĂšs qu’on a dit une fois Le jardinier du chateau est venu me voir, dans la partie suivante du contexte on ne dira plus que le jardinier[38].

Formation de mots à partir de mots tronqués

Les mots rĂ©sultant de troncations peuvent continuer Ă  vivre avec leur forme mais certains peuvent en changer. En français, par exemple, dans le registre de langue populaire, la troncation est parfois accompagnĂ©e de l’addition d’un -o, ex. prolĂ©taire > prolo, apĂ©ritif > apĂ©ro[39].

Si, en français, les prĂ©noms sont souvent diminutivĂ©s par simple apocope (ex. Édouard > Ed, StĂ©phane > Steph[40]), en hongrois on ajoute le plus souvent au prĂ©nom tronquĂ© un suffixe diminutif : Ferenc « François » > Feri ou FerkĂł, TerĂ©z « ThĂ©rĂšse » > Teri ou Terka. Le procĂ©dĂ© est le mĂȘme pour diminutiver des noms communs. Certains de ces diminutifs sont seulement familiers (ex. csokolĂĄdĂ© « chocolat » > csoki), d’autres, plus anciens, ne sont plus sentis comme des diminutifs et ont ramplacĂ© le mot-base, ex. mozgĂłkĂ©pszĂ­nhĂĄz « cinĂ©matographe » > mozi « cinĂ©(ma) »[10].

Un autre type de formation de mots Ă  partir de mots tronquĂ©s est le tĂ©lĂ©scopage, qui est en mĂȘme temps un type de composition (voir plus haut).

Le sigle et l’acronyme

Les sigles et les acronymes résultent de syntagmes réduits par apocope de leurs composants. Dans certaines linguistiques, comme la roumaine, leur formation est considérée comme un type spécial de composition[41].

Les sigles sont des mots formĂ©s des sons initiaux (des lettres initiales) des mots d’un syntagme. Ne sont que des sigles ceux qu’on prononce de maniĂšre Ă©pelĂ©e (Ă©crits d’ordinaire avec des points). Ceux qu’on prononce syllabiquement sont en mĂȘme temps des acronymes (Ă©crits d’ordinaire sans points)[34]. Exemples :

(fr) H.L.M. < habitation à loyer modéré[34] ;
(ro) C.F.R. < Căile Ferate Romùne « Chemins de fer roumains »[41] ;
(en) NATO < North Atlantic Treaty Organization « Organisation du traité de l'Atlantique nord »[42] ;
(hu) MÁV < Magyar Államvasutak « Chemins de fer d’État hongrois »[43] ;
(hr) ULUH < UdruĆŸenje likovnih umjetnika Hrvatske « Union des artistes plastiques de Croatie »[44].

Ne sont que des acronymes les mots formĂ©s des parties initiales des composants d’un syntagme, l’une au moins comprenant plus d’un son/d’une lettre, parfois un mot entier[34] :

mot international : Benelux < BElgique, NEderland, LUXembourg[34] ;
(fr) Ifremer < Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la MER[45] ;
(ro) Asirom < ASIgurarea ROMùnească « Assurances Roumaines »[37] ;
(en) Algol < ALGOrithmic Language « langage algorithmique »[46] ;
(hu) MalĂ©v < MAgyar LÉgiforgalmi VĂĄllalat (litt. « entreprise de transport aĂ©rien hongroise »)[43] ;
(hr) Ina < Industrija NAfte (litt. « industrie du pétrole »)[47].

