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Lynchage et loi de Lynch

Le lynchage est une pratique de justice expéditive américaine, instaurée par Charles Lynch (1736-1796), un planteur de la Virginie et juge de paix qui, pendant la guerre d'indépendance des États-Unis présida un tribunal irrégulier constitué pour punir les loyalistes à la couronne britannique.

Par la suite la pratique du lynchage se répandit lors de la conquête de l'Ouest des États-Unis dans les nouveaux territoires où les instances judiciaires étaient souvent absentes ou insuffisamment représentées. Cette nouvelle pratique prendra une nouvelle dimension, la « loi de Lynch » désigne alors toute forme de violence par laquelle une foule, sous prétexte de rendre la justice sans procès, exécute un présumé coupable, généralement par pendaison. À la fin de la guerre de Sécession, les lynchages de personnalités républicaines et d'Afro-Américains sont devenus fréquents dans les États du Sud pendant la période de l'ère dite de la Reconstruction et jusqu'à la fin des années 1950, avec par exemple le lynchage d'Emmett Till en 1955. Après l'adoption de différentes lois comme le Civil Rights Act de 1964, le Voting Rights Act de 1965 et le Civil Rights Act de 1968 prohibant toutes les lois et réglementations ségrégatives sur l'ensemble des États-Unis, cette pratique devient sporadique comme le lynchage de Michael Donald en 1981. Ces actions criminelles sont principalement le fait de l'organisation terroriste du Ku Klux Klan et de divers groupuscules de la mouvance du suprémacisme blanc.

Par extension, le mot lynchage et le verbe lyncher sont aussi employés de nos jours péjorativement et de façon abusive pour qualifier une attaque verbale ou médiatique, réalisée par un groupe ou pour qualifier un passage à tabac en réunion, même si celui-ci n'a pas provoqué la mort de la victime. Le lynchage cybernétique ou informatique est considéré comme une forme de cyberharcèlement.

Carte postale reprĂ©sentant le lynchage de Lige Daniels, garçon noir de 16 ans, accusĂ© d'avoir tuĂ© une vieille femme blanche Ă  Center au Texas (États-Unis) le .

Charles Lynch et la loi de Lynch

Charles Lynch est né en 1736 à Chestnut Hill dans l'actuelle Virginie. Entre 1769 et 1776, il a siégé comme représentant du comté de Bedford à la Chambre des Bourgeois de Virginie. En 1774, il est également nommé comme juge de paix[1], poste qu'il occupe jusqu'en 1780. En 1778, sur les recommandations du gouverneur de la Virginie, il est nommé colonel de la milice de l'État. Il siège au Comité du commerce, où il prend des décisions instituant des boycotts contre les produits d'origine britannique. Ses diverses fonctions placent le colonel Lynch dans une position de figure éminente de la cause patriote. Avec Patrick Henry, Thomas Jefferson et George Washington, il a formé une association pour interdire l'échange ou la vente de thé, de verre et de produits en papier jusqu'à ce que la taxe britannique sur ces articles soit supprimée. Dans une lettre envoyée à Charles Lynch par le gouverneur Thomas Jefferson en août 1780, il lui est demandé de saisir toute personne sur laquelle reposait une culpabilité probable de loyalisme. Lynch devait alors juger l'accusé, puis le coupable devait être envoyé à Richmond pour un nouveau procès, où seraient prononcées les peines. Mais Lynch redoutait que lors du transport jusqu'à Richmond, le convoi puisse être attaqué, ou bien que cela donnât du temps à la fabrication de faux témoignages. Il décide alors de faire exécuter les peines sur place dans son domaine de Green Level. Les peines allaient de un à cinq ans de prison, et étaient parfois de la flagellation. Dans un premier temps, Thomas Jefferson reprochera à Charles Lynch sa pratique illégale de la justice, mais en 1782, l'Assemblée générale (futur Congrès des États-Unis) annule les charges retenues contre Charles Lynch en faisant valoir que ses décisions étaient justifiées en regard du caractère d'urgence de la situation. Par la suite l'expression Loi de Lynch désignera toute pratique d'exécution sommaire extrajudiciaire, généralement par pendaison, commise par un groupe ou une foule envers une personne présumée coupable[2] - [3] - [4] - [5] - [6].

Diverses utilisations de la loi de Lynch aux États-Unis

Loi de Lynch et Ku Klux Klan

Le Président Abraham Lincoln signe le 1er janvier 1863, la Proclamation d'émancipation qui abolit l'esclavage négrier. Cette proclamation va être suivie de plusieurs amendements à la Constitution à savoir : le treizième amendement du 6 décembre 1865 abolissant l'esclavage, le quatorzième amendement de 1868, accordant la citoyenneté à toute personne née ou naturalisée aux États-Unis et interdisant toute restriction à ce droit, et le quinzième amendement de 1870, garantissant le droit de vote à tous les citoyens des États-Unis. Pour entraver les nouveaux droits des Afro-Américains, les États du Sud utilisent deux dispositifs : le premier est un dispositif d'intimidation par le terrorisme avec le Ku Klux Klan (KKK), l'autre légal, réglementaire : les lois Jim Crow issues des Black Codes[7] - [8].

Le Ku Klux Klan (KKK) sous la houlette de Nathan Bedford Forrest va ĂŞtre le bras armĂ© des Blancs rĂ©fractaires aux lois abolitionnistes, utilisant toutes sortes de moyens : intimidations verbales et physiques (jusqu'aux coups de fouet), terreur, lynchages[9], chantage, corruption pour imposer ses candidats au sein du Parti dĂ©mocrate, puis pour faire triompher ceux-ci aux Ă©lections pour les institutions parlementaires des États du Sud et faire voter des lois locales sĂ©grĂ©gationnistes. Par exemple, dans le comtĂ© de Columbia, Ă  l'Ă©lection d', 1 222 personnes votent pour le candidat rĂ©publicain au poste de gouverneur de GĂ©orgie, mais seulement une pour le candidat Ulysses S. Grant Ă  l'Ă©lection prĂ©sidentielle amĂ©ricaine de 1868[10].

Pour cela, le KKK sillonne le pays pour y tenir des rĂ©unions et saboter les rĂ©unions Ă©lectorales des RĂ©publicains. Chacune de ses apparitions est suivie d'une vague de violence contre les Afro-AmĂ©ricains[11]. Les membres du KKK font irruption dans leurs maisons pour les fouetter ou les assassiner en les pendant aux arbres ou en les brĂ»lant vifs dans des cages. Certaines femmes enceintes sont Ă©ventrĂ©es et des hommes castrĂ©s. Les Blancs du Bureau des rĂ©fugiĂ©s qui instruisent les Afro-AmĂ©ricains sont Ă©galement visĂ©s par le Ku Klux Klan ainsi que les carpetbaggers. On estime que lors de cette campagne prĂ©sidentielle, le KKK a assassinĂ© ou blessĂ© plus de 2 000 personnes rien qu'en Louisiane[12] - [13]. Au Tennessee, de juin Ă  octobre 1867, il est fait part de vingt-cinq meurtres, de quatre viols et de quatre incendies volontaires. Sous la pression de la terreur, les comtĂ©s de Giles et de Maury se sont vidĂ©s de leurs habitants Afro-AmĂ©ricains et blancs loyaux au gouvernement fĂ©dĂ©ral[14].

L'année 1868 est marquée par l’implantation du Klan dans plusieurs États (Missouri, Mississippi, Kentucky, Virginie-Occidentale, Maryland, Caroline du Nord, Caroline du Sud, Géorgie). Son ascension politique est facilitée par les notables qui voient dans le Klan un moyen de réduire, voire museler les Républicains pour assurer la victoire des Démocrates dans les élections. Des figures éminentes des États du Sud sont suspectées d'appartenir au Klan ou d'être des sympathisantes comme John Tyler Morgan[15] - [16], Albert Pike[17] - [18], Zebulon Baird Vance[19], John Brown Gordon[20] - [21] - [22], sans que l'on puisse toujours en faire la preuve formelle, mais dont la carrière politique est facilitée par les actions du Klan[23].

Dessin paru dans le Harper's Magazine d' critiquant l'alliance de la White League et du Ku Klux Klan contre la reconstruction du Sud.

Le , Forrest accorde une interview Ă  un journaliste du The Commercial de Cincinnati oĂą il indique que le Klan dispose de 550 000 membres dans les États du Sud, et prĂ©sente le KKK comme une organisation militaire et politique pour protĂ©ger les gens du Sud de l'oppression de l'armĂ©e fĂ©dĂ©rale. Pour faire barrage Ă  l'influence du Nord, Forrest affirme que le Klan met tous ses moyens en Ĺ“uvre pour faire Ă©lire des DĂ©mocrates qui lui sont favorables. Il conclut très prudemment qu'il n'est pas membre du Klan mais qu'il souhaite travailler avec eux. Quand les membres du Congrès lisent l'interview, l'article confirme bien leurs craintes sur le fait que le Klan est une vĂ©ritable armĂ©e contre-rĂ©volutionnaire, que ses effectifs ne sont pas que des rumeurs, qu'il n'est plus du tout une bande de petite taille et enfin qu'il s'Ă©tend largement au-delĂ  du Tennessee[24].

