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RĂ©gence de Marie-Christine de Bourbon

La rĂ©gence de Marie-Christine de Bourbon est la pĂ©riode de l’histoire politique de l’Espagne faisant suite au rĂšgne de Ferdinand VII, aprĂšs la mort de ce dernier en septembre 1833, et prĂ©cĂ©dant la rĂ©gence d'Espartero, oĂč la rĂ©gence du royaume fut assumĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Baldomero Espartero Ă  partir de 1840. Au cours de cette pĂ©riode, la reine Isabelle II Ă©tant mineure, les fonctions de la couronne furent assumĂ©es par sa mĂšre Marie-Christine de Bourbon-Siciles, veuve du roi.

Au cours de la rĂ©gence, Marie-Christine dut faire face Ă  la premiĂšre guerre carliste dĂ©clenchĂ©e par les partisans de l’infant Charles de Bourbon, frĂšre du roi dĂ©funt et prĂ©tendant lĂ©gitimiste au trĂŽne d’Espagne, qui ne reconnaissaient pas comme monarque la jeune Isabelle. Pour contrer les carlistes, dĂ©fenseurs de l’absolutisme, la rĂ©gente du faire des concessions au libĂ©raux, qui appuieraient en Ă©change la cause isabelline. Les rĂ©formes menĂ©es entre 1835 et 1837 mirent un terme Ă  l’Ancien RĂ©gime et Ă  la monarchie absolue. AprĂšs le Triennat modĂ©rĂ© de 1837-1840 et le triomphe de l’armĂ©e gouvernementale dans la guerre carliste, les progressistes menĂšrent une rĂ©volution qui obligea Marie-Christine Ă  prendre l’exil, la rĂ©gence Ă©tant alors assumĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Espartero.

Contexte : fin du rĂšgne de Ferdinand VII et conflit de succession (1830-1833)

Portrait Ă©questre de Ferdinand VII en 1829.

Ainsi, comme au cours du Triennat libĂ©ral (1820-1823) s’était produite une scission des libĂ©raux entre « modĂ©rĂ©s » et « exaltĂ©s », durant la seconde restauration de l’absolutisme — la dite DĂ©cennie abominable, qui constitua la derniĂšre pĂ©riode du rĂšgne de Ferdinand VII — ce furent les absolutistes qui se divisĂšrent entre « rĂ©formistes » — partisan d’« adoucir » l'absolutisme en suivant les avertissement de la Quadruple Alliance et de la France de la Restauration — — dont l’intervention militaire avait mis fin Ă  la brĂšve expĂ©rience de monarchie constitutionnelle du Triennat libĂ©ral — et les « ultras » [
], qui dĂ©fendaient la restauration complĂšte de l’absolutisme, incluant le rĂ©tablissement de l’Inquisition que Ferdinand VII, sous la pression des puissances europĂ©ennes, n’avait pas rĂ©instituĂ© aprĂšs son abolition par les libĂ©raux au cours du Triennat. Les ultras — Ă©galement appelĂ©s « apostoliques », « ultra-royalistes » ou « ultra-absolutistes » — avaient dans le frĂšre du roi, Charles de Bourbon — Carlos de BorbĂłn, hĂ©ritier du trĂŽne car Ferdinand VII, aprĂšs trois mariages, n’avait pas rĂ©ussi Ă  avoir de descendance —, leur principal protecteur, raison pour laquelle on les appela quelquefois « carlistes »[1].

Pragmatique Sanction et naissance d’Isabelle

AprĂšs la mort soudaine de sa troisiĂšme Ă©pouse Marie-JosĂšphe de Saxe le 19 mai 1829, le roi annonça quatre mois plus tard — le 26 septembre — qu’il allait se marier de nouveau[2] - [3] - [4] - A_punto_de_cumplir_cuarenta_y_cinco_años,_Fernando,_muy_grueso,_casi_calvo_y_con_dificultades_para_moverse_presentaba_un_aspecto_avejentado''_5-0">[5], avec la princesse napolitaine Marie-Christine de Bourbon-Siciles, sa niĂšce de 22 ans moins ĂągĂ©eDesestimĂł_los_intentos_de_la_cuñada_de_Carlos,_la_[[Marie-ThĂ©rĂšse_de_Portugal_(1793-1874)|princesa_de_Beira]],_por_convertirse_en_su_esposa._Tras_la_devota_y_aburrida_Amalia,_Fernando_[avejentado_por_la_enfermedad]_no_deseaba_cargar_con_esta_portuguesa_viuda,_mandona_y_poco_agraciada._Su_elegida_es_una_joven_y_atractiva_napolitana,_MarĂ­a_Cristina,_de_quien_parece_haberse_enamorado_ya_por_carta''_6-0">[6] - [[Louise-Charlotte_de_Bourbon-Siciles|Luisa_Carlota]]_[Ă©pouse_du_frĂšre_cadet_du_roi_[[François_de_Paule_de_Bourbon_(1794-1865)|François_de_Paule_de_Bourbon]]]_batallĂł_a_favor_de_su_hermana_MarĂ­a_Cristina..._Parece_que_la_elecciĂłn_fue_obra_personal_del_rey,_a_quien_se_atribuyen_estas_palabras:_'otras_veces_me_han_casado,_ahora_me_caso_yo'._A_juzgar_por_la_mayor_parte_de_los_testimonios,_el_principal_motivo_de_Fernando_para_inclinarse_por_MarĂ­a_Cristina,_de_veintitrĂ©s_años_de_edad,_fue_su_aspecto_fĂ­sico''_7-0">[7]. Ils se mariĂšrent par procuration le 9 dĂ©cembre — le mariage fut ratifiĂ© le 11 —[8] et le 31 mars suivant, le monarque rendait publique la Pragmatique Sanction de 1789 (es) approuvĂ©e au dĂ©but du rĂšgne de son pĂšre Charles IV qui abolissait le rĂšglement de succession de 1713 (es) qui avait Ă©tabli en Espagne la loi salique, qui interdisait aux femmes de prĂ©tendre Ă  la succession au trĂŽne. Ainsi, Ferdinand VII s’assurait que, s’il parvenait enfin Ă  avoir une descendance, son fils ou sa fille lui succĂšderait.

DĂ©but mai 1830, un mois aprĂšs la promulgation de la Pragmatique, la grossesse de Marie-Christine fut annoncĂ©e et le 10 octobre naquit une enfant, Isabelle II, si bien que l’infant Charles de Bourbon fut privĂ© de la succession qui jusque lĂ  lui incombait, Ă  la grande consternation de ses partisans ultra-absolutistes, dĂ©jĂ  dĂ©signĂ©s comme « carlistes »[9] - [10] - [11]. Selon Juan Francisco Fuentes, « il est trĂšs possible que l’empressement du roi pour rĂ©soudre le problĂšme successoral ait Ă  voir avec ses doutes sur le rĂŽle que jouait ces derniers temps son frĂšre don Carlos [
]. Ses problĂšmes de santĂ© continus et son vieillissement prĂ©maturĂ© — en 1829 il avait 45 ans — durent le persuader qu’il ne lui restait guĂšre de temps. Selon son mĂ©decin, Ferdinand fit en privĂ© cette confession inĂ©quivoque : "Il faut que je me marie dĂšs que possible" »[12].

Francisco Cea BermĂșdez, absolutiste « rĂ©formiste », nouveau secrĂ©taire du Bureau d’État Ă  partir d’octobre 1832, aprĂšs les Ă©vĂ©nements de La Granja.

ÉvĂ©nements de La Granja de septembre 1832

Les carlistes, qui furent pris par surprise par la publication de la Pragmatique de 1789Cuando_se_publicĂł_oficialmente,_el_31_de_marzo_de_1830,_no_hubo_ninguna_protesta_en_el_paĂ­s:_el_propio_Carlos_callĂł_y_siguiĂł_acudiendo_al_consejo_de_Estado,_como_si_nada_hubiese_ocurrido._En_la_sombra,_sin_embargo,_el_partido_carlista_preparaba_sus_intentonas''_13-0">[13], ne se rĂ©signĂšrent nĂ©anmoins pas Ă  ce que la trĂšs jeune Isabelle devĂźnt la future reine et tentĂšrent de profiter de l’occasion de l’aggravation de l'Ă©tat de santĂ© de Fernando VII — qui se trouvait convalescent au palais royal de la Granja de San Ildefonso (province de SĂ©govie) le 16 septembre 1832 —Mientras_la_familia_real_veraneaba_en_La_Granja,_Fernando_padeciĂł_entonces_una_sucesiĂłn_de_ataques_de_[[Goutte_(maladie)|gota]]_que_se_complicaron_gravemente_a_mediados_de_septiembre,_hasta_el_punto_de_hacer_pensar_en_su_prĂłxima_muerte''_14-0">[14]. Son Ă©pouse la reine Marie-Christine, sous la pression des ministres « ultras » — le comte de La Alcudia et Calomarde — et de l’ambassadeur du royaume de Naples — soutenu par l'ambassadeur autrichien, qui manigance dans l’ombre —,[15], et trompĂ©e par ces derniers qui lui assurĂšrent que l'armĂ©e ne l'appuierait pas dans sa rĂ©gence lorsque mourrait le roi, et cherchant Ă  Ă©viter une guerre civile comme elle l’assura postĂ©rieurement, influença son Ă©poux afin qu’il rĂ©vocĂąt la Pragmatique Sanction du 31 mars 1830. Le 18 septembre, le roi signa l’annulation de la loi salique[16] - [17]. De façon inattendue, le roi retrouva toutefois la santĂ© et destitua son gouvernement le 1er octobre. Le 31 dĂ©cembre il annulait dans un acte solennel le dĂ©cret dĂ©rogatoire qui n’avait jamais Ă©tĂ© publiĂ© — le roi l’ayant signĂ© Ă  condition qu'il n’apparaisse pas dans le bulletin officiel La Gaceta de Madrid jusqu’à sa mort — mais que les carlistes s’étaient chargĂ©s de divulguer. Ainsi, la princesse Isabelle, ĂągĂ©e de deux ans, devenait de nouveau hĂ©ritiĂšre au trĂŽne[16] - [17] - El_parcial_restablecimiento_del_rey_y_la_apariciĂłn_de_las_'fuerzas_vivas'_de_la_corte_en_el_real_sitio,_dando_muestras_evidentes_de_que_ni_la_vieja_aristocracia_feudal_ni_la_burguesĂ­a_querĂ­an_un_gobierno_ultra,_devolvieron_a_Fernando_la_confianza_suficiente_para_derogar_la_derogaciĂłn_y_echar_del_gobierno_a_Alcudia_y_Calomarde,_mĂĄs_bien_cĂłmplices_que_protagonistas_del_episodio''_18-0">[18] - [19] - [20].

