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DĂ©bris spatial

Un débris spatial, dans le domaine de l'astronautique, est un objet artificiel circulant sur une orbite terrestre, amené là dans le cadre d'une mission spatiale, et qui n'est pas ou plus utilisé. Les débris spatiaux de grande taille comprennent les étages supérieurs des lanceurs spatiaux et les satellites artificiels ayant achevé leur mission. Mais la majorité des débris spatiaux résultent de l'explosion accidentelle d'engins spatiaux ou, phénomÚne récent, de leur collision. La dimension de ces débris peut aller d'une fraction de millimÚtre à la taille d'un bus. Les débris spatiaux, dont le volume va croissant, constituent une menace grandissante pour les applications spatiales alors que celles-ci jouent désormais un rÎle essentiel dans les domaines de la prévision météorologique, du positionnement et des télécommunications.

Vue rapprochée d'un impact sur un élément métallique
Trou dans le radiateur de la navette spatiale amĂ©ricaine Endeavour provoquĂ© par un dĂ©bris durant la mission ST-118. Le diamĂštre de l'orifice d'entrĂ©e est de 6,4 mm et celui de sortie est le double.
Traßnée lumineuse matérialisant la trajectoire d'un projectile jusqu'à une cible.
Test destiné à simuler l'impact d'un débris spatial dans un véhicule en orbite au centre de recherche de la NASA.
SĂ©ries de photographies en noir et blanc montrant la progression d'un projectile sur une plaque.
Cette sĂ©rie de photographies capturĂ©e grĂące Ă  une camĂ©ra rapide reprĂ©sente un essai d'impact d'une bille en aluminium sur une plaque elle-mĂȘme en aluminium Ă  4,5 km/s soit 16 000 km/h. Cet essai a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par Thiot IngĂ©nierie dans le but de simuler l'effet d'un impact de dĂ©bris spatiaux sur un satellite.

En 2022, on recense 36 000 dĂ©bris de plus de 10 cm de diamĂštre[1]. Parmi eux, on compte 5 000 satellites inactifs en orbite basse, 5 400 dĂ©bris spatiaux de plus de m en orbite gĂ©ostationnaire et, selon un modĂšle statistique de l'ESA 900 000 objets de plus de cm et 130 000 000 objets de plus de mm. Les dĂ©bris spatiaux situĂ©s sur une orbite infĂ©rieure Ă  400 kilomĂštres sont Ă©liminĂ©s au bout d'une vingtaine d'annĂ©es car leur altitude diminue en raison de la perte de vitesse due aux frottements dans l'atmosphĂšre rĂ©siduelle.

Les dĂ©bris spatiaux finissent par brĂ»ler en grande partie dans l'atmosphĂšre terrestre lors de leur rentrĂ©e atmosphĂ©rique, mais de 10 % Ă  40 % de leur masse reste intacte et revient sur la Terre. C’est le cas tous les jours pour des objets de plus de 10 centimĂštres, et tous les quatre jours pour un satellite ou un Ă©tage entier[2].

Le nombre de dĂ©bris est en augmentation constante du fait de l'activitĂ© spatiale (notamment le lancement de nano-satellites) et cette Ă©limination naturelle intervient au bout de centaines d'annĂ©es dĂšs que leur orbite dĂ©passe 700 km.

Ces dĂ©bris constituent la manifestation la plus importante de la pollution spatiale et reprĂ©sentent en 2021 une menace trĂšs grave pour les engins spatiaux opĂ©rationnels en orbite basse (moins de 2 000 kilomĂštres d'altitude). La vitesse moyenne de l'ordre de 8 km/s des objets circulant Ă  cette altitude leur confĂšre une Ă©nergie cinĂ©tique trĂšs Ă©levĂ©e : l'impact sur un satellite d'un dĂ©bris spatial de l'ordre du centimĂštre de diamĂštre est Ă©quivalente Ă  celle d'une enclume en chute libre et au-delĂ  de cette taille la destruction de l'engin spatial est quasi assurĂ©e.

Seuls les dĂ©bris de plus de 10 cm circulant en orbite basse peuvent ĂȘtre suivis systĂ©matiquement grĂące Ă  des systĂšmes de surveillance mettant en Ɠuvre principalement des radars terrestres et des tĂ©lescopes. Lorsque la trajectoire d'un dĂ©bris spatial cataloguĂ© peut constituer une menace, les opĂ©rateurs modifient l'orbite du satellite menacĂ©. Mais les dĂ©bris d'une taille infĂ©rieure ne peuvent ĂȘtre Ă©vitĂ©s et ceux-ci se multiplient avec le temps. Pour tenter de rĂ©duire le risque associĂ© aux petits dĂ©bris spatiaux qui ne peuvent ĂȘtre suivis, les constructeurs d'engins spatiaux ajoutent dans certains cas des blindages qui peuvent stopper les dĂ©bris de petite taille (de l'ordre du centimĂštre).

Toutefois la mesure la plus efficace consiste Ă  limiter le nombre de dĂ©bris spatiaux produits. Les principales agences spatiales, pour tenter d'endiguer ce qui est identifiĂ© comme une menace pour la poursuite Ă  moyen terme de l'activitĂ© spatiale, ont Ă©dictĂ© des recommandations visant Ă  rĂ©duire le phĂ©nomĂšne notamment en limitant le nombre de dĂ©bris gĂ©nĂ©rĂ©s au moment du dĂ©ploiement du satellite, en dĂ©clenchant la rentrĂ©e de l'Ă©tage supĂ©rieur du lanceur et en s'assurant en fin de vie que d'une part toutes les sources d'explosion soient neutralisĂ©es et que d'autre part le satellite, s'il circule sur une orbite basse, soit placĂ© sur une orbite garantissant une rentrĂ©e atmosphĂ©rique Ă  une Ă©chĂ©ance de 25 ans. Selon ces recommandations, les satellites circulant en orbite gĂ©ostationnaire doivent ĂȘtre placĂ©s sur une orbite cimetiĂšre. Faute d'un accord international ces dispositions qui augmentent de maniĂšre sensible les coĂ»ts de lancement, restent des recommandations qui ont tendance toutefois Ă  ĂȘtre appliquĂ©es par les principaux acteurs. Mais un nouveau risque est apparu Ă  la fin des annĂ©es 2010 avec la multiplication des CubeSats et la mise en orbite de constellations de satellites (Starlink, OneWeb
) comptant des centaines voire des milliers d'unitĂ©s qui vont accroĂźtre dans des proportions inĂ©galĂ©es le risque de collision dans les annĂ©es Ă  venir.

DĂ©finition

Un débris spatial est défini comme un objet artificiel (fabriqué par l'homme) qui se trouve en orbite autour de la Terre et qui n'est pas ou plus utilisé[3]. Un satellite artificiel lorsqu'il arrive en fin de mission devient un débris spatial. L'étage supérieur d'un lanceur resté en orbite aprÚs avoir rempli sa tache est également un débris spatial.

Origine des débris spatiaux

Diagramme fournissant la ventilation des débris spatiaux (comprend les satellites actifs) en fonction de leur provenance.
Répartition des débris selon leur origine

Depuis le dĂ©but de l'Ăšre spatiale (lancement de Spoutnik 1 le ) plus de 5 000 engins spatiaux ont Ă©tĂ© lancĂ©s dans l'espace par les diffĂ©rentes puissances spatiales de la planĂšte. La majoritĂ© d'entre eux (environ 4 800 en 2007) ont Ă©tĂ© placĂ©s sur une orbite terrestre[4] et quelques centaines, les sondes spatiales, ont quittĂ© l'environnement immĂ©diat de la Terre pour explorer la Lune ou les autres planĂštes du systĂšme solaire. Chacune de ces missions a gĂ©nĂ©rĂ© un certain nombre de dĂ©bris spatiaux.

Les débris spatiaux catalogués (dépassant dix centimÚtres) ont différentes origines : fragmentation de l'engin (52,6 %), satellites arrivés en fin de vie (24,4 %), étages de fusée (10,3 %), débris volontairement largués dans le cadre des missions (10,4 %)[5].

Fragmentation des engins spatiaux en orbite

La principale source de débris spatiaux est la fragmentation d'engins spatiaux en orbite. Jusqu'en 2007 (année de la destruction volontaire d'un satellite par un missile anti-satellite chinois) presque tous les débris spatiaux à vie longue avaient pour origine ce type d'événement. Début 2020 les fragmentations étaient encore à l'origine de 60 % du volume des débris spatiaux[6].

La fragmentation a pour origine, dans la plupart des cas, une explosion interne. Cette fragmentation peut se produire des dĂ©cennies aprĂšs le lancement. On recensait ainsi entre zĂ©ro et neuf fragmentations par an entre 1960 et 2018 et un total de 242 Ă  cette derniĂšre date, soit environ quatre par an. Les processus Ă  l'Ɠuvre comprennent l'explosion de batteries, les explosions Ă  haute Ă©nergie dues Ă  la prĂ©sence d'ergols dans les rĂ©servoirs, l'implosion de rĂ©servoirs normalement sous pression (faible Ă©nergie). Ces incidents touchent de maniĂšre plus frĂ©quente certains satellites ou certains Ă©tages de fusĂ©es. Dix missions sur les 5 385 lancĂ©es depuis le dĂ©but de l'Ăšre spatiale sont Ă  l'origine de 33 % des dĂ©bris cataloguĂ©s (dĂ©passant dix centimĂštres). Certains Ă©quipements sont Ă  l'origine d'un grand nombre de fragmentation : ainsi 50 Ă©vĂ©nements de fragmentation (19,8 %) sont dus au moteur SOZ, une petite fusĂ©e de tassement de l'Ă©tage supĂ©rieur russe Bloc DM Ă©jectĂ©e aprĂšs usage. En tout, 44 % concernent des Ă©lĂ©ments de propulsion. Concernant les causes, 24,4 % Ă©vĂ©nements sont des destructions dĂ©libĂ©rĂ©es de satellite, 3,7 % sont dues aux batteries, 2,5 % rĂ©sultent de collisions[7] - [5].

Au cours de l'année 2020 cinq événements de ce type ont été identifiés par le réseau de surveillance et de suivi américain des débris. Ils concernaient[8] :

  • un satellite militaire russe (Cosmos 2525), aux caractĂ©ristiques inconnues, lancĂ© en 2019. Il a produit 26 dĂ©bris spatiaux cataloguĂ©s (plus de dix centimĂštres environ). Ce satellite dispose manifestement d'un systĂšme de propulsion (il a changĂ© d'orbite en cours de vie), qui est sĂ»rement Ă  l'origine de l'explosion ;
  • le troisiĂšme Ă©tage d'un lanceur russe Tsyklon-3, lancĂ© en 1991, qui a produit 112 dĂ©bris spatiaux cataloguĂ©s. Cinq autres explosions sur ce modĂšle d'Ă©tage, sans doute dues Ă  la mise Ă  feu de rĂ©sidus d'ergols hypergoliques se sont produites au cours des deux dĂ©cennies prĂ©cĂ©dentes[9] ;
  • l'Ă©tage Fregat d'une fusĂ©e russo-ukrainienne Zenit lancĂ©e en 2011 qui a produit 325 dĂ©bris spatiaux cataloguĂ©s (le plus grave incident de ce type depuis cinq ans). Certains de ces dĂ©bris spatiaux circulent sur des orbites trĂšs Ă©levĂ©es (jusqu'Ă  6 000 kilomĂštres) ce qui implique qu'ils ne rentreront pas dans l'atmosphĂšre avant plusieurs siĂšcles ;
  • la coiffe d'une fusĂ©e japonaise H-IIA,lancĂ©e en 2018, qui a gĂ©nĂ©rĂ© 87 dĂ©bris. Aucune source d'Ă©nergie n'Ă©tant stockĂ©e dans la coiffe, son Ă©clatement est sans aucun doute du Ă  l'impact d'un autre dĂ©bris spatial (donc Ă  ranger dans la catĂ©gorie de dĂ©bris suivante). Un des fragments produits est passĂ© Ă  faible distance de la Station spatiale internationale et celle-ci a du manƓuvrer le pour l'Ă©viter[10] ;
  • le satellite d'observation de la Terre russe Resours-O1, placĂ© en orbite en 1994 et qui a produit 72 dĂ©bris. Ce satellite utilise une plateforme Meteor-2 qui a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© impliquĂ©e dans un Ă©vĂ©nement de fragmentation Ă  plusieurs reprises[10].