Ulysses S. Grant déclare à propos du KKK : « les buts du Klan sont d'empêcher par la force et la terreur toute action politique qui n'est pas en accord avec leurs positions : priver les personnes de couleur de leurs droits, supprimer les écoles pour les enfants des personnes de couleur, les confiner dans une situation proche de l'esclavage »[25]. Comme l'indique Wyn Craig Wade dans son livre The Fiery Cross, même un historien favorable au Klan ne peut que convenir que « La pire chose qu'ait pu commettre le Klan fut son opposition aux écoles pour les nègres », les enseignants et enseignantes qui professent dans les écoles pour les Afro-Américains sont rossés, fouettés, voire assassinés et leurs écoles incendiées[26].

Diverses actions judiciaires sont lancées contre le Klan mais n'aboutissent pas car les membres des jurys sont composés de sympathisants du Klan et les témoins se rétractent par crainte de représailles[24].

Anticipant une rĂ©action officielle bien que tardive des autoritĂ©s de Washington, Forrest dissout le Klan en janvier 1869, officiellement parce certains membres du Klan avaient jetĂ© l'opprobre sur son image publique par leurs actions violentes. Mais plus officieusement, après avoir brĂ»lĂ© tous les documents du Klan, il fait entrer le Klan dans la clandestinitĂ© et il continue ses activitĂ©s terroristes sous le nom de l'« Empire invisible des Chevaliers du Ku Klux Klan » selon sa dĂ©nomination interne. Il est dĂ©comptĂ© un minimum de 3 500 assassinats commis par le KKK entre 1865 et 1900 (le nombre exact est inconnu car souvent les autoritĂ©s ont classĂ© les affaires sans suite)[27] - [28].

Frederick Douglass et Ida B. Wells et leurs actions contre les lynchages

En 1892, l'Afro-Américain Frederick Douglass, figure fondatrice du mouvement des droits civiques, écrit un article dans lequel il fustige les lynchages menés par des foules alcoolisées sans que l'on soit capable de savoir si la personne est coupable ou non, actes barbares, indignes de la civilisation, actes désavoués par toutes les morales ; cherchant les causes, il écarte les foules ignorantes et les juges qui suivent la foule, pour condamner la presse qui se complaît à narrer les lynchages et en faire l'apologie[29].

Ă€ sa suite, l'Afro-AmĂ©ricaine Ida B. Wells, autre figure du mouvement des droits civiques et des suffragettes, copropriĂ©taire et Ă©ditrice du Free Speech and Headlight, un journal anti-sĂ©grĂ©gationniste abritĂ© par l'Église mĂ©thodiste de Beale Street Ă  Memphis qui mène notamment des campagnes contre les lynchages[30] - [31] - [32]. En mars 1892, dans un contexte de tensions raciales attisĂ©es par des terroristes du Ku Klux Klan, une Ă©meute nocturne visa la People's Grocery Company, une Ă©picerie prospère, tenue par des Noirs, accusĂ©e de faire de l'ombre Ă  un commerce similaire mais tenu par des Blancs. Trois hommes sont blessĂ©s par balle et les trois propriĂ©taires du commerce - Thomas Moss, Calvin McDowell et Henry Stewart sont emprisonnĂ©s[33]. Dans la nuit, la foule prend d’assaut la prison et les lynche Ă  mort. Ida B. Wells, qui connaissait bien les trois hommes, Ă©tait absente cette nuit-lĂ , occupĂ©e Ă  vendre des souscriptions pour son journal dans le comtĂ© de Natchez. Apprenant la nouvelle des lynchages de l'Ă©picerie populaire, elle exprime sa colère dans le Free Speech sous la forme d'un article dans lequel elle presse ses concitoyens Afro-AmĂ©ricains de quitter la ville : « Il n’y a qu’une seule chose Ă  faire ; prendre notre argent et quitter une ville qui ne protĂ©gera jamais nos vies et nos biens, ne nous rendra pas justice devant les tribunaux, mais nous prend et nous tue de sang-froid quand nous sommes accusĂ©s par des personnes blanches ». Cet assassinat de ses amis pousse Wells Ă  mener un travail d'investigation sur le lynchage pratiquĂ© Ă  l'encontre des Afro-AmĂ©ricains dans le Sud des États-Unis[34]. Après trois mois de recherches, son premier article sur le sujet conclut que l'accusation de viol, souvent avancĂ©e comme justification du lynchage, n'est en rĂ©alitĂ© qu'un prĂ©texte utilisĂ© pour punir les Afro-AmĂ©ricains surpris Ă  avoir des relations sexuelles consenties avec des Blanches. Son article sur le lynchage est une analyse critique des divers actes de lynchage avec leurs motifs sur une pĂ©riode allant de 1882 Ă  1891, analyse faite Ă  partir des donnĂ©es du Chicago Tribune, montrant en outre la phobie obsessionnelle des Blancs quant aux relations sexuelles entre des femmes blanches et hommes Afro-AmĂ©ricains[35] - [36]. Cet article sera suivi de plusieurs ouvrages sur le lynchage : Southern Horrors: Lynch Law in All Its Phases, 1892, The Red Record: Tabulated Statistics and Alleged Causes of Lynching in the United States, 1895, Mob Rule in New Orleans, 1900[37] - [38]. La rĂ©action Ă  la publication son article est immĂ©diate : le 27 mai 1892, alors que Wells est Ă  Philadelphie, les locaux de son journal sont saccagĂ©s et son assistant chassĂ© de la ville. EffrayĂ©e, elle refuse de retourner Ă  Memphis et s'installe Ă  New York, oĂą le New York Age de Timothy Thomas Fortune accepte de publier ses articles consacrĂ©s au lynchage. Elle peut Ă  cette pĂ©riode mesurer ses qualitĂ©s d'oratrice lorsqu'on lui demande d'intervenir publiquement dans un meeting contre le lynchage. Elle s'affirme dès lors comme l'une des principales protagonistes de la croisade contre le lynchage. Elle organise notamment en compagnie du vĂ©tĂ©ran de la lutte contre l'esclavage Frederick Douglass un boycott de l'exposition universelle de 1893 Ă  Chicago qui nulle part ne mentionnait l'histoire des Afro-AmĂ©ricains dans les pavillons officiels. Wells, Douglass, Irvine Garland Penn et Ferdinand Lee Barnett (Chicago) rĂ©digent Ă  cette occasion un pamphlet distribuĂ© Ă  l'entrĂ©e de l'exposition : « Les raisons pour lesquelles l'amĂ©ricain de couleur n'est pas Ă  l'exposition universelle » (Reasons Why the Colored American Is Not in the World's Columbian Exposition) dĂ©taille le parcours des Afro-AmĂ©ricains depuis leur arrivĂ©e en AmĂ©rique. Elle confia plus tard Ă  Albion W. TourgĂ©e que 20 000 copies du pamphlet avait Ă©tĂ© distribuĂ©es. Ă€ l'issue de l'exposition, Wells dĂ©cide de rester Ă  Chicago et trouve une place dans la rĂ©daction du Chicago Conservator, le plus vieux journal afro-amĂ©ricain de la ville.

La NAACP et les actions contre le lynchage

La lutte pour l'abrogation des lois Jim Crow va se centrer sur le symbole du lynchage des Afro-Américains. Désormais on ne passe plus sous silence les actes de lynchage. En 1909 se crée la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), qui par son magazine The Crisis publie des reportages, des études sur les actes de lynchages et en tient la comptabilité, et elle publie des articles rapportant les faits. Commencent alors des combats visant l'abolition des pratiques du lynchage[39] - [40] - [41] - [42].

En 1935, la NAACP adresse une pétition au président Franklin D.Roosevelt pour demander l'interdiction de la pratique du lynchage[43] - [44] - [45] qui restera sans suite malgré l'appui d'Eleanor Roosevelt[46].

Naissance d'une nation

Lorsque sort le le film Naissance d'une nation de D. W. Griffith, adaptation cinématographique du roman The clansman : an historical romance of the Ku Klux Klan (L'homme du Clan, une histoire d'amour historique du Ku Klux Klan) écrit par un fils et neveu de membres du Klan, Thomas F. Dixon Jr., les Afro-Américains et les Blancs soucieux des droits civiques dénoncent ce qui apparaît, en dehors de l'innovation esthétique, un film de propagande[47] soulevant des polémiques violentes[48].