Les sigles et les acronymes sont traitĂ©s comme des mots, c’est-Ă -dire qu’en fonction de leur nature et de la langue en question, ils reçoivent des dĂ©terminants, ont un genre grammatical, se mettent au pluriel, se dĂ©clinent et servent de bases pour la formation de mots par d’autres procĂ©dĂ©s. Exemples :

(fr) CAPES (< Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degrĂ©), avec l’article dĂ©fini masculin singulier, le CAPES ; dĂ©rivĂ© : capĂ©sien, -ne[46] ;
BD (< bande dessinĂ©e), avec l’article indĂ©fini pluriel, des bĂ©dĂ©s[48] ; dĂ©rivĂ© : bĂ©dĂ©iste[49] ;
(ro) C.F.R. (< Căile Ferate RomĂąne « Chemins de fer roumains »), avec l’article dĂ©fini masculin singulier, C.F.R.-ul ; derivĂ© : ceferist « cheminot »[50] ;
(hr) HDZ (< Hrvatska demokratska zajednica « Union dĂ©mocratique croate”) ; dĂ©rivĂ© : hadezeovac « membre de l’UDC »[51] ;
(cnr) CNP (< Crnogorska narodna partija « Parti national monténégrin »), génitif CNP-a « du CNP », datif/locatif CNP-u « au CNP »[52] ;
(hu) ABC ou ĂĄbĂ©cĂ© « alphabet »[53], avec article dĂ©fini pour mot Ă  initiale vocalique et Ă  l’accusatif, az ĂĄbĂ©cĂ©t[54].

Altérations

Certains mots sont formĂ©s Ă  la suite de l’altĂ©ration de la forme de mots prĂ©existants. Certaines altĂ©rations sont accidentelles, d’autres – volontaires.

L’étymologie populaire

L’étymologie populaire ou l’attraction paronymique est l’altĂ©ration accidentelle d’un mot sous l’influence d’un autre avec lequel il a une ressemblance phonĂ©tique et, d’ordinaire, une certaine analogie de sens, par exemple[55] :

  • allemand d’Alsace sĂ»rkrĂ»t, cf. (de) Sauerkraut (litt. « chou aigre ») > choucroute, sous l’influence de chou ;
  • ancien cordouanier (< Cordoue) > cordonnier, sous l’influence de cordon.

Un autre type d’étymologie populaire affecte des syntagmes dans lesquels on rĂ©interprĂšte la limite entre mots composants. Ainsi, en anglais, adder, le nom gĂ©nĂ©rique de certaines espĂšces de serpents provient du vieil anglais naddre, par rĂ©interprĂ©tation de la limite entre mots dans le syntagme Ă  article indĂ©fini : a naddre > an adder[56].

Altérations voulues

Il y a, par exemple, des altérations par plaisanterie, qui ne se lexicalisent pas, ex. (fr) ridicoculiser[57].

D’autres mots sont altĂ©rĂ©s par euphĂ©misme, tel Diable ! > Diantre !

Il existe aussi des altĂ©rations argotiques Ă  l’origine, qui sont entrĂ©es plus tard dans les registres populaire, puis familier. Elles sont rĂ©alisĂ©es comme suit :

  • remplacement de la partie finale du mot : fromage > frometon;
  • rĂ©duction par apocope et ajout de -o : apĂ©ritif > apĂ©ro ;
  • altĂ©rations selon les rĂšgles de langages secrets :
    • largonji (remplacement de la premiĂšre consonne par l et son transfert Ă  la fin du mot) : fou > louf ;
    • verlan (inversion des parties initiale et finale du mot) : pourri > ripou ;
    • javanais (introduction d’une certaine sĂ©quence de sons dans un mot, souvent av) : gros > gravos.

Lexicalisation de noms propres

Certains noms propres deviennent communs par antonomase de type mĂ©tonymique et peuvent ĂȘtre complĂštement lexicalisĂ©s, perdant toute liaison avec les noms propres d’origine. Ceux-ci peuvent ĂȘtre de personnes, de marques ou des toponymes[58]. Exemples :

(fr) renard < Renart, nom propre de l’animal personnifiĂ© dans le Roman de Renart, qui a remplacĂ© goupil, son ancien nom[58] ;
(en), (fr) jersey – nom de tissu < Jersey (nom d’üle)[59] ;
(hu) zserbĂł – nom de gĂąteau < Gerbeaud (Émile Gerbeaud, pĂątissier suisse Ă©tabli Ă  Budapest)[60] ;
(ro) drujbă – nom usuel de la tronçonneuse < (ru) Đ”Ń€ŃƒĐ¶Đ±Đ° (DruĆŸba) « amitiĂ© », marque des premiĂšres tronçonneuses utilisĂ©es en Roumanie, importĂ©es d’Union soviĂ©tique[61].