Collision entre engins spatiaux et/ou débris spatiaux

Jusqu'en 2007 aucun cas de fragmentation liĂ© Ă  une collision n'avait Ă©tĂ© recensĂ©. En 2021 la deuxiĂšme source de dĂ©bris en nombre est la collision de deux engins spatiaux entre eux ou d'un engin spatial avec un dĂ©bris spatial. Les deux collisions qui se sont produites en 2007 et 2009 ont Ă  elles seules augmentĂ© de 30 % le nombre de dĂ©bris de plus de 10 cm. À une Ă©chelle microscopique les collisions avec des dĂ©bris de trĂšs faible taille dĂ©tachent des Ă©cailles de peinture.

Étages de lanceur

Les plus gros dĂ©bris sont constituĂ©s par le dernier Ă©tage du lanceur qui est placĂ© en orbite en mĂȘme temps que sa charge utile. Les recommandations appliquĂ©es par les principales nations spatiales prĂ©conisent que l'Ă©tage dispose de suffisamment de carburant (si le moteur-fusĂ©e peut ĂȘtre remis Ă  feu) ou dispose d'un systĂšme propulsif spĂ©cifique lui permettant de rĂ©duire son orbite et d'effectuer une rentrĂ©e atmosphĂ©rique peu de temps aprĂšs avoir achevĂ© sa mission.

Satellites non fonctionnels

Une fois leur mission achevĂ©e les satellites restent gĂ©nĂ©ralement sur leur orbite car un retour sur Terre nĂ©cessite de disposer d'une masse d'ergols, ce qui impose de rĂ©duire la part du satellite consacrĂ©e Ă  sa mission. En 2007, sur les 2 400 satellites en orbite on estime que plus des trois quarts Ă©taient des engins spatiaux ayant achevĂ© leur mission[4].

Débris « opérationnels »

Les débris spatiaux dits opérationnels sont produits volontairement au moment du déploiement du satellite. Ce sont par exemple les caches protégeant les optiques des caméras, les réservoirs largables, les dispositifs utilisés pour larguer la charge utile, l'adaptateur utilisé lors de l'emport d'une charge double (Sylda), etc. Ces équipements sont de plus en plus souvent conçus pour qu'ils restent solidaires de l'engin spatial sur lesquels ils sont fixés. Certains de ces débris sont des objets largués de maniÚre opérationnelle dans le cadre de la mission comme les petites aiguilles du projet West Ford ou des gouttes de sodium du liquide réfrigérant du générateur nucléaire des satellites RORSAT larguées aprÚs usage[11]. Ces débris, ainsi que les micrométéorites[12].

Divers

De maniÚre anecdotique certains débris spatiaux sont des équipements perdus par des astronautes, alors qu'ils effectuaient des opérations de montage et de réparation durant une sortie extravéhiculaire.

Inventaire et caractéristiques

Volume des débris spatiaux

Le nombre de dĂ©bris d'une taille supĂ©rieure Ă  10 cm est estimĂ© Ă  environ 36 000[1]. Pour 17 000 d'entre eux on dispose des caractĂ©ristiques de leur orbite et leur trajectoire est suivie. La population des dĂ©bris dont la taille est comprise entre 1 et 10 cm est Ă©valuĂ©e Ă  500 000. Enfin on estime qu'il y a, en 2017, 135 millions de dĂ©bris spatiaux dont la taille est supĂ©rieure Ă  mm[13] - [14]. Le nombre de dĂ©bris dont la taille est supĂ©rieure Ă  mm et infĂ©rieure Ă  10 cm est Ă©valuĂ©e par projection statistique Ă  partir de donnĂ©es fournies par les radars au sol. En deçà de cette taille l'Ă©valuation est effectuĂ©e Ă  partir du recensement des impacts sur la surface d'engins ou d'expĂ©riences ayant sĂ©journĂ© dans l'espace et ramenĂ©s sur Terre. Ces mĂ©thodes statistiques estiment la population totale d’une certaine catĂ©gorie de dĂ©bris spatiaux en analysant la distribution des observations ou des impacts dans une zone limitĂ©e de l’espace. La masse totale des dĂ©bris en orbite Ă©tait Ă©valuĂ©e dĂ©but 2021 Ă  environ 9 000 tonnes.

Graphique présentant le nombre de débris identifiés par année depuis 1957 jusqu'en 2020.
Évolution depuis le dĂ©but de l'Ăšre spatiale du nombre d'objets spatiaux en orbite suivis par le rĂ©seau de surveillance amĂ©ricain ( USSTRATCOM). Situation au . On dispose des caractĂ©ristiques orbitales de ces 22 000 objets suivis (objets de plus de 10 cm en orbite basse et de plus de m sur les autres orbites). Les objets suivis ne reprĂ©sentent qu'une faible fraction des 900 000 objets d'une taille supĂ©rieure Ă  cm prĂ©sentant un risque Ă©levĂ©. Les objets suivis sont des satellites en opĂ©ration ou arrivĂ©s en fin de vie, des corps de fusĂ©e, des dĂ©bris gĂ©nĂ©rĂ©s dans le cadre de la mission (dĂ©ploiement) et des dĂ©bris rĂ©sultant de collision ou d'explosion interne.

Concentration sur l'orbite basse

Image de la Terre et de la répartition des débris spatiaux autour en orbite basse.
Cartographie des principaux débris spatiaux en orbite terrestre basse.
Image de la Terre et de la répartition des débris spatiaux autour au-dessus de l'orbite géosynchrone.
Cartographie des principaux débris spatiaux en orbite géosynchrone.

La majoritĂ© des dĂ©bris se trouvent Ă  une altitude infĂ©rieure Ă  2 000 km reflĂ©tant l'activitĂ© spatiale qui se dĂ©roule principalement sur l'orbite basse (satellites d'observation de la Terre, constellations de satellites de tĂ©lĂ©communications, majoritĂ© des satellites militaires, programme spatial habitĂ©, CubeSats). La concentration la plus importante se trouve Ă  une altitude comprise entre 750 et 800 km. Les dĂ©bris spatiaux qui circulent en orbite basse (altitude infĂ©rieure Ă  2 000 km) ont en moyenne une vitesse comprise entre 7 et 8 km/s (hypervitesse). Lorsqu'une collision se produit, la vitesse relative des deux objets concernĂ©s est en moyenne de 10 km/s[15].

Un nombre toujours croissant de débris spatiaux

Les observations effectuĂ©es pĂ©riodiquement montrent une croissance rĂ©guliĂšre du nombre de dĂ©bris en orbite malgrĂ© des mesures prises par pratiquement tous les intervenants pour limiter cette croissance. Deux nouveaux phĂ©nomĂšnes propres Ă  l'activitĂ© spatiale de la dĂ©cennie 2010 contribuent Ă  accĂ©lĂ©rer cette Ă©volution. Le premier concerne la progression trĂšs rapide de la population des CubeSats. Ces nano-satellites de quelques kilogrammes, du fait de leur taille, ne sont pas en mesure d'appliquer les rĂšgles Ă©laborĂ©es pour accĂ©lĂ©rer la rentrĂ©e atmosphĂ©rique, qui nĂ©cessitent l'emport d'ergols lorsque l'orbite dĂ©passe les 700 km (environ). L'autre phĂ©nomĂšne concerne le dĂ©ploiement en cours (2021) de mĂ©ga constellations de satellites de tĂ©lĂ©communications comptant des centaines d'engins spatiaux (Starlink plus de 4 000 satellites dans une premiĂšre phase, OneWeb 650 satellites, etc.) qui, en saturant l'orbite basse, sont susceptibles de rendre inopĂ©rantes les mĂ©thodes utilisĂ©es pour le suivi des satellites et la gestion des risques de collision[16] - [17].

Le nombre de satellites faisant partie des mĂ©ga-constellations (Starlink et OneWeb en 2023, d'autres constellations Ă©tant en cours de prĂ©paration) croit de maniĂšre quasi exponentielle et risque d’accroĂźtre fortement le volume de dĂ©bris spatiaux. Le diagramme prĂ©sente l'Ă©volution entre 2012 et 2022 du nombre de satellites placĂ©s en orbite chaque annĂ©e par grande catĂ©gorie : satellites gĂ©osynchrones, mĂ©gaconstellations, CubeSats et picosatellites (<1 kg) et autres satellites[18].

Le « nettoyage » naturel de l'orbite basse

Les dĂ©bris spatiaux ne restent pas de maniĂšre permanente en orbite. Par exemple il ne subsiste plus en 2016 aucun des dĂ©bris produits par l'explosion du satellite soviĂ©tique Cosmos 2421 qui avait eu lieu en 1986 Ă  une altitude de 410 km et qui avait gĂ©nĂ©rĂ© Ă  l'Ă©poque 509 dĂ©bris de plus de 10 cm[19]. En effet, l'atmosphĂšre rĂ©siduelle, qui subsiste dans l'espace prĂšs de la Terre, freine progressivement le dĂ©bris spatial, dont l'altitude s'abaisse jusqu'Ă  ce qu'il soit ramenĂ© au niveau des couches denses de l'atmosphĂšre lorsque son altitude approche les 100 kilomĂštres. Il effectue alors une rentrĂ©e atmosphĂ©rique, au cours de laquelle il s'Ă©chauffe et se disloque. Certaines piĂšces peuvent survivre Ă  cette phase et parvenir jusqu'au sol, mais la plupart sont vaporisĂ©es. L'orbite s'abaisse d'autant plus vite que la surface exposĂ©e aux forces de trainĂ©e est importante et que l'altitude initiale est faible (cas du satellite Cosmos 2421 citĂ© plus haut). Si le dĂ©bris spatial se trouve Ă  600 km d'altitude, il retombe sur Terre au bout de quelques annĂ©es. À une altitude initiale de 800 km, il ne revient au sol qu'au bout de plusieurs dĂ©cennies. Au-dessus de 1 000 km d'altitude, le dĂ©bris spatial reste en orbite plusieurs siĂšcles[15]. La « durĂ©e de vie » moyenne Ă©levĂ©e des dĂ©bris spatiaux combinĂ©e avec une activitĂ© de lancement soutenue (environ 80 lancements par an au cours de la dĂ©cennie 2010) ont pour consĂ©quence une augmentation constante des dĂ©bris spatiaux depuis le dĂ©but de l'Ăšre spatiale. Le nombre a fortement cru Ă  la fin des annĂ©es 2000 Ă  la suite de deux collisions majeures (destruction volontaire du satellite chinois Fengyun-1C et collision accidentelle de Iridium 33 et Cosmos 2251), qui ont accru d'environ 30 % le nombre de dĂ©bris de plus de 10 cm.