Le journal The Crisis organe de presse de la jeune National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), lance une campagne de boycott. Oswald Garrison Villard y dénonce une incitation directe au meurtre, une intention délibérée pour attiser les préjugés racistes, une insulte contre une partie de la population. Ses critiques sont reprises par la future prix Nobel de la paix, Jane Addams qui écrit dans l'Evening Post au sujet de la seconde partie du film qu'elle donne un image pernicieuse des Noirs, elle y dénonce la victimisation des Blancs, les falsifications historiques. Le scientifique Jacques Loeb de l'université Rockfeller qualifie le film de glorification de la folie meurtrière, le romancier Upton Sinclair en parle comme étant le film le plus vénéneux qui soit, des universitaires comme l’abolitionniste Samuel McChord Crothers ou Albert Bushnell Hart démontrent que les faits rapportés dans la seconde partie du film ne sont que des fictions que ne corrobore aucune source. Malgré cela, le 15 mars 1915, le National Board of Review (commission de la censure) autorise le film après avoir obtenu la suppression de quelques séquences parmi les plus violentes. Cette version révisée ne satisfait nullement les attentes des partisans de sa censure comme Oswald Garrison Villard et W.E.B. Dubois de la NAACP ou la suffragette Harriot Eaton Stanton Blatch car elle n'ôte rien à son caractère raciste. Le le maire de New York John Purroy Mitchel, donne raison aux détracteurs du film et demande à son tour des coupes à l’intérieur du film. Il n'obtient que la suppression de la scène finale ou les Afro-Américains sont déportés en Afrique. Alors que le film va être projeté à Boston, Dixon avive les tensions en déclarant que l'une de ses intentions en écrivant The clansman est de créer un sentiment d'exécration envers les gens de couleur chez la population blanche et plus particulièrement chez les femmes blanches. Le 17 avril 1915, alors que le film va être projeté au theâtre Tremont de Boston, William Monroe Trotter, figure majeure de la communauté afro-américaine de Boston, prend la tête d'une manifestation qui envahit la salle. Deux cents policiers sont appelés pour les évacuer, Monroe Trotter et onze autres manifestants sont arrêtés. Devant l'hostilité envers le film, James Michael Curley, le maire de Boston ferme la salle, le lendemain, le gouverneur du Massachusetts David I. Walsh, lui prend le pas et promulgue une loi interdisant les films pouvant provoquer des incidents racistes, mais sa loi est invalidée comme étant inconstitutionnelle. Parallèlement, Mary Childs Nerney, secrétaire générale de la NAACP, écrit une lettre ouverte à la commission de la censure pour obtenir des coupures plus significatives, qu'elles nuiraient en rien au succès du film qui engrange des profits remarquables[49] - [50] - [51] - [52] - [53].

Renaissance du Klan

William Joseph Simmons, un ex prédicateur de l'Église méthodiste révoqué pour son incompétence et son ivrognerie notoire, s'inspire de la popularité du film Naissance d'une nation et de son apologie du Klan pour le relancer. Le , il réunit autour de lui trente quatre hommes pour signer une charte qui, à la date du Thanksgiving suivant (le jeudi ), devient la charte des Chevaliers du Ku Klux Klan (Knights of the Ku Klux Klan). Cette charte est calquée sur un exemplaire du Prescript de 1867 du premier Ku Klux Klan, dont il a obtenu une copie[54] (une version est publiée en 1917 sous le titre de Kloran[55] - [56]). La cérémonie se déroule au sommet de la Stone Mountain en Géorgie[57] - [58], Simmons est intronisé Grand sorcier. Toujours sous l'inspiration du film Naissance d'une nation il dresse une croix enflammée qui deviendra un rituel du Klan. Simmons lors de cette cérémonie insiste sur le fait que cette organisation se veut être une renaissance du premier Klan de l’ère de la Reconstruction. Il souhaite que le Klan soit un mouvement qui puisse unifier les White Anglo-Saxon Protestant contre les forces menaçant le mode de vie américain, ces forces étant représentées par les Afro-Américains, les Catholiques, les Juifs, les étrangers, les immigrants et tout groupe dont les traditions sont contraires au mode de vie conservateur de l'Amérique rurale. Il reprend ainsi les thèses nativistes qui prétendent incarner les valeurs des Pères fondateurs[59] - [60] - [61] - [62].

Avec la multiplication des Klansmen, les nouveaux venus ne pensent qu'Ă  pratiquer des coups de main contre les ennemis de l’AmĂ©rique pure, qui vont de la flagellation au lynchage en passant par le racket[63] - [64]. Ă€ Mer Rouge dans la Louisiane, des Klansmen assassinent deux Blancs qui s'opposent Ă  eux, en les battant Ă  mort. Ă€ Lorena dans le Texas, c'est le shĂ©rif qui, voulant mettre fin Ă  une parade des Klansmen, est abattu de deux balles. Il rĂ©chappe Ă  la mort, porte plainte, mais les accusĂ©s sont innocentĂ©s par le jury qui dans ses attendus prĂ©cise que le shĂ©rif n'avait pas le droit « d’interfĂ©rer sur une affaire qui le regardait pas », ce qui fait dire au jeune juriste Leon Jaworski[65] qu'en ce qui concerne le Klan, il n'y avait pas de justice[66]. L'Institut Tuskegee (actuelle UniversitĂ© Tuskegee) qui tient un observatoire des actes du Klan, comptabilise 726 lynchages sur la pĂ©riode qui va de 1915 Ă  1935[67].

Dyer Anti-Lynching Bill

Entre 1890 et 1930, quarante États décident de mettre fin aux pratiques terroristes du lynchage. Les mesures prises varient d'un État à l'autre, loi de protection des prisonniers une fois en détention, dans d'autres les shérifs deviennent responsables des cas de lynchage et sont passibles de poursuites pénales et pour d'autres encore des lois avaient établi le droit des personnes à poursuivre la ville ou le comté pour dommages-intérêts voire demander l'intervention de la garde de l'État pour faire disperser une foule menaçante. Mais ces divers dispositifs réglementaires étaient peu suivis dans les États du Sud, pour éviter des lynchages publics, de véritables escadrons de la mort opéraient de nuit pour se rendre au domicile du suspect pour accomplir leur forfait. Face à cette persistance de la pratique du lynchage la NAACP lance une grande campagne contre le lynchage. Sous la direction de James Weldon Johnson, la NAACP élabore un projet de loi anti-lynchage que le représentant républicain du Missouri, Leonidas C. Dyer (en) reprend et présente à la Chambre des représentants en janvier 1918. La loi est adoptée en 1922, mais elle est refusée par le Sénat à cause l’obstruction des sénateurs démocrates et est abandonnée[68] - [69] - [70] - [71]. Ce projet de loi sera présenté régulièrement[72], il faudra attendre 2020 pour qu'enfin la pratique du lynchage devienne un délit fédéral[73]. Cette loi porte le nom d'Emmett Till Antilynching Act en mémoire du lynchage d'Emmett Till[74] - [75].

DĂ©clin

Ă€ partir des 1890, des juristes et des clercs dĂ©noncent la barbarie du lynchage, ses erreurs judiciaires, son cĂ´tĂ© arbitraire et commencent Ă  s'interroger sur sa constitutionnalitĂ© et Ă  proposer des remèdes (Cf. les articles mis en bibliographie). Peu Ă  peu la pratique du lynchage diminue pour disparaĂ®tre, mĂŞme dans les Ă©tats les plus racistes comme la Virginie ou la GĂ©orgie. Le Texas est l'Ă©tat qui continuera les lynchages, il faut attendre 1942 pour que la pratique cesse sous le poids de l'opinion[76]. Les lynchages continueront de façon sporadique, pratiquĂ©s par des groupuscules suprĂ©macistes comme le lynchage particulièrement violent d'Emmett Till, jeune afro-amĂ©ricain de 14 ans, qui fut lynchĂ© après avoir Ă©tĂ© faussement accusĂ© d'essayer de sĂ©duire une femme blanche. Emmett Till fut frappĂ© jusqu'Ă  en devenir mĂ©connaissable (il eut les yeux arrachĂ©s, reçut un ou plusieurs tirs de pistolet, de très nombreux coups, un ventilateur de machine Ă  trier le coton fut attachĂ© autour de son cou avec du fil barbelĂ©), puis il fut jetĂ© encore vivant dans la rivière Tallahatchie (en), près de Glendora dans le Mississippi[77] - [78] - [79]. Ces groupes suprĂ©macistes prĂ©fèrent au lynchage des actes de terrorisme plus spectaculaires comme l'attentat de l'Ă©glise baptiste de la 16e rue.