Agglutination

Certains mots nouveaux sont des lexicalisations de successions de morphĂšmes lexicaux et grammaticaux, qui s’agglutinent. Le mot français lendemain, par exemple, est le rĂ©sultat de lexicalisations successives de telles agglutinations : (la) la prĂ©position de + mane > (fr) demain[62] ; la prĂ©position en + demain > endemain, avec article dĂ©fini, l’endemain > lendemain[63] - [55].

En hongrois, de telles agglutinations sont relativement nombreuses, par exemple[60] :

  • nom + suffixe : fehĂ©rje « protĂ©ine » (litt. « son blanc »), donc nom + le suffixe possessif de la 3e personne du singulier ;
  • verbe Ă  une forme personnelle, donc avec une dĂ©sinence : tessĂ©k « voilĂ , tenez », sens initial « que cela te/vous plaise » ;
  • succession de plus de deux morphĂšmes : dans l’expression mehetnĂ©kje van « il/elle a la bougeotte » – mehetnĂ©kje formĂ© de me- (radical du verbe megy « il/elle va ») + -het (suffixe de potentiel) + -nĂ©- (suffixe du mode conditionnel) + -k (dĂ©sinence de la 1re personne du singulier) > mehetnĂ©k « j’irais » + -je (suffixe possessif de la 3e personne du singulier).

Différenciation sémantique de variantes phonétiques

Dans la linguistique hongroise on prend en compte en tant que procĂ©dĂ© de formation des mots la diffĂ©renciation sĂ©mantique de variantes phonĂ©tiques de certains mots[64]. Par exemple, le mot szarv avait la variante szaru, les deux ayant initialement les deux sens du mot français « corne »: « 1. corne (biologie) ; 2. corne (matiĂšre) ». Dans la langue actuelle, le sens des deux variantes est diffĂ©rent : szarv s’est spĂ©cialisĂ© dans le sens 1, et szaru dans le sens 2. D’autres formations de ce genre sont :

bozótos « couvert de buissons » ~ bozontos « ébouriffé, -e » ;
csekĂ©ly « peu nombreux, -e, de peu d’importance » ~ sekĂ©ly « peu profond, -e » ;
gomb « bouton (de vĂȘtement) » ~ gömb « globe, sphĂšre » ;
nevel « il/elle éduque » ~ növel « il/elle fait croßtre »[65].

Créations pures

Il y de rares mots artificiels formĂ©s de façon consciente sans aucun morphĂšme pour base, par exemple le nom de marque Kodak. De mĂȘme, le sigle SOS n’est que la transcription d’un signal de dĂ©tresse en code Morse international, adoptĂ© pour sa facilitĂ© Ă  Ă©mettre et Ă  interprĂ©ter. Il existe aussi des refrains vides de sens : Tra deri dera; Lon lon laire; La faridondaine, lafaridondon, etc.[66] Il y a de tels refrains en hongrois aussi: Ladi-ladi-lom ou TillĂĄrom haj[67].

