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Syncope (linguistique)

La syncope (du latin syncopa, Ă  son tour du grec ÏƒÏ…ÎłÎșÎżÏ€Îź sunkopᾗ « retranchement ») est, Ă  l’origine, un terme de rhĂ©torique, adoptĂ© par la linguistique aussi. Il dĂ©nomme une modification phonĂ©tique qui consiste en la chute d’un segment Ă  l’intĂ©rieur d’un mot. Il peut s’agir d’un phone (son) ou d’un groupe de phones[1] - [2] - [3] - [4] - [5] - [6] - [7].

Dans l’histoire de la langue

La syncope est l’un des phĂ©nomĂšnes qui expliquent la forme actuelle d’un mot par rapport Ă  celle du mot dont il provient. Il peut provenir de la langue base de la langue considĂ©rĂ©e ou ĂȘtre un emprunt qui Ă©volue dans celle-ci. Voici des exemples dans quelques langues.

Une syncope qui a eu lieu en latin vulgaire par rapport au latin classique, est passée dans les langues romanes actuelles, ex. latin classique calidus > latin vulgaire caldus > (fr) chaud, (it) caldo, (ro) cald[1] - [4].

En hongrois, une syncope semblable est apparue en tant que phĂ©nomĂšne d’évolution de mots formĂ©s Ă  partir de mots hĂ©ritĂ©s, sur le terrain de la langue dĂ©jĂ  constituĂ©e, et dans des mots empruntĂ©s au slave, en vertu d’une rĂšgle selon laquelle dans un mot de trois syllabes au moins, s’il y a deux syllabes ouvertes qui se succĂšdent, alors la voyelle de la seconde subit la syncope, ex. malina > mĂĄlna « framboise », palica > pĂĄlca « baguette (de bois) »[8].

Dans la langue actuelle

Il existe divers facteurs qui déterminent la syncope, en fonction de la langue considérée.

Dans la variĂ©tĂ© standard de certaines langues il peut s’agir, dans leur aspect oral, de syncopes morphophonologiques, c’est-Ă -dire d’alternances entre prĂ©sence et absence de certains sons dans des formes diffĂ©rentes d’un mĂȘme mot, qui sont rendues par l’aspect Ă©crit de la langue.

On trouve ce type de syncope en BCMS (bosnien, croate, montĂ©nĂ©grin et serbe), par exemple. Ainsi, la syncope de la voyelle [a] diffĂ©rencie, entre autres, la forme de gĂ©nitif singulier de celle de gĂ©nitif pluriel des noms masculins qui ont [a] au nominatif singulier aussi, ex. (sr) borac « combattant » vs borca « du combattant » vs boraca « des combattants »[9]. Un exemple de syncope dans le registre familier de ces langues est drĆŸâ€™te < drĆŸite « tenez »[6].

En hongrois aussi on trouve le type de syncope du BCMS, en vertu de la rĂšgle mentionnĂ©e plus haut. Par exemple bokor « buisson » + la dĂ©sinence d’accusatif -ot a donnĂ© d’abord bokorot, puis cette forme est devenue bokrot[8]. Un exemple de mot syncopĂ© qui existe en deux variantes dans la variĂ©tĂ© standard est lĂĄny « fille» (registre courant) vs leĂĄny (registre soutenu). Il y a aussi des syncopes seulement non standard, dans le registre familier (ex. montam < mondtam « j’ai dit », becsszĂł < becsĂŒletszĂł « parole d’honneur »[7]) ou dans des varitĂ©tĂ©s rĂ©gionales : tanĂșta vs tanulta « il/elle l’a appris »[10].

Il y a aussi, dans des langues Ă  orthographe oĂč c’est le principe Ă©tymologique qui prĂ©domine, des syncopes dans la langue parlĂ©e par rapport Ă  la langue Ă©crite.

En français, par exemple, la voyelle [ə] (e caduc) est souvent affectĂ©e par la syncope ou par l’apocope. En français standard, la syncope est parfois obligatoire, par exemple dans la deuxiĂšme syllabe du mot, si elle est ouverte, comme dans acheter [aʃˈte], mais dans le Midi de la France, un tel [ə] est prononcĂ© : Elle m’a dit qu’elle viendrait le lendemain Ă  sept heures [ɛləmadikɛləvjɛndʁeləlandəmɛƋasɛtĆ“ÊÉ™]. Moins le registre de langue est soutenu, plus la syncope de [ə] est frĂ©quente, ce qui vaut pour le Nord de la France, ex. Il est debout devant la petite fenĂȘtre [iledbudvɑ̃laptitfnɛtʁ][11].

En anglais aussi il y a syncope dans la langue parlĂ©e par rapport Ă  son aspect Ă©crit. Il existe, par exemple, des mots standard en anglais britannique qui diffĂšrent par syncope de leurs correspondants standard en anglais amĂ©ricain, ex. secretary [ˈsekrÉȘtri] (brit.) vs secretary [ˈsekrÉȘteri] (am.) « secrĂ©taire »[3], ou par la position de la syncope en association avec la place de l’accent : laboratory – [labˈorətrÉȘ] (brit.) vs laboratory [ˈlabrətorÉȘ] (am.) « laboratoire »[2].

