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Auto-justice

L’auto-justice, ou vigilantisme, est le fait de faire exercer la loi ou un code moral particulier de maniĂšre gĂ©nĂ©ralement collective, violente, secrĂšte et en dehors de toute procĂ©dure judiciaire lĂ©gale[1] - [2].

Charles Cora et James Casey sont lynchés par le comité de vigilance de San Francisco, 1856.

Quelqu'un qui agit de cette maniĂšre est appelĂ© auto-justicier ou justicier, voire vigilante (anglicisme dĂ©rivĂ© du nom latin Vigiles Urbani donnĂ© aux veilleurs de nuit de la Rome antique qui Ă©taient chargĂ©s de combattre le feu et arrĂȘter les esclaves en fuite et les mendiants).

Dans la société occidentale moderne, le terme est fréquemment appliqué aux citoyens qui « exécutent la loi de leurs propres mains » quand ils pensent que les actions de l'autorité légale sont insuffisantes. Un regroupement d'auto-justiciers peut donner lieu à la création d'un groupe d'autodéfense, appuyé ou non par le gouvernement.

Le vigilantisme est condamnĂ© par la loi quand il donne lieu Ă  un comportement criminel. Dans certains cas, la volontĂ© d'imposer les valeurs d'un groupe Ă  tous les individus de la sociĂ©tĂ© peut mener Ă  des groupes de haine ou des organisations comme la Sombra Negra. Aux États-Unis au dĂ©but de XIXe siĂšcle, l'auto-justice prit la forme de lynchages.

Origine

Le terme prend son origine dans les Vigilance Comittees apparus au dĂ©but du XIXe siĂšcle aux États-Unis. Le terme est directement empruntĂ© Ă  l'espagnol vigilantes[2]. Il possĂšde dĂšs lors plusieurs acceptions et les autojusticiers sont autant portĂ©s au maintien de l'ordre qu'Ă  la dĂ©fense du territoire amĂ©ricain contre les intrusions Ă©trangĂšres Ă  l'ouest, avant de devenir une marque du Sud antiabolitionniste. Il existe par la suite des comitĂ©s semblables du cĂŽtĂ© abolitionniste pour lutter contre les chasseurs d'esclaves[2].

Cadre légal

L'auto-justice Ă©tant le fait de se substituer Ă  la justice d'État, il convient de dĂ©finir au prĂ©alable en quoi consiste la justice d'État. Cela peut varier selon les pays.

Une action de justice est décomposable en trois parties :

  • une partie enquĂȘte pour rechercher les Ă©lĂ©ments concernant le prĂ©judice ou la faute (voir aussi police judiciaire) ;
  • un procĂšs, dĂ©terminer le responsable du prĂ©judice ou de la faute, ainsi que la nature exacte et l'ampleur du prĂ©judice ou de la faute ;
  • l'exĂ©cution de la peine si le coupable est dĂ©terminĂ© et condamnĂ©.

Selon les pays, les Ă©tapes de la justice peuvent ĂȘtre du ressort de l'État — service public — ou bien de la victime ou de son entourage, qui peut s'appuyer le cas Ă©chĂ©ant sur des dĂ©tectives privĂ©s ou des avocats.

EnquĂȘte

Dans le domaine civil, c'est à chaque partie d'apporter les preuves du préjudice et de la responsabilité. L'action individuelle est donc la norme.

Dans le domaine pĂ©nal, l'enquĂȘte est Ă  la charge d'un juge d'instruction et de la police judiciaire. Des preuves peuvent ĂȘtre amenĂ©es par la victime et son entourage, mais l'enquĂȘte exige en gĂ©nĂ©ral de mener des actions interdites Ă  un citoyen, car portant atteinte Ă  la vie privĂ©e et aux diverses libertĂ©s individuelles : retenir une personne contre son grĂ© pour l'interroger (garde Ă  vue), mener une fouille (perquisition).

ProcĂšs

Les procĂšs sont cadrĂ©s par les codes de procĂ©dure pĂ©nale et civile. Un des principes de base est que l'on ne peut pas ĂȘtre juge et partie, la victime et son entourage sont donc rĂ©duits au rĂŽle de tĂ©moin et de partie civile.