Gouvernement de Cea BermĂșdez: rĂ©formes, amnistie et conflit

Le nouveau gouvernement nommĂ© le 1er octobre 1832, menĂ© par l’absolutiste rĂ©formiste Francisco Cea BermĂșdez au poste de secrĂ©taire du Bureau d’État, et dont les ultras avaient Ă©tĂ© Ă©cartĂ©s, prit immĂ©diatement une sĂ©rie de mesures pour favoriser un rapprochement des libĂ©raux modĂ©rĂ©s ; c’est ainsi que fut entamĂ©e une transition politique, qui se poursuivrait aprĂšs la mort du roi lors de la rĂ©gence de Marie-Christine. Les universitĂ©s, fermĂ©es par le ministre Calomarde pour Ă©viter la « contagion » de la rĂ©volution de juillet en France rĂ©ouvrirent et fut promulguĂ©e une amnistie qui permettait le retour en Espagne d'une bonne partie des libĂ©raux exilĂ©s. De plus, le gouvernement crĂ©a le 5 novembre le nouveau MinistĂšre de l'Équipement gĂ©nĂ©ral du Royaume (« Ministerio de Fomento General del Reino »), un projet « rĂ©formiste » qui avait rencontrĂ© le refus des « ultras » pendant deux annĂ©es«_Tampoco_lo_toleraron_Calomarde,_que_tras_la_reforma_de_1827_habĂ­a_conseguido_poner_a_la_policĂ­a_bajo_la_dependencia_del_Ministerio_de_Gracia_y_Justicia_que_Ă©l_encabezaba,_ni_los_capitanes_generales,_en_modo_alguno_dispuestos_a_dejar_de_ser_la_mĂĄxima_autoridad_militar_y_civil_en_las_provincias_»_21-0">[21]. Enfin, le 10 novembre il destitua cinq capitaines gĂ©nĂ©raux ultra-absolutistes partisans de l'infant Charles par d'autres adeptes du gouvernement, qui reçurent l'ordre de contrĂŽler — et de dĂ©sarmer si cela s'avĂ©rait nĂ©cessaire — les volontaires royalistes[22].

AprĂšs leur mise Ă  l'Ă©cart du pouvoir, les ultra-absolutistes, s'appuyant sur le corprs des Volontaires royalistes, s’affrontĂšrent avec le nouveau gouvernement. Le frĂšre du roi refusa de prĂȘter serment d’allĂ©geance Ă  Isabelle comme princesse des Asturies et hĂ©ritiĂšre au trĂŽne d’Espagne, raison pour laquelle le roi l'obligea Ă  abandonner le pays. Ainsi, le 16 mars 1833, Charles de Bourbon et sa famille partirent au Portugal. Quelques mois plus tard mourait Ferdinand VII et commençait la premiĂšre guerre carliste, guerre pour la succession Ă  la couronne entre les partisans d'Isabelle et sa mĂšre, et les « carlistes », partisans de son oncle Charles[23].

Transition politique et guerre civile (1833-1835)

DĂ©but de la guerre carliste

Figurine contemporaine (1834) de Marie-Christine portant dans ses bras Isabelle II.
L’infant Charles de Bourbon, prĂ©tendant carliste.

Le 1er octobre 1833, Charles de Bourbon, frĂšre du roi Ferdinand VII rĂ©cemment dĂ©cĂ©dĂ©, s’auto-proclama roi d’Espagne sous le nom de Charles V, sans reconnaĂźtre sa niĂšce Isabelle comme nouvelle reine ni sa mĂšre Marie-Christine de Bourbon-Siciles comme rĂ©gente — c’est-Ă -dire reine en fonction —, ainsi que l’avait Ă©tabli le testament du roi dĂ©funt. Don Carlos — comme l'appelaient ses partisans — lança son appel depuis Abrantes, au Portugal, Ă  travers un manifeste dans lequel, aprĂšs avoir manifestĂ© sa douleur pour la mort de son frĂšre et demander « Ă  Dieu de lui donner sa sainte gloire », il affirme, « loin de convoiter des biens caducs », ne pas avoir pour ambition de prendre le trĂŽne « mais la religion, l’observance et le respect de la loi fondamentale de succession et la singuliĂšre obligation de dĂ©fendre les droits de mes fils et de tous mes aimĂ©s consanguins, me forcent Ă  soutenir et dĂ©fendre le couronne de l’Espagne »[24]

Deux jours plus tard se produisit le premier soulĂšvement carliste Ă  Talavera de la Reina (province de TolĂšde), menĂ© par l’administrateur de Correos et les volontaires royalistes de la localitĂ©. Au cours des semaines suivantes, les partisans de Charles organisĂšrent des milices dans diffĂ©rentes zones, dont l’origine remontait souvent aux partidas realistas du Triennat libĂ©ral et aux milices ultra-absolutistes actives durant la DĂ©cennie abominable. Cependant, cette insurrection Ă©parpillĂ©e, faisant usage des tactiques de la guĂ©rilla, devint une guerre civile — la premiĂšre guerre carliste — aprĂšs que tout au long de 1834 les milices devinrent une vĂ©ritable armĂ©e, grĂące Ă  l’incorporation de militaires professionnels, parmi lesquels Ă©mergea rapidement la figure de TomĂĄs de ZumalacĂĄrregui. DĂšs lors, le carlisme reprĂ©senta une menace militaire rassemblant environ 40 000 combattants et faisant face Ă  environ 45 000 de l’armĂ©e rĂ©guliĂšre — dont la majoritĂ© des officiers Ă©taient restĂ©s fidĂšles Ă  la rĂ©gente et Ă  la reine Isabelle II, alors ĂągĂ©e de trois ans —[25].

Toutefois, la guerrre carliste fut beaucoup plus qu’un simple conflit dynastique. Ce qui Ă©tait en jeu Ă©tait en rĂ©alitĂ© le type de rĂ©gime politique et social qui devrait rĂ©gir l'Espagne. Les rangs carlistes Ă©taient formĂ©s des absolutistes « intransigeants », qui avaient surgi dans la derniĂšre dĂ©cennie du rĂšgne de Ferdinand VII — avec des Ă©pisodes comme la rĂ©gence d'Urgell (1822) ou la guerre des MĂ©contents (1827) — tandis que les partisans d’Isabelle et Marie-Christine regroupaient les absolutistes « rĂ©formistes », qui trĂšs vite, face Ă  la persistence du soulĂšvement carliste — spĂ©cialement au Pays basque et en Navarre, mais aussi en Catalogne, en Aragon et au Pays valencien —, durent chercher l’appui des modĂ©rĂ©s, dont un grand nombre Ă©taient revenus d’exil grĂące Ă  l’amnistie approuvĂ©e en octobre 1832, aprĂšs les Ă©vĂ©nements de La Granja[26].

Immobilisme ou réformisme : Javier de Burgos et Martínez de la Rosa

La rĂ©gente Marie-Christine confirma dans son poste Ă  la tĂȘte du gouvernement l’absolutiste rĂ©formiste Cea BermĂșdez. Celui-ci devait poursuivre la politique de despotisme Ă©clairĂ©, pour Ă©viter des changements politiques en profondeur qui mettraient fin au pouvoir absolu du roi et l’« ordre traditionnel ». Comme l’exprima la rĂ©gente dans un manifeste, Ă©crit par Cea et rendu public le 4 octobre[26][27] :

« J’ai la plus intime satisfaction que ce soit un devoir pour moi de conserver intact le dĂ©pĂŽt de l’autoritĂ© royale que l’on m’a confiĂ©. Je maintiendrai religieusement la forme et les lois fondamentales de la Monarchie, sans admettre d’innovations pĂ©rilleuses [qui], bien que sĂ©duisantes dans un premier temps, [ont] dĂ©jĂ  excessivement [Ă©tĂ©] Ă©prouvĂ©es pour notre malheur. La meilleure forme de gouvernement d’un pays est celle Ă  laquelle il est accoutumĂ©. »

Gravure représentant Javier de Burgos.

Face au virage immobiliste de Cea BermĂșdez — qui estimait qu’avec l’amnistie bien assez de concessions avaient Ă©tĂ© faites au libĂ©raux —, Javier de Burgos, un afrancesado qui depuis le 21 octobre occupait le nouveau ministĂšre de l’Équipement (Fomento), menait le secteur du gouvernement partisan d’aller plus loins dans l’ouverture politique et de mener Ă  terme une « rĂ©forme d’en haut » qui dĂ©mantĂšlerait certains Ă©lĂ©ments de l’Ancien RĂ©gime et qui, sans remettre en question les pouvoirs absolus de la Couronne, introduirait un certain systĂšme reprĂ©sentatif. De Burgos fut prĂ©cisĂ©ment Ă  l’origine de la mesure la plus marquante de ce gouvernement, qui aurait de grandes rĂ©percussions historiques : la nouvelle division provinciale de l’Espagne, aprouvĂ©e par dĂ©cret royal le 30 novembre 1833 et qui « assit les bases de l’Administration publique espagnole » qui serait Ă  la base de la centralisation de l’État libĂ©ral dans le pays[28].

Il apparaissait de plus en plus Ă©vident que des rĂ©formes administratives seules ne suffiraient pas Ă  faire face Ă  la menace du carlisme — et, secondairement, des libĂ©raux de retour d'exil —, Ă  cause notamment du dĂ©ficit croissant dans le budget de l’État et l’augmentation de la dette publique. Le 25 dĂ©cembre 1833, le capitaine gĂ©nĂ©ral de Catalogne, Manuel Llauder, dont la politique prĂ©ventive de dĂ©sarmement des volontaires royalistes — formĂ©s selon lui « de la classe le plus abjecte de la populace » — avait retardĂ© la participation de la rĂ©gion Ă  la rĂ©volte carliste, envoya un manifeste Ă  la rĂ©gente en la pressant de destituer l’inopĂ©rant Cea BermĂșdez, proposition qui fut appuyĂ©e par le capitaine gĂ©nĂ©ral de Vieille-Castille, Vicente Jenaro de Quesada. Suivant ses recommandations, Marie-Christine destitua Cea le 15 janvier 1834 et le remplacĂ© par le libĂ©ral modĂ©rĂ© Francisco MartĂ­nez de la Rosa, qui maintint de Burgos Ă  son ministĂšre[29].

Ce fut prĂ©cisĂ©ment ce dernier qui, le nouveau gouvernement tout juste formĂ©, commença la « rĂ©forme depuis le haut » Ă  travers les larges compĂ©tences de son ministĂšre. Il mit ainsi en pratique le programme Ă©conomique libĂ©raliste qu’il avait dĂ©fini fin 1833 dans les instructions aux sous-dĂ©lĂ©guĂ©s de Fomento (futurs gouverneurs civils). Le 20 janvier 1834, il promulga un dĂ©cret qui implantĂ© la libertĂ© d’industrie et supprimait le monopole de l’activitĂ© artisanales dont jouissaient les gremios (corporations remontant Ă  l’époque mĂ©diĂ©vale). Ces derniers furent maintenus dans un premier temps afin que ses membres puissent continuer de coopĂ©rer dans leurs activitĂ©s ; certains de leurs aspects, comme l’apprentissage et les examens d’entrĂ©e furent maintenus. Les gremios furent dĂ©finitivement dissous deux ans plus tard, aprĂšs le triomphe de la rĂ©volution libĂ©rale. Un autre dĂ©cret, du 29 octobre, Ă©tablissait la libertĂ© de commerce. Il fut prĂ©cĂ©dĂ© le 20 du mĂȘme mois d’un autre qui mettait fin aux ordonnances qui limitaient l’activitĂ© des Ă©leveurs. Toutes ces mesures rĂ©pondait aux « aspirations de certains secteurs Ă©conomiques qui deviendront le potentiel substrat sociologique d’appui au rĂ©gime, parmi lesquels commerçants, hommes d’affaires ou cultivateurs, pour qui la libĂ©ralisation Ă©conomique, la formation du marchĂ© national et la disparition des entraves juridiques de l'Ancien RĂ©gime Ă©tait une question indispensable »[30].

Francisco MartĂ­nez de la Rosa, sur un tableau conservĂ© Ă  l’AthĂ©nĂ©e de Madrid.