Bilan

Entre 1901 et 1929, plus de 1 200 Afro-AmĂ©ricains ont Ă©tĂ© tuĂ©s Ă  la suite d'actes de lynchage, principalement dans les Ă©tats de la GĂ©orgie et du Mississippi[80].

De 1877 Ă  1968, 4 743 personnes hommes, femmes et enfants – pratiquement une personne par semaine pendant quatre-vingts ans – furent ainsi victimes de ces pratiques aux États-Unis, perpĂ©trĂ©es au nom d'une loi non Ă©crite[81] - [82] - [83] - [84]. Des annĂ©es 1880 aux annĂ©es 1930, on recense une majoritĂ© de victimes afro-amĂ©ricaines parmi les lynchĂ©s : 2 400 personnes (selon les sources) contre 300 personnes blanches, durant la mĂŞme pĂ©riode[85]. La plupart de ces lynchages ayant eu lieu dans les États du Sud des États-Unis[86]. Bien souvent, le fait, pour une personne afro-amĂ©ricaine, d'avoir « offensĂ© la suprĂ©matie blanche » : un regard, une rumeur, une dispute, des insultes, un tĂ©moignage Ă  charge contre un Blanc, une infraction aux lois Jim Crow pouvaient la conduire Ă  la potence.

Exemple, parmi des milliers, deux couples d'afro-amĂ©ricains (Roger et Dorothy Malcolm, ainsi que George et Mae Murray Dorsey) furent assassinĂ©s le Ă  Monroe, ville situĂ©e Ă  70 kilomètres au sud-est d’Atlanta, dans le comtĂ© de Walton, en GĂ©orgie. Une trentaine de personnes les ayant extirpĂ©s de leurs voitures, ils furent ensuite abattus après avoir Ă©tĂ© attachĂ©s Ă  des arbres, après quoi les corps furent jetĂ©s dans les buissons. Ă€ la suite de cela, le prĂ©sident Truman fut le premier homme politique amĂ©ricain Ă  avoir, ouvertement, pris position contre le lynchage, d'autant plus que l'un des hommes Ă©tait un vĂ©tĂ©ran de la Seconde Guerre mondiale et que Dorothy Malcolm Ă©tait enceinte de sept mois. Truman envoya le FBI sur les lieux, mais les enquĂŞteurs fĂ©dĂ©raux se heurtèrent Ă  un mur de silence. Leurs meurtriers Ă©chappèrent alors Ă  la justice[87].

Un rapport (Reconstruction in America: Racial Violence After the Civil War) menĂ© par l'association Equal Justice Initiative (en) en 2015 fait un nouveau dĂ©compte des actes de lynchages envers les Afro-AmĂ©ricains, ainsi le nombre de lynchages entre 1865 et 1950 se monte Ă  6 500 victimes. L'enquĂŞte dĂ©taille près de 2 000 lynchages pour terroriser la population afro-amĂ©ricaine frappant aussi bien des hommes, des femmes et des enfants qui se sont produits pendant la pĂ©riode de la Reconstruction de 1865 Ă  1876[88] - [89].

Le Emmett Till Antilynching Act

Le , le président Joe Biden promulgue le Emmett Till Antilynching Act (en), loi fédérale qui s'applique à l’ensemble des États-Unis, loi qui prohibe tout acte de lynchage et qualifie cette pratique de crime de haine[90] - [91] - [92] - [93] - [94].

Alabama

Lynchage de George Meadow Ă  Jefferson (Alabama).

Selon l'universitĂ© Tuskegee, 299 Afro-AmĂ©ricains ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s par lynchage dans l'Alabama[95] - [96] - [97]. Le , dans le comtĂ© de Jefferson, une bande d'hommes blancs lyncha George Meadows, soupçonnĂ© d'avoir agressĂ© une femme blanche, Mme Kellam, bien que celle-ci ait suppliĂ© la foule de ne pas le lyncher, arguant que ce n'Ă©tait pas la bonne personne. Une fois pendu, son corps fut criblĂ© de balles. Des photos de sa dĂ©pouille suspendue ont Ă©tĂ© prises et distribuĂ©es comme souvenir. Plus tard, son cadavre fut amenĂ© Ă  un entrepreneur de pompes funèbres et exposĂ© au public. Le jour suivant, le shĂ©rif annonça l'innocence de George Meadows[98] - [99].

Le lynchage de Michael Donald du Ă  Mobile est l'un des derniers lynchages de l'histoire amĂ©ricaine. Michael Donald fut lynchĂ© par Henry Hays et James Llewellyn « Tiger » Knowles, deux membres du Ku Klux Klan qui cherchaient Ă  se venger de l'acquittement de Josephus Anderson, accusĂ© d'avoir tuĂ© un policier lors du braquage d'une Ă©picerie Ă  Birmingham : pour eux c'Ă©tait la faute de membres du jury afro-amĂ©ricains et, pour faire justice, ils ont dĂ©cidĂ© de faire payer un Noir, aussi s'arment-ils, prennent un rouleau de corde et lors de leur expĂ©dition, ils tombent sur le jeune Michael Donald ; sous la menace d'un revolver, ils le forcent Ă  entrer dans leur vĂ©hicule. Son cadavre est dĂ©couvert le lendemain : il a Ă©tĂ© battu, Ă©gorgĂ©, puis pendu Ă  un arbre. La caractĂ©ristique de cet assassinat est qu'il s'agit d'un crime de haine pur. Michael Donald, contrairement aux autres victimes du Klan, n'Ă©tait suspectĂ© ni d'avoir commis le moindre dĂ©lit, ni d'ĂŞtre un militant d'une quelconque organisation des droits civiques ; il a eu juste le tort d'ĂŞtre lĂ  au mauvais moment, au mauvais endroit. Au bout de deux annĂ©es d'enquĂŞte, les coupables sont emprisonnĂ©s. Après plusieurs procès, Henry Hays est condamnĂ© Ă  mort et James Knowles est condamnĂ© Ă  la perpĂ©tuitĂ©. Ă€ la suite d'une action au civil, dĂ©clenchĂ©e par Beulah Mae Donald, mère de Michael, pour la première fois de l'histoire le Klan est condamnĂ© comme responsable de la mort du jeune Michael Donald et doit verser une indemnitĂ© du montant de 7 000 000 $[100] - [101] - [102].

En 2018, le National Memorial for Peace and Justice, un mémorial pour les victimes de lynchages afro-américaines, est ouvert dans la ville de Montgomery[103].

Arkansas

Les lynchages, en Arkansas comme d'autres États du sud des États-Unis, ont frappĂ© principalement des minoritĂ©s ou des personnes marginalisĂ©es, comme les Afro-AmĂ©ricains, les Juifs , les immigrants, les homosexuels et des criminels supposĂ©s ou avĂ©rĂ©s. Richard Buckelew, professeur de sciences sociales Ă  l'universitĂ© Bethune-Cookman, dans sa thèse Racial Violence in Arkansas: Lynching and Mob Rule publiĂ©e en 1999, fait Ă©tat de 318 lynchages en Arkansas, dont 231 Ă©taient dirigĂ©s contre des Afro-AmĂ©ricains, mais des recherches supplĂ©mentaires depuis lors ont rĂ©visĂ© le nombre Ă  la hausse. La première mention d'un lynchage en Arkansas date de 1836 : la victime Ă©tait un Afro-AmĂ©ricain du nom de Bunch accusĂ© d'avoir agressĂ© un Blanc[104] - [105] - [106].

Pendant longtemps, l'historiographie considérait qu'avant la guerre de Sécession, la pratique de la loi de Lynch s'appliquait aux criminels blancs pour imposer un minimum d'ordre pour suppléer les carences de représentants de la justice et de la police et que les Afro-Américains, du fait de leur statut d'esclaves qui les réduisait à être des propriétés, étaient rarement lynchés. Thèse remise en question : une étude de 2018 sur les lynchages d'esclaves a révélé qu'il y a eu plus d'esclaves que de Blancs lynchés dans l'Arkansas avant la guerre de Sécession. Après la guerre, des « petits Blancs » se sont regroupés en bandes de Whitecappers (en) ou de Night Riders (en) qui, pour contrer la concurrence des Afro-Américains fraîchement émancipés, ont pratiqué des actes de lynchages pour les faire fuir[107] - [108]. Dans un cas survenu le long des limites du comté de Jefferson, des fermiers noirs ont été chassés de leurs terres en janvier 1905 par un groupe de Blancs pauvres. La même année, toujours dans les comtés de Jefferson et de Lonoke, les Blancs ont averti les travailleurs migrants hispaniques de quitter la région sous peine de subir de violences. Si on examine la liste des lynchages, on voit qu'un des buts des actes de lynchage était de reléguer les Afro-Américains aux marges de la société par le terrorisme en les cantonnant à des emplois sous-valorisés. Les motifs des lynchages montrent une obsession sexuelle pour protéger la femme blanche de la « bête noire » ; ainsi, un Afro-Américain pouvait être lynché à mort simplement pour un regard, pour un mot de trop, pour avoir oser flirter avec une Blanche, etc.[106].