Exécution de la peine

La peine est un acte qui est en soi une atteinte Ă  la libertĂ© individuelle. Elle ne peut donc ĂȘtre exĂ©cutĂ©e que par un service de l'État.

Exemples d'auto-justiciers

Allemagne

Marianne Bachmeier est femme allemande devenue cĂ©lĂšbre dans son pays aprĂšs avoir, en 1981, tirĂ© sur et tuĂ© le meurtrier prĂ©sumĂ© de sa fille, dans un acte d'auto-justice, en pleine salle de tribunal de district de la ville de LĂŒbeck oĂč celui-ci Ă©tait jugĂ©.

États-Unis

Dans le contexte des guerres indiennes, des « comités de défense » se livrent au pillage systématique des établissements et campements indiens et au lynchage de tout Indien qui venait à se trouver sur la route des colons[3].

Dans le Kansas des années 1850, l'« Association contre le vol des chevaux » lynche toute personne surprise sur un cheval ne lui appartenant pas[3].

Dans les États sudistes, des groupes de vigilantes se constituent afin de prĂ©venir les rĂ©voltes d'esclaves.

En 1863, aprĂšs un procĂšs long et coĂ»teux contre un chercheur d'or ayant rejoint un groupe de desperados dans le Montana, un groupe de notables de Virginia City se donne pour mission d'Ă©radiquer les coupeurs de chemin. Dans le contexte de la conquĂȘte de l'Ouest qui rend la justice incertaine, ce groupe de justiciers, durant deux ans, arrĂȘte, juge et exĂ©cute entre 15 et 35 individus. Leur succĂšs a Ă©tĂ© assurĂ© par la publication d'un livre de Thomas J. Dimsdale, le premier livre imprimĂ© dans le Montana : The Vigilantes of Montana[2].

Du 20 mars au , Wyatt Earp et Doc Holliday traquent et tuent quatre cowboys dits responsables de la mort de Morgan Earp, ce qui sera connu plus tard sous le nom de Chevauchée de la vengeance de Earp[4].

À la fin des annĂ©es 1800, un groupe d'auto-justiciers appelĂ©s « Ă©trangleurs » lynchent environ 60 voleurs de chevaux et de bĂ©tail au sud-ouest du Dakota du Nord le long du Petit Missouri[5].

En raison de la crise Ă©conomique qui frappe les États-Unis Ă  partir de 1873, les vagabonds sont de plus en plus nombreux et sont persĂ©cutĂ©s par les groupes de vigilantes organisĂ©s par les plus fortunĂ©s. Le vice-prĂ©sident de la Pennsylvania Railroad Alexander Cassat organise sa propre milice pour chasser tous les vagabonds de l’État[3].

Gary Plauché est un Américain connu pour le meurtre en auto-justice, en 1984, de Jeff Doucet, un homme qui avait kidnappé et agressé sexuellement son fils Jody. Le meurtre de Doucet par Plauché fut filmé en direct par une équipe de télévision locale.

Chasse aux pédophiles aux Pays-Bas

En 2020, à la suite d'une émission de télévision mettant en exergue l'étendue du problÚme de pédophilie dans le pays, des personnes décident un peu partout dans le pays de « passer à l'acte ». Elle tendent des piÚges en cherchant à attirer via internet des adultes en se faisant passer pour des enfants disposés à avoir des rapports sexuels. Elles donnent alors rendez-vous à l'adulte pour ensuite, dans certains cas le molester, dans d'autres le dénoncer à la police. Elles se donnent en outre le droit de détruire sa réputation en contactant son employeur, son club de sport, sa famille. Plusieurs personnes sont mortes des suites de cette pratique. Les auto-justiciers disent le faire pour le bien public, sur la base du constat que la police n'est ni assez nombreuse ni assez disponible pour réduire les risques courus par les enfants face aux prédateurs sexuels[6]. Un total de 250 incidents en lien avec le phénomÚne sont recensés en 2020 aprÚs la diffusion du reportage.