Statut royal de 1834

Sur le terrain politique, le projet du gouvernement de MartĂ­nez de la Rosa, appuyĂ© par Javier de Burgos, fut d’entamer une transition de l’absolutisme vers un rĂ©gime reprĂ©sentatif qui, selon les mots du marquis de Miraflores — un autre modĂ©rĂ© —, consister Ă  « suivre le chemin des rĂ©formes commencĂ©es, mais sans essayer le moins du monde de variation des formes de gouvernement ». De la sorte, le gouvernement prĂ©tendait rĂ©soudre la contradiction existante au sein du camp des partisans de Marie-Christine (les cristinos) : qu’une monarchie absolue cherche l’appui des libĂ©raux qui prĂ©tendaient la transformer en une monarchie constitutionnelle. La piĂšce maĂźtresse de cette stratĂ©gie rĂ©formiste fut la promulgation le 19 avril 1834 du Statut royal, une sorte de charte octroyĂ©e (es) — sur le modĂšle de la Charte constitutionnelle de 1814 de la France — par laquelle on crĂ©ait de nouvelles Cortes, Ă  mi-chemin entre celles d’Ancien RĂ©gime et les libĂ©rales, car elles Ă©taient formĂ©es de deux chambres : un ordre des Pairs (es) — ou chambre haute, sur le modĂšle de la Chambre des Lords britannique —, dont les membres n’étaient pas Ă©lus mais choisis par la Couronne au sein de la noblesse et des dĂ©tenteurs d’une importante fortune, et un ordre des Procureurs (es) — ou chambre basse, Ă  l’imitation de la Chambre des communes britannique —, dont les membres Ă©taient Ă©lus via un suffrage censitaire trĂšs restreint, avec un nombre d’électeurs d’un peu plus de 16 000 pour une population totale d’approximativement 12 millions d’habitants[31].

Le Statut royal n’était pas une Constitution, entre autres raisons parce qu’il n’émanait pas de la souverainetĂ© nationale, mais de la souverainetĂ© du monarque absolu, qui limitait ses pouvoirs par sa volontĂ© propre — suivant le modĂšle de la monarchie restaurĂ©e en France aprĂšs NapolĂ©on avec Louis XVIII et sa Charte de 1814 —. Avec le Statut royal on prĂ©tendait satisfaire toutes les parties du conflit, absolutistes comme libĂ©raux. Toutefois les premiers la rejetĂšrent et les seconds le trouvĂšrent si restrictif que seuls les plus conservateurs d’entre eux l’acceptĂšrent. De plus, sa base sociale Ă©tait trĂšs limitĂ©e, les personnes disposant du droit de vote reprĂ©sentant seulement autour de 0.13 % de la population espagnole[31]. Le Statut Ă©tait « le degrĂ© de reprĂ©sentation que la Couronne Ă©tait prĂȘte Ă  consentir et le degrĂ© d’ouverture dont les libĂ©raux modĂ©rĂ©s ou les secteurs rĂ©formistes Ă©taient prĂȘts Ă  se satisfaire. On institutionnalisait ainsi la transition »[32].

Alliance internationale contre le carlisme et le miguelisme

D’autre part, en avril 1834, vers les mĂȘmes dates oĂč fut promulguĂ© le Statut royal, le Gouvernement de MartĂ­nez de la Rosa parvint Ă  rĂ©unir un important soutien international face Ă  la menace du carlisme avec le signature du traitĂ© de la Quadruple-Alliance entre l’Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni et la France. En vertu de celui-ci, les deux derniers s’engageaient Ă  collaborer dans la lutte que l’Espagne et le Portugal maintenaient contre les mouvements anti-libĂ©raux du carlisme et du miguelisme, respectivement. Le traitĂ© fut complĂ©tĂ© en aoĂ»t avec la signature de plusieurs « articles additionnels » qui intensifiĂšrent l’aide matĂ©rielle pour le maintien du trĂŽne d’Isabelle II, incluant l’envoi de troupes volontaires — entre 1835 et 1837, une lĂ©gion auxiliaire britannique composĂ©e de 10 000 hommes combattit les carlistes au Pays basque, tandis que la France et le Portugal envoyĂšrent de petits contingents —[33].

Presse et imprimerie : apparition de l’opinion publique

Un autre Ă©lĂ©ment clĂ© de la transition politique envisagĂ©e par le gouvernement fut le dĂ©cret sur la presse et l’imprimerie promulguĂ© en janvier 1834 et complĂ©tĂ© d’un rĂšglement spĂ©cifique en juin de la mĂȘme annĂ©e. Le prĂ©ambule du dĂ©cret affirmait qu’il s’inspirait, comme la politique gĂ©nĂ©rale du gouvernement, d’un moyen terme entre l’« illimitĂ©e libertĂ© de la presse » et « les entraves et restrictions qu’elle a subies jusqu’ici ». Ainsi, bien que le dĂ©cret stipulĂąt les matiĂšres qui feraient l’objet d’une censure prĂ©alable, il fut suivi de l’apparition de deux journaux politiques vouĂ©s Ă  un grand avenir : El Vapor, de Barcelone, et El Eco del Comercio, de Madrid. Des Ă©crivains et journalistes commencĂšrent Ă  ĂȘtre remarquĂ©s, comme Mariano JosĂ© de Larra, RamĂłn Mesonero Romanos ou SerafĂ­n EstĂ©banez CalderĂłn et c’est ainsi qu’apparut l’opinion publique, au nom de laquelle « journaux et journalistes libĂ©raux rĂ©clamaient un changement politique dont, selon eux, le Statut royal devait ĂȘtre le point de dĂ©part et non l’objectif final », comme le pensait le gouvernement de MartĂ­nez de la Rosa[34].

La milice et le peuple

Le gouvernement entreprit Ă©galement d’autres rĂ©formes, comme celle de l’Administration civile et judiciaire de l'État qui supprima les conseils d’Ancien RĂ©gime. La plus importante fut la rĂ©implĂ©mentation de la Milice nationale du Triennat libĂ©ral, mais sous le nom de « Milice urbaine » (« Milicia Urbana ») pour Ă©viter que l’on puisse penser Ă  un retour pur et simple au libĂ©ralisme. Il s'agissait de se doter d'un corps de sĂ©curitĂ© de volontaires pour remplacer celui des Volontaires royalistes, qui avait Ă©tĂ© dĂ©sarmĂ© tout au long de 1833. Le gouvernement Ă©tablit dans le dĂ©cret de sa crĂ©ation du 16 fĂ©vrier des critĂšres trĂšs stricts pour entrer dans le corps pour s’assurer que seules les classes moyennes propriĂ©taires et professionnelles y figureraient. NĂ©anmoins, ceci n’empĂȘcha pas que de nombreux membres des classes populaires urbaines — le « peuple » par excellence dans la terminologie libĂ©rale de l’époque —, si bien que les urbanos — comme le corprs Ă©tait dĂ©signĂ© populairement — joua un rĂŽle trĂšs actif en faveur du changement dans les crises sociales et politiques qui se produisirent dans les mois et annĂ©es suivantes[35].

Le protagonisme croissant du peuple fut mis au premier plan lors de la tuerie de religieux Ă  Madrid en juillet 1834 (es). Entre le 17 et le 18 juillet, au milieu d’une terrible Ă©pidĂ©mie de cholĂ©ra qui sĂ©vissait dans la capitale, une rumeur l'attribua au fait que les frĂšres avaient empoisonnĂ© les puits. Le peuple furieux assaillit plusieurs couvents et assassina 73 religieux. Parmil les inculpĂ©s figurĂšrent 26 militaires et 23 urbanos, et la grande majoritĂ© des accusĂ©s avaient un statut social infĂ©rieur — seuls 6 sur 133 Ă©taient mentionnĂ©s avec le titre de « don », Ă  l’époque utilisĂ© comme ligne de division culturelle —[36].

Ouverture des sessions des CortÚs du Statut royal par la régente Marie-Christine le 24 juillet 1834.

Blocage des procureurs et démission de Martínez de la Rosa

Le 24 juillet 1834, une semaine aprĂšs la tuerie, la rĂ©gente Marie-Christine — fortement corsetĂ©e afin de dissimuler sa grossesse de cinq mois, fruit du mariage morganatique qu’elle avait fait trois mois aprĂšs la mort de Ferdinand VII avec le Guardia de corps (es) AgustĂ­n Fernando Muñoz y SĂĄnchez, ce qui compromettait la lĂ©gitimitĂ© de la cause isabelline — inaugura la session des nouvelles CortĂšs. Le discours de la rĂ©gente, reçu avec une grande froideur, donna lieu quelques jours plus tard Ă  une rĂ©ponse de l’Ordre des procureurs dans laquelle ils dĂ©nonçaient le « notable Ă©tat de dĂ©pression et de misĂšre » dans lequel se trouvait la nation comme consĂ©quence du « systĂšme atrabilaire » du rĂšgne antĂ©rieur. De la sorte, il devint Ă©vident que la politique de transition contrĂŽlĂ©e dĂ©fendue par le gouvernement de MartĂ­nez de la Rosa allait rencontrer une forte opposition dans l’Ordre des procureurs, en dĂ©pit du fait que, selon un observateur de l’époque, 111 d’entre eux Ă©taient favorables au gouvernement et 77 se trouvaient dans l’opposition et souhaitaient aller beaucoup plus loin.

Ces derniers, parmi lesquels d’anciens dĂ©putĂ©s aux CortĂšs du Triennat libĂ©ral qui avaient passĂ© des annĂ©es en exil, utilisĂšrent le droit de pĂ©tition reconnu dans le Statut royal pour exiger du gouvernement, entre autres mesures, la reconnaissance des « droits politiques des Espagnols » sur lesquels s’appuie « tout gouvernement reprĂ©sentatif ». Le gouvernement rĂ©pondit en dissolvant les CortĂšs de façon anticipĂ©e le 29 mai 1835, aprĂšs une session parlementaire tourmentĂ©e Ă  l’issue de laquelle MartĂ­nez de la Rosa « fut victime de plusieurs tentatives d’agression de la part de groupes exaltĂ©s »[37]. Ce dernier dĂ©missionna quelques jours plus tard[38].

Gouvernement du comte de Toreno et rĂ©voltes libĂ©rales de l’étĂ© 1835

Tranposrt de Tomås de Zumalacårregui blessé.

La guerre ne prenait pas une tournure trĂšs favorables aux cristinos, Ă©tant donnĂ© que les milices carlistes du Pays basque et de Navarre avaient rĂ©ussi Ă  s’organiser en une authentique grĂące au colonel TomĂĄs de ZumalacĂĄrregui — nommĂ© par Charles de Bourbon « marĂ©chal de camp de mes ArmĂ©es » —. Les forces carlistes en Ă©taient arrivĂ©es Ă  dominer presque tout le territoire des deux rĂ©gions — Ă  l’exception des quatre capitales de province —, ce qui leur permit de construire un embryon d’État carliste, Ă  la tĂȘte duquel se mit le roi prĂ©tendant Charles V, qui Ă©tait entrĂ© en Espagne en traversant la frontiĂšre française le 9 juillet 1834. Les carlistes tentĂšrent alors de prendre leur premiĂšre ville importante, ce qui donnerait au prĂ©tendant un important triomphe militaire et jouerait en faveur de sa propagande. En juin 1835 commença le siĂšge de Bilbao (1835) (es), au cours duquel mourut ZumalacĂĄrregui — qui s’était opposĂ© Ă  cette action et avait au contraire dĂ©fendu une attaque sur Vitoria qui serait suivie d’une offensive dans les terres castillanes —. Le site de Bilbao Ă©choua, Ă©tant levĂ© le 1er juillet par les troupes gouvernementales. De plus, ces derniĂšres vainquirent les carlistes dans la bataille de MendigorrĂ­a (es), en Navarre, la plus importante de toute la guerre[39].