Orbite des débris générés par la fragmentation et la collision

Diagramme donnant l'altitude (périgée et apogée) de débris issus d'un troisiÚme étage de fusée, en fonction de leur période orbitale.
Diagramme de Gabbard des 300 débris issus de l'explosion du 3e étage d'une fusée Longue Marche, 5 mois aprÚs son lancement.

Lorsqu'il y a collision ou explosion les débris résultant sont projetés dans toutes les directions avec des vitesses variables. De ce fait ils se retrouvent dispersés sur des orbites trÚs différentes multipliant d'autant les risques qu'ils font peser sur les satellites opérationnels. Les fragments se retrouvent selon le cas sur des orbites plus basses, identiques ou plus hautes que l'orbite originelle. La dispersion des orbites résultantes est d'autant plus importante que l'événement à leur origine a été énergétique. On représente les orbites à l'aide d'un diagramme dit « de Gabbard » dans lequel le périgée et l'apogée de chaque débris est représenté en fonction de sa période orbitale. Les débris projetés dans le sens du déplacement orbital augmentent en apogée et en période, ils correspondent aux deux bras droits du X. Les débris projetés dans le sens rétrograde ont un périgée et une période diminués (les deux bras gauches du X). Les projections dans les directions perpendiculaires à l'orbite influent peu sur les caractéristiques de période, d'apogée et de périgée, les débris dans ce cas sont concentrés autour du centre de la croix[20]. L'étude de la distribution des éléments de ce diagramme permet aussi de déterminer les causes de la fragmentation[21]

Risques et incidents liés aux débris spatiaux

Menace pour les engins spatiaux opérationnels

Dommage maximum subi par un engin spatial heurté par un débris spatial en fonction du diamÚtre de celui-ci. La limite entre les trois niveaux de dégùt dépendent de la zone d'impact (réservoir, panneau solaire, électronique
).

MalgrĂ© leur nombre relativement restreint, les dĂ©bris spatiaux situĂ©s en orbite constituent une menace pour les engins spatiaux en activitĂ© du fait de leur Ă©nergie cinĂ©tique trĂšs Ă©levĂ©e. Avec une vitesse moyenne en cas d'impact de 10 km/s, l'Ă©nergie cinĂ©tique (Âč⁄₂ Ă— masse Ă— vitesse2) d'un dĂ©bris spatial de 3 millimĂštres est Ă©gale Ă  celle d'une balle tirĂ©e par un fusil. Si le diamĂštre est de 1 centimĂštre l'Ă©nergie libĂ©rĂ©e est celle d'une enclume en chute libre, avec 5 centimĂštres elle est Ă©quivalent Ă  celle d'un bus roulant Ă  moyenne vitesse et lors que dĂ©bris atteint 10 centimĂštres l'Ă©nergie libĂ©rĂ©e est celle d'une grosse bombe[22]. Si un dĂ©bris d'une taille infĂ©rieure Ă  1/10 mm ne fait qu'Ă©roder la surface d'un satellite, les dĂ©bris dont la taille est comprise entre 1/10e mm et cm peuvent perforer des Ă©quipements et entrainer selon le cas une panne mineure, majeure ou la perte du satellite. Entre 1 et 10 cm les dommages sont trĂšs importants alors que les dĂ©bris de cette taille ne peuvent ĂȘtre systĂ©matiquement dĂ©tectĂ©s depuis le sol. L'utilisation d'un blindage ne permet de rĂ©sister qu'Ă  des dĂ©bris dont la taille est infĂ©rieure Ă  cm[23].

Temps moyen entre deux impacts de dĂ©bris supĂ©rieurs Ă  une taille donnĂ©e, sur un objet d'une section de 100 m2 en fonction de son altitude[24]
400 km800 km1 500 km
>0,1 mm 4,5 jours2,3 jours0,9 jour
>mm 3,9 ans1,0 an1,5 an
>cm 1 214 ans245 ans534 ans
>10 cm 16 392 ans1 775 ans3 109 ans

Les accidents impliquant des dĂ©bris spatiaux restent encore relativement peu frĂ©quents, du fait de l'immensitĂ© de l'espace. À titre d'exemple, la Station spatiale internationale risque un impact critique avec un objet d'une taille comprise entre 1 et 10 centimĂštres[Note 1] que tous les soixante-dix ans ; si l'on exclut de la surface de la station ses immenses panneaux solaires dont la perte ne serait pas forcĂ©ment critique, le risque tombe Ă  un impact tous les trois siĂšcles[25]. Pour un satellite d'une durĂ©e de vie de dix ans, le risque d'ĂȘtre dĂ©truit par un dĂ©bris spatial est Ă  peu prĂšs identique Ă  celui de l'ĂȘtre lors du lancement (soit une chance sur 100)[26].

Impact de micro dĂ©bris (annotĂ©s) sur un panneau solaire du tĂ©lescope spatial Hubble (orbite 800 km) redescendu au sol Ă  la suite de son remplacement.

Ces probabilités relativement faibles peuvent conduire à sous-estimer l'importance du problÚme posé par les débris spatiaux. Cependant, en considérant le nombre élevé de satellites opérationnels actuellement en orbite, la probabilité que l'un d'entre eux percute un débris spatial de plus de cm culmine à plus de 50 % par année[27], en dépit des risques individuels bas. De plus, l'étendue de la menace augmente au fil des impacts, puisque chaque collision génÚre de nouveaux débris. Si l'orbite terrestre basse atteint la densité critique à partir de laquelle le nombre de débris créés par les collisions surpasse le nombre de rentrées atmosphériques, elle deviendra impraticable, ce qui pourrait s'avérer catastrophique étant donné que nos systÚmes de communication actuels sont étroitement dépendants des satellites placés dans cette zone. Cette réaction en chaßne est connue sous le nom de syndrome de Kessler. Il est donc nécessaire de réaliser que les débris spatiaux constituent un risque non négligeable pour les instruments scientifiques coûteux placés en orbite ainsi que pour les missions habitées[28].

Les missions avec Ă©quipage

La menace des dĂ©bris spatiaux pour les Ă©quipages en orbite est prise au trĂšs sĂ©rieux car une collision pourrait conduire Ă  la perte de l'Ă©quipage par dĂ©pressurisation, mise hors service de leur engin spatial ou mĂȘme frappe directe d'un astronaute durant une sortie dans l'espace. La station spatiale internationale est particuliĂšrement exposĂ©e car contrairement aux missions de quelques jours, elle accueille en permanence un Ă©quipage gĂ©nĂ©ralement de 6 personnes alors qu'elle circule sur une orbite comprise entre 300 et 400 km oĂč on trouve une concentration particuliĂšrement importante de dĂ©bris spatiaux[29] - [30]. En 2007 les experts amĂ©ricains Ă©valuaient la probabilitĂ© de pĂ©nĂ©tration de la partie pressurisĂ©e de la station spatiale par un dĂ©bris Ă  29 % sur une pĂ©riode de 15 ans, la probabilitĂ© d'abandon de la station Ă  8 %, celui de la perte de la station, avec Ă©ventuellement perte de l'Ă©quipage, de 5 %. Ces chiffres partent de l'hypothĂšse que les protections anti-dĂ©bris des vaisseaux Progress et Soyouz sont amĂ©liorĂ©es : si ce n'est pas le cas la probabilitĂ© de perforation passe Ă  46 %. Ces chiffres sont jugĂ©s pessimistes par les russes qui se reposent sur l'expĂ©rience accumulĂ©e avec la station Mir[31].

Mark Lee teste le systĂšme SAFER au cours de la mission STS-64

Les dĂ©bris constituent Ă©galement une menace durant les sorties extravĂ©hiculaires des astronautes, car ils peuvent perforer les combinaisons spatiales et entraĂźner une dĂ©pressurisation mortelle (l'astronaute dispose d'environ 15 secondes pour rĂ©agir avant de perdre conscience)[32] - [33]. La probabilitĂ© d'une perforation de la tenue spatiale est toutefois, selon les experts amĂ©ricains, trĂšs faible compte tenu de la distribution des dĂ©bris et des protections incorporĂ©es dans les combinaisons spatiales : 6 % aprĂšs 2 700 heures d'activitĂ©s extravĂ©hiculaires d'une Ă©quipe de deux personnes[34]. L'astronaute peut Ă©galement perforer sa combinaison en y faisant un accroc (survenu une fois mais sans consĂ©quence) ou partir Ă  la dĂ©rive. Pour combattre ce dernier risque, les procĂ©dures concernant l'accrochage sont trĂšs strictes et en ultime recours l'astronaute emporte un dispositif propulsif, le SAFER, fournissant un delta-v cumulĂ© de 3 m/s[Note 2].

En mai 2021, l'ISS a été percuté par un débris spatial qui a perforé son bras articulé Canadarm 2. Le trou créé mesure mm de diamÚtre[35].

Risques au sol

Les risques au sol sont nettement plus faibles, car les fragments entrant dans l'atmosphĂšre sont majoritairement vaporisĂ©s par la chaleur due aux frottements avec l'air. Pour autant, des dĂ©bris de taille non nĂ©gligeable sont parfois retrouvĂ©s sur Terre et des prĂ©visions sont faites rĂ©guliĂšrement par les organismes de surveillance[36]. Bien que de tels atterrissages soient trĂšs peu frĂ©quents, ils reprĂ©sentent un danger car les objets qui retombent sur Terre sont souvent hors de contrĂŽle et peuvent par consĂ©quent s’écraser n’importe oĂč. Certains engins parviennent tout de mĂȘme Ă  faire une rentrĂ©e contrĂŽlĂ©e dans l’atmosphĂšre et sont alors dirigĂ©s vers le point Nemo, la zone du Pacifique Sud la plus Ă©loignĂ©e des terres Ă©mergĂ©es[37]. Jusqu’à prĂ©sent, aucun impact destructeur n’est survenu dans des zones habitĂ©es[27].

  • PiĂšces d'engins spatiaux ayant survĂ©cu Ă  la rentrĂ©e atmosphĂ©rique
  • RĂ©servoir du troisiĂšme Ă©tage PAM-D d'une fusĂ©e Delta II retrouvĂ© en Arabie saoudite en 2001.
    Réservoir du troisiÚme étage PAM-D d'une fusée Delta II retrouvé en Arabie saoudite en 2001.
  • RĂ©servoirs et tuyĂšre du deuxiĂšme Ă©tage d'une fusĂ©e Delta II retrouvĂ© en Afrique du Sud en 2000.
    Réservoirs et tuyÚre du deuxiÚme étage d'une fusée Delta II retrouvé en Afrique du Sud en 2000.
  • Panneau de la station spatiale soviĂ©tique Saliout 7 retrouvĂ©s en Argentine Ă  la suite de sa rentrĂ©e atmosphĂ©rique en 1991.
    Panneau de la station spatiale soviétique Saliout 7 retrouvés en Argentine à la suite de sa rentrée atmosphérique en 1991.