Notes et références

  1. Dubois 2002, p. 209.
  2. Bussmann 1998, p. 1288.
  3. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 207-208.
  4. Grevisse et Goosse 2007, p. 162.
  5. Gerstner 2006, p. 324.
  6. Gerstner 2006, p. 329-330.
  7. Keszler 2000, p. 325.
  8. KĂĄlmĂĄn et TrĂłn 2007, p. 80.
  9. Dubois 2002, p. 236.
  10. Gerstner 2006, p. 328.
  11. Bussmann 1998, p. 222.
  12. Grevisse et Goosse 2007, p. 164.
  13. Grevisse et Goosse 2007, p. 181.
  14. Grevisse et Goosse 2007, p. 190.
  15. Bosnien, croate, monténégrin et serbe.
  16. Klajn 2005, p. 197.
  17. Grevisse et Goosse 2007, p. 187.
  18. Constantinescu-Dobridor 1998, article derivare.
  19. Bussmann 1998, p. 117.
  20. Keszler 2000, p. 344.
  21. Grevisse et Goosse 2007, p. 191.
  22. Grevisse et Goosse 2007, p. 195.
  23. Grevisse et Goosse 2007, p. 194.
  24. Grevisse et Goosse 2007, p. 197.
  25. Barić 1997, p. 350.
  26. Keszler 2000, p. 347.
  27. Volceanov 2007, p. 243.
  28. Crystal 2008, p. 57.
  29. Keszler 2000, p. 346.
  30. Dexonline, article cale.
  31. OLD, article easy-peasy.
  32. Cs. Nagy 2007, p. 302.
  33. Grevisse et Goosse 2007, p. 206.
  34. Grevisse et Goosse 2007, p. 203.
  35. Szathmåri 2008, article Szinkopé.
  36. TLFi, article foie.
  37. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 11.
  38. Dubois 2002, p. 1-2.
  39. Dubois 2002, p. 896.
  40. Dubois 2002, p. 149.
  41. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 120.
  42. Bussmann 1998, p. 1.
  43. Gerstner 2006, p. 330.
  44. Barić 1997, p. 299.
  45. Larousse, article IFREMER.
  46. Dubois 2002, p. 13.
  47. Barić 1997, p. 300.
  48. Larousse, article bédé
  49. Wictionnaire, article bédéiste.
  50. Dexonline, article ceferist.
  51. Barić 1997, p. 300 (grammaire croate).
  52. Čirgić 2010, p. 74 (grammaire montĂ©nĂ©grine).
  53. Cs. Nagy 2007, p. 316.
  54. ÉrtSz, article ĂĄbĂ©cĂ©.
  55. Grevisse et Goosse 2007, p. 207.
  56. Crystal 2008, p. 303.
  57. Section d’aprùs Grevisse et Goosse 2007, p. 206.
  58. Dubois 2002, p. 40.
  59. Leroy 2001, p. 48.
  60. Keszler 2000, p. 348.
  61. Dexonline, article drujbă.
  62. TLFi, article demain.
  63. TLFi, article lendemain.
  64. Section d’aprùs Gerstner 2006, p. 329.
  65. En hongrois, la forme de base des verbes, prĂ©sente dans les dictionnaires, est celle de la 3e personne du singulier de l’indicatif prĂ©sent, d’ordinaire leur radical.
  66. Grevisse et Goosse 2007, p. 213.
  67. MEN, article réja.