José María Queipo de Llano, VIIe comte de Toreno.

Les revers initiaux dans la guerre et la dure opposition rencontrĂ©e par le gouvernement Ă  l’Ordre des procureurs, obligĂšrent le rĂ©gente Ă  ouvrir davantage le rĂ©gime. En ce sens, elle nomma le 6 juin 1835 le nouveau secrĂ©taire d’État avec fonctions de chef du gouvernement le plus libĂ©ral comte de Toreno, qui inclut dans son cabinet comme ministre du Budget Juan Álvarez MendizĂĄbal, un libĂ©ral et financier exilĂ© Ă  Londres, proche des « exaltĂ©s » du Triennat libĂ©ral. Selon Juan Francisco Fuentes, « la promotion de Toreno au poste de prĂ©sident du gouverenement et la nomination de MendizĂĄbal — tous deux des personnages de longue et inĂ©quivoque trajectoire libĂ©rale — supposaient une claire accĂ©lĂ©ration du processus de transition vers le libĂ©ralisme entamĂ© aprĂšs la mort de Ferdinand VII »[37].

En juillet Ă©clatĂšrent des Ă©meutes anticlĂ©ricales (es) en Catalogne, dont les faits les plus graves eurent lieu Ă  Reus et Ă  Barcelone, avec des incendies de couvents et des assassinats de frĂšres. Elles furent suivies de rĂ©voltes libĂ©rales et anti-carlistes qui s’étendirent dans toute l’Espagne et furent accompagnĂ©es de la formation de comitĂ©s (ou juntes) — comme en 1808 et en 1820 — qui assumĂšrent le pouvoir de fait, certaines exigeant mĂȘme la convocation de CortĂšs constituantes. Comme l’affirma l’écrivain et homme politique libĂ©ral Manuel JosĂ© Quintana Ă  son ami Lord Holland : les juntes sont « la mĂ©thode que nous avons en Espagne pour faire les rĂ©volutions ». C'est ainsi que les Ă©meutes devinrent une insurrection politique[40].

L’extension du mouvement juntero Ă  tout le pays entraĂźna la chute du gouvernement de Toreno le 14 septembre. Il fut remplacĂ© par MendizĂĄbal, qui avait intĂ©grĂ© le cabinet quelques jours auparavant aprĂšs un long voyage depuis Londres, passant par Paris, Bordeaux et Lisbonne. Juan Francisco Fuentes souligne Ă  propos du mouvement juntero l’importance du rĂŽle de la Milice nationale comme bras armĂ© de la rĂ©volte, la nature anti-clĂ©ricale de la violence, la peur du carlisme, la participation des classes populaires urbaines, quelques revendications Ă©conomiques comme la suppression de l’impopulaire derecho de puertas — impĂŽt indirect sur certains produits de premiĂšre nĂ©cessitĂ© — et un programme de changement politique plus ou mois gĂ©nĂ©rique, mais d’une tonalitĂ© clairement progressiste, comme la demande d’élections constituantes[41].

La Révolution libérale (1835-1837)

Gouvernement de MendizĂĄbal (septembre 1835-mai 1836)

À la suite du changement d’exĂ©cutif et de la convocation d'Ă©lections Ă  CortĂšs le 28 septembre par le nouveau gouvernement de MendizĂĄbal, les majoritĂ©s des juntes se dĂ©mobilisĂšrent, bien que restant dans l’attente et maintenant leur rĂ©clamation d’une assemblĂ©e constituante « qui forment et Ă©tablissent un Code fondamental qui fixe les droits et les devoirs du peuple espagnol » — comme le proclama la junte de JaĂ©n —, car « les Espagnols ne veulent pas paraĂźtre libre, mais l’ĂȘtre » — comme dĂ©clara celle de Cadix —[41]. MendizĂĄbal procĂ©da Ă  la dissolution des juntes en les intĂ©grant dans les dĂ©putations provinciales crĂ©Ă©s par un dĂ©cret du 21 septembre[42].

Dans le manifeste qu’il adressa Ă  la rĂ©gente Marie-Christine, MendizĂĄbal ne remit pas en question le rĂ©gime du Statut royal, mais il avertit qu’il se proposait de garantir, avec les « prĂ©rogatives du trĂŽne », « les droits et devoirs du peuple », et se fixa trois objectifs prioritaires : rĂ©tablir le « crĂ©dit public » — les finances —, rĂ©soudre « une fois pour toutes » le problĂšme « des couvents et monarstĂšres », et mettre une « rapide et glorieuse fin » sans aide Ă©trangĂšre « Ă  cette guerre fratricide, qui est la honte et l’ignominie du siĂšcle dans lequel nous vivons »[43]. Les premier et troisiĂšme objectifs — budget de l’État et guerre carliste — furent Ă©troitement liĂ©s au second — Ă©tablissements religieux — : il dĂ©crĂ©ta le dĂ©samortissement de tous les biens des ordres religieux, l’État obtenant via cette vente les ressources dont il avait besoin pour solder sa dette et gagner la guerre.

Le dĂ©samortissement de MendizĂĄbal commença avec un dĂ©cret le 19 fĂ©vrier 1836 qui dĂ©clarait « biens nationaux » les propriĂ©tĂ©s des couvents et monastĂšres supprimĂ©s par le gouvernement antĂ©rieur du comte de Toreno, qui le 25 juillet 1835 avait ordonnĂ© la fermeture des Ă©tablissements religieux abritant moins de douze religieux — qui Ă©taient la majoritĂ© —. Ces biens seraient vendus aux enchĂšres public et le produit de sa vente serait utilisĂ© pour rĂ©duire la dette. La mesure fut complĂ©tĂ©e avec les dĂ©crets des 5 et 9 mars 1836, lesquels ordonnaient la suppression de tous les couvents et monastĂšres ; on « lĂ©galisait » ainsi les exclaustrations de facto menĂ©es Ă  terme par les juntes — Ă  ce moment, seule une trentaine de couvents sur prĂšs de 2 000 que comptaient auparavant l'Espagne restaient ouverts —. L’exclaustration des ordres religieux et le dĂ©samortissement de leurs biens provoqua une vive rĂ©action de l’Église catholique, qui rompit les relations avec l’État espagnol — le nonce du Saint SiĂšge Ă  Madrid quitta le pays —, tandis que de nombreux membres du clergĂ© rĂ©gulier exclaustrĂ©s, ainsi qu’un certain nombre du clergĂ© sĂ©culier, rejoignirent le camp carliste[44][45].

Toutefois, MendizĂĄbal n'affronta pas les urgences financiĂšres de l'État avec le produit du dĂ©samortissement, mais avec de nouvelles opĂ©rations de crĂ©dit dans les bourses Ă©trangĂšres[44]. Il augmenta Ă©galement la pression fiscale Ă  travers un rĂ©seau basĂ© sur la nouvelle division provinciale, ce qui « ne supposa par une rĂ©organisation globale et dĂ©finitive du budget, qui devra attendre l'arrivĂ©e de Mon au cours de la dĂ©cennie suivante »[45]. MendizĂĄbal adopta de plus d’autres mesures qui supprimaient des instructions et normes juridiques de l'Ancien RĂ©gime, comme les preuves de noblesse ou la Mesta[46].

Le chef du gouvernement renoua Ă©galement avec la tradition libĂ©ral en rebaptisant la milice urbaine comme « Garde nationale », dont les effectifs doublĂšrent en quelques mois pour atteindre 400 000 a hommes, et en rĂ©habilitant la mĂ©moire de Rafael del Riego, dont le pronunciamiento en 1820 avait marquĂ© le dĂ©but du rĂ©gime constitutionnel et qui avait Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© trois ans plus tard sur ordre de Ferdinand VII. D'autre part, pour accĂ©lĂ©rer la fin de la guerre, il appela 100 000 nouvelles recrues, mais il ne parvint Ă  en rĂ©unir que la moitiĂ©[47]. À partir de l’étĂ© 1835, tandis qu’au Pays basque et en Navarre les forces carlistes et cristinas se trouvaient en Ă©quilibre relatif, un second noyau carliste s’était trouvĂ© consolidĂ© dans certaines zones d’Aragon, du Pays valencien et du sud de la Catalogne, Ă  la tĂȘte duquel se trouvait l’ancien sĂ©minariste RamĂłn Cabrera, surnommĂ© « le tigre du Maestrat » et dont le centre d’opĂ©rations se trouvait Ă  Cantavieja (dans la province de Teruel).

Toutefois, son style personnaliste de gouvernement — en plus du portefeuille d'État, associĂ© Ă  la prĂ©sidence de l'exĂ©cutif, il avait assumĂ© ceux du Budget, de la Guerre et de la Marine —[42] suscita l'opposition Ă  son encontre aux CortĂšs, pas seulement de la part du Parti modĂ©rĂ©, de la part d’un nombre important de procureurs qui l'avaient soutenu jusqu’alors — dont certaines figurent prĂ©Ă©minentes comme Antonio AlcalĂĄ Galiano et Francisco Javier IstĂșriz —, comme il put le constater avec le rejet de sa proposition de nouvelle loi Ă©lectorale — les procureurs postulaient par districts et non par provinces, comme le souhaitait MendizĂĄbal —[48]. Le chef du gouvernement rĂ©agit en dissolvant les CortĂšs le 27 janvier 1836 et en convoquant de nouvelles Ă©lections. Celles-ci donnĂšrent un triomphe aux partisans de MendizĂĄbal ou exaltĂ©s — nom qui les reliait aux libĂ©raux exaltĂ©s du Triennat libĂ©ral —, qui furent tout de suite connus sous le nom de « Parti progressiste » — nom proposĂ© en mai 1836 par Salustiano de OlĂłzaga et qui fut acceptĂ© par le reste des procureurs sympathisants —. Assez vite, les progressistes apparurent comme divisĂ©s, ce qui, avec les problĂšmes financiers et la prolongation de la guerre, provoqua la chute du gouvernement MendizĂĄbal en mai 1836. la rĂ©gente Marie-Christine justifia sa destitution en prĂ©textant de son dĂ©saccord avec sa proposition de nommer pour certains hauts responsables militaires des partisans du libĂ©ralisme, dont certaines avaient dĂ©jĂ  rempli d’importantes fonctions au cours du Triennat libĂ©ral de 1829-1823. le 15 mai 1836, la rĂ©gente nommait Francisco Javier IstĂșriz, un ancien progressiste dorĂ©navant proche du modĂ©rantisme (es), Ă  la tĂȘte du gouvernement[49].

RĂ©volution de 1836 — RĂ©tablissement de la Constitution de 1812

PrĂ©visiblement, dĂšs qu'il se prĂ©senta le 22 mai devant les CortĂšs, le gouvernement d’IstĂșriz fut vaincu, si bien que la rĂ©gente lui octroya le dĂ©cret de dissolution afin qu'il convoque de nouvelles Ă©lections. Celles-ci furent cĂ©lĂ©brĂ©es Ă  la mi-juillet et supposĂšrent un grand triomphe pour le gouvernement, consacrant ainsi une « rĂšgle » qui n’eut que peu d’exceptions dans l’Espagne libĂ©rale, Ă  savoir : « les Ă©lections sont toujours gagnĂ©es par le gouvernement qui les convoque »[50].