Californie

L'universitĂ© Tuskegee a recensĂ© qu'entre 1882 et 1968, il y a eu 43 actes de lynchage. Parmi les victimes, on compte seulement deux Afro-AmĂ©ricains, les 41 autres cas concernent des Blancs, des Hispaniques et Latino-AmĂ©ricains ou des Chinois[97] ; en cela, la Californie est une exception. Ă€ ces actes, il faut rajouter qu'entre 1848 et 1860, 163 Mexicains ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s par lynchage[109].

Le , une foule de 500 personnes blanches et hispaniques envahissent le Chinatown de Los Angeles et pendent entre 17 et 20 Chinois. Ce massacre de Chinois de 1871 (en) est l'un des pires actes de lynchages commis aux États-Unis[110] - [111] - [112] - [113].

Après la période de la Reconstruction, la Californie fait partie des quelques États où la pratique du lynchage fut exceptionnelle : on décompte 5 actes de lynchages dont les plus célèbres sont le lynchage des frères Ruggle (en) de 1892[114] et les lynchages de Thomas Thurmond et John Holmes soupçonnés d'avoir kidnappé et assassiné Brooke Hart (en)[115].

Colorado

Entre 1859 et 1919, il y eut 175 exĂ©cutions sommaires par lynchages dans le Colorado. Avant la crĂ©ation de l'État du Colorado en 1876, le lynchage Ă©tait la principale forme de condamnation pour les criminels dans les villes minières du territoire du Colorado, pour les habitants de ces villes, le lynchage comme un aspect de la justice aux frontières, une nĂ©cessitĂ© pour faire respecter la loi et l'ordre, face Ă  des carences de reprĂ©sentants de la loi et de la justice[116].

Caroline du Sud

La Caroline du Sud comptabilise 160 assassinats par lynchages, dont 156 ont frappĂ© des Afro-AmĂ©ricains[97]. Les motivations sont communes aux autres États sudistes : priver les Afro-AmĂ©ricains de leurs droits constitutionnels lĂ©gitimĂ© par une idĂ©ologie issue du racisme pseudo scientifique, faisant une reprĂ©sentation des hommes afro-amĂ©ricains en tant que violeurs, dont la sexualitĂ© animale menaçait la puretĂ© des femmes blanches. Dans cette optique, le lynchage est considĂ©rĂ© comme un moyen de se protĂ©ger et de protĂ©ger plus particulièrement les femmes blanches de l'agression des bĂŞtes noires. La terreur raciale Ă©tait pour les sudistes blancs une chance de rĂ©tablir la sociĂ©tĂ© sudiste dans son Ă©tat d'avant la reconstruction. Le gouverneur de la Caroline du Sud, Benjamin Tillman, sera un tenant de cette idĂ©ologie et que c'est de la responsabilitĂ© des Blancs d'y adhĂ©rer[117].

La Caroline du Sud a été le site de l'un des plus grands lynchages. Le , dans le comté de Barnwell, huit Afro-Américains soupçonnés de délits divers sont extraits de la prison par une bande de personnes masquées, qui les conduit à l'extérieur pour les attacher à des arbres, puis les exécuter[118] - [119].

En 1926, Aiken a Ă©tĂ© le site du lynchage de la famille Lowman. Le shĂ©rif Robinson et ses adjoints, Robert E. McElhaney et Arthur D. Sheppard, tous membres du Ku Klux Klan, font une descente dans la maison d'une famille d'Afro-AmĂ©ricains, les Lowman, suspectĂ©e de fabriquer clandestinement de l'alcool. Lors de la descente, Howard et Annie Lowman sont abattus par le shĂ©rif pour des raisons obscures car il n'a Ă©tĂ© trouvĂ© aucune trace d'alcool. Les membres restants de la famille Lowman sont arrĂŞtĂ©s (Bertha, 27 ans, Demon, 21 ans et Clarence Lowman, 14 ans), c'est alors que le vendredi , une bande dirigĂ©e par le Ku Klux Klan les emmène hors de prison pour les exĂ©cuter. Selon la presse locale, plus d'un millier de personnes ont assistĂ© Ă  la fusillade. MalgrĂ© les preuves contre le shĂ©rif Robinson en tant qu'instigateur du lynchage des Lowman, le gouverneur de Caroline du Sud Thomas G. McLeod et son successeur, John G. Richards, ont refusĂ© toute enquĂŞte et ont maintenu le shĂ©rif dans ses fonctions[120] - [121] - [122] - [123].

Le dernier lynchage en Caroline du Sud a eu lieu le , quand une foule blanche a assassiné Willie Earle, un jeune homme afro-américain qui avait été arrêté car suspecté, sans preuve, du meurtre d'un chauffeur de taxi blanc. Les agents des forces de l'ordre de l'État et du gouvernement fédéral ont mené une enquête approfondie qui a abouti à plusieurs arrestations et à des poursuites contre les accusés. Le meurtre d'Earle est un tournant marquant le déclin du lynchage en Caroline du Sud : c'est la fin d'une période qui avait permis aux Blancs de pratiquer la loi de Lynch impunément sans crainte de représailles[124] - [125] - [126] - [127].

GĂ©orgie

La GĂ©orgie est le second État quant au nombre d'exĂ©cutions par lynchage : il est dĂ©comptĂ©, en 2020, 531 victimes, après l'État du Mississippi qui en compte 581[97]. Au cours des annĂ©es 1880 et 1890, comme d'autres États du sud des États-Unis, la GĂ©orgie va connaĂ®tre une croissance rĂ©gulière des cas de lynchage, dont le pic est atteint en 1899 avec un total de 27 cas signalĂ©s. Entre 1890 et 1900, il y a en moyenne un cas de lynchage par mois. La frĂ©quence des cas de lynchage diminue au cours de la première dĂ©cennie du XXe siècle, mais en 1911, les lynchages reprennent avec 19 GĂ©orgiens tuĂ©s par lynchages. Après une autre annĂ©e record en 1919, la tendance Ă  la pratique des lynchages est Ă  la baisse, de 1927 Ă  1929, il n'est rĂ©pertoriĂ© aucun cas de lynchage. Après 1930, les cas de lynchages vont ĂŞtre sporadiques. La majoritĂ© (95 %) des victimes assassinĂ©es par la loi de Lynch sont des Afro-AmĂ©ricains, ils ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s principalement par des foules blanches, mais il existe des preuves qui montrent que 12 des 435 victimes afro-amĂ©ricaines ont Ă©tĂ© Ă©galement assassinĂ©es par des foules afro-amĂ©ricaines. 5 % des victimes de lynchages de la GĂ©orgie Ă©taient des Blancs, mais aucune d'entre elles n'a Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©e par des Afro-AmĂ©ricains. Selon les articles de journaux, la justification la plus courante des lynchages Ă©tait le meurtre prĂ©sumĂ© d'une personne blanche, la deuxième justification la plus frĂ©quente Ă©tait le prĂ©tendu viol ou tentative de viol d'une femme blanche, dans certains cas, les victimes de lynchage Ă©taient accusĂ©es de « crimes raciaux », c'est-Ă -dire de violation des lois de sĂ©grĂ©gation, dites lois de Jim Crow[128] - [129].

Parmi les lynchages les plus spectaculaires dans la violence, on peut citer trois cas :

  1. Le cas d'Eli Cooper qui est enlevé une nuit de la fin de l'été 1919, par quinze ou vingt hommes blancs de son domicile à Cadwell dans le comté de Laurens et qui l'ont conduit dans l'église afro-américaine de Petway dans le comté de Dodge, là, le gang de tueurs a tiré sur Cooper, mis le feu à l'église et a jeté son corps dans les flammes. Selon le journal Atlanta Constitution, le crime d'Eli Cooper était d'avoir dénoncé la discrimination raciale et donc on lui a prêté l'intention de fomenter une soulèvement contre les Blancs[130] - [131] - [132] .
  2. Le cas de Sam Hose (alias Sam Holt) près de Newnan dans le comté de Coweta, dont le lynchage a eu lieu le . Sam Hose, accusé sans preuve du meurtre de son employeur Alfred Cranford, un homme blanc, est en prison ; c'est alors qu'une foule de cinq cents à deux mille personnes l'extrait de sa geôle pour le conduire dans un champ ; après l'avoir ligoté à un arbre, des lyncheurs l'ont torturé et mutilé, puis alors qu'il est encore vivant, l'aspergent d'essence et y mettent le feu. Sam Hose meurt dans d'horribles convulsions[133] - [134] - [135].
  3. Le cas de Mary Turner dans le comté de Brooks en Géorgie est certainement le plus barbare et va défrayer la chronique. Mary Turner est l'épouse de Hayes Turner, un ouvrier agricole qui a été suspecté à tort d'avoir tué son patron Hampton Smith et qui fut exécuté sommairement à la suite d'une chasse à l'homme. Le 19 mai 1918, Mary Turner, alors en fin de grossesse, parce qu'elle a tenté vainement de s'opposer au meurtre de son époux, va être pendue la tête en bas à un arbre, puis aspergée d'essence et d'huile à moteur et incendiée. Alors que Mary Turner est encore vivante, un des lyncheurs l'éventre avec un coutelas et arrache le fœtus qui est alors piétiné et écrasé au sol, puis la foule crible le corps de Mary Turner d'une centaine de balles[136] - [137] - [138] - [139] - [140].