Surveillance et suivi des débris spatiaux

Les principales puissances spatiales, en particulier la NASA, l'Agence spatiale europĂ©enne et l'agence spatiale russe Roscosmos, ont mis en place des rĂ©seaux de radars et tĂ©lescopes optiques pour tenter de prĂ©venir les impacts de dĂ©bris spatiaux sur les satellites en Ă©tablissant un catalogue recensant les orbites des dĂ©bris les plus gros. En dessous de 10 centimĂštres de diamĂštre les dĂ©bris spatiaux ne sont pas suivis individuellement mais leur volume par orbite est dĂ©terminĂ© statistiquement Ă  l'aide de modĂšles qui s'appuient sur des observations radar et des constatations des impacts in situ.

États-Unis

Couverture du rĂ©seau de surveillance des dĂ©bris spatiaux des États-Unis. Situation dĂ©but 2019. Le rĂ©seau principal gĂ©rĂ© par l'ArmĂ©e de l'Air permet d'Ă©tablir l'orbite des dĂ©bris supĂ©rieurs Ă  dix centimĂštres en orbite basse et un mĂštre en orbite gĂ©ostationnaire. Des radars de la NASA (Haystack et Goldstone) permettent de dĂ©terminer statistiquement le volume des dĂ©bris en orbite basse dont le diamĂštre est supĂ©rieur Ă  quelques millimĂštres.

Le dĂ©partement de la DĂ©fense des États-Unis (DoD) et l'agence spatiale civile, la NASA, coopĂšrent pour rĂ©aliser le recensement et le suivi des dĂ©bris spatiaux. Le rĂ©seau de surveillance spatiale du DoD, constituĂ© d'une trentaine de radars et de tĂ©lescopes optiques rĂ©partis sur la planĂšte ainsi que de six satellites en orbite, maintient un catalogue de 20 000 objets dĂ©nommĂ© « Two Lines Elements » (TLE) recensant tous les engins spatiaux (actifs ou non) et dĂ©bris spatiaux d'une taille supĂ©rieure Ă  10 centimĂštres en orbite basse et de plus de m en orbite gĂ©ostationnaire). Celui-ci contient les caractĂ©ristiques de l'orbite du dĂ©bris spatial qui permettent de dĂ©terminer en temps rĂ©el leur position. De son cĂŽtĂ© la NASA rĂ©alise un recensement statistique des dĂ©bris dont la taille est infĂ©rieure Ă  10 centimĂštres et supĂ©rieure Ă  quelques millimĂštres en utilisant plusieurs Ă©quipements : deux radars de l'observatoire Haystack du Lincoln Laboratory (Massachusetts Institute of Technology) - le Haystack Ultrawideband Satellite Imaging Radar (HUSIR) et le Haystack Auxiliary Radar (HAX) —, deux des radars du complexe Goldstone du rĂ©seau d'antennes de communications utilisĂ© pour communiquer avec les sondes spatiales ainsi que plusieurs tĂ©lescopes pour complĂ©ter les donnĂ©es recueillies par les radars[38] - [39] - [40].

Vue de LDEF au-dessus de la surface terrestre.
Le satellite LDEF avant son déploiement par Challenger au-dessus de la Floride.

Pour Ă©valuer le volume et la distribution des dĂ©bris dont la taille est infĂ©rieure au millimĂštre, la NASA a analysĂ© diffĂ©rentes piĂšces du tĂ©lescope spatial Hubble (panneaux solaires changĂ©s en cours de vie, Ă©quipement remplacĂ©) et de la navette spatiale amĂ©ricaines (panneaux de rĂ©gulation thermique, vitres) exposĂ©es dans l'espace et ramenĂ©es sur Terre. Le satellite LDEF, dĂ©ployĂ© par la mission STS-41-C Challenger et rĂ©cupĂ©rĂ© par STS-32 Columbia, a passĂ© 68 mois en orbite. L'examen minutieux de sa surface a permis d'analyser la distribution directionnelle et la composition du flux de dĂ©bris. Le satellite europĂ©en Eureca, dĂ©ployĂ© par STS-46 Atlantis et rĂ©cupĂ©rĂ© 326 jours plus tard par STS-57 Endeavour a rĂ©vĂ©lĂ© un millier d'impacts sur ses panneaux solaires et 71 sur son corps, de 100 Â”m Ă  6,4 mm[41].

Le catalogue « Two Lines » du DoD est exploitĂ© par les militaires Ă  la fois Ă  des fins internes (dĂ©tection de lancement de missiles, surveillance des satellites militaires Ă©trangers et plus gĂ©nĂ©ralement de toute activitĂ© suspecte) et pour rĂ©pondre aux besoins des opĂ©rateurs de satellites civils qu'ils soient amĂ©ricains ou Ă©trangers : ceux-ci reçoivent des messages d'alerte dĂšs qu'un risque de collision entre un satellite et un autre engin spatial ou un dĂ©bris spatial. Le message d'alerte est transmis 3 Ă  5 jours avant l'impact potentiel pour permettre Ă  l'opĂ©rateur de planifier et rĂ©aliser les manƓuvres d'Ă©vitement. La prĂ©diction est d'autant plus prĂ©cise que les caractĂ©ristiques orbitales du dĂ©bris sont connues. Cette prĂ©cision n'existe pas pour les dĂ©bris de trĂšs petite taille car elle nĂ©cessiterait des moyens supĂ©rieurs Ă  ceux disponibles (400 000 observations effectuĂ©es chaque jour). La solution adoptĂ©e est de dĂ©terminer les risques d'impact en prenant des marges importantes puis de raffiner le rĂ©sultat en effectuant des observations complĂ©mentaires pour prĂ©ciser l'orbite et dĂ©terminer le risque de collision rĂ©el[42].

Europe

Depuis 2014 le suivi des dĂ©bris et des satellites est prise en charge par EU Space Surveillance and Tracking (EU SST). Cette organisation crĂ©Ă©e par l'Union europĂ©enne rĂ©unit la France, l'Allemagne, l'Italie, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, l'Espagne et le Royaume-Uni. Les pays y sont reprĂ©sentĂ©s par leurs agences spatiales respectives. Cette structure regroupe les moyens de ces pays pour assurer une veille spatiale et fournir aux opĂ©rateurs des satellites (en 2020 environ 140 satellites) et aux autoritĂ©s europĂ©ennes trois types de service : des alertes pour risque de collision avec un engin spatial actif, le dĂ©tail des dĂ©bris produit par une collision et les caractĂ©ristiques de la rentrĂ©e atmosphĂ©rique de dĂ©bris et d'engins spatiaux. Le systĂšme repose dĂ©but 2021 sur 51 capteurs de surveillance ou de suivi de trois types : des radars (comme le radar Graves français ou le radar TIRA allemand), des tĂ©lescopes optiques (par exemple le tĂ©lescope OGS de l'Agence spatiale europĂ©enne) et des stations de tĂ©lĂ©mĂ©trie laser sur satellites (par exemple Matera en Italie). Les donnĂ©es collectĂ©es sont traitĂ©es par les centres opĂ©rationnels (OC) nationaux puis le rĂ©sultat est remontĂ© dans une base de donnĂ©es europĂ©enne gĂ©rĂ©e par l'Allemagne. À partir de cette base de donnĂ©es, les centres opĂ©rationnels français et espagnols sont responsables de la fourniture de l'alerte en cas de collision tandis que le centre opĂ©rationnel italien fournit les donnĂ©es sur les consĂ©quences d'une collision et les rentrĂ©es atmosphĂ©riques. Un portail internet gĂ©rĂ© par l'EU SatCen restitue aux utilisateurs ces informations. Environ 90 organisations utilisent cette prestation en 2020[43]. Cette veille spatiale est par ailleurs un des trois composants du programme Space Situational Awareness qui comprend Ă©galement la surveilles des objets naturels proches de la Terre et la mĂ©tĂ©orologie spatiale.

Selon l'Institute of Aerospace Systems de Brunswick, la trajectoire n'est pas connue pour 110 000 autres dĂ©bris en orbite terrestre, compris entre 1 et 10 centimĂštres, ainsi que des objets artificiels allant du millimĂštre au centimĂštre dont le nombre est estimĂ© Ă  330 millions et dont la trajectoire est erratique[44] (sans compter les poussiĂšres indĂ©tectables allant du millimĂštre au micron). La masse totale de ces dĂ©bris est estimĂ©e Ă  5 900 tonnes[26].

Cet institut est Ă  l'origine du modĂšle de distribution et de vitesse des dĂ©bris nommĂ© MASTER (Meteoroid And Space debris Terrestrial Environment Reference) et utilisĂ© par l'ESA pour calculer les probabilitĂ©s et directions de collision en orbite. L'agence europĂ©enne possĂšde un catalogue de 26 000 dĂ©bris qu'elle suit avec un rĂ©seau d'observatoires et de radars pour corroborer ce modĂšle.

Dans le cadre du programme Space Situational Awareness (SSA) de l'Agence spatiale européenne (ESA), des chercheurs du Fraunhofer-Gesellschaft en Allemagne ont un rÎle de premier plan dans ce projet : ils fournissent le récepteur du systÚme radar. L'institut Fraunhofer de la physique des hautes fréquences et des techniques radar (le FHR à Wachtberg) réalise le démonstrateur, en collaboration avec la société espagnole Indra Espacio qui se charge de l'ensemble émetteur.

France

La France dispose depuis 2005 du radar Graves (un seul capteur) qui permet de dĂ©tecter les satellites survolant la France et les rĂ©gions pĂ©riphĂ©riques Ă  des altitudes compris entre 400 et 1 000 km et de mesurer leurs trajectoires. Ce radar remplit trois missions dont deux ont un rapport direct avec les dĂ©bris spatiaux[45] :

  • dĂ©tection des satellites de reconnaissance (satellite espion) survolant le territoire ;
  • dĂ©termination des risques de collision entre satellites impliquant au moins un satellite opĂ©rationnel ;
  • dĂ©tection des satellites soit massifs soit polluants (radioactivitĂ©) susceptibles d'effectuer une rentrĂ©e atmosphĂ©rique et prĂ©sentant donc un risque pour les habitants.

L'ArmĂ©e française utilise ses radars SATAM pour dĂ©terminer de maniĂšre plus prĂ©cise les objets d'intĂ©rĂȘts (risque de collision ou retombĂ©es atmosphĂ©riques). Les donnĂ©es des radars SATAM et GRAVES sont traitĂ©es par le Centre opĂ©rationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (COSMOS) crĂ©Ă© en 2014 avec des objectifs Ă  la fois militaires et civils (protection des populations)[46] - [47].

Le CNES dispose d'un centre d'orbitographie opérationnelle (COO) qui surveille les débris grùce au service Caesar[48]. Le CNES utilise à temps partiel (15 %) deux télescopes TAROT dont la mission principale est la détection des sursauts gamma et qui sont situés pour l'un sur le plateau de Calern en France et pour l'autre à l'observatoire de La Silla au Chili. Ceux-ci permettent d'identifier de maniÚre expérimentale les objets situés en orbite géostationnaire ou géosynchrone[49].

Préconisations destinées à limiter le volume des débris

Pour limiter la multiplication du nombre de débris spatiaux, les principales puissances spatiales ont progressivement défini des rÚgles de bonne conduite à appliquer lors de la conception des nouveaux engins spatiaux et durant les phases de déploiement en orbite puis en fin de vie. L'application des mesures les plus importantes ont un coût car elles entraßnent généralement une réduction de la masse de la charge utile emportée par le lanceur. Bien que ne présentant pas de caractÚre obligatoire, cette réglementation est pratiquement appliquée par les principales puissances spatiales.