Les progressistes rĂ©pondirent en lançant une sĂ©rie de rĂ©voltes populaires dans diffĂ©rentes villes, dans de nombreux cas menĂ©es par des membres de la Garde nationale, qui s’étendirent dans tout le pays et furent accompagnĂ©es de dĂ©buts d’insurrections de certaines unitĂ©s militaires. Le 26 juillet, la milice nationale de Malaga se soulevait, suivie par Cadix le 28 et le 31 par Grenade. Lors des premiers jours du mois d’aoĂ»t eurent lieu une sĂ©rie de soulĂšvements Ă  SĂ©ville, Saragosse, Huelva, Badajoz, Valence ou La Corogne. Plusieurs unitĂ©s de l'ArmĂ©e du Nord se prononcĂšrent, ce qui culmina avec le pronunciamiento de la milice nationale Ă  Madrid, qui reçut un appui militaire[51]. À cette situation d’insurrection libĂ©rale s'ajouta l'expĂ©dition carliste dirigĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Miguel GĂłmez Damas, qui parcourut l'espagnol lors de cet Ă©tĂ© 1836 sans que les cristinos parviennent Ă  l'empĂȘcher, ce qui accrut le discrĂ©dit du gouvernement et attisa davantage encore l’ardeur des libĂ©raux exaltĂ©s qui s'Ă©taient rebellĂ©s contre lui.

Comme lors de l'Ă©tĂ© antĂ©rieur, ils formĂšrent des juntes rĂ©volutionnaires qui dĂ©fiaient l'autoritĂ© du gouvernement et qui rĂ©clamĂšrent ouvertement et de façon pratiquement unanime le rĂ©tablissement de la Constitution de 1812[50]. C'est dans ce contexte de insurrectionnel qu'eut lieu la mutinerie de la Granja de San Ildefonse du 12 aoĂ»t, au cours de laquelle un groupe de sergents de la garnison de SĂ©govie et de la Garde royale se soulevĂšrent dans le palais royal de la Granja de San Ildefonso, oĂč se trouvait Marie-Christine, et obligĂšrent le rĂ©gente Ă  restaurer la Constitution de Cadix. Deux jours plus tard, elle nommait un gouvernement libĂ©ral progressiste, prĂ©sidĂ© par JosĂ© MarĂ­a Calatrava, mais avec MendizĂĄbal de nouveau au portefeuille du Budget. Cela marqua le triomphe de la rĂ©volution libĂ©rale en Espagne[52].

Gouvernement Calatrava-MendizĂĄbal: fin de l’Ancien RĂ©gime et Constitution de 1837

La consĂ©quence la plus importante de la mutinerie des sergents Ă  La Granja fut le rĂ©tablissement de la Constitution de 1812, qui mit fin Ă  la « transition depuis le haut » du rĂ©gime du Statut royal et rĂ©ouvrit le processus de la « rĂ©volution espagnole » : commencĂ© en 1810 par les CortĂšs de Cadix et interrompu en 1814 par le coup d’État absolutiste du roi Ferdinand VII, repris lors du Triennat libĂ©ral Ă  partir de 1820 et de nouveau annulĂ© par le roi aprĂšs l’intervention de l’armĂ©e française en 1823. Avec la Constitution, les lois et dĂ©crets des CortĂšs de Cadix et du Triennat entrĂšrent de nouveau en vigueur — lĂ©gislation des municipalitĂ©s, fin du majorat, libertĂ© d’imprimerie, etc. —, ce qui dĂ©boucha sur l'abolition dĂ©finitive de l’Ancien RĂ©gime en Espagne (es)[53].

La continuitĂ© entre le nouveau gouvernement et la rĂ©volution entamĂ©e en 1810 Ă©tait incarnĂ©e par le prĂ©sident de l’exĂ©cutif lui-mĂȘme, JosĂ© MarĂ­a Calatrava, qui avait Ă©tĂ© dĂ©putĂ© aux CortĂšs de Cadix, ministre libĂ©ral exaltĂ© au cours du Triennat libĂ©ral et, Ă  cause de ceci, rĂ©primĂ© lors des deux restaurations absolutistes[54].

Toutefois, Calatrava et MendizĂĄbal pensaient tous deux que la Constitution de 1812 devait ĂȘtre rĂ©formĂ©e pour la mettre en adĂ©quation avec un moment historique totalement distinct Ă  celui de 24 ans auparavant. C’est la principale tĂąche que s’assignĂšrent les CortĂšs inaugurĂ©es en octobre 1836, convoquĂ©es par le gouvernement quelques jours aprĂšs avoir assumĂ© le pouvoir conformĂ©ment Ă  la normative Ă©lectorale de la Constitution de Cadix, bien diffĂ©rente du Statut royal car elle reconnaissait le suffrage universel masculin — mais indirect Ă  trois degrĂ©s — ; les reprĂ©sentants Ă©lus redevenaient des « dĂ©putĂ©s » et non plus des procureurs (« procuradores »). L’autre objectif de la rĂ©forme fut de doter le rĂ©gime constitutionnel d’une « stabilitĂ© dont il avait manquĂ© jusqu'alors », ce qui supposait que les progressistes, bien que jouissant d’une large majoritĂ© dans la Chambre, devaient parvenir Ă  un consensus avec le Parti modĂ©rĂ© au sujet de la rĂ©forme afin d’établir l’alternance pacifique au pouvoir des deux partis dynastiques (es)[53].

Couverture de la Constitution de 1837.

Finalement, les CortĂšs approuvĂšrent une nouvelle Constitution, beaucoup plus concise que celle de 1812, qui fut promulguĂ©e en juin 1837, culminant ainsi la construction du nouvel ordre social et politique libĂ©ral du nouveau rĂ©gime. La Constitution recueillait les principaux Ă©lĂ©ments du programme progressiste : la souverainetĂ© nationale — bien que n’apparaissant que dans le prĂ©ambule et non dans le corps des articles —, la libertĂ© d'imprimerie sans censure prĂ©alable, la Milice nationale ou le jury pour les dĂ©lits d’imprimerie. La Constitution contenait toutefois deux concessions importantes aux modĂ©rĂ©s : le bicamĂ©risme — les CortĂšs Ă©tant formĂ©es par le CongrĂšs des dĂ©putĂ©s (Chambre basse) et par le SĂ©nat (Chambre haute) — et le renforcement des pouvoirs et prĂ©rogatives de la Couronne — qui jouissait, par exemple, de la facultĂ© d’interposer le vĂ©to absolu aux lois (et pas temporaire, comme dans la Constitution de 1812) —. D’autres thĂšmes qui divisaient progressistes et modĂ©rĂ©s, comme l’ampleur du suffrage censitaire, le fonctionnement des municipalitĂ©s ou le pouvoir judiciaire, restĂšrent hors de la Constitution, leur rĂ©gulation Ă©tant remise dans des lois ordinaires Ă  venir[55].

Quelques personnalitĂ©s importantes du modĂ©rantisme reconnurent le caractĂšre conciliateur de la nouvelle Constitution. Nicomedes Pastor DĂ­az l’appela « transaction entre tous les partis ». Pour JosĂ© Posada Herrera, il s’agissait d’une « transaction lĂ©gitime entre la Constitution de 1812 et le Statut royal ». Ou encore dans les mots de Francisco MartĂ­nez de la Rosa, « l’ancre d’espoir pour sauver le navire de l’État »[56].

Triennat modéré et fin de la guerre carliste (1837-1840)

Chute du gouvernement Calatrava — Carlistes aux portes de Madrid

À partir de l’étĂ© 1835, les carlistes tentĂšrent d’étendre la guerre Ă  de nouveaux territoires, mais sans atteindre cet objectif. La plus importante des trois expĂ©ditions qu’ils rĂ©alisĂšrent fut l’ExpĂ©dition royale (es), ainsi nommĂ©e car elle Ă©tait menĂ©e par Charles de Bourbon en personne. Le prĂ©tendant partit de Navarre en mai 1837 Ă  la tĂȘte de 12 000 hommes, parcourut la Catalogne et le Maestrat, incorporant les forces carlistes de la zone, arriva Ă  proximitĂ© de Valence et, Ă  la mi-aoĂ»t, se planta aux portes de Madrid — Arganda del Rey et Vallecas —. Les motivations de l’ExpĂ©dition royale, Ă  la diffĂ©rence des expĂ©ditions carlistes antĂ©rieures, Ă©taient plus politiques que militaires Ă©tant donnĂ© qu’ils rĂ©pondaient aux contacts maintenus entre reprĂ©sentants de Marie-Christine — « inquiĂšte » de la tournure de la rĂ©volution libĂ©rale en Espagne — et de l’infant Charles pour mettre fin Ă  la guerre, sous la protection de la cour du royaume de Naples, qui sympathisait avec la cause carliste[57][58].

Apparemment, l’accord entre Charles et Marie-Christine consistait en la dĂ©nommĂ©e « rĂ©conciliation dynastique » des deux branches des Bourbon avec le futur mariage de Charles-Louis de Bourbon, fils de Charles, avec Isabelle II, ĂągĂ©e de 6 ans. Josep Fontana affirme que la rĂ©gente s’était engagĂ©e Ă  cĂ©der la Couronne Ă  Charles, Ă  conditions que celui-ci la libĂšre des rĂ©volutionnaires, d’oĂč « la suite de frĂšres et de courtisans qui l’accompagnaient pour occuper les postes du gouvernement et de l’administration une fois qu’il accĂšderait au pouvoir »[59]. Mais lorsque l’infant arriva aux portes de Madrid, la situation politique avait changĂ©, Ă©tant donnĂ© que le gouvernement progressiste de Calatrava avait chutĂ©, et la rĂ©gente « espĂ©rait reconduire la situation politique par la voie modĂ©rĂ©e sans le recours ultime Ă  l’accord avec le prĂ©tendant » ; les pressions du gĂ©nĂ©ral Baldomero Espartero, opposĂ© Ă  cet accord et partisan de rĂ©soudre plus tard le conflit en termes militaires — par la force des armes ou un accord entre les gĂ©nĂ©raux des deux camps —, y contribuĂšrent Ă©galement[58].

Le gouvernement Calatrava avait chutĂ© par suite d’un soulĂšvement militaire menĂ© par le brigade de Juan Van Halen, cantonnĂ©e Ă  Aravaca et appartenant Ă  l’armĂ©e du gĂ©nĂ©ral Espartero, qui exigea la dĂ©mission du gouvernement en allĂ©guant l’impaiement de soldes et des problĂšmes de promotion. Au 12 avril, ce n’était plus seulement l'ExpĂ©dition royale qui menaçait Madrid mais une colonne carliste commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Zaratiegui qui, aprĂšs avoir pris et mis Ă  sac SĂ©govie, avançait depuis le nord vers la capitale. Le gouvernement dĂ©missionna et la rĂ©gente offrit la prĂ©sidence de l’exĂ©cutif au gĂ©nĂ©ral Espartero, qui n’accepta pas mais parvint Ă  contrĂŽler la situation et mettre fin aux menaces des carlistes, qui durent repartir au nord sans avoir atteint leurs objectifs. Le 18 aoĂ»t, le modĂ©rĂ© Eusebio BardajĂ­ fut nommĂ© en remplacement de Calatrava et convoqua immĂ©diatement des Ă©lections pour le 14 septembre et se doter ainsi de CortĂšs favorables[60].

