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Souveraineté nationale

Le principe de souverainetĂ© nationale a des racines dans l'AntiquitĂ© avec la constitution des nations, du droit et des frontières. Fortement associĂ© Ă  l'idĂ©e de « Nation Â» par la rĂ©volution française[1], Il est aujourd'hui revendiquĂ© par tous les États, dĂ©mocratiques ou non dans le cadre du droit international [2].

Le droit le prĂ©cise peu Ă  peu, au XVIIIe siècle notamment[3]. Il figure explicitement dans la DĂ©claration des droits de l'homme et du citoyen du 26 aoĂ»t 1789 en son article 3 : « Le principe de toute SouverainetĂ© rĂ©side essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autoritĂ© qui n’en Ă©mane expressĂ©ment » [4]et constitue un sujet de dĂ©bat au sein des alliances de nations notamment dans le cadre de la construction europĂ©enne [5]. Il est tantĂ´t un facteur de cohĂ©sion (en France sous l'Ă©gide d'une rĂ©publique indivisible[6], de la constitution et de son garant le Conseil constitutionnel[7]) et de construction des Ă©quilibres gĂ©ostratĂ©giques, tantĂ´t un facteur de tensions, par exemple lors des guerres (guerres franco-allemandes notamment[8]), voire des guerres mondiales[9] ou de la guerre froide. Ce concept Ă©volue et se complexifie en raison de sa coexistence avec le dĂ©veloppement d'une certaine libertĂ© de circulation (et de grands rĂ©seaux de transports transnationaux[10]) et de la mondialisation[11] et la construction de nouvelles identitĂ©s et entitĂ©s (l'Europe par exemple)[12], voire avec l'apparition de forces d'interventions multinationales (OTAN, Casques bleus de l'ONU), notamment sous l'Ă©gide de l'ONU[13], qui nĂ©cessitent de reconsidĂ©rer les rĂ´les et missions, et donc le fonctionnement et les modalitĂ©s d'entraĂ®nement des armĂ©es[14]. La protection de cette souverainetĂ© a justifiĂ© le choix de certains pays de mettre en place le principe de la dissuasion nuclĂ©aire, qui est aussi un poids Ă©conomique et politique[15]

Relativité de la notion

La souveraineté, telle que définie ci-dessus appartient donc à la nation, une entité abstraite et unique, et n'exclut pas à priori ce que Wolfgang Friedmann nomme « un Droit de coexistence » pacifique ni un droit de coopération[16].

Cet ensemble est fictif puisqu'il ne se limite pas aux seuls citoyens présents, mais inclut les citoyens passés et futurs ; elle est supérieure à la somme des individus qui la composent. Aussi, c'est une souveraineté dont le titulaire est la nation, entité collective et indivisible. La souveraineté est ensuite incarnée dans la loi par la Constitution de 1791 qui proclame : "il n'y a point de souveraineté supérieure à la loi"

Dans la théorie classique, la souveraineté nationale se traduit par un régime représentatif, puisque la Nation ne peut gouverner directement (la simple majorité ou souveraineté du peuple n'est pas la volonté de la nation, puisqu'elle est supérieure aux sommes qui la composent[17]).

La souverainetĂ© nationale implique donc le recours Ă  des « mandataires Â», titulaires d'un mandat reprĂ©sentatif : des reprĂ©sentants dont les dĂ©cisions constituent l'expression de la volontĂ© gĂ©nĂ©rale. Ils Ĺ“uvrent dans l'intĂ©rĂŞt de la Nation et chacun la reprĂ©sente entièrement (et non leurs seuls Ă©lecteurs). On ne pourra leur reprocher une dĂ©cision car l'ensemble des citoyens actuels ne reprĂ©sente pas toute la Nation. La Nation ne peut pas, non plus, contrĂ´ler ses reprĂ©sentants puisqu'elle n'est qu'un ensemble fictif. Pour Ă©viter qu'ils n'abusent de leur pouvoir, il faut mettre en place des contre-pouvoirs. La souverainetĂ© nationale implique donc le rĂ©gime reprĂ©sentatif qui nĂ©cessite, pour son contrĂ´le, la sĂ©paration des pouvoirs (pouvoir exĂ©cutif, lĂ©gislatif et judiciaire).

La souveraineté nationale encourage aussi un suffrage censitaire. En effet, même en faisant voter l'ensemble des citoyens d'un pays, seule une infime partie de la Nation pourrait voter. On peut donc très bien limiter le suffrage à un nombre un peu plus limité de citoyens, en privilégiant ceux considérés comme les plus capables (capacité à lire et écrire, comprendre la vie politique, avoir le temps et l'indépendance nécessaire, d'où le critère de la richesse). Même si le suffrage universel n'est pas contraire, il ne va pas de soi (dans les pays anglo-saxons, le suffrage, à l'origine très limité, a peu à peu été étendu).

La souveraineté nationale entraine une exclusion de la démocratie directe et le suffrage est davantage une fonction qu'un droit.

Elle interfère avec la gouvernance de l'économie (qui tend depuis le XIXe siècle à se mondialiser et à encourager une guerre économique plus ou moins soutenue par les nations[18], ce qui selon certains auteurs est une source de risque pour les souverainetés nationales[19]

Dans le droit

Les pays anglo-saxons (en particulier les États-Unis) fondèrent leurs régimes institutionnels sur cette théorie.

L'application française de la souveraineté nationale est souvent attribuée à l'abbé Sieyès. Elle fait coexister un régime représentatif avec des procédures de démocratie directe.