Historique de mise en place de la réglementation

DĂšs les dĂ©buts de l'Ăšre spatiale, au dĂ©but des annĂ©es 1960, des recherches sont menĂ©es aux États-Unis pour Ă©valuer le problĂšme soulevĂ© par les dĂ©bris spatiaux mais la communautĂ© internationale ne prend conscience de celui-ci que plus tard au milieu des annĂ©es 1970 dans le cadre de confĂ©rences organisĂ©es par la FĂ©dĂ©ration internationale d'astronautique. C'est Ă  cette Ă©poque (1978) que Donald Kessler expose les consĂ©quences de collisions d'objets en orbite qui pourraient, par une rĂ©action en chaĂźne, aboutir Ă  une augmentation exponentielle des dĂ©bris rendant l'orbite basse inutilisable (syndrome de Kessler). La premiĂšre confĂ©rence consacrĂ©e aux dĂ©bris spatiaux est organisĂ©e en 1982 par l'agence spatiale amĂ©ricaine, la NASA, suivie en 1983 par une confĂ©rence sur la rentrĂ©e atmosphĂ©rique des dĂ©bris atmosphĂ©riques organisĂ©e par l'Agence spatiale europĂ©enne. Cette derniĂšre faisait suite Ă  la rentrĂ©e atmosphĂ©rique de la station spatiale amĂ©ricaine Skylab et Ă  celle du satellite Cosmos 1402[50]

Au cours des années 1970 et 1980 les agences spatiales et les nations impliquées dans le vol spatial acquiÚrent progressivement une expertise sur les processus aboutissant à la fragmentation des objets en orbite, sur la modélisation de l'impact d'un débris spatial frappant un satellite à une vitesse de plusieurs kilomÚtres par seconde et sur la désintégration plus ou moins partielle d'un engin pénétrant dans l'atmosphÚre. Disposer d'une vision globale du sujet nécessitait toutefois des échanges bilatéraux entre les experts des différentes puissances spatiales. Ces échanges qui débutent à l'initiative de la NASA conduisent à la création en 1993 du comité IADC par la NASA et les agences spatiales européenne, japonaise et russe. L'objectif de ce comité est de permettre aux experts de coordonner leurs travaux sur le sujet. Ce comité est aujourd'hui (2020) considéré comme le référent technique dans le domaine des débris spatiaux. Les débris spatiaux constituent également un des thÚmes traités depuis 1994 par le Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique (UNCOPUOS) de l'ONU[50].

La menace constituée par les débris spatiaux et le fait que la Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par des objets spatiaux ait été adopté par presque tous les pays entrainent l'adoption d'une ensemble de mesures destinées à réduire le volume des débris spatiaux. Ces mesures sont formalisées par l'IADC dans un document diffusé en 2002 (IADC Space Debris Mitigation Guidelines). Ce document a depuis servi de base pour la rédaction par les différentes nations de documents réglementaires et le point de départ pour l'application de différents standards techniques. Mais il n'existe pas en 2021 de standardisation des mesures à l'échelle mondiale. L'UNCOPUOS a formalisé un ensemble de recommandations accepté par l'ensemble des acteurs portant sur la pérennité des activités spatiales[50].

Actions de l'IADC

Les principales agences spatiales — ASI (Italie), CNES (France), CNSA (Chine), Agence spatiale canadienne (Canada), DLR (Allemagne), Agence spatiale europĂ©enne (Europe), ISRO (Inde), JAXA (Japon), KARI (CorĂ©e du Sud), NASA (États-Unis), Roscosmos (Russie), NKAU (Ukraine) et UK Space Agency (Royaume-Uni) — adhĂšrent Ă  l'Inter-Agency Space Debris Coordination Committee (IADC), crĂ©Ă© en 1993 pour faciliter l'Ă©change de donnĂ©es sur les dĂ©bris spatiaux, mener des Ă©tudes techniques (modĂ©lisation du comportement des dĂ©bris en orbite, Ă©tude technique des systĂšmes de blindage), rĂ©aliser des campagnes d'observation et Ă©tablir des recommandations[16]. Ce comitĂ© a Ă©tabli un recueil de principes Ă  appliquer, Space Debris Mitigation Guidelines (IADC-02-01, Rev. 2007), qui a Ă©tĂ© validĂ© la mĂȘme annĂ©e par les 69 pays membres du ComitĂ© des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphĂ©rique (COPUOS) consacrĂ© aux activitĂ©s spatiales. Le comitĂ© scientifique et technique du COPUOS a Ă©tabli et publiĂ© en 2009 son propre recueil de rĂšgles, Space Debris Mitigation Guidelines of the Scientific and Technical Subcommittee of the Committee on the Peaceful Uses of the Outer Space (A/AC.105/890, 2009).

Les préconisations de l'IADC

Il est demandé aux opérateurs d'engins spatiaux de respecter les rÚgles suivantes.

Passivation des étages de fusée et des satellites

Immédiatement aprÚs le lancement les responsables de la mission doivent procéder à la passivation des étages supérieurs du lanceur restés en orbite aprÚs leur utilisation (le dernier étage du lanceur se retrouve généralement sur une orbite proche de celle de la charge utile) par largage du carburant résiduel, pour limiter le risque d'une explosion des imbrûlés qui engendrerait des milliers de nouveaux débris.

Une action similaire doit ĂȘtre rĂ©alisĂ©e sur les satellites en fin de mission pour Ă©viter Ă©galement leur explosion. Cela comprend notamment le largage des ergols inutilisĂ©s, la dĂ©connexion des batteries pour Ă©viter qu'une surcharge ne les fasse exploser.

DĂ©sorbitation des satellites en fin de vie

Les responsables de mission doivent limiter le temps de sĂ©jour des Ă©tages supĂ©rieurs du lanceur et du satellite lorsque sa mission est achevĂ©e dans les deux rĂ©gions orbitales protĂ©gĂ©es parce que particuliĂšrement frĂ©quentĂ©es. Les orbites protĂ©gĂ©es sont celles dont l'altitude est infĂ©rieure Ă  2 000 kilomĂštres et l'orbite gĂ©ostationnaire (altitude : 36 000 Â± 300 km) :

  • pour les engins placĂ©s sur une orbite basse les opĂ©rateurs doivent respecter la rĂšgle dite des « 25 ans » qui impose que tout satellite se trouvant en orbite basse doit rentrer dans l’atmosphĂšre avant un quart de siĂšcle. Ainsi, pour remplir cet objectif, le satellite français SPOT-1 a diminuĂ© son altitude en fin de mission Ă  l'aide de sa propulsion (fin 2003), rĂ©duisant sa prĂ©sence post mortem en orbite de 200 Ă  15 ans[51] ;
  • pour les satellites circulant Ă  des altitudes oĂč la dĂ©sorbitation n'est pas Ă©conomiquement envisageable :
    • si le satellite est sur une orbite gĂ©ostationnaire, il doit ĂȘtre dĂ©placĂ© vers une orbite de rebut oĂč il ne risque pas de croiser l'orbite d'un engin opĂ©rationnel. L'orbite de rebut dĂ©bute Ă  235 km au-dessus de l'orbite gĂ©ostationnaire (en pratique 300 kilomĂštres),
    • si le satellite est situĂ©e sur une orbite basse il doit ĂȘtre dĂ©placĂ© sur une orbite dont l'altitude est constamment supĂ©rieure Ă  2 000 kilomĂštres.

En pratique, pour que ces consignes puissent ĂȘtre appliquĂ©es dans le cas d'un satellite, il faut que la mission ait Ă©tĂ© conçue de maniĂšre que le satellite dispose de suffisamment de carburant en fin de mission ce qui exclue de nombreuses missions lancĂ©es antĂ©rieurement Ă  l'implĂ©mentation de ces rĂšgles. Par ailleurs le changement d'orbite se produit longtemps aprĂšs la mise en orbite et le satellite a pu tomber en panne ou ses Ă©quipements peuvent ĂȘtre trop dĂ©gradĂ©s pour lui permettre de changer d'orbite. Enfin aucune obligation n'est imposĂ©e aux opĂ©rateurs gĂ©rant ces satellites : entre 1997 et 2000, 22 des 58 satellites gĂ©ostationnaires ont Ă©tĂ© abandonnĂ©s, et pour 20 d'entre eux l'orbite n'a pas Ă©tĂ© modifiĂ©es de maniĂšre Ă  Ă©viter tout risque[4].

Rentrée contrÎlée des engins spatiaux

Les recommandations internationales concernent également la rentrée atmosphérique des satellites. Celle-ci devra s'effectuer de maniÚre à que les débris subsistant s'écrasent dans une zone inhabitée telle que les zones océaniques peut fréquentées (Sud de l'Océan Pacifique)[52].

Mise en place de « rÚgles de bonne conduite » nationales

Sans attendre la mise en place d'une réglementation internationale légalement contraignante pour tous les pays, les principales agences spatiales occidentales ont formalisé de maniÚre interne des rÚgles de bonnes conduite qui ne restent toutefois que des recommandations :

  • NASA (États-Unis) : Safety Standard NSS-1740.14 - Guidelines and Assessment Procedures for Limiting Orbital Debris (1995) ;
  • NASDA (Japon) : Space Debris Mitigation Standard NASDA-STD-18 (1996) ;
  • CNES (France) : CNES Standards Collection, Method and Procedure Space Debris – Safety Requirements (RNC-CNES-Q40-512) (1999) ;
  • Agence spatiale europĂ©enne : European code of conduct for space debris mitigation issue (2004).

La France a introduit en 2008 sa loi relative aux opérations spatiales qui oblige les opérateurs spatiaux à limiter le nombre de débris en orbite basse.

Choix technologiques : aspects socio-Ă©conomiques

Les choix technologiques en vue de la protection et de la fin de vie d’un satellite constituent un compromis entre les intĂ©rĂȘts parfois divergents de nombreux acteurs des domaines de la recherche, l’industrie, l’économie et la politique notamment. À titre d’exemple, les blindages et les systĂšmes de dĂ©sorbitation embarquĂ©s Ă  bord des satellites alourdissent ces derniers et peuvent interfĂ©rer avec les buts scientifiques de la mission ; ils reprĂ©sentent Ă©galement un surcoĂ»t important. Cependant, les blindages sont une mesure de sĂ©curitĂ© indispensable pour les vĂ©hicules habitĂ©s en particulier[53], et la planification de la fin de vie du satellite est imposĂ©e par certaines agences spatiales telles que l’ESA[54]. Cette contrainte est une consĂ©quence des rĂšgles de bonne conduite que l’ESA cherche Ă  respecter, et le soutien de l’agence peut ĂȘtre retirĂ© aux missions qui ne s’y conforment pas[54]. La conception d’un satellite impose ainsi d’établir un Ă©quilibre entre l’évaluation des risques, les intĂ©rĂȘts scientifiques et Ă©conomiques et la rĂ©alisabilitĂ© technique, tout en tenant compte des consensus internationaux auxquels adhĂšrent la plupart des agences spatiales majeures. Relever ce dĂ©fi reprĂ©sente une opportunitĂ© pour le dĂ©veloppement de technologies innovantes, dont plusieurs centres de recherche et entreprises privĂ©es tirent parti[54]. Un exemple notable est celui du ClearSpace-1 conçu par l’EPFL (Suisse), un petit satellite visant Ă  dĂ©sorbiter le CubeSat SwissCube lancĂ© en 2009. Il s’agit d’une technologie dĂ©monstrative, dont l’objectif principal est d’illustrer la faisabilitĂ© du retrait actif des dĂ©bris orbitaux (RADO)[55] et d’inciter les agences spatiales Ă  adopter ce type de technologie. Le projet est actuellement dans une phase de recherche de fonds[56]. Cette difficultĂ© Ă  trouver des financements illustre le peu d’intĂ©rĂȘt que porte l’industrie aux techniques vouĂ©es Ă  la prĂ©servation d’un bien commun (ici l’espace), qui n’ont aucune garantie d’ĂȘtre rentables pour l’entreprise et de pouvoir ĂȘtre massivement commercialisĂ©es[54]. À l’image de ClearSpace-1, de nombreuses autres solutions (par exemple de nouveaux types de capteurs ou des microsatellites destinĂ© Ă  l’étude des dĂ©bris spatiaux) sont actuellement au stade de technologies dĂ©monstratives[57], certaines dĂ©jĂ  en phase de test et d’autres non encore concrĂ©tisĂ©es. L’avenir de telles innovations est incertain et dĂ©pendra directement des intĂ©rĂȘts de l’industrie, ainsi que de l’évolution du cadre lĂ©gal international. Cela illustre le fait que la gestion des dĂ©bris spatiaux est un domaine en plein dĂ©veloppement et en continuel changement, dont la complexitĂ© en fait bien plus qu’un simple dĂ©fi technologique.