Selon Ángel Bahamonde et JesĂșs A. MartĂ­nez, les causes de la chute du gouvernement Calatrava Ă©taient « les ennuis financiers, les revers de la guerre, avec sa sĂ©quelle de soldes de militaires et d’employĂ©s publics retardĂ©s, les dissension dans le camp progressiste et surtout parce que les secteurs du modĂ©rantisme appuyĂ©s par la RĂ©gente, renforcĂ©e dans son rĂŽle par la nouvelle Constitution, qui n’a pas oubliĂ© les Ă©vĂšnements de La Granja, crĂ©Ăšrent l’atmosphĂšre hostile Ă  un gouvernement qui fermait et symbolisait le cycle de 1812, par sa trajectoire personnelle et la portĂ©e de sa politique[60] ».

Les Ă©lections de septembre 1837 furent les premiĂšres cĂ©lĂ©brĂ©es sous la Constitution de 1837 et selon les normes de la nouvelle loi Ă©lectorale approuvĂ©e le 20 juillet 1837, qui Ă©tait revenue au suffrage censitaire — rejetant ainsi le suffrage universel masculin, indirect, consacrĂ© dans la Constitution de 1812 —, si bien que le droit de vote fut rĂ©duit aux propriĂ©taires[60]. Le Parti modĂ©rĂ© obtint une large majoritĂ© Ă  l’issue de ce scrutin, mais en raison de la division des modĂ©rĂ©s en diffĂ©rentes factions, le gouvernement BardajĂ­ ne dura que trois mois et fut remplacĂ© le 16 dĂ©cembre par le comte d’Ofalia, ancien collaborateur de Calomarde. Ce nouveau gouvernement dura jusqu’à dĂ©but septembre 1838, lorsqu’il fut contraint Ă  dĂ©missionner, entre autres raisons Ă  cause de l’échec de la levĂ©e du siĂšge sur Morella, assaillie par les carlistes de RamĂłn Cabrera. AprĂšs un bref cabinet prĂ©sidĂ© par le duc de FrĂ­as, Evaristo PĂ©rez de Castro occupa la prĂ©didence le 9 dĂ©cembre 1838, qui avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© ministre modĂ©rĂ© au cours du Triennat libĂ©ral. Son gouvernement fut celui du Triennat modĂ©rĂ© qui resta le plus longtemps en fonction — plus d’un an et demi —, jusqu’au 27 juillet 1840[61].

Selon Juan Francisco Fuentes, les facteurs dĂ©terminant de l’instabilitĂ© politique du Triennat modĂ©rĂ©, en dĂ©pit de la majoritĂ© dont bĂ©nĂ©ficiaient les modĂ©rĂ©s au Parlement furent les divisions internes des modĂ©rĂ©s, par exemple autour de leur acceptation de la Constitution de 1837, les favoritismes qui rĂ©gnaient dans la vie intĂ©rieure du parti, les ingĂ©rences continues de la Couronne dans la vie politique et le sentiment des progressistes d’ĂȘtre injustement tenus Ă  l’écart du pouvoir[62].

Convention d'Ognate et défaite du carlisme

Le général carliste Rafael Maroto.

AprĂšs l’échec de l'ExpĂ©dition royale de l'Ă©tĂ© 1837, la lassitude causĂ©e par la guerre et l'Ă©puisement des ressources provoqua une division dans les rangs du carlisme entre « transactionnistes » — ceux qui ne croyaient plus qu’ils pourraient la guerre et, par consĂ©quent, Ă©taient partisans de parvenir Ă  un accord avec les cristinos —, menĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Rafael Maroto, et les « apostoliques » — partisans d’une rĂ©sistance jusqu'au-boutiste —, qui avaient le soutien de l’infant Charles[58]. Quelques rares voix s’élĂ©vĂšrent Ă©galement dans les rangs des libĂ©raux, dĂ©fendant une sortie nĂ©gociĂ©e Ă  la guerre, comme le comte de Toreno, qui dans un discours devant les CortĂšs en janvier 1838 affirma : « si avec transaction et oubli se concluait la guerre civile, qu’elle se conclue »[63]

Tandis que le dĂ©couragement se diffusait au Pays basque et en Navarre, dans les deux autres noyaux carlistes — Aragon-Valence et l’intĂ©rieur de la Catalogne — consolidaient et Ă©tendaient leurs positions. En Catalogne, Ă  partir de la prise de Berga en juillet 1837 se constitua la Junte royale supĂ©rieure gouvernative de la PrincipautĂ© de Catalogne, qui rĂ©girait le territoire catalan sous domination carliste, essentiellement dans les PyrĂ©nĂ©es et les PrĂ©-PyrĂ©nĂ©es. En Aragon et dans l’ancien royaume de Valence, c’est la ville de Morella, prise par Cabrera en janvier 1838, qui devint la nouvelle capitale carliste de la zone d’oĂč le gĂ©nĂ©ral dirigea un embryon d’État absolutiste[64].

DĂ©but 1839, des tensions Ă©clatĂšrent au sein des carlistes au Pays basque et en Navarre. En fĂ©vrier, Ă  Estella (Navarre) furent fusillĂ©s plusieurs officiers accusĂ©s d’ourdir un complot contre Maroto. L’infant Charles annonça la destitution du gĂ©nĂ©ral mais ne tarda pas Ă  revenir sur sa dĂ©cision, ce qui supposa un renforcement de l’autoritĂ© de Maroto[65]. Au cours de ce mĂȘme mois de fĂ©vrier, des contacts furent entamĂ©s, dans le dos du prĂ©tendant, entre Maroto et le gĂ©nĂ©ral Espartero, chef de l’ArmĂ©e du Nord. Le 25 aoĂ»t, Maroto randait publique sa proposition pour parvenir Ă  un accord, ses prĂ©tentions initiales Ă©tant sensiblement revues Ă  la baisse. Deux jours plus tard le prĂ©tendant le destitua mais Maroto, qui avait le soutien de l’armĂ©e du Guipuscoa et de la Biscaye, signa un accord avec Espartero le 29 aoĂ»t, scellĂ© deux jours plus tard avec l’embrassade des deux gĂ©nĂ©raux dans la plaine de Bergara — qui passerait Ă  l’histoire sous le nom de « Abrazo de Vergara » —. L’accord stipulait que l’armĂ©e carliste devait se rendre et, en Ă©change, on garantissait Ă  ses officiers le droit Ă  s’incorporer dans l'ArmĂ©e de la Monarchie. De plus, Espartero s’engageait Ă  dĂ©fendre les fors des provinces basques et de la Navarre devant les CortĂšs[66].

La Convention d’Ognate ne fut pas reconnue par l’infant et prĂ©tendant Charles ni par plusieurs milliers de combattants carlistes apostoliques, qui franchirent la frontiĂšre avec la France en accompagnant leur roi le 14 septembre 1839 avec l’espoir de rejoindre les terres catalanes et valenciennes pour y poursuivre la lutte, Ă©tant donnĂ© que ni la Junte de Berga, prĂ©sidĂ©e par le comte d’Espagne, ni le gĂ©nĂ©ral Cabrera n’avaient acceptĂ© l'accord signĂ© par le « traĂźtre Maroto » — ni le reste des insurgĂ©s d’autres territoires, dispersĂ©s et peu nombreux —[67].

La fin du bastion carliste basco-navarrais permit de concentrer l'offensive des troupes gouvernementales — environ 40 000 hommes commandĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Espartero — sur les deux autres foyers carlistes. DĂ©but mai 1840, ils occupaient Cantavieja (province de Teruel) et le 30 la « capitale carliste » de Morella. Cabrera se replia vers la Catalogne et, le 6 juillet 1840, traversait la frontiĂšre avec les derniers combattants carlistes, mettant fin Ă  la premiĂšre guerre carliste. Les quelques 15 000 hommes vinrent grossir les rangs de l'exil carliste en France — environ 26 000 en octobre 1840 — sont une preuve de la force du carlisme, mĂȘme au moment de sa dĂ©faite. On peut aussi y voir la graine du resurgissement de ce mouvement contre-rĂ©volutionnaire, comme cela arrivera en 1846 et, surtout, la 1872[68].

« Révolution de 1840 » et fin de la régence de Marie-Christine

Evaristo Pérez de Castro, président du gouvernement modéré qui défendit la loi sur les municipalités de 1840.

L’idĂ©e d’une alternance pacifique au pouvoir entre modĂ©rĂ©s et progressistes appuyĂ©e sur la Constitution de 1837 fut abandonnĂ©e lorsque le gouvernement modĂ©rĂ© d’Evaristo PĂ©rez de Castro, aprĂšs la victoire Ă©lectorale des progressistes aux Ă©lections de juin 1839, ne dĂ©missionna pas pour cĂ©der le pas Ă  un nouveau gouvernement en accord avec la majoritĂ© des CortĂšs. Au lieu de cela et en connivence avec la rĂ©gente, il suspendit tout d’abord les sessions des CortĂšs puis les dissolut pour convoquer de nouvelles Ă©lections en janvier 1840, qui donnĂšrent elles une majoritĂ© modĂ©rĂ©e[69]. PĂ©rez de Castro justifia la dissolution des CortĂšs par la nĂ©cessitĂ© de « consulter la volontĂ© nationale » dans les nouvelles circonstances apparues Ă  la suite de l’accord de Bergara[70].

La rupture entre modĂ©rĂ©s et progressistes s’aggrava lorsque le gouvernement de PĂ©rez de Castro prĂ©senta devant les nouvelles CortĂšs rĂ©cemment inaugurĂ©es un projet de loi sur les municipalitĂ©s. Dans ce dernier, en plus de diminuer les compĂ©tences municipales, la nomination des maires Ă©choyait au gouvernement, qui le choisirait parmi les conseillers Ă©lus, de façon directe dans les capitales de province et Ă  travers les chefs politiques provinciaux dans les autres cas[71]. De la sorte, le maire passait du statut de « reprĂ©sentant populaire Ă  dĂ©lĂ©guĂ© du pouvoir central »[72].

Selon Juan Francisco Fuentes, le gouvernement modĂ©rĂ© prĂ©tendait « saper le pouvoir municipal et, avec lui, l’influence politique des progressistes »«_[al_mundo_urbano]_pertenecĂ­an_sus_principales_apoyos_sociales_—clases_medias,_militares,_periodistas,_artesanos,_masas_populares...—_y_en_Ă©l_disfrutaba_de_un_espacio_pĂșblico_y_una_realidad_cultural_—ateneos,_cafĂ©s,_sociedades_patriĂłticas_y_periĂłdicos—_propicios_a_la_difusiĂłn_de_su_discurso._Todo_ello_se_traducĂ­a_en_un_electorado_relativamente_fiel,_pero_tambiĂ©n_en_formas_de_poder_institucional_que_el_progresismo_manejaba_con_destreza,_como_los_ayuntamientos_y_la_milicia_nacional_»_73-0">[73]. Pour sa part, Jorge Vilches considĂšre que l’opposition radicale des progressistes Ă  cette loi Ă©tait due Ă  l’importance de la figure du maire dans l'Ă©laboration des listes Ă©lectorales et dans l’organisation, la direction et la composition de la milice nationale. Cela leur fit craindre de voir leurs possibilitĂ©s d’accĂ©der au gouvernement par des Ă©lections pratiquement rĂ©duites Ă  zĂ©ro, et cela mettrait la milice dans les mains des modĂ©rĂ©s, dont l’existence pour les progressistes Ă©tait essentielle, soucieux de contrĂŽler les droits du peuple[74]. Josep Fontana affirme que la loi sur les municipalitĂ©s « Ă©tait pensĂ©e pour affaiblir les appuis populaires dont disposaient les progressistes » et ainsi empĂȘcher qu’« ils puissent revenir dans le futur au pouvoir »[70].