Crime d'honneur, notamment au Proche et Moyen-Orient

En Jordanie, une enquĂȘte menĂ©e auprĂšs d'adolescents de la capitale souligne que « quasiment la moitiĂ© des garçons et une fille sur cinq pensent que tuer une fille, une sƓur ou une Ă©pouse qui a dĂ©shonorĂ© ou fait honte Ă  la famille est justifiĂ© »[7]. Si dans ces pays se faire justice soi-mĂȘme en tuant quelqu'un est considĂ©rĂ© comme un crime, il semble que la justice soit trĂšs souvent clĂ©mente. La bande dessinĂ©e L'arabe du futur fait mention de la mĂȘme clĂ©mence en Syrie vis-Ă -vis de ce qui est qualifiĂ© de « crime d'honneur » dans les annĂ©es 90. En 2013, selon la Commission nationale des droits de l’Homme, ce sont prĂšs de 1 000 femmes ou adolescentes qui ont Ă©tĂ© tuĂ©es sous prĂ©texte d’avoir dĂ©shonorĂ© leur famille, le plus souvent en toute impunitĂ©. Ce sont donc presque exclusivement des fĂ©minicides.

À cĂŽtĂ© du meurtre, le vitriolage est une autre forme d'auto-justice qualifiĂ©e de crime d'honneur.

Brésil

En avril 1991, JosĂ© Vicente Anunciação assassine un collĂšgue de travail lors d'une bataille au couteau entre gens ivres Ă  Salvador de Bahia, au BrĂ©sil. Les tĂ©moins du crime ne peuvent pas en fournir la preuve au tribunal. Anunciação est libĂ©rĂ© puis est tirĂ© de son lit la nuit par une bande de 40 personnes qui le battent Ă  mort avec des briques et des bĂątons. Auparavant, une foule de 1 500 personnes avait attaquĂ© et incendiĂ© la prison de ParanĂĄ oĂč Valdecir Ferreira et Altair Gomes Ă©taient dĂ©tenus pour le meurtre d'un chauffeur de taxi[8].

Afrique du Sud

L'organisation citoyenne People Against Gangsterism and Drugs (PAGAD) lutte contre les trafics de drogue et les gangs en Afrique du Sud.

Dans la fiction

Super-héros et auto-justice

Les super-hĂ©ros ont pour vocation de protĂ©ger le reste de la population des criminels. Mais cela peut les amener Ă  violer un grand nombre de lois. La police est souvent mĂ©fiante Ă  leur Ă©gard, d'autant qu'ils refusent entre autres de donner leur identitĂ© aux autoritĂ©s (dans la sĂ©rie Civil War, les États-Unis votent une loi assimilant tout justicier cachant son identitĂ© aux autoritĂ©s Ă  un criminel).

Les comportements des super-hĂ©ros sont assez variĂ©s. Certains n'ont aucun comportement criminel, tel Superman. Spider-Man abandonne les criminels Ă  la police aprĂšs les avoir immobilisĂ©s, avec aussi peu de blessures que possible. Daredevil est dans la bande dessinĂ©e un justicier remettant les criminels Ă  la police. Dans le film, il est bien plus violent, n'hĂ©sitant pas Ă  laisser mourir des criminels dont ses super-pouvoirs lui ont prouvĂ© qu'ils Ă©taient coupables alors que la justice n'a pu les condamner. Le Punisher est en revanche un exemple d'auto-justicier dans la version la plus contestable. Il n'hĂ©site pas Ă  tirer pour tuer sans ĂȘtre en Ă©tat de lĂ©gitime dĂ©fense, et les super-hĂ©ros ont des relations assez ambiguĂ«s avec lui : Captain America et Luke Cage dĂ©sapprouvent les mĂ©thodes du Punisher, mais n'ont jamais cherchĂ© Ă  le faire arrĂȘter. Daredevil et Spider-Man au contraire l'ont combattu pour tenter de le remettre Ă  la justice. Toutefois dans des films comme Avengers : L'Ère d'Ultron, Captain America, Thor et Iron-Man n'hĂ©sitent pas Ă  tuer leurs ennemis en grand nombre.

En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, les hĂ©ros ont pour rĂšgle de ne pas tuer. Cela fait de personnages comme le Punisher des marginaux qui ne peuvent ĂȘtre vraiment qualifiĂ©s de hĂ©ros, mais plutĂŽt d'antihĂ©ros. On notera Ă©galement que le Punisher Ă©volue dans un univers oĂč la justice d'État est imparfaite. Le Punisher exĂ©cute ainsi — entre autres — des criminels qui ont Ă©tĂ© acquittĂ©s faute de preuve, sur un vice de procĂ©dure ou du fait de la corruption d'un reprĂ©sentant de la loi, une problĂ©matique Ă  laquelle les autres super-hĂ©ros sont moins souvent exposĂ©s (le criminel dĂ©posĂ© au commissariat par Spiderman sera effectivement arrĂȘtĂ©, jugĂ© et verra sa peine appliquĂ©e).