Limitation des risques en opération

Des mesures passives et actives

MalgrĂ© la mise en place progressive d'une rĂ©glementation, le risque de collision d'un engin spatial opĂ©rationnel avec un dĂ©bris spatial prĂ©sentant un risque pour sa survie n'a pas cessĂ© de s'accroitre. La rĂ©duction des risques se fait d'abord par une surveillance des plus gros dĂ©bris spatiaux Ă  l'aide de radars ou de moyens optiques depuis le sol afin d'anticiper des collisions potentielles et de modifier en consĂ©quence les trajectoires des satellites menacĂ©s. Mais ces mesures ne permettent pas d'Ă©viter tout danger car les dĂ©bris de quelques centimĂštres, potentiellement dangereux compte tenu de leur vitesse, ne peuvent ĂȘtre suivis avec les instruments existants. La deuxiĂšme mesure consiste Ă  limiter la production de nouveaux dĂ©bris par une conception adaptĂ©e des engins spatiaux : passivation des rĂ©servoirs d'ergols pour Ă©viter une explosion ultĂ©rieure, limitation du largage de piĂšces au moment du dĂ©ploiement en orbite des satellites
 La rĂ©glementation doit dĂ©finir Ă©galement des rĂšgles, qui doivent ĂȘtre acceptĂ©es par tous car contraignantes sur le plan Ă©conomique, pour limiter le sĂ©jour des satellites et des Ă©tages de fusĂ©e en orbite en obligeant les organisations spatiales Ă  prĂ©voir une rĂ©serve d'ergols permettant d'abrĂ©ger la durĂ©e de sĂ©jour en orbite des engins arrivĂ©s en fin de vie. Les constructeurs d'engins spatiaux prennent dĂ©jĂ  des mesures pour protĂ©ger les parties sensibles de ceux-ci lorsqu'ils circulent sur des orbites oĂč les dĂ©bris sont particuliĂšrement denses. Enfin diffĂ©rentes solutions techniques ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©es pour dĂ©sorbiter les dĂ©bris spatiaux Ă  l'aide d'engins dĂ©diĂ©s mais aucune solution Ă©conomiquement viable n'a Ă©tĂ© imaginĂ©e jusque-lĂ [58].

Blindage des engins spatiaux

Schéma présentant la probabilité d'impact avec un débris spatial de différentes parties de la station spatiale internationale.
Les parties de la station spatiale internationale les plus exposées à un risque de collision avec un débris spatial (en rouge) sont celles qui sont situées sur sa face avant (dans le sens du déplacement). Elles sont plus lourdement protégées.

Les petites particules de moins d'un centimĂštre, trĂšs courantes et difficiles Ă  dĂ©tecter, ne sont pas Ă©vitĂ©es, car les blindages permettent de s'en protĂ©ger. Il y a deux types de blindage : les blindages intrinsĂšques sont constituĂ©s par les parois du satellite tandis que les blindages spĂ©cifiques sont des ajouts Ă  la structure qui permettent d'arrĂȘter le dĂ©bris avant qu'il ne perfore la paroi. Mais ces blindages alourdissent Ă©videmment les vĂ©hicules spatiaux, diminuant leur charge utile, leur durĂ©e de vie, ou augmentant leur coĂ»t. Le dixiĂšme du poids de la station spatiale internationale est ainsi dĂ» Ă  son blindage[59]. Le blindage utilise le principe du bouclier Whipple (du nom de l'astronome amĂ©ricain qui l'a mis au point). Il est constituĂ© de plusieurs couches minces d'aluminium sĂ©parĂ©es par un vide. Les premiĂšres couches sont destinĂ©es Ă  ĂȘtre perforĂ©es, mais elles font Ă©clater le dĂ©bris en de multiples fragments qui, lorsqu'ils frappent la paroi de l'engin spatial n'ont plus l'Ă©nergie permettant de la traverser. Le dĂ©bris ne dĂ©passe parfois mĂȘme pas la premiĂšre couche. L'intervalle entre ces premiĂšres couches peut ĂȘtre rempli d'un matelas absorbant[60].

Ainsi, sur la face avant (la plus exposĂ©e car dans le sens de dĂ©placement) des modules de la Station spatiale internationale, la protection est constituĂ©e par un bouclier Whipple de quatre Ă  cinq couches de matĂ©riaux (aluminium, kevlar, nextel, isolant thermique multi-couche) plus ou moins espacĂ©s et plus ou moins Ă©paisses (voir schĂ©ma ci-dessous). Le tout forme, avec la coque pressurisĂ©e en aluminium du module de 4,8 mm d'Ă©paisseur, un mille-feuille de 11,4 cm d'Ă©paisseur[61].

Le plus grand problĂšme est posĂ© par les dĂ©bris de taille moyenne, entre un et dix centimĂštres, estimĂ©s Ă  environ 200 000[62], qui ne sont pas cataloguĂ©s alors qu'ils prĂ©sentent un risque trĂšs important[63] et surtout pour lesquels il n'existe pas de protection.

  • Structure des boucliers Whipple anti-dĂ©bris (et micro mĂ©tĂ©orides) de la Station spatiale internationale installĂ©s sur les faces avant des modules amĂ©ricains (Ă  gauche), japonais (Kibo au centre) et europĂ©en (Ă  droite Columbus).
    Structure des boucliers Whipple anti-débris (et micro météorides) de la Station spatiale internationale installés sur les faces avant des modules américains (à gauche), japonais (Kibo au centre) et européen (à droite Columbus).
  • Illustration du fonctionnement d'un bouclier Whipple (qui comporte ici deux couches) en fonction de la taille du dĂ©bris. Au-delĂ  d'un certain diamĂštre du dĂ©bris, le bouclier est inopĂ©rant.
    Illustration du fonctionnement d'un bouclier Whipple (qui comporte ici deux couches) en fonction de la taille du débris. Au-delà d'un certain diamÚtre du débris, le bouclier est inopérant.

Satellites opérationnels

Au-delĂ  d'une certaine taille (environ cm), aucune protection ne permet de protĂ©ger un engin d'un dĂ©bris spatial. La seule solution consiste Ă  modifier l'orbite pour Ă©viter tout risque de collision. Ces manƓuvres nĂ©cessitent d'utiliser la propulsion de l'engin spatial, sont coĂ»teuses en carburant et diminuent d'autant la durĂ©e de vie des satellites. À titre d'exemple, lors de l'Ă©vitement par le satellite Spot 2 d'un dĂ©bris provenant d'un lanceur Thor-Agena en juillet 1997, 400 grammes d'ergols ont Ă©tĂ© utilisĂ©s, alors que sa consommation annuelle est de 150 grammes[64]. Ces manƓuvres sont frĂ©quentes sur les orbites basses[65]. La dĂ©cision de modifier le satellite doit tenir compte de nombreux paramĂštres qui peuvent faire varier les orbites du satellite et des dĂ©bris spatiaux. Celles-ci sont connues avec une certaine incertitude et elles peuvent dĂ©river sous l'influence du Soleil, de la Lune et de l'atmosphĂšre rĂ©siduelle[66].

Missions avec Ă©quipage

Diagramme résumant l'incidence des débris spatiaux sur les opérations de la station spatiale internationale. Nombre d'objets croisant l'orbite de la station spatiale internationale et suivis par le systÚme de surveillance des débris spatiaux (ronds bleus), nombre annuel de changements d'orbite de la station spatiale effectués pour éviter un impact (histrogramme en orange), intensité de l'activité solaire (points noirs).
Deux vaisseaux Soyouz sont en permanence amarrés à la station pour pouvoir évacuer l'équipage.

Dans le cas de la Station spatiale internationale qui est occupĂ©e en permanence par un Ă©quipage de gĂ©nĂ©ralement six personnes, de nombreuses mesures sont prises pour Ă©viter la perte de l'Ă©quipage. La trajectoire des dĂ©bris de plus de dix centimĂštres est surveillĂ©e depuis le sol. Plus de 1 200 objets cataloguĂ©s (dĂ©bris ou satellites actifs) circulant sur des orbites proches sont suivis en 2020 par les radars au sol. Ce nombre a doublĂ© depuis 1999. L'Ă©quipage est averti lorsque l'un d'entre eux est susceptible de passer Ă  proximitĂ© de la station. Cela permet Ă  l'Ă©quipage de modifier l'orbite de la station (manƓuvre dite de Debris Avoidance ManƓuvre ou DAM) en utilisant les propulseurs des modules russes pour s'Ă©carter de la trajectoire du dĂ©bris[29]. Depuis le lancement du premier module de la station spatiale en 1999, 27 manƓuvres de changement d'orbite (bilan en 2020) ont Ă©tĂ© effectuĂ©es pour cette raison (de 0 Ă  5 selon les annĂ©es voir diagramme ci contre). Le nombre de manƓuvres dĂ©pend Ă©videmment de la densitĂ© des dĂ©bris mais Ă©galement de l'activitĂ© solaire (Si celle-ci est plus importante la densitĂ© de l'atmosphĂšre rĂ©siduelle s'accroit ce qui modifie l'orbite des objets en orbite et enfin de la sensibilitĂ© des radars et tĂ©lescopes assurant le suivi des dĂ©bris. Parmi les objets Ă©vitĂ©s figurent deux dĂ©bris rĂ©sultant de la destruction volontaire du satellite chinois Fengyun-1C, trois dĂ©bris produits de la collision accidentelle entre Kosmos-2251 et Iridium 33 et le satellite d'observation de la Terre nippo-amĂ©ricain Global Precipitation Measurement[67]. Si le risque de collision est identifiĂ© trop tard pour permettre la rĂ©alisation d'une manƓuvre, l'Ă©quipage a pour consigne de fermer toutes les Ă©coutilles Ă  l'intĂ©rieur de la station et de s'installer dans les vaisseaux Soyouz qui permettent, si nĂ©cessaire, de rejoindre le sol. Cette Ă©vacuation partielle a dĂ©jĂ  eu lieu Ă  deux reprises le et le [68].