Les progressistes allĂ©guĂšrent que le projet du gouvernement Ă©tait contraire Ă  l’article 70 de la Constitution[75], si bien qu’ils eurent recours Ă  la pression populaire durant le dĂ©bat de la loi. Une algarade Ă  Madrid se termina avec l’invason des tribunes de l’hĂ©micycle du CongrĂšs des dĂ©putĂ©s, d’oĂč furent criĂ©es des insultes aux modĂ©rĂ©s. Lorsque le loi fut approuvĂ©e le 5 juin sans admettre leurs amendements, ils choisirent de se retirer de la Chambre, mettant en cause la lĂ©gitimitĂ© du Parlement. Les progressistes commencĂšrent immĂ©diatement une campagne depuis la presse et les mairies pour que la rĂ©gente ne sanctionne pas la loi, en la menaçant de rĂ©bellion. Lorsqu’ils virent que Marie-Christine Ă©tait disposĂ©e Ă  la signer, ils adressĂšrent leurs demandes au gĂ©nĂ©ral Espartero, le personnage le plus populaire du moment aprĂšs son triomphe dans la guerre contre les carlistes, et qui se montrait plus proche du progressisme que du modĂ©rantisme, afin qu’il Ă©vite la promulgation de cette loi contraire Ă  l’« esprit de la Constitution de 1837 »[74]. L’énorme popularitĂ© dont jouissait Espartero — le « pacificateur de l’Espagne » — fut mise en Ă©vidence lorsqu’il fit son entrĂ©e triomphale Ă  Barcelone le 14 juin 1840[76].

La rĂ©gente se rendit alors Ă  Barcelone, avec la jeune Isabelle, Ă  l’occasion de prĂ©tendues vacances pour soulager les douleurs dermatologiques de l’enfant, et s’entretint avec Espartero. Celui-ci, pour accepter la prĂ©sidence du Conseil des ministres, exigea que Marie-Christine ne sanctionne pas la loi sur les municipalitĂ©s. Ainsi, lorsque la rĂ©gente signa la loi le 15 juin 1840 — elle refusa de faire marche arriĂšre aprĂšs avoir annoncĂ© publiquement son intention de ratifier la loi, ce qui aurait signifiĂ© une soumission Ă  Espartero —, le gĂ©nĂ©ral lui prĂ©senta la rĂ©nonciation Ă  tous ses grades, emplois, titres et dĂ©corations. Le gouvernement de PĂ©rez de Castro dĂ©missionna le 18 juillet et fut remplacĂ© le 28 aoĂ»t, aprĂšs trois cabinets Ă©phĂ©mĂšres, par un autre modĂ©rĂ© Modesto CortĂĄzar[77].

À Barcelone et Madrid, les altercations entre modĂ©rĂ©s et progressistes, entre partisans de la rĂ©gente et d’Espartero, se succĂ©dĂšrent. Dans cette situation, Marie-Christine quitta Barcelone, rĂ©gie par les progressiste et oĂč elle n’avait pas trouvĂ© l’appui qu’elle escomptait, et se rendit Ă  Valence. Espartero tenta de feindre de dĂ©fendre la rĂ©gente, et dicta le 22 juillet un arrĂȘtĂ© dans lequel il dĂ©clarait l’état de siĂšge Ă  Barcelone, qui fut levĂ© le 26 aoĂ»t.

À partir du 1er septembre 1840, de nouvelles rĂ©voltes progressistes Ă©clatĂšrent dans toute l’Espagne, avec la formation de juntes rĂ©volutionnaires dĂ©fiant l’autoritĂ© du gouvernement. La premiĂšre Ă  se constituer fut celle de Madrid, menĂ©e par le conseil municipal lui-mĂȘme, qui publia un manifeste dans lequel il justifiait sa rĂ©bellion comme une dĂ©fense de la Constitution de 1837 menacĂ©e, et exigeait la suspension de la loi sur les municipalitĂ©s, la dissolution des CortĂšs et la nomination d’un gouvernement « composĂ© par des hommes dĂ©cidĂ©s »[78]. Une Junte centrale fut formĂ©e immĂ©diatement, prĂ©sidĂ©e par le conseiller municipal de Madrid, JoaquĂ­n MarĂ­a LĂłpez, ancien ministre du gouvernement progressiste de Calatrava et ancien prĂ©sident des CortĂšs Ă©lues en 1837[79].

Agustín Fernando Muñoz y Sånchez, mari morganatique de la régente Marie-Christine de Bourbon.

Le 5 septembre, Marie-Christine ordonna depuis Valence au gĂ©nĂ©ral Espartero de se rendre Ă  Madrid pour en finir avec la rĂ©bellion — qui serait connue comme la « rĂ©volution de 1840 » —, mais celui-ci « refusa avec de bons mots, qui contenaient, au fond, tout un programme politique : la reine devait, selon lui, signer un manifeste dans lequel elle s’engagerait Ă  respecter la Constitution, Ă  dissoudre les CortĂšs (modĂ©rĂ©es) et Ă  soumettre celles qui seraient Ă©lues Ă  la rĂ©vision des lois approuvĂ©es dans la derniĂšre lĂ©gislature, parmi elles, implicitement, la Loi sur les municipalitĂ©s. Dix jours plus tard Marie-Christine n’eut d’autre recours que de nommer prĂ©sident du gouvernement le gĂ©nĂ©ral Espartero dans l’espoir de freiner la marĂ©e rĂ©volutionnaire qui s’était emparĂ©e du pays »[80].

Le gĂ©nĂ©ral Espartero, aprĂšs sa nomination, s’adressa Ă  Madrid oĂč il nĂ©gocia avec la Junte central la fin de la rĂ©bellion. Par la suite, il voyagea Ă  Valence pour prĂ©senter Ă  la rĂ©gente le gouvernement qu’il avait dĂ©signĂ© le 8 octobre et le programme qu’il allait dĂ©velopper[80].

L’entretien au lieu le 12 octobre 1840. Au cours de celui-ci, la rĂ©gente communiqua Ă  Espartero sa dĂ©cision d’abandonner la rĂ©gence et de lui confier le soin de ses filles : Isabelle II et sa sƓur Louise-Fernande de Bourbon. Selon Juan Ignacio Fuentes, « Ă  ce stade, l’intention d’Espartero et des notables du parti progressiste Ă©tait de forcer Marie-Christine Ă  partager la rĂ©gence [
]. D’oĂč la surprise du gĂ©nĂ©ral et ses demandes afin qu’elle reconsidĂšre sa posture »[80]. Toutefois, Jorge Vilches affirme que l’intention d’Espartero et des progressiste Ă©tait que Marie-Christine renonce Ă  la rĂ©gence ; il en veut pour preuve un Ă©crit envoyĂ© par le gĂ©nĂ©ral Ă  la rĂ©gente, dans laquelle il affirmait qu’elle ne pouvait rester Ă  la tĂȘte de la nation dont il disait qu’elle avait perdu la confiance, en rĂ©fĂ©rence Ă  son mariage secret avec AgustĂ­n Fernando Muñoz y SĂĄnchez, trois mois aprĂšs la mort de son Ă©poux le roi Ferdinand VII[81].

Le mĂȘme jour, le 12 octobre 1840, Marie-Christine signait sa renonciation Ă  la rĂ©gence — et la convocation d’élections — et le 17 octobre elle embarquait Ă  Valence pour Marseille, pour commencer un exil — volontaire selon Juan Francisco Fuentes ; forcĂ© selon Jorge Vilches — qui durerait trois ans[80][82]. Selon Josep Fontana, la rĂ©gence « rejeta Ă  Valence les conditions qu’on exigeait d’elle et dĂ©cida de renoncer Ă  la rĂ©gence et de s’exiler en France, non pour se retirer de la politique, mais pour conspirer depuis lĂ -bas avec plus de sĂ©curitĂ© », comme l’illustra le pronunciamiento modĂ©rĂ© de 1841, qui Ă©choua et dont elle Ă©tait l’instigatrice[83].