Mississippi

Triptyque du mémorial consacré à la mémoire d'Emmett Till

Le Mississippi est en tĂŞte du nombre de lynchages pratiquĂ©s, l'universitĂ© Tuskegee a recensĂ© qu'entre 1882 et 1968, 581 actes de lynchages, les victimes se rĂ©partissent de la manière suivante 42 Blancs et 539 Afro-AmĂ©ricains.

En 1835, à Vicksburg, des joueurs quittent les festivités de célébration du 4 juillet, des citoyens scandalisés somment les joueurs de quitter la ville, il s'ensuit une échauffourée qui provoque un mort dans la foule, la loi de Lynch s'applique aussitôt, la foule pend cinq joueurs. Le journal local a justifié l'action en se plaignant que les tribunaux étaient trop faibles et en suggérant que « la société… ne peut parfois être purifiée que par une tempête ». Il est à noter que toutes victimes étaient des Blancs[141].

Deux lynchages produits au Mississippi au XXe siècle vont défrayer la chronique : l'assassinat d'Emmett Till en 1955[142] - [143] et le triple meurtre de la Freedom Summer de 1964[144] - [145] - [146].

Funérailles de Vernon Dahmer.

D'autres lynchages vont frapper des militants des droits civiques, parmi ces victimes citons Charles Eddie Moore, un étudiant, et Henry Hezekiah Dee, un employé d'une minoterie qui sont enlevés, torturés et battus à mort par des Klansmen en 1964, parce que soupçonnés d'appartenir au mouvement des droits civiques[147] - [148], Clarence Triggs (en) assassiné d'une balle dans la tête dans une voiture abandonnée à Bogalusa dans le Mississippi en 1966[149] - [150], Vernon Dahmer (en) un des leaders du mouvement des droits civiques et président de la section de la NAACP de Hattiesburg dans le Mississippi qui décède en 1966 à la suite d'un attentat du Klan dirigé contre lui et sa famille[151].

Missouri

En dehors des États du Sud comme le Mississippi, la GĂ©orgie ou le Texas, le Missouri est le deuxième État après l'Oklahoma oĂą ont Ă©tĂ© recensĂ©s des cas de lynchages. L'association Equal Justice Initiative (en) de Montgomery fait Ă©tat de 60 cas de lynchage contre des Afro-AmĂ©ricains, chiffre proche des donnĂ©es de l'UniversitĂ© de Tuskegee qui pour la pĂ©riode allant de 1882 Ă  1968 comptabilise 122 cas dont 69 envers des Afro-AmĂ©ricains[152] - [97].

Parmi les différents assassinats par lynchage, sont indiqués un certain nombre de cas remarquables par leur violence.

En 1836 à Saint-Louis, une foule a brûlé vif Francis McIntosh (en), un Afro-Américain libre, après qu'il a eu été soupçonné d'avoir tué un officier de police blanc[141] - [153].

Le Ă  Pierce City, le corps d'une jeune femme blanche de 23 ans est retrouvĂ© la gorge tranchĂ©e, mais il n'y avait aucune preuve qu'elle ait Ă©tĂ© violĂ©e. William Godley, un Afro-AmĂ©ricain est arrĂŞtĂ© et accusĂ© du meurtre et viol de la victime sur simple prĂ©somption liĂ© au fait qu'il avait Ă©tĂ© dix ans plus tĂ´t condamnĂ© pour le viol d'une femme blanche, sur la base d'une identification douteuse. William Godley est extrait de la prison de la ville par une foule d'hommes blancs et lynchĂ©. Cela aurait pu s'arrĂŞter lĂ  comme d'autres lynchages « ordinaires », mais des rumeurs circulent qui vont enflammer la foule, rumeurs selon lesquelles un Afro-AmĂ©ricain aurait tentĂ© de tirer sur les lyncheurs, la foule dĂ©ferlent dans le quartier noir de Pierce City, pendant de 15 heures elle y sème la terreur, tuant au passage le grand père de William Godley, et un jeune Peter Hampton abattu et brĂ»lĂ© vif dans sa maison. Les rĂ©sidents afro-amĂ©ricains ont dĂ» fuir pour sauver leur vie, c'est ainsi que la population noire du comtĂ© de Lawrence est passĂ©e de 400 habitants au dĂ©but du siècle Ă  seulement 91 habitants en 1910[154] - [155] - [156] - [157].

Le Ă  Springfield, deux Afro-AmĂ©ricains, Horace Duncan et Fred Coker, sont accusĂ©s sans preuve d’être les auteurs d'une agression sexuelle. Bien qu'ils aient eu des alibis confirmĂ©s par leurs employeurs, une foule a refusĂ© d'attendre un procès, selon un scĂ©nario bien connu, ils pĂ©nètrent avec effraction dans la prison pour s’emparer d'eux. Ils sont livrĂ©s Ă  une foule de 5 000 personnes vocifĂ©rant « Pendons-les ! BrĂ»lons-les ! », ils sont conduits sur la place centrale et pendus Ă  une balustrade, sous leurs pieds on allume un feu, ils sont brĂ»lĂ©s vifs et sont achevĂ©s par une fusillade. Dans la foulĂ©e la meute des lyncheurs poursuit Will Allen, accusĂ© sans preuves d'un meurtre rĂ©cent, et lui aussi est pendu Ă  la mĂŞme balustrade. La police et les autoritĂ©s du comtĂ© n’ont rien fait pour empĂŞcher ces lynchages. Les journaux ont rapportĂ© plus tard que Horace Duncan et Fred Coker Ă©taient innocents de l'allĂ©gation de viol[158].

Oklahoma

Ă€ l'Ă©chelle nationale, le lynchage a augmentĂ© chaque annĂ©e de 1866 aux annĂ©es 1880, a culminĂ© en 1892 et a progressivement diminuĂ©, Ă  l'exception d'une recrudescence pendant la Peur rouge de 1919–20. Dans l'Oklahoma, le lynchage a gĂ©nĂ©ralement suivi la tendance nationale. Des enquĂŞtes menĂ©es par l'Institut Tuskegee, la NAACP et divers chercheurs identifient environ 147 dĂ©cès par lynchage enregistrĂ©s de 1885 Ă  1930 (des dizaines d'autres sont probablement restĂ©s ignorĂ©s). Le dĂ©compte est le suivant 77 Blancs, 50 Afro-AmĂ©ricains, 14 AmĂ©rindiens, un Chinois et cinq d'origine inconnue. En Oklahoma, la pendaison Ă©tait la forme la plus courante, et de façon exceptionnelle Ă©tait pratiquĂ© la mort par le bĂ»cher[159].

Dans la pĂ©riode, de 1885 Ă  1907, la plupart des victimes de lynchages en Oklahoma Ă©taient des Blancs, lynchĂ©s principalement en tant que voleurs. Au cours de ces annĂ©es, 106 personnes ont Ă©tĂ© lynchĂ©es pour des activitĂ©s criminelles prĂ©sumĂ©es parmi ces victimes on dĂ©compte 71 Blancs, 17 Afro-AmĂ©ricains, 14 AmĂ©rindiens, un Chinois et trois d'origine inconnue.

Après 1907, le lynchage entre dans une période plus raciste. Si les chiffres diminuent, en revanche les victimes sont presque exclusivement noires, le lynchage étant un moyen avec les lois Jim Crow pour réduire la place des Afro-Américains dans la vie civile et économiques pour les cantonner à des rôles dévalorisés socialement. La plupart de ces actes criminels se sont produits de 1908 à 1916, les motifs sont les soupçons de meurtre, de complicité de meurtre, de viol et de tentative de viol . Le dernier lynchage enregistré dans l'Oklahoma a eu lieu à Chickasha en 1930.