Mais seuls les objets de plus de 10 centimĂštres sont cataloguĂ©s. Le blindage des modules amĂ©ricains est conçu pour rĂ©sister aux dĂ©bris d'une taille infĂ©rieure au centimĂštre. Il n'y par contre aucune parade contre des dĂ©bris dont la taille est comprise entre 1 et 10 centimĂštres. À eux seuls les dĂ©bris d'une taille comprise entre 1 et 2 centimĂštres sont 20 fois plus nombreux que les dĂ©bris cataloguĂ©s[67]. L'Ă©quipage s'entraĂźne donc rĂ©guliĂšrement Ă  faire face Ă  une dĂ©pressurisation : la station est Ă©quipĂ©e de dĂ©tecteurs de perte de pression qui permettent de calculer Ă  quel moment l'atmosphĂšre deviendra irrespirable. L'Ă©quipage peut ralentir les pertes en coupant le systĂšme de ventilation et tenter de dĂ©tecter et obturer la fuite. Si la brĂšche dans la coque a une superficie de quelques cm2, l'Ă©quipage dispose thĂ©oriquement d'un dĂ©lai de plusieurs heures avant que la situation devienne intenable[69]. Si la rĂ©paration se rĂ©vĂšle impossible, l'Ă©quipage doit se replier vers les modules intacts en fermant les Ă©coutilles internes ou Ă©vacuer la station Ă  bord des vaisseaux Soyouz. Depuis le passage Ă  6 occupants permanents en mai 2009, deux vaisseaux Soyouz triplaces sont amarrĂ©s en permanence aux modules russes en prĂ©vision d'un Ă©vĂ©nement de ce type[70].

Désorbitation des débris spatiaux par des moyens externes

Un recours couteux mais inévitable

Selon les estimations des experts de l'IASDC, la stabilisation du nombre de dĂ©bris en orbite basse nĂ©cessite non seulement que les satellites et les lanceurs soient dĂ©sormais conçus de maniĂšre Ă  respecter les prĂ©conisations de ce comitĂ© mais Ă©galement que l'orbite de certains satellites inactifs soient abaissĂ©s par des remorqueurs spatiaux ou autres dispositifs externes. En 2013 l'IASDC estimait qu'il fallait remorquer au moins cinq satellites inactifs chaque annĂ©e pour stabiliser l'augmentation des dĂ©bris. Par exemple la NASA qui conçoit des engins spatiaux respectant la rĂ©glementation depuis plus de 10 ans, affiche un taux de conformitĂ© de 96 % pour ses engins lancĂ©s au cours de la dĂ©cennie 2020 en ce qui concerne la rĂšgle de la rentrĂ©e atmosphĂ©rique au bout de 25 ans, mais cette conformitĂ© chute Ă  20-30 % si on prend en compte l'ensemble du parc et des recommandations. Un chiffre trĂšs Ă©loignĂ© des 90 % requis pour stabiliser le volume des dĂ©bris spatiaux en orbite basse. Par exemple son satellite de 5 tonnes Terra, qui a Ă©tĂ© lancĂ© en 1999 et qui devrait cesser ses opĂ©rations en 2026, dispose de batteries qui ne peuvent pas ĂȘtre dĂ©connectĂ©es et de rĂ©servoirs d'ergols qui ne peuvent pas ĂȘtre dĂ©pressurisĂ©s. Ce satellite prĂ©sente donc un risque important d'explosion interne. Par ailleurs son orbite Ă  700 kilomĂštres implique qu'il ne sera dĂ©truit en pĂ©nĂ©trant dans l'atmosphĂšre qu'au bout de 50 ans augmentant la probabilitĂ© d'une collision avec un autre engin spatial ou un dĂ©bris[38].

Les différentes techniques

À la suite de diffĂ©rentes confĂ©rences sur le sujet, plusieurs propositions ont Ă©tĂ© faites pour rabattre les dĂ©bris vers l'atmosphĂšre terrestre, telles que des remorqueurs automatisĂ©s[71], un balai laser (en) (pour dĂ©truire les particules ou les dĂ©vier vers une orbite plus basse), de gigantesques boules d'aĂ©rogel pour absorber les impacts et finalement prĂ©cipiter les dĂ©bris capturĂ©s vers l'atmosphĂšre, un filet pour capturer le dĂ©bris, des moteurs ioniques soufflant sur un satellite gĂ©ostationnaire en fin de vie afin de le sur-orbiter. NĂ©anmoins, la difficultĂ© principale reste le « rendez-vous » avec ces « objets non coopĂ©ratifs » en mouvement. Les efforts portent sur la prĂ©vention des collisions par la surveillance des plus gros dĂ©bris et les mesures contre la crĂ©ation de nouveaux.

  • Le satellite emporte un dispositif spĂ©cifique destinĂ© Ă  accĂ©lĂ©rer la rĂ©duction naturelle de l'altitude sous l'effet de l'atmosphĂšre rĂ©siduelle. Ainsi le satellite scientifique français Microscope emporte l'Ă©quipement IDEAS (Innovative DEorbiting Aerobrake System) destinĂ© Ă  la dĂ©sorbitation. Celui-ci est constituĂ© par deux structures souples qui sont gonflĂ©es en fin de mission avec de l'azote stockĂ© sous haute pression. En augmentant la surface soumise aux forces de trainĂ©e de 6,3 m2, l'altitude du satellite diminue plus rapidement ce qui rĂ©duit le temps de sĂ©jour en orbite. L'Ă©quipement a une masse totale de 12 kg.
  • CrĂ©ation d'une « dĂ©charge » orbitale oĂč seraient rassemblĂ©s les plus gros objets afin d'Ă©viter les collisions et de stocker ces ressources de matĂ©riaux pour le futur.
  • La dĂ©sorbitation volontaire des satellites en fin de vie serait une mesure efficace.

La dĂ©sorbitation pourrait dans ces cas-lĂ  ĂȘtre effectuĂ©e grĂące Ă  un cĂąble Ă©lectrodynamique dĂ©roulĂ© depuis le satellite et qui le ralentirait et abaisserait son orbite jusqu'Ă  une altitude oĂč la traĂźnĂ©e atmosphĂ©rique provoquerait rapidement la dĂ©sorbitation[72].

Mission expérimentale RemoveDebris

Le satellite RemoveDebris dans l'espace, photographié depuis la Station spatiale internationale.

En 2018, l'Agence spatiale europĂ©enne place en orbite le satellite expĂ©rimental RemoveDebris, pour Ă©valuer plusieurs techniques de collecte et de retrait des dĂ©bris spatiaux. Ce minisatellite expĂ©rimental de 100 kilogrammes emporte deux CubeSats chargĂ©s de simuler des dĂ©bris spatiaux. La mission teste avec succĂšs entre et un systĂšme de reconnaissance optique destinĂ© Ă  permettre un rendez-vous avec un dĂ©bris spatial, la capture d'un dĂ©bris avec un filet puis avec un harpon, ainsi que le dĂ©ploiement d'une voile permettant d'augmenter la trainĂ©e gĂ©nĂ©rĂ©e par l'atmosphĂšre rĂ©siduelle et ainsi d'accĂ©lĂ©rer la rentrĂ©e atmosphĂ©rique[73].

Projet européen Adrios

En 2020, l'Agence spatiale européenne initialise la mission Adrios du projet ClearSpace, destinée à désorbiter en 2025 un élément d'une ancienne fusée Vega[74].

Une premiÚre chinoise : le nettoyage de l'orbite géostationnaire

Le satellite expérimental chinois Shijian 21, lancé en 2021, modifie son orbite fin décembre 2021 de maniÚre à s'approcher du satellite de navigation Beidou 2-G2 tombé en panne sur son orbite géostationnaire. En , il s'amarre au satellite défaillant puis modifie son orbite avant de le relùcher sur une orbite cimetiÚre. C'est le premier exemple de nettoyage de l'orbite géostationnaire réalisé à l'aide d'un engin spatial[75].

Enjeux juridiques

Bien que la plupart des acteurs importants du spatial tels que l’Agence spatiale europĂ©enne ou la NASA cherchent Ă  s’y conformer, les rĂšgles de bonne conduite adoptĂ©es pour limiter le risque dĂ» aux dĂ©bris ne font pas office de lois. Certaines agences spatiales reconnaissent donc leur devoir moral de prĂ©servation de l’espace ; elles respectent les rĂšgles fixĂ©es afin de montrer le bon exemple et par souci de leur rĂ©putation, mais elles ne sont contraintes par aucune obligation formelle. Afin d’assurer le respect systĂ©matique des rĂšgles, il serait nĂ©cessaire d’instaurer un cadre juridique international ainsi que des lois nationales, qui sont Ă©galement trĂšs rares aujourd’hui. D’aprĂšs le site officiel du CNES[53], la France est le seul pays Ă  avoir adoptĂ© une loi traitant des dĂ©bris spatiaux (la Loi sur les opĂ©rations spatiales, promulguĂ©e en 2010).

Le cadre lĂ©gal international en vigueur actuellement est fondĂ© sur le TraitĂ© de l’espace, signĂ© en 1967. Ce document ne traite pas explicitement des dĂ©bris spatiaux, qui ne constituaient pas encore une menace importante Ă  l’époque de son adoption. Les articles qui le constituent sont par consĂ©quent difficiles Ă  interprĂ©ter et Ă  appliquer dans le cadre de cette problĂ©matique. L’une des difficultĂ©s principales concerne la question de la responsabilitĂ© en cas d’accidents causĂ©s par des dĂ©bris spatiaux. En effet, selon la rĂ©glementation actuelle, le pays qui lance un satellite est responsable des dommages causĂ©s par cet engin sur des objets appartenant Ă  d’autres États[76]. Une telle directive paraĂźt claire Ă  premiĂšre vue ; il est cependant trĂšs difficile, en pratique, de dĂ©terminer l’origine d’un dĂ©bris spatial puisque seuls les dĂ©bris les plus gros (>10 cm) peuvent ĂȘtre suivis depuis le sol. De plus, pour les accidents survenus dans l’espace, le pays qui dĂ©pose une plainte doit ĂȘtre capable de prouver que l’État propriĂ©taire de l’objet impliquĂ© a commis une faute (par exemple une erreur de construction)[76]. En l’absence de lĂ©gislation globale sur la construction et la gestion des missions spatiales, dĂ©finir de telles erreurs est dĂ©licat, et les dĂ©montrer lors d’un accident relĂšve souvent de l’impossible.

Outre la question de la responsabilitĂ© en cas d’accident, d’autres enjeux juridiques complexes sont soulevĂ©s par le dĂ©veloppement de techniques actives de dĂ©sorbitation. En effet, le TraitĂ© de l’espace prĂ©voit que chaque pays conserve la propriĂ©tĂ© et le contrĂŽle des satellites qu’il met en orbite[76]. Cela pose un problĂšme pour le retrait actif, puisqu’aucun objet ne peut ĂȘtre dĂ©sorbitĂ© sans l’autorisation du pays qui l’a lancĂ©. De plus, des informations dĂ©taillĂ©es sur le satellite en fin de vie doivent ĂȘtre divulguĂ©es Ă  l’organisme responsable de sa dĂ©sorbitation, ce qui porte prĂ©judice Ă  la propriĂ©tĂ© intellectuelle et Ă  la confidentialitĂ©[76]. Le manque de dispositions lĂ©gales constatĂ© aujourd’hui et les difficultĂ©s d’interprĂ©tation des lois existantes permettent ainsi de mettre en Ă©vidence des enjeux juridiques complexes intrinsĂšques Ă  la problĂ©matique des dĂ©bris spatiaux. Aboutir Ă  un cadre juridique international constitue donc l’un des dĂ©fis qu’il faut relever rapidement afin de rĂ©soudre les problĂšmes liĂ©s Ă  la prolifĂ©ration incontrĂŽlĂ©e de ces dĂ©bris.