DĂ©tail du cas de Batman

Batman a selon les époques et les scénaristes été plus ou moins sombre et ses relations avec la police ont également varié.

La trilogie de films de Christopher Nolan illustre assez bien les limites que Batman doit respecter. Dans Batman Begins, il ne tue pas, mais se montre légÚrement ambigu en abandonnant Ra's Al Ghul dans un véhicule sur le point de s'écraser.

Dans The Dark Knight : Le Chevalier noir, cette question prend encore plus d'importance. Batman dĂ©sapprouve les « imitateurs », c'est-Ă -dire les auto-justiciers apparus Ă  sa suite, mais qui contrairement Ă  lui utilisent des armes potentiellement mortelles. À la fin du film, Batman neutralise le Joker sans le tuer, alors que ce dernier l'avait poussĂ© Ă  bout. En effet, son duel contre le Joker est en partie moral, et Batman aurait partiellement capitulĂ© s'il avait tuĂ© au lieu de livrer le Joker Ă  la justice.

De plus, dans ce film, le Joker rĂ©clame que Batman se livre aux autoritĂ©s, en Ă©change de quoi il cessera ses attaques meurtriĂšres contre la police et la justice. Le procureur Harvey Dent s'oppose Ă  ce que la ville exige l'arrĂȘt des actions de Batman : en effet, selon lui, d'une part les autoritĂ©s n'ont pas Ă  cĂ©der Ă  un chantage d'un terroriste, d'autre part si les actions de Batman pourraient lui valoir d'ĂȘtre inculpĂ©, il n'y a pas lieu pour la justice de s'en prendre Ă  lui tant que les criminels qu'il combat sont le problĂšme principal de la ville.

Cinéma

Les films de rape and revenge en général :

Séries télévisées

  • Arrow
  • Dexter - Dexter Morgan, le protagoniste de la sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e Dexter tue en premier lieu pour assouvir une pulsion, mais choisit ses victimes parmi les criminels ayant Ă©chappĂ© Ă  la justice.
  • Smallville : le concept d'auto-justice est prĂ©pondĂ©rant Ă  partir de la septiĂšme saison.
  • Equalizer
  • Daredevil
  • La Vengeance aux yeux clairs (2016)
  • Le Clown Max Zander Ă©tait policier avant de devenir le Clown un justicier.

Jeux vidéo

Comics

Dans les comics américains :

  • Watchmen, une bande dessinĂ©e mettant en scĂšne un groupe de justiciers, oĂč l'auto-justice et les sentiments ressentis par chacun des hĂ©ros (ou anti-hĂ©ros) ont une place importante.
  • le personnage du Punisher de l’éditeur Marvel Comics, un vigilant qui combat le crime organisĂ©.

Chanson

Notes et références

  1. « PÎle de recherche sur l'analyse du vigilantisme », sur Sciences po (consulté le )
  2. Gilles Favarel-Garrigues et Laurent Gayer, « Violer la loi pour maintenir l’ordre. Le vigilantisme en dĂ©bat », Politix, 2016/3, vol. 115,‎ , p. 7-33 (DOI 10.3917/pox.115.0007)
  3. Frank Browning et John Gerassi, Histoire criminelle des États-Unis, Nouveau monde, , p. 243 ; 304
  4. (en) « Wyatt Earp's Vendetta Posse », History.net (consulté le )
  5. (en) Wyatt Kingseed, « Teddy Roosevelt's Frontier Justice », American History, vol. 36,‎ , p. 22–28
  6. « Aux Pays-Bas, la police dĂ©bordĂ©e par les « chasseurs de pĂ©dophiles » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  7. AFP - Le Monde, « Un jeune jordanien sur trois juge les crimes d'honneur justifiĂ©s », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  8. « Brazil's frontier justice. (lynch mob justice and Brazil's ineffective justice system) », The Economist,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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