Le lynchage est une des manifestations de la violence raciale qui existait dans l'Oklahoma du dĂ©but du XXe siècle envers les Afro-AmĂ©ricains, une autre manifestation Ă©tait la whipping party / fĂŞte du fouet, au cours de laquelle une troupe de Blancs fouettait ou rossait un Afro-AmĂ©ricain qui Ă©tait soupçonnĂ© d'une infraction quelconque. En 1922, selon le gouverneur de l'Oklahoma Jack C. Walton (en), 2 500 fĂŞtes du fouet ont eu lieu. Une autre manifestation Ă©tait l'Ă©meute raciale dont le but Ă©tait de chasser les Afro-AmĂ©ricains d'une ville, des Ă©meutes de ce genre ont eu lieu Ă  Berwyn en 1895, Ă  Lawton en 1902 et Ă  Boynton en 1904, Ă  Henryetta en 1907, et Ă  Dewey (Oklahoma) en 1917. Ce genre d'Ă©meute atteint son paroxysme avec le massacre de Tulsa oĂą une foule de Blancs attaquèrent les habitants et les entreprises de la communautĂ© afro-amĂ©ricaine faisant entre 50 et 300 morts afro-amĂ©ricains.

La violence cesse après 1930, cela est dû à plusieurs facteurs, le changement de l'opinion chez les Blancs, l'émergence d'une presse afro-américaine organisant la résistance aux actes de lynchages et leur dénonciation, le poids grandissant de la NAACP, et l'influence de la branche de l'Oklahoma de l'Association of Southern Women for the Prevention of Lynching (en) qui a œuvré pour que les femmes blanches découragent leurs époux à participer à ce genre de violence[160] - [161] - [162] - [163] - [164].

Tennessee

Entre la fin de la pĂ©riode de la Reconstruction et les annĂ©es 1950, on estime qu'il y a eu un plus de 230 lynchages au Tennessee[165]. Des lynchages ont eu lieu dans soixante-dix comtĂ©s sur les 95 comtĂ©s de l'État du Tennessee. Le comtĂ© de Shelby est tristement connu pour le nombre de lynchages[166]. Parmi les 18 actes de lynchages recensĂ©s un acte est Ă  noter, c'est le lynchage de Ell Persons, qui a eu lieu le Ă  Memphis[167]. Ell Person, soupçonnĂ© d'avoir tuĂ© Ă  la hache une jeune femme blanche de seize ans, qui aurait avouĂ© après un interrogatoire brutal, a Ă©tĂ© brĂ»lĂ© vif en prĂ©sence de cinq mille hommes, femmes et enfants dans une ambiance festive, son cadavre fut dĂ©pecĂ© et ses restes dispersĂ©s, des photographies ont Ă©tĂ© prises et ont servi de cartes postales[168] - [169]. Dans le comtĂ© d'Obion 17 lynchages ont Ă©tĂ© dĂ©nombrĂ©s, parmi ceux-ci on peut retenir le lynchage de George Smith qui a lieu en avril 1931 Ă  Union City, George Smith Ă©tait soupçonnĂ© d'avoir agressĂ© une chanteuse blanche, alors qu'il Ă©tait emprisonnĂ©, une foule a fait irruption dans les locaux du shĂ©rif pour se saisir de lui et l'a pendu Ă  un arbre, pendant son exĂ©cution la foule chantait[170] - [171] - [172]. Le comtĂ© de Davidson a enregistrĂ© trois lynchages, le comtĂ© de Hamilton quatre, dans le comtĂ© de Madison en sont recensĂ©s deux rien que pour la ville de Jackson[165], etc.[173]. Les journaux locaux dĂ©crivaient frĂ©quemment une atmosphère de spectacle ou de fĂŞte qui accompagnait les lynchages. Les invitations Ă  participer ou assister Ă  un lynchage Ă©taient imprimĂ©es dans les journaux ou diffusĂ©es de bouche Ă  oreille par les conducteurs de chemin de fer[174].

Les victimes afro-américaines, les hommes comme les femmes, ont été régulièrement torturées comprenant des énucléations, des oreilles et des nez tranchés, des mutilations des doigts et des orteils, qui devenaient autant de trophées. Les foules de Lynch utilisaient des tire-bouchons pour déchirer la chair et des pinces pour extraire les dents. Les hommes afro-américains étaient souvent castrés et les femmes afro-américaines étaient généralement violées, alors que selon les témoignages, les hommes blancs victimes de lynchage n'ont jamais subis de torture avant leur exécution, ni les femmes blanches violées[175].

Comme dans les autres états du Sud les motivations sont le contrôle social des Afro-Américains en les privant notamment de leurs droits constitutionnels, de les cantonner dans des emplois sous valorisés et en limitant leurs interactions avec la population blanche au strit minimum, cela légitimé par une idéologie issue du racisme pseudo scientifique, animalisant les hommes afro-américains en tant que violeurs, mettant en danger la pureté des femmes blanches.

Les efforts anti lynchage comprenaient ceux du journaliste afro-américain Timothy Thomas Fortune et d'Ida B. Wells[176] - [177] - [178], En 1897, le Tennessee est devenu l'un des trois États avec le Kentucky et le Texas à adopter une loi faisant du lynchage un crime[179].

Texas

Le Texas fait partie des trois États avec le Mississippi et la GĂ©orgie Ă  compter le plus grand nombre d'actes de lynchages. Entre 1885 et 1942 la Texas State Historical Association a recensĂ© 468 personnes exĂ©cutĂ©es par lynchages, dont 339 Afro-AmĂ©ricains, 77 Blancs, 53 Hispaniques et un AmĂ©rindien[180] et si on Ă©largit la pĂ©riode de 1882 Ă  1968, l'universitĂ© Tuskegee fait Ă©tat de 493 lynchages ayant tuĂ© 141 Blancs et 352 Afro-AmĂ©ricains[97].

Durant la pĂ©riode prĂ©cĂ©dant la guerre de SĂ©cession, les comitĂ©s de vigilance ont largement pratiquĂ© la loi de Lynch après des parodies de justice. Les condamnations allait de la flagellation Ă  la pendaison, on dĂ©nombre 140 pendaisons. Les vigilants du comtĂ© de Shelby, ont lynchĂ© Ă  mort au moins dix personnes pendant la Regulator–Moderator War (en) de 1840-1844. Les vigilants du comtĂ© de San Saba, membres du Ku Klux Klan ont fait vingt-cinq victimes entre 1880 et 1896[180].

Quelques cas de lynchages sont à retenir soit par leur caractère de tuerie de masse, soit par leur violence hors normes :