ÉvĂ©nements remarquables

ÉvĂ©nements ayant contribuĂ© Ă  crĂ©er un volume significatif de dĂ©bris

Les dix événements ayant généré le plus grand nombre de débris, catalogués par l'USSTRATCOM[19]
Date
de l'événement
Date
de lancement
Lanceur et/ou satellite
impliqué
Altitude
de l'événement
DĂ©bris
catalogués
DĂ©bris restant
(début 2016)
Origine de l'événement
20071999Drapeau de la RĂ©publique populaire de Chine Fengyun-1C850 km34282880Collision volontaire (test anti-satellite)
20091993Drapeau de la Russie Cosmos 2251790 km16681141Collision accidentelle avec Iridium 33
19961994Drapeau des États-Unis Étage HAPS fusĂ©e Pegasus
(lancement STEP-2
625 km75484Explosion accidentelle du rĂ©servoir
20091997Drapeau des États-Unis Iridium 33790 km628364Collision accidentelle avec Cosmos 2251
19861986Drapeau de l'URSS Cosmos 2421410 km5090Inconnue
19861986Europe 3e Ă©tage Ariane 1
lancement SPOT-1
805 km49832Explosion du rĂ©servoir
19651965Drapeau des États-Unis Étage Transtage Titan III
lancement LCS 2
740 km47333Explosion accidentelle du rĂ©servoir
20001999Drapeau de la RĂ©publique populaire de Chine TroisiĂšme Ă©tage Longue Marche 4
et satellite CBERS 1
740 km431210Double explosion accidentelle du rĂ©servoir
19701970Drapeau des États-Unis Étage Agena
lancement Nimbus 4
1 075 km376235Explosion accidentelle du rĂ©servoir
20012001Drapeau de l'Inde Dernier Ă©tage PSLV
lancement TES
670 km37280Explosion accidentelle du rĂ©servoir
Trajectoires de débris spatiaux autour de la Terre.
Orbite des débris du Fengyun-1C détruit lors d'un essai antisatellite chinois en 2007.

De 1967 Ă  1988, l'Union soviĂ©tique lança des satellites espions RORSAT alimentĂ©s par rĂ©acteur nuclĂ©aire. À la fin de leur mission, ils Ă©jectaient leur cƓur sur une orbite de plusieurs siĂšcles de durĂ©e de vie. Durant et aprĂšs cette Ă©jection, des fuites de fluide caloporteur NaK se sont produites, dispersant des gouttes entre 850 et 1 000 km d'altitude. Ces dĂ©bris, au nombre d'environ 110 000, d'une taille allant jusqu'Ă  cm et d'une masse totale de 165 kg, reprĂ©sentent encore aujourd'hui un danger pour les objets en orbite basse (ils furent dĂ©tectĂ©s par LDEF dont l'apogĂ©e Ă©tait Ă  580 km)[77]. De plus, il est possible qu'ils aient percutĂ© les radiateurs des RORSAT en orbite de rebut, provoquant de nouvelles fuites de NaK[78].

Parmi les autres événements ayant produit un nombre de débris significatifs ou impliquant un débris spatial figurent :

  • en dĂ©cembre 1991, un satellite Kosmos aurait Ă©tĂ© touchĂ© par l'un de ses jumeaux selon des informations amĂ©ricaines ;
  • le , un fragment d'un troisiĂšme Ă©tage d'une fusĂ©e Ariane qui avait explosĂ© en vol dix ans auparavant percute le microsatellite français Cerise ;
  • le , un Ă©tage d'une fusĂ©e Thor a Ă©tĂ© percutĂ© par un dĂ©bris chinois[79] ;
  • une des plus grandes crĂ©ations de dĂ©bris ne fut pas accidentelle : elle est due Ă  un essai de missile anti-satellite chinois le causant la destruction de Fengyun-1C. Il provoqua la crĂ©ation de 2 300 dĂ©bris de taille observable (c.-Ă -d. de quelques centimĂštres, dĂ©compte de dĂ©cembre 2007) et d'aprĂšs les estimations, 35 000 dĂ©bris d'au moins cm et plus d'un million de dĂ©bris d'au moins mm. Cet Ă©vĂ©nement est plus prĂ©judiciable que les prĂ©cĂ©dents essais de telles armes car il eut lieu Ă  une altitude plus Ă©levĂ©e (850 km) qui engendre une durĂ©e de prĂ©sence en orbite d'au moins 35 ans. En juin 2007, le satellite Terra fut le premier Ă  devoir ĂȘtre dĂ©viĂ© pour lui Ă©viter d'ĂȘtre touchĂ© par ces dĂ©bris[80] ;
  • quelques mois plus tard, les AmĂ©ricains rĂ©alisent Ă©galement une destruction volontaire d'un satellite espion, l'USA-193 ; le radar Sea-based X-band Radar dĂ©nombre 169 dĂ©bris gĂ©nĂ©rĂ© par la destruction du satellite ;
  • un Ă©vĂ©nement d'une ampleur similaire survint le quand le dernier Ă©tage d'un lanceur russe Briz-M explose en orbite au-dessus de l'Australie. La fusĂ©e avait Ă©tĂ© lancĂ©e le transportant un satellite de communication Arabsat-4A, mais un dysfonctionnement l'empĂȘche d'achever la mise en orbite et il resta en orbite elliptique avec une grande quantitĂ© d'imbrĂ»lĂ©s hypergoliques corrosifs. L'explosion fut photographiĂ©e par plusieurs astronomes, les observations radar n'ont pu Ă©tablir prĂ©cisĂ©ment la trajectoire des dĂ©bris Ă  cause du caractĂšre de leur orbite. Bien que d'une ampleur semblable au test chinois, le nuage de dĂ©bris passe par une altitude moindre et une grande partie des 1 100 dĂ©bris identifiĂ©s retombĂšrent dans l'atmosphĂšre rapidement[81] - [82]. Une autre dislocation venait juste d'ĂȘtre observĂ©e le 14 fĂ©vrier prĂ©cĂ©dent[83], ce qui en fait trois en l'espace de deux mois. Il y en avait eu 8 dans l'annĂ©e 2006, ce qui n'Ă©tait jamais arrivĂ© depuis 1993[84] ;
  • le , un Ă©norme nuage de dĂ©bris spatiaux se forme Ă  la suite de l'explosion mi-octobre du bloc d'accĂ©lĂ©ration d'une fusĂ©e Proton-M, lancĂ©e dĂ©but aoĂ»t, ayant Ă©chouĂ© Ă  mettre en orbite deux satellites de tĂ©lĂ©communications en raison d'une dĂ©faillance technique[85] ;
  • en mars 2019, l'Inde procĂšde Ă  un tir de destruction sur son satellite MicroSat-R en orbite basse gĂ©nĂ©rant quantitĂ© de dĂ©bris[86] - [87] mettant en pĂ©ril l'ISS[88] ;
  • le , la Russie a effectuĂ© un tir d’essai contre l’un de ses vieux satellites en orbite, ce qui a Ă©tĂ© confirmĂ© dans un communiquĂ©[89]. Ce test fait l'objet de critiques de plusieurs agences spatiales, en particulier de la NASA, et met en danger potentiel l'Ă©quipage de l'ISS[90].

Ainsi, alors que jusqu'en 2007, la courbe de croissance du nombre de débris était linéaire (environ 200 nouveaux objets par an), ces évÚnements ont généré une courbe de croissance exponentielle[26].

Des tirs antisatellites ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© menĂ©s par seulement quatre nations (États-Unis, Chine, Inde et Russie). Ces tests sont trĂšs critiquĂ©s en raison des nombreux dĂ©bris qu'ils gĂ©nĂšrent[89]. En mai 2022, les États-Unis annoncent qu'ils interdiront tout nouveau test de tir antisatellite amĂ©ricain[91].

Impacts de débris notables

Schéma de la collision entre Cerise et un débris.
Représentation de l'impact sur le satellite Cerise.

La premiÚre collision connue entre un satellite et un débris spatial catalogué remonte à 1996 et concerne le satellite militaire français Cerise : le débris heurte à une vitesse relative de 14,8 km/s la partie supérieure de la perche au bout de laquelle se situe la masse permettant de stabiliser le satellite par gradient de gravité[92].

Lottie Williams est la premiĂšre et la seule personne Ă  ce jour (septembre 2008) Ă  avoir Ă©tĂ© touchĂ©e par un dĂ©bris spatial d'origine humaine. Alors qu'elle se promenait dans un parc de Tulsa dans l'Oklahoma, le Ă  3 h 30, elle remarqua une lueur dans le ciel qu'elle prit pour une Ă©toile filante. Quelques minutes plus tard, elle fut frappĂ©e Ă  l'Ă©paule par un objet mĂ©tallique sombre de 15 cm qui s'avĂ©ra, plus tard ĂȘtre une piĂšce de rĂ©servoir d'une fusĂ©e Delta II lancĂ©e en 1996. Elle ne fut pas blessĂ©e[93].

Notes et références

Notes

  1. La station dispose d'un blindage capable de rĂ©sister aux objets dont la taille est infĂ©rieure Ă  cm, tandis que les objets de plus de 10 cm, dont l'orbite est connue, sont Ă©vitĂ©s par des petits changements d'orbite.
  2. C'est-à-dire que la capacité du SAFER permet théoriquement à un astronaute qui s'éloignerait de la station spatiale à la vitesse de 1 m/s d'annuler cette vitesse puis de repartir dans la direction inverse à 1 m/s et enfin d'annuler cette vitesse lorsqu'il est sur le point d'aborder la station.

Références

  1. « La grande menace des débris en orbite autour de la Terre », sur Le Figaro, (consulté le ).
  2. Dominique Gallois et Pierre BarthĂ©lĂ©my, « L’espace, une gigantesque poubelle de dĂ©bris spatiaux au-dessus de nos tĂȘtes », sur Le Monde, (consultĂ© le ).
  3. Droit français : arrĂȘtĂ© du relatif Ă  la terminologie des sciences et techniques spatiales.
  4. La pollution spatiale sous surveillance, p. 62.
  5. (en) P. Anz-Meador, « Debris by the Numbers », Orbital Debris Quarterly News, vol. 23, nos 1 et 2,‎ , p. 14 (lire en ligne [PDF]).
  6. (en) J.C. Liou, M. Kieffer, A. Drew et A. Sweet, « The 2019 U.S. Government Orbital Debris Mitigation Standard Practices », Orbital Debris Quarterly News, vol. 24, no 1,‎ , p. 16 (lire en ligne [PDF]).
  7. (en) P. Anz-Meador, « Fifty-first SOZ Unit Breaks Up », Orbital Debris Quarterly News, vol. 24, no 1,‎ , p. 16 (lire en ligne [PDF]).
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  9. (en) P. Anz-Meador, « Three Recent Breakup Events », Orbital Debris Quarterly News, vol. 24, no 2,‎ , p. 12 (lire en ligne [PDF]).
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Divers

Voir aussi

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Liens externes

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