Sources bibliographiques

  • (hr) Barić, Eugenija et al., Hrvatska gramatika [« Grammaire croate »], Zagreb, Ć kolska knjiga, , 2e Ă©d. (ISBN 953-0-40010-1)
  • (ro) Bidu-Vrănceanu, Angela et al., Dicționar general de științe. Științe ale limbii [« Dictionnaire gĂ©nĂ©ral des sciences. Sciences de la langue »], Bucarest, Editura științifică, (ISBN 973-440229-3, lire en ligne)
  • (en) Bussmann, Hadumod (dir.), Dictionary of Language and Linguistics [« Dictionnaire de la langue et de la linguistique »], Londres – New York, Routledge, (ISBN 0-203-98005-0, lire en ligne [PDF])
  • (ro) Constantinescu-Dobridor, Gheorghe, Dicționar de termeni lingvistici [« Dictionnaire de termes linguistiques »] (DTL), Bucarest, Teora, (sur Dexonline.ro)
  • (en) Crystal, David, A Dictionary of Linguistics and Phonetics [« Dictionnaire de linguistique et de phonĂ©tique »], Blackwell Publishing, , 4e Ă©d. (ISBN 978-1-4051-5296-9, lire en ligne [PDF])
  • (hu) Cs. Nagy, Lajos, « A szĂłalkotĂĄs mĂłdjai », dans A. JĂĄszĂł, Anna (dir.), A magyar nyelv könyve [« Le livre de la langue hongroise »], Budapest, Trezor, , 8e Ă©d. (ISBN 978-963-8144-19-5, lire en ligne), p. 293–319
  • (ro) « Dicționare ale limbii romĂąne (Dexonline) » [« Dictionnaires de la langue roumaine »] (consultĂ© le )
  • Dubois, Jean et al., Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse-Bordas/VUEF, (lire en ligne)
  • (hu) Gerstner, KĂĄroly, « 16. fejezet – A magyar nyelv szĂłkĂ©szlete », dans Kiefer, Ferenc (dir.), Magyar nyelv [« Langue hongroise »], Budapest, AkadĂ©miai KiadĂł, (ISBN 963-05-8324-0, lire en ligne), p. 306-334
  • Maurice Grevisse et AndrĂ© Goosse, Le Bon Usage : grammaire française, Bruxelles, De Boeck UniversitĂ©, , 14e Ă©d., 1584 p. (ISBN 978-2-8011-1404-9, lire en ligne [PDF])
  • (hu) KĂĄlmĂĄn, LĂĄszlĂł et TrĂłn, Viktor, BevezetĂ©s a nyelvtudomĂĄnyba [« Introduction Ă  la linguistique »], Budapest, Tinta, , 2e Ă©d. (ISBN 978-963-7094-65-1, lire en ligne [PDF])
  • (hu) Keszler, BorbĂĄla (dir.), Magyar grammatika [« Grammaire hongroise »], Budapest, Nemzeti TankönyvkiadĂł, (ISBN 978-963-19-5880-5, lire en ligne)
  • (sr) Klajn, Ivan, Gramatika srpskog jezika [« Grammaire de la langue serbe »], Belgrade, Zavod za udĆŸbenike i nastavna sredstva, (ISBN 86-17-13188-8, lire en ligne [PDF])
  • « Larousse EncyclopĂ©die » (consultĂ© le )
  • Leroy, Sarah, Entre identification et catĂ©gorisation, l’antonomase du nom propre en français (thĂšse de doctorat), Montpellier, UniversitĂ© Paul-ValĂ©ry – Montpellier III, (lire en ligne [PDF])
  • (en) « Oxford Learners’s Dictionaries (OLD) » [« Dictionnaires Oxford des apprenants »] (consultĂ© le )
  • (hu) SzathmĂĄri, IstvĂĄn (dir.), Alakzatlexikon. A retorikai Ă©s stilisztikai alakzatok kĂ©zikönyve [« Lexicon des figures. Guide des figures rhĂ©toriques et stylistiques »], Budapest, Tinta, (lire en ligne)
  • (hu) TĂłtfalusi, IstvĂĄn, « Magyar etimolĂłgiai nagyszĂłtĂĄr (MEN) » [« Grand dictionnaire Ă©tymologique hongrois »] (consultĂ© le )
  • (ro) Volceanov, George, Dicționar de argou al limbii romĂąne [« Dictionnaire d’argot du roumain »], Bucarest, Niculescu, (ISBN 978-973-748-104-7)
  • (hu) Zaicz, GĂĄbor (dir.), EtimolĂłgiai szĂłtĂĄr. Magyar szavak Ă©s toldalĂ©kok eredete [« Dictionnaire Ă©tymologique. Origine des mots et affixes hongrois »], Budapest, Tinta, (ISBN 963-7094-01-6, lire en ligne)

Voir aussi

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.