Il peut Ă©galement y avoir, par syncope, des variantes de mots standard par rapport Ă  leurs correspondants non standard ou inversement, manque de syncope dans des variantes non standard par rapport Ă  leurs correspondants standard. Les variĂ©tĂ©s non standard en question peuvent ĂȘtre rĂ©gionales ou de registre de langue. Telle est, en français, la syncope de [ə] en français standard par rapport Ă  sa prononciation dans le Midi, ainsi que sa syncope en registres non standard par rapport Ă  sa prononciation en français standard (voir plus haut).

En roumain aussi il y a des phĂ©nomĂšnes semblables. Par exemple, le standard prescrit la forme de vocatif domnule! « Monsieur ! », mais en roumain familier on entend dom’le! « M’sieur ! ». Par contre, le mot signifiant « oreiller » est perină dans certaines rĂ©gions, alors qu’en roumain standard, c’est pernă, sans [i][5].

La syncope peut aussi ĂȘtre individuelle. En français, par exemple, concernant le /ə/, « les habitudes varient grandement selon les locuteurs »[11]. Il peut aussi s’agir de l’ignorance du standard quand, en hongrois, par exemple, on applique la syncope morphophonologique mentionnĂ©e plus haut Ă  un emprunt relativement rĂ©cent comme motor « moteur » : motrok « (des) moteurs » (non standard individuel) vs motorok (standard)[12].

La syncope en tant que figure de style faisant partie du groupe des métaplasmes, est une licence poétique admise, par exemple pour obtenir le nombre de syllabes nécessaire dans les vers. Exemple en hongrois :

Azzal vagdalkoznak nĂ©mely / Nem t’om milyen emberek, [
] littĂ©ralement « Ch’ais pas quels genres de gens se plaignent » [
] (SĂĄndor PetƑfi) – t’om, du registre populaire, au lieu de tudom « je sais »[7].

Segments affectés par la syncope

La syncope d’une voyelle atone est la plus frĂ©quente, par exemple :

(fr) dangereux [dÉ‘ÌƒÊ’ÊĂž][11] ;
(ro) culca « coucher » < (la) collocare[5] ;
(en) secretary [ˈsekrÉȘtri] « secrĂ©taire »[3] ;
(sr) bubanj « tambour » vs bubnja « du tambour », bubnjevi « tambours »[9] ;
(hu) orszåg (hongrois actuel) < uruszåg (ancien hongrois) « pays »[8].

Plus rarement, il y a aussi syncope de consonne, par exemple en hongrois, dans certains verbes irrĂ©guliers : eszĂŒnk « nous mangeons » vs ehet « il/elle peut manger » (chute de la consonne finale sz /s/ du radical)[13].

Il y a aussi syncope de plus d’un phone :

(fr) parole < (la) parabola (phones successifs en syllabes voisines)[14] ;
(ro) domnule! « Monsieur ! » > dom’le! « M’sieur ! » (une syllabe)[5] ;
(hu) sebességvåltó « changement de vitesses » > sebvåltó (une partie de syllabe + une syllabe)[7].

Notes

  1. Dubois 2002, p. 464.
  2. Bussmann 1998, p. 1162.
  3. Crystal 2008, p. 469.
  4. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 453.
  5. Constantinescu-Dobridor 1998, article sincopă.
  6. Ladan 2005, article sinkopa.
  7. Szathmåri 2008, article Szinkopé.
  8. A. JĂĄszĂł 2007, p. 51.
  9. Klajn 2005, p. 38.
  10. KirĂĄly 2007 p. 654.
  11. Kalmbach 2013, §§ 6.8.–6.10.
  12. KĂĄlmĂĄn et TrĂłn 2007, p. 111.
  13. Bokor 2007, p. 261.
  14. Dubois 2002, p. 84.

Sources bibliographiques

  • (hu) A. JĂĄszĂł, Anna, « ÁltalĂĄnos ismeretek a nyelvrƑl Ă©s a nyelvtudomĂĄnyrĂłl » [« Connaissances gĂ©nĂ©rales sur la langue et la linguistique »], A. JĂĄszĂł, Anna (dir.), A magyar nyelv könyve [« Le livre de la langue hongroise »], 8e Ă©dition, Budapest, Trezor, 2007 (ISBN 978-963-8144-19-5), p. 11-72 (consultĂ© le )
  • (ro) Bidu-Vrănceanu, Angela et al., Dicționar general de științe. Științe ale limbii [« Dictionnaire gĂ©nĂ©ral des sciences. Sciences de la langue »], Bucarest, Editura științifică, 1997 (ISBN 973-440229-3) (consultĂ© le )
  • (hu) Bokor, JĂłzsef, « SzĂłalaktan » [« Morphologie »], A. JĂĄszĂł, Anna (dir.), A magyar nyelv könyve [« Le livre de la langue hongroise »], 8e Ă©dition, Budapest, Trezor, 2007 (ISBN 978-963-8144-19-5), p. 254-292 (consultĂ© le )
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  • (ro) Constantinescu-Dobridor, Gheorghe, Dicționar de termeni lingvistici [« Dictionnaire de termes linguistiques »], Bucarest, Teora, 1998 ; en ligne : Dexonline (DTL) (consultĂ© le )
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Articles connexes

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