  1. Les tensions gĂ©nĂ©rĂ©es par la guerre de SĂ©cession ont causĂ© le plus grand lynchage de masse de l'histoire de l'État du Texas, passĂ© dans l'histoire sous le nom de la Grande pendaison de Gainesville, oĂą 41 unionistes ont Ă©tĂ© pendus en octobre 1862 et deux autres abattus parce qu'ils voulaient Ă©chapper Ă  la corde[181] - [182] - [183].
  2. Le s'est produit Ă  Slocum (en) ce qui est passĂ© Ă  la postĂ©ritĂ© sous le nom de massacre de Slocum (en). La cause serait une rumeur infondĂ©e prĂ©tendant qu'Ă  la suite du lynchage d'un Afro-AmĂ©ricain dans le comtĂ© voisin de Cherokee, d'autres se seraient rĂ©unis Ă  Slocum pour prĂ©parer des reprĂ©sailles armĂ©es. La tension est montĂ©e d'un cran, lorsqu'un fermier blanc, Jim Spurger, aurait cherchĂ© Ă  recouvrer une dette contestĂ©e auprès d'un fermier afro-amĂ©ricain respectĂ© nommĂ© Abe Wilson et qu'il aurait sollicitĂ© d'autres Afro-AmĂ©ricains pour lui venir en aide. Une confrontation Ă©clate, Jim Spurger est Ă©conduit et il va de plaindre au village que des Afro-AmĂ©ricains l'avaient menacĂ©, l'agitation gronde et une foule de Blancs armĂ©s se rend dans les zones habitĂ©es par les Afro-AmĂ©ricains. Leur premières victimes sont trois adolescents Charlie Wilson, Cleve Larkin et Lusk Holley. Cleve Larkin est tuĂ©, les deux autres blessĂ©s s'enfuient dans les marais, Lusk Holley y dĂ©cède des suites de sa blessure. Puis la foule tire Ă  vue sur les Afro-AmĂ©ricains et incendient leurs maisons. La plupart des victimes sont abattues ou blessĂ©es par une balle dans le dos, aucune d'entre elles n'Ă©taient armĂ©es. Le bilan est incertain, selon les sources ce lynchage de masse aurait tuĂ© entre 8 et 22 Afro-AmĂ©ricains et le nombre de blessĂ©s Ă  200[184] - [185] - [186] - [187].
    Lynchage de Jesse Washington Ă  Waco (Texas)
  3. Le 15 mai 1916, Ă  Waco dans le comtĂ© de McLennan, a lieu le lynchage de Jesse Washington, un jeune afro-amĂ©ricain illettrĂ© âgĂ© de 17 ans. Il est soupçonnĂ© d'avoir violĂ© et tuĂ© Lucy Fryer, une femme blanche de 53 ans le . Jesse Washington est soupçonnĂ© parce que lui et son frère William travaillent comme ouvriers agricoles Ă  la ferme Fryer depuis janvier 1916. Lors d'un premier interrogatoire Jesse Washington nie tout en bloc, mais le fait que lors de son arrestation il portait une blouse tachĂ©e de sang, il est retenu en prison. Le , pour Ă©viter un lynchage, le shĂ©rif du comtĂ© de McLennan, Samuel S. Fleming, envoie Jesse Washington Ă  Hillsboro, une petite ville Ă  56 kilomètres de Waco. LĂ  bas, Jesse Washington est Ă  nouveau interrogĂ© et il avoue le meurtre et indique oĂą il a cachĂ© l'arme du crime un marteau et il signe ses aveux avec un X. Le shĂ©rif Fleming retourne Ă  Waco et entreprend des fouilles sur la ferme des Fryer et dĂ©couvre le marteau Ă  l'endroit indiquĂ© par Jesse Washington ce qui ne laisse plus aucun doute sur sa culpabilitĂ©. L’annonce de la nouvelle dans la presse locale enflamme la population de Waco, une foule de 500 personnes se prĂ©sente devant les locaux du ShĂ©rif pour lui demander de le lui livrer afin de « faire justice », mais elles en sont pour leurs frais puisque Jesse Washington est Ă  Hillsboro. Le procès a lieu le Ă  Waco, après une dĂ©libĂ©ration du jury de quatre minutes, Jesse Washington est dĂ©clarĂ© coupable et condamnĂ© Ă  la peine capitale. Ă€ la fin de la lecture du verdict, une foule pĂ©nètre dans le tribunal et s'empare de Jesse Washington. Il est enchaĂ®nĂ© et traĂ®nĂ© vers un endroit oĂą est prĂ©parĂ© un bĂ»cher, pendant la procession la foule arrache ses vĂŞtements, le larde de coups de couteaux et lui jette des pierres, des moellons, etc. La foule le conduit Ă  l'arbre au-dessus du bĂ»cher, arrose son corps de pĂ©trole et le pend au-dessus des flammes. Une fois mort il est dĂ©membrĂ©, le reste de son cadavre carbonisĂ© est traĂ®nĂ© par un cheval jusqu'Ă  ce que sa tĂŞte se dĂ©colle de son buste, ses restes sont suspendus au-dessus d'un atelier de forgeron devant le quartier des Afro-AmĂ©ricains en guise d'avertissement. On estime qu'il y a eu entre 15 000 Ă  20 000 spectateurs pour assister au lynchage. L'horreur de ce lynchage a dĂ©frayĂ© la chronique jusqu'Ă  la presse internationale, ce qui a eu pour consĂ©quence un renforcement des mouvements rĂ©clamant la pĂ©nalisation des lynchages et la poursuite de leurs instigateurs[188] - [189] - [190] - [191] - [192].

Virginie

Les lynchages existaient dans la Virginie dès la période coloniale et pendant la guerre d'Indépendance comme méthode de châtiment d'un crime supposé ou avéré en dehors de toute procédure judiciaire régulière. Durant cette période, ce sont principalement des Blancs loyalistes qui en sont victimes et les sentences étaient moins meurtrières qu'après la guerre de Sécession. Au cours du XIXe siècle, il y a eu 147 incidents de type lynchage, en 1835 l’application de la loi de Lynch causa la mort de soixante et onze personnes. Environ 40% de ces lynchages était le fait de tensions liées à l'esclavage, qui en Virginie se sont intensifiées après la révolte des esclaves menées par Nat Turner en 1831. À peine deux semaines après le soulèvement, un homme du nom de Robinson a été déshabillé et fouetté à mort à l'extérieur de Petersbourg pour avoir dit en privé que l'esclavage était une erreur pernicieuse. En 1835, un Anglais du même nom, Robertson, accusé d'être un abolitionniste fut lynché presque à mort, ayant peut-être été confondu avec l'homme cité plus haut. D'autres violences pourraient être attribuées à l'augmentation de l'immigration et aux conflits religieux qui en résultent.

Le lynchage, ou loi de Lynch, commence à prendre de l'ampleur en Virginie à partir de 1880, où après la période de la reconstruction les Virginiens blancs veulent contrôler la population afro-américaine. Les lynchages se produisent à la suite d'un crime, d'un crime présumé ou de tout incident à caractère raciste dans une région. Grâce à la complicité des autorités locales les lynchages n'étaient presque jamais poursuivis. Au début de 1880, Page Wallace, un Afro-Américain qui s'est évadé de la prison de Leesburg, est soupçonné d'avoir violer une femme blanche, et un journal local titre « Un nègre de Virginie qui sera lynché s'il est capturé ». Plus tard, ce même journal annonce que Wallace « se balance aux branches d'un sycomore »[193].

Il ne sera pas le seul. En 1993, l'historien W. Fitzhugh Brundage (en) dans son essai Lynching in the New South: Georgia and Virginia, 1880-1930 a estimĂ© que 86 personnes ont Ă©tĂ© lynchĂ©es Ă  mort en Virginie entre 1880 et 1930, dont 71 Afro-AmĂ©ricains[193].

Le meurtre de Wallace, quant Ă  lui, est emblĂ©matique dans son dĂ©roulement. La foule qui s'est emparĂ© de lui comptait environ 150 hommes, effectif semblable Ă  environ 40% des foules pratiquant le lynchage en Virginie entre 1880 et 1930. Et comme dans presque tous les cas la foule extrait la victime de la prison et comme beaucoup de lynchages, celui-ci a Ă©tĂ© effectuĂ© dans un lieu symbolique: le site oĂą le crime prĂ©sumĂ© avait eu lieu.

Environ trente-quatre des quatre-vingt-six lynchages dénombrés par Brundage entre 1880 et 1930 impliquaient, comme Wallace, des accusations de viol ou de tentative de viol contre des femmes blanches, un crime auquel les Blancs pensaient que les Afro-Américains étaient particulièrement sujets. De telles attitudes découlaient de deux préjugés bien enracinés dans le sud : diaboliser les Noirs et défendre l'honneur des femmes blanches. Ces préjugés conduisent directement à des lynchages. La définition du viol était large, avec la simple présence d'un homme noir avec une femme blanche solitaire générant une accusation et une éventuelle sanction.

Comme ce fut le cas avec Page Wallace, la presse blanche applaudit souvent les lynchages. Lorsqu'un Afro-Américain du nom de Joseph McCoy a été accusé d'avoir violé une fille blanche à Alexandrie puis lynché à mort la Gazette d'Alexandria a justifié le meurtre et la castration qui a en suivi en arguant que les actions de McCoy « ont naturellement suscité la juste indignation de la communauté, et alors que tous croient en la loi et l'ordre[...] le sentiment général a été que le démon a rencontré sa juste récompense. »[141].

Loi de Lynch dans la culture

Extension du sens premier dans le langage familier

Par extension, le mot lynchage et le verbe lyncher sont aussi employés de nos jours pour qualifier un passage à tabac en réunion, même si celui-ci n'a pas provoqué la mort de la victime devenant un synonyme d'écharper, de malmener, brutaliser, molester une personne qu’on a prise à partie ou de façon plus rare, des formes de harcèlement verbal, notamment celles du lynchage médiatique[194] - [195] - [196] - [197] pour lesquelles, on emploie de plus en plus le néologisme bashing[198].

Par facilité de langage, lynchage et lyncher sont aussi employés pour désigner des exécutions sommaires dans des contextes étrangers à son contexte historique premier devenant un mot valise pour désigner toutes les formes de « justice » expéditive de façon indistincte[199] - [200].

Monument historique

The National Memorial for Peace and Justice.

En 2018, s'ouvre le mĂ©morial The National Memorial for Peace and Justice (en) Ă  Montgomery (Alabama) oĂą sont gravĂ©s les 4 000 noms d'Afro-AmĂ©ricains assassinĂ©s par des actes de lynchage[201] - [202]

Cinéma

La thématique du lynchages sont courants dans les westerns, parmi ceux-ci ont peut citer[203] - [204]

Bien que le lynchage prenne une grande place aux côtés des westerns, le lynchage a été adopté par bien d'autres films, qui sont des drames sociaux ou des films noirs.

Chanson

La chanson Strange Fruit, interprétée par Billie Holiday à partir de 1939, a contribué à rappeler à l'opinion publique que la pratique du lynchage continuait[205].

Danse

Dans les années 1930, le New Dance Group se bat contre la ségrégation et dénonce le lynchage des noirs dans le Sud[206].

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

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