Notes et références

  1. Fuentes 2007, p. 81-82.
  2. La Parra LĂłpez 2018, p. 570.
  3. Fontana 2006, p. 256.
  4. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 176-177.
  5. A_punto_de_cumplir_cuarenta_y_cinco_años,_Fernando,_muy_grueso,_casi_calvo_y_con_dificultades_para_moverse_presentaba_un_aspecto_avejentado''-5" class="mw-reference-text">La Parra López 2018, p. 573-575. A punto de cumplir cuarenta y cinco años, Fernando, muy grueso, casi calvo y con dificultades para moverse presentaba un aspecto avejentado
  6. Desestimó_los_intentos_de_la_cuñada_de_Carlos,_la_[[Marie-ThérÚse_de_Portugal_(1793-1874)|princesa_de_Beira]],_por_convertirse_en_su_esposa._Tras_la_devota_y_aburrida_Amalia,_Fernando_[avejentado_por_la_enfermedad]_no_deseaba_cargar_con_esta_portuguesa_viuda,_mandona_y_poco_agraciada._Su_elegida_es_una_joven_y_atractiva_napolitana,_María_Cristina,_de_quien_parece_haberse_enamorado_ya_por_carta''-6" class="mw-reference-text">Fontana 1979, p. 179. Desestimó los intentos de la cuñada de Carlos, la princesa de Beira, por convertirse en su esposa. Tras la devota y aburrida Amalia, Fernando [avejentado por la enfermedad] no deseaba cargar con esta portuguesa viuda, mandona y poco agraciada. Su elegida es una joven y atractiva napolitana, María Cristina, de quien parece haberse enamorado ya por carta
  7. [[Louise-Charlotte_de_Bourbon-Siciles|Luisa_Carlota]]_[épouse_du_frÚre_cadet_du_roi_[[François_de_Paule_de_Bourbon_(1794-1865)|François_de_Paule_de_Bourbon]]]_batalló_a_favor_de_su_hermana_María_Cristina..._Parece_que_la_elección_fue_obra_personal_del_rey,_a_quien_se_atribuyen_estas_palabras:_'otras_veces_me_han_casado,_ahora_me_caso_yo'._A_juzgar_por_la_mayor_parte_de_los_testimonios,_el_principal_motivo_de_Fernando_para_inclinarse_por_María_Cristina,_de_veintitrés_años_de_edad,_fue_su_aspecto_físico''-7" class="mw-reference-text">La Parra López 2018, p. 572. Luisa Carlota [épouse du frÚre cadet du roi François de Paule de Bourbon] batalló a favor de su hermana María Cristina... Parece que la elección fue obra personal del rey, a quien se atribuyen estas palabras: 'otras veces me han casado, ahora me caso yo'. A juzgar por la mayor parte de los testimonios, el principal motivo de Fernando para inclinarse por María Cristina, de veintitrés años de edad, fue su aspecto físico
  8. La Parra LĂłpez 2018, p. 576-577.
  9. Fuentes 2007, p. 88-89.
  10. Fontana 1979, p. 43-44; 180-181.
  11. La Parra LĂłpez 2018, p. 578-581.
  12. Fuentes 2007, p. 88.
  13. Cuando_se_publicĂł_oficialmente,_el_31_de_marzo_de_1830,_no_hubo_ninguna_protesta_en_el_paĂ­s:_el_propio_Carlos_callĂł_y_siguiĂł_acudiendo_al_consejo_de_Estado,_como_si_nada_hubiese_ocurrido._En_la_sombra,_sin_embargo,_el_partido_carlista_preparaba_sus_intentonas''-13" class="mw-reference-text">Fontana 1979, p. 180-181. Cuando se publicĂł oficialmente, el 31 de marzo de 1830, no hubo ninguna protesta en el paĂ­s: el propio Carlos callĂł y siguiĂł acudiendo al consejo de Estado, como si nada hubiese ocurrido. En la sombra, sin embargo, el partido carlista preparaba sus intentonas
  14. Mientras_la_familia_real_veraneaba_en_La_Granja,_Fernando_padeciĂł_entonces_una_sucesiĂłn_de_ataques_de_[[Goutte_(maladie)|gota]]_que_se_complicaron_gravemente_a_mediados_de_septiembre,_hasta_el_punto_de_hacer_pensar_en_su_prĂłxima_muerte''-14" class="mw-reference-text">Fontana 2007, p. 137. Mientras la familia real veraneaba en La Granja, Fernando padeciĂł entonces una sucesiĂłn de ataques de gota que se complicaron gravemente a mediados de septiembre, hasta el punto de hacer pensar en su prĂłxima muerte
  15. Fontana 1979, p. 193-194.
  16. Fuentes 2007, p. 89-90.
  17. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 178.
  18. El_parcial_restablecimiento_del_rey_y_la_apariciĂłn_de_las_'fuerzas_vivas'_de_la_corte_en_el_real_sitio,_dando_muestras_evidentes_de_que_ni_la_vieja_aristocracia_feudal_ni_la_burguesĂ­a_querĂ­an_un_gobierno_ultra,_devolvieron_a_Fernando_la_confianza_suficiente_para_derogar_la_derogaciĂłn_y_echar_del_gobierno_a_Alcudia_y_Calomarde,_mĂĄs_bien_cĂłmplices_que_protagonistas_del_episodio''-18" class="mw-reference-text">Fontana 1979, p. 44-45; 193-197. El parcial restablecimiento del rey y la apariciĂłn de las 'fuerzas vivas' de la corte en el real sitio, dando muestras evidentes de que ni la vieja aristocracia feudal ni la burguesĂ­a querĂ­an un gobierno ultra, devolvieron a Fernando la confianza suficiente para derogar la derogaciĂłn y echar del gobierno a Alcudia y Calomarde, mĂĄs bien cĂłmplices que protagonistas del episodio
  19. La Parra LĂłpez 2018, p. 588-589.
  20. Fontana 2006, p. 325-326.
  21. «_Tampoco_lo_toleraron_Calomarde,_que_tras_la_reforma_de_1827_había_conseguido_poner_a_la_policía_bajo_la_dependencia_del_Ministerio_de_Gracia_y_Justicia_que_él_encabezaba,_ni_los_capitanes_generales,_en_modo_alguno_dispuestos_a_dejar_de_ser_la_måxima_autoridad_militar_y_civil_en_las_provincias_»-21" class="mw-reference-text">La Parra López 2018, p. 553. « Tampoco lo toleraron Calomarde, que tras la reforma de 1827 había conseguido poner a la policía bajo la dependencia del Ministerio de Gracia y Justicia que él encabezaba, ni los capitanes generales, en modo alguno dispuestos a dejar de ser la måxima autoridad militar y civil en las provincias »
  22. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 180.
  23. Fuentes 2007, p. 90.
  24. « ÂĄCuĂĄn sensible ha sido a mi corazĂłn la muerte de mi caro hermano! [...] Pidamos todos a Dios le dĂ© su santa gloria, si aĂșn no ha disfrutado de aquella eterna mansiĂłn. [...] No ambiciono el trono; estoy lejos de codiciar bienes caducos, pero la religiĂłn, la observancia y cumplimiento de la ley fundamental de sucesiĂłn, y la singular obligaciĂłn de defender las derechos de mis hijos y de todos mis amados consanguĂ­neos, me esfuerzan a sostener y defender la corona de España del violento despojo que de ella me ha causado una sanciĂłn tan ilegal como destructora de la ley que legĂ­timamente y sin alteraciĂłn debe ser respetada. [
] Desde el fatal momento en que muriĂł mi caro hermano creĂ­ que se habrĂ­an dictado en mi defensa las providencias oportunas para mi reconocimiento; y si hasta aquel momento habrĂ­a sido traidor el que lo hubiese intentado, ahora lo serĂĄ el que no jure mis banderas. 1 de octubre de 1833. » (voir Manifiesto de Abrantes (1833) sur Wikisource en espagnol).
  25. Fuentes 2007, p. 91-92.
  26. Fuentes 2007, p. 92.
  27. Fontana 2007, p. 139.
  28. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 180-181.
  29. Fuentes 2007, p. 92-93.
  30. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 180-183.
  31. Fuentes 2007, p. 94-95.
  32. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 185.
  33. Fuentes 2007, p. 118-119.
  34. Fuentes 2007, p. 95-96.
  35. Fuentes 2007, p. 97. «En Madrid, los artesanos representaban en torno al 40 por ciento de los urbanos alistados en los cinco batallones del cuerpo, un contingente muy superior al de cualquiera de los grupos que se pueden identificar como burguesía comercial o con las clases medias propietarias y profesionales, en las que se pensaba como principal soporte del régimen isabelino y columna vertebral de su milicia».
  36. Fuentes 2007, p. 98.
  37. Fuentes 2007, p. 98-101.
  38. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 202.
  39. Fuentes 2007, p. 116-117.
  40. Fuentes 2007, p. 102.
  41. Fuentes 2007, p. 103.
  42. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 203.
  43. Fuentes 2007, p. 104.
  44. Fuentes 2007, p. 106.
  45. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 204.
  46. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 204-205.
  47. Fuentes 2007, p. 105.
  48. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 205.
  49. Fuentes 2007, p. 105-109. «La caĂ­da de MendizĂĄbal en mayo de 1836 fue obra de una amplia coaliciĂłn de fuerzas muy heterogĂ©neas, que iban desde el moderantismo y algunos cĂ­rculos cortesanos, adversarios naturales del gobierno, hasta la izquierda del partido progresista, pasando por trĂĄnsfugas del progresismo, como AlacalĂĄ Galiano e IstĂșriz, y ciertos intelectuales de gran influencia enla opiniĂłn, identificados inicialmente con el gobierno de MendizĂĄbal, como el poeta JosĂ© Espronceda, el economista Álvaro FlĂłrez Estrada y el periodista Mariano JosĂ© de Larra. Se atribuye asimismo un cierto protagonismo al embajador de Francia, cuyo gobierno —al contrario que el inglĂ©s— sintonizaba mucho mejor con los moderados que con los progresistas»
  50. Fuentes 2007, p. 109.
  51. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 207.
  52. Fuentes 2007, p. 110-111.
  53. Fuentes 2007, p. 112-113.
  54. Fuentes 2007, p. 113.
  55. Fuentes 2007, p. 114.
  56. Fuentes 2007, p. 115.
  57. Fuentes 2007, p. 118.
  58. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 195.
  59. Fontana 2007, p. 161.
  60. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 212.
  61. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 212-213.
  62. Fuentes 2007, p. 129.
  63. Fuentes 2007, p. 120.
  64. Fontana 2007, p. 170-175.
  65. Fuentes 2007, p. 121.
  66. Fuentes 2007, p. 121. «La integración en el ejército cristino de los oficiales carlistas que aceptaran el convenio... era la parte esencial de trato, puesto que la "concesión o modificación" de los fueros vascongados y navarros no pasaba de ser una vaga promesa supeditada a la buena voluntad de Espartero y a la disponibilidad de las Cortes a aceptarla. Por otro lado, la reivindicación de los fueros era un elemento tardío y mås bien genérico en el programa del carlismo, lo que le daba un valor relativamente secundario a esta parte del convenio».
  67. Fuentes 2007, p. 121-122.
  68. Fuentes 2007, p. 122.
  69. Fuentes 2007, p. 129. «Si había algo parecido a un "pacto no escrito" entre moderados y progresistas para respetar las reglas del juego instauradas por la Constitución de 1837 era evidente que los moderados habían tardado muy poco en volver a una interpretación excluyente del juego político».
  70. Fontana 2007, p. 185.
  71. Fuentes 2007, p. 131.
  72. Bahamonde et MartĂ­nez 2011, p. 215.
  73. «_[al_mundo_urbano]_pertenecĂ­an_sus_principales_apoyos_sociales_—clases_medias,_militares,_periodistas,_artesanos,_masas_populares...—_y_en_Ă©l_disfrutaba_de_un_espacio_pĂșblico_y_una_realidad_cultural_—ateneos,_cafĂ©s,_sociedades_patriĂłticas_y_periĂłdicos—_propicios_a_la_difusiĂłn_de_su_discurso._Todo_ello_se_traducĂ­a_en_un_electorado_relativamente_fiel,_pero_tambiĂ©n_en_formas_de_poder_institucional_que_el_progresismo_manejaba_con_destreza,_como_los_ayuntamientos_y_la_milicia_nacional_»-73" class="mw-reference-text">Fuentes 2007, p. 131;130. « [al mundo urbano] pertenecĂ­an sus principales apoyos sociales —clases medias, militares, periodistas, artesanos, masas populares...— y en Ă©l disfrutaba de un espacio pĂșblico y una realidad cultural —ateneos, cafĂ©s, sociedades patriĂłticas y periĂłdicos— propicios a la difusiĂłn de su discurso. Todo ello se traducĂ­a en un electorado relativamente fiel, pero tambiĂ©n en formas de poder institucional que el progresismo manejaba con destreza, como los ayuntamientos y la milicia nacional »
  74. Vilches 2001, p. 32.
  75. « Para el gobierno interior de los pueblos habrå Ayuntamientos, nombrados por los vecinos, a quienes la ley conceda este derecho »
  76. Fuentes 2007, p. 132.
  77. Vilches 2001, p. 33-34.
  78. Vilches 2001, p. 34-35. «Este esquema revolucionario era el modelo de la revolución juntera: por un desacuerdo político se erigían juntas provinciales que, ante la debilidad del Estado y a veces con la colaboración de sus representantes políticos o militares, asumían la soberanía en su territorio, produciéndose el acuerdo entre ellas para el levantamiento de una Junta Central como representación de la soberanía nacional. El juntismo, asumido como instrumento por la izquierda liberal, fue un medio revolucionario para obtener el poder, un instrumento para la construcción de abajo arriba de un nuevo orden, que permaneció en la conciencia de la gente».
  79. Fuentes 2007, p. 132-133.
  80. Fuentes 2007, p. 133.
  81. Vilches 2001, p. 35.
  82. Vilches 2001, p. 35. «María Cristina entendió que había perdido toda su autoridad y que su continuidad como regente hacía peligrar el trono de su hija, por lo que renunció a la Regencia, pidiendo a Espartero que se encargara de la misma»
  83. Fontana 2007, p. 187.

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • (es) Ángel Bahamonde (es) et JesĂșs Antonio MartĂ­nez, Historia de España. Siglo XIX, Madrid, CĂĄtedra, , 6e Ă©d. (1re Ă©d. 1994) (ISBN 978-84-376-1049-8)
  • (es) Josep Fontana, Historia de España, vol. 6 : La Ă©poca del liberalismo, Barcelone-Madrid, CrĂ­tica/Marcial Pons, (ISBN 978-84-8432-876-6)
  • (es) Juan Francisco Fuentes, El fin del Antiguo RĂ©gimen (1808-1868). PolĂ­tica y sociedad, Madrid, SĂ­ntesis, (ISBN 978-84-975651-5-8)
  • (es) Jorge Vilches, Progreso y Libertad : El Partido Progresista en la RevoluciĂłn Liberal Española, Madrid, Alianza Editorial, (ISBN 84-206-6768-4)

Liens externes

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