La Constitution de la Ve république a établi un compromis entre la souveraineté nationale et la souveraineté populaire en faisant coexister un régime représentatif et une part de démocratie directe au travers du référendum (cf article 3 de la Constitution de 1958).

L'apparition de divers niveaux de souveraineté et d'une gouvernance mondiale et multi-niveaux (en Europe par exemple[20], avec le traité de Maastricht[21]) nuance et complexifie la notion de souveraineté, notamment dans les domaines militaires, économiques et des politiques culturelles ou d'immigration[22].

TĂ©moignage

Dans Le Dernier Mitterrand[23], Georges-Marc Benamou rapporte que François Mitterrand lui a expliquĂ© que la France ne sera plus souveraine : « "En fait je suis le dernier des grands prĂ©sidents". Il me dit ça vite, dans un mĂ©lange de pudeur et de grandiloquence. Comme s'il craignait que je le prenne pour un vieux fou, il tente de rationaliser l'aveu qu'il vient de me faire : "Enfin, je veux dire le dernier dans la lignĂ©e de De Gaulle. Après moi, il n'y en aura plus d'autres en France... Ă€ cause de l'Europe... Ă€ cause de la mondialisation... Ă€ cause de l'Ă©volution nĂ©cessaire des institutions... Dans le futur, ce rĂ©gime pourra toujours s'appeler la Ve RĂ©publique... Mais rien ne sera pareil. Le prĂ©sident deviendra une sorte de super-Premier ministre, il sera fragile" Â».

Notes et références

  1. Wahnich, S. (1999). Puissance des concepts et pouvoir des discours: Quelques débats révolutionnaires sur la souveraineté: Les mots des institutions. Ethnologie française, 29(4), 591-598 (résumé)
  2. Calvez, J. Y. (1953). Droit international et souveraineté en URSS (Vol. 48). Armand Colin.
  3. Bickart, R. (1932). Les parlements et la notion de souveraineté nationale au XVIIIe siècle. F. Alcan.
  4. « Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen », sur Légifrance,
  5. Théret B (1995) L'État, la finance et le social : souveraineté nationale et construction européenne
  6. Marcou G (2002) Le principe d'indivisibilité de la République. Pouvoirs, (100), 45-65.
  7. Luchaire, F. (1991). Le Conseil constitutionnel et la souveraineté nationale. Revue du droit public et de la science politique en France et a l’étranger.
  8. Kirchheimer O (1934) Remarques sur la théorie de la souveraineté nationale en Allemagne et en France. Recueil Sirey.
  9. Hauriou M (1912). La souveraineté nationale. L. Larose et L. Tenin.
  10. Tissot L (1998) Les modèles ferroviaires nationaux et la création d'un système international de transports Européens, 1870-1914. coordination, intégration ou unification?. Relations internationales, (95), 313-327.
  11. Michalet CA (2003) Souveraineté nationale et mondialisation. Mondialisation et Gouvernance Mondiale. PUF, Paris.
  12. Thiesse AM (2000). La fabrication culturelle des nations européennes: Cultures: la construction des identités. Les Grands dossiers des sciences humaines, (110), 38-42.
  13. Pandolfi M (2000) Une souveraineté mouvante et supracoloniale. Multitudes, (3), 97-105.
  14. Hehir, J. B. (1999). Intervention militaire et souveraineté nationale. Une relation à repenser. Des choix difficiles: Les dilemmes moraux de l’humanitaire. París : Gallimard, 49-80.
  15. Villepin X (1996)La dissuasion nucléaire, fondement de la souveraineté nationale ou fardeau politique ? Relations internationales et stratégiques.
  16. Friedmann WG (1970) Droit de coexistence et droit de coopération: Quelques observations sur la structure changeante du droit international. Éditions de l'Institut de sociologie
  17. Bacot G (1985) Carré de Malberg: et l'origine de la distinction entre souveraineté du peuple et souveraineté nationale. Éditions du Centre national de la recherche scientifique.
  18. Coulomb F & Fontanel J (2007). 13. Mondialisation, guerre économique et souveraineté nationale. Recherches, 190-201 (résumé).
  19. Vernon R (1973) Les entreprises multinationales : la souveraineté nationale en péril. Calmann-Lévy
  20. Du Bois, P. Souveraineté nationale, souveraineté européenne. sf, http://www. swissdebate. ch/Medias/publications/Souve-rainete_europene. pdf.
  21. Masson, G. (1992). Maastricht ou la souveraineté nationale. Cahiers du Communisme. Revue politique et théorique du Comité central du Parti communiste français, 6, 27-33.
  22. Mahnig H (1998) Politique d'immigration et principe d'égalité. Hommes & migrations, (1211), 113-118.
  23. Page 159.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Badie B (1999) Un monde sans souverainetĂ©: Les États entre ruse et responsabilitĂ©. Fayard.
  • Bauler, A. (2001). Les Fruits de la souverainetĂ© nationale. Essai sur le.
  • Combacau J (1993) Pas une puissance, une libertĂ© : la souverainetĂ© internationale de l’État. Revue "Pouvoirs", 67, 47-58.
  • Larose, J. (1994). La souverainetĂ© rampante. BorĂ©al
  • Le Roy T (1998) L'Union europĂ©enne et la souverainetĂ© a la française: le point de vue du juriste. TOCQUEVILLE REVIEW, 19, 37-48.
  • Thibaud P (2001) La souverainetĂ© nationale n'est pas un terminus. Le Monde des dĂ